L’ambition du mémorial d’Alsace-Moselle de
Schirmeck est d’effectuer ce travail de mémoire tout en
favorisant également un travail d’Histoire.
Il ne s’agit pas seulement de faire de ce mémorial un
lieu retraçant l’histoire régionale de 1870 au milieu des
années 1950, mais aussi d’en faire un lieu d’histoire
générale, un lieu de sens et de pédagogie et un lieu
résolument ouvert sur l’Europe.
Le passé doit être lourd d’enseignements pour ne plus
reproduire les mêmes erreurs et les mêmes douleurs. Le
présent doit être source de réflexion, de remise en
question, de vigilance toujours renouvelée.
La connaissance du passé est un voyage pour lequel il
faut abandonner ses préjugés et autres idées toutes
« Il ne faut pas pratiquer l’amnésie et, en dépassant les
traumatismes, effectuer non pas un devoir de mémoire mais un
travail de mémoire »
Marc Ferro dans « Les saisons d’Alsace » n°27 – juin 2005
faites. Il faut garder les yeux, le cœur et l’esprit ouverts
car c’est seulement ainsi, libérée de toute entrave, de
tout obscurantisme, que la compréhension peut se faire
et avec elle une vision plus sereine et plus réfléchie de
l’avenir.
LA PERIODE DU REICHSLAND
1871-1914
La vie des Alsaciens et des Lorrains est bouleversée dès 1870 et bascule en
1871, lorsqu’en vertu du Traité de Francfort, leurs régions sont annexées
au jeune Reich allemand. L’Alsace et la Lorraine vont alors se développer
dans un nouveau cadre, celui de l’Empire allemand avec Guillaume Ier de
1871 à 1888, Frédéric-Guillaume en 1888 et Guillaume II de 1888 à 1918.
Les conditions de l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine
au Reich allemand 1870-1871
LA GUERRE DE 1870
19 juillet 1870 : La France déclare la guerre aux Etats allemands dominés par la
Prusse.
Aux origines immédiates du conflit se trouve la candidature d’un Hohenzollern,
cousin du roi de Prusse, au trône d’Espagne. Le 13 juillet 1870, après son
entrevue avec l’ambassadeur de France, Benedetti, le roi de Prusse, Guillaume
Ier envoie d’Ems une dépêche à Bismarck confirmant le désistement de son
cousin. Bismarck déforme la nouvelle en cherchant à offenser la France. Il publie
la « Dépêche d’Ems » en faisant croire que le roi de Prusse avait refusé de voir
l’ambassadeur de France. Cette ruse est un moyen d’exciter le nationalisme
allemand et de lutter contre le particularisme des Etats du sud refusant de se
placer sous commandement prussien sauf en cas de guerre.
Août-septembre 1870 : occupation de l’essentiel des territoires alsacien et lorrain,
malgré de nombreux combats : Wissembourg, Froeschwiller, Spicheren, Forbach,
Freyming, Borny, Rezonville, Gravelotte et Saint-Privat, Noisseville.
2 septembre 1870 : capitulation de Napoléon III avec son armée à Sedan
4 septembre 1870 : à Paris, proclamation de la République et formation d’un
gouvernement de la Défense nationale qui poursuit la guerre.
27 septembre 1870 : Après cinquante jours de bombardement par l’artillerie,
Strasbourg capitule.
8 octobre 1870 : installation des premières autorités allemandes à Strasbourg.
27 octobre 1870 : capitulation de Bazaine à Metz qui livre à l’ennemi une armée de
175 000 hommes et 1500 canons.
24 novembre 1870 : capitulation de Thionville
18 janvier 1871 : proclamation de l’Empire allemand dans la galerie des Glaces à
Versailles
25 janvier 1871 : capitulation de Longwy
28 janvier 1871 : la France rend les armes.
Signature d’un armistice. La France, y compris les territoires occupés, procède à
l’élection d’une Assemblée nationale (qui siègera à Bordeaux).
