Business School WORKING PAPER SERIES Working Paper 2014-247 Compétences de la main-d’oeuvre locale en Algérie et management de projets nationaux : Le cas de l’autoroute EstOuest Joëlle MORANA Fouzia BRAHIMI Dominique BONET FERNANDEZ Frédéric TEULON http://www.ipag.fr/fr/accueil/la-recherche/publications-WP.html IPAG Business School 184, Boulevard Saint-Germain 75006 Paris France IPAG working papers are circulated for discussion and comments only. They have not been peer-reviewed and may not be reproduced without permission of the authors. Compétences de la main-d’œuvre locale en Algérie et management de projets nationaux : Le cas de l’autoroute Est-Ouest Dominique BONET FERNANDEZ Enseignant-chercheur, IPAG Business School et CRET-LOG AMU [email protected] Joëlle MORANA Maître de Conférences en Sciences de Gestion Laboratoire d’Economie des Transports – Université Lumière Lyon 2 – CNRS – ENTPE – France [email protected] Fouzia BRAHIMI Enseignante Assistante Faculté de Gestion de Sidi-Bel-Abbès - Algérie [email protected] Frédéric TEULON Enseignant-chercheur, IPAG Business School [email protected] 1 Compétences de la main-d’œuvre locale en Algérie et management de projets nationaux : Le cas de l’autoroute Est-Ouest Résumé Cet article se propose d’examiner la perception des compétences de la main-d’œuvre locale algérienne. Pour cela, elle prend appui sur l’analyse d’entretiens en lien avec le projet de construction de l’autoroute Est-ouest entamé en Algérie en 2005. Les réponses montrent que l’Algérie accuse un manque crucial de compétences ainsi qu’une désuétude de son infrastructure dans tous les secteurs vitaux de l’économie. Il en découle un départ en masse des chercheurs et cadres dans d’autres pays et, par ricochet, l’appel à des compétences étrangères sur des projets d’envergure. Ce faisant, plusieurs solutions sont préconisées. Parmi celles-ci, la gestion des connaissances et la définition avec les entreprises des compétences attendues dans chaque secteur d’activité, ceci pour mieux identifier la demande et permettre de décliner précisément les profils manquants, les compétences à acquérir, les formations nécessaires et les recrutements à effectuer. Mots-clés : Compétences, Algérie, Main d’œuvre, Expertise étrangère Abstract This paper aims to examine the perception of skills of local workers in Algeria. Our exploratory research is based on a series of interviews with a panel in connection with the construction of the East-West highway. The results show that Algeria lacks of critical skills and keeps an outdated infrastructure in all vital sectors of the economy. It follows then a mass departure of executives and researchers in other countries and, in turn, calls for foreign expertise on major projects. In doing so, several solutions are recommended. Among these, knowledge management and definition of skills expected in each sector, to better identify this demand precisely and allow declining the missing profiles, skills to acquire and the necessary training and recruitment to perform. Keywords: Skills, Algeria, Labor, Foreign expertise 2 Introduction Dans les années 1990, l’Algérie a été confrontée à une véritable crise identitaire sur les plans religieux, économiques, sociaux et culturels. Cette crise a eu des impacts très négatifs sur son économie globale, impacts encore d’actualité en ce début du XXIème siècle. Parmi les dégâts occasionnés, on note la destruction d’une large partie de ses infrastructures. Or, si les infrastructures ont été touchées, là ne se sont pas arrêtés les impacts négatifs. Ainsi, en plus du conflit armé, de la crise économique, d’un taux de chômage élevé, des conditions de travail et services sociaux inadaptés, un exode des cadres supérieurs et intermédiaires s’est fait jour nécessitant l’appel à des compétences étrangères pour les projets d’envergure (Schiere et Walkenhorst, 2010). Mais, n’en doutons pas, cet exode a fortement fragilisé l’emploi algérien dans un pays qui cherche à se reconstruire. L’objet de ce papier est de poser un regard sur la place et le rôle des compétences de la maind’œuvre locale en Algérie. Pour cela, nous prendrons appui sur le projet de construction de l’Autoroute Est-Ouest mis en place par le pouvoir algérien en 2005. Notre objectif est de démontrer que ce projet dit « d’ouvrage » ou « d’ingénierie » à vocation unique mais sur une durée relativement courte [l’achèvement complet des travaux est prévu pour 2016] (Garel