Atelier de Recherche en Économie Appliquée
6-080-93
La substitution à l’importation : Naissance et Déclin d’une idée
Étude de cas : Le Chili dans le XXe siècle
Travail présenté à
Monsieur Désiré Vencatachellum
Par : Annie Payant
Sous la direction de :
Martin Coiteux
Ruth Dupré
École des Hautes Études Commerciales de Montréal
Jeudi le 1er février 2000
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1. Introduction
Durant les 100 à 200 dernières années, les pays de l’Europe de l’Ouest, de
l’Amérique du Nord ainsi que le Japon ont connu des taux de croissance du PIB per
capita relativement soutenus. De leur côté, les pays d’Afrique, d’Amérique Latine et
d’Asie n’ont pas vu leur situation s’améliorer de façon aussi régulière. Vers la fin des
années 1940, le monde a pris conscience des disparités dans les conditions de vie et
l’accès aux ressources. Cette prise de conscience survient du fait que l’après Seconde
Guerre Mondiale est marqué par la décolonisation, ce qui conduit à la création de nations
indépendantes (Inde, Vietnam…). Le développement économique des pays à faible
revenu devient un sujet préoccupant et le rôle des activités internationales dans
l’explication de la croissance ou de l’absence de croissance suscite beaucoup d’intérêt.
L’une des premières stratégies de développement impliquant des transactions
internationales est la substitution à l’importation. Cette stratégie a prévalu dans plusieurs
pays en développement dans les années 1950 et 1960. En 1970, il était généralement
reconnu que la substitution à l’importation ne pouvait pas produire une croissance
soutenable et la promotion des exportations est devenue la stratégie prédominante.
2. Problématique de recherche et intérêt du sujet
On peut décrire la substitution à l’importation comme une stratégie de développement
qui vise à accomplir deux objectifs : apprendre des pays riches et protéger l’industrie
domestique de façon à ce que la société puisse trouver sa propre voie, puisse créer son
propre développement et refaire son économie afin de fonctionner à égalité dans la
communauté des nations1. Il s’agit donc d’une mesure protectionniste, utilisée dans un
but d’apprentissage. Elle fait l’objet des critiques des libéraux, d’autant plus qu’il
1 Handbook of Development Economics, 1989.
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n’existe pas de cas de succès complet de l’application d’une stratégie de substitution à
l’importation. Plusieurs auteurs, dont Balassa et Kruger, ont recueilli des éléments
statistiques et qualitatifs pour montrer les avantages des stratégies « orientées vers
l’extérieur ». Cependant, l’ambiguïté de certaines variables clés (taux de change
approprié, termes de l’échange, par exemple) fait en sorte que les résultats ne peuvent
être considérés comme concluants. De plus, ces stratégies portent peu attention aux
difficultés relatives au processus décisionnel et aux changements de politiques dans les
pays en développement. Pour ces raisons, l’étude de la substitution à l’importation
demeure une importante composante de l’économie du développement.
L’objectif du présent mémoire est de retracer, dans l’histoire de la pensée
économique, les éléments qui ont mené à l’élaboration d’une stratégie de substitution à
l’importation. Ce point de vue global, sur une longue période, permettra de mieux saisir
les fondements de la stratégie. L’auteur souhaite qu’il puisse jeter un éclairage nouveau
sur les éléments de réussite et d’échec de la substitution à l’importation. Pour ce faire, le
cas du Chili a été choisi comme illustration.
3. Généalogie d’une idée
3.1) Le mercantilisme (1450-1750)
Remontons le temps jusqu’au premier courant d’idées proprement économiques : le
mercantilisme2. L’ère mercantiliste s’étend de 1450 à 1750. Ses principaux éléments
doctrinaux sont : 1) L’enrichissement des nations s’accomplit essentiellement par
l’accumulation de métaux précieux; 2) Le commerce extérieur est supérieur au commerce
intérieur et l’industrie à toute autre activité économique; 3) La politique économique de
l’État doit tendre, dans la mesure du possible, à émanciper la nation de toute dépendance
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de l’étranger; 4) L’intervention de l’État dans la vie économique est juste et nécessaire; 5)
Les intérêts économiques des nations sont nécessairement antithétiques.
Dans son essence, le mercantilisme est un mouvement d’unification nationale : il se
donne pour mission d’ériger en communauté nationale les habitants d’un territoire donné.
Le mercantilisme est un puissant facteur de centralisation au profit du pouvoir royal. Le
souverain doit envisager la guerre, d’où la nécessité pour la nation de se suffire à elle-
même afin d’échapper à la pression économique de l’étranger hostile. Le but du
mercantilisme est donc la consolidation de l’État. Ce courant lie tellement le politique et
l’économique qu’il devient impossible de les dissocier. Le mercantilisme est donc
l’expression économique d’un nationalisme naissant.
Ce courant prend des formes un peu différentes selon les pays. Le mercantilisme
allemand est nationaliste, industrialiste, interventionniste et protectionniste, proche des
mesures de Colbert en France. Parallèlement, en Angleterre, Thomas Mun, David Hume
(1711-1776, il fut le mentor d’Adam Smith) et William Petty (1626-1687) proposent
plutôt l’enrichissement par le développement du commerce international. L’industrie ne
sera pas délaissée mais le commerce et la navigation, donc l’échange et l’expédition,
deviennent la forme préférentielle de l’enrichissement. Le négoce est source de gains et
l’industrie n’est qu’un élément parmi d’autres du négoce.
3.2) Les classiques (1700-1870)
La pensée classique coïncide avec l’avènement de la révolution industrielle et
d’un capitalisme moderne, après le « capitalisme commercial » des mercantilistes. La
compréhension des nouvelles sources de la richesse est un sujet préoccupant. Il semble
alors naturel que l’œuvre majeure des classiques soit celle d’Adam Smith (1723-1790),
2 Un diagramme d’influence des courants économiques est présenté en annexe.
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avec « Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations» (1776). Dans
son étude, Smith fera aussi la critique du système mercantile. À son avis, en gênant
l’importation des marchandises qui peuvent être produites dans le pays, on assure à
l’industrie nationale un monopole dans le marché intérieur pour ces marchandises. Ce
monopole utilisera souvent à ses fins propres une portion du travail et des capitaux du
pays plus grande que celle qui aurait été employée autrement. Smith admet toutefois
qu’il est difficile de savoir si la présence de ce monopole tend à améliorer ou non
l’industrie générale de la société.
En agissant dans son propre intérêt, l’individu est conduit par une main invisible à
agir aussi dans l’intérêt de la société. L’homme d’État qui chercherait à diriger les
particuliers quant à l’utilisation de leurs capitaux s’embarrasserait d’une tâche inutile ou
nuisible (si le produit du monopole national ne peut être vendu à aussi bon compte que
celui de l’industrie étrangère). Smith limite l’intervention de l’État à trois fonctions
seulement : la défense du pays, l’administration de la justice, le maintien de certaines
institutions et travaux publics qu’aucun particulier n’entreprendrait jamais dans son
intérêt privé.
David Ricardo (1772-1823) fut, avec Smith, un autre pilier de l’école classique
anglaise. Il opte pour le libre-échange face au protectionnisme (les débats autour des
corn laws sont très chauds à cette époque, leur abrogation se fera en 1846) et lui fournit
un argument important : celui des avantages comparatifs. Ricardo démontre que
l’échange international entre deux pays est profitable aux deux, même si l’un est plus
efficace dans tous les domaines.
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