L’ALSACE ET LA LORRAINE ALLEMANDES
28 février 1871 : le gouvernement français signe les préliminaires de paix qui
comprennent notamment la perte de l’Alsace-Lorraine.
1er mars 1871 : L’Assemblée nationale accepte ces préliminaires (548 voix contre
107) qui conduiront à une annexion de droit de l’Alsace-Lorraine.
Les 28 députés alsaciens-lorrains rédigent en réaction « la protestation de
Bordeaux ».
12 mars 1871 : capitulation de la forteresse Bitche sur demande des autorités
françaises.
10 mai 1871 : signature du traité de Francfort.
L’Alsace et une partie de la Lorraine sont cédées au Reich (1,7 millions
d’habitants ; 2,6% du territoire national) et deviennent un une terre d’Empire
(Reichsland), propriété commune de tous les Etats allemands de l’Empire.
Le Reichsland Elsass-Lothringen (la Terre d’Empire
Alsace-Lorraine) 1871-1914
L’ADMINISTRATION ALLEMANDE
L’Alsace-Lorraine est divisée en trois districts (Bezirk) : la Haute Alsace avec comme
chef-lieu Colmar, la Basse Alsace avec comme chef-lieu Strasbourg et la Lorraine avec
comme chef-lieu Metz.
A la tête de chaque district est nommé un président (Bezirkspräsident).
Le gouvernement est confié à un ministère dont le siège est à Berlin. L’empereur délègue
ses pouvoirs à un président supérieur (Oberpräsident).
L’Alsace-Lorraine a donc un statut particulier. En effet, les autres Etats de l’Empire
disposent d’un souverain et d’une constitution propres.
1er février 1874 : première élection de députés au Reichstag (Assemblée nationale) au
suffrage universel masculin.
Les quinze députés alsaciens-lorrains élus sont des « protestataires » qui
renouvellent la protestation de 1871 au Reichstag.
29 octobre 1874 : le Reichsland Elsass-Lothringen obtient une Délégation régionale
(Landesausschuss) qui est un embryon de parlement aux pouvoirs limités (elle n’a
qu’un rôle consultatif).
1877 : Nouvelle élection au Reichstag. Cinq députés « autonomistes » sont élus à côté
des députés protestataires.
1er octobre 1879 : le rôle du Landesausschuss est accru.
Le président supérieur est remplacé par un Statthalter qui a à la fois les
attributions du chef de l’Etat et celles du chancelier qu’il représente.
1893 : Nouvelle élection au Reichstag.
Il n’y a plus qu’un seul député protestataire (deux socialistes, sept cléricaux
(proches du Zentrum (centre catholique)) et cinq « Ralliés » à l’annexion).
26 mai 1911 : Guillaume II octroie au Reichsland une Constitution.
L’empereur reste représenté par le Statthalter mais le pouvoir législatif est
dévolu à deux chambres : une chambre élue au suffrage universel masculin et une
chambre haute dont les membres sont choisis par l’empereur et qui peut annuler
les décisions de la première. Le Reichsland reste donc sous le contrôle étroit du
Kaiser (l’empereur).
31 juillet 1914 : face à l’imminence de la guerre, l’Allemagne décrète l’état de danger
de guerre (Kriegsgefahrzustand) qui suspend l’application de la Constitution de
l’Alsace-Lorraine et instaure l’état de siège.
Une dictature militaire est mise en place (un tel régime ne sera installé nulle part
ailleurs en Allemagne), le Reichsland devient une zone d’opération militaire et un
glacis militaire avec la construction de forteresses et de casernes.
LE SORT DES ALSACIENS-LORRAINS
Partir ou rester
L’article 2 du traité de Francfort spécifie que les Alsaciens-Lorrains désirant conserver
la nationalité française doivent s’installer en France avant le 1er octobre 1872. Le
nombre exact de ceux qui émigrèrent est discuté (de l’ordre de 130 000 personnes).
Certains ont opté pour la France, d’autres se sont installés en Algérie ou en Amérique.
