Toutes ces options ont été envi-
sagées et suggérées par les spé-
cialistes nanciers et moné-
taires, au moment où nos
recettes d’exportation étaient
substantielles avec un prix du
baril moyen de 110 dollars. Les pouvoirs
publics n’en n’ont pas tenu compte. Ils ont
fait le choix, à travers les plans de dévelop-
pement successifs, d’in-
vestir massivement nos
ressources dans des
programmes de réalisation des infrastruc-
tures de base et d’équipements. Aujourd’hui,
toutes ces options, hormis l’investissement
des entreprises algériennes à l’étranger, ne
sont plus envisageables, compte tenu de la
chute des cours du pétrole et de la contrac-
tion de nos recettes extérieures. Pour rappel,
la question de la convertibilité du dinar a été
l’objet de controverse entre spécialistes.
Ouyahia, chef du gouvernement à l’époque,
avait tranché le débat avec un niet catégo-
rique, arguant du risque de fuite de capitaux
à large échelle et de l’impact sur le nance-
ment des programmes de développement
économiques et sociaux. Pour ce qui est de la
création de fonds souverains, Les institu-
tions nancières nationales et notamment la
Banque d’Algérie, de même que les déci-
deurs politiques, ont marqué leur réticence
et se sont fortement opposés à cette option.
Pourtant, Abdelatif Benachenou, ancien
ministre des Finances et proche du prési-
dent de la République, était un fervent
défenseur de l’option de création de fonds
souverains. Car, estimait-il que “20% de nos
réserves de change susaient pour lancer un
fonds d’investissement souverain”. Mais faut-
il recontextualiser sa pensée? Nous n’étions
pas dans une situation de chute des cours
des hydrocarbures. En revanche, son succes-
seur et actuel conseiller à la présidence, en
l’occurrence Abdelkrim Djoudi pense qu’
“une telle option est une décision économique
et une question de prise de risque, et qu’il
serait plus judicieux de consacrer ce pactole
au nancement des grands projets”.
Concernant l’investissement à l’etranger, la
Banque d’Algérie vient d’édicter un règle-
ment publié au Journal ociel n° 63, de l’an-
née 2015, encadrant l’investissement des
opérateurs économiques de droit algérien à
l’étranger. Il s'agit d'investissements réalisés
par les opérateurs économiques de droit
algérien, “complémentaires à leurs activités
de production de biens et de services en
Algérie”. La Banque d’Algérie vise en l’oc-
currence, la création de sociétés, de succur-
sales, la prise de participations dans des
sociétés existantes sous forme d’apports en
numéraires ou en nature ou encore l’ouver-
ture de bureaux de représentation. En outre,
les transferts de capitaux au titre de l'inves-
tissement à l'étranger par les opérateurs éco-
nomiques de droit algérien, quelle que soit la
forme juridique qu'il peut prendre dans le
pays d'accueil, sont soumis à l'autorisation
préalable du Conseil de la monnaie et du
crédit (CMC). Comme il est énoncé quel'in-
vestissement à l'étranger doit être en rapport
avec l'activité de l'opérateur concerné avec
pour objectif de consolider et de développer
cette activité. Enn, pour la Banque
d’Algérie,cet investissement à l'étranger, ne
doit pas porter sur des opérations de place-
ments ou sur des biens immobiliers autres
que ceux correspondant aux besoins d'ex-
ploitation des entités créées à l'étranger ou
faisant partie intégrante de leur activité.
