petit eyolf - Tandem : scène nationale

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Hippodrome, scène nationale de Douai
PETIT EYOLF
Henrik Ibsen . Jonathan Châtel . Cie Elk
DOSSIER RÉALISÉ PAR ALEXANDRA PULLIAT
Petit Eyolf d’Ibsen
Mise en scène : Jonathan Châtel, Février 2014
I)
Vie d’Ibsen :
Né à Skien le 20 mars 1828, dans une famille de marchands dont l’affaire périclite en
1835, il est apprenti pharmacien puis passe son baccalauréat à Christiana en 1850. La
même année, il publie Catilina, sa première pièce; Le Tertre des guerriers est créé au
Christiania Norske Theater.
À partir de 1852, il travaille à Bergen comme metteur en scène, avant d’être nommé
directeur artistique du théâtre de Christiania en juillet 1857. En 1862, le théâtre fait
faillite, il entame un voyage d’études en quête d’éléments issus de la mémoire populaire,
publie La Comédie de l’amour et revient comme conseiller littéraire au Théâtre de
Christiana, où se crée Les Prétendants à la couronne en 1864.
Il quitte alors la Norvège pour se fixer à Rome. Au cours des trois décennies suivantes,
c’est en Italie puis en Allemagne qu’il écrit ses pièces majeures, dans la distance établie
avec la Norvège traditionaliste et frileuse du XIXe siècle, où il revient parfois et à qui il ne
cesse de s’adresser. Brand (1866) et Peer Gynt (1867) forment les deux versants d’un
même questionnement sur l’individualité, entre quête d’idéal dans un monde faible et
velléitaire et rêve de l’accomplissement de soi-même. En 1873, Empereur et galiléen
constitue son dernier drame historique et philosophique.
À partir de 1877, il développe une esthétique plus réaliste qui met au jour les grandes
questions contemporaines. L’exigence exprimée dans la réplique finale des Soutiens de la
société par la bouche de Lona Hessel – “Non, l’esprit de vérité et l’esprit de liberté, c’est
cela, les soutiens de la société” – s’affirme dans le projet qu’il conçoit désormais pour son
oeuvre, tel qu’il le formule en 1874 à des étudiants : vivre les problèmes de ses
contemporains tout en les confrontant à leurs propres problèmes. Il interroge la possibilité
d’une liberté individuelle face à la nécessité collective, d’un bonheur issu d’une vocation
singulière face à la vie sociale et ses normes morales.
C’est dans cette perspective que le problème de l’émancipation des femmes devient l’un
de ses thèmes, avec des variations toujours nouvelles : Nora dans Maison de poupée
(1879), Madame Alving dans Les Revenants (1884), Rebekka West dans Rosmersholm
(1886), Hedda Gabler dans la pièce éponyme (1890)...
De retour en Norvège en 1891, internationalement reconnu, Ibsen est célébré comme le
père du théâtre norvégien. Son soixantedix-huitième anniversaire donne lieu à d’amples
festivités à Christiana, Copenhague et Stockholm. Sa dernière pièce, Quand nous nous
réveillerons d’entre les morts, est créée à Stuttgart le 26 janvier 1900. Victime d’une
première attaque cérébrale la même année, il meurt le 23 mai 1906.
Site de La Colline
II)
Evocation de la pièce et de ses problématiques :
1) La lecture de la liste des personnages est proposée aux élèves :
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Alfred Allmers, propriétaire foncier
Rita Allmers, son épouse
Eyolf, leur enfant de 9 ans
Asta Allmers, demi-sœur d'Alfred
L'ingénieur Borgheim
La femme aux rats
Wikipedia
Activité : A travers cette liste, on peut faire imaginer aux élèves qu’ils vont assister à une
évocation des rapports familiaux au sein d’une famille dont le petit est handicapé, à une
époque, celle de la 2ème moitié du XIXème siècle.
Quelle classe sociale cette pièce met-elle en exergue ?
Quels fait marquant va orienter l’histoire de cette famille ?
Quelle évolution va-t-on constater dans les rapports intimes de cette famille et en
particulier du couple tout au long de la pièce en réaction aux événements?
Qui joue Eyolf : un enfant, un adulte, comment rendre compte de la jeunesse et du
handicap de l’enfant ?
Un personnage extérieur : Qui est l’ingénieur, quel est son rôle dans ce huis-clos familial ?