Les émigrants sont surtout originaires de villes de plus de 4 000 habitants et
appartiennent au milieu des ouvriers, des artisans et de la bourgeoisie. Cette émigration
se poursuit sur toute la période et concerne notamment les jeunes gens avant leur
seizième année pour éviter de servir dans l’armée allemande. Ces départs ont été une
perte de substance qui a gravement affecté l’économie et la vie culturelle jusque dans les
années 1890.
Ces départs sont compensés par une importante immigration allemande (1/6e de la
population en 1910), traduisant une volonté de germanisation (volonté d’imposer la
civilisation et le caractère allemands) du Reichsland qui s’appuie par ailleurs sur l’école
et l’armée. En effet, dès 1871, l’école primaire en langue allemande est obligatoire (sauf
dans les régions francophones) et en 1872 le service militaire obligatoire dans l’armée
allemande est introduit. Des dizaines de milliers de jeunes Alsaciens et Lorrains
s’engagent alors dans la légion étrangère pour y échapper.
L’évolution économique et sociale du Reichsland
- Une période de croissances démographique et urbaine :
Le Reichsland connaît une croissance naturelle plus forte que celle de la France (1 549 738
habitants en 1871, 1 815 000 habitants en 1905). En 1871, le taux d’urbanisation est de 35%.
En 1910, il est de 51% (44% en France et 61% en Allemagne). Cette croissance urbaine est
liée à une politique de construction active dans de nombreuses villes, notamment à
Strasbourg, la vitrine du Reichsland, et à Metz.
- L’évolution économique :
L’industrie
La période de l’annexion est d’abord une période difficile et la production industrielle subit
un recul (instauration de droits de douane pour vendre aux anciens clients français ;
concurrence des industries allemandes dans le cadre de la politique douanière libérale du
Zollverein (union douanière réalisée, sous l’égide de la Prusse, entre les différents Etats de la
confédération germanique. Elle est entrée en vigueur en 1834 et a fortement contribué à forger
l’unité allemande)). Certaines industries déclinent, certaines déménagent et s’installent en
France, mais la plupart se dédoublent , mettant un pied dans chaque pays. A partir de 1895, la
croissance industrielle reprend. Les capitaux venus d’autres Etats allemands favorisent cette
reprise, notamment pour les industries extractives (pétrole à Pechelbronn, potasse au nord de
Mulhouse, houille et fer en Lorraine). Les productions issues de la deuxième révolution
industrielle font leur apparition au début du XX e siècle comme la construction automobile
avec Mathis à Strasbourg ou Bugatti à Molsheim en 1906.
L’agriculture
Elle est marquée par des structures archaïques, surtout en Alsace (petites et très petites
exploitations fortement endettées) qui freinent son évolution. La productivité, qui repose sur
l’accroissement de la production en volume et en valeur et non sur l’exode des paysans,
progresse néanmoins. Les productions évoluent lentement avec l’introduction de nouvelles
cultures comme le houblon et la betterave à sucre (ouverture de la sucrerie d’Erstein en 1893).
Par ailleurs, le développement de la culture des pommes de terre et des cultures fourragères
favorise les élevages porcin et bovin.
En revanche, les viticulteurs des collines sous-vosgiennes optent pour le vin de quantité. Ils se
contentent de pieds hybrides pour greffer la vigne ravagée par le phylloxéra, aux dépens de la
qualité du vin.
- Des avancées sociales
Entre 1883 et 1889 est introduit un système complet d’assurances (assurance maladie,
protection contre les accidents du travail, assurance vieillesse…). Ce régime de sécurité
sociale moderne sera conservé après 1918 sous l’expression de « statut local ». Cette
législation sociale avancée n’empêche cependant pas une amplification des luttes ouvrières et
syndicales surtout pendant la crise des années 1910/1912.
L’évolution culturelle
L’Allemagne dote Strasbourg d’une université moderne.
Le départ de nombreux écrivains, intellectuels et artistes est à l’origine d’un vide
artistique et littéraire jusque dans les années 1880. Le mouvement autonomiste
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