UNIVERSITE PARIS XII VAL-DE-MARNE U.F.R DE SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION Thèse de doctorat EN SCIENCES ECONOMIQUES soutenue publiquement par Sami Ben Mim Janvier 2004 L’efficacité de la politique économique : le rôle du marché du travail et des marchés financiers Directeur de thèse M. Pierre Villa, Administrateur de l’INSEE, Conseiller scientifique au CEPII Jury : M. Gilles Dufrenot, Professeur à l’Université Paris XII Val-de-Marne M. Dominique Lacoue-Labarthe, Professeur à l’université Montesquieu Bordeaux IV M. Daniel Laskar, Directeur de Chercheur au CNRS, CEPREMAP, (rapporteur) M. Jacques Le Cacheux, Professeur à l’université de Pau et des Pays de l’Adour, Directeur du département des études de l’OFCE M. Jean-Paul Pollin, Professeur à l’Université d’Orléans (rapporteur) L’Université de Paris XII Val-De-Marne n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises sans les thèses : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. A mes parents, à ma famille, à mes amis et à tous mes enseignants en Tunisie, au Maroc et en France. J’espère que ce travail sera à la hauteur de leurs espérances. Remerciements Mes sincères remerciements à Monsieur Pierre VILLA qui s’est montré très généreux en temps et en effort. Je remercie les doctorants de l’ERUDITE et du GRATICE pour leur soutien, particulièrement Dedwi BEN SALAH. Mes remerciements s’adressent également aux enseignants et au personnel de la faculté de sciences économiques et de gestion de l’université Paris XII, avec un pensée particulière à Pierre BLANCHARD pour son aide et sa disponibilité et à Pierre-Henri FAURE pour ses précieux conseils. Sommaire Introduction………...…………………………………………………………………………..1 Chapitre 1 : Une revue des anciens débats théoriques………………………………………..12 Section 1 : La théorie keynésienne et l’essor des politiques de relance…………………………………………………….13 Section 2 : L’apport du courant monétariste……………..……………………………….23 Section 3 : Les critiques fondamentales……………………..……………………………43 Première partie : Un bilan de la littérature……………………………………………………60 Chapitre 2 : Les approches théoriques contemporaines de la politique budgétaire………………………………………………………61 Section 1 : Le principe néoricardien d'équivalence……...……………………………….62 Section 2 : La politique budgétaire dans une optique d’offre…..…..…………………….79 Chapitre 3 : Le volet empirique du débat budgétaire…………………………………………98 Section 1 : Le bilan des études empiriques…………..…………………………………..99 Section 2 : Les indicateurs de la politique budgétaire………..………………………….110 Section 3 : Les effets de redistribution………………………..…………………………126 Chapitre 4 : Réputation et crédibilité : les nouveaux déterminants de la politique monétaire…………..……………………………140 Section 1 : Les objectifs réels et le biais inflationniste………………………………….142 Section 2 : Les asymétries d'information et les conséquences de court terme de la politique monétaire…………………………………….152 Section 3 : Comment résorber une inflation inutile ?……..……….……………………162 Section 4 : Critiques et perspectives……………………..…….………………………..180 Chapitre 5 : La coordination dans une optique stratégique…….……………………………193 Section 1 : Performance, crédibilité et coordination dans un jeu à trois joueurs………………………………………………….194 Section 2 : Critiques et extensions du modèle………………..…………………………215 Deuxième Partie : Quelques propositions personnelles…..…………………………………225 Chapitre 6 : Le comportement stratégique des travailleurs : les fondements d’une attitude coopérative envers les politiques de relance………….…………226 Section 1 : La stratégie des travailleurs en cas de récession…………..…………………..228 Section 2 : La réaction des travailleurs en dehors des périodes de récession……………………..………………………………..247 Chapitre 7 : Les marchés financiers et la nécessité des politiques de stabilisation……….……………………………………..….268 Section 1 : La construction de la maquette………..………………………….…………274 Section 2 : L’économie face aux chocs d’offre et de demande…………..……………...299 Chapitre 8 : L’organisation du policy mix : les enseignements de la maquette……..………………………………………317 Section 1 : La répartition des rôles………………………..……………………………319 Section 2 : Le choix du régime…………..……………..……..……………………….328 Conclusion…………………………………………………………………………………..350 Annexes :……………………………………………………………………………………355 Bibliographie……………………………………………………………………………...…376 Tables des matières….………………………………………………………………………387 Introduction Une partie imposante de la littérature contemporaine plaide en faveur de l’inefficacité des politiques de stabilisation et de relance. Une grande partie des dirigeants européens adhère à cette ligne de pensée, d’où les contraintes qui pèsent sur les politiques monétaires et budgétaires au sein de la zone Euro1. Sur le plan théorique, cette conclusion repose sur l’hypothèse des anticipations rationnelles et sur le postulat de la parfaite flexibilité des prix. La première propriété permet aux agents d’internaliser les politiques futures et de les répercuter prématurément sur leurs décisions. Ils parviennent ainsi à neutraliser partiellement ou totalement la plupart des tentatives de relance. La deuxième dote l’économie des mécanismes qui lui permettent de s’autoréguler, remettant en question l’utilité des politiques de stabilisation. Les études empiriques contredisent ce quasi-consensus théorique en imputant des effets réels non négligeables aux politiques monétaires et budgétaires. La nouvelle littérature classique rationalise ces constats par la structure imparfaite de l’information. Les agents souffrent souvent d’un déficit d’information notamment au sujet de leurs revenus futurs. Cette myopie se traduit souvent en erreurs d’anticipation qui permettent à la politique budgétaire d’influencer les plans de consommation et d’exercer ainsi un effet de relance assez conséquent. L’imperfection de l’information offre également une explication aux conséquences réelles de la politique monétaire. Lucas (1972) suggère que les agents mettent du temps avant de distinguer les chocs réels des chocs nominaux. Ainsi, les plans de production s’ajustent à base d’informations erronées, puis reconvergent vers leurs schémas d’équilibre dès que la confusion se dissipe. Cukierman (1992) considèrent que les banques centrales bénéficient d’un avantage d’information qui concerne aussi bien l’ampleur des chocs et la structure de l’économie que 1 Le soutien à l’activité a été écarté de la charte de la Banque Centrale Européenne (BCE), tandis que le contrôle de l’inflation est explicitement désigné comme sa principale priorité. Les critères de Maastricht restreignent de leur côté la marge de manœuvre des politiques budgétaires nationales. 8 leurs propres préférences et objectifs. Elles profitent de ces asymétries pour créer des surprises inflationnistes qui permettent de stimuler la demande de travail. Ces explications sont néanmoins incohérentes avec certains faits stylisés constatés dans la réalité. L’effet de relance exercé par la politique budgétaire est souvent trop important pour être imputé à la seule myopie des agents. En outre, l’évolution contracyclique des déficits semble à la fois inévitable et nécessaire pour inverser la tendance en période de récession. L’incapacité de certains pays européens à respecter le pacte de stabilité dans le contexte économique actuel n’est qu’une preuve supplémentaire du réalisme de ces idées. Nous constatons d’ailleurs une reprise du débat au-tour de l’assouplissement de ces contraintes afin qu’elles puissent tenir compte des caractéristiques structurelles et des contextes conjoncturaux de différentes économies2. La gestion de plus en plus transparente de la politique monétaire discrédite de son côté les explications basées sur les asymétries d’information. La mise à disposition du public d’un ensemble d’informations plus étendu ne s’est pas traduit par une atténuation des effets réels de la politique monétaire. L’influence déterminante qu’exercent les anticipations sur l’équilibre macroéconomique est également assez contestable. Dans une optique classique, la politique monétaire peut avoir des répercussions positives ou négatives selon que les agents sousestiment ou surestiment les mesures entreprises par la banque centrale. Les conséquences de la politique monétaire deviennent ainsi quasi-aléatoires. Ce résultat est difficile à admettre, d’autant plus que les études empiriques suggèrent des scénarios beaucoup plus stables : les politiques expansionnistes se répercutent positivement sur l’activité, tandis que les politiques restrictives produisent généralement l’effet contraire. Enfin, la neutralité de la politique monétaire est incohérente avec les pratiques d’une grande partie des banques centrales qui n’hésitent pas à afficher clairement leurs soutiens à l’activité. A ce titre, la réserve fédérale américaine (FED) a baissé son taux directeur à trois reprises entre le deuxième semestre 2002 et le premier semestre 2003. Du côté européen, on recense des critiques de plus en plus sévères de la part des économistes et des hommes politiques à l’égard de l’attitude rigide des dirigeants de la BCE qui tardent à desserrer les contraintes monétaires dans un contexte économique aussi menaçant. 2 C. Mathieu et H. Sterdyniak (2003) présentent un bilan des propositions qui ont été formulées dans ce sens. 9 Il nous semble donc qu’il existe un réel décalage entre les idées qui dominent le débat théorique et les faits réels qui attestent de l’efficacité des politiques de stabilisation et de relance. Dans cette thèse, nous reconsidérons le problème de l’efficacité des politiques économiques dans le cadre d’une analyse théorique en économie fermée. Notre objectif est de proposer des arguments qui concilient les conclusions théoriques aux constats empiriques. La plupart des analyses contemporaines s’accordent sur trois principales conclusions. La première est une remise en question de l’effet de relance exercé par la politique budgétaire. Les agents choisissent des plans de consommation de long terme et répartissent ainsi les revenus offerts par les politiques expansionnistes sur l’ensemble de leur cycle de vie. Ce lissage de la consommation affaiblit considérablement les effets de court terme des politiques en question. Barro (1974) pousse cette idée plus loin en supposant l’existence de liens altruistes entre les différentes générations. Ces liens motivent des transferts financiers qui neutralisent totalement l’impact de la politique budgétaire. La deuxième conclusion concerne les conséquences de long terme des politiques budgétaires. L’émission d’une nouvelle dette entraîne une hausse du taux d’intérêt qui érode la dynamique d’investissement. A long terme, la faiblesse du stock de capital privé limite les opportunités de consommation des ménages et réduit le bien-être social. Par ailleurs, l’augmentation du taux d’intérêt alourdit les charges de la dette et contraint le gouvernement à s’endetter davantage. En effet, les retombées fiscales de la politique de relance ne peuvent compenser le surcroît de charges engendré par la hausse du taux d’intérêt. Cet enchaînement peut se réitérer d’une période à l’autre, conduisant à terme à une remise en question de la solvabilité de l’Etat. Une telle crise de confiance aurait naturellement des conséquences néfastes sur l’activité. Quant à la politique monétaire, elle ne peut exercer une influence durable sur la sphère réelle car elle est parfaitement anticipée par les travailleurs. Ces derniers sont conscients des tentations inflationnistes qui animent les autorités monétaires. Ils ajustent leurs rémunérations nominales afin de garantir la stabilité de leur pouvoir d’achat et neutralisent ainsi toute tentative de relance. A long terme, les politiques monétaires se traduisent entièrement en inflation sans aucun effet réel en retour. Ces conclusions suggèrent un usage très prudent de l’instrument budgétaire. Le 10 recours systématique aux politiques contracycliques est très déconseillé, car les stabilisateurs automatiques sont peu efficaces. Par ailleurs, les déficits transitoires doivent être de faibles ampleurs afin d’éviter qu’ils ne se transforment en déficits permanents. Enfin, le volume et le rapport de la dette doivent être réduits au maximum. Ces ajustements s’accompagnent de baisses significatives du taux d’intérêt qui stimuleraient les investissements et relanceraient l’activité. La banque centrale doit abandonner ses objectifs réels et se concentrer uniquement sur la lutte contre l’inflation. Néanmoins, il faut qu’elle adopte un mode de gestion plus transparent et élaborer une stratégie de communication plus efficace afin d’acquérir la confiance du public et le convaincre de son attitude anti-inflationniste. La crédibilité de la politique monétaire est une condition indispensable à sa réussite. Cinq principales critiques peuvent être formulées à l’encontre de cette littérature. D’abord, ses conclusions reposent sur l’hypothèse de la parfaite flexibilité des prix qui est synonyme d’une proximité permanente du plein emploi. Or, une telle situation a été rarement atteinte par les économies des pays industrialisés. Les statistiques révèlent en effet que les taux d’utilisation des capacités de production ont souvent été largement inférieurs à 1 dans ces pays. Les néo-keynésiens rationalisent ces constats en proposant des fondements théoriques à la viscosité des prix et à la rigidité des salaires nominaux. Ils rejettent ainsi les ajustements rapides prônés par la nouvelle école classique, ce qui redonne aux politiques de relance toute leur efficacité. La deuxième critique met l’accent sur l’imperfection des marchés financiers. Certaines distorsions peuvent en effet empêcher les agents de répartir leurs richesses d’une façon optimale dans le temps. Elles dévient ainsi la consommation de son niveau désiré et offrent une explication alternative à la divergence de l’économie du plein emploi. Dans ce cas, la politique budgétaire peut relancer la consommation en relâchant les contraintes de liquidité subies par les agents. Ce résultat démontre que l’efficacité de la politique budgétaire dépend davantage de la structure de l’économie que de la rationalité des anticipations. La troisième critique concerne la politique monétaire. La nouvelle école classique privilégie une gestion par la masse monétaire et se focalise sur la transmission par le canal de l’offre. La première idée est contradictoire avec le comportement effectif de la plupart des banques centrales qui spécifient des objectifs en termes de taux d’intérêt. La bourse, qui est le baromètre des anticipations par excellence, nous révèle par ailleurs que les agents penchent en 11 faveur d’une transmission par le canal de la demande. Sur le marché des actions, les baisses du taux d’intérêt sont souvent accueillies par une augmentation des cours des titres, qui signale que les agents s’attendent à une reprise de l’activité. Ainsi, les intervenants sur les marchés financiers semblent adhérer aux thèses keynésiennes plutôt qu’aux thèses classiques, puisqu’ils privilégient une transmission par la demande et croient en l’efficacité de la politique monétaire. Lorsque les anticipations sont keynésiennes, elles contribuent à renforcer l’efficacité des politiques et non à la neutraliser. Les convictions des agents jouent donc un rôle important, puisqu’elles orientent les anticipations et déterminent en grande partie le succès ou l’échec des politiques de relance. La quatrième critique porte sur les fondements théoriques de l’inflation. La nouvelle école classique explique les mouvements des prix par les variations de la quantité de monnaie. Les travaux économétriques sous-tendent cette thèse en révélant un lien fort entre le taux d’inflation et le taux de croissance de la masse monétaire. Toutefois, nous avons souligné que la gestion de la politique monétaire s’opère souvent par le biais du taux d’intérêt. La théorie classique ne précise aucun lien entre ce comportement court termiste des banques centrales et les déterminants de long terme de l’inflation. Cette remarque est d’autant plus importante que l’inflation assure une mission de court terme dans les modèles classiques : elle régule le taux de salaire réel afin de résorber l’écart entre les taux de chômage effectif et désiré. Le manque d’articulation entre le rôle de l’inflation d’un côté et ses déterminants de l’autre constitue une lacune de taille dans la construction classique. Nous pensons qu’il est indispensable de proposer une théorie cohérente de l’inflation qui illustre le lien entre le court et le long terme et qui rationalise le mode de gestion effectif des banques centrales. Enfin, une grande partie de la littérature néglige l’interaction entre les politiques monétaires et budgétaires. Or, la stratégie optimale de chaque autorité est contingente au comportement de tous les acteurs de l’économie. On ne peut donc appréhender correctement les problèmes de la politique monétaire tout en négligeant la présence du gouvernement et l’influence qu’exerce sa politique sur les agrégats macroéconomiques. La même remarque est valable sur le plan empirique : on ne peut tirer des enseignements pertinents de l’évidence empirique que si on tient compte de toutes les politiques actives au cours de la période étudiée. Nous proposons deux nouvelles critiques qui offrent des explications alternatives au décalage entre les conclusions théoriques et les constats empiriques. La littérature propose une approche très simpliste de la réaction des travailleurs aux politiques 12 de stabilisation. L’attachement des salariés à la stabilité de leurs pouvoirs d’achat les conduit à exiger une indexation parfaite du taux de salaire nominal à l’inflation anticipée. En s’organisant au sein des syndicats, ils augmentent leur pouvoir de négociation et réussissent à obtenir pleine satisfaction de leurs revendications. Toute tentative de réduire le taux de chômage à travers une baisse du taux de salaire réel est donc systématiquement vouée à l’échec. Cette hostilité systématique envers les politiques de relance nous semble peu réaliste. Nous pensons en effet que dans certains cas les travailleurs peuvent tirer profit d’une baisse du chômage. Ils ont donc intérêt à adopter une attitude coopérative vis à vis des tentatives de relance. En période de récession, le taux de chômage augmente et avec lui le risque de licenciement. L’attachement des travailleurs à la stabilité de leur pouvoir d’achat dans un tel contexte peut leur coûter la perte de leurs emplois. Ils ont donc intérêt à modérer leurs revendications salariales afin de minimiser le risque de licenciement. Ainsi, l’indexation parfaite des salaires à l’inflation ne représente plus une stratégie dominante. Une politique inflationniste peut être tolérée par les travailleurs qui la considèrent comme un moyen d’amortir l’impact de la conjoncture sur l’emploi. Les politiques de relance peuvent être appréciées par les travailleurs même en dehors des périodes de récession. Bien que le pouvoir d’achat soit l’une de leurs priorités, il ne représente pas pour autant leur seul centre d’intérêt. Les négociations portent en effet sur tous les problèmes qui touchent au bien-être des travailleurs. Ainsi, une étude publiée par l’OCDE souligne « qu’il est important de noter que les conventions collectives ne portent pas seulement sur les salaires, mais également sur les conditions de travail, de licenciement, la formation professionnelle, les systèmes de retraites d'entreprise, l'introduction de nouvelles technologies, les procédures de règlement des conflits, certains groupes de travailleurs (femmes, handicapés, etc...). Il arrive même que les conventions collectives ne traitent que partiellement la question des salaires, le plus souvent en instituant des règles ou augmentations minimales, ou des augmentations moyennes à répartir entre les secteurs ou les catégories de salariés ».3 Limiter l’ensemble des objectifs à la seule préoccupation salariale biaise les résultats du jeu qui oppose les travailleurs à la banque centrale. La diversité des préoccupations peut en effet conduire à une sous-indexation du taux de salaire nominal à l’inflation. Les travailleurs 3 BIT, "Le travail dans le monde", 1997-97, OCDE (1994) 13 sacrifieront une partie de leur pouvoir d’achat en contrepartie de la satisfaction d’autres revendications. La prise en compte de la multiplicité des objectifs redonnerait ainsi une certaine efficacité aux politiques inflationnistes, qui parviennent de nouveau à baisser le taux de salaire réel et à stimuler l’emploi. Notre deuxième critique porte sur la modélisation des marchés financiers. Les modèles macroéconomiques ne font généralement aucune distinction entre la dette privée, la dette publique et les actions. Il existe un seul actif financier dont le taux de rendement est fixé par la banque centrale. Ces simplifications reposent sur quelques propriétés théoriques qui établissent des liens implicites entre les taux de rendements des différentes catégories d’actifs. Ainsi, la prime de risque différentie le rendement de la dette privée de celui de la dette publique. Le secteur public offre des garanties de paiements plus fiables et s’endette donc à un moindre coût. La prime de risque justifie également l’écart entre les rendements des dettes de court terme et de long terme. Les prêts qui ont les échéances les plus longues sont ceux qui présentent les risques les plus élevés. Le taux d’intérêt détermine par ailleurs la répartition de la richesse entre la consommation et les placements et exerce ainsi une influence indirecte sur le rendement des actions. D’autres approches théoriques4, expliquent la convergence de ces taux par l’existence d’une possibilité d’arbitrage qui conduirait à la disparition de l’actif sousrémunéré si un écart de rendement persiste à long terme. Les trajectoires variables et disparates empruntées par les taux de rendement de ces actifs montrent que les relations précédemment énoncées sont loin d’être satisfaites. L’inversion de la structure par terme du taux d’intérêt illustre l’instabilité des liens entre les dettes de long et de court terme. Les rendements des dettes privée et publique sont également assez déconnectés, cette dernière étant davantage influencée par la politique budgétaire. Enfin, le décalage entre les rendements respectifs des actions et des obligations est encore plus marqué. Lors des crises boursières, on constate en effet un rabattement des fonds sur le marché obligataire, ce qui témoigne d’une substituabilité et non d’une complémentarité des deux actifs. L’existence d’une variété de profils de risque conduit les investisseurs à diversifier leurs placements. Comme le soulignent Modigliani et Shiller (1973), les agents définissent en fonction de leurs préférences et de leurs degrés d’aversion envers le risque « un habitat préféré » parmi les différentes formes de placements. 4 La théorie du taux naturel proposée par Wicksell (1907) par exemple. 14 Les modèles macroéconomiques doivent rendre compte de cette hétérogénéité des profils de risque et de son impact sur les stratégies de placement. Une telle distinction est d’autant plus nécessaire que la composition des portefeuilles ne cesse de se diversifier. Jusqu’au début des années 80, la capitalisation boursière en Europe était sans commune mesure avec celle relevée sur le marché américain dont le dynamisme faisait exception. Une modélisation simplifiée du système financier était donc largement admise vu le poids négligeable des placements en actions. Dès lors, ce marché a connu un formidable essor, notamment grâce aux vagues de privatisation qu’ont connues de nombreux pays européens. Ce remodelage du système financier nécessite une modélisation qui rend compte des différentes possibilités de financement offertes aux agents. La distinction entre les diverses catégories d’actifs permet par ailleurs une approche plus réaliste de certains problèmes de politique économique. Lorsque la banque centrale fixe le taux de rendement de tous les actifs financiers dont la dette publique, la politique budgétaire devient directement dépendante de la politique monétaire. Les problèmes d’insoutenabilité disparaissent étant donné que le coût de la dette est sous le contrôle de la banque centrale. Les crises boursières deviennent également faciles à maîtriser, puisque les autorités monétaires sont en mesure de stabiliser le marché en entreprenant les ajustements adéquats des rendements des titres. L’impertinence des ces conclusions est particulièrement évidente, car la politique monétaire ne peut assurer ces différentes missions avec autant d’efficacité. La spécification d’un cadre financier plus réaliste est donc nécessaire pour une meilleure appréhension des problèmes liés au choix du policy mix. Nous abordons ces différents points en huit chapitres, organisés de la façon suivante. Dans le premier chapitre nous passerons en revue le débat entre keynésiens, monétaristes et néoclassiques. Cet exposé nous facilitera la compréhension des approches contemporaines, les débats actuels étant souvent des renouveaux des anciens conflits théoriques. Il permet également de mettre en évidence une rupture au niveau de l’analyse théorique, avec l’abandon du problème d’affectation et la résurgence du problème d’efficacité. Il justifie ainsi l’apparition de deux composantes de la littérature qui traitent séparément des problèmes des politiques monétaires et budgétaires et explique l’absence prolongée des problèmes de coordination du débat. La première partie regroupe les chapitres consacrés à une lecture critique de la littérature contemporaine. 