LA LETTRE D’ACTUALITÉ DU PRÉ-BARREAU Novembre 2014 Editorial : la connaissance de l'actualité juridique et la maîtrise de la méthodologie sont des clés essentielles de la réussite aux épreuves du CRFPA. Pour vous aider à mieux les appréhender, le Pré-Barreau vous propose, dans sa lettre mensuelle, une sélection commentée de quelques arrêts et textes adoptés ainsi que de brefs conseils méthodologiques. Bonne lecture et n'hésitez pas à nous retourner le formulaire situé en quatrième page si vous souhaitez recevoir gratuitement les prochains numéros de la lettre d'actualité du Pré-Barreau. SOMMAIRE FLASH SUR … Cons. const., 9 octobre 2014, déc. n° 2014-420/421, QPC FLASH SUR… Cons. const., 9 octobre 2014, QPC Matière : procédure pénale JURISPRUDENCE Matière : droit administratif Arrêt : CAA, 5 juin 2014 Matière : procédure civile Arrêt : Cass., Avis 6 octobre 2014 Matière : droit de la famille et libertés publiques Arrêt : Cass. Avis 22 septembre 2014 LÉGISLATION ET RÈGLEMENTATION Matière : droit pénal Texte : loi n° 2014-896 du 15 août 2014 CONSEIL MÉTHODOLOGIQUE Objet : commentaire d' un arrêt de cassation regardée comme proportionnée au but Matière : procédure pénale Mots-clés : garde à vue et escroquerie en poursuivi. Par suite, le Conseil a déclaré contraire à la Constitution le 8° bis de bande organisée. l’article 706-73 du Code de procédure pénale, considérant que la modification de Commentaire : le Conseil constitutionnel a l’article 706-88 par la loi du 27 mai 2014 été saisi par la Cour de cassation (chambre n’a pas mis fin à cette inconstitutionnalité. criminelle, arrêts n° 4428 et n° 4429 du 16 S’agissant ensuite des effets dans le temps de juillet 2014) d’une question prioritaire de cette déclaration d’inconstitutionnalité, le constitutionnalité relative à la conformité à Conseil a jugé que l’abrogation immédiate la Constitution des articles 706-73, 8° bis et du 8° bis de l’article 706-73 du Code de 706-88 (dans sa rédaction antérieure à la loi procédure pénale aurait pour effet d’interdire n° 2014-535 du 27 mai 2014) du Code de le recours aux pouvoirs spéciaux de procédure pénale. Selon le requérant, en ce surveillance et d’investigation dans les qu’elles permettent le recours à une mesure enquêtes portant sur l’escroquerie en bande de garde à vue de 96 heures dans le cadre organisée (alors que de tels pouvoirs ne sont d’une enquête ou d’une instruction portant pas contraires à la Constitution). Face à cette sur des faits qualifiés d’escroquerie en bande conséquence manifestement excessive, le organisée, et autorisent l’intervention Conseil a reporté au 1er septembre 2015 la différée de l’avocat pendant une durée date de cette abrogation. Mais, afin de faire maximale de 48 heures en considération de cesser l’inconstitutionnalité constatée, le raisons impérieuses tenant aux circonstances Conseil a jugé qu’à compter de la particulières de l’enquête ou de l’instruction, publication de sa décision, il ne sera plus soit pour permettre le recueil ou la possible de prolonger une mesure de garde à conservation des preuves, soit pour prévenir vue au delà de 48 heures dans des une atteinte aux personnes, les dispositions investigations portant sur des faits combinées de ces deux textes d’escroquerie en bande organisée. Enfin, le méconnaitraient le principe de rigueur Conseil a jugé que la remise en cause des nécessaire des mesures de contrainte dans la actes de procédure pénale pris sur le procédure pénale, la protection de la liberté fondement du 8° bis de l’article 706-73 du individuelle et les droits de la défense. Le Code de procédure pénale méconnaîtrait Conseil a relevé que, même lorsqu’il est l’objectif de valeur constitutionnelle de commis en bande organisée, le délit recherche des auteurs d’infractions et aurait d’escroquerie n’est pas susceptible de porter des conséquences manifestement excessives. atteinte en lui-même à la sécurité, à la Par suite, les mesures de garde à vue prises dignité ou à la vie des personnes. Dès lors, avant la publication de la présente décision en permettant de prolonger la durée de la et les autres mesures d’investigation prises garde à vue jusqu’à 96 heures pour un tel avant le 1er septembre 2015 en application délit, le législateur a permis qu’il soit porté à des dispositions déclarées contraires à la la liberté individuelle et aux droits de la Constitution ne peuvent être contestées sur défense