A
u Quartier des Muguets, ce jour-là,
disons un jour de mai, le début de
soirée était paisible, si tant est que
puisse être paisible la n d’une journée
harassante : Charles a du travail, il n’économise
pas sa peine. Ce jour-là, à 19 heures 12
exactement (c’est dans le rapport de police),
alors qu’il fume sa cigarette sur un banc en
attendant son bus, Charles voit un cycliste
abimer la carrosserie d’une voiture en passant
trop près de celle-ci. Altercation avec le
propriétaire de la voiture, qui s’emporte contre
le jeune cycliste. Ce jour-là, à 19 heures 15, soit
trois minutes plus tard, Charles Z a frappé à
mort le propriétaire de la voiture.
Un passage à l’acte visiblement, dirait un psy
que nous ne convoquerons pas. Pas plus que
nous ne convoquerons le sociologue de service
pour nous éclairer sur cet acting out. Encore
moins, les moralistes honnêtes ou déshonnêtes
qui déleraient à la barre. Pas de procès, pas de
témoignage judiciaire, pas de focus sur un
« cas », pas de reconstitution du drame. Alors,
quoi ? Nous intéresse en priorité le meurtrier
lui-même.
Nom : Charles Z. (par discrétion nous ne citerons
pas le nom de famille), mais nous pouvons
préciser que Charles n’aime pas son prénom et
qu’il préfère qu’on l’appelle Carlos.
Profession : Ociellement, il est plombier, mais
c’est un homme doué pour tout type de travaux
manuels. Âge : 28 ans / Nationalité : Française.
Et nous intéresse aussi la constellation de ses
proches : père, mère, grand-mère maternelle,
épouse, employeur. Ajoutons encore ce jeune
garçon, étranger à l’aaire qui, sans l’avoir
cherchée, la déclenche.
Ils seront 7 sur scène. Ils prendront longuement
la parole chacun à tour de rôle, sans dialogue
direct. Ce sera pour chacun une traversée de
lui-même, un voyage dans sa réalité, ses secrets,
son monde intérieur.
De la même façon que le meurtrier est plus
que son meurtre, ceux qui sont convoqués à
en parler (père, mère, grand-mère, épouse,
employeur, jeune garçon) ne doivent pas être
enfermés dans le cercle étroit de l’événement
tragique. Ce dernier traverse chaque
personnage, mais les éléments d’explication que
chacun donne en racontent plus sur lui-même
que sur ce qui s’est passé. L’acte de Carlos a
valeur de révélateur pour chacun. Parler de
Carlos, c’est faire remonter à la surface du
non-dit, de l’implicite, de la prise de
conscience, de la nostalgie, du regret, de la
joie, c’est convoquer des vies réelles, des vies
d’aujourd’hui, dans le monde d’aujourd’hui,
dans les contradictions d’aujourd’hui, en
n’oubliant pas qu’une existence est faite de ce
qui arrive et à quoi on doit se plier, mais qu’elle
est faite aussi d’imaginaire, d’illusions
bienfaisantes, d’aspirations inouïes, de rêves,
d’espérances, de croyances, qui arrachent
chacun d’entre nous au terre à terre quotidien.
Mille vies nous traversent, même si nous n’en
vivons que quelques unes. Et il faudra que nos
personnages nous parlent de façon que nous
soyons avec eux, partageant leurs espérances,
leurs désillusions, leur courage ou leur lâcheté
autant que leurs lubies.
Ils sont 7 personnages sur scène, mais le 8
e
,
c’est nous dans la salle, nous qui par notre
écoute chercherons à travers eux notre chemin
personnel. En dénitive, ce portrait de groupe
avec meurtre sera un acte de langage où
chacun d’entre nous pourra s’apercevoir
dans le miroir de 7 singularités.
Le spectacle