Le système monétaire international, l`euro et l`Afrique

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LE SYSTEME MONETAIRE INTERNATIONAL,
LEURO ET L’AFRIQUE
L’ÉVOLUTION DU SYSTEME MONETAIRE INTERNATIONAL, L’AVENEMENT DE LEURO
ET IMPLICATIONS POUR L’AFRIQUE
Joseph NDEFFO FONGUE
Communication présentée au Colloque :
«Du franc à l'euro : changements et continuité de la monnaie»
Poitiers, du 14-16 novembre 2001
Résumé
Dans l’évolution actuelle du Système Monétaire International marquée par l’avènement
de l’Euro, l’impact de ce dernier sur les pays africains dépend du régime de change : si
les pays participant aux flottements libres peuvent réduire les chocs des termes de
l’échange en ajustant par le change et les prix, ceux de la Zone Franc (privés de ces
deux instruments ) sont plus exposés aux externalités, parce que ne pouvant coordonner
leurs politiques économiques avec ceux de leurs principaux partenaires économiques.
The Evolution of the International Monetary System, the Advent of the Euro and
Implications for the African Countries
Abstract
The implications of the advent of the Euro in the International Monetary System for the
African countries depend strongly on the exchange rates regimes : the African countries
operating in a flexible regime can use the exchange and the inflation rates to reduce the
terms of trade shocks, while those of the so-called “Franc Area” are more subject to the
externalities, since they can not use the two above mentioned instruments to coordinate
their policies with those of their main economic partners.
Dr. rer. pol. Joseph NDEFFO FONGUE
Université de WITTEN/HERDECKE (Allemagne)
Kreuzstrasse 35,
D-76133 KARLSRUHE (Allemagne)
Tel. ++ 49 721 38 68 46
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Introduction
Depuis pratiquement 1870 avec l’adoption pour la première fois du monométallisme or,
le monde est à la recherche d’un «Système Monétaire International stable» mais tend
chaque fois à s’éloigner de cet objectif lorsqu’un système laisse place à un autre. Qu’il
s’agisse de l’étalon or , de l’étalon or/devises, du système de la période d’entre les deux
guerres, du système de Bretton–Woods ou du système actuel, l’instabilité et la non
permanence sont la règle quand on se situe dans une perspective historique ( FLOOD,
JAGDEEP S B. / HORNE J. [1989] ), de même qu’aucun des systèmes ne s’est
jusqu’ici montré capable de résoudre l’ensemble des problèmes inhérents aux
différentes économies dans le contexte international. Dans tous les systèmes, on note la
prépondérance des rapports conflictuels entre les pays industrialisés, l’absence de
coopération réelle, la tendance vers la création des systèmes dans le Système Monétaire
International et vers la formation des blocs monétaires, ainsi que l’existence des
rapports de domination dont des exemples sont l’utilisation par les Etats Unis de la
politique des taux d’intérêt et du Dollar surévalué pour régner sur l’occident et le reste
du monde, ou la satellisation pure et simple des pays en développement par les pays
développés (et dont la Zone Franc en Afrique est le prototype). Cette satellisation des
pays en développement, caractérisée entre autres par l’arrimage des monnaies des pays
satellisés à celles des pays développés (à travers le «peg» à une monnaie ou à plusieurs
monnaies) pose jusqu’à nos jours des problèmes relatifs au choix optimal du régime de
change et/ou à la réalisation des objectifs de politique économique, et implique dans
certains cas des coûts réels en terme de bien être collectif (voir par exemple
BIRNBAUM [1957], BENDER [1985], NGOGANG [1991] et ORTIZ [1983]).
L’évolution récente du SMI (dominée par des progrès remarquables en matière
d’intégration économique et monétaire en Europe occidentale et l’introduction de l’Euro
comme monnaie de référence sur le plan international), rend celui-ci autant
problématique qu’il l’a toujours été, et vaut entre autres par les questions qu’elle
soulève sur le plan international lorsqu’on se situe hors de l’Union Européenne (UE) .