15 Deux chapitres traiteront des problèmes de politique budgétaire. Le chapitre deux comprendra une analyse des idées formulées par Barro, qui propose une nouvelle version du théorème ricardien d’équivalence. Nous préciserons les limites de cette approche sur les deux plans théorique et empirique. La deuxième partie de ce chapitre sera consacrée à une discussion des idées défendues par les économistes de l’offre. Au-delà du débat théorique, nous nous arrêterons sur les exemples danois et irlandais présentés par les défenseurs de ce courant comme des preuves de la pertinence de leurs propositions. Le chapitre trois offre une vision plus technique des problèmes de la politique budgétaire. Nous proposons d’abord un bilan des travaux empiriques qui tentent de déceler les liens entre les variables budgétaires et les principaux agrégats. Nous pourrons ainsi apprécier le réalisme des idées véhiculées par les différents courants. Nous présenterons par la suite un ensemble d’indicateurs qui tentent de répondre aux trois principales questions au sujet de la politique budgétaire : est-elle intentionnelle ? Sera-t-elle efficace ? Et posera-t-elle un problème d’endettement à long terme ? Enfin, nous consacrerons une troisième partie à l’analyse des problèmes d’allocation ou de redistribution. Nous nous focaliserons en particulier sur les comptes par génération que nous considérons comme un outil d’analyse prometteur dans ce domaine. Le quatrième chapitre sera consacré aux problèmes de la politique monétaire. Nous décrirons les fondements de l’approche proposée par la nouvelle école classique. Nous dériverons ses principaux résultats et nous discuterons des problèmes de crédibilité et de réputation qui en découlent. Nous déduirons les recommandations concernant la gestion de la politique monétaire et nous passerons en revue les solutions proposées pour les mettre en œuvre. Nous conclurons enfin avec un bilan critique de cette approche. Nous formulerons quelques propositions qui, de notre point de vue, permettent une meilleure approche des problèmes de la politique monétaire. Le cinquième chapitre s’intéresse à la coordination entre les politiques monétaire et budgétaire. Il s’agit d’une approche stratégique dans laquelle le gouvernement fait partie du jeu qui oppose la banque centrale aux travailleurs. Dans cette littérature, le problème de coordination est assimilé à un conflit sur les valeurs des variables objectifs. Nous reconsidérerons le problème de crédibilité et nous comparerons les équilibres issus des régimes coordonnés et non coordonnés (en cas d’accord et en cas de désaccord sur les valeurs ciblées). Nous proposerons également quelques extensions des modèles classiques afin de 16 rendre compte de la diversité des canaux de transmission des mesures monétaires et budgétaires. Les critiques formulées tout au long des cinq premiers chapitres débouchent sur quelques propositions personnelles que nous développerons dans la deuxième partie de la thèse. Dans le sixième chapitre, nous nous intéresserons au comportement stratégique des travailleurs et à leur attitude envers les politiques de relance. Nous démontrerons qu’en cas de choc le risque de licenciement peut conduire les travailleurs à accepter une sous-indexation des salaires nominaux à l’inflation. Nous spécifions ainsi une fonction objectif qui rend compte de ce risque, que nous introduirons par la suite dans le jeu qui oppose les autorités monétaires aux travailleurs. Dans la deuxième partie de ce chapitre nous démontrerons que les travailleurs peuvent tirer profit d’une augmentation des effectifs si elle se traduit par une baisse de leur charge de travail. Ce résultat est particulièrement vrai lorsque les salariés fournissent un effort intense durant les heures de travail. Dans ce cas, ils seront favorables aux politiques de relance si la désutilité qu’elles génèrent en limitant leur pouvoir d’achat est compensée par le surplus de bien-être qu’elles offrent à travers une baisse de l’effort. Dans les deux derniers chapitres nous étudions les problèmes relatifs à l’efficacité des politiques de stabilisation et au choix du policy mix à travers des exercices de simulation. Dans le chapitre sept nous décrirons les étapes de la construction de la maquette dynamique qui servira d’appui aux simulations. Nous définirons ses fondements microéconomiques et nous distinguerons entre une version classique dans laquelle les variables s’ajustent instantanément à leurs valeurs désirées et une version keynésienne qui tient compte de quelques rigidités nominales et réelles. La principale caractéristique de cette maquette est qu’elle propose un cadre financier qui distingue entre les actions, la dette privée et la dette publique. Dans la deuxième partie du chapitre, nous vérifierons la capacité du modèle à s’autostabiliser à la suite des chocs d’offre et de demande. Nous nous intéresserons particulièrement à la dynamique des marchés financiers et à son impact sur l’équilibre macroéconomique. Les résultats des simulations nous permettrons également de mettre en évidence l’impact de certaines propriétés structurelles sur la dynamique du modèle. Le dernier chapitre sera consacré à l’étude des problèmes relatifs au choix du policy mix. Nous verrons que la différentiation entre les actifs réduit considérablement l’efficacité de la politique monétaire et la relègue au rôle d’accompagnement. La politique budgétaire est 17 plus efficace en matière de stabilisation vue l’influence prépondérante qu’elle exerce sur la demande. Nous étudierons également le choix des cibles pour les variables objectifs et pour les instruments. Nous verrons que les contraintes qui pèsent sur les instruments limitent souvent l’efficacité des politiques. Nous aborderons enfin le problème de l’intensité des réactions, en comparant les performances de quatre régimes qui se différentient par le degré d’activisme des politiques monétaires et budgétaires. 18 Chapitre 1 Une revue des anciens débats théoriques Keynes marque une rupture avec l’analyse classique en établissant un lien entre les sphères réelle et monétaire, en mettant l’accent sur les rigidités nominales qui empêchent un retour rapide et spontané vers le plein emploi. De son point de vue, l’économie est intrinsèquement instable d’où la nécessité des interventions publiques. Sa doctrine était le point de départ d’un débat ininterrompu autour de l’efficacité des politiques de stabilisation et de relance. Après une analyse concise des fondements du paradigme keynésien, nous proposerons une revue des plus importantes critiques dont il a fait l’objet. Nous constaterons tout au long de cet exposé que la plupart des approches théoriques contemporaines s’inscrivent dans la continuité des anciens courants. Les débats actuels ne sont donc que de perpétuels renouveaux des anciens conflits théoriques. Cet exposé nous permettra également de comprendre l’émergence de deux littératures distinctes qui traitent séparément des problèmes relatifs aux politiques budgétaires et monétaires. 19 Section 1 : La théorie keynésienne et l’essor des politiques de relance Nous commençons par un exposé des principales innovations introduites par Keynes et de leurs implications quant à la gestion des politiques monétaire et budgétaire. Nous présenterons par la suite la formalisation de ces idées dans le cadre du modèle IS-LM. Enfin, nous étudions les critiques néoclassiques et leurs conséquences sur les résultats du modèle. I- Les fondements du paradigme keynésien Le principal apport de Keynes était la remise en question des deux principales caractéristiques de l’économie classique : la parfaite flexibilité des prix et des salaires et la dichotomie entre les sphères réelle et monétaire. Dans son ouvrage publié en 1936, il propose une approche alternative qui remédie à ces disfonctionnements, et qui offre à la fois des explications et des solutions aux crises successives qu’a connu le système capitaliste au début du vingtième siècle. Keynes considère que l’économie est intrinsèquement instable et que l’Etat peut et doit intervenir pour la stabiliser. 1- Les rigidités nominales Les disciples de l’ancienne école classique considèrent que l’économie est capable de se maintenir à proximité du plein emploi grâce à la parfaite flexibilité des salaires et des prix. En cas de choc, ces grandeurs s’ajustent rapidement et garantissent la stabilité du taux de chômage et de la production. Keynes conteste ce rebond rapide et systématique de l’économie. Il met en avant la rigidité à la baisse des salaires nominaux et la viscosité des prix, et conclut que l’économie ne peut compter sur les ajustements nominaux pour un retour rapide à l’équilibre. En présence des rigidités nominales, l’équilibre est atteint grâce à des ajustements par les quantités. L’économie s’écarte donc du plein emploi. Dans une économie classique, une baisse rapide des prix vient pallier toute insuffisance de la demande. Une baisse parallèle des salaires nominaux permet de maintenir les salaires réels et le volume de l’emploi à leurs niveaux d’équilibre. Les rigidités nominales soulignées par Keynes empêchent une telle relance de la demande et poussent les entrepreneurs à réviser leurs plans de production en ajustant les quantités offertes à la baisse et en réduisant leurs demandes de travail. Lorsque le choc est d’une très forte ampleur, l’économie peut connaître de longues 20 périodes de stagnation, caractérisées par du chômage involontaire et une offre contrainte par une demande trop faible. 2- La demande de monnaie et la rupture de la dichotomie classique Keynes considère que la demande d’encaisses reflète en grande partie les besoins de consommation et d’investissement des agents. A l’instar de la théorie quantitative, il distingue les transactions comme principal motif de demande de monnaie. Il considère par ailleurs que les agents préfèrent garder une partie de leurs richesses sous une forme liquide pour faire face aux dépenses imprévues. Ainsi, il distingue la précaution comme deuxième motif de demande de monnaie. Les agents peuvent toutefois placer l’argent en question sur les marchés financiers et le récupérer en cas de besoin. Quelle est donc l’utilité de ces encaisses de précaution ? En effet, les agents sont confrontés à un risque de perte en capital si les prix des actifs qu’ils détiennent sont bas au moment où ils désirent se retirer du marché. Keynes conclut donc que la demande de monnaie pour motif de précaution dépend des rendements futurs anticipés des actifs financiers5. Si les rendements attendus sont élevés alors les agents ont intérêt à détenir un minimum d’encaisse de précaution, et vice versa. Le troisième motif concerne la façon dont les agents répartissent leurs richesses entre les actifs monétaires et financiers. Leur demande d’actifs financiers dépend principalement des rendements anticipés : la part de ces actifs dans les portefeuilles augmente si les rendements attendus sont élevés et diminue dans le cas contraire. Les agents sont donc attentifs aux rendements anticipés des titres et effectuent un arbitrage permanent entre les placements monétaires et financiers. Keynes qualifie ce processus d’arbitrage de comportement spéculatif, et le distingue comme un motif de demande de monnaie à part entière. Il s’appuie sur la relation inverse entre le taux d’intérêt et le rendement des actifs financiers pour considérer que le loyer de la monnaie oriente les anticipations des agents et détermine par conséquent la composante spéculative de la demande de monnaie. En définitive, Keynes recense trois motifs de demande de monnaie : les transactions, la précaution et la spéculation. Le premier motif établit une relation croissante entre la demande de monnaie et la production, les agents étant désireux de consommer et d’investir davantage lorsque leurs revenus sont plus élevés. Le deuxième et le troisième motif suggère une relation négative entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt : les agents diminuent leur demande de monnaie et augmentent leur demande d'actifs financiers lorsque le taux d'intérêt est anormalement élevé, en spéculant sur une baisse future du taux et une hausse des rendements. 5 Les agents s’intéressent aux prix des actifs qui sont positivement corrélés aux rendements. 21 Le raisonnement inverse est valable lorsque le taux d'intérêt est particulièrement bas. Les motifs de précaution et de spéculation conduisent à une rupture de la dichotomie classique. En contrôlant le taux d’intérêt, les autorités monétaires peuvent désormais influencer les grandeurs réelles de l’économie. En remodelant la fonction de demande de monnaie, Keynes redéfinit également le rôle du taux d’intérêt. Pour les classiques, l'épargne n'est qu'une consommation retardée dans le temps. Une augmentation de l'épargne signale donc une demande future accrue. Elle provoque en même temps une baisse du taux d'intérêt qui permet aux producteurs de se munir du capital nécessaire pour satisfaire la demande future. Le taux d'intérêt représente donc un signal des tensions actuelles et futures sur le marché des biens. Chez Keynes, le taux d'intérêt devient un phénomène purement monétaire dans la mesure où il témoigne de la préférence des agents pour la liquidité. 3- La politique budgétaire : un moyen d’intervention privilégié A la suite d’un choc, les rigidités nominales peuvent contraindre l’économie à connaître de longues périodes de sous-emploi. Face à cette situation, Keynes recommande des politiques de soutien à la demande afin d’accélérer le retour au plein emploi. En entreprenant des investissements de taille, l’Etat peut relancer la demande, réduire le chômage et remettre l’économie sur le chemin de la croissance. Son intervention est d’autant plus efficace qu’elle produit un effet de chaîne qui se multiplie d’une période à l’autre : les entreprises recrutent pour faire face à la demande supplémentaire, elles distribuent des revenus salariaux qui stimulent de nouveau la demande. Keynes justifie la nécessité d’une intervention étatique par le climat de pessimisme qui s’instaure lorsque les agents se rendent compte de l’incapacité de l’économie à s’auto-relancer rapidement. De son point de vue, les entrepreneurs produisent et investissent en fonction de la demande anticipée. Ainsi, rien ne les incite à produire et à recruter davantage lorsque la rigidité des prix empêche la relance de la demande. L’économie peut donc s’enfermer dans une situation de sous-emploi. Dans ce cas, la sortie passe par une relance budgétaire qui vient donner une première impulsion à la demande. Deux raisons font de la politique budgétaire l’instrument le plus adapté à cette mission. D'abord, la relance de l'activité nécessite une augmentation sensible de la demande 22 effective. Or, peu d’agents sont capables d’entreprendre des investissements dont les effets peuvent se propager à l’ensemble de l’économie. Seul l’Etat est capable de disposer de ressources financières aussi importantes pour entreprendre des investissements de cette taille. C’est le seul acteur de l’économie qui peut bénéficier d’un financement aussi important en apportant son pouvoir fiscal comme garantit de paiement. De plus, le recours à l’emprunt accroît l’efficacité de la politique budgétaire : le rendement de la dette augmente le revenu des agents, stimule leur consommation et renforce l’effet de relance. Ainsi, une politique d’endettement permet de financer la reprise en injectant l’épargne excessive des ménages dans le circuit économique. Elle transforme ainsi une partie de la monnaie oisive en monnaie active. Il est vrai que les producteurs peuvent amorcer une reprise en entreprenant simultanément plusieurs investissements de petites tailles. Toutefois, aucun d’entre eux n’entreprendra unilatéralement une action dans ce sens, en l’absence de toute garantie de coopération de la part des autres producteurs. Chacun préférera attendre le retour de la croissance pour modifier son plan de production. De part son caractère macroéconomique, l'Etat permet de dépasser ce problème en répartissant le risque sur l’ensemble des agents. La politique budgétaire représente une prise de risque collective et non individuelle. Elle témoigne ainsi d’une volonté collective de sortir de la crise, ce qui lui permet de dissiper les craintes et de générer des anticipations positives. 4- Pourquoi pas la politique monétaire ? La fonction de demande de monnaie proposée par Keynes permet à la politique monétaire d'influencer la production. En augmentant la masse monétaire, la banque centrale pousse le taux d’intérêt à la baisse, stimule les investissements et relance la demande. En cas de choc, la politique monétaire représente donc une solution alternative. Keynes présente néanmoins deux arguments qui minimisent l’apport d’une relance monétaire. D’une part, il souligne que l'efficacité de la politique monétaire dépend de la capacité de la banque centrale à contrôler le taux d'intérêt. Dans ce sens, Keynes distingue un cas extrême où les variations de la masse monétaire n’ont aucune influence sur le taux. Il considère en effet qu’il existe un niveau plancher, en-dessous duquel le taux d’intérêt ne peut plus baisser. Lorsque ce seuil est atteint, les agents sont unanimes quant à une prochaine hausse du taux. La préférence pour la liquidité est donc totale, car l'augmentation attendue du taux d’intérêt 23 diminuera le rendement des actifs financiers. Dans ce cas, toute nouvelle liquidité injectée dans l'économie sera absorbée par les encaisses oisives. La banque centrale ne réussira pas à baisser le taux d'intérêt et la politique monétaire n'aura par conséquent aucun effet sur les investissements. Keynes qualifie cette situation de « Trappe à la liquidité ». D’autre part, Keynes considère qu’en situation de sous-emploi les investissements sont peu sensibles aux variations du taux d’intérêt. La relance monétaire sera donc d’une très faible ampleur. La faible élasticité des investissements s’explique essentiellement par le rôle que jouent les anticipations dans la détermination du volume de la production. En situation de sous-emploi, le manque d’investissement ne s’explique pas par une crainte de coût, mais par un déficit de demande. Ainsi, seule l’anticipation d’une croissance de la demande incitera les producteurs à investir davantage. Une politique budgétaire expansive est capable d’orienter les anticipations dans ce sens et d’amorcer la reprise. La politique monétaire pourra par la suite jouer un rôle d’accompagnement qui consiste à préserver la dynamique d’investissement en maintenant le taux d’intérêt à un niveau raisonnable. II- Une interprétation des idées keynésiennes : Le modèle IS-LM Le modèle IS-LM, dont la première version a été proposée par Hicks (1937), s’est imposé comme un cadre théorique de référence. Ses résultats ont inspiré pendant une longue période les options économiques de la plupart des pays industrialisés6. 1- Présentation du modèle Il s’agit d’un modèle de court terme à prix fixes. Tous Les ajustements sont donc d’ordre réels. En vertu de la loi psychologique de Keynes, les agents ne consomment pas la totalité de leurs revenus disponibles. La propension marginale à consommer est donc strictement inférieure à 1. La fonction de consommation contient également une composante autonome. Il s’agit d’un niveau de consommation incompressible qui représente un minimum vital pour chaque agent. L’équation suivante satisfait ses propriétés : C = aY + b 6 (1) Nous débutons l’exposé par un modèle à prix fixes. Nous proposerons par la suite une version à prix flexibles plus proche de la formulation originale de Hicks. 24 où C et Y représentent respectivement la consommation et le revenu disponible des ménages (net d’impôts), a est la propension marginale à consommer (strictement comprise entre 0 et 1), et b est la consommation autonome (strictement positive). L'investissement est une fonction décroissante du taux d'intérêt : I = −α r (2) où r est le taux d'intérêt réel et α un paramètre positif. La demande de monnaie est positivement liée à la production et négativement liée au taux d’intérêt : M d = γ Y − µr (3) où γ et µ sont des paramètres positifs. La premier terme représente le motif de transaction tandis que le second terme regroupe les motifs de précaution et de spéculation. L’offre de monnaie, M , et les dépenses publiques, G, sont fixées d’une façon exogène respectivement par les autorités monétaires et budgétaires. En économie fermée, la demande globale se compose de la consommation, des investissements et des dépenses publiques. Pour Keynes, c'est la demande qui détermine le volume de la production et l’équilibre du marché des biens : Y = C + I +G (4) Cette équation est qualifiée de relation IS car elle implique une égalité entre l’investissement et l’épargne. Sur le marché monétaire, l’équilibre est dicté par l’égalité entre l’offre et la demande : M = γ Y − µr (5) Cette équation est qualifiée de relation LM par référence à l’égalité entre la préférence pour la liquidité et l’offre de monnaie. En substituant les fonctions de comportement dans les équations d’équilibre (4) et (5), on peut exprimer la production d’équilibre en fonction des paramètres et des variables exogènes du modèle : 25 α G + M +b µ . Y eq = α 1− a + γ µ 2- Les multiplicateurs budgétaire et monétaire A partir de l’équation précédente on peut déduire l’impact des politiques budgétaires et monétaires sur la production. Considérons d’abord le cas d’une augmentation des dépenses publiques : ∆Y = ∆G 1 α 1− a + γ µ . Cette équation recense les facteurs qui déterminent la valeur du multiplicateur budgétaire : • Plus la propension marginale à consommer est proche de 1, plus la croissance de la production est forte. L’effet de chaîne que nous avons décrit précédemment sera plus fort, car une plus grande partie des augmentations successives du revenu sera consacrée à la consommation. • L'augmentation du taux d'intérêt amortit l'effet de relance exercé par la politique budgétaire. Avec une offre de monnaie constante, l’augmentation de la production stimule la demande pour motif de transaction et entraîne une augmentation du taux d’intérêt. L’augmentation du taux évince une partie des investissements et freine la relance de la production. L’ampleur de ce freinage dépend de la sensibilité de la demande de monnaie aux variations du revenu national et du taux d'intérêt, ainsi que de l'élasticité de l'investissement au taux d'intérêt. L’effet d’éviction est d’autant plus fort que la demande de monnaie est sensible aux variations du revenu courant (γ est fort) et que les investissements sont élastiques aux taux d’intérêt (α est fort). Le freinage monétaire est cependant contrecarré par la spéculation (µ) qui atténue l'augmentation de la demande de monnaie et limite la croissance du taux d’intérêt. L'augmentation du taux sera en effet considéré comme anormale par une partie des agents, qui se débarrasseront de leurs encaisses monétaires contre des actifs financiers en spéculant sur une future baisse du taux. 26 L’équilibre du marché monétaire implique qu’une augmentation de l’offre de monnaie se traduit par une baisse du taux d’intérêt, toutes choses égales par ailleurs. La baisse du taux stimule les investissements et relance la production : α ∆Y µ . = α ∆M 1− a + γ µ Le multiplicateur nous décrit les mécanismes qui déterminent l’ampleur de relance monétaire : • La reprise est d’autant plus forte que la propension marginale à consommer est élevée. • La croissance de la production multiplie les transaction et accroît les besoins de liquidité des agents. Ainsi, une partie de la masse monétaire injectée par la banque centrale ira satisfaire la demande pour motif de transaction, ce qui limite la baisse du taux d’intérêt et affaiblit l’effet de relance. • La baisse du taux d’intérêt alimente la demande de monnaie pour motif de spéculation. Cependant, l’augmentation de la demande de transaction limite la baisse du taux d’intérêt et modère les anticipations quant à un futur redressement du taux. • L’impact de la politique monétaire sur la production s’affaiblit à mesure que la préférence des agents pour la liquidité augmente (µ est fort). Lorsque les agents ont une préférence totale pour la liquidité (µ tend vers l’infini), la politique monétaire devient totalement inefficace. Ce cas correspond à la trappe de liquidité que nous avons définie précédemment. • Lorsque les investissements sont insensibles aux variations du taux d’intérêt (α=0), le multiplicateur s’annule signalant l’incapacité de la politique monétaire à exercer un quelconque effet réel. Les multiplicateurs budgétaire et monétaire illustrent une partie des mécanismes décrits par Keynes et montrent que l’efficacité des politiques de relance dépend de la structure de l’économie. Nous rappelons toutefois que les keynésiens privilégie l’instrument budgétaire dont ils jugent les mécanismes plus sûrs. Un accompagnement monétaire adéquat permet 27 néanmoins de limiter l’effet d’éviction et de garantir ainsi une efficacité maximale à la politique budgétaire. III- Les premières critiques Les néoclassiques contestent les résultats du modèle IS-LM en considérant que la stabilité des prix conduit à une surestimation du pouvoir de relance de la politique budgétaire. L’intégration d’une courbe de Phillips permet de cerner les mécanismes induits par la flexibilité des prix et d’apprécier leurs répercussions sur les multiplicateurs budgétaire et monétaire. 1- L’effet stabilisant de la flexibilité des prix La flexibilité des prix limite l’apport des politiques de relance par le biais de deux canaux. Le premier est un effet de richesse qualifié souvent d’effet Pigou, du nom de l’économiste qui l’a mis en évidence7. Il s’agit d’un mécanisme qui permet une relance spontanée de l’économie et qui remet en question l’utilité des politiques de stabilisation. Prenons le cas d’un choc récessif qui se traduit par une baisse de la demande. Le décalage entre les quantités offertes et demandées sur le marché des biens, entraîne une baisse des prix qui relance la demande grâce à son impact sur le pouvoir d’achat. La baisse des prix s’accompagne également d’une baisse de la demande de monnaie. En effet, les besoins de liquidité s’affaiblissent car les transactions sont moins nombreuses et à des prix plus faibles. A offre constante, la baisse de la demande de monnaie entraîne un infléchissement du taux d’intérêt, qui stimule la demande globale et limite davantage la nécessité d’une intervention étatique. Les néoclassiques considèrent que les politiques de stabilisation contrecarrent les mécanismes que nous venons de décrire et empêchent la reprise de l’activité. Une expansion budgétaire par exemple entraîne une hausse des prix et une augmentation de la demande de monnaie. Ainsi, elle se traduit par une hausse du taux d’intérêt et une éviction des investissements d’une part, et elle déprécie la richesse réelle des agents et limite leur pouvoir d’achat de l’autre. Elle agit donc dans le sens contraire des mécanismes spontanés de l’économie et bloque la reprise de l’activité. 7 Patinkin (1948) contient une présentation détaillée de l’effet Pigou. 