Un personnage étrange est présent : la femme aux rats, qui est-elle, qui symbolise-t-elle ?
Enfin, le langage de la pièce est-il réaliste ou imagé et poétique ?
Ce questionnement peut guider l’écoute plus attentive du contenu du texte qui nous est
présenté.
2) On peut donner aux élèves quelques indications sur les Mises en scène en France de
ce texte :
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1895 : mise en scène Aurélien Lugné-Poë
2003 : mise en scène Alain Françon, Théâtre national de la Colline
2012 : mise en scène Jonathan Châtel, Théâtre d'Arras
2013 : mise en scène Hélène Soulié
Wikipedia
Les élèves tireront d’eux-mêmes les conclusions : Petit Eyolf n’est pas la pièce d’Ibsen la
plus connue et la plus représentée en France, on est en train de la redécouvrir depuis 2000
prenant le relai du grand Lugné-Poë 100 ans plus tôt.
III)
Articles d’analyses et de critiques de la pièce :
Activité : proposer la lecture de ces trois textes et en extraire ce qui paraît intéressant en
termes d’analyse de la représentation et à quoi il faudra être attentif : ces idées seront
validées ou critiquées dans un deuxième temps après la représentation et nourriront le
débat. On pourrait imaginer un tableau en deux colonnes : à gauche quelques propos des
critiques, à droite l’avis personnel de l’élève sur le même sujet d’analyse à compléter après
avoir vu le spectacle : ex : le jeu des comédiens…
1) Rue 89/ nouvel obs du 29 11 2012
C’est avec « Petit Eyolf », l’une des dernières pièces du norvégien Henrik Ibsen que le franconorvégien Jonathan Châtel signe son premier spectacle plus que prometteur : parfaitement
maîtrisé.
Une nouvelle traduction d’Ibsen
En traduction française, la pièce avait créée à la toute fin du XIXe siècle par Lugné-Poe. Il
adorait l’auteur norvégien dont il créa plusieurs pièces comme il le raconte dans les trois
volumes de « La parade », ses souvenirs de théâtre qui mériteraient d’être réédités par son
éditeur, Gallimard. Contrairement à « Hedda Gabler » par exemple, « Petit Eyolf » est une
pièce peu montée. On doit à Alain Françon de nous avoir rappelés à son bon souvenir dans
une nouvelle traduction de Michel Vittoz qui parlait d’une « économie de l’élémentaire » en
évoquant la langue de la pièce.
Cette économie-là est pleinement à l’œuvre dans la chaîne du travail qui conduit Jonathan
Châtel à cette version du « Petit Peyolf » qu’il monte non comme une pièce du « répertoire »
mais comme une pièce contemporaine toute vibrante.
Parlant couramment le norvégien, ce gaillard haut et charpenté comme un viking et qui a fait
des études de philosophie avant de choisir la mise en scène, a d’abord retraduit la pièce avec
Inger Winsnes « pour retrouver l’immédiateté et l’oralité de la langue originale ».
« Petit Peyolf », une adaptation éclairante
Il a ensuite adapté le texte « pour resserrer » la parole et nous la rendre proche. Ce qui le
conduit à supprimer la présence en scène du personne du petit Peyolf, un enfant de « neuf
ans », précise Ibsen. Eyolf, enfant handicapé, va bientôt disparaître de la plage où il joue avec
d’autres enfants et bouleverser la vie de ses parents Alfred et Rita. Mais aussi la vie d’Asta
dont une lettre de sa mère a révélé le secret : elle n’est pas la sœur d’Alfred mais sa demisœur secret (qu’elle révèlera au cours de la pièce) doublé de cette étrangeté : enfant, Alfred
aimait appeler Eyolf, sa (demi-)sœur.
Belle idée que cette disparition physique d’Eyolf qui lui donne un surcroît de mystère y
compris sur son âge qui désormais flotte comme son visage (si bien que chaque spectateur
peut les imaginer). C’est aussi ce qui permet à Jonathan Châtel de faire des autres
personnages de la pièce des jeunes « trentenaires », ce que Ibsen ne précise pas, mais est de
l’ordre du possible et c’est l’âge autour duquel tournent le metteur en scène et ses acteurs. Si
bien qu’il y a comme une collusion entre les personnages, dégagés de leur gangue historique,
et les acteurs qui portent dans aujourd’hui,l’ emprise de Rita, Alfred et Asta avec des
sentiments contradictoires, une volonté d’être mettant à mal la force d’aimer, un doute de soi.