une atteinte qui ne peut être le fondement de cette inconstitutionnalité. JURISPRUDENCE JURISPRUDENCE Matière : droit administratif Arrêt : CAA Marseille, 5 juin 2014, M. Del Negro, n°12MA00144. Mots-clés : compétence judiciaire - emprise irrégulière - travaux publiques - extinction du droit de propriété. Commentaire : un récent arrêt de la CAA de Marseille vient d’apporter d’utiles précisions s’agissant de l’emprise irrégulière. Rendu à l'occasion de travaux qui auraient pu présenter le caractère de travaux publics si ces derniers n’avaient pas donné lieu à une emprise irrégulière (il y a travaux publics, si certains critères sont satisfaits, hors le cas de l’emprise irrégulière : CE Ass., 12 avril 1957, Mimouni), l’arrêt de la CAA applique le nouveau régime de compétence juridictionnelle en matière d'emprise irrégulière, tel que défini par l’arrêt « Epoux Panizzon » (TC, 9 décembre 2013), et répond à des interrogations qui demeuraient en suspens dans cet arrêt. A la question de savoir si l’arrêt « Epoux Panizzon » doit être interprété comme limitant l’emprise aux « dommages imputés [aux] services publics administratifs » des personnes publiques ainsi que le prévoit son énoncé, alors que les atteintes des SPIC entrent classiquement aussi dans son champ (CE, 23 juillet 2010, Mme Pellet), l’arrêt ici présenté répond, en creux, de façon positive : « la responsabilité qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public […] ». A la question de savoir si la « nouvelle » emprise s’applique désormais aux propriétés mobilières, ainsi que le prévoit son énoncé, alors que, classiquement, celle-ci ne concernait que la propriété immobilière, la décision présentée apporte également une réponse positive, bien que cette solution soit incohérente au regard du mouvement de restriction de l’emprise issu de l’arrêt « Epoux Panizzon ». Enfin, à la question de savoir à quel type d’atteinte à la propriété correspond « l’extinction du droit de propriété », condition fixée par l’arrêt « Epoux Panizzon » pour que le juge judiciaire soit compétent, l’arrêt présenté qui retient l’existence d’une telle « extinction » à propos de l’abattage d’arbres - atteste à quel point il est délicat d’identifier la signification d’une telle expression ; la CAA assimile en l’espèce explicitement l’« extinction du droit de propriété » et la « dépossession définitive » alors que les juges civil, administratif ainsi que le Tribunal des conflits tendent au contraire à considérer, classiquement, que la « dépossession » peut viser une unique composante du droit de propriété. Cela semble incompatible avec la signification prêtée à l’extinction du droit de propriété dans l’arrêt « Epoux Panizzon », qui postule que toutes les composantes du droit de propriété sont paralysées. Sur ce point, une clarification du Tribunal des conflits serait la bienvenue. Matière : procédure civile Arrêt : Cass., Avis 6 octobre 2014, n° 15012 Mots-clés : procédure d’appel avec représentation obligatoire - délais pour conclure - point de départ du délai de deux mois offert à l’intimé pour répondre. Commentaire : l’avis rendu par la Cour de cassation le 6 octobre 2014 est relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire, issue de la réforme opérée par le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 (entrée en vigueur le 1er janvier 2011). La Cour de cassation devait se prononcer sur le point de départ du délai offert à l’intimé n’ayant pas constitué avocat pour déposer ses conclusions. Plus particulièrement, elle devait répondre au point de savoir si la signification de ses conclusions par l’appelant avant l’expiration du délai de trois mois (article 908 du Code de procédure civile) courant à compter de la déclaration d’appel et avant que n’ait commencé à courir le délai d’un mois supplémentaire prévu par l’article 911 était de nature à faire courir le délai de deux mois reconnu à l’intimé pour conclure, lorsque celui-ci n’a pas constitué avocat. Faute de précision dans les textes, une hésitation était en effet possible : le délai de deux mois offert à l’intimé pour conclure (article 909) pouvait courir, soit au jour de la signification par l’appelant de ses conclusions à partie, soit à l’expiration du délai de remise des conclusions de l’appelant, voire à l’expiration du délai prévu pour la signification (article 911). La Cour de cassation a considéré que le délai courrait à compter de la signification faite à partie que celle-ci intervienne dans le délai de trois mois ou au plus tard dans le mois suivant son expiration. La solution, en évitant de reporter inutilement le point de départ du délai reconnu à l’intimé pour conclure, est conforme à l’objectif de célérité poursuivi par les rédacteurs du décret du 9 décembre 2009. JURISPRUDENCE Matière : droit de la famille et libertés publiques Arrêt : Cass., Avis 22 septembre 2014, n° 15010 et 15011. Mots-clés : filiation - adoption - couples de même sexe - homoparentalité - procréation médicalement assistée refus de transcription - fraude - ordre public. artificielle avec donneur anonyme, ne fait pas obstacle à ce que l’épouse de la mère puisse adopter l’enfant ainsi conçu. En effet, la Cour de Cassation retient que bien qu’elle le soit sous conditions, cette pratique médicale étant autorisée en France, le fait que des femmes y aient eu recours à l’étranger ne heurte aucun principe essentiel du droit français. Elle appuie sa décision en Commentaire : alors que la France a été encore très rappelant que la loi du 17 mai 2013, qui a ouvert le récemment condamnée par la CEDH s’agissant de son mariage aux personnes de même sexe a eu pour effet de refus systématique de transcrire sur les registres d’état permettre, par le biais de l’adoption, l’établissement civil la filiation des enfants nés de gestation pour autrui d’un lien de filiation entre un enfant et deux personnes à l’étranger (CEDH, 26 juin 2014, Mennesson c/ de même sexe, sans distinguer selon le mode de France, n°65192 et Labassee c/ France, n°65941), la conception. Cour de Cassation a rendu, le 22 septembre 2014, deux avis qui sont venus relancer le débat sur Ces deux avis laissent nécessairement posée la question l’opportunité d’ouvrir la procréation médicalement de la méconnaissance du principe d’égalité si la France assistée (PMA) aux couples de même sexe. Plusieurs maintenait son refus de généraliser la PMA et d’ouvrir juridictions avaient par le passé jugé que des femmes la GPA. En effet, les couples « non fraudeurs » se qui recouraient, à l’étranger, à une insémination retrouvent moins bien traités que les couples fraudeurs artificielle avec donneur anonyme commettaient une qui peuvent, au mépris de la loi française, créer un fraude à la loi justifiant le rejet de la demande double lien de filiation avec un enfant par le biais d’adoption de l’enfant par l’épouse de la mère. Dans d’une PMA ou GPA réalisée à l’étranger. Cette ses deux avis du 22 septembre 2014, la Cour de discrimination se pose aussi en termes de capacités Cassation est venue prendre le contrepied de ces financières puisque réaliser une GPA à l’étranger coûte décisions en affirmant que le recours à l’assistance excessivement cher de sorte que ce « droit à l’enfant » se médicale à la procréation à l’étranger, par insémination trouverait réserver à une « élite parentale privilégiée ». LÉGISLATION ET RÈGLEMENTATION Matière : droit pénal Texte : loi n° 2014-896 du 15 août 2014. Commentaire : la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation de la peine et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a introduit une nouvelle peine délictuelle, alternative à la peine d’emprisonnement : la contrainte pénale. Prévue par l’article 131-4-1 du Code pénal et les articles 713-42 à 713-49 du Code de procédure pénale, la contrainte pénale, que le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution (déc. n° 2014-696 DC du 7 août 2014), est entrée en vigueur le 1er octobre 2014. La contrainte pénale peut être prononcée à l’égard de toute personne majeure (son application aux mineurs a été exclue par l’article 20-4 de l’ordonnance du 2 février 1945) condamnée pour un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans (elle pourra être prononcée pour les autres délits à compter du 1er janvier 2017). La contrainte pénale emporte pour le condamné l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines (JAP), à des mesures de contrôle et d’assistance ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive. En même temps qu’elle prononce la contrainte pénale et en précise la durée (comprise entre six mois et cinq ans), la juridiction de jugement doit également fixer la durée maximale de l’emprisonnement encouru par le condamné (durée qui ne peut excéder ni deux ans, ni le maximum de la peine d’emprisonnement encourue) qui ne