28 2- Un modèle à prix flexible Nous complétons le modèle IS-LM par une équation qui décrit la dynamique des prix : Y= 1 σ ( P − w) où P et w représentent respectivement le niveau général des prix et le taux de salaire nominal. Cette équation complète l’analyse keynésienne sur deux fronts, en spécifiant à la fois les dynamiques des prix et de l’emploi. La croissance de la production s’accompagne d’une augmentation des prix qui déprécie le taux de salaire réel et incite les producteurs à augmenter leurs demandes de travail. Elle établit ainsi une relation inverse entre le taux de chômage et le taux d’inflation conformément à la courbe de Phillips. Les variations des prix influencent le revenu réel des agents et se répercutent donc sur leur consommation : C = a (Y − P ) + b . Une augmentation des prix diminue la valeur réelle des encaisses détenues par les agents et accroît ainsi leurs besoins de liquidité : M d = γ Y − µr + β P . Ces fonctions de comportement conduisent à l'expression suivante de la production d'équilibre : α α G + M + b − w a + β µ µ . Y eq = α 1 − a (1 − σ ) + (γ + βσ ) µ Les multiplicateurs budgétaire et monétaire prennent donc les formes suivantes : 29 1 ∆Y ∆G = α 1 − a (1 − σ ) + (γ + βσ ) µ . α ∆Y µ = ∆G α 1 − a (1 − σ ) + (γ + βσ ) µ Ces équations nous permettent de distinguer les canaux à travers lesquels la flexibilité des prix atténue l’efficacité des relances budgétaires et monétaires. On constate d’abord que la propension marginale à consommer est réduite de (1- σ). Ce terme représente l’effet de richesse négatif induit par la hausse des prix. On note également que l’effet d’éviction est renforcé par une demande de monnaie plus forte, induite par la hausse du α niveau général des prix. L’apparition de la quantité ( βσ ) dans le dénominateur témoigne µ de cet effet. 30 Section 2 : L’apport du courant monétariste Le courant monétariste regroupe les économistes hostiles aux politiques de relance et convaincus de l’influence prépondérante des agrégats monétaires sur la production. Leurs propositions s’inspirent des travaux de Milton Friedman, reconnu comme le chef de fil et le véritable fondateur de ce courant. Sa reformulation de la courbe de Phillips et sa théorie de demande de monnaie constituent ses principaux apports théoriques. A travers une succession de travaux empiriques, il a tenté de prouver la forte corrélation entre les variations de la quantité de monnaie et le revenu national. Forts des preuves empiriques apportées par Friedman, les monétaristes se sont penchés sur l'étude de l’utilisation optimale des instruments de la politique monétaire. Ils défendent l’adoption d’objectifs intermédiaires en termes de masse monétaire. Ils affichent néanmoins leur hostilité à l’interventionnisme excessif des banques centrales et rejettent le caractère discrétionnaire de leurs politiques. De leur point de vue, les politiques dites de stabilisation sont elles-mêmes génératrices d'instabilité. Elles doivent être activées seulement face à des chocs de fortes ampleurs. Dans de telles circonstances, il serait préférable de miser sur l'appareil monétaire, car la politique budgétaire est handicapée par l’éviction des investissements qu’elle génère. En dehors des périodes de récession, les banques centrales doivent veiller à la stabilité du taux de croissance de la masse monétaire afin de contrôler les anticipations et de garantir un taux d’inflation raisonnable. Sur le plan opérationnel, les monétaristes mettent l’accent sur la lenteur de la politique budgétaire, soulignant qu’en cas de choc les réactions doivent être rapides afin de redresser l'économie avant qu'elle ne plonge dans la crise. Les interventions tardives peuvent aggraver la situation. De ce point de vue, la politique monétaire présente un net avantage car elle est capable d’intervenir avec un timing beaucoup plus précis. I- Les critiques monétaristes et les répliques keynésiennes 1- L'effet d'éviction Pour les keynésiens, l'effet d'éviction est un phénomène purement monétaire. Il résulte tout simplement de l’augmentation de la demande de monnaie pour motif de transaction. Mais comme la consommation et les investissements augmentent par vagues successives, 31 l’augmentation de la demande de monnaie sera progressive. Ainsi, les tensions se manifestent tardivement sur le marché monétaire, ce qui limite l’intensité de l’effet d’éviction. Pour les monétaristes, l'effet d'éviction peut être également un phénomène financier. Pour financer son déficit budgétaire, l’Etat augmente subitement l'offre sur le marché obligataire et propose un rendement plus élevé afin d’attirer davantage de demandeurs. L'augmentation du taux de rendement est d'autant plus importante que le déficit budgétaire est fort. En effet, la prime de risque exigée par les prêteurs s’accroît à mesure que la situation financière de l’Etat se détériore. L'effet d'éviction financier entre en action plus rapidement que l'effet d'éviction monétaire, puisqu'il accompagne instantanément l'émission de la dette. Il bloque ainsi l’expansion budgétaire dès sa mise en place, ce qui atténue considérablement son effet de relance. Pour les monétaristes, l’association des effets d’éviction monétaire et financier à l’effet Pigou affaiblit considérablement la valeur du multiplicateur budgétaire. Les questions relatives à l’efficacité des relances budgétaires, à l’intensité de l’effet d’éviction et à son délai d’apparition ont fait l’objet d’un débat passionnant entre les monétaristes et les keynésiens. Pour vérifier le bien-fondé de leurs propositions, les monétaristes ont procédé à des estimations économétriques qui visent notamment à apprécier le pouvoir explicatif des grandeurs budgétaires et monétaires dans l’évolution du produit nominal. Les résultats obtenus par Friedman et par les économistes de l’école de Saint-Louis ont apporté un soutien fort aux thèses monétaristes. Les études révèlent une faible réaction du revenu national à la politique budgétaire : elle atteint son maximum au second trimestre, puis elle disparaît complètement à la fin de la deuxième année. 1.1- Les arguments théoriques des keynésiens La riposte keynésienne s'articule autour de trois points : (i) L'émission de la dette publique ne s’accompagne pas nécessairement d’une augmentation significative du taux d'intérêt. En effet, l'Etat présente des garanties de remboursement exceptionnelles en vertu de son pouvoir fiscal. La prime de risque sera donc assez faible. Dans la plupart des pays industrialisés, le coût de la dette publique est inférieur au coût de la dette privée. Avec un faible risque de marché, les titres publics peuvent être perçus par les agents comme une forme prisée d'épargne, car elle est plus rentable que les diverses formes de placements liquides. 32 (ii) La demande d'investissement dépend du taux d'intérêt de long terme. Par conséquent, l'effet d'éviction ne devient envisageable que lorsque le déficit est financé par une dette de long terme. L’existence d’un marché d'actifs de court terme permettrait ainsi à l'Etat de gérer sa dette sans ralentir la dynamique d’investissement. Toutefois, si les taux longs sont dépendants des taux courts (que des moyennes mobiles des taux courts), alors l’éviction des investissements devient donc inéluctable. Face à cet argument, les keynésiens mettent en avant l’instabilité de la structure par terme du taux d’intérêt. Sur le plan pratique, aucune relation stable ne peut être détectée entre les taux courts et les taux longs et les exemples des courbes de taux inversées sont assez nombreux. L’éviction des investissements par la dette publique est donc peu probable. (iii) Les keynésiens distinguent entre le taux d’intérêt de la dette publique, qui représente le rendement d’un actif financier, et le taux d’intérêt monétaire qui représente un coût de financement. Les deux taux sont déterminés sur deux marchés cloisonnés et subissent des influences différentes. Le rendement de la dette dépend en partie des besoins de financement de l’Etat et donc de la politique budgétaire, tandis que le taux d’intérêt dépend du taux directeur fixé par la banque centrale et donc de la politique monétaire. Les keynésiens insistent donc sur le caractère monétaire du taux d’intérêt et considèrent qu’une politique d'accompagnement adéquate peut contenir sa croissance en approvisionnant l'économie avec la liquidité nécessaire pour faire face aux transactions accrues qui suivent la mise en place de la politique budgétaire. Ils prônent donc la coordination des politiques monétaire et budgétaire afin de tirer pleinement profit des possibilités de relance de cette dernière. 1.2- Les preuves empiriques La riposte keynésienne devait relever le défit empirique lancé par les monétaristes. Ando et Modigliani ont effectué d’importants travaux dans ce sens. On souligne notamment leur article publié en 1976, dans lequel ils fournissent quelques preuves de l'efficacité de la politique budgétaire à travers un exercice de simulation. 1.2.1- Les résultats de la simulation Dans cet article, Ando et Modigliani ont simulé une augmentation des dépenses 33 publiques d'un montant d'un milliard de dollars au premier janvier 1958. Ils constatent que la politique budgétaire a eu un impact assez important sur les revenus réel et nominal, bien que ne bénéficiant pas du soutien de la politique monétaire. Les remarques suivantes regroupent les principaux résultats de la simulation : (i) Le revenu réel enregistre une augmentation sensible et continue. La croissance atteint son maximum au bout du cinquième trimestre durant lequel elle avoisine les 2%. (ii) La relance passe principalement par le mécanisme de l'accélérateur. L'évolution des composantes de l'investissement donne une idée sur la contribution de ce mécanisme. Ainsi, les stocks de produits finis ont atteint leur niveau maximal au bout du quatrième trimestre, les biens de consommation durables au bout du cinquième trimestre et les biens d'équipement au bout du sixième trimestre. (iii) L'effet d'éviction commence à agir assez tardivement mais contribue à amortir l'expansion. Son impact peut être ressenti à travers les taux de variations des composantes de l'investissement, qui sont devenus négatifs alors que le taux de variation du revenu national était encore positif. Ainsi les investissements dans les domaines de la construction, des équipements et des biens de consommation durables commencent à baisser respectivement à partir du septième, onzième et douzième trimestres. (iv) Les prix augmentent lentement, mais continuent à croître plus longtemps que le revenu réel. Le revenu nominal connaît donc une croissance plus longue que le revenu réel, et n’atteint son optimum qu’au huitième trimestre. Au bout de trois ans, alors que la variation du revenu réel était au voisinage de zéro, celle du revenu nominal dépassait encore les 2.5%. Ando et Modigliani (1976) soulignent que les résultats obtenus dépendent des conditions initiales de l'économie. Le résultat aurait été beaucoup plus explosif si la simulation avait été programmée en janvier 1966 par exemple. De plus, la croissance aurait été nettement plus forte si un accompagnement monétaire était envisagé. 1.2.2- Les critiques de la méthodologie monétariste Les keynésiens se sont focalisés dans un premier temps sur le choix des variables dans les modèles monétaristes. Ce débat économétrique était stérile car chaque choix avait ses avantages et ses inconvénients. 34 Ando et Modigliani abandonnent cette voie et s’attaquent à la structure même des modèles monétaristes. Ils considèrent que seuls les modèles de grandes tailles sont capables de retracer fidèlement une réalité économique complexe comme celle des Etats Unis. A l’instar du modèle de Saint-Louis, les modèles utilisés par les monétaristes contiennent un nombre d’équations très réduit. Leur structure simplifiée est incohérente avec une fonction aussi ardue que la prévision des conséquences d’une politique de relance. Pour illustrer l’importance de cette critique, les auteurs ont observé l’évolution des principaux agrégats à la suite d’une impulsion budgétaire en utilisant le modèle MPS8, puis ils ont reproduit le même exercice à l’aide du modèle de forme réduite. La comparaison des outputs révèle un écart de prévision très important. Ando et modigliani (1978) mentionnent également les résultats obtenus par Layton9 qui a étudié le pouvoir prédictif de trois modèles qui se distinguent par leurs degrés de complexité. Il trouve que les modèles les plus simples sous-estiment la croissance générée par une politique de relance et fournissent les moins bonnes prévisions. A la fin de la première année, les trois modèles ne parviennent à estimer qu’entre 50% et 70% de la croissance effective du revenu. A la fin de la deuxième année, le revenu augmente de 2.75%, alors que sa croissance est estimée à 2%, 0.5% et 0.2% respectivement par les trois modèles. En s’appuyant sur ces résultats, Ando et Modigliani contestent les méthodes utilisées par les monétaristes et remettent en question la fiabilité des preuves empiriques issues des modèles réduits. 2- La richesse et la demande de monnaie Friedman (1956) considère que la demande de monnaie est une fonction des richesses totales des agents et non de leurs revenus courants. Il développe un cadre théorique qui soustend cette idée et propose des résultats empiriques qui confirment la forte corrélation entre la richesse et la demande de monnaie10. Le comportement patrimonial suggéré par Friedman intensifie l’effet d’éviction et limite sensiblement la portée des politiques de relance. Financés par emprunts, les déficits budgétaires augmentent la richesse des agents, stimulent leurs 8 Il s’agit d’une maquette macroéconométrique complexe considérée comme l’une des meilleure modélisation de l'économie américaine pour la période étudiée. 9 On se réfère aux résultats relatés par Ando et Modigliani car le travail de Layton n'a pas été publié. 10 Nous reviendrons avec plus de détail sur la fonction de demande de monnaie proposée par Friedman dans la deuxième partie de cette section. 35 demandes d’encaisses et amplifient les tensions sur le marché monétaire. On constate à la fois une accélération et une accentuation de la hausse du taux d'intérêt qui contrarient plus fortement la relance budgétaire. Afin d’illustrer ces mécanismes, nous intégrons un effet de richesse dans la fonction de demande de monnaie11 : M d = γ Y − µr + δW où W est la richesse financière des agents et δ un paramètre positif. A l’aide de la nouvelle fonction de demande de monnaie, on dérive l’expression suivante de la production d'équilibre : ( µ ) M − δ ( α µ )W + b . 1 − a (1 − τ ) + γ (α ) µ G+ α * Y = En supposant que l’augmentation des dépenses publiques est entièrement financée par emprunt, on dérive les expressions des multiplicateurs budgétaire et monétaire : ( ) ( ) ( ) ( ) 1− δ α ∆Y µ = ∆G 1 − a + γ α µ α µ ∆Y = ∆M 1− a + γ α µ On constate que l'introduction de la richesse dans la fonction de demande de la monnaie réduit le multiplicateur budgétaire par le terme (αδ)/γ dans le numérateur. Ce terme témoigne d’une intensification de l’effet d’éviction due à une plus forte augmentation de la demande de monnaie. L’intensification de l’effet d’éviction épargne le multiplicateur monétaire, car les relances monétaires n’ont aucun impact direct sur la richesse financière des agents dans ce modèle. 11 Nous reprenons les équations du modèle à prix fixe. Toutes les variations sont donc d’ordre réel. 36 Les keynésiens contestent l’intégration de la richesse comme argument dans la fonction de demande de monnaie. Ils considèrent que si la richesse exerce un effet positif sur la demande de monnaie, c’est essentiellement par ce qu’elle élargit le potentiel de consommation des agents et leurs perspectives d’investissements. Ainsi, l’effet de richesse doit se manifester à travers un accroissement de la demande pour motif de transaction. Une modélisation plus adéquate de l’effet de richesse consiste donc à l’intégrer au niveau de la fonction de consommation et non au niveau de la fonction de demande de monnaie. L’accroissement de la consommation et l’accélération des investissements transmettront cet effet à la demande de monnaie par le biais de la demande de transaction. Pour illustrer le point de vue keynésien, nous introduisons l’effet de richesse au niveau de la fonction de consommation : C = aY + δ W + b . La production d’équilibre devient : ( µ ) M + δW + b . 1 − a + γ (α ) µ G+ α * Y = Les multiplicateurs budgétaire et monétaire prennent donc les expressions suivantes : 1+ δ ∆Y ∆G = 1− a + γ α µ . α ∆Y µ = ∆M 1 − a + γ α µ ( ) ( ) ( ) La présence de la richesse au niveau de la fonction de consommation profite donc au multiplicateur budgétaire dont la valeur augmente grâce à une plus forte croissance de la consommation (le terme δ dans le numérateur témoigne de cet effet). Par ailleurs, si les monétaristes prônent une complémentarité entre les encaisses monétaires et la dette publique, les keynésiens pensent que ces deux actifs sont plutôt substituables. Caractérisés par une forte liquidité, les titres publics peuvent se substituer aux encaisses détenues pour motif de précaution. Les agents peuvent les transformer facilement en moyens de 37 paiements sans courir un risque de perte en capital. Dans ce cas, la dette publique contribue à contenir la croissance de la demande de monnaie, à limiter la hausse du taux d’intérêt et donc à affaiblir l’éviction des investissements. 3- La courbe de Phillips augmentée des anticipations La redéfinition de la courbe de Phillips a été le résultat des travaux menés séparément par Friedman (1968) et Phelps (1967). Elle constitue une sérieuse remise en question de l’efficacité des politiques de relance. Dans les modèles keynésiens, la dynamique des prix ne tient pas compte des variations des salaires nominaux. La relation croissante entre les prix et la production rationalise l’arbitrage entre l’inflation et le chômage constaté empiriquement par Phillips (1958). Avec des salaires nominaux totalement rigides, l’inflation générée par la croissance déprécie les salaires réels, incite les entrepreneurs à recruter et justifie la relation inverse entre le taux d’inflation et le taux de chômage. Du point de vue keynésien, les agents souffrent donc d'une illusion monétaire totale, dans la mesure où ils ne se rendent pas compte de la dépréciation de leurs pouvoirs d’achat et continuent à offrir du travail aux même taux de salaire nominal. Pour Friedman (1968), cette hypothèse ne bénéficie d’aucun fondement théorique, et encore moins d’un appui empirique. En effet, l’évolution des rémunérations nominales suggère un scénario différent : si les travailleurs sont hostiles à toute baisse de leurs salaires nominaux, ils réclament une revalorisation de leurs rémunérations dès qu'ils constatent une détérioration significative de leur pouvoir d'achat. La rigidité constatée est donc uniquement une rigidité à la baisse. Ainsi, en dehors des périodes de déflation, les salaires nominaux s'ajustent aux variations des prix, ce qui implique une certaine stabilité des rémunérations réelles à long terme. Toutefois, les ajustements des salaires nominaux prennent souvent du retard par rapport aux mouvements des prix. C’est intervalle de temps nécessaire pour que les travailleurs prennent conscience de l’origine et de l’ampleur de la baisse de leur pouvoir d'achat. L’indexation des salaires nominaux remet en question l'arbitrage entre l'inflation et le chômage offert par la courbe de Phillips habituelle. La politique budgétaire n’est capable de promouvoir l'emploi qu’à court terme, car elle est rapidement neutralisée par la hausse des salaires nominaux. A long terme, le taux de chômage ne peut diverger de son niveau naturel et la courbe de Phillips devient verticale. Friedman qualifie cette relation de courbe de Phillips de 38 long terme, car l'ancienne courbe de Phillips demeure valable à court terme à cause du retard dans l’ajustement des salaires nominaux. Afin d’illustrer ces idées, nous délaissons l’hypothèse keynésienne de totale illusion monétaire et nous supposons que les travailleurs négocient leurs salaires nominaux et fonction de l’inflation anticipée. Nous supposons toutefois que leurs anticipations sont adaptatives. Ainsi, ils surestiment l’inflation lorsqu’elle décélère, et ils la sous-estiment lorsqu’elle s’accélère. L’indexation des salaires nominaux à l’inflation sera donc partielle : P − P0 w = w0 1 + θ = ω0 + (θ P + (1 + θ ) P0 ) P0 où w0, ω0 et P0 représentent respectivement le salaire nominal, le salaire réel et l’indice des prix de la période initiale. La nouvelle expression de la production d'équilibre est la suivante : ( µ ) M + b + αβµ ((11−−θωθ ) w) . Y = αβ α 1− a + γ ( ) + µ µσ (1 − θω ) G+ α 0 0 * 0 On déduit les expressions respectives des multiplicateurs budgétaire et monétaire : 1 ∆Y ∆G = αβ 1− a + γ α + µ µσ 1 ( − θω0 ) . α ∆Y µ = αβ ∆M 1 − a + γ α + µ µσ (1 − θω0 ) ( ) ( ) ( ) On remarque l’apparition dans les dénominateurs des deux multiplicateurs, d’un terme qui recense l’impact de la flexibilité des prix et des salaires nominaux : αβ . La µσ (1 −θω0 ) dynamique des salaires est d’autant plus nuisible aux politiques de relance que l'indexation des salaires est forte (θ est proche de 1). Lorsque les agents sont victimes d'une illusion monétaire totale (θ=0), on retrouve le résultat du modèle à prix flexibles et à salaires rigides. 39 Les monétaristes considèrent que les politiques de relance perdent toute leur efficacité avec le freinage supplémentaire qu’apporte la boucle prix-salaire. Les keynésiens se sont tournés vers les appréciations empiriques du degré d’indexation des salaires nominaux à l’inflation, car sa faiblesse limite considérablement la portée de cette critique. 4- Quelques réflexions concernant le débat entre monétaristes et keynésiens La littérature a souvent réduit le débat entre keynésiens et monétaristes à un conflit technique qui porte sur quelques détails de modélisation. Ainsi, Pisani-Ferry, Sterdyniak et Villa (1984) affirment que "la théorie monétariste ne réussit guère à offrir une alternative théorique au keynésianisme : le débat a montré qu'elle n'en diffère que par des postulats sur la valeur de certains coefficients et de certains délais, postulats posés a priori et guère vérifiés empiriquement". Nous pensons que le désaccord entre ces deux courants est beaucoup plus profond. Notre exposé illustre en partie le caractère conceptuel de ce conflit. Le fait que les apports du courant monétariste constituent les fondements de la nouvelle théorie classique conforte notre pensée. Nous verrons que l’approche patrimoniale de la consommation a été utilisée pour démontrer la faiblesse de l'impact de la politique budgétaire sur la production. L'effet d'éviction financier sera également exploité pour mettre en relief les conséquences de long terme de la politique budgétaire. Enfin, la courbe de Phillips augmentée des anticipations sous-tend les analyses modernes de la politique monétaire. Des économistes comme Ando et Modigliani (1978), qui ont formulé les critiques les plus sévères à l'égard des monétaristes, soulignent l'importance du rôle joué par ce courant. Ils précisent notamment que si les disparités entre les différents courants de pensée commencent à disparaître et que les points de conflit deviennent de moins en moins nombreux, c’est en grande partie grâce aux contributions monétaristes qui, selon eux, ont enrichi le débat économique, et ont surtout énormément servi le développement des autres courants de pensée. Le monétarisme n’était-il pas une étape vers le renouveau du courant classique ? Dans ce cas, la comparaison entre le keynésianisme et le monétarisme est trompeuse, car elle met côte à côte un courant de pensée bien structuré qui propose une vision globale de l'économie, et des idées économiques dispersées qui cherchent à répondre à certaines questions. L’apport du 40 courant monétariste doit donc être apprécié sans tenir compte de sa capacité à fournir une alternative à la théorie keynésienne. II- Les propositions monétaristes. Le courant monétariste attribue une part explicative importante aux variations de l’offre de monnaie dans l’évolution du produit nominal. La masse monétaire représente ainsi l’instrument privilégié de la politique monétaire. Les monétaristes minimisent néanmoins la portée des politiques activistes et les responsabilisent de la majeure partie de l’instabilité économique. Ils recommandent aux banquiers centraux moins d’interventionnisme et plus transparence dans leur gestion de la politique monétaire. Pour mieux comprendre les recommandations monétaristes, nous procédons à une analyse du cadre théorique qui les soustend. 1- La théorie monétaire du revenu nominal Cette théorie est issue des travaux de Friedman (1958) puis de Friedman et Schwartz (1963a et b) consacrés à l’étude de l’histoire monétaire des Etats-Unis. Pour la période allant de 1867 à 1960, les deux auteurs relèvent une forte covariance entre le taux de croissance du revenu nominal et celui de la masse monétaire. Ils concluent à une forte influence de la politique monétaire sur le cycle économique. Pour justifier le sens de causalité, ils soulignent l’existence d’un décalage entre les variations du revenu nominal et celles de la masse monétaire, allant de neufs mois à deux ans. Ce retard peut être interprété comme un délai d’ajustement du revenu nominal aux variations de la quantité de monnaie, ce qui soutient une relation causale allant de la politique monétaire vers le cycle économique. Friedman (1956, 1959, 1966) apporte une soutien théorique à ces résultats en proposant une nouvelle fonction de demande de monnaie, caractérisée par sa stabilité d’une part et par l’absence du taux d’intérêt de l’autre. Les monétaristes s’appuient sur la première propriété pour attribuer la responsabilité des déséquilibres monétaires aux variations délibérées de l’offre de monnaie. Grâce à la deuxième propriété, le revenu nominal devient la grandeur équilibrante du marché monétaire. En conclusion, les interventions de la banque centrale génèrent des déséquilibres sur le marché monétaire qui se traduisent par des ajustements du revenu nominal, ce qui justifie le sens de causalité précédemment énoncé. La fonction de demande de monnaie s’avère donc une pièce maîtresse de l’analyse monétariste, car elle 41 permet d’établir un lien entre la politique monétaire et la production nominale. Pour une meilleure compréhension de cette relation, nous exposons les fondements théoriques de cette fonction. 