L’une des questions fondamentales est relative aux implications internationales de
l’Euro qu’il serait utile d’analyser. En se limitant aux pays africains, le présent papier
essaie, compte tenu de leurs différents régimes de change et de l’importance relative de
l’Union Européenne dans la structure de leur commerce international, d’analyser les
impacts possible de l’introduction de l’Euro sur économies de ceux-ci (en particulier sur
la réduction des chocs externes des termes de l’échange et la coordination des politiques
macroéconomiques et monétaires), après que le SMI dans son évolution et l’avènement
de l’Euro ainsi que les traits caractéristiques de l’Afrique dans le SMI aient été
présentés.
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1. L’évolution du Système Monétaire International de l’étalon or à l’avènement de
l’Euro en aperçu
De 1870 jusqu’à nos jours, quatre principaux Systèmes Monétaires Internationaux se
sont succédés1 et sont dans l’ordre l’étalon or , l’étalon or/devises ($, £), le système de
la période d’entre - deux guerres, l’étalon Dollar/Or ou le système de Bretton Woods, et
enfin le système actuel des changes flexibles en vigueur depuis 19732.
- Dans l’étalon or, ce dernier circule à la fois comme monnaie et comme marchandise.
La parité est fixe entre l’or et toutes les monnaies nationales. L’étalon or présentait
l’avantage de garantir une libre circulation des capitaux et des taux de change stables,
d’éliminer de ce fait les risques de change et les crises des balances des payements, et
de limiter le rôle des institutions sans que cela ne nuise au bon fonctionnement du
système. Toutefois, dans ce système où le niveau des taux de change et des variables
macroéconomiques stratégiques telles que le niveau des prix ou des réserves en devises
dépendaient largement de celui du volume d’or, et que ce dernier n’était en général
découvert qu’au hasard (et nécessitait tout aussi du travail et du capital pour être
produit), des coûts d’opportunité extrêmement élevés en résultaient. En 1914, la
suppression de la libre circulation des biens, des capitaux et de l’or ainsi que de la
convertibilité en or par les banques centrales, conjuguée avec l’introduction des bons de
trésor (à côté de l’or comme contrepartie importante de la masse monétaire et en tant
que moyen de financement de la guerre) allaient conduire à la fin de l’étalon-or3.
- Dans l’étalon or/devises ($, £) en vigueur de 1919 à 1924, les taux de change sont
fixés librement entre les monnaies nationales et l’or, la pratique des taux en vigueur
avant la première guerre mondiale étant rendue impossible par l’absence de
convergence dans les taux d’inflation, l’endettement excessif de la France et de Grande
Bretagne vis-à-vis des Etats Unis, et les réparations de guerre extrêmement élevées
imposées à l’Allemagne. L’or devenant rare en raison de sa production qui a
extrêmement baissé, le Dollar et la Livre furent introduits à côté de l’or comme étalons
et le retour à la parité fixe vis à vis de l’or fut adopté en 1922. Toutefois, il s’était avéré
que la surévaluation de la Livre dès 1925, la sous-évaluation du Franc et les taux
d’intérêt élevés en Allemagne rendaient difficile un fonctionnement optimal du système
qui, avec l’avènement de la crise de 1929 allait s’effondrer progressivement jusqu’en
1931.
- Dans la période d’entre deux guerres(1931-1945) marquée entres autres par la
dévaluation de la Livre de 30% vis à vis du Dollar et l’intervention de la Banque du
Japon entre 1932 et 1933 à l’issue de laquelle le Yen fut déprécié de près de 40% vis à
1 Pour plus de détails sur l’évolution des différents régimes de change et du Système Monétaire
International, ainsi que des différents problèmes qui y sont liés voir par exemple SALOMON R. [1979],
YEAGER [1976], DE VRIES[1986], GUENTER R. [1966], GUENTER R. / EDWIN F. W. [1966],
FRITZ M. [1964], INGRAM J. C. [1966], RUEF J. [1972], FLOOD/ JAGDEEP S B. / HORNE J. [1989]
et FLOOD, R. / NANCY, P. M. [1982].