respecterait pas ses obligations. En cas d’inobservation par la personne condamnée des mesures qui lui sont imposées, le JAP pourra modifier ou compléter les obligations ou interdictions auxquelles le condamné est astreint. Mais dans l’hypothèse où la modification des obligations ou le rappel à la loi se révèleraient insuffisants pour assurer l’effectivité de la peine, le juge pourra saisir, par requête motivée, le président du tribunal de grande instance (ou un juge par lui désigné) afin que soit mis à exécution contre le condamné tout ou partie de l’emprisonnement encouru en cas de violation. S’agissant d’une nouvelle peine alternative à l’emprisonnement, la contrainte pénale doit être considérée comme une disposition moins sévère qui, comme telle, peut s’appliquer aux auteurs de délits commis avant le 1er octobre 2014. MÉTHODOLOGIE CONSEIL METHODOLOGIQUE : Objet : commentaire d’un arrêt de cassation En principe, l’arrêt de cassation se compose d’un visa (indication des textes qui vont fonder la décision des juges), éventuellement d’un « chapeau » (attendu consistant, généralement, en un bref commentaire du texte visé), des faits et de la procédure ayant aboutie à la décision attaquée, de la décision attaquée, et enfin des raisons pour lesquelles l’arrêt encourt la cassation. Pour apprécier l’importance d’un arrêt de cassation, on prendra notamment soin de relever le cas d’ouverture retenue par la Haute juridiction. Le cas d’ouverture à cassation se définit comme la qualification de la critique adressée, par la Cour régulatrice, à la décision des juges du fond. Il peut consister soit en un grief de forme, soit en un grief de fond. Lorsque la cassation intervient pour un grief de forme (absence de motifs, motifs hypothétiques ou dubitatifs, défaut de réponse à conclusions), l’arrêt ne présente guère d’intérêt. En effet, ce type de cassation est seulement prononcé pour sanctionner un vice de motivation et il y a donc peu à tirer de l’arrêt puisque la Cour de cassation n’est pas alors appelée à apporter des précisions sur le fond du droit. En revanche, les cassations qui interviennent pour un grief de fond sont beaucoup plus riches d’enseignements. On en rencontre principalement deux. Il y a manque ou défaut de base légale lorsque les juges du fond, tout en ayant motivé leur décision (sinon il y aurait cassation pour défaut de motifs), ont donné des motifs insuffisants pour que la Cour de cassation puisse exercer son contrôle et constater si cette décision est conforme à la loi. La Haute juridiction vise alors la disposition dont l’application n’est pas justifiée et indique les éléments que les juges auraient dû rechercher avant de se prononcer. Ce qu’il importe de retenir, c’est qu’en reprochant aux juges du fond de n’avoir pas recherché toutes les conditions d’application du texte visé, la Cour de cassation peut préciser indirectement ces conditions, ce qui confère à la solution une portée considérable. Plus intéressant encore pour le commentaire est l’arrêt de cassation qui intervient pour violation de la loi. Dans cette hypothèse, et contrairement à la précédente, la Haute juridiction trouve dans la décision censurée les éléments de fait ou de droit lui permettant d’assurer son contrôle. Mais au terme de ce contrôle, elle constate que les juges du fond ont mal appliqué la disposition en cause. En présence d’un tel arrêt, il faut s’attendre à ce que la Cour de cassation livre son interprétation du texte visé. Celle-ci est formulée dans le « chapeau » qui coiffe les autres attendus de l’arrêt. SOMMAIRES DES MATIERES DU PROCHAIN NUMERO : procédure civile, droit des obligations, droit patrimonial, droit international privé. Si vous souhaitez recevoir gratuitement chaque mois la lettre du Pré-Barreau, il vous suffit de remplir le formulaire ci-dessous et de l'envoyer à l'adresse suivante : Le Pré-Barreau - 3, rue de Nesle - 75006 Paris Vous pouvez également vous inscrire sur le site : www.pre-barreau.com Nom Prénom Adresse CP ville E-mail Je souhaite recevoir la lettre d'actualité du Pré-Barreau : o Par voie postale o Par e-mail Le Pré-Barreau s'engage à ne pas céder et, plus généralement, à ne pas divulguer vos données personnelles. Conformément à la loi du 6 janvier 1978, modifiée par la loi du 6 août 2004, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données qui vous concernent. 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