et al, 2004) souligne les difficultés de (re)connaissance des compétences de la main-d’œuvre locale algérienne puisqu’une large majorité des employés est chinoise. A l’issue de ce cas, nous présentons quelques pistes d’amélioration pour une (ré)introduction des algériens dans le cadre de projets futurs. Dans un premier temps, nous soulignons l’importance des compétences dans un contexte économique industriel et/ou en cours de ré-industrialisation. L’étude de terrain sera présentée et traitée dans la deuxième et la troisième partie. Il y est analysé les retours d’entretiens effectués. La quatrième partie est l’objet d’une discussion et d’une synthèse sur la problématique des (pertes de) compétences en Algérie. Enfin, nous concluons en soulignant les voies de recherche de cette étude, tout en soulignant d’ores et déjà l’apport cumulatif de ce travail. En effet, face à une très faible recherche scientifique sur la problématique des compétences en Algérie (Scouarnec et Yanat, 2000; Ait Ziane et Ait Ziane, 2006; Khiat, 2006; Assala, 2008; Benabdellah, 2008; Bonet et al., 2011), notre étude sur ce domaine relativement sensible constitue une réelle avancée dans le contexte algérien. 3 1. Cadre conceptuel : les compétences 1.1 La compétence comme élément pivot de la performance organisationnelle Dès la fin des années 1950, Selznick (1957) remarquait l’importance de compétence distinctive afin de rendre compte du succès d’une organisation, grâce à « des activités dans lesquelles une entreprise est meilleure que ses concurrents ». Ainsi, elles correspondent à des capacités de leadership et permettent, par un déploiement judicieux des ressources, d’atteindre une position concurrentielle unique. L’approche dépasse donc le simple niveau des domaines d’activité stratégique pour définir des compétences distinctives qui traversent l’ensemble de l’entreprise et son réseau, et renforcent la synergie entre activités. Selon ce constat et à l’instar de Katz (1974), il convient d’apprécier la compétence à travers trois éléments qui la fonde. Par ce biais et dans son acception générale, elle s’apprécie via trois dimensions : le conceptuel dont l’objet est l’analyse, la compréhension et l’action d’une manière systémique ; le technique qui souligne l’importance des méthodes, des procédures techniques d’une spécialité et le processus ; et, enfin, l’humain dans ses relations intra et interpersonnelles. En soi, la compétence se construit par un certain nombre de composants. D’après de Montmollin (1994), elle est un ensemble de savoirs et de savoir-faire, de conduites types, de procédés standards, de types de raisonnements que l’on peut mettre en œuvre sans apprentissage nouveau et qui sédimentent et structurent les acquis de l’histoire professionnelle. Dans ce cadre, elle permet l’anticipation des phénomènes, l’implicite dans les instructions et la variabilité dans les tâches. De manière plus précise, Le Boterf (1994) décline la notion de savoirs et de savoir-faire. Ainsi, pour cet auteur, trois savoirs et deux savoir-faire se rencontrent. Les savoirs sont théoriques (savoir comprendre et interpréter), procéduraux (savoir comment procéder) et expérientiels. Quant aux savoir-faire, ils sont sociaux (savoir se comporter, savoir se conduire) et cognitif (savoir traiter l’information, savoir nommer ce que l’on fait, savoir apprendre). Dans ces conditions, comme le soulignent Samurçay et Pastré (1995), la compétence -en tant que rapport du sujet/individu aux situations de travail- est ce qui explique la performance observée. Selon cette appréhension, la compétence est donc finalisée (on est compétent dans une classe de tâches déterminées), opérationnelle (il s’agit de connaissances mobilisables et mobilisées dans l’action et efficaces pour cette action) et apprise (à travers des formations explicites ou par l’exercice d’une activité). Il en découle alors que les compétences peuvent 4 être à la fois explicites et tacites. C’est ainsi que le sujet/individu n’est pas toujours à même d’expliquer les compétences opérationnelles qu’il met en œuvre dans l’action. Dans la lignée de ces travaux, trois principales approches sont alors associées à la compétence. - L’approche comportementale. Pour Macclelland (1973, 1993, 1998), la compétence se définit comme une description générale des habilités nécessaires pour atteindre un bon rendement dans un domaine précis. Les compétences se résument alors à travers les capacités, les