Épreuve de français
Examen 2 , juin 2012
Classe :4e
Durée : 3 périodes
Français
Objectifs : Identifier les composantes d’une lettre.
Analyser une lettre argumentative.
Transposer le discours direct en discours indirect et inversement.
Analyser les compléments circonstanciels.
Transposer la voix active en voix passive et inversement.
Identifier un verbe pronominal et une tournure impersonnelle.
Paris, le 15 décembre 1847
Armand mon amour,
Je suis souffrante depuis trois ou quatre jours. Personne n’est auprès de moi, je pense à vous, Armand. Et vous, où
êtes-vous à l’heure où j’écris ces lignes ? Loin de Paris, m’a-t-on dit, et peut-être avez-vous oublié Marguerite. Enfin,
soyez heureux, vous à qui je dois les seuls moments de joie de ma vie. 5
Je ne peux résister au désir de vous donner l’explication de ma conduite. Vous vous rappelez, Armand, comment
l’arrivée de votre père nous surprit à Bougival. Vous vous souvenez de la terreur involontaire que cette arrivée me causa,
de la scène qui eut lieu entre vous et lui.
Le lendemain, pendant que vous étiez à Paris et que vous attendiez votre père qui ne rentrait pas, un homme se
présentait chez moi, et me remettait une lettre de M. Duval. Cette lettre me priait, dans les termes les plus graves, de vous 10
éloigner le lendemain sous un prétexte quelconque et de recevoir votre père. Vous savez avec quelle insistance je vous
conseillai à votre retour d’aller de nouveau à Paris le lendemain.
Vous étiez parti depuis une heure quand votre père se présenta, imbu des vieilles théories, qui veulent que toute
courtisane soit un être sans cœur, sans raison, une espèce de machine à prendre l’or. Il y eut assez de hauteur et de
menaces dans ses premières paroles puis, il se calma un peu, et se mit à me dire qu’il ne pouvait souffrir plus longtemps 15
que son fils se ruinât pour moi ; que j’étais belle, mais que si belle que je fusse, je ne devais pas me servir de ma beauté
pour perdre l’avenir d’un jeune homme par des dépenses comme celles que je faisais. Je lui expliquai que depuis que
j’étais votre maîtresse, je ne vous demandais plus d’argent que vous ne pouviez en donner. Je lui racontai notre bonheur.
Votre père se rapprocha de moi et me dit d’un ton affectueux : « Mon enfant, ne prenez pas en mauvaise part ce
que je vais vous dire. Vous êtes bonne, et votre âme a des générosités. Mais songez qu’à côté de la maîtresse il y a la 20
famille. Mon fils n’a pas de fortune, et cependant il est prêt à vous abandonner l’héritage de sa mère. Depuis six mois
qu’il vous connaît, Armand m’oublie. Enfin, mon enfant, sachez que j’ai une fille, jeune, belle, pure comme un ange. Elle
aime, et elle aussi elle a fait de cet amour le rêve de sa vie. Elle épouse l’homme qu’elle aime. Elle entre dans une famille
honorable qui veut que tout soit honorable dans la mienne et qui, ayant appris comment Armand vit à Paris, m’a déclaré
reprendre sa parole si Armand continuait cette vie. L’avenir d’une enfant qui ne vous a rien fait, et qui a le droit de 25
compter sur l’avenir, est entre vos mains. Avez-vous le droit de le briser ? Au nom de votre amour, Marguerite, accordez-
moi le bonheur de ma fille. »
Je pleurais silencieusement, mon ami. Mais quand je songeais qu’un jour, ce vieillard, qui m’implorait pour
l’avenir de son fils, dirait à sa fille de mêler mon nom à ses prières, comme le nom d’une mystérieuse amie, je me
transformais et j’étais fière de moi. 30
Marguerite Gautier
Alexandre Dumas fils, La Dame aux camélias, 1848.