Du texte...
uand Dostoïevski rédige Le rêve
d’un homme ridicule, ses grandes
œuvres sont presque toutes
derrière lui. Seuls Les frères Karamazov
restent à écrire. Cette très courte
nouvelle est donc un concentré intense
de sa pensée et de ses obsessions. À la
première personne, un homme seul –
qui se dit ridicule – raconte comment,
arrivé au bout de sa logique nihiliste, il
est sauvé du suicide par une fillette en
larmes qui l’interpelle dans la rue. Tout
ne lui est donc pas « égal » puisqu’il a
éprouvé de la peine pour cette petite
fille. Rentré chez lui, il s’endort le
revolver à la main et rêve qu’il s’est tiré
une balle dans le cœur. Il assiste à son
propre enterrement puis s’envole pour
un voyage interstellaire à la découverte
d’une exoterre sur laquelle vit une autre
humanité, demeurée au stade pur et
primitif du jardin d’Eden. Il apprend
alors à connaître ces hommes, puis il
leur enseigne le mensonge, provoque
leur « chute », leur ouvre la porte du
péché et de l’Histoire. Convaincu qu’il
est possible de reconstruire le paradis
perdu, de retrouver le miracle de cette
harmonie, désormais, il prêchera pour
le faire savoir.
...À l’opéra
est à partir de cet état final
que nous désirons bâtir
notre opéra : pour prêcher,
l’homme a choisi le théâtre. Il vient
donc parler directement et sans détour
aux spectateurs. Il a lui-même réuni les
moyens scéniques qui doivent
permettre de rendre son rêve visible. Il
va se prêter sous nos yeux à une mise en
condition physiologique, visuelle et
sonore, visant à le faire entrer dans un
état hallucinatoire au cours duquel il
revivra devant nous l’expérience
sensorielle qui l’a radicalement
transformé. Au cours de cette traversée,
il se dédouble et, découvrant sa capacité
de chanter, renoue avec son être
primitif. La musique et le chant seront
les vecteurs de sa métamorphose.