connaissances, les habilités, les qualités et les valeurs. Cette première approche montre que la compétence ne peut se limiter à une simple maîtrise des connaissances, qu’elles soient tacites ou explicites ; mais bien à une combinaison de plusieurs variables comportementales (pour exemple, Macclelland donne l’initiative, la persévérance/ténacité, la créativité, la planification/sens de l’organisation, l’esprit ou analyse critique, le leadership/aptitude de commandement, la persuasion/influence, la confiance en soi, les relations interpersonnelles et, la préoccupation et sollicitude envers les autres) qui, réunies d’une manière totale ou partielle, donnent une certaine valeur à la personne qui la possède. - L’approche stratégique. Cette approche décrit la compétence comme un atout stratégique qui permet à l’entreprise d’avoir un avantage concurrentiel. Une compétence n’est qualifiée de stratégique que si elle procure à l’entreprise une certaine avance dans tous les domaines et surtout ceux en lien avec la technologie. Il apparaît donc une interaction entre l’analyse des ressources internes inhérentes à l’entreprise et l’analyse externe du secteur. C’est principalement à travers le courant stratégique de la Resource Based View que la compétence dans sa visée stratégique est appréciée (Maltèse, 2004). - L’approche métier. Cette troisième approche remarque que la compétence ne réside pas dans les ressources (connaissances, capacités, …), mais dans la mobilisation même de ces ressources. La compétence est de l’ordre du savoir mobiliser (Zarifian, 2001 ; Le Boterf, 2000). Sans un contexte d’usage de la compétence (pratique de travail), un ensemble de savoirs ou de savoir-faire ne forme pas une compétence. 5 En conséquence, il est envisageable d’affirmer qu’une compétence se compose d’un certain nombre de caractéristiques explicites et tacites et l’on peut dire qu’une personne est compétente si elle mobilise ses connaissances, ses savoirs et savoir-faire et les adapte selon des situations d’action. Tableau 1. Les principales caractéristiques d’une compétence professionnelle d’un individu (Source : Le Boterf, 2000) Le professionnel est celui qui a eu une bonne formation et qui sait gérer un ensemble de situations professionnelles allant du plus simple au plus complexe : • - savoir quoi faire ; Savoir agir avec pertinence - savoir aller au-delà du prescrit ; - savoir choisir dans l’urgence ; - savoir arbitrer, négocier, trancher ; - savoir enchaîner les actions selon une finalité ; • Savoir combiner les ressources - savoir construire des compétences à partir des ressources ; et - savoir tirer parti non seulement des ressources incorporées mais les mobiliser dans un contexte • Savoir transposer aussi des ressources de son environnement ; - savoir mémoriser de multiples situations et solutions types ; - savoir rendre du recul et fonctionner en « double piste » - savoir utiliser des méta-connaissances pour modéliser ; - savoir repérer et interpréter des indicateurs de contexte ; - savoir créer des conditions de transposabilité ; • Savoir apprendre et apprendre à - savoir tirer des leçons des expériences ; apprendre - savoir décrire comment on apprend ; - savoir fonctionner en double boucle d’apprentissage ; Subséquemment, au-delà de l’identification de chaque compétence individuelle, se pose la question de savoir ce qui prévaut à leur construction. En d’autres termes, à quel niveau se situent les compétences clé : au niveau individuel ? Au niveau collectif ? Sur ce point, les chercheurs sont unanimes : les compétences sont par nature systémiques dans les organisations. Black et Boal (1994), notamment, admettent que les liens tissés entre les individus d’une même organisation comptent autant, sinon plus, que les capacités de ces mêmes individus pris isolément. Des effets de synergie se créent et se développent, rendant inimitable le réseau de relations à l’origine des compétences. Les organisations sont alors le 6 creuset de compétences collectives qui ne sont pas transférables. Selon cette idée, Persais (2004) définit les compétences relationnelles comme « la capacité d’une entreprise à tisser et entretenir un lien positif et durable avec un acteur clé de l’environnement ». Mais, pour cet auteur, la notion est plus large que celle de ressources de réseau dans la mesure où elle englobe tous types d’acteurs. Il souligne comment les compétences relationnelles se développent en reprenant les trois éléments du modèle d’accumulation des compétences proposé par Durand (2000), autrement dit le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. 