2- La demande de monnaie et le revenu permanent Friedman (1956) se différentie de l’approche keynésienne en considérant que la fonction de demande de monnaie est issue d’un problème de décision qui tient compte de toutes les ressources dont disposent les agents, de leurs préférences et des différentes opportunités de placement. Il se distingue essentiellement par deux points. En premier lieu, il assimile la demande de monnaie à une véritable demande de biens et services. Il lui applique la même théorie de choix qui consiste à maximiser une fonction de bien-être sous une contrainte financière. Dans cette contrainte, Friedman tient compte de la totalité des ressources, quelles soient financières, réelles ou humaines. Ainsi, les décisions de consommation et d’investissement dépendent du patrimoine total des agents et non de leurs revenus courants. En deuxième lieu, il tient compte de toutes les opportunités de placements susceptibles d’intéresser les demandeurs de monnaie. Chez Keynes, la présence du taux d’intérêt reflète l’arbitrage entre les actifs monétaires et les actifs financiers, le rendement de ces derniers étant négativement lié au taux d’intérêt. Friedman élargit ce processus d’arbitrage en tenant compte de toutes les catégories d’actifs y compris les actifs réels et humains12. En résumé, la demande Friedmanienne de monnaie dépend du patrimoine total, W, qui comprend toute les formes de richesse ; des rendements des actifs financiers, if, réels, ir, et monétaires, im ; ainsi que des préférences des agents : M d = M (W , i m , i f , i r ,U ) où U est une fonction d’utilité qui représente les préférences. Dans une deuxième étape, Friedman introduit le revenu permanent, YP, comme variable représentative du patrimoine. Il le définit comme le revenu que l’agent est en mesure de dépenser sans provoquer une détérioration significative de sa richesse totale. La fonction de demande de monnaie devient donc : 12 Par actifs humains, Friedman désigne les facteurs susceptibles d’accroître la capacité de production des agents et leurs rémunérations. 42 M d = M (Y P , i m , i f , i r , U ) . Enfin, dans une troisième étape, Friedman (1959) procède à des estimations économétriques pour déterminer l’influence de ces différentes composantes sur la décision de la demande de monnaie. La demande de monnaie étant inobservable, il lui substitue la quantité de monnaie en circulation. Il définit le revenu permanent comme une moyenne pondérée du revenu actuel et des revenus passés13. Il représente ainsi une grandeur stable et peu influençable par les variations du revenu courant. En s’appuyant sur les résultats de ses estimations, Friedman juge secondaire l’influence qu’exercent les rendements des diverses catégories d’actifs sur la demande de monnaie. Le revenu permanent semble être la seule variable significativement liée à la quantité de monnaie. Il propose donc une version simplifiée, où la demande de monnaie dépend uniquement du revenu permanent : M d = M (Y P ) . Avec le revenu permanent comme seule variable explicative, la demande de monnaie réagit faiblement aux variations du revenu courant. Ainsi, les déséquilibres sur le marché de la monnaie ne peuvent provenir que des variations soudaines de l’offre de monnaie. De plus, le marché ne peut converger à nouveau vers une situation d’équilibre que moyennant un ajustement du revenu nominal. L’absence d’une variable équilibrante comme le taux d’intérêt implique que la totalité de l’ajustement doit être assumée par le revenu nominal, à travers une variation de la production réelle ou/et des prix. La fonction de demande de monnaie fournit ainsi une assise théorique aux revendications monétaristes quant à la gestion de l’offre de monnaie. 3- Une analyse critique des propositions monétaristes La théorie monétaire du revenu nominal est contestable à plus d’un titre. D’un point de vue purement statistique, les arguments avancés par Friedman et Schwartz sont loin d’être convaincants. Sur le plan théorique, les analyses convergent plutôt en faveur d’une incidence du revenu nominal sur l’offre de monnaie. Quant à la fonction de demande de monnaie, sa construction théorique s’avère fragile et les arguments empiriques qui servent à écarter le taux d’intérêt ont été largement critiqués. La 13 Les pondérations sont décroissantes dans le temps. 43 remise en question de cette fonction posera d’énormes problèmes, dans la mesure où elle représente l’un des piliers de la théorie monétariste. Nous rappelons que cette fonction transfère la charge d’ajustement vers le revenu nominal et justifie ainsi le pouvoir explicatif de l’offre de monnaie. 3.1- Multiplicateur ou diviseur de crédit ? Nous soulignons la pauvreté des preuves statistiques avancées par Friedman et Schwartz (1963 a et b) concernant le sens de causalité dans la relation entre la masse monétaire et le revenu nominal. Ils décèlent le lien entre ces deux agrégats par un calcul de covariance, et ils déduisent le sens de causalité à partir d’un décalage entre les variations des deux séries. Or, ni la covariance, ni le retard d’ajustement ne constituent des preuves statistiques fiables de l’intensité et du sens de la relation. De plus, une période aussi longue que celle étudiée par les deux auteurs comprend nécessairement des points de rupture qui correspondent à des changements profonds dans la gestion de la politique monétaire. Il aurait été préférable de distinguer plusieurs souspériodes caractérisées par la stabilité du régime monétaire. L’utilisation de techniques économétriques plus précises aurait permis une meilleure appréciation de cette relation. Certaines techniques de filtrage permettent également de détecter les points de rupture relatifs aux changements de régime. Ces techniques concernent particulièrement les travaux qui portent sur des périodes d’observation assez longues comme celle choisie par Friedman et de Schwartz. Par ailleurs, les constats empiriques révèlent une certaine incohérence dans l’enchaînement monétariste : l’ampleur des variations de la masse monétaire est assez faible par rapport à celle du revenu nominal. On peut donc se demander si des événements d’une aussi faible ampleur sont capables de générer des variations de cette taille. Aucun mécanisme dans la construction monétariste n’apporte une justification convaincante à cette amplification de l’instabilité. D’autre part, quelques arguments théoriques indiquent un sens de causalité inverse à celui retenu par les monétaristes. En effet, l’influence de l’offre de monnaie sur le revenu nominal génère souvent des effets de retour. Une croissance du revenu se traduit généralement par une augmentation de la demande de monnaie et pousse la banque centrale à ajuster la masse monétaire en conséquence. Une partie des variations de l’offre de monnaie n’est donc pas 44 délibérée. Friedman reconnaît l’existence de ce feed-back, mais affirme que la part intentionnelle de la variation domine la part endogène. Les keynésiens défendent l’idée contraire et considèrent que la quasi-totalité des ajustements de l’offre viennent en réponse à celle de la demande. Ils opposent ainsi le principe du diviseur de crédit à celui du multiplicateur défendu par les quantitativistes. Du point de vue keynésien, la banque centrale se sert de la relation entre la monnaie centrale et la masse monétaire pour déterminer la quantité de monnaie qu’il faut injecter pour répondre aux besoins de liquidité de l’économie. Elle ne fait donc qu’apporter la masse monétaire au niveau désiré par les agents. Dans cette optique, l’offre de monnaie est donc une variable endogène qui s’ajuste à la demande. Les monétaristes défendent le raisonnement inverse, selon lequel la banque centrale gère l’offre de monnaie de façon à ramener la masse monétaire au niveau qu’elle juge souhaitable pour l’économie. Dans ce cas, la relation du multiplicateur lui indique la quantité de monnaie à injecter pour atteindre son objectif. Les variations de l’offre de monnaie émanent ainsi d’une initiative autonome de la part des autorités monétaires et non d’un besoin des agents. Les variations de la production, des prix et du taux d’intérêt qui suivent les mouvements de la masse monétaire augmentent les besoins de liquidité des agents et les poussent à accepter de détenir la monnaie injectée par la banque centrale. 3.2- Les lacunes de la fonction de demande de monnaie 3.2.1- Les motifs d’instabilité Au-delà de son rôle clef dans la théorie monétaire du revenu nominal, la stabilité de la fonction de demande de monnaie est également nécessaire pour une bonne conduite de la politique monétaire. Si les réactions de la demande de monnaie aux évolutions de la conjoncture sont instables ou imprévisibles, alors la banque centrale n’est plus en mesure de pratiquer les politiques délibérées prétendues par les monétaristes. La stabilité de la demande de monnaie a fait l’objet de nombreuses vérifications empiriques qui aboutissent à des résultats contradictoires. Laider (1993) propose une synthèse de la controverse au tour de la stabilité de la fonction de demande de monnaie. L’agrégat monétaire retenu est souvent à l’origine des divergences. Les tests statistiques appliqués à des agrégats plus larges que M1 rejettent souvent l’hypothèse de stabilité, signalant que seule la demande des contreparties liquides de la masse monétaire est stable. Cette conclusion est en 45 totale contradiction avec la thèse monétariste qui stipule que la demande de monnaie dépend des patrimoines totaux des agents, ce qui implique que le pouvoir prédictif d’un agrégat doit augmenter à mesure que ses contreparties se multiplient. La multiplication des innovations financières est l’explication la plus souvent avancée pour justifier le rejet de l’hypothèse de stabilité de la demande de monnaie. Associés à une information plus complète et à des moyens de communication beaucoup plus performants, les nouveaux produits financiers ont multiplié les mouvements des capitaux entre les différents agrégats monétaires d’une part, et en direction des agrégats de placement de l’autre. Ainsi, la volatilité de ces deux catégories d’agrégats s’est considérablement accentuée. Les innovations financières et technologiques ont probablement provoqué des changements au niveau des préférences des agents et notamment au niveau de leur aversion envers le risque. La croissance exponentielle des placements en actions témoigne d’un tel changement de préférence. Ainsi, certains économistes appellent à une redéfinition des agrégats monétaires ou bien à l’exploitation des agrégats de placement en parallèle. En effet, l’utilité d’un agrégat monétaire réside dans l’information qu’il fournit quant au potentiel de consommation et d’investissement des agents. C’est la raison pour laquelle on y recense les fonds qui peuvent être mobilisés sans risque de perte en capital. Cette construction exclut les catégories d’actifs considérées comme peu liquides qui ne reflètent donc aucune possibilité de dépense à court terme. Or, la liquidité accrue de ces titres (résultat du développement des échanges sur les marchés financiers) d’une part, et l’affaiblissement de l’aversion des agents envers le risque de l’autre, remet en question leur exclusion du potentiel de consommation. Nous pensons que les échecs empiriques de l’hypothèse de stabilité s’expliquent en partie par un arrangement théorique de la part des monétaristes qui se sont efforcés d’imputer les déséquilibres du marché monétaire à l’offre, en proposant une construction théorique qui garantit d’avance la stabilité de la demande. Le comportement patrimonial proposé par Friedman relie la demande d’encaisse à un agrégat de synthèse qui englobe les richesses financière, immobilière et humaine des agents. Ainsi, les transferts entre les différentes composantes du patrimoine n’ont aucun effet sur la demande de monnaie et n’exerce par conséquent aucun effet sur le potentiel de consommation des agents. Dans cette optique, les placements immobiliers reflètent une possibilité de consommation au même titre que les dépôts 46 à vue. Contrairement au traitement laxiste de la demande, l’offre de monnaie est définit d’une façon très étroite et les données statistiques permettent une observation très précise de son évolution. Ce traitement asymétrique ne peut conclure qu’à la stabilité de la demande, qui dépend d’un agrégat définit au sens large et donc stable par définition, et à l’instabilité de l’offre sujette à une définition beaucoup plus précise et donc volatile par nature. 3.2.2- L’absence du taux d’intérêt Les simplifications progressives entreprises par Friedman au niveau de sa fonction de demande de monnaie, semblent difficiles à justifier. Celle de la suppression du taux d’intérêt prend une importance particulière car elle prive la fonction de demande d’une grandeur stabilisante et lègue toute la charge de l’ajustement au revenu nominal. Les travaux empiriques qui ont permis à Friedman (1959) d’écarter les rendements des actifs de sa fonction de demande, ont subit des critiques très sévères. Comme nous l’avons signalé, Friedman a choisit la quantité de monnaie en circulation comme variable représentative de la demande de monnaie, en l’absence d’une observation directe de cette dernière. Or, l’évolution de la quantité de monnaie n’émane pas uniquement de la demande des agents, elle traduit également les politiques délibérées de la banque centrale. La variable choisie par Friedman confondrait ainsi l’offre et la demande de monnaie, ce qui remet en question la fiabilité de ses résultats. Friedman (1966) reconnaît la pertinence des critiques relatives à l’omission du taux d’intérêt et propose dans des articles ultérieurs d’autres versions de la fonction de demande de monnaie qui réintègrent cette variable. Son objectif était de formuler une synthèse des propositions keynésiennes et monétaristes qui lui permet de développer une formalisation alternative au modèle IS-LM. Toutefois, même en acceptant la présence du taux d’intérêt dans la fonction de demande de monnaie, les monétaristes insistent sur la nécessité de préciser des objectifs en termes de masse monétaire. Ils pensent q’une règle transparente qui garantit une évolution stable de la masse monétaire au fils des périodes, permet de minimiser la variabilité du revenu nominal et de conduire ainsi à une situation économique plus stable. Cette proposition est justifiée par une plus forte fréquence des chocs réels par rapport aux chocs nominaux. Dans ce cas, la meilleure gestion de la politique monétaire consiste à fixer l’offre de monnaie et à laisser au taux d’intérêt 47 la charge d’amortir l’impact des chocs. Le modèle de Poole (1970) fournit un fondement théorique à cette proposition. 3.3- Le choix de l’instrument monétaire : l’approche de Poole (1970) Poole (1970) illustre les problèmes relatifs au choix de l’instrument de la politique monétaire à travers un modèle d’inspiration keynésienne. Son objectif est de déterminer le mode de gestion optimal de la politique monétaire, le critère d’optimalité étant la minimisation des fluctuations du revenu nominal. 3.3.1- Présentation du modèle Nous considérons une économie à prix fixes. L’équilibre du marché des biens et du marché monétaire sont décrits par les équations suivantes : yt = −α rt + ε y m mt = γ yt − µ rt + ε où α, γ et σ sont des paramètres positifs. εy et εm représentent respectivement des chocs sur les marchés des biens et de la monnaie. Considérons d’abord le cas d’une gestion de la politique monétaire par le taux d’intérêt. La banque centrale adopte un objectif en termes de masse monétaire, mt*, et réagit aux chocs en variant le taux d’intérêt. L’équilibre monétaire nous permet d’exprimer le taux d’intérêt en fonction revenu nominal, du choc monétaire et de l’objectif de la banque centrale : rt = γ yt − mt* + ε m . µ En substituant cette équation dans l’équilibre du marché des biens, on obtient l’expression du revenu nominal d’équilibre : α * α mt ε y − εm µ µ . yt = + γα γα 1+ 1+ µ µ On dérive la variance du produit nominal, en supposant que les chocs réels et monétaires sont indépendants : 48 2 σ y2 t 2 1 αµ σ ε2y + σ ε2m . = γα γα 1 + 1 + µ µ Considérons maintenant le cas d’une banque centrale qui se fixe un objectif en termes de taux d’intérêt, et qui réagit aux chocs en variant la masse monétaire. Le taux d’intérêt étant constant, les chocs qui frappent le marché des biens se répercutent pleinement sur la production : σ y2 = σ ε2 . y t Le mode de gestion optimal d’un point de vue monétariste est celui qui minimise la variance du revenu nominal. Ainsi, le premier régime serait préférable au second si : σ ε2 > y α γ (αγ + 2µ 2 ) σ ε2 . m Les monétaristes considèrent que la probabilité que cette condition soit satisfaite est assez élevée, car les chocs réels sont plus fréquents que les chocs nominaux. Dans ce cas, une règle friedmanienne d’accroissement constant de la masse monétaire serait préférable à l’adoption d’un objectif de taux d’intérêt. 3.3.2- Discussion des résultats La précédente analyse ne tient compte que des règles rigides. Or, un mode de gestion plus flexible permet de lutter plus efficacement contre les chocs réels et nominaux. Il est facile de voir que les variations du taux d’intérêt exportent les chocs monétaires sur le marché des biens. D’après les équations du modèle, le marché monétaire ne peut revenir à l’équilibre à la suite d’un choc que moyennant une variation du taux d’intérêt : ∆rt = 1 ∆ε m . γα + µ Et comme le produit nominal dépend du taux d’intérêt, le choc se traduit également par une variation du revenu nominal : 49 ∆yt = − α ∆ε m . γα + µ Prenons l’exemple d’un accroissement de la préférence des agents pour la liquidité. A masse monétaire constante, un tel choc entraîne une augmentation du taux d’intérêt afin d’équilibrer le marché monétaire. Le choc se transmet ainsi au marché des biens qui connaît une contraction du revenu nominal. Un ajustement adéquat de la masse monétaire aurait permis de stabiliser le marché de la monnaie, tout en épargnant à l’économie une telle dégradation de l’activité. En conclusion, la stratégie la plus efficace est une stratégie flexible, qui consiste à choisir le mode d’intervention en fonction de la nature du choc : fixer le taux d’intérêt en cas de choc monétaire et adopter un objectif de masse monétaire en cas de choc réel. Les monétaristes sont conscients des problèmes que pose l’adoption d’un objectif intermédiaire en termes de masse monétaire. Ils s’attachent néanmoins à cette proposition, considérant qu’elle assure une meilleure orientation des anticipations et permet d’éviter l’instabilité que génèrent habituellement les politiques discrétionnaires. L’absence d’un arbitrage entre l’inflation et le chômage à long terme rend inutiles les surprises monétaires, qui généreraient de la volatilité nominale en déstabilisant les anticipations sans réussir à surperformer l’économie. McCallum (1981) propose une règle qui répond à la précédente critique en envisageant la possibilité de faire varier la cible monétaire. La flexibilité de la règle répond à un double problème : l’avènement de chocs monétaires de fortes ampleurs d’une part et l’instabilité de la fonction de demande de monnaie de l’autre. Dans les deux cas, la règle propose un ajustement de la cible monétaire pour tenir compte du changement intervenu, permettant ainsi à la politique monétaire d’être en adéquation avec la situation économique. Elle demeure néanmoins incapable d’apporter des réponses satisfaisantes aux problèmes suivants : (i) Une telle règle ne se différencie guère d’un régime discrétionnaire traditionnel. En début de période, les agents ne savent pas si la banque centrale maintiendra sa cible ou pas. En cas de changement de politique, ils sont incapables d’estimer la nouvelle cible. La confusion entre les chocs réels et nominaux persiste et avec elle l’instabilité économique. (ii) La banque centrale exerce un contrôle imparfait sur la masse monétaire. On a déjà 50 souligné l’instabilité générée par les innovations financières. Dans une optique keynésienne, on peut également remettre en question la capacité de la banque centrale à accroître la masse monétaire lorsque l’économie ne manifeste pas un tel besoin. (iii) Sterdyniak et Villa (1986) attirent l’attention sur la corrélation entre les chocs réels et monétaires. Un choc positif sur le marché des biens stimule les investissements et se traduit par une augmentation de la demande de monnaie. L’instabilité semble donc être plus persistante sur le marché de la monnaie que sur le marché des biens. Dans ce cas, l’adoption d’un objectif de taux d’intérêt est préférable à une gestion par les agrégats monétaires. (iv) Les propositions monétaristes sont incompatibles avec le comportement de la plupart des banques centrales qui se fixent des objectifs en termes de taux d’intérêt et non en termes de masse monétaire. Ainsi, les règles de gestion par le taux d’intérêt, comme la règle de Taylor (1993), surclassent totalement les règles monétaristes en fournissant une meilleure description des comportements effectifs des banques centrales. En outre, les évolutions des taux directeurs semblent avoir une forte influence sur les mouvements de capitaux (comme le révèlent les marchés financiers), ce qui indique que l’attention des agents est focalisée sur le taux d’intérêt et non sur la masse monétaire. 51 Section 3 : Les critiques fondamentales Au cours des années 70 les pays industrialisés ont connu une flambée de l’inflation et du chômage. Alimentés par de forts taux d’intérêt, les déficits publics et les rapports de la dette ont atteint des seuils alarmants. Tous les ingrédients étaient donc réunis pour qu’une récession prolongée s’installe. Certains économistes ont vu en cette crise une mise en évidence des lacunes de la théorie keynésienne, qu’ils ont tenu pour responsable de cet engrenage. De leur point de vue, la sortie de la crise passe nécessairement par l’abandon des recettes keynésiennes au profit d’une gestion plus rigoureuse et moins interventionniste des politiques économiques. Les critiques modérées qui avaient pour objectif de minimiser l’apport des politiques de relance ont donc pris un caractère nettement plus radical, qui va dans le sens d’un rejet total du paradigme keynésien. L’ancienne doctrine classique a ressurgit sous une forme moderne afin de marquer de nouveau les décisions de politique économique. Pour cerner l’origine du renouveau des idées classiques, nous commençons par un exposé des principales critiques formulées par les chefs de fil de ce courant. Ainsi, nous discuterons de leur interprétation de la crise des années 70 et nous décrirons le cadre théorique qui sous-tend leur vision. Nous étudierons également les solutions qu’ils proposent pour une meilleure gestion des politiques économiques. Nous développerons enfin les ripostes keynésiennes et la lecture de la crise proposée par les néo-partisans de ce courant. I- Le renouveau des propositions classiques 1- Les principales critiques Trois critiques revêtent à nos yeux une importance particulière : l’incapacité des modèles à appréhender les problèmes de long terme, le manque de fondement microéconomique des équations de comportement et l’irréalisme de certains postulats. 1.1- Une analyse statique Le caractère statique des modèles keynésiens pose des problèmes de diverses natures. D’abord, les agents peuvent élaborer des plans de consommation et d’investissement de long terme. Il faut donc proposer une approche théorique cohérente avec leurs aspirations et s’appuyer sur des modèles dont la structure permet de retracer leur comportement. Les modèles 52 keynésiens statiques sont inadaptés à cette tâche. Ensuite, l’analyse keynésienne ne s’intéresse qu’aux conséquences immédiates des politiques expansives, négligeant ainsi les distorsions qu’elles sont susceptibles de générer à long terme. A titre d’exemple, le modèle IS-LM est incapable de prévenir le déclenchement des spirales d’endettement et d’apprécier leurs répercussions sur la croissance et sur le bien-être des générations futures. Enfin, la capacité du modèle IS-LM à décrire les mécanismes qui gouvernent l’économie s’affaiblit à mesure que cette dernière s’approche du plein emploi. les nouveaux classiques formulent deux remarques dans ce sens. En premier lieu ils soulignent la flexibilité accrue des prix et des salaires qui redonne à ces grandeurs nominales des vertus équilibrantes. En second lieu, ils attirent l’attention à la nécessité d’une analyse appropriée de l’offre sur les différents marchés. A proximité du plein emploi, ce n’est plus la demande à elle seule qui détermine les volumes de la production et de la main d’œuvre. En plus des débouchées potentielles, l’offre des biens et services dépend des coûts des facteurs et de la technique de production. Sur le marché du travail, l’offre redevient sensible aux variations du taux de salaire réel. En conclusion, les nouveaux classiques considèrent que les hypothèses keynésiennes perdent toute leur pertinence dès que l’économie dépasse le blocage de la demande et retrouve une dynamique de croissance. La coexistence d’une forte inflation et d’un fort taux de chômage au cours des années 70 est une illustration de l’impertinence de la théorie keynésienne. Cette crise s’explique par le fait que les gouvernements ont continué à s’appuyer sur les recettes keynésiennes sans tenir compte de la proximité de leurs économies du plein emploi et des changements que cela peut entraîner au niveau de leurs réactions aux politiques économiques. 1.2- Le manque de fondement microéconomique Pour Keynes, il est tout à fait plausible de spécifier les équations de comportement directement à l’échelle macroéconomique. Ce qui compte c’est la capacité des modèles à refléter fidèlement le comportement des agents. Les nouveaux classiques considèrent que sans une analyse microéconomique adéquate, on ne peut modéliser correctement les facteurs qui influencent les décisions des agents. Ainsi, les fonctions de comportement posées a priori, sans fondements microéconomiques, fournissent une description incomplète voir biaisée des décisions individuelles. 53 Ils soulignent par ailleurs qu’à l’échelle individuelle, les décisions sont animées par des considérations de bien-être et non par des objectifs de quantités. C’est donc le niveau de satisfaction des agents qui doit être retenu comme critère d’évaluation des politiques économiques. Ils opposent ainsi à l’analyse positive, qui apprécie l’efficacité d’une politique à travers son impact sur les agrégats, une analyse normative, qui s’intéresse aux conséquences des interventions publiques sur le bien-être des agents. Pour remédier à ces problèmes, les nouveaux classiques dérivent les équations de comportement à partir de programmes d’optimisation, dans lesquels les agents maximisent des fonctions d’utilité qui témoignent de leurs niveaux de satisfaction. Ils procèdent par agrégation pour passer des équations individuelles aux équations globales. La dynamique des modèles macroéconomiques découle de leurs fondements microéconomiques qui prennent souvent la forme de problèmes d'optimisation intertemporels. 