L’obsédante présence d’une présence
La mer est là devant eux lorsqu’ils regardent le public et c’est comme si le cadavre vivant du
petit Eyolf était parmi nous et les regardait (peut-être suis-je en train d’écrire ces lignes ce
matin sous l’influence des « Revenants » série entrevue sur Canal+ tard dans la nuit au retour
du théâtre mercredi, mais, non, je les maintiens). Quoi qu’il en soit, dans un beau paradoxe,
l’absence physique de l’enfant dans la mise en scène de Jonathan Châtel, renforce sa présence
obsédante.
Autre façon de « resserrer » la pièce pour mieux la prendre à la gorge, l’espace. Ibsen situe
son premier acte dans un salon richement meublé avec de grandes fenêtres donnant sur un
fjord. Jonathan et son scénographe Gaspard Pinta, vont à l’essentiel : une motte de terre où
traînent quelques briques cassées, au surplomb de la mer. Espace unique où s’abîmeront les
hauts talons de Rita, où les corps seront toujours comme au bord du déséquilibre où, seule
évoluera à son aise, la « femme aux rats ».
Mystérieux personnage éphémère que cette femme aux yeux charbonneux qui par sa musique
entraîne les rats comme Merlin entraînait les enfants, et vient proposer ses services.
Personnage qui redouble celui de la femme qui aurait été vue auprès du petit Eyolf avant sa
disparition. Toute la pièce fonction ainsi, par couples qui se font et se défont autour de cette
disparition de l’enfant et ce qu’elle révèle et entraîne d’effondrements, de renversements des
valeurs tout en questionnant le comment vivre (après).
Un spectacle fait d’intensités tendues
Enfin, et c’est déterminant, Jonathan Châtel se révèle un directeur d’acteurs puissant,
travaillant des intensités tendues, comme remplissant de lueurs les yeux de ses acteurs, leur
demandant de s’en tenir à l’esquisse d’un geste plutôt qu’à son accomplissement rendant ainsi
ouverte sa trajectoire. Il y a là comme un saisissement du provisoire, dans cette succession
d’instantanés du qui-vive qui semble commun aux acteurs et à leurs personnages.
Excellents jeunes acteurs au demeurant que sont Vladislav Galard que l’on a vu dans « Notre
terreur », Pauline Lorillard, Alexandra Flandrin, Laurent Ménoret et Anne-Sophie Sterck, tous
éclairés par les lumières enveloppantes et attentives de Marie-Christine Soma.
Cette mise en scène est le premier travail de la compagnie Elk fondée par Jonathan Châtel et
Sandrine Le Pors (collaboratrice artistique du spectacle). La compagnie est basée dans le nord
de la France et les deux premières représentations du spectacle ont eu lieu au théâtre d’Arras.
Elk veut dire élan en norvégien. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’avec ce « Petit
Eyolf », la compagnie Elk prend son élan.
2) Site : Le souffleur.net
A qui la responsabilité de la mort d’un enfant ?
Une langue de terre, quelques briques, des morceaux de noix que l’on y jette négligemment,
une matrice stérile qui traverse le plateau, d’où plus rien ne sortira. Et puis, deux chaises, et
puis plus, et puis juste la terre, et le Fjord qui lui fait face. Et ceux qui restent, des parents, une
tante, et le vide qui les entoure, qui menace de les avaler, où ils menacent aussi de
s’engouffrer.
A qui appartient le chagrin ?
Petit Eyolf a disparu, au fond de l’eau, parti nager, ou entrainé par la Fille aux Rats, personne
ne saura. Car la pièce qui porte son nom transpire de son absence, il est nulle part et partout à
la fois, il hante la scène sans y mettre les pieds, et chacun le convoque sans jamais le faire
revenir. Seul peut-être Jonathan Châtel y parvient. Délicatement, par l’inquiétante étrangeté
de sa mise en scène, d’abord déroutante, où la crise de nerfs menace aux détours des bouffées
de rire des comédiens, dont on ne sait pas si ils sont voulus ou non, mais d’où s’accroît un
malaise composé de presque rien, de pas grand-chose, et de beaucoup de talent.