1.2. La compétence en Algérie : le constat d’une triple carence Lorsqu’on s’intéresse à la notion de compétences professionnelles en Algérie, la lecture de la presse économique, confortée par l’avis des chercheurs sur la question, montre une situation préoccupante. Celle-ci peut s’apprécier en trois points : un système éducatif en inadéquation avec la formation, des entreprises en état de défaillance et une mobilité externe des compétences. L’inadéquation du système éducatif Afin d’apprécier la relation entre formation et emploi, nous avons rencontré en 2009 un chercheur algérien de l’université d’Oran, spécialiste de l’Economie du Maghreb, qui nous a confirmé l’insuffisance d’études et de mesures. Il existe un écart important entre l’offre et la demande de formation. Le cursus offert par l’enseignement supérieur dans sa majorité ne correspond pas à la demande des entreprises, les compétences sont rares et les entreprises rencontrent d’énormes difficultés à recruter des jeunes. Le secteur de l’enseignement supérieur et l’organisation pédagogique sont gérés dans une logique bureaucratique, inadaptée à la demande des entreprises. On n’associe pas à l’enseignement supérieur les premiers acteurs à considérer, à savoir les chefs d’entreprise, les syndicats, les organisations patronales. Cet état de fait provoque un dysfonctionnement d’un point de vue décisionnel et engendre des réponses inadaptées de la part du système éducatif aux exigences du développement des entreprises et, in fine, du pays. L’entreprise algérienne en état de défaillance Les caractéristiques de l’entreprise algérienne sont largement déterminées par les choix politico-économiques (Benkhalfa, 1992). La structure spécifique des entreprises algériennes peut être considérée comme un élément crucial de la marginalisation des compétences. En 7 effet, le recrutement des cadres -ayant plus de compétences que leur dirigeant- exige du dirigeant une prédisposition à déléguer son pouvoir et à faire participer les cadres au processus décisionnel. Or, ceci est difficile à admettre pour un dirigeant, souvent propriétaire et qui a investi son capital et ses compétences pour bâtir son entreprise. Pour ce dirigeant, c’est souvent l’expérience pratique qui prime, à l’inverse des connaissances théoriques qui n’assureraient pas la survie de l’entreprise algérienne. Il en découle que cette relation ou plutôt cette non-relation d’encadrement entre le cadre diplômé et le dirigeant -non ou moins diplômé- entrave l’efficacité organisationnelle. A ses spécialistes, l’entreprise va plutôt requérir des compétences diverses et transverses, ce qui n’est pas acquis dans l’immédiat. En outre, l’entreprise algérienne se caractérise par une centralisation du pouvoir hiérarchique, une difficulté de maîtriser l’information, un manque d’innovation dans les pratiques de gestion ; ce qui entraîne des incohérences entre les objectifs et la structure existante. Or, il existe un personnel qualifié dans les entreprises algériennes ; mais, ce dernier est inexploité du fait de la déconnexion entre les caractéristiques organisationnelles, les objectifs et les attentes des employés (Ait Ziane et Ait Ziane, 2006 ; Assala, 2008). La mobilité externe des compétences algériennes L’effet conjugué des facteurs cités ci-dessus incite les algériens à quitter leur pays, à la recherche d’horizons plus prometteurs…. Pour conséquence, depuis les années 1980, le flux migratoire de compétences vers les pays riches et développés prend une ampleur telle que ceci pose un véritable problème pour l’économie nationale algérienne. En effet, si au début, ce mouvement ne concernait que les étudiants, il intéresse maintenant les chercheurs et les cadres confirmés qui ont tout abandonné pour venir s’installer en Europe ou en Amérique à la recherche de meilleures opportunités et perspectives (Kendel, 2008). 2. Etude empirique Dans cette section sont présentés la méthodologie adoptée, l’objet de recherche ainsi que les résultats et leur discussion. 