2- Un cadre théorique alternatif. Les nouveaux classiques proposent une approche théorique qui s’inspire des résultats des travaux empiriques et des conclusions de la théorie microéconomique. Ils s’appuient sur les constats empiriques pour rejeter les hypothèses de rigidité supposées par les keynésiens. Comme nous l’avons souligné, la flexibilité des grandeurs nominales limite les conséquences réelles des chocs et remet en question l’utilité des politiques de relance. Les études confirment également la sensibilité de l’offre de biens et de travail aux variations des coûts des facteurs et au progrès technique, d’où la nécessité de spécifier une fonction d’offre globale qui recense l’influence de ces facteurs. Les équations de comportement puisent leurs fondements dans la théorie microéconomique. Ainsi, la consommation est le résultat d'un programme d'optimisation intertemporel dans lequel chaque agent essaye de déterminer la répartition optimale de sa richesse sur son cycle de vie. Ce programme débouche non seulement sur une décision de consommation courante, mais aussi sur un plan de consommation de long terme. L’élaboration d’un tel plan nécessite l’anticipation des ressources réelles futures et de l’ensemble des facteurs susceptibles de les influencer. Les anticipations et l’information qui les sous-tend ont donc une influence déterminante sur l’équilibre macroéconomique. Pour chaque agent, la mise en œuvre de son plan de consommation nécessite une 54 répartition particulière de sa richesse totale sur son cycle de vie. Ainsi, il sera ainsi amené à transférer sa richesse dans le temps, de façon à disposer à chaque période des ressources financières compatibles avec son niveau de consommation désiré : il empruntera lorsque son revenu courant ne lui permet pas de financer ses dépenses et il épargnera dans le cas contraire. L’existence d’un marché financier qui offre aux agents la possibilité de réaliser de tels transferts de ressources est donc indispensable à la concrétisation de leurs plans de consommation. Dans cette optique l’épargne témoigne de l’intérêt qu’accordent les agents à leur bien-être futur et le taux d’intérêt représente le prix qu’ils exigent pour retarder leur consommation dans le temps. Il mesure ainsi leur attachement au présent. En définitive, la consommation et l’épargne dépendent des préférences des agents, de leurs richesses totales et du taux d’intérêt. Les investissements réels sont également issus d'un programme d'optimisation, dans lequel chaque producteur essaye de déterminer les demandes de capital et de travail qui lui permettent de maximiser son profit anticipé, compte tenu des débouchées futures et des coûts des facteurs. Les demandes de capital et de travail qui résultent de ce programme dépendent principalement des coûts relatifs de ces deux facteurs. L’une des conséquences importantes de ce résultat est que le taux d’intérêt redevient un phénomène réel qui égalise la liquidité offerte par les épargnants et le besoin de financement exprimé par les investisseurs. Il retrouve ainsi son rôle d’indicateur des tensions sur le marché des biens. Sur le marché du travail, l’offre est le résultat d'un problème d’optimisation dans lequel les travailleurs décident de la répartition optimale de leur temps entre le travail et le loisir. Le nombre d’heures de travail offertes dépend de la valeur actuelle et future du salaire réel. L’anticipation d’une augmentation des rémunérations réelles durant les périodes à venir peut conduire les agents à offrir moins de travail dans l’immédiat et à profiter du loisir qui deviendra plus coûteux prochainement. Contrairement aux modèles keynésiens, dans lesquels on assiste à un équilibre de rationnement, la sensibilité de l’offre et de la demande au salaire réel en fait la grandeur équilibrante du marché du travail dans les modèles classiques. 3- L’hostilité envers les politiques de stabilisation En associant les anciens postulats aux nouvelles fonctions de comportement, les nouveaux classiques offrent une nouvelle vision de l’économie qui appelle à un réexamen des conséquences des politiques de relance. Leurs conclusions sont sans équivoque : peu efficaces à 55 court terme et nocives à long terme, les politiques de relance sont strictement déconseillées. 3.1- Un impact négligeable sur la consommation En supposant que les agents anticipent parfaitement l'évolution de leurs richesses dans le temps, le modèle de cycle de vie implique qu’une politique budgétaire expansive aura un effet immédiat peu significatif sur la consommation courante. Pour réussir à stimuler la demande, la politique budgétaire doit être en mesure d'augmenter la richesse nette des agents. Un déficit budgétaire qui sera financé par impôt n'exercera aucun effet sur la consommation si la hausse des prélèvements sera entièrement supportée par les générations actuelles. En anticipant l’augmentation des impôts, les agents sont conscients que la politique actuelle est sans conséquences sur leurs richesses nettes. Leurs plans de consommation demeurent donc inchangés. L'Etat peut réussir à stimuler la demande s’il programme la hausse des prélèvements à une date éloignée, de façon à ce qu’elle soit entièrement supportée par les générations futures. La réaction immédiate de la consommation sera néanmoins assez faible. En effet, l’intérêt qu’accordent les agents à leur bien-être futur les conduit à répartir ce surplus de richesse sur l’ensemble de leur cycle de vie. Les modalités de cette répartition dépendent de leurs préférences temporelles. Il en demeure qu’ils ne dépenseront jamais l'intégralité des ressources supplémentaires dans l'immédiat, tant qu'ils accordent un minimum d’intérêt à leur bien-être futur. La réaction de la consommation actuelle sera donc assez limitée. En définitive, la politique budgétaire exercera dans le meilleur des cas un effet peu significatif sur la demande, ce qui limite son efficacité en tant qu’outil de relance. 3.2- Des conséquences futures dangereuses Muni d’un cadre d’analyse dynamique, les nouveaux classiques aboutissent à trois conclusions importantes concernant les conséquences de long terme des politiques de soutien à la demande. La première est que la demande actuelle ne peut être stimulée qu'au détriment de la demande future. Un déficit budgétaire par exemple représente un transfert de richesse du futur vers le présent, car il condamne les générations à venir à supporter les charges des dépenses publiques actuelles. Ainsi, l’utilisation de la politique budgétaire pour restaurer le niveau de la 56 demande à la suite d’un choc ne fait que retarder la récession. Les propos de Friedman B.14, qui commente l'augmentation du déficit budgétaire aux Etats Unis, illustrent parfaitement cette idée : "Nous vivons bien en poussant notre dette vers la hausse... L'Amérique s'est jetée dans une fête et a facturé les charges vers le futur. Les coûts, qui commencent seulement à survenir, incluront un niveau de vie inférieur pour les citoyens américains." Le deuxième point concerne l’impact du laxisme budgétaire sur le stock de capital privé. A l'aide d'un modèle à générations imbriquées, Diamond (1964) démontre qu'une augmentation de la dette publique réduit le stock de capital privé de l'équilibre du long terme et se répercute négativement sur le bien-être de la population. La réduction du taux d'accumulation du capital s’explique essentiellement par la hausse du taux d'intérêt. Elle se traduit par une baisse de la production et une restriction des opportunités de consommation des agents, ce qui réduit leur bien-être. Les néoclassiques considèrent donc que la rigueur budgétaire est l’une des conditions requises pour que l’économie converge vers un équilibre satisfaisant à long terme. Enfin, l’usage récurrent des politiques de déficit peut poser un problème de soutenabilité à long terme. Une politique budgétaire est dite insoutenable si elle remet en question la solvabilité de l’Etat en générant une augmentation continue du volume de la dette. Une telle situation peut prévaloir lorsque les surplus primaires ne permettent pas de financer la totalité des charges de la dette. L'Etat se trouve donc devant l’obligation d’émettre de nouveaux titres afin d’honorer ses engagements vis-à-vis de ses créanciers. L’émission de la nouvelle dette pousse le taux d'intérêt à la hausse, ce qui réduit davantage les investissements et la croissance et accentue les besoins de financement de l’Etat. L’affaiblissement du taux d’accumulation du capital conjugué au risque d’une dérive financière de l’Etat justifie l’extrême prudence que préconisent les néoclassiques quant au maniement des politiques de relance. Le passage suivant, emprunté à Creel et Sterdyniak (1995), résume leur pensée en la matière : " ce sont les déficits publics eux-mêmes qui sont responsables du niveau des taux d'intérêt, de sorte que leur réduction devrait faire baisser les taux d'intérêt, sans coût pour le niveau d'activité, et devrait permettre à moyen terme d'impulser l'accumulation du capital, donc la croissance." L'explication avancée par les néoclassiques à la crise des années 70 s'inscrit dans cette logique : les déficits budgétaires passés ont la part explicative la plus importante dans les difficultés économiques rencontrées par un grand nombre de pays industrialisés. Les 14 Voir Yallen J. (1989) 57 gouvernements des pays en question ont eu un recours systématique à la politique budgétaire, sans tenir compte des conséquences futures d’une telle démarche. Ces politiques ont été à l’origine de la hausse des taux d'intérêt, ce qui a bloqué les investissements et la croissance d’une part et a augmenté le coût de la dette de l’autre. La sortie de cet engrenage passe par la mise en place de redressements budgétaires qui permettent à ces pays de retrouver des situations financières saines. Une telle mesure est d’autant plus urgente que les coûts des redressements s’accroissent à mesure qu’ils sont retardés : les charges de la dette augmentent et les restrictions budgétaires doivent être d’une plus forte ampleur. 3.3- Le rôle de la politique budgétaire Deux principales tendances se distinguent au sein de la nouvelle école classique quant à l’utilisation optimal de la politique budgétaire. Certains économistes lui reconnaissent des effets de régulation de court terme, tandis que d'autres n’en voient que des inconvénients et exigent un équilibre budgétaire permanent. La principale recommandation est de réduire au maximum le rapport de la dette au PIB, et de veiller à sa stabilité dans les limites du possible. La réduction de la dette permettra à terme de baisser le taux d'intérêt et de relancer l'investissement. Le principal objectif est de munir l'économie avec un stock de capital qui garantit un bien-être social maximal à long terme. A l’équilibre, le solde budgétaire ne sera pas forcément nul, car le stock optimal de capital peut être compatible aussi bien avec un surplus qu’avec un déficit budgétaire. Le solde budgétaire peut s’écarter temporairement de son niveau d’équilibre pour des fins de stabilisation. Cependant, ces variations doivent rester d’une ampleur limitée pour éviter toute dérive permanente. Plus l’écart est faible, plus le retour au déficit optimal est facile à opérer. Les nouveaux classiques prônent donc une utilisation limitée et prudente de l'appareil budgétaire, car l'usage très fréquent recommandé par les keynésiens mène nécessairement vers des déficits permanents. Le déficit optimal est difficile à estimer, car il dépend de la fonction d'utilité collective et d'autres paramètres difficiles à quantifier. Certains éléments suggèrent néanmoins qu’il ne puisse être très distant de l’équilibre budgétaire. Ainsi, le recours aux déficits temporaires pour faire face aux revirements de la conjoncture est moins coûteux lorsque le stock de dette initial est très faible. Une bonne situation financière limite la prime de risque et permet à l’Etat de 58 s’endetter à un taux d'intérêt moins élevé. D’autre part, les analyses récentes mettent l'accent sur l'influence qu'exercent les agrégats des finances publiques sur les anticipations. La faiblesse de ces grandeurs nourrit l’optimisme chez les agents, ce qui accroît les chances de réussite des politiques de stabilisation. Certains économistes restent sceptiques quant à la capacité des gouvernements à résister à la tentation d’exploiter l’appareil budgétaire pour des fins politiques. Ainsi, Ils revendiquent la mise en place d’une constitution budgétaire qui écarte définitivement le risque d’une dérive financière de l’Etat. Les plus radicaux exigent un équilibre budgétaire permanent. Le pacte de stabilité adopté par les pays membre de l’union européenne a relancé le débat autour de cette idée. Une littérature abondante s'est intéressée depuis à l'étude des avantages et des inconvénients de l'instauration d'une constitution budgétaire. Les circonstances actuelles semblent être défavorables à une telle proposition, car le pacte de stabilité limite considérablement la marge de manœuvre de certains pays comme l’Allemagne face à la récession qui s’annonce. II- Les faiblesses de la nouvelle construction classiques Les critiques les plus sérieuses concernent évidemment les éléments sur lesquels repose la construction théorique de la nouvelle école classique : les anticipations, la structure des marchés financiers et la flexibilité des prix et des salaires. 1- La myopie des agents Les résultats du modèle à générations imbriquées dépendent sensiblement des valeurs futures de certaines variables. Pour déterminer son plan de consommation optimal, chaque agent doit être en mesure d’anticiper avec précision l’ensemble les facteurs qui déterminent sa richesse totale nette, tels que ses revenus salariaux, les rendements réels des ses placements financiers et les variations des taux d’imposition. Les nouveaux classiques adoptent des hypothèses assez fortes au sujet des anticipations, en supposant qu’elles sont parfaites ou rationnelles. Les auteurs keynésiens insistent sur l'incertitude qui caractérise le monde réel et mettent en avant ses répercussions sur la qualité des anticipations. Cette incertitude peut dévier la consommation de son niveau optimal, ce qui permet à la politique budgétaire de gagner en efficacité. 59 Certains agents n’ont pas les compétences requises pour effectuer des prévisions qui portent sur un intervalle de temps étendu. Ils manifestent ainsi un certain degré de myopie qui se traduit soit par une ignorance totale des contraintes fiscales futures, soit par une sousestimation de ces contraintes. Dans les deux cas la myopie renforce l'impact de la politique budgétaire sur la consommation actuelle, dans la mesure où la dette publique sera considérée comme une richesse nette par cette catégorie d’agents. Ensuite, les trajectoires futures incertaines des variables peuvent pousser les agents à allouer davantage de richesse à leurs consommations actuelles. La préférence pour le présent sera d’autant plus importante que l’aversion des agents envers le risque est forte. En effet, la satisfaction que les plans de consommation futurs sont susceptibles de générer décroît dans un univers incertain, car elle dépend de la probabilité de leur réalisation. Ainsi, les agents peuvent préférer la satisfaction certaine que permet la consommation actuelle à un bien-être futur contingent à des facteurs qui sont en dehors de leur contrôle. 2- L'imperfection des marchés financiers Nous mettons l’accent sur deux imperfections qui empêchent une répartition optimale de la richesse dans le temps et qui accroissent ainsi l’efficacité de la politique budgétaire à court terme. 2.1- Les contraintes de liquidité Un agent souffre d’une contrainte de liquidité lorsque ses revenus courants ne lui permettent pas d’atteindre son niveau de consommation désiré. Prenons l'exemple d'un individu qui anticipe une augmentation de ses ressources futures. Il souhaite bénéficier d’un emprunt afin d’augmenter sa consommation actuelle, en espérant rembourser cette dette grâce à l’augmentation future de sa richesse. L’absence d’une source de financement l’empêcherait de concrétiser ce plan de consommation. Dans ce cas, un desserrement des contraintes fiscales actuelles contre une augmentation future des prélèvements permet de relâcher au moins partiellement sa contrainte financière et de stimuler sa consommation. Une telle politique équivaut à un transfert de revenu du futur vers le présent. Le besoin de liquidité que manifestent les agents contraints fait qu’au moins une partie de ce transfert sera consacrée à leurs consommations présentes. Sur le plan pratique, les imperfections qui sont souvent à l’origine des contraintes de 60 liquidité sont le rationnement du crédit (l'existence d'un plafond à l'emprunt souvent lié au profil de risque de l’emprunteur) et la différentiation des taux (l’application de taux d'intérêt différents à l'emprunt et au prêt ou de taux croissants selon le montant de l’emprunt). Les travaux empiriques révèlent que ces imperfections touchent une fraction assez significative de la population. En distinguant trois sous-périodes au sein du cycle de vie (la jeunesse, l’âge adulte et la vieillesse), les études montrent qu’une grande partie de la population est concernée par les contraintes de liquidité durant les deux premières sous-périodes. Lors du jeune âge, les agents disposent de peu de ressources salariales et les aides parentales ne leur permettent pas d’atteindre leur niveau de consommation désiré. Durant l'âge adulte, les dépenses de couple (dépenses liées aux enfants, à l'acquisition d'un bien immobilier …) dépassent souvent le revenu courant et les agents manifestent de nouveau un besoin de liquidité. Ce n'est que durant la troisième tranche d'âge que les revenus courants des agents dépassent souvent leurs besoins de consommation. L’une des manifestations les plus courantes des contraintes de liquidité est donc l'existence d'une épargne forcée durant la vieillesse. Lorsqu’une proportion importante de la population est touchées par les contraintes de liquidité, la politique budgétaire retrouve en partie son efficacité. 2.2- Le financement de la retraite La période de retraite est financée par les placements de long terme que les agents capitalisent au long de leurs périodes d’activité. Or, l’incertitude quant à la durée de vie peut conduire à une épargne excessive qui évince une partie de la consommation au cours des périodes qui précèdent l’âge de la retraite. En effet, le modèle de cycle de vie suppose que les agents ne manifestent aucun degré d’altruisme et préfèrent consacrer la totalité de leurs richesses à leurs propres consommations. Théoriquement, la richesse doit s’annuler au cours de la dernière période du cycle de vie. Néanmoins, la durée de vie d’un individu n’est jamais connue avec certitude et chaque agent est conscient qu’il peut vivre plus ou moins que l’âge moyen de la population. Les agents sont donc pousser à épargner plus que la moyenne pour assurer leurs consommations s’ils atteignent cette tranche d’âge. Les marchés d’annuité offrent aux agents la possibilité d’acheter des contrats qui leur garantissent des revenus réguliers à partir d’une date précise et jusqu’à la fin de leurs vies. Lorsque ces marchés sont parfaits, ils offrent aux agents des revenus supérieurs à ceux qu’ils auraient obtenus en épargnant les prix d’achat des contrats en question. En d’autres termes, les 61 contrats d’annuité auraient un taux rendement supérieur à celui des autres actifs financiers. Ainsi, l’existence de ces contrats limiterait non seulement l’incertitude liée à la durée de vie, mais également celle liée au rendement des placements financiers. Elle permettrait donc une forte diminution de l’épargne de précaution et une promotion de la consommation. Cependant, les marchés d’annuité sont soit complètement inexistants, soit loin d’être parfaits (offrent donc des taux de rendement décourageants). Dans ce cas, la politique budgétaire peut stimuler la consommation des générations actives en allégeant la pression fiscale liée à leurs revenus salariaux par exemple. Dans un grand nombre de pays, un système de retraite par répartition, géré par l’Etat, remplace les marchés d’annuité. Les allocations de retraite ont un profil semblable aux contrats d’annuité dans la mesure où elles sont financées durant la période d’activité, commencent à être opérationnels à partir d’une date précise et s’arrêtent avec la mort de l’individu. Toutefois, les conséquences économiques d’une telle gestion des retraites dépendent en partie de son mode de financement. Si les retraites sont financées par les générations en activité, alors elles sont sensibles à la fois aux facteurs économiques et démographiques. En cas de mauvaise conjoncture (fort taux de chômage) ou de déséquilibre démographique entre générations, le nombre de travailleurs peut être insuffisant pour financer les retraites. Si l’Etat s’endette pour combler ce déficit, sa politique entraînera une contraction de la demande privée en réaction à l’augmentation anticipée des prélèvements. Les incertitudes quant aux sources de financement des retraites peuvent conduire les agents à former une épargne de précaution. Ce cas est analogue à celui d’un marché d’annuité imparfait qui offre un rendement peu encourageant aux participants. En conclusion, on peut affirmer que l’imperfection des marchés d'annuité et les problèmes de financement du système de retraite par répartition conduisent à une épargne de précaution et donc à une répartition sous-optimale de la richesse sur le cycle de vie. Dans de telles circonstances, la politique budgétaire peut promouvoir la consommation en limitant l’incertitude qui pèse sur les revenus futurs. 3- Une critique des postulats classiques Les keynésiens insistent sur la lenteur des ajustements des prix et des salaires nominaux et développent des fondements microéconomiques qui sous-tendent ces hypothèses. 62 Ainsi, la théorie du salaire d'efficience, dont le modèle de Solow (1979) fut le point de départ, offre une explication à la rigidité à la baisse des salaires15. Elle met en avant le lien entre la rémunération d’un travailleur et sa productivité et conclut que les entrepreneurs n’ont pas intérêt à baisser les salaires s’ils veulent garantir un effort maximal de la part de leurs travailleurs. Les modèles de sélection adverse, de la rotation des emplois, du tir-au-flanc et d’équité proposent des fondements à la relation croissante entre la rémunération et l’effort. Cahuc et Zylberberg (1996) contient un exposé détaillé de ces différents modèles. La théorie « insiders-outsiders » offre une explication alternative à la rigidité des salaires. Elle présente le conflit qui oppose ceux qui sont à la recherche d’un travail (les outsiders) à ceux qui disposent déjà d’un post (les insiders) comme étant à l’origine de cette rigidité. Les insiders exerceraient en effet des pressions sur les outsiders, pour que ces derniers s’alignent à leurs exigences salariales. Toujours dans le domaine des salaires, Fisher (1977) et Taylor (1979) considèrent que l’existence de contrats de long terme constitue un obstacle face à un ajustement rapide des rémunérations nominales. Plusieurs fondements théoriques ont été proposé à la viscosité des prix. Ainsi, nous mentionnons les travaux de Akerlof et Yellen (1985) et de Mankiw (1985) qui mettent en avant certaines frictions telles que les coûts d'étiquetage (menu costs) susceptibles d’expliquer la lenteur des ajustements des prix. Okun (1975 et 1981) propose une approche, connue sous le nom du marché de clientèle, qui met en avant les coûts subis par les consommateurs qui sont à la recherche des prix les moins élevés. Ces coûts limitent l’intensité de cette recherche, ce qui encourage les entreprise à maintenir leurs prix à des niveaux assez élevés. Enfin, stiglitz (1987) considère que le prix peut être un indicateur de qualité. Ainsi, les entreprises seraient réticentes à baisser leurs prix, par crainte qu’une telle initiative ne soit interprétée comme une détérioration de la qualité de ses produits. Toutefois, Ball Mankiw et Romer (1988), soulignent que ces frictions sont de second ordre et ne peuvent expliquer la forte rigidité des grandeurs nominales. En effet, la forte inertie des grandeurs nominales s’expliqueraient essentiellement par une combinaison des rigidités nominales et réelles. Ainsi, Ball et Romer (1990) et Mankiw et Romer (1991) démontrent qu’en 15 Yallen (1984) et Wiess (1991) propose une synthèse de cette théorie. 63 présence des rigidités réelles, les frictions en question sont susceptibles de générer de forte rigidités nominales. Pour les keynésiens la parfaite flexibilité des prix est une caractéristique propre au plein emploi. Or, les économies des pays industriels ont rarement atteint une telle situation. Aux Etats Unis, plusieurs économistes ont considéré que le chômage constaté au cours des années 60 était un chômage structurel. Les baisses consécutives du taux de chômage dans ce pays ont montré par la suite qu'il s'agissait d'un chômage involontaire et non d’un chômage naturel. En présence des rigidités nominales les économies mettent un intervalle de temps assez long pour converger de nouveau vers leurs équilibres initiaux dès qu’elles s’en écartent, ce qui redonne aux politiques de stabilisation toute leur utilité. Les critiques keynésiennes concernent également l'effet Pigou que les néoclassiques présentent comme un mécanisme qui garantit un retour rapide au plein emploi. Nous avons souligné que la partie de la richesse qui peut être destinée à la consommation regroupe les composantes les plus liquides des patrimoines des agents, à savoir les encaisses monétaires et les obligations. Parmi les encaisses monétaires, les keynésiens distinguent la monnaie "externe" et la monnaie "interne". La monnaie externe regroupe la monnaie fiduciaire et les dépôts des banques dont la contrepartie est constituée par les encaisses liquides et des réserves déposées à la banque centrale. Cette monnaie est considérée comme une richesse nette par les agents. La monnaie interne correspond aux dépôts bancaires créés à l'occasion d'un prêt contracté par les agents privés. Cette monnaie n'est pas considérée comme une richesse nette car elle correspond à une dette. Il s’ensuit que seule une partie de la masse monétaire est concernée par l’effet d’encaisses réelles décrit par Pigou, ce qui limite considérablement l’ampleur de ce mécanisme. Sur le plan empirique, les études montrent que l'effet de richesse est insuffisant pour ramener l'économie à l'équilibre à la suite d’un choc. A travers un exercice de simulation, Stiglitz (1992) conclut que si les prix baisse de 10% par an, alors il faut compter 400 ans pour atteindre une hausse de 25% de la demande. La lenteur des ajustements remet en question certaines conclusions énoncées par la nouvelle école classique. Si l'économie dispose de capacités de production non employées, alors une politique de relance créera une richesse supplémentaire qui élargit l’assiette fiscale de l’Etat et permet de financer au moins partiellement son intervention. Les avertissements concernant un éventuel problème de soutenabilité deviennent peu crédibles. Aussi, en cas d’un 64 accompagnement monétaire adéquat la richesse générée par la politique de relance alimente le marché des capitaux avec une nouvelle épargne. Cette nouvelle offre de crédit contribue à limiter la hausse du taux d'intérêt et à affaiblir l’effet d’éviction. 