Voilà pour ce qui est de l’économie générale
du texte du règlement édicté. Quelles que
soient les interprétations des uns et des
autres de cette décision, la BA est dans sa
mission d’encadrement et d’anticipation
quant aux éventuelles dérives d’une autori-
sation tous azimuts de transfert de capitaux
vers l’étranger, d’autant que notre pays,
selon le GAFI (Groupe d’action nancière),
est sur la liste des pays à risques de blanchi-
ment d’argent. In ne, l’Algérie est forte-
ment menacée dans ces équilibres nanciers
et macroéconomiques structurels. En dépit
des arguments avancés par la Banque
d’Algérie dans ses dernières notes explica-
tives dès 2013 de la dépréciation du dinar, et
de l’exécutif qui armait que tout allait bien,
la toute dernière dévaluation du dinar relan-
ce la polémique entre spécialistes, qui crai-
gnent le pire sur le pouvoir d’achat des caté-
gories sociales les plus vulnérables et sur la
stabilité sociopolitique du pays. Ils plaident
pour une priorisation des programmes
d’équipements ainsi qu’une rigueur dans les
dépenses de fonctionnement. C’est bel et
bien le mode de gouvernance qui est en
cause. Et tout le monde connaît les dérives
auxquelles ce mode a donné lieu. C’est pour
cela que nous avons raté de précieuses
opportunités au moment ou nous avions les
moyens.
A. H.
SYSTÈME FINANCIER
Opportunités ratées
Qu’il s’agisse de la convertibilité du dinar, de la création de fonds souverains, de l’augmentation
de l’allocation touristique ou des soins à l’étranger, les autorités politiques et monétaires ont
toujours marqué leurs réticences pour de multiples raisons.
Par : A. HAMMA
La question de la convertibilité du dinar a été l’objet de controverse entre spécialistes.
D. R.
Tout le monde s’attend, pour
des raisons d’ailleurs dif-
férentes, à des ajustements
de la politique de change en cet-
te période de baisse des avoirs en
devises et de déficit budgétaire.
Ces ajustements sont et seront
d’autant plus incontournables
que les deux seules variables de
génération de devises de l’éco-
nomie algérienne (quantités ex-
portables et prix des hydrocar-
bures) sont durablement affec-
tées de façon significative. Il faut
savoir que nous avons bouclé
l’année 2014 avec un déficit de la
balance des paiements de 9 mil-
liards de dollars après une année
2013 à peine équilibrée avec seu-
lement 1 milliards de dollars
d’excédent (source FMI). Cette
tendance négative baissière se re-
trouvera en 2015 puisque la ba-
lance commerciale a déjà enre-
gistré, au premier trimestre 2015,
un déficit de 1,73 milliard de dol-
lars. Il faut se rappeler à ce pro-
pos de la séquence 2008/2009
particulièrement erratique du
point de vue de la balance des
paiements. Ainsi au cours de
l’année 2008 nous avions enre-
gistré l’excédent le plus élevé
obtenu en Algérie avec 34 mil-
liards de dollars contre seulement
un équilibre parfait l’année sui-
vante de 2009 du fait là aussi de
la chute brutale du prix du baril.
Aujourd’hui la chose qui reste à
connaître c’est simplement l’am-
pleur de ces ajustements pour en
apprécier l’impact potentiel sur
la croissance, l’emploi et l’infla-
tion, sachant que les ajuste-
ments “mécaniques” ont été déjà
opérés lors du second semestre
2014. Mais au préalable, rappe-
lons brièvement quelques élé-
ments historiques d’évolution
du régime des changes en Algé-
rie depuis l’indépendance. L’Al-
gérie a d’abord connu un régime
des changes dit de fixité de par
son inclusion dans la “zone franc”
avant que le pays n’obtienne sa
souveraineté monétaire, ensui-
te dans l’ancrage du dinar algé-
rien par rapport au franc français
et enfin dans un ancrage mul-
tiple par rapport à un panier de
devises. Ce dernier ancrage mul-
tiple est intervenu dès que les ex-
portations d’hydrocarbures ont
commencé à générer un flux
important de devises en dollars.