8 2.1 Une méthodologie exploratoire pour un objet de recherche difficile d’accès Compte tenu de la variable étudiée -les compétences- ainsi que des difficultés méthodologiques soulevées par son observation, il a été décidé d’adopter un dispositif s’appuyant sur des entretiens semi-directifs auprès d’un panel d’experts. Notre approche est exploratoire, compte tenu du caractère novateur de l’objet de recherche et de la difficulté d’accès au terrain. La première phase a consisté à mener une recherche documentaire à partir de la littérature académique et professionnelle et des entretiens informels auprès de chercheurs et de cadres du BTP en Algérie. Cette étape nous a permis d’identifier les compétences de la main-d’œuvre en Algérie et aussi de comprendre les freins à l’emploi de cadres et de personnels locaux pour les grands projets nationaux tels que celui de l’autoroute Est-Ouest. Ces différents analyses et échanges ont permis la réalisation d’un guide d’entretien (Cf. Encadré 1). Encadré 1. Le guide d’entretien (thèmes génériques) Thème 1. Définition des raisons qui ont incité les pouvoirs publics algériens à faire appel aux étrangers pour la réalisation des projets d’envergure Thème 2. Définition de l’incapacité des entreprises algériennes à réaliser un projet d’envergure tel que le projet de construction de l’autoroute Est-ouest Thème 3. Définition des raisons de la mobilité externe des cadres algériens Thème 4. Etude des perspectives et des solutions envisagées concernant tous les dysfonctionnements rencontrés La deuxième phase a reposé sur un terrain exploratoire qualitatif auprès d’un panel de cinq experts dans le domaine du génie civil et du bâtiment. L’objectif a été de recueillir leurs discours sur les compétences des cadres et personnels locaux et les freins à leur intégration dans les grands projets nationaux. Les entretiens se sont déroulés en langue française et/ou arabe, y compris pour le cadre chinois qui a répondu en arabe, avec -dans son cas- de nombreuses reformulations pour confirmer le message transmis, d’où un entretien d’une durée de deux heures. Aucun des répondants n’a accepté l’enregistrement, c’est donc avant tout la prise de note qui a été utilisée. 9 Tableau 2. Le panel des répondants Fonction/statut Lien avec le projet autoroute Est-ouest Durée entretien Deux dirigeants d’entreprises de BTP Candidatures non retenues pour ce projet 45mn Deux diplômés en génie civil de En chômage depuis 4 ans l’Université d’Oran Non embauchés pour ce projet Un cadre chinois du projet Situé sur la wilaya de Sidi-Bel-Abbès 1 1 heure 2 heures 2.2 Présentation du projet de l’autoroute Est-ouest Afin d’évaluer les perspectives de mise en œuvre d’une gestion des compétences de la maind’œuvre locale algérienne, il nous a paru instructif de procéder à une analyse préalable de l’existant en référence à un cas réel de projet. Il s’agit en l’occurrence du projet de construction de l’autoroute Est-Ouest, entamé depuis 2005 dans une démarche de modernisation des infrastructures du pays et qui sera totalement achevé en 2016. Le financement de ce projet a été rendu possible par la remontée des cours des hydrocarbures à partir de 2002 (Aliouat et al., 2014). Le projet de l’autoroute Est-Ouest L’idée de construction de l’autoroute Est-Ouest en Algérie date des années 1970. Mais, ce n’est qu’en 2005 que l’Agence Nationale des Autoroutes (ANA) d’Algérie qui, en tant que maître d’ouvrage, a lancé un appel d’offre à l’intention des grands groupes internationaux pour ce projet. D’ores et déjà, les entreprises locales algériennes ont été écartées par les autorités algériennes, car jugées incapables d’effectuer un aussi grand projet. 1 Sidi-Bel-Abbès : ville située à 466 Km à l’Ouest d’Alger. 10 Figure n°1 : tracé de l’autoroute Est-Ouest Source : http://www.atlas-developpement.com/img/trace_autoroute_est_ouest.jpg La construction de 927 Kms d’autoroutes qui traversent de part en part l’Algérie offre des retombées socioéconomiques multiples. Considérant, que plus de 85% des échanges commerciaux se font par le réseau terrestre, cette liaison est devenue d’une importance vitale, tout particulièrement afin d’éviter toute saturation des axes routiers. A cet effet, on peut citer comme retombées, (a) une réponse au trafic et aux besoins en matière de transport, (b) une acquisition de l’expérience à travers cette réalisation, (c) une augmentation de la sécurité dans le transport et une réduction du coût social induit par l’insécurité routière, (d) une augmentation du gain de temps pour les usagers, (e) une création d’un nouvel espace socioéconomique attractif pour l’investissement, (f) une réduction des coûts d’exploitation des véhicules, (g) un développement du tourisme et des échanges commerciaux inter-wilayas 2, et (h) une contribution à un aménagement équilibré et rationnel du territoire. 2 Wilaya : division administrative du territoire, correspond au département en France. 11 Dans la réponse à l’appel d’offre de 2005, cinq soumissionnaires étrangers ont présenté une offre financière et technique (une société américaine, un consortium de 14 entreprises portugaises, un groupement de quatre entreprises chinoises, un groupement japonais de six entreprises, un consortium franco-allemand). In fine, l’ANA a tranché en faveur des deux groupements chinois et japonais qui se sont engagés à réaliser ce projet dans un délai de 40 mois. Pour cela, ils ont proposé l’utilisation de procédés de contrôle sous GPS et de technologies numériques pour l’exécution de terrassement de masse. Cependant, il faut préciser que ces deux groupements ont choisi de faire appel à leur propre main-d’œuvre (chinoise pour le groupement chinois et philippine pour le groupement japonais). Parmi les raisons invoquées, celle de l’utilisation de technologies de pointe dont les algériens n’ont pas les qualifications requises pour un correct emploi dans le délai imparti relativement court du projet. La répartition des lots selon les entreprises retenues se présente telle que suit (Cf. tableau 1) : Tableau 1. Répartition des lots Lot Linéaire (km) Désignation Groupement Lot Est 399 Borj-Bou-Arreridj-Frontières COJAAL : groupement japonais tunisiennes Lot Centre 169 Borj-Bou-Arreridj-Chlef Lot Ouest 359 Chlef-Frontières marocaines CITIC/CRCC : groupement chinois Source : Revue Algérie Autoroute 3. Résultats et analyse A l’issu de l’analyse thématique de contenu des verbatim, nous avons repéré quatre thèmes permettant de structurer nos résultats. Il s’agit de la présence de la main d’œuvre étrangère en Algérie, de la mise à l’écart des entreprises algériennes du programme de construction, de la mobilité externe des compétences et des perspectives et des solutions envisagées. Thème 1. La présence de la main-d’œuvre étrangère en Algérie : une critique de l’Etat… Pour les deux jeunes ingénieurs en génie civil, au chômage, la présence de cadres et d’ingénieurs en génie civil étrangers est due au manque de qualification des cadres algériens 12 dans les domaines de technologies de pointe nécessaires à l’accélération des travaux, et ceci dans la gestion de projets de grande envergure. Une critique envers l’Etat algérien est émise. « Notre pays n’a pas confiance en nous ni en notre capacité à le développer, il fait appel aux ingénieurs en génie civil, chinois, japonais, américains, enfin de toutes les nationalités et nous, cela fait quatre ans qu’on est sans travail, et quand on postule pour participer à ces projets, notre candidature est toujours rejetée. Alors pourquoi notre pays nous forme, on passe des années à l’université pour qu’en fin de compte on se retrouve au chômage. C’est des ingénieurs d’autres nationalités qui construisent notre pays à notre place. Il ne faut pas s’étonner que tout le monde veuille bien quitter ce pays. » (Diplômé 1 en génie civil) Selon les deux cadres dirigeants du BTP, le recours aux étrangers est perçu comme indispensable pour la construction à grande échelle. En effet, pour eux, les entreprises algériennes sont en majorité des PME et ne sont pas capables de fournir savoir-faire et technologies dans ce domaine de gestion de projets. En outre, là aussi, l’Etat algérien est mis en cause : il ne sait pas considérer les délais à tenir à leur juste valeur. « Les entreprises algériennes ne jouent qu’un rôle secondaire dans la construction du pays. Le maître d’ouvrage (Etat algérien représenté par le ministère des travaux publics) a précisé que les appels d’offre ne sont destinés qu’aux entreprises étrangères. C’est normal, ils ont mis la barre trop haut. Il faut vraiment être une entreprise de renommée internationale pour achever un si grand projet en 40 mois. A mon avis, ils se leurrent, aucune entreprise quelle que soit sa taille et son savoir technologique ne pourrait réaliser une autoroute de 1216 Kms en 40 mois, c’est impossible. L’Algérie s’est lancée dans des projets gigantesques sans pour autant être prête à les réaliser. » (Dirigeant 1) Quant au cadre chinois, son diagnostic est assez sévère envers les travailleurs algériens. Leur façon de travailler ne lui convient pas. Cependant, il reconnaît que l’Algérie a besoin d’aide dans le domaine des technologies de pointe et le management de projets, aide fournie par la Chine. « Les raisons du recours de l’Etat algérien aux travailleurs chinois sont nombreuses. Tout d’abord, la main-d’œuvre chinoise est beaucoup plus qualifiée que la maind’œuvre algérienne. Les ouvriers chinois sont plus sérieux au travail que les ouvriers algériens. Je vous donne un exemple concret de la situation : le travail qu’effectue un 13 chinois en 2 heures, l’algérien le fait en 8 heures, entre les pauses café, les discussions, le temps mort à ne rien faire. L’ouvrier chinois prend une ½ heure de pause pour se reposer. C’est notre façon de travailler. Ensuite, le travail réalisé par l’ouvrier chinois est de meilleure qualité et il est exécuté dans les délais, alors qu’avec les travailleurs algériens, il faut refaire le travail trois à quatre fois. » Les réponses sur ce premier thème soulignent des insatisfactions, tout acteur confondu. Pour les ‘locaux’, c’est un manque de reconnaissance dans la formation universitaire ou dans la culture du pays. Pour les ‘entrants’, c’est une non-compétence du local ou encore une culture organisationnelle non efficiente. Thème 2. La mise à l’écart des entreprises algériennes du programme de construction Ce thème concerne les entreprises algériennes qui n’ont pas été autorisées par les pouvoirs publics à participer à la construction des infrastructures du pays. Or, les entreprises algériennes sont en majorité des PME et souffrent d’un grand déficit à tous les niveaux. Ces points sont confortés par les acteurs. A l’instar des deux chefs d’entreprise qui souligne que le problème pour l’entreprise algérienne est la concurrence rude de la part des grandes multinationales qui monopolise le domaine du BTP, et en particulier les entreprises chinoises. Les réponses de l’ensemble du panel interrogé vont dans un même sens, à savoir l’existence d’une structure entrepreneuriale algérienne trop fragile pour répondre aux défis de reconstruction de l’Algérie du XXIème siècle. Thème 3. La mobilité externe des compétences Sur ce questionnement, ce sont principalement les diplômés en génie civil qui répondent. Ainsi, ces derniers trouvent que ceux qui sont partis, avaient raison de le faire. En effet, les pays européens offrent plus d’opportunités pour s’épanouir. Et pour expliquer ces départs, trois facteurs sont énoncés : la crise économique, le taux de chômage très élevé qui touche 40% des diplômés et le conflit armé qui a secoué le pays pendant 10 ans. 14 Thème 4. Etude des perspectives et des solutions envisagées Sur ce thème, nous tentons d’analyser les perspectives et les solutions arguant d’une amélioration de la situation de crise dans laquelle le pays se trouve. Pour chacun des répondants, plusieurs possibilités sont entre les mains des décideurs du pays. Nous synthétisons les principales réponses ci-dessous : - Pour les deux jeunes ingénieurs au chômage, la seule solution est de redynamiser l’ensemble des secteurs d’activité en mettant en place un système de recrutement efficace basé sur un seul critère, le mérite. - Selon les deux chefs d’entreprise, le plus urgent à faire, serait l’intervention de l’Etat pour améliorer la situation financière des entreprises et faciliter les procédures de création d’entreprises. - Enfin, pour le cadre chinois, la solution se trouve entre les mains des algériens euxmêmes : « Il faut qu’ils soient plus efficaces dans leur travail et moins négligents. » 4. Discussion, synthèse et implications Les répondants ont identifié les principales causes du dysfonctionnement des infrastructures qui participent au développement du pays. L’analyse documentaire ainsi que l’analyse de contenu thématique des verbatim montrent la variété des facteurs qui ont conduit à un état critique des infrastructures (manque et perte de compétences locales). Sur le rôle et la place de l’entreprise algérienne, les répondants sont unanimes : « l’entreprise algérienne va mal. » Sur le secteur du BTP, les ‘locaux’ déplorent que les entreprises ne puissent participer à ces grands projets. Malgré tout, une prise de conscience s’établit sur cet ‘échec’. Parmi les problèmes, on peut citer (1) qu’il n’existe pas de réelle politique des ressources humaines, (2) que l’identification des compétences n’est pas formalisée, (3) que le recrutement est anarchique, sans que soient prises en compte les qualifications et encore moins des caractéristiques personnelles telles que savoir-être ou motivation, et (4) que le BTP est resté trop traditionaliste et manque en conséquence de technologies de pointe. Certes, à des niveaux plus ou plus importants, les répondants reconnaissent et admettent l’importance de la formation dans l’emploi et la compétitivité ; mais mettre ‘autour d’une même table’ toutes les parties prenantes n’est pas encore d’actualité, loin s’en faut ! 