4- Quelques problèmes de modélisation Les nouveaux classiques transposent à l’échelle globale les résultats dérivés à partir des modèles à agent représentatif. Cette démarche ne tient pas compte de l’hétérogénéité des problèmes de décisions. Cette hétérogénéité concerne aussi bien les préférences, que le degré de myopie ou le degré d'exposition aux contraintes de liquidité. Les imperfections à l'origine des contraintes de liquidité peuvent également exercer des influences différentes sur les décisions finales. Hayashi (1985a) compare la modélisation d’un problème de rationnement de crédit et d’un problème de différentiation des taux et démontre que les programmes d’optimisation aboutissent à des fonctions de consommation et d'investissement différentes dans les ceux cas. En formulant cette critique, nous ne renions pas catégoriquement l’utilité des fondements microéconomiques, mais nous pensons qu'ils doivent servir uniquement de moyen d'éclairage aux fonctions globales. Nombre de d’économistes refusent de recours exagéré à la théorie microéconomique et contestent la technique d’agrégation. La déclaration suivante de Tobin résume parfaitement ces idées16 : « je pense qu’il est important que les équations de comportement d’un modèle macroéconomique ne contredisent pas les axiomes de base de la théorie des choix, et soient en principe cohérentes avec ces axiomes. Mais je pense que la version forte des fondement microéconomiques est une erreur méthodologique qui a causé un tort considérable. Je parle du présupposé désormais largement admis de l’existence d’agents représentatifs, dont le comportement d’optimisation engendrerait des équations macroéconomiques… supposez qu’il y ait un grand nombre d’agents différents, qui tous ont un comportement de maximisation. Ensuite, vous les additionnez, pour n’avoir qu’une seule équation, celle dont vous avez besoin dans votre modèle. Il se peut que la solution obtenu à partir de cette sommation ne corresponde à celle d’aucun individu en particulier ». L'appréciation des conséquences normatives des politiques économiques est l’une des principales raisons qui justifient le recours à la théorie microéconomique. Nous avons souligné que les modèles classiques démontrent que la politique budgétaire détériore le bien-être des générations futures en diminuant le stock de capital privé. Nous formulons deux objections contre ce résultat. 16 Voir Snowdon, Vane et Wynarczyk (1997), pages (149,150). 65 La première est que les modèles en question ne rendent pas compte de l'influence du stock de capital public sur le bien-être des agents. Les dépenses publiques sont considérées comme totalement improductives. Ainsi, chaque unité de capital qui passe entre les mains de l’Etat aura comme conséquence une baisse de la production. Une telle modélisation sous-estime le potentiel de production de l’économie et aboutit à des résultats erronés, car les investissements publics peuvent être aussi productifs que les investissements privés. De plus, certaines catégories de dépenses, telles que celles liées aux infrastructures, contribuent sensiblement à la promotion de la production. Les dépenses publiques financent également la recherche scientifique et contribuent ainsi aux progrès techniques qui offrent de nouvelles perspectives de croissance. Les investissements publics concernent aussi bien le capital physique que le capital humain. Les dépenses d'enseignement alimentent le marché du travail avec une main d'œuvre qualifiée indispensable au bon fonctionnement du processus de production. Ces exemples montrent que le capital public contribue à plus d’un titre à stimuler la croissance. Il exerce ainsi une influence positive sur le bien-être des agents. Ces résultats peuvent être démontrés soit en intégrant explicitement le capital public dans la fonction de production soit en modélisant son impact sur le progrès technique et sur le capital humain. Barro (1990) propose un modèle qui illustre l’impact les dépenses publiques sur la croissance. Deuxièmement les nouveaux classiques considèrent que le financement des dépenses actuelles par des impôts futurs constitue toujours une atteinte au bien-être des générations à venir. Nous pensons que dans certains cas ce mode de financement peut s’avérer plus équitable et plus efficace expost. Considérons le cas des dépenses d’infrastructure. Elles profitent aussi bien aux générations futures qu'aux générations actuelles. Il est donc équitable qu'une partie de ces dépenses soit financée par emprunt. Prenons également l’exemple des dépenses de protection de l’environnement. Les dépenses et les lois mises en place afin de préserver certaines ressources naturelles constituent une charge conséquente pour les générations actuelles. Outre le financement de ces dépenses, l'adoption de certaines lois qui limitent l’utilisation des substances polluantes et qui réglemente le stockage ou le recyclage des déchets augmentent les coûts de production des entreprises concernées et se répercutent négativement sur la croissance. Il est vrai que ces mesures permettent d’éviter des dommages irréversibles sur le plan écologique et de rétablir quelques équilibres naturels à une étape où les dégâts sont encore limités et donc moins coûteux à réparer. Toutefois, les générations à venir sont celles qui profiteront le plus des résultats de ces mesures. Il est donc équitable qu’elles assument une 66 partie des coûts liés à ces opérations. De plus, la décision est économiquement plus avantageuse lorsqu’elle elle est prise à une étape précoce car elle revient moins chère. Par ailleurs, si ces dépenses permettent également d’améliorer les performances futures de l’économie, alors l’augmentation de la richesse qu’elles peuvent générer peut être suffisante pour couvrir leurs coûts. 5- Des explications keynésiennes à la crise des années 70 La doctrine classique n’est pas la seule à fournir une explication cohérente à la coexistence d'un taux d'intérêt élevé et d'un fort déficit budgétaire. Creel et Sterdyniak (1995) proposent quatre explications d’inspiration keynésienne à cet engrenage. La première présente l’indépendance des banques centrales et le manque de coordination qui en découle comme les responsables d’un tel équilibre macroéconomique. Dotées d’une grande autonomie de décision, les banques centrales accordent de moins en moins d’importance aux objectifs réels et font de la lutte contre l’inflation leur priorité. Ce mode de gestion de la politique s’inspire des thèses de la nouvelle école classique, selon lesquelles les politiques expansionnistes génèrent de l’inflation sans avoir de conséquences durables sur l’activité17. Elle suggère donc aux banques centrales d’abandonner les préoccupations réelles et se concentrer sur la lutte contre l’inflation. Pour accomplir cette mission avec succès, les autorités monétaires doivent se forger une réputation anti-inflationniste en pratiquant des politiques de forts taux d’intérêt. Or, le coût en termes d’activité d’une telle politique oblige l’Etat à renforcer son soutien à la demande afin d’atteindre son objectif de production. L’intervention de l’Etat nourrit les tensions inflationnistes et conduit la banque centrale à adopter une attitude plus ferme qui se manifeste par une nouvelle augmentation du taux d’intérêt. La situation s’apparente ainsi à un jeu non coopératif, dans lequel chaque joueur varie son instrument en fonction de son propre objectif et en réponse à la politique de son vis-à-vis. Ce jeu aboutit à un équilibre caractérisé par un fort taux d’intérêt, un fort déficit budgétaire, une faible production et une forte inflation. Les politiques non-coordonnées se neutralisent et débouchent ainsi sur un équilibre peu satisfaisant pour les deux autorités. La deuxième explication est la non-coordination des politiques économiques entre des pays de même taille en changes flexibles. Face à un choc inflationniste, les deux pays préfèrent une intervention monétaire à une stabilisation budgétaire. En effet, les autorités des deux pays surestiment la capacité d’une politique monétaire restrictive à lutter contre l'inflation notamment 17 Le quatrième chapitre contient une analyse détaillée de cette approche. 67 à travers son impact sur le taux de change. Or, les augmentations simultanées des taux d’intérêt se neutralisent mutuellement et ne permettent guère d’amortir l’impact du choc, qui se répercute pleinement sur la production des deux pays et dégrade ainsi leurs soldes budgétaires. L’équilibre sera donc caractérisé par des taux d’intérêt et des déficits budgétaires élevés. Le système monétaire européen peut fournir une explication alternative aux niveaux des taux d’intérêt et des déficits budgétaires. Nous rappelons qu’il s’agit d’un système de change fixe dans lequel des pays dominés subissent la politique monétaire de l’Allemagne le pays dominant. Les pays dominés réagissent à un changement de politique monétaire du pays dominant par des mesures budgétaires ou par une variation des parités de leurs monnaies. Considérons le cas où le pays dominant augmente son taux d’intérêt en réaction à un choc exogène. Les autorités des pays dominés ont le choix entre trois solutions. Si elles veulent préserver à la fois le plein emploi et la parité de change, alors elles doivent compenser l’effet dépressif de la hausse du taux d'intérêt par un déficit budgétaire. Si elles veulent préserver le solde budgétaire et la parité de la monnaie, alors elles sont obligées de constater une baisse de la production. Enfin, si elles veulent préserver le solde budgétaire et le plein emploi alors elles sont obligées de dévaluer la monnaie nationale en réaction à la hausse du taux d'intérêt du pays dominant. Creel et Sterdyniak pensent que des pays comme la France, la Belgique et les Pays Bas ont choisit la première solution à la suite de la réunification allemande et se sont trouvés avec des déficits budgétaires et des taux d’intérêt élevés, alors qu'ils auraient pu éviter cette situation en dévaluant leurs monnaies respectives par rapport au Mark. Enfin, les profondes modifications dans le fonctionnement de la sphère financière ont également contribué à l’engrenage qu’ont connu les pays européens. D’abord, la libéralisation des mouvements des capitaux et la déréglementation financière ont bouleversé le fonctionnement des marchés financiers et ont largement contribué à la flamber des taux d'intérêt. En effet, la multiplication des sociétés d'intermédiation financière a introduit de la concurrence dans un marché qui était jusqu'à un passé récent le terrain privilégié des organismes bancaires. Ces derniers ont profité pendant longtemps d’une situation monopolistique pour rémunérer les dépôts à des taux très faibles. Le passage vers un marché concurrentiel s'est accompagné logiquement d’une hausse des taux d'intérêt. De la même façon, la libéralisation des mouvements des capitaux a introduit un phénomène de concurrence similaire à l'échelle internationale, en obligeant les gouvernements à offrir des intérêts plus 68 élevés afin d'attirer les prêteurs. L’augmentation du coût de la dette a naturellement renforcé les déficits budgétaires. Cette profonde restructuration de la sphère financière a également dépourvu les canaux de transmission traditionnels de la politique monétaire de leur efficacité. Ainsi, la régulation du niveau du taux d'intérêt a-t-elle échappé en partie au contrôle des banques centrales. Ces explications montrent que la théorie keynésienne est capable à la fois de rationaliser et de proposer des solutions à la situation économique délicate qu’a connu l’Europe au cours des années 70. Aussi, les critiques que nous avons développé au long de ce paragraphe montre que le rejet du paradigme keynésien préconisé par les partisans de la nouvelle école classique est une démarche pour le moins contestable. 69 Première partie Un bilan de la littérature. La théorie keynésienne prône un schéma de coordination particulier, où le gouvernement réagit aux insuffisances de la demande, tandis que la banque centrale veille sur la stabilité du taux d’intérêt. La politique monétaire limite ainsi l’éviction des investissements et permet à l’économie de profiter pleinement de l’effet multiplicateur de la politique budgétaire. Toutefois, le débat autour des problèmes de coordination s’est éclipsé progressivement à mesure que les critiques à l’encontre de l’approche keynésienne se sont intensifiées. Les attaques monétaristes étaient centrées sur la gestion de la politique monétaire, tandis que les néoclassiques ont fortement contesté l’efficacité des relances budgétaires. La multiplication des critiques ciblées a conduit à un cloisonnement des analyses des problèmes relatifs aux politiques monétaires et budgétaires. L’objectif de cette première partie est d’explorer les deux voies proposées par la littérature afin de dresser un bilan des approches théoriques les plus récentes. Il s’agit 70 d’identifier les lacunes des analyses contemporaines et de formuler certaines propositions qui permettent de les dépasser. Ces critiques et ces propositions serviront de base aux apports personnels qui seront développés dans la deuxième partie. Chapitre 2 Les approches théoriques contemporaines de la politique budgétaire Alors que les monétaristes se sont tournés vers l’étude des problèmes relatifs à la politique monétaire, le débat entre les keynésiens et les néoclassiques était centré davantage sur 71 la question budgétaire. En s’appuyant sur l’hypothèse des anticipations rationnelles, ces derniers mettent en avant la capacité des agents à effectuer des choix de long terme qui atténuent sensiblement les conséquences immédiates des politiques de relance. De nouvelles approche théoriques associent la rationalité des anticipations à d’autres hypothèses et aboutissent à des résultats peu conventionnels. Ainsi, Robert Barro propose une mise à jour du théorème d’équivalence de Ricardo en faisant appel à l’altruisme des agents. De leur côté, les économistes de l’offre mettent en garde contre les conséquences négatives d’un interventionnisme étatique exagéré dans la vie économique. Ils prônent la mise en place de redressements budgétaires qui limiteraient la part de l’Etat dans le PIB et se conduiraient ainsi à une relance de l’activité. 72 Section 1 : Le principe néoricardien d'équivalence Dans un article publié en 1974, Robert Barro propose une variante du modèle de cycle de vie à travers laquelle il démontre que la politique budgétaire est neutre quel que soit son mode de financement. Son approche a donné naissance à une littérature abondante sur les plans théorique et empirique. La plupart des économistes restent sceptiques quant à la pertinence du théorème d’équivalence rétablit par Barro et aux recommandations qui en découlent. Le travail de Barro a toutefois le mérite d'avoir attiré l'attention à certains aspects des problèmes de décision qui étaient jusqu’à lors négligés par la littérature. I- Les fondements théoriques 1- L'apport de Barro La politique budgétaire ne peut altérer les plans de consommation des générations actuelles que si elle parvient à accroître leurs richesses nettes. Un tel accroissement des richesses ne peut avoir lieu que lorsque les coûts des expansions budgétaires sont supportés au moins en partie par les générations futures. Dans ce cas, les titres publics sont considérés comme une richesse nette par leurs détenteurs et l’Etat réussit à stimuler la consommation courante. Barro remet en question ce résultat, en considérant que la politique budgétaire peut être totalement inefficace même en cas de report des impôts vers les générations futures. Ceci est notamment le cas lorsque les générations consécutives sont liées entre elles par des transferts altruistes. Il transforme ainsi le modèle de cycle de vie en un modèle à durée de vie infinie en introduisant la notion d’altruisme et ainsi généralisé un résultat qui est valable uniquement lorsque le financement de la politique budgétaire est totalement supporté par les générations actuellement en vie. La proposition suivante résume le résultat obtenu par Barro : si les générations consécutives sont liées entre elles par une chaîne de transferts altruistes, alors une politique budgétaire expansive financée par une augmentation des prélèvements futurs n'aura aucun effet sur la consommation courante, même si les prélèvements en question sont entièrement supportés par les générations à venir. Ce résultat implique que les financements de politique 73 budgétaire par emprunt ou bien par impôt sont équivalents en présence des transferts intergénérationnels. Ce résultat s’appuie sur le raisonnement suivant. Supposons que le gouvernement augmente les dépenses de transferts vers les générations actuelles tout en programmant à une date éloignée la hausse des prélèvements qui servira à financer cette expansion budgétaire. une tette politique conduit à un accroissement de la richesse nette des agents. Or, les membres des générations actuelles anticipent parfaitement l’augmentation future des prélèvements. L’importance qu’ils accordent au bien-être de leurs descendants les pousse à leur transférer le surplus de richesse dont ils ont bénéficié. Leurs enfants pourront ainsi faire face à une fiscalité future plus contraignante. Dans ce cas, la politique budgétaire sera sans conséquence sur les richesses nettes des générations actuelles et futures et n’aura aucun impact sur l’activité. Barro justifie l'existence des transferts intergénérationnels, par l'importance qu'accordent les parents au bien-être de leurs enfants. Il suppose donc que le niveau de satisfaction des agents dépend à la fois de leurs consommations et de celle de leurs enfants. Pour cette raison, il insiste sur le caractère intentionnel des transferts qui démontre qu’ils émanent de l’altruisme des agents. Sur le plan pratique, l'héritage est la forme la plus connue des transferts entre générations. Pour Barro les transferts peuvent prendre des formes très variées et peuvent avoir lieu lorsque les parents sont encore en vie. Ainsi, les dépenses d'enseignement peuvent être considérées comme un transfert de richesse des parents vers les enfants. Les parents peuvent allouer les sommes consacrées au financement des études de leurs enfants à leur propre consommation. Ils préfèrent néanmoins investir dans l’enseignement de leurs enfants afin de leur garantir un niveau de vie futur plus élevé. C'est la parfaite illustration de l'altruisme qui est à l’origine des transferts entre les générations dans l'esprit de Barro. Le choix des parents peut être rationalisé si la désutilité générée par la baisse de leur consommation est compensée par le bien-être que procure l’amélioration du niveau de vie des enfants. Il faut noter également que les transferts vont dans les deux sens : des parents vers les enfants et des enfants vers les parents. Les enfants s’intéressent également au bien-être de leurs parents. Cet intérêt motive des transferts dans le sens inverse qui permettent de neutraliser l'impact des politiques budgétaires qui profitent aux jeunes générations : en constatant un accroissement de leur richesse au détriment de leurs parents, les enfants entreprennent des 74 transferts qui vont à l’encontre de la politique redistribution. 2- Le cadre théorique sous-jacent Pour démontrer les résultats précédemment énoncés, Barro (1974) s’appuie sur un modèle à générations imbriquées, dans lequel il introduit quelques innovations qui lui permettent de se distinguer des modèles standards. 2.1- Description du modèle Barro propose un modèle simple dans lequel deux générations de même taille coexistent à chaque période. Les membres de la jeune génération sont les descendants de ceux de la vieille génération. Pour simplifier l’analyse, il suppose que chaque membre de la première génération donne naissance à un seul enfant. Chaque agent exerce une activité salariale durant la première période de sa vie, dont il partage le revenu entre sa consommation courante et une épargne qui sert à financer sa consommation de la seconde période au cours de laquelle il ne perçoit aucun revenu salarial. Pour les membres de chaque génération, la décision de consommation est issue d'un programme d'optimisation dans lequel un agent représentatif maximise une fonction d'utilité intertemporelle, sous sa contrainte budgétaire. L’économie est dans un état stationnaire avec un taux de croissance, un taux d’intérêt et des dépenses publiques constants. Les taux d’imposition sont également stables d’une période à l’autre. Les agents sont donc en mesure d’anticiper parfaitement leurs revenus futurs. Barro introduit néanmoins deux nouveautés qui distinguent son cadre d’analyse d’un modèle de cycle de vie ordinaire. D’abord les membres de la vieille génération ne consacrent pas la totalité de leurs revenus à leurs propres consommations. Ils prennent le soin d’épargner une partie de leurs richesses afin de la transmettre à leurs descendants. Ainsi, la dynamique de la richesse se présente comme suit. Durant la première période, les membres de la jeune génération partagent leurs revenus salariaux entre leurs consommations courantes et l’épargne : ω = C2j + S2j où est le salaire réel. C2j et S2j représentent respectivement la consommation et l’épargne des 75 membres de la génération 2 durant leur période d’activité (de jeunesse). Durant la deuxième période, ils perçoivent le rendement de leurs propres placements et de ceux de leurs parents. Ils répartissent à leur tour cette somme entre la consommation et une épargne qui sera transférés à leurs enfants : (1 + r ) ( S2j + S1v ) = C2v + S2v ou r est le taux d’intérêt, S2v l’épargne léguée par les membres de la génération 1 au cours de leur période de vieillesse et C2v la consommation des membres de la génération 2 durant leur période de vieillesse. La deuxième différence concerne la fonction d'utilité. Barro considère que le niveau de satisfaction des parents ne dépend pas uniquement de leurs plans de consommation, mais également du bien-être de leurs enfants. Il propose deux méthodes qui permettent de tenir compte de cette interdépendance entre les niveaux de satisfaction des différentes générations. Elles consistent à intégrer soit le niveau de consommation de l'enfant soit son niveau de satisfaction comme un argument dans la fonction d'utilité des parents. Il résout le modèle à l’aide de cette deuxième solution : Ui = Ui ( Ci j , Civ ,Ui*+1 ) où U*i+1 est le niveau de satisfaction des membres de la génération i+1 (qui sont sa descendance). Comme la consommation de l'enfant et son niveau de satisfaction dépendent du transfert dont il bénéficiera, cette variable influencera indirectement la fonction d'utilité des parents. 2.2- Les principaux résultats Les plans de consommation des agents dépendent de leurs richesses nettes et de leurs préférences. La forme de la fonction d'utilité nous décrit ses préférences temporelles et détermine par conséquent la répartition de sa richesse totale entre les périodes. Elle nous informe également sur l'importance qu'il accorde au bien-être son enfant et détermine donc le montant du transfert qui lui sera consacré. Barro (1974) distingue deux principaux résultats. Premièrement, les transferts peuvent être positifs, négatifs (si l'on admet que les parents sont autorisés de léguer une dette à leurs enfants) ou nuls. L’existence d’un transfert négatif 76 offre la possibilité d’un flux financier des jeunes vers les vieux en cas de nécessité. Comme nous l’avons souligné, ce type de transfert permet de neutraliser les politiques de redistribution qui profitent aux jeunes générations. Le transfert sera nul si les parents trouvent que la satisfaction qu’ils tirent de leur propre consommation dépasse celle que leur procure une amélioration du bien-être de leurs enfants. Il sera positif dans le cas contraire. D’une façon générale, la décision des parents dépendra du poids de l'utilité des enfants par rapport à leur propre utilité, du taux d'intérêt, du montant de la dette publique et du taux de croissance de l'économie : (i) Plus l'importance accordée au bien-être des enfants est forte, plus la probabilité d'un transfert positif est grande. (ii) Plus le taux d'intérêt est fort, plus les charges de la dette publique sont importantes et plus les parents sont désireux de transférer une partie de leur richesse vers leurs enfants. (iii) Plus le montant de la dette est important, plus les prélèvements futurs le seront et plus le volume du transfert sera élevé. (iv) Enfin, plus le taux de croissance est faible, plus la motivation des parents est grande pour un transfert positif. Dans le modèle proposé par Barro (1974), le taux d’intérêt et le salaire réel correspondent aux produits marginaux du capital et du travail. Lorsque la croissance est faible, ces produits marginaux seront faibles à leur tour. La richesse des enfants risque donc d’être limitée, d’où la motivation des parents. Deuxièmement, si les conditions sont réunies pour qu’un transfert positif des parents vers les enfants ait lieu, alors toute expansion budgétaire financée par des prélèvements futurs n'aura aucun effet sur la consommation. Lorsque la sensibilité des parents au bien-être de leurs enfants est forte au point de générer un transfert positif, alors elle conduira sûrement à une augmentation du montant de transfert lorsqu’une politique budgétaire expansionniste est mise en place. Cette conclusion est justifiée par le raisonnement suivant. Les parents avaient l'occasion d'augmenter leur consommation avant la mise en place de la politique budgétaire. Ils ont toutefois préféré allouer une partie de leur richesse à leur enfant. Il s’ensuit que l'augmentation de la richesse n’aura aucun effet sur leur consommation, puisqu’ils avaient l'occasion de dépenser davantage avant la mise en place de la politique budgétaire et qu'ils ont renoncé à cette option. En effet, la décision de transfert est prise par les parents lorsque l'utilité 77 que leur procure une unité de consommation supplémentaire devient plus faible que l'utilité obtenue grâce à une appréciation du bien-être de leurs enfants. Si les parents ont atteint le seuil à partir du quel leur consommation est devenue moins porteuse de bien-être que celle de leurs enfants, alors la totalité de la richesse offerte par la politique budgétaire sera consacrée au transfert. La politique budgétaire n’aura par conséquent aucun impact sur la demande des générations actuelles et futures. II- Les conclusions et les recommandations A partir de ces résultats, Barro tire deux conclusions qui le conduisent à formuler deux principales recommandations. 