Ensuite il y a eu les dévalua-
tions excessives et brutales des
années 90, sous la pression no-
tamment des institutions de
Bretton Woods, qui ont fini par
mettre à terre les tissus produc-
tifs publics et privés; sans oublier
la promulgation de la première
loi sur la monnaie et le crédit
(LMC). À présent nous sommes
dans un régime de change à
flottement dirigé et à converti-
bilité partielle. On dit “régime de
change à flottement dirigé” par-
ce que le renforcement ou à l’in-
verse le recul de la parité du
dollar est répercuté sur le taux de
change du dinar sachant que
l’essentiel de nos devises est li-
bellé en dollars. Par ailleurs le ren-
chérissement du dollar par rap-
port à l’euro s’est déjà traduit par
le resserrement de l’amplitude de
change dollar/euro par rapport
au dinar qui est passée de 30 DA
à 20 DA. On dit ensuite “régime
de change à convertibilité par-
tielle” parce que cette dernière ne
concerne que les opérations com-
merciales de biens et de ser-
vices et donc exclut le mouve-
ment des capitaux vers le reste
du monde. On peut néanmoins
observer qu’un premier coup de
canif, dans une situation du res-
te contracyclique, a été porté à
cette disposition par la possibi-
lité offerte dorénavant aux opé-
rateurs algériens publics et pri-
vés d’autoriser, au cas par cas, l’ac-
quisition d’actifs industriels et
technologiques à l’étranger. Ceci
dit il est clair que la dépréciation
du dinar, à l’instar de la rationa-
lisation budgétaire, se prolongera
dans les prochains mois mais de
façon douce. Dépréciation parce
que, pour le moment, la produc-
tion nationale de biens et services
est insuffisante en quantité et en
qualité pour se substituer rapi-
dement aux importations; dé-
préciation aussi pour renchérir
les importations qui verront leur
volume et leur nature s’ajuster.
Mais une dépréciation contrôlée
car d’une part le dinar ne subit
pas la pression de la dette ex-
terne, et d’autre part, il est ados-
sé à des réserves de change
longues sans l’existence des-
quelles une dévaluation forte
serait immanquablement in-
tervenue. À l’inverse le dinar
s’appréciera au fur et à mesure
que l’économie réelle investit
plus et produit plus de biens et
de services pour le marché do-
mestique et l’exportation sur le
moyen et le long termes. Sur le
long terme justement, l’instru-
ment qui calcule l’évolution du
taux de change, rapporté au
pouvoir d’achat, est la parité du
pouvoir d’achat (PPA). J’avais
traité ce type de question dans
ma chronique du 15 avril 2015. J’y
indiquais qu’une étude de la
très libérale Université de Sher-
brooke montrait que le PPA de
l’Algérien était passé, en dollars
courants, de 7611 dollars en 1000
à 13304 dollars en 2013. À titre de
comparaison, en 2013, la même
source donne un PPA de 11 092
dollars pour le Tunisien. Il est de
7200 dollars pour le Marocain,
soit la moitié de celui de l’Algé-
rien qui avait déjà atteint ce
montant en 1998, c’est-à-dire à la
sortie du programme d’ajuste-
ment structurel. Pour faire court,
on voit bien que la notion de taux
de change n’a de pertinence que
si elle contextualisée dans le
temps long et par rapport au
pouvoir d’achat. Ce qui relativi-
se les appréhensions conjonc-
turelles des ménages et des chefs
d’entreprise. Sûrement pas les
lobbies de l’importation.
C’est ce qui explique aussi, vous
l’aurez compris, la tiédeur des
pouvoirs publics à ouvrir, pour le
moment, le dossier des transferts
sociaux et des subventions des
produits de base. Malgré tout un
tabou vient de tomber: celui d’un
niveau de consommation ra-
tionnelle et limitée des carbu-
rants à prix indécemment sub-
ventionnés. M. M.
EN TOUTE LIBERTÉ MUSTAPHA MEKIDECHE
mustaphamekideche@ymail.com
La dépré-
ciation du
dinar, à
l’instar de la rationali-
sation budgétaire, se
prolongera dans les
prochains mois mais
de façon douce.
Dépréciation parce
que, pour le moment,
la production nationa-
le de biens et ser-
vices est insuffisante
en quantité et en
qualité pour se sub-
stituer rapidement
aux importations”
“
Quels ajustements de la politique de change pour réduire
la crise financière et budgétaire?
LES INVESTISSEURS ET LES TOURISTES ALGÉRIENS PÉNALISÉS
Mercredi 8 juillet 2015
14 LIBERTE
Supplément Économi e