D’abord dans la direction d’acteurs. Parfaite. Des êtres à une embardée du gouffre qui ne
savent pas si oui ou non ils doivent y céder. Des êtres dont les espoirs d’enfants restaient
sous-jacents, et qui soudain sont enfouis. Auxquels les comédiens prêtent leurs présences,
faisant émerger dans le chaos de la situation la grâce de ces quelques destins qui se jettent à la
figure une culpabilité que tous savent vaine. Car il n’est plus question de justesse ou de
justice, mais de comment survivre à une crise, comment ne pas se perdre soi-même quand tout
est soumis au changement, à partir de quelle fiction recréer ce qui a été détruit et ne reviendra
plus ?
Ensuite, par l’épuration de sa scénographie, qui se concentre sur l’essentiel d’une parole qui
ne parvient plus à exprimer l’horreur. Seuls trois rideaux noirs, et cette langue de terre, rien
d’esthétisant pourtant, simplement le vide, dans lequel la moindre lumière, le plus petit
mouvement, l’accroc le plus minime de la diction, prend une ampleur sublime, comme si tout
vacillait et que, coûte que coûte, il fallait continuer même si c’est le néant qui se profile.
Est-il possible de ne pas se perdre ?
Enfin, le rythme, celui propre à la pièce d’Ibsen, qui ne dresse aucun obstacle à la lente perte
qui s’opère, celle d’un enfant et du monde qui allait avec. Si il y a sursauts, ce sont ceux du
monde autour, le cœur lui surnage, pour ne pas couler. L’eau elle stagne, entre onirisme et
limbes, mais se refuse à toute compréhension et à tout dialogue.
3) Télérama du 12/10/2013
Pauline Lorillard avance seule, comme au bord du monde. Dès qu'elle commence à parler,
l'angoisse étreint le spectateur. A-t-on jamais si bien rendu, sans ciller ni dévier du chemin, le
tranchant sec et cruel de la voix d'Ibsen (1828-1906), le maître norvégien de l'ironie ? Rita qui
soliloque ainsi attend son mari Alfred, philosophe parti dans les montagnes, et elle imagine
déjà le pire. Qui arrive : de retour, l'époux déclare renoncer à écrire pour se consacrer de
manière exclusive à l'éducation de leur fils handicapé, le petit Eyolf. Mais celui-ci se noie peu
après dans le fjord. On ne verra jamais l'enfant dans cette adaptation du jeune metteur en
scène Jonathan Châtel. Mais son fantôme hante la mise en scène, rendant plus puissant encore
le déballage des peurs et des désirs auquel les adultes se livrent ensuite. Tous surgissent de
l'ombre et progressent en équilibre sur une langue de gravats crissants, striant la scène en
diagonale. Et ce môle, tour à tour montagne, rive de fjord, couloir sombre ou terre lointaine,
ancre le drame dans un monde hostile où les hommes semblent progresser avec peine. Epure
et simplicité soulignent ici le pouvoir envoûtant du théâtre... — E.B.
IV)
1)
IDEES D’ACTIVITES POUR ABORDER LA PIECE :
Un petit jeu :
Si l’on doit retenir quelques répliques de la pièce et quelques tableaux : lesquels : de
mémoire décrivez le plateau à ce moment-là : essayez de retrouver ce qui vous a intéressé
ou ce qui vous a touché de quelque manière que ce soit à ce moment-là dans le texte, la
scénographie, la mise en scène.
2)
scénographie:
Outre l’analyse des personnages, une attention doit être portée à la
Comment représenter le décor ? : Doit-il être représenté de manière réaliste ou être plus
symbolique ?
Quels costumes imaginer pour les personnages portent-ils des costumes d’époque réalistes
ou contemporains ?
Quelles ambiances sont créées par les lumières ou les univers sonores de la
représentation ?
3)
La pièce : sujets de débats après la représentation:
Quelle conception nous est proposée de l’amour entre parents et enfants ?
Comment peut-on vivre après la mort d’un enfant ? Qu’est-ce que cela peut faire évoluer ?
Qu’est-ce qu’Ibsen veut nous montrer de l’enfance mais aussi de la condition féminine ?
Quelle place est accordée à la mère ? Qu’est-ce qu’Ibsen permet à ce personnage féminin
d’exprimer ?
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