1- Le renouveau de l’équivalence ricardienne La première conclusion est que les modes de financement des expansions budgétaires sont équivalents, dans la mesure où les transferts entre les générations garantissent la neutralité des tentatives de relance dans tous les cas. Ce résultat a valu à cette approche le nom du principe néoricardien d’équivalence, par référence à David Ricardo qui était le premier économiste qui à énoncer ce résultat. Barro affirme que cette conclusion est valable même en cas d'une monétisation de la dette. Les agents anticipent les effets inflationnistes d'une telle mesure et la dépréciation de la richesse réelle qui en découle. Ils augmenteront leurs transferts en réaction au financement monétaire anticipé de la dette, de façon à maintenir constante la richesse réelle de leurs descendants. Ainsi, quel que soit son mode de financement, la politique budgétaire se répercute seulement sur l'épargne des agents et ne peut stimuler leurs consommations. 2- La stabilité du taux d’intérêt La deuxième conclusion découle logiquement de la première. Elle affirme que la politique budgétaire n'a aucune conséquence sur le taux d'intérêt. A toute baisse de l'épargne publique correspond une augmentation de l'épargne privée, qui garantit la stabilité de l'épargne nationale et celle du taux d’intérêt. Une augmentation du taux n’est envisageable que lorsque la politique budgétaire parvient à stimuler les composantes réelles de l’économie. Si une partie de la dette est consacrée à la consommation, alors l'augmentation de l'épargne privée ne sera pas suffisante pour maintenir l'épargne nationale à son niveau initial. Une augmentation du taux d'intérêt 78 viendra donc diminuer la demande de crédit et rétablir l'égalité entre l'offre et la demande. Dans le modèle de Barro, la présence des transferts altruistes entre les générations empêche l'apparition de ces effets réels et garantit le maintien du taux à son niveau initial. Ainsi, la politique budgétaire n'exerce aucun effet d’éviction dans un contexte néoricardien. En définitive, la politique budgétaire ne parvient à stimuler la demande que par son apport direct, puisque la consommation et les investissements sont insensibles aux mesures budgétaires. Ainsi, seule une politique de dépense est capable d’avoir une influence sur l’activité. Une politique de baisse des impôts est sans effet sur la demande. 3- Les arguments en faveur d’une politique contracyclique La conclusion que nous venons d’énoncer pousse Barro à plaider en faveur d'une politique budgétaire contracyclique. Il considère qu'il est préférable d'accumuler les déficits pendant les périodes de récession et de les compenser par les excédents pendant les périodes d'expansion. Sa recommandation s’appuie sur les arguments suivants. D’abord, les politiques contracycliques réduisent les coûts des récessions en permettant une relance rapide de l'activité par le biais des dépenses publiques. Cette politique ne présente aucun risque à long terme car les déficits occasionnés pendant les périodes de récessions sont automatiquement compensés par des surplus durant les périodes d’expansion. Les déficits occasionnés sont donc transitoires ce qui élimine le risque de déclenchement d’une spirale d’endettement. De plus, l’économie n’enregistre aucune éviction du capital privé, puisque les ajustements de l’épargne privée garantissent la stabilité de l’épargne nationale et du taux d’intérêt. Pour Barro, plus les déficits sont importants, plus l'intervention de l'Etat est efficace dans la mesure où elle permet un retour plus rapide à l’équilibre. L’incapacité de la politique budgétaire à stimuler les autres composantes de la demande justifie le recours à des déficits de fortes ampleurs. L’absence de l’effet d’éviction garantit que l'ampleur du déficit budgétaire sera sans effets sur l'activité présente et future. Ainsi, Artus (1989) souligne : « dans une optique de régulation conjoncturelle, s’il y a neutralité ricardienne, une utilisation transitoire de la politique budgétaire peut être efficace, ce qui est satisfaisant car ce type d’utilisation ne risque pas d’accroître visiblement l’endettement de l’Etat » Ensuite, Barro souligne le caractère spontané des politiques contracycliques. En effet, 79 lorsque l'économie fait face à une mauvaise conjoncture, les dépenses ont tendance à augmenter automatiquement tandis que les recettes fiscales enregistrent une forte baisse. Ce phénomène est qualifié dans la littérature de stabilisation automatique. Barro considère que les forts déficits qui ont accompagné les périodes de guerre ou de catastrophes naturelles aux Etats Unis s’inscrivent dans ce registre. Si l'Etat cherche à ramener le budget à l'équilibre dans de telles circonstances, alors il aggrave la situation et retarde la sortie de la crise. Il est donc préférable de maintenir ce déficit ou de le renforcer en augmentant davantage les dépenses afin d’accélérer la reprise. 4- Le lissage fiscal La variabilité des taux d’imposition altère l'allocation des facteurs de production dans le temps et se répercute négativement sur le bien-être social. Barro appelle ainsi à un lissage fiscal qu’il justifie par l’existence de ces distorsions. Prenons l’exemple d’une augmentation anticipée de l'impôt sur les salaires. Les travailleurs réagissent en augmentant le nombre d'heures de travail offertes. Durant les périodes à venir, ils accorderont davantage de temps au loisir qui deviendra relativement moins cher. Barro s'intéresse davantage à la substitution intertemporelle du facteur capital car il estime qu'elle a des conséquences plus importantes sur l'activité et sur le bien-être des agents. Sur le plan théorique, il démontre que les écarts entre les taux d'imposition d’une période à l’autre conduisent à des solutions en coin où la production entière est réalisée durant la période de faible impôt. Bien qu’un tel scénario est inenvisageable dans la réalité, on peut néanmoins assister à de fortes baisses de production durant les périodes où les impôts sont relativement plus forts. Cette remarque est également valable pour l'allocation du capital entre les différents secteurs d'activité. Ainsi, les branches qui offrent la fiscalité la plus avantageuse risquent d’attirer davantage de capitaux. Barro estime donc que le gouvernement doit choisir sa politique fiscale de façon à obtenir une allocation optimale du capital entre les différents secteurs d'activité. Il doit par la suite veiller à la stabilité de la structure des prélèvements dans le temps afin d'éviter les substitutions intertemporelles et de garantir la stabilité de l’activité. Une gestion contracyclique des dépenses garantit la stabilité de la politique fiscale tout en luttant efficacement contre les chocs. III- Les faiblesses de l'approche néoricardienne Le conflit entre les nouveaux classiques et les keynésiens porte sur le degré de myopie, 80 l'intensité des contraintes de liquidité et la proximité du plein emploi. Les propositions de Barro ont détourné l'attention des économistes vers d'autres sujets en rapport avec le cadre dynastique. Ainsi, une partie de la littérature s’est engagée dans la vérification du comportement altruiste des agents. D’autres études se sont intéressées aux conditions requises pour qu'une dynastie soit assimilée à un individu à durée de vie infini. En définitive, les différentes hypothèses qui soustendent le théorème d'équivalence ont été minutieusement étudiées aussi bien sur le plan théorique que sur le plan empirique. 1- Les critiques fondamentales 1.1- Le caractère altruiste des transferts Quelques études révèlent l’existence d’importants transferts entre les générations, apportant ainsi un soutien empirique au théorème d’équivalence. Deux arguments suggèrent néanmoins une remise en question de ces résultats. D’une part, ces études ne fournissent aucune preuve du caractère intentionnel et altruiste des transferts. D’autre part, elles ne donnent aucune idée sur leur répartition parmi la population. L'incertitude sur la durée de vie par exemple peut conduire à des transferts accidentels. Les transferts peuvent être également un phénomène marginal qui concerne seulement certaines couches sociales. Diamond et Hausman (1984) soutiennent cette idée en affirmant qu'aux Etats Unis plus que 20% de la population arrivent à l'âge de la retraite sans avoir cumulé de richesse qu'ils peuvent léguer à leurs enfants. Bernhein, Shleifer et Summers (1985) affirment que l’existence des transferts pour une raison autre que l'intérêt qu’accordent les parents au bien-être de leurs enfants remettrait en question le principe d’équivalence. Ils illustrent leurs propos en proposant un modèle dans lequel les transferts représentent un outil que les parents utilisent pour imposer une certaine ligne de conduite à leurs enfants. Ce modèle suppose que les parents bénéficient d'un gain d'utilité si leurs enfants se comportent conformément à leur volonté. Pour acquérir ce supplément d'utilité, ils sont disposés à sacrifier une partie de leur richesse sous la forme de transferts vers leurs enfants. Pour ces derniers, le comportement imposé par les parents est une source de désutilité. Il faut donc que le transfert dont ils vont bénéficier compense la désutilité qu'ils vont subir en acceptant le comportement dicté par leurs parents. A la suite d’une expansion budgétaire, les parents constatent un accroissement de leurs revenus disponibles. Or, la somme allouée aux enfants représente toujours un moyen de pression crédible. Les parents n’éprouvent donc aucun besoin d’accroître le montant de leurs transferts. Ils peuvent ainsi 81 consacrer le surplus de revenu offert par la politique budgétaire à leurs propres consommations. Barro (1989) souligne l’irréalisme de cette approche qui néglige les liens affectifs entre les parents et leurs enfants et qui assimile leur relation à un échange commercial. Il admet que les parents peuvent se servir des transferts comme moyen de pression sur leurs enfants, mais il considère qu'une vision réaliste doit également admettre l'altruisme comme l'un des motifs qui animent la décision des parents. En empruntant cette vision mixte, Barro affirme que le principe d’équivalence demeure valable sous certaines conditions. 1.2- L'équivalence en univers incertain La stationnarité de l’économie et les nombreuses hypothèses simplificatrices qu’elle sous-entend sont en contradiction avec l’incertitude qui caractérise le monde réel. Les difficultés liées à l’anticipation des revenus et des contraintes fiscales futures peuvent augmenter la préférence des agents pour le présent. En effet, dans un contexte d’incertitude les plans de consommation sont fortement compromis. Les agents préfèrent donc tirer une satisfaction immédiate certaine au lieu de s'aventurer dans des programmes de long terme qui comportent de grands risques. Dans ce cas, une partie de la richesse offerte par la politique budgétaire peut être consacrée à la consommation courante. Barro (1989) considère que la plus forte préférence pour le présent ne dispose d’aucun fondement théorique et affirme qu'une analyse appropriée de l'incertitude conduit à des résultats totalement différents. Dans ce sens, Chan (1983) démontre qu’un déficit budgétaire ne s’accompagne d’une augmentation de la demande que lorsque l’incertitude porte uniquement sur les revenus futurs. Dans ce cas, un déficit financé par impôt réduit l’incertitude, car il représente un transfert de revenu du futur vers le présent. La politique budgétaire peut ainsi exercer un effet positif sur la consommation. Or, Barro (1989) souligne que l'incertitude est un problème qui concerne les dépenses publiques et les taux d’imposition beaucoup plus que les revenus. En effet, les travailleurs sont capables d’estimer avec une grande précision l’évolution de leurs rémunérations salariales dans le temps. Par contre, ils ne disposent ni des informations ni des compétences nécessaires pour une bonne prévision des dépenses publiques ou des taux de prélèvement futurs. Lorsque l’incertitude concerne toutes les variables du modèle, Chan (1983) démontre que les politiques d’endettement n'exercent aucun effet sur la demande. En effet, la dette publique détenue par les agents représente la meilleure couverture contre les variations futures des impôts. Les titres publics ne génèrent donc aucun effet de richesse et n’exercent 82 aucune influence sur la demande. 1.3- L'imperfection des marchés financiers La critique keynésienne, qui met en avant l’hétérogénéité des préférences et des profils de risque et l’existence des contraintes de liquidité, peut mettre en échec le principe d’équivalence établit par Barro. Nous prenons le cas d’une population composée de deux catégories d’agents : ceux appartenant au groupe A, qui ont le même taux d’actualisation que l’Etat (la même préférence pour le présent) et qui empruntent au taux de la dette publique rA, et ceux appartenant au groupe B, qui n'ont pas d'accès au marché du crédit ou bien qui empruntent à un taux plus élevé rB. Les membres de ce dernier groupe ont également une plus forte préférence pour le présent. Dans ce cas, une politique budgétaire expansionniste n’exerce aucun effet sur la consommation du groupe A, tandis qu’elle stimule la consommation des membres du groupe B. La réaction de cette catégorie d’agents s'explique par leur plus grande préférence pour le présent, qui les conduit à sous-évaluer les prélèvements futurs qu’ils estiment inférieurs aux ressources offertes par la politique budgétaire. Ils consacrent ainsi une partie de cette richesse supplémentaire à leurs consommations et n’augmentent que partiellement leurs épargnes. Barro (1989) reconnaît que dans un tel contexte, l'intervention de l'Etat améliore le bienêtre de la population et permet une meilleure allocation des ressources au sein de l'économie. En effet, la politique budgétaire s’apparente à une intermédiation financière entre les membres de groupe A, qui ont une épargne excédentaire, et ceux du groupe B qui ont un besoin de liquidité. Nous rappelons que les agents appartenant à ce dernier subissent des contraintes financières. Or, la politique budgétaire consiste à augmenter les revenus actuels et à prélever le principal et les intérêts de cette somme dans le futur. Elle est assimilable à un crédit au taux rA pour les agents qui en bénéficient. L'Etat permet ainsi aux agents contraints d'emprunter à un taux plus bas et de profiter de ses propres garanties de remboursement auprès des membres du groupe A. Son action conduit également à une allocation plus efficace des ressources, dans la mesure où elle achemine une plus grande partie du revenu actuel vers les agents qui ont la plus grande préférence pour le présent. Barro (1989) développe deux arguments face à cette critique. Il considère d’abord que l'émission d'une nouvelle dette entraîne une augmentation du taux d'intérêt pour les membres du 83 groupe A et conduit à une éviction des investissements au sein de ce groupe. Ainsi, le sens de variation de l'investissement reste indéterminé, entre la baisse enregistrée au sein du groupe A et la hausse constatée parmi les membres du groupe B. D’autre part, l'augmentation des ressources dont bénéficient les membres du groupe B entraîne une baisse de leur préférence pour le présent. La politique budgétaire perd donc son efficacité au bout d’une courte période car les agents contraints deviennent rapidement aussi sensibles que le reste de la population aux augmentations futures des prélèvements. Le deuxième argument s’appuie sur les asymétries d'information qui caractérisent le marché du crédit. Les emprunteurs sont les seuls à disposer d’une information parfaite concernant leurs probabilités de défaut. Dans ce contexte, aucun groupe ne peut bénéficier d'un avantage de taux par rapport à l'autre, car les offreurs ne peuvent distinguer les bons payeurs des mauvais payeurs. Les deux groupes seront donc alignés au taux de la dette publique. La politique budgétaire n'aura aucune conséquence et le principe d'équivalence sera de nouveau respecté. Nous pensons que le problème de sélection adverse ne peut qu'amplifier l'impact de la politique budgétaire sur la consommation. En effet, dans un contexte d’asymétrie d’information, ce sont les membres du groupe A qui n'arrivent plus à se distinguer des mauvais payeurs. L’aversion envers le risque conduit les offreurs à considérer que la population entière est du type B. Les taux s'alignent donc à celui du groupe B et non à celui de l'Etat. Dans ce cas, les membres du groupe A vont subir des contraintes de liquidité au même titre que les membres du groupe B et une politique de déficit permettra de desserrer ces contraintes pour l’ensemble de la population. Elle exercera ainsi un effet plus important sur la demande. 1.4- La stabilité du taux d'intérêt La stabilité du taux d'intérêt a été la cible de critiques sévères de la part des nouveaux classiques qui considèrent l’éviction du capital privé comme l’une des conséquences les plus néfastes de la politique budgétaire. Le principe d’équivalence représente donc une forte remise en question de leur doctrine. Bernheim (1989) considère que Barro propose une nouvelle "loi de Say", qui stipule que toute offre supplémentaire de titres (tout déficit budgétaire), créera sa propre demande (créera sa propre source de financement). Cependant, cette loi n’explicite pas les raisons qui poussent les 84 agents à accroître leur demande à chaque nouvelle émission de dette, quelle que soit son ampleur, et sans qu'une augmentation du taux de rendement ne la rende plus attractive. Ce comportement contredit l’un des principes élémentaires de la théorie financière qui stipule que la demande d’un actif est croissante par rapport à sa rémunération. De plus, une telle conclusion suppose implicitement que la prime de risque est indépendante du volume de la dette publique, ce qui revient à considérer que le risque d’insolvabilité de l'Etat est indépendant de sa situation financière. Les constats empiriques démentent formellement cette idée et révèlent un lien positif assez significatif entre le coût et le volume de la dette publique. Pour toutes ces considérations, les nouveaux classiques considèrent la stabilité du taux d’intérêt comme un résultat non fondé et contraire à toute logique économique. 2- Quelques problèmes techniques 2.1- Les solutions en coin Pour que les transferts intergénérationnels soient opérationnels dans l’un des deux sens, il faut que certaines variables du modèle prennent des valeurs extrêmes. Les préférences des agents doivent également satisfaire certaines conditions. Ainsi, le taux de croissance doit être très faible, voire négatif, pour motiver un transfert d’argent des parents vers les enfants. La condition inverse est requise pour constater un transfert dans le sens contraire. Dans la réalité, les taux de croissance sont souvent contenus dans des fourchettes de valeurs intermédiaires, ce qui ne favorise les transferts ni dans un sens ni dans l’autre. De même, le volume et le taux de rendement de la dette doivent être particulièrement élevés pour que les difficultés financières futures incitent les parents à transférer une partie de leurs richesses vers leurs enfants. Dans la réalité, ces variables ne sont pas toujours à des niveaux aussi élevés et ne permettent donc pas le déclenchement des transferts entre les générations. De plus, les contraintes sur les variables peuvent s'avérer insuffisantes si les parents accordent peu d’importance au bien-être de leurs enfants. Dans ce cas, l’anticipation d’une dégradation de la situation financière ne pousse pas les parents à venir en aide à leurs descendants. Par ailleurs, nous avons souligné que certaines catégories d’agents souffrent de contraintes de liquidités qui les empêchent d’atteindre leurs niveaux de consommation désirés. Il est donc peu probable que ces agents veillent sur la consommation future de leurs enfants 85 alors qu’ils sont incapables de satisfaire leurs besoins immédiats. Ces critiques mettent en avant l’ensemble des difficultés réelles susceptibles de bloquer les transferts entre les générations. Il semble que la probabilité d'observer des solutions en coins (une absence totale de transferts) est assez importante pour une partie significative de la population. 2.2- Les complications du cadre dynastique Barro identifie une dynastie dont les générations successives sont liées par une chaîne de transferts altruistes à un individu à durée de vie infinie. Sa définition de la dynastie suppose que chaque individu donne naissance à un seul enfant. Or, cette condition n’est satisfaite que par une faible proportion de la population. Une analyse plus réaliste qui n’impose aucune contrainte sur le nombre d’enfants conduit à une division de la dynastie en plusieurs branches. Dès lors, son identification à un seul agent à durée de vie infinie devient insensée. Lorsque le nombre d'enfants est très élevé, les parents sont devant l'impossibilité de doter chacun d’entre eux du montant nécessaire pour faire face à une éventuelle augmentation des prélèvements. Buiter et Tobin (1980) attirent également l’attention sur l’existence d'une fraction de la population qui n'a pas d'enfants. Sa consommation sera donc sensible aux expansions budgétaires. En conclusion, le cadre dynastique tel qu’il est définit par Barro se base sur une structure familiale tronquée, ce qui limite la fiabilité des résultats qui en découle. Par ailleurs, Bagwell et Bernheim (1988) démontrent que même en acceptant la définition contraignante proposée par Barro, un modèle de dynastie représentative ne peut servir de base à l’étude des problèmes relatifs à la politique budgétaire. En effet, les dynasties sont liées entre elles par des liens de mariage et de parenté et ne constituent donc pas des entités indépendantes. Bagwell et Bernheim démontrent que s'il existe un réseau relationnel assez complexe entre les différentes dynasties, alors le modèle proposé par Barro conduit à un résultat qu'ils qualifient de "super neutralité". Ce résultat stipule que toutes les politiques économiques quels que soient leurs instruments, leurs ampleurs et leurs formes sont neutres. Vu l’irréalisme d’une telle conclusion, les auteurs concluent à l’inadéquation du cadre d'analyse proposé par Barro. En outre, Bagwell et Bernheim soulignent que les relations entre les dynasties peuvent décourager les parents à transférer une partie de leurs richesses vers leurs enfants. En effet, la 86 complexité du réseau relationnel fait que la plupart des personnes sont indirectement liées entre elles. Ainsi, chaque personne ne profitera que d'une partie négligeable du transfert qu'il reçoit de ses parents, à cause des liens altruistes qui le relient au reste de la population. Or, les parents ne s’intéressent qu’au bien-être de leurs descendants. Le fait que d’autres personnes puissent profiter des transferts peut les dissuader de prendre une telle initiative. Concernant le problème relatif au nombre d'enfants, Barro (1989) pense que l'acte de procréation peut devenir endogène. Le nombre d’enfants choisi par les parents dépendra ainsi de la situation financière du ménage. Si les parents sont altruistes, alors ils décideront naturellement d’avoir le nombre d’enfants dont ils pourront satisfaire les besoins et assurer le bien-être. 3- Un désaveu empirique 3.1- La stabilité de l’épargne nationale Les travaux empiriques se sont intéressés en grande partie à la stabilité de l'épargne nationale, qui joue un rôle central dans l’approche néoricardienne. L’ajustement de l’épargne privée aux variations de l’épargne publique représente d’abord la manifestation des transferts entre générations. Elle est par ailleurs une condition nécessaire à la stabilité du taux d’intérêt et à l’absence de l’effet d’éviction. Elle implique enfin la stabilité de la consommation privée et donc la neutralité de la politique budgétaire. Burda et Wyplosz (1993) passent en revue la littérature empirique qui s'est intéressée à la stabilité de l’épargne nationale. Ils affirment que les déficits budgétaires s’accompagnent d’une façon générale d’une augmentation de l'épargne privée. Elle est néanmoins loin d'être suffisante pour compenser les variations de l’épargne publique et garantir la stabilité de l'épargne nationale. Barro (1989) remet en question la fiabilité de ces résultats en soulignant la multiplicité des facteurs susceptibles d’influencer l'épargne privée. De son point de vue, il est impossible d’identifier toutes les relations causales et de les modéliser avec précisions. Il considère donc que les approches économétriques standards ne permettent pas une bonne appréciation de la relation entre les agrégats budgétaires et l'épargne privée. Il propose une nouvelle méthode d’évaluation basée sur ce qu'il qualifie "d'expériences naturelles". Son premier exemple porte sur les taux d'épargne privée au Canada et aux Etats-Unis. Ce 87 choix est justifié par une évolution quasi-identique des taux d'épargne privée de ces deux pays depuis le dix-neuvième siècle et jusqu'au début des années 70, date à partir de laquelle le taux d'épargne canadien a largement dépassé celui des Etats Unis. Un examen des événements survenus à partir de cette date permet donc d’identifier l’origine de cette divergence. En éliminant l'impact des principaux facteurs susceptibles d’influencer les taux d'épargne privée des deux pays, Barro trouve qu'une augmentation de 1% du déficit canadien par rapport au déficit américain explique une augmentation de 1% du taux d'épargne privée canadien par rapport à celui des Etats-Unis. Comme deuxième exemple Barro cite le cas israélien. Cette fois son choix s'explique par les variations considérables qu'a connu le déficit budgétaire de ce pays. Le passage d'un déficit de 4% à un déficit de 11% du PNB a été accompagné par une augmentation du taux d'épargne privée de 17% à 26%. Ensuite, lors d'une réduction du déficit de 11% à 2%, le taux d'épargne privée a dégringolé de 26% à 19%. Durant ces deux épisodes, l'épargne nationale a été relativement stable passant de 15% à 14% et de 14% à 12%. Pour Barro ces deux cas particuliers lèvent l’ambiguïté quant à la relation entre le déficit budgétaire et le taux d'épargne privée et confirment les résultats de son modèle. 