15 Mais, l’un des facteurs les plus critiques est et reste la mobilité externe des cadres algériens. A ce titre, un rapport du Conseil National Economique et Social (CNES) de juillet 2005 révèle que plus de 40000 chercheurs et scientifiques ont quitté l’Algérie sur les dix dernières années. Une autre mesure du l’INSEE remarque qu’en Europe, 99000 chefs d’entreprise sont d’origine algérienne. Cet exode se concrétise par un prix fort pour l’Algérie: l’obligation pour elle de faire appel à l’expertise étrangère. A charge maintenant pour l’Algérie de mettre en œuvre des actions concrètes telles que, par exemple, la mise en place d’un transfert des connaissances des expatriés aux ‘locaux’ par le recours au e-learning ou encore par des partenariats avec d’autres pays comme la France qui dans une convention 2007-2016 appuie l’investissement des entreprises françaises sur le sol algérien, ceci accompagné d’une remise à niveau de la formation au niveau local. Conclusion Le niveau des compétences techniques et organisationnelles des entreprises doit toujours être à la pointe, ceci afin de faire face à une concurrence toujours plus vive et internationale. Or, depuis plusieurs années, l’Algérie connaît à ce niveau un très grand déficit qui ne peut être comblé que par la mise en place de réformes drastiques. Cette étude menée auprès d’acteurs en lien avec le projet d’autoroute Est-ouest en Algérie entamé en 2005 a été l’occasion d’apprécier les perceptions desdits acteurs sur le rôle et la place des compétences des locaux dans ce projet de reconstruction du pays. Les réponses sont unanimes, en cela que l’Algérie accuse un grave déficit de compétences ainsi qu’une désuétude de son infrastructure au niveau de tous les secteurs vitaux du pays. Il en ressort une économie affaiblie, des universités dans un état déplorable, une formation de bas niveau. En définitive, le pays est confronté à une absence de politique et de prospective, elle-même résultant de la dégradation de l’éducation et de la formation. En découle alors un départ en masse des chercheurs et cadres dans d’autres pays et, par ricochet, l’appel à des compétences étrangères sur des projets d’envergure. Plusieurs solutions peuvent être préconisées. La gestion des connaissances est un outil intéressant et même si cette dernière n’est pas connue des entreprises algériennes, elle n’en reste pas moins une démarche à mettre en place. Mais, avant tout, il convient de définir avec les entreprises les compétences attendues dans chaque secteur d’activité, ceci pour mieux identifier la demande et permettre de décliner précisément les profils manquants, les 16 compétences à acquérir, les formations nécessaires et les recrutements à effectuer. Ainsi, les cadres et les diplômés « exilés » à l’étranger pourraient être sollicités et invités à rentrer dans de bonnes conditions pour œuvrer au développement de l’Algérie. Pour conclure ce travail, nous ne pouvons occulter le fait que cette étude, de nature exploratoire, comporte certaines limites. Plusieurs questions ont été identifiées et des solutions ont été proposées pour répondre à la problématique du manque/perte de compétences de la main-d’œuvre locale en Algérie. Nonobstant, malgré la volonté d’explorer le plus largement possible cette problématique, le caractère novateur du sujet et donc l’insuffisance de recherches effectuées sur ce sujet a limité notre modélisation d’une gestion des compétences dans un pays en reconstruction totale. Des travaux plus poussés dans ce domaine devraient permettre d’affiner les solutions de mise en œuvre d’une gestion des compétences au niveau de nombreuses infrastructures nationales en Algérie. Bibliographie Ait Ziane, K. et Ait Ziane, H. (2006) « Territoire et entrepreneur innovateurs, cas de l’Algérie », Colloque International « Création d’entreprises et territoires », Tamanrasset, 3-4 déc. Aliouat B., Bonet Fernandez D. et Teulon F. (2014) « Pays riche, population pauvre : quelle stratégie de développement pour l’Algérie ? », Ipag working papers. Assala, K. 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