2 Toutefois, il convient de préciser qu’il existait avant l’étalon or le bimétallisme or/argent dans lequel
les deux métaux jouaient le rôle de numéraire.
3 De nos jours, les cours de l’or sont fixés librement par le jeu du marché, et ne sont en général influencés
que par les anticipations inflationnistes des agents économiques qui demandent ce dernier pour se
prémunir contre l’inflation.
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vis de la Livre, le Système Monétaire International allait rentrer dans une ère de
turbulences devant durer jusqu’en 1945. Dans cette ère de turbulences, on va assister à
une division du Système Monétaire International en quatre blocs : le bloc «Sterling»
auquel adhèrent le Royaume Uni, le Portugal et l’Espagne, le bloc «or» auquel adhèrent
la France, la Belgique, la Suisse, l’Italie, la Pologne et les Pays Bas, le bloc «Dollar»
auquel adhèrent les USA et l’Amérique Latine, et enfin le bloc «Yen» auquel adhèrent
le Japon et les pays d’Asie du Sud-Est. Certains pays comme l’Allemagne restèrent
neutres et conduisirent des politiques de contrôle des devises.
- Dans le système de Bretton Woods (1945-1971) que l’on qualifie également de
système Dollar/or, on note une continuité des systèmes d’étalon or et d’étalon or/devises
qui avaient prévalu jusque-là. Dans ce système, toutes les monnaies seront définies dans
une parité fixe par rapport au Dollar, qui de son côté reste convertible en or à un taux
fixe de 1 Dollar contre 0,888g d’or. Parallèlement furent créés le FMI (qui avait pour
vocation de veiller au respect et au bon fonctionnement des accords de Bretton Woods)
et les Droits de Tirage Spéciaux en 1969 (une monnaie artificielle, qui pour pallier à la
rareté des réserves en Dollar comme ce fut le cas pour l’or, pouvait être achetée par les
Banques Centrales en cas de manque des réserves nécessaires pour résorber les déficits
des balances des paiements4). Le système des parités fixes ne pouvant fonctionner dans
le long terme que si les balances commerciales des différents pays faisant partie du
système sont en moyenne et simultanément équilibrées, le déficit commercial à la fois
important et persistant des Etats Unis (conjugué avec la guerre du Vietnam) devait
conduire le président Nixon à dévaluer le Dollar et à mettre fin en Août 1971 à la libre
convertibilité du Dollar en or, et partant, un terme à la fixité des taux de change et au
système de Bretton Woods.
- Avec la fin des accords de Bretton Woods en 1971 s’est ouverte depuis 1973 une ère
de flexibilités des taux de change qui, loin de répondre aux attentes de ses tenants,
montre plutôt que le monde est encore à la recherche d’un Système Monétaire
International stable dont l’avènement n’est pas pour demain. En effet, les différents pays
du monde sont depuis 1973 confrontés à diverses situations qui rendent problématique
le système des changes flexibles : place parfois artificielle du Dollar dans le Système
Monétaire International, problèmes de coordination des politiques macroéconomiques et
monétaires, satellisation des pays sous-développés, tendance vers une tri-polarisation du
Système Monétaire International (autour du Dollar, de l’Euro et Yen), création des
systèmes dans le Système Monétaire International dont le Système Monétaire Européen
en est un exemple ayant beaucoup évolué jusqu’à la phase d’intégration actuelle qui est
lUnion Économique et Monétaire Européenne5 (UME) dont l’Euro en est l’un des
4 Avec le recours aux DTS, tout se passe comme si on se trouve sur un marché monétaire dans lequel les
pays en déficits de réserves remplacent les banques commerciales illiquides, et les pays en excédent de
réserves les banques commerciales surliquides. Les pays en excédent de réserves devaient donc dans le
système de Bretton Woods les convertir en DTS, qui par le canal du FMI devraient être prêtées à un taux
préférentiel (en général, la moyenne des taux d’intérêt nationaux) aux pays en déficits.
5 Entrée en vigueur en mars 1979, le Système Monétaire Européen (SME) a pour objectif de stabiliser les
taux de change entre les pays de la communauté, de contribuer à la consolidation des relations monétaires
dans le contexte international, et de créer une "Zone Monétaire Stable" en Europe. Les éléments
importants du SME sont (i) le mécanisme d’intervention (à travers lequel les banques centrales ne
devraient changer la parité de leurs monnaies vis à vis des autres monnaies que dans un intervalle précis),
(ii) le système d’intervention de financement de très court terme et (iii) l’Unité de Compte Européen
(ECU). Pour plus de détails sur l’évolution en matière d’intégration monétaire en Europe (en particulier le
5
éléments-clé. Dans cette phase d’intégration actuelle, l’accent est mis davantage sur la
coordination et la convergence des politiques budgétaire et monétaire (critères de
convergence définis à Maastricht) dans la communauté, et sur la stabilité de la valeur
interne et externe de la monnaie comme objectif principal de politique monétaire, l’Euro
étant l’unité de compte devant circuler parallèlement aux monnaies nationales à partir
de 1999 avant de se substituer totalement (comme monnaie unique dans la
communauté) à toutes ces dernières à partir de Janvier 2002.
2. L’Afrique dans le Système Monétaire International
Dans le système actuel des changes flexibles, l’intégration des pays africains dans le
Système Monétaire International repose sur trois différents modes alternatifs6: le «peg»
à une monnaie unique, le «peg» à un panier de monnaies et la participation avec
changes administrés ou non aux flottements libres7.
Le «Peg» à une monnaie unique
Largement influencé par les faits historiques et les données politiques et géopolitiques,
le «peg» à une monnaie unique était jusque dans le début des années 1980 une
caractéristique essentielle des régimes de change des pays africains. Les pays africains
étaient satellisés sur le plan monétaire en fonction de leur appartenance à un groupe de
colonies. De ce fait, les anciennes colonies françaises (exception faite de quelques pays
comme la Guinée Conakry) avaient opté pour le «peg» au FF, de même que la Guinée
Equatoriale est restée sous le régime du «peg» au Peseta espagnol jusqu’en 1985. Le
Cap Vert a relié sa monnaie à l’Escudo portugais depuis 1997. Le Lesotho, le Swaziland
et la Namibie ont relié leurs monnaies au Rand Sud-africain. Seules les anciennes
colonies britanniques ont essayé de s’affranchir en optant soit pour le «peg» au Dollar,
soit pour le «peg» à un panier de monnaies, soit pour la participation aux flottements
libres. La Gambie et la Sierra Leone avaient néanmoins maintenu le lien avec la livre
Sterling jusqu’en 1986 et 1978 respectivement. Dans tous les cas, la Livre Sterling
quoique étant assez forte comme monnaie, ayant été beaucoup plus stable que le FF et
jouant le rôle de numéraire pour certaines matières premières et produits de base, n’a
pas dans l’ensemble stimulé les anciennes colonies britanniques pour une coopération
monétaire avec l’ancienne métropole. De nos jours, le «peg» des monnaies africaines à
une monnaie unique concerne essentiellement (i) les pays de la Zone Franc (Bénin,
Burkina Fasso, Côte d‘Ivoire, Gabon, Cameroun, Comores, Congo, Mali, Niger,
passage du Système Monétaire Européen à l’Union Monétaire Européenne) voir par exemple
WEBER(1991) .
6 Ces modes d’intégration ayant toutefois fait l’objet de divers changements au fil des années et en
fonction des pays, de même que certains d’eux étaient en vigueur avant le système actuel des changes
flexibles. Dans l’évolution des différents choix en matière de régime de change, on note un certain
tâtonnement et une forte tendance du passage du régime de «peg » à celui des flottements libres (avec
changes administrés ou non).
7 Pour plus de détails sur les différents régimes de change des pays africains et leur évolution, voir la
rubrique « Exchange Rates Arrangements and Exchange Rates Restrictions » publiée dans « The
International Financial Statistics » du FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL (diverses annuaires).
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