3.2- Les évaluations globales Pour un bilan empirique complet de l'approche néoricardienne, nous mentionnons les résultats obtenus par Jaeger d'une part et Perelman et Pestieau de l’autre18. Ces trois auteurs ont tenté de procéder à une évaluation globale de cette approche. Jaeger (1993) simule une baisse des impôts financée par emprunt et trouve que la part de la dette publique considérée comme une richesse nette par les agents est très significative. Elle varie entre 15.8% et 48.7% selon les paramètres du modèle. Il constate également un effet d'éviction assez significatif. Ainsi, lorsque le rapport dette publique/travail augmente d’une unité, le rapport capital/travail d'équilibre enregistre une baisse qui varie entre 0.44 et 0.92 selon les paramètres du modèle. Jaeger a également estimé la réaction de l'épargne privée aux variations de l'épargne publique aux Etats-unis et au Royaume-Unis pour les périodes respectives allant de 1897 à 1989 et de 1900 à 1986. Il trouve que l'épargne privée américaine couvre entre 51 et 74% de la variation de l'épargne publique, alors que la variation de l'épargne privée britannique est comprise entre 64 et 69%. Lorsque les années de guerre sont exclues, les 18 Voir Verbon et Van Winden (1993) chapitre 8 et 9 pour ces deux études. 88 réactions des épargnes privées aux variations des épargnes publiques des deux pays sont comprises respectivement entre 1 à 23% et 17 à 31%. Perelman et Pestieau (1993) se sont d’abord intéressés à la réaction de la consommation aux variations du revenu disponible issues d’une augmentation de la dette publique. Ils ont réalisé des estimations pour six scénarios d’expansions budgétaires, et pour un échantillon de 18 pays de l'OCDE entre 1972 et 1983. Ils trouvent que dans tous les cas, plus de 50% d'une augmentation du revenu courant est consacrée à la consommation. L'originalité du travail de Perelman et Pestieau réside dans la construction d'un indice d'équivalence qui tient compte des principales caractéristiques et conclusions de l'analyse néoricardienne. En se basant sur cet indicateur, les auteurs proposent un test qui permet de vérifier la validité du théorème d’équivalence. L'application de ce test aux pays de l'OCDE témoigne de la faiblesse de cette approche : l'hypothèse d'équivalence est rejetée pour tous les pays sauf pour l'Espagne. Le bilan des investigations empiriques n’est donc pas favorable à l'approche néoricardienne. La consommation réagit aux variations du revenu courant, tandis que l'augmentation de l'épargne privée est souvent insuffisante pour garantir la stabilité de l'épargne publique. La faible corrélation entre le taux d'intérêt et le rapport de la dette ne peut donc plaider en faveur de cette approche, car la condition garantissant la stabilité des taux dans un contexte ricardien n'est pas vérifiée. En effet, seul l'approche keynésienne est capable de rationaliser l'ensemble des constats empiriques : la consommation réagit aux tentatives de relance conformément à la théorie du multiplicateur; le taux d'intérêt est une variable monétaire qui réagit peu aux variations du stock de la dette; et enfin, en vertu de la loi psychologique seulement une proportion du revenu supplémentaire est consacrée l'épargne privée. Si les grandeurs macroéconomiques s'écartent parfois des prévisions du modèle, cela s'explique essentiellement par l'interférence des politiques monétaire et budgétaire et par d'autres facteurs exogènes. Ainsi, Eisner (1989) explique la chute de l'épargne privée aux Etats Unis au cours des années 80 par deux facteurs. Le premier est l'augmentation des sommes allouées à la consommation du capital. L'auteur explique cette augmentation par le passage dans une première étape des investissements en infrastructure aux investissements en équipements ferroviaires qui ont une durée de vie d'environ 30 ans, puis par le passage aux investissements industriels d’une durée de vie de 10 ans. Le délai de remplacement de plus en plus court a augmenté le montant des fonds 89 consacrés à la consommation du capital sans influencer le montant des investissements nets. Le deuxième facteur avancé par Eisner est la baisse de la valeur réelle des investissements américains à l'étranger. La principale cause de cette baisse est la légère augmentation du taux de change réel du dollar qui a déprécié la valeur des placements extérieurs. Il est donc possible d'ajuster l'épargne nationale au niveau désiré par le biais de la politique monétaire en dévaluant le dollar. Section 2 : La politique budgétaire dans une optique d’offre La politique budgétaire peut générer des effets d’incitation assez importants. Dans un monde où l’allocation des ressources est animée par des considérations de rentabilité, une pression fiscale exagérée peut s’avérer pénalisante pour l’activité et pour les comptes publics. Une hausse des prélèvements limite les opportunités de profit, décourage les investisseurs et se répercute négativement sur la production. Cet effet d’offre limite les recettes fiscales de l’Etat et exerce un effet de retour négatif sur le solde budgétaire. Ainsi, l’augmentation des recettes recherchée par l’Etat est contrecarrée par la démotivation fiscale qui limite la base imposable. A partir d’un certain seuil, le taux d’imposition moyen peut conduire à une contraction des recettes, d’où l’expression « trop d’impôt tue l’impôt ». Dans ce cas, la démotivation est tellement forte qu’elle induit une forte contraction de la base fiscale et contraint les recettes à la baisse. La courbe de Laffer est la formalisation la plus célèbre de cette idée. Elle précise que les recettes fiscales augmentent moins fortement que les taux de prélèvement et définit un seuil à partir duquel toute croissance des impôts se traduit par une baisse des recettes fiscales. Lorsque l’économie dépasse ce seuil, alors les baisses des impôts peuvent s’autofinancer. A un moment où les taux d’imposition moyens ont atteint des niveaux très élevés dans un grand nombre pays, certains économistes se sont appuyés sur cet ensemble d’arguments pour revendiquer un allègement des contraintes fiscales19. Lucas (1990) fournit un fondement théorique à cette revendication, en mettant en avant le bien-être social qu’une baisse des impôts est susceptible de générer. Le scénario décrit par ces « économistes de l’offre » semble néanmoins un cas d’école. En effet, les expériences réelles révèlent une influence marginale des effets incitatifs mis en 19 Masson Mussa (1995) propose une excélente analyse descriptive de l’évolution des agrégats budgétaires et fiscaux au sein des pays du G7 sur la longue période. 90 avant par ce courant. Le bilan de la réforme entreprise par le gouvernement Reagan a été particulièrement révélateur de l’échec de cette thèse. Toutefois, les idées défendues par ce courant ont connu un récent regain d’intérêt qui s’explique par la recrudescence des taux d’imposition dans certains pays et par quelques constats empiriques issus de récentes expériences européennes. Des pays comme le Danemark et l’Irlande ont enregistré une reprise de l’activité à la suite de la mise en place d’importantes réformes fiscales. Ces résultats représentent le soutien empirique tant attendu par les économistes de l’offre qui se sont penchés sur ces deux expériences afin de déceler les spécificités qui ont permis d’aboutir à ce résultat. I- Une méthode d'analyse innovante Les économistes de l’offre remettent en question le caractère contra-cyclique de la politique budgétaire présenté comme un fait stylisé par la littérature. Ils mettent en avant de récentes expériences européennes au cours desquelles des redressements budgétaires ont eu des conséquences positives sur l’économie. Toujours sur le plan empirique, ils recensent quelques exemples de politiques expansives qui se sont soldées par un ralentissement de la croissance. Ils concluent qu'aucune relation systématique ne peut être établie entre les agrégats budgétaires et les indicateurs de croissance. Pour rationaliser des résultats qui semblent contre-intuitifs au premier abord, ces auteurs mènent une analyse minutieuse des redressements en question. Ils rejettent l’approche standard qui consiste à évaluer la politique budgétaire au travers du déficit budgétaire ou du rapport de la dette, considérant que deux politiques peuvent avoir des répercussions identiques sur ces agrégats tout en ayant des conséquences nettement différentes sur l’offre, la demande et l’équilibre macroéconomique. Ils revendiquent ainsi une analyse approfondie qui s'intéresse de plus près aux différentes mesures qui composent la politique budgétaire. 1- Les enseignements de l’expérience européenne Au début des années 80, les volumes et les rapports de la dette ont atteint leurs niveaux les plus élevés en Europe depuis la seconde guerre mondiale. Nombres de gouvernements ont réagit d’urgence afin de prévenir le déclenchement des spirales d’endettement. Dès lors, l'Europe a connu une vague de redressements budgétaires sans précédent. Cette expérience a débouché sur des résultats mitigés. Tandis que certains gouvernements 91 ont réussi à contenir durablement leurs déficits, les difficultés financières ont vite resurgi dans certains autres pays. Par ailleurs, le bilan économique des redressements comprend des résultats totalement inattendus. Ainsi, des pays qui ont mené des contractions budgétaires de taille comparable ont occasionné des coûts très disproportionnés en termes de croissance et de chômage. Plus étonnant encore, certains redressements se sont accompagnés d'une reprise de l'activité et d'une baisse du taux de chômage. L'expérience européenne était un terrain fertile à l’étude des problèmes relatifs à la politique budgétaire. Les réformes entreprises avaient des structures très variées. Elles offraient donc aux économistes la possibilité d'étudier la relation entre la composition d'un redressement budgétaire, son succès et ses répercussions sur la croissance et le chômage. Cette analyse comparative peut élucider les résultats peu conventionnels issus des redressements irlandais et danois par exemple. 1.1- La composition, un facteur déterminant du succès ? Un assainissement des comptes publics nécessite une augmentation des prélèvements, une baisse des dépenses ou une combinaison de ces deux mesures. Le gouvernement doit néanmoins choisir la stratégie la moins coûteuse en termes de croissance et de chômage. Les économistes de l’offre constatent que la plupart des ajustements réussis retiennent la baisse des dépenses comme principale mesure. Lorsque l’Etat s’appuie sur l’appareil fiscal, le déficit budgétaire se creuse progressivement durant les années qui suivent le redressement et la situation financière se détériore de nouveau. L’expérience européenne suggère également que les ajustements réussis sont ceux qui passent par une contraction des dépenses de transfert et de la masse salariale. Ces restrictions budgétaires s’accompagnent par une légère augmentation des impôts qui touchent essentiellement l’activité de production. Les impôts indirects ainsi que les impôts qui touchent la consommation des ménages enregistrent par contre une très légère baisse. Lors des ajustements non réussis, la baisse des dépenses concerne principalement les dépenses d'investissement. Les remaniements fiscaux menés en parallèle augmentent principalement les impôts qui touchent directement ou indirectement le revenu des ménages. Alesina et Perotti (1995) ont essayé de mettre en évidence les facteurs qui déterminent la réussite d'un redressement budgétaire. Ils définissent un ajustement réussi comme celui qui diminue le rapport de la dette de 5% dans un délai de trois ans. Ils appliquent cette définition 92 aux pays de l'OCDE. Ils recensent 14 ajustements réussis et 38 ajustements qui se sont soldés par un échec. En analysant la structure des 52 ajustements, Alesina et Perotti arrivent aux résultats suivants : • Lors des ajustements réussis, la baisse moyenne des dépenses était de 2.19% du PIB, alors que l'augmentation des prélèvements n'a pas dépassé 0.5% du PIB. Lors des ajustements non-réussis, l'augmentation des impôts était environ trois fois plus importante que la baisse des dépenses (1.28% contre 0.49% du PIB). • La baisse des dépenses durant les ajustements réussis touche essentiellement les dépenses de transfert et les dépenses salariales qui enregistrent des chutes respectives de 0.54% et 0.58% du PIB. Lors des ajustements non-réussis, la restriction la plus importante concerne les dépenses d'investissements qui baisse de 0.26% du PIB. La plus grande partie du redressement est réalisée grâce à l’augmentation des impôts qui frappent les ménages et des impôts indirects qui augmentent de 1% du PIB. • Lors des ajustements réussis, la part de la force de travail employée par l'Etat reste quasistationnaire en enregistrant une très légère hausse de 0.009%. Cette même part augmente de 0.25% durant les ajustements non-réussis. 1.2- La composition et les conséquences macroéconomiques Alesina et Perotti (1996) ont essayé de déceler les conséquences économiques communes aux redressements réussis. Ils ont observé l'évolution des principales grandeurs macroéconomiques avant, pendant et après la mise en place des redressements en question au sein des pays de l’OCDE20. Les faits récurrents recensés par les auteurs concernent la croissance, l’emploi et les investissements : • Au cours des ajustements réussis, les taux de croissance des pays concernés sont supérieurs au taux moyen du G7 de 1.05% en moyenne. Pendant les deux ans qui suivent le redressement, les taux de croissance restent toujours supérieurs à la moyenne du G7, tout en enregistrant une légère baisse : l'écart moyen passe de 1.05% à 0.28%. Quant aux ajustements non-réussis, les auteurs remarquent que les taux de croissance sont inférieurs à la moyenne du G7 pendant et après les ajustements. Les écarts moyens s’élèvent respectivement à –0.29% et –0.23% pendant et après la mise en place des mesures budgétaires. 20 93 La période d'observation débute deux ans avant la mise en place d’un redressement et se termine deux ans après • Avant les redressements réussis, les taux de croissance étaient en dessous du taux moyen du G7 de 0.08%. Les périodes qui précèdent les ajustements non-réussis étaient par contre caractérisées par des taux de croissance supérieurs de 0.27% au taux moyen du G7. Les auteurs concluent donc que le succès des ajustements ne s’explique pas par le contexte conjoncturel, mais plutôt par une combinaison de mesures budgétaires adaptée aux besoins économiques du pays. • A la suite des redressements réussis, les taux de chômage sont passés de 1.20% à 1.08% en dessus du taux moyen du G7. Un mouvement contraire s'est produit à la suite des ajustements non réussis. Les taux de chômage ont passé de 0.82% à 1.74% en dessus du taux moyen du G7. • Les investissements privés ont enregistré une hausse remarquable pendant et après les ajustements réussis. Ainsi, le taux de croissance moyen des investissements est passé de –1.05% avant les ajustements, à 4.93% et 9.14% pendant et après les ajustements. Les investissements ont emprunté le chemin inverse à la suite des redressements non-réussis. Leur taux de croissance passe de 2.58% à 2.04% pour se stabiliser enfin à 1.35%. Ces résultats révèlent que les ajustements réussis sont également ceux qui engendrent les coûts les plus faibles en matière de croissance et de chômage. En limitant certaines catégories de dépenses, les redressements peuvent dans certains cas promouvoir la production et l'emploi comme le démontrent les exemples danois et irlandais. 1.3- Les canaux de transmission Pour comprendre les résultats inhabituels obtenus par l’Irlande et le Danemark, il faut examiner les redressements menés par ces pays à la recherche des mesures susceptibles d’inciter les agents à consommer et à produire. Elles contrarient ainsi l’effet de richesse négatif que mettent en avant les approches standards de la politique budgétaire. Les économistes de l’offre relèvent deux types d'incitations : les incitations réelles immédiates et les incitations réelles anticipées. 1.3.1- Les incitations immédiates i- Le canal de la demande 94 Un redressement budgétaire génère un effet de richesse et un effet de substitution qui peuvent être tous les deux à l’origine d’une relance de la demande globale. D’après la théorie classique, une réduction du déficit budgétaire s’accompagne d’une baisse du taux d'intérêt. Elle peut ainsi relancer la demande globale en stimulant les dépenses d'investissement. Elle sera également à l’origine d’une appréciation de la richesse financière des ménages, en vertu de la corrélation négative entre le taux d'intérêt et le rendement des actifs financiers. La revalorisation des portefeuilles accroît le pouvoir d’achat des agents et stimule leur consommation. La baisse de certaines catégories de dépenses constitue également une incitation immédiate à la consommation. Si l’Etat réduit ses dépenses dans des domaines sociaux tels que l'enseignement ou de la santé, les agents seront obligés d'augmenter leurs dépenses en contrepartie. La substitution de la demande privée à la demande publique permet donc d’éviter une contraction de la demande globale. On peut même assister à une progression de la demande globale, car l’augmentation de la demande privée doit logiquement dépasser la baisse des dépenses publiques dans les domaines concernées. En effet, l'Etat facture les services publics à des prix inférieurs à leurs valeurs de marché. L'ouverture de ces marchés à la concurrence et la disparition des subventions étatiques se traduisent donc par une augmentation des prix des services en question. Les agents seront donc obligés de dépenser davantage s’ils veulent préserver leurs niveaux de consommation. Ainsi, l’augmentation de la demande privée sera plus forte que le désengagement étatique dans ces secteurs. Dans ce sens, Giavazzi et Pagano (1990) affirment que 14.9% de l'augmentation de la consommation danoise enregistrée entre 1983 et 1984 s’explique par la substitution des dépenses privées aux dépenses publiques. Au cours de l'ajustement budgétaire, les sommes allouées à l'éducation, à la santé, aux services culturels et au transport ont enregistré des baisses respectives de 0.4%, 0.6%, 2.5% et 6.4%. Les ménages ont sur-réagit à toutes ces contractions des dépenses publiques sauf dans le domaine du transport. Ainsi, les dépenses privées ont augmenté de 3.4% dans le domaine de l'éducation, de 8.3% dans le domaine de la santé, de 4.8% dans le domaine des services culturels et de 3.1% dans le domaine du transport. En définitive, l'imbrication de la baisse du taux d'intérêt et de l'effet de substitution peut expliquer en partie l'augmentation de la demande au cours des ajustements budgétaires. 95 ii- Le canal de l’offre Alesina et Perotti (1996) mettent l'accent sur les mécanismes de l’offre et notamment sur les variations du coût du facteur travail. Ainsi, ils affirment que le coût d'une unité du facteur travail décroît sensiblement avant et durant les ajustements réussis, alors qu'il reste stable au cours des ajustements non-réussis. Ils soulignent par ailleurs que le solde de la balance courante enregistre une hausse de 1.72% durant les ajustements réussis, alors que sa croissance se limite à 0.21% durant les ajustements qui se soldent par des échecs. Les auteurs admettent que la politique de change constitue une explication alternative aux succès des redressements. Cependant, ils soulignent que les ajustements non-réussis étaient également accompagnés par des mesures monétaires identiques, sans qu'ils parviennent à exercer le même effet sur l’activité. Ils concluent donc que la contribution de la politique de change reste marginale et que la politique budgétaire exerce par le biais de sa composition l’impact le plus déterminant sur l'activité. Alesina et Perotti considèrent que la récession qui a frappé le Danemark entre 1987 et 1988 constitue une preuve du rôle déterminant des mécanismes de l'offre. Durant ces deux années, les taux de croissance étaient respectivement de –0.6% et –0.2%, enregistrant un écart moyen de -3% par rapport aux pays du G7. Le taux de chômage avait atteint 7.9% en 1987 et 8.7% en 1988. Les auteurs expliquent cette récession soudaine par une perte de compétitivité des produits danois qu’ils expliquent en grande partie par l’augmentation du coût du facteur travail. En effet, au début de l'année 1987, le gouvernement danois a conclu un accord d’augmentation des salaires avec les syndicats, alors que le pays connaissait un net ralentissement de l’inflation. Ainsi, le coût réel du facteur travail a fortement augmenté ce qui a nuit à la compétitivité des entreprises danoises. D’autre part, la stabilité du taux de change nominal dans un contexte de faible inflation a conduit à un renforcement de la parité réelle de la monnaie danoise qui s’est appréciée de 8% en 1986 et de 11% en 1987. Le déficit de la balance courante, qui a atteint 6% du PIB en 1986, est une conséquence directe de ces appréciations successives du taux de change réel. L’augmentation du coût du facteur travail associée à une monnaie plus forte constitue pour Alesina et Perotti les principales causes de la récession danoise. 1.3.2- Les incitations anticipées Les redressements budgétaires influencent également les anticipations des agents et les 96 poussent à réviser leurs plans de consommation et de production. Giavazzi et Pagano (1990) fournissent deux preuves empiriques qui témoignent de l’importance du rôle joué par les anticipations. Ils ont d’abord vérifié si la réaction de la consommation au Danemark peut être entièrement expliquée par l'effet de substitution et l'effet de richesse mentionnés précédemment. Les prévisions qu’ils ont réalisés à l’aide de leur modèle sous-estiment l'augmentation de la consommation par habitant à partir de 1985. En 1986 par exemple, le modèle prévoit une augmentation de 1.8% alors que l'augmentation réelle de la consommation était de 4.1%. Plus de la moitié de la croissance de la consommation demeure inexpliquée par le modèle. La même remarque est valable pour les investissements : la baisse du taux d'intérêt réel n'arrive pas à expliquer pleinement l'augmentation des investissements. Leur modèle sous-estime la croissance des investissements de 0.83% en 1983, de 1.1% en 1987 et de 3.5% en 1988. Les auteurs concluent qu'il n'est pas possible d'expliquer les résultats des redressements uniquement en ayant recours aux mécanismes habituels. Les anticipations constituent une explication alternative notamment au paradoxe de la consommation. Elles sont susceptibles d’influencer l’offre et la demande à travers une multitude de canaux. Nous rappelons que les nouveaux classiques considèrent que les déficits courants sont synonymes d’une augmentation future des prélèvements. Ils signalent ainsi une future baisse de la richesse nette des agents et une restriction de leur potentiel de consommation et d’investissement. La même logique veut que la baisse des dépenses publiques et la réduction du déficit soient interprété comme les signes d’une baisse des impôts futurs. Le redressement n’aura par conséquent aucun effet sur la richesse nette à long terme et n’induit donc aucune baisse de la consommation. Les restrictions budgétaires peuvent également induire les anticipations inflationnistes à la baisse. La théorie budgétaire de l’inflation propose à la fois des arguments théoriques et des preuves empiriques en faveur d’une relation croissante entre le déficit budgétaire et le taux d’inflation. La baisse du taux d’inflation accroît le pouvoir d’achat des agents et stimule leurs consommations. Enfin, les anticipations contribuent à expliquer la baisse du taux d'intérêt. Si l'assainissement budgétaire est crédible (donc considéré comme permanent par les agents), alors il conduit à une réduction de la prime exigée par les agents en contrepartie du risque inflationniste et du risque de défaut. Une baisse du volume de la dette publique améliore la 97 situation financière de l’Etat et réduit son risque de défaut. La prime de risque d'inflation évolue également à la baisse, car l'Etat n'a plus besoin de recourir à la taxe inflationniste pour diminuer la valeur réelle de sa dette. La prime de risque globale enregistre donc une baisse significative qui se ressent au niveau du taux d’intérêt. Du côté de l'offre, les entreprises endettées constatent un allègement de leurs charges financières. Si une impulsion de la demande globale s’amorce grâce à un sur-justement des dépenses privées, alors de nouvelles perspectives de profits s’offrent aux entreprises. Dans ce cas, la baisse du coût du capital leur offre la possibilité de mettre en place les investissements nécessaires. Nous avons souligné par ailleurs que les restrictions des dépenses entraîne une baisse des prélèvements anticipés. La disparition de ces contraintes fiscales futures améliorent les situations financières des entreprises et leurs résultats nets. Les entreprises cotées en bourse constatent ainsi une progression des cours de leurs actions, ce qui élargit leurs possibilités de financement et d’investissement. 2- La crédibilité et la composition des redressements Nous venons de passer en revue les mécanismes qui permettent aux redressements budgétaires d’exercer une influence positive sur l’activité. Nous avons mis l’accent sur le rôle des anticipations et nous avons précisé que la crédibilité d’un redressement est une condition nécessaire pour orienter les anticipations dans un sens favorable à la croissance. Nous devons néanmoins préciser les facteurs qui permettent aux agