LES REVENANTS
HENRIK IBSEN
THOMAS OSTERMEIER
avec Matthieu Sampeur (Osvald), Valérie Dréville (Madame Alving), Jean-Pierre Gos (Menuisier Engstrand),
François Loriquet (Pasteur Manders), Mélodie Richard (Régine)
traduction et adaptation Olivier Cadiot, omas Ostermeier scénographie JanPappelbaum
assistante à la mise en scène Élira Leroy dramaturgie GianniSchneider
vidéo de scène Sébastien Dupouey lumière Marie-Christine Soma costumes NinaWetzel musique NilsOstendorf
DOSSIER PÉDAGOGIQUE
« LA VIE N’EST-ELLE PAS QU’UN
CONSTANT COMBAT
ENTRE LES FORCES HOSTILES DE L’ÂME…
ET CE COMBAT EST LA VÉRITABLE VIE DE
L’ÂME… »
ÉDITO
A sa parution, en 1881, Les Revenants fit scandale.
Parce qu’un jeune homme innocent s’y meurt
d’une dégénérescence cérébrale héritée de la syphilis
paternelle, les contemporains voyaient là une version
sulfureuse d’un vieil argument tragique. Aujourd’hui
où la transmission héréditaire de la syphilis est reléguée
au rang des mythes médicaux, la pièce s’entend de
façon plus ambiguë. Comme si Ibsen voulait surtout,
par ce procès posthume intenté à un père jouisseur, où
l’austérité maternelle se trouve aussi inculpée, poser
ces questions qui vont bien au-delà de son époque : où
s’arrête, où commence la responsabilité envers autrui ?
Si le pur principe de plaisir peut conduire au désastre,
son refus n’est-il pas tout aussi mortifère ? Peut-on vivre
une vraie vie dans le faux ?
Ce n’est pas un hasard si Thomas Ostermeier directeur
artistique de la Schaubühne, qui a construit sa
réputation de metteur en scène sur son génie à adapter
pour nos yeux contemporains les grands textes du
répertoire, entreprend depuis quelques années un
grand cycle de mises en scène des pièces d’H. Ibsen. A
l’heure des montées des radicalismes religieux, des replis
communautaires et des procès sexistes qui tendent à
faire valoir la supériorité des normes sur les différences,
monter Les Revenants constitue un geste résolument
moderne et politique qui nous invite à sonder notre
conscience d’êtres résistants. Résistance aux normes,
aux devoirs, aux nouvelles mythologies.
Ce dossier s’adresse aux enseignants, toutes disciplines
confondues, qui souhaitent ouvrir leurs élèves à la
connaissance du spectacle vivant. Le enseignants pressés
trouveront des encarts synthétiques qui récapitulent
l’essentiel des savoirs, les autres se verront proposés
des activités de recherche, de pratique théâtrale ou
scénographique.
SOMMAIRE
> p. 3
I. Ibsen et «Les Revenants»
- Parcours pour une analyse dramaturgique
> p. 5
- Faire le point. H. Ibsen et l’invention du drame moderne
- A vous de jouer.
> p. 6
II. Mettre en scène « Les Revenants »
> p. 7
Zoom sur Antoine et le Théâtre Libre
> p. 8
III. Thomas Ostermeier, metteur en scène
- Analyse d’images scéniques
> p. 9
- A vous de jouer. Atelier de pratique théâtrale.
- Quizz de paternité
> p. 10
- Zoom sur Meyerhold
> p. 11
- Faire le point. Thomas Ostermeier, esthétique.
- A vous de jouer. Réalisez un projet scénographique
pour « Les Revenants »
> p. 12
IV. Parcours croisés. Drame familiaux : Oedipe, Hamlet,
Osvald, Louis et les autres...
> p. 13
V. Parcours des Arts
- E. Münch et H. Ibsen
> p. 14
- Ibsen, du théâtre au cinéma.
3
PARCOURS POUR UNE ANALYSE
DRAMATURGIQUE
Le travail que nous proposons de mener ici est d’engager une
réflexion sur la mise en scène de la pièce. Comment mettre
en espace les éléments narratifs et textuels en choisissant des
signes dramaturgiques concrets qui traduisent un parti-pris
original.
Au préalable, il est nécessaire de faire comprendre les thèmes
et enjeux de la pièces.
• Demander  aux  élèves  de  formuler  des  hypothèses 
libres sur le titre « Les Revenants » et de l’associer à 
des situations concrètes ou des références culturelles
En raison du caractère polysémique du mot, Les Revenants
invite à formuler de nombreuses associations. Sur le plan
littéral « revenant » peut s’entendre comme un participe
présent substantivé qui pourrait se traduire par « ceux qui
sont en train de revenir ». L’usage désigne également les
morts-vivants sous le terme de « revenants ». Pour le premier
cas, on parle de revenant quand quelqu’un fait retour après
une longue absence. La référence classique est le récit
biblique du retour de l’enfant prodigue. Pour le second cas,
la liste est amusante qui va du mythe de la morte amoureuse
chez les romantiques au mythe du vampire. Au cinéma, et
plus encore récemment dans les séries américaines l’imagerie
populaire du zombi et du mort-vivant est foisonnante.
Parmi les meilleurs, on citera la série Six Feet Under. Dans
de nombreux cas, le mort fait retour, non pas pour effrayer,
mais pour accompagner le héros vers un état de conscience
supérieure. C’est le rôle initiatique que joue la figure du père
dans la très oedipienne série Dexter. La pièces d’Ibsen aurait
donc à voir avec une figure du passé qui fait retour...
• Faire lire la scène d’exposition (annexe 1). Demander
aux élèves de formuler la situation, les thèmes abordés
dans  la  scène.  Quels  sont  les  liens  possibles  avec  les
recherches précédentes ? Partir de leurs connaissances 
pour déterminer à quel mouvement littéraire la pièce
peut appartenir.
Assurément, la scène d’exposition ne nous place pas dans le
contexte fantastique d’une intrigue de zombis ! C’est bien
du retour d’un père vivant dont il s’agit, maître-chanteur
vulgaire et corrompu. La scène s’ancre dans un contexte
ordinaire, quasi quotidien – on notera au passage le caractère
familier de l’écriture, très proche de l’oralité. Une fille,
servante dans une maison bourgeoise cherche à se débarrasser
d’un père qui tente de la soudoyer en lui proposant au nom
de l’amour paternel et du devoir filial de le suivre pour
travailler comme « fille » dans une maison pour marins. La
scène s’inscrit bien dans un registre d’écriture réaliste. Pour
le moment des revenants annoncés dans le titre, nous n’en
avons découvert qu’un seul.
• Faire lire le résumé de la pièce acte par acte (annexe 1). 
Toujours dans l’appréhension consciente du contexte 
réaliste de la pièce, faire dégager les thèmes de l’intrigue.
Pour approfondir la réflexion on peut demander aux 
élèves de  faire des recherches sur  l’origine du drame
bourgeois et d’opérer quelques liens de comparaisons.
Le drame bourgeois dont on attribue l’invention à Diderot
met en scène des gens communs, de basse condition.
Les passions de la tragédie classique et les caractères de
la comédie classique sont remplacés par la peinture des
conditions et des relations de famille, comme en témoignent
les titres des œuvres : Le Négociant de Lyon , Le Fils naturel,
Le Père de famille ou encore La Mère Coupable . On retrouve
bien évidemment ces caractéristiques dans l’intrigue des
Revenants. Milieu bourgeois, intrigue nouée autour de la
transgression de l’interdit et de la révélation du secret. Un
point d’étrangeté se cristallise cependant autour du titre et
de la question de la transmission. De quel mal peut souffrir
un père pour que son symptôme resurgisse des années plus
tard sur son fils jusqu’à le contraindre au suicide ?
I. HENRIK IBSEN ET LES REVENANTS
^Ci-dessus : Photogramme de la série Dexter © DR
> Ci-après : Image de la série Six Feet Under © DR
4
• Faire lire les documents en annexe sur «Les théories
de l’hérédité» ainsi que l’extrait  de  La Bête humaine
de  Zola  et  la  citation  de  Gille  Deleuze.  Comment
comprendre le mal dont souffre Osvald ?
Si l’on se fie à la documentation et aux témoignages d’Ibsen
lui-même, Osvald souffrirait d’une fatalité non pas divine
mais génétique. Le contexte est bien celui d’une idéologie
positiviste qui croit aux découvertes scientifiques toutes
récentes des théories de l’hérédité. Ibsen fait écho ici à
une génération traumatisée par la syphilis qui décime toute
une génération d’artistes : Maupassant, Casanova, Tolstoï,
Nietzsche, Beethoven en sont les plus célèbres victimes.
Peut-on, pour autant, s’en tenir au diagnostique clinique ?
Ibsen lui-même ne nomme pas la maladie dans la pièce et
laisse planer le doute sur la nature du mal tout en en décrivant
les symptômes de nature psycho-cérébrale. Un mystère plane
sur la nature du mal. C’est précisément autour de ce silence
névralgique que se construit le drame.
• La fêlure et Les enjeux du drame moderne. Décrypter 
les non-dits et silences de la pièce. Faire lire les autres 
extraits  proposés  en  annexe  et  demander  aux  élèves
de  préciser  les  enjeux  dramatiques  et  les  questions
psychologiques  soulevées  dans  la  pièce.    Leur  faire
émettre des hypothèses sur la nature des silences.
La nature du mal d’Oswald.
La  nature  de  l’incendie  :  coup  du  hasard  ou  geste
coupable ?
La nature des relations de Mme Alving avec le Pasteur.
Maladie sexuellement transmissible ? Dépravation ?
Dépression ? Psychose ou simple névrose de quel mal souffre
Osvald ? Parce qu’elle se place sur le plan moral, alors que
Mme Alving est certaine qu’il existe une transmission de la
dépravation du père au fils, l’ambiguïté plane tout au long
de la pièce. Quelle est la nature des relations qu’Osvald
entretient avec ses camarades à Paris. Si la transmission de la
maladie reste génétiquement possible on peut la comprendre
de manière plus symbolique comme la transmission sous
forme de névrose d’une éducation douloureuse scellée par
le non-dit et le mensonge. Image déficiente du père, silences
tragiques compensés par un amour dévorateur de la mère
sont également la marque de fabrique de l’homosexualité.
Cette interprétation oedipienne de la pièce pourrait paraître
surfaite à condition d’oublier que l’écriture des Revenants est
contemporaine de l’invention de la psychanalyse freudienne
à Vienne.
Mais le champ de lecture est plus large si l’on tient compte
des autres non-dits qui sous-tendent l’intrigue. Le pasteur
Manders est-t-il coupable ou à défaut responsable, par un
geste malencontreux et non moins symbolique, celui d’avoir
échappé un cierge – de l’incendie de l’orphelinat ? Pourtant,
s’il reconnaît avoir résisté à la tentation de l’amour pour
Mme Alving au nom de la morale chrétienne, il n’hésite pas
à la trahir pour fonder une maison avec Engstrand où ses
intérêts seront renouvelés. Manders se révèle alors comme le
double vénal et corrompu d’Engstrand. Le pasteur Manders
est l’incarnation, tout en subtile duplicité, des ravages que les
valeurs traditionnelles accomplissent sur les êtres confrontés
aux tensions douloureuses du libre choix et des devoirs.
Enfin, en cultivant un mensonge qui l’emprisonne elle-
même dans ses propres renoncements, Mme Alving expose
Osvald à la nostalgie douloureuse qui l’anéantira.
POUR ALLER PLUS LOIN
« Ibsen part de cette notion moderne d’une guerre et d’un 
déséquilibre dans la psyché individuelle. Les fantômes qui 
hantent  ses  personnages  sont  des  forces  de  destruction 
déchaînées au centre de l’âme. » écrit G. Steiner 
A  partir  de  la  lecture  de  l’extrait  de  Steiner  sur  l’in-
vention  de  la  tragédie,  (annexe 2)  demander  aux  élèves 
de  redénir  la  modernité  tragique  des  Revenants. 
5
FAIRE LE POINT
HENRIK IBSEN OU L’INVENTION
DU DRAME MODERNE
Au début du XIXème siècle le théâtre norvégien ne peut pas
revendiquer de répertoire national. Le vaudeville essentielle-
ment inspiré de l’école française est le genre dramatique le
plus répandu. Il correspond alors une société bourgeoise qui
aime ce genre de spectacle léger, soumis aux caprices de l’ac-
tualité et de la mode. Ibsen en tirera un sens fort de l’intrigue
bien filée, de la langue de théâtre simple, presque quotidienne,
« bien en bouche », de l’observation simple et directe. On le
dit peu, mais le vaudeville apparaît comme une première étape
sur la voie du réalisme.
- Un théâtre d’inspiration nationale.
Ibsen voyage. A partir de 1864, il vit presque toujours en exil.
Influencé par le romantisme allemand et français, il invente
une forme éloquente, éducative et littéraire imprégnée
de ferveur patriotique. Ses pièces comme Brandt (1866)
et Peer Gynt (1867) sont des saga imprégnées d’histoire
et d’élan épique. Dans Peer Gynt, Ibsen pose le problème
du salut individuel, mais d’un salut laïcisé, que beaucoup
rapproche du Faust de Goethe. Patrice Chéreau en 1981
propose une mise en scène magistrale de la pièce en pointant à
la fois le caractère ironique et universel de la légende. (http://
fresques.ina.fr/en-scenes/fiche-media/Scenes00062/
patrice-chereau-met-en-scene-peer-gynt-d-ibsen.html)
- Avec les années, le théâtre d’Ibsen devient plus individua-
liste. Il répond à un désir profond d’observer le monde réel
qui l’entoure. Le métier de journaliste qu’il exerce n’est pas
étranger à cette formation auquel s’ajoute l’influence
esthétique naturaliste. Il s’agit d’éveiller les consciences
en proposant des pièces qui sont marquées par des prises
de position souvent polémiques. Maison de Poupée dénonce la
tyrannie qu’un sexe exerce au dépens de l’autre. Faire réagir
une société figée et attristée par l’esprit piétiste, dissiper « le
mensonge vital » pour suivre « l’exigence idéale » telle est la
voie que le théâtre doit montrer au spectateur. Libre penseur,
Ibsen entre en lice pour défendre des idées nouvelles.
Les Revenants sont l’illustration des nouvelles théories de l’hé-
rédité. Mais subtilement, Il invente ainsi un tragique moderne
où l’héritage génétique se confond de manière très ambiguë
avec les déterminismes sociaux et psychologiques.
- Sur le plan dramaturgique, on assiste bien à une intériorisa-
tion du drame. Tout est joué avant le début de la pièce. L’enjeu
de l’intrigue est d’observer le lent et inévitable dépliement des
conséquences sur le êtres, jusqu’à la mort. « La représenta-
tion dramatique ibsénienne, lit-on dans la Théorie du drame
moderne de Peter Szondi, reste reléguée dans le passé et dans
l’intériorité. Cette « relégation » ouvre le drame moderne
à un nouvel espace : l’espace d’une dramaturgie fondée non
plus sur l’événement interpersonnel – sur l’« aventure » dirait
Maeterlinck – mais sur les conflits à l’intérieur d’un sujet et
entre ce sujet et le monde ; l’espace d’un drame subjectif, d’un
drame dans l’intime de l’être.
A VOUS DE JOUER !
Exercice de plateau. Scène d’exposition : Le retour du père
Un travail d’improvisation au plateau peut aider à mieux 
cerner  les  enjeux  implicites  qui  sous-tendent  l’écriture 
ibsénienne.  Ironie,  mépris  et  colère  lucide  chez  Régine, 
duplicité et  hypocrisie grossière chez le père qui revient 
pour  la  vendre.  On  demandera  aux  élèves  de  reprendre 
la  scène  d’exposition  en  transposant  la  situation  dans 
un contexte  contemporain. (prostitution, mariage  forcé, 
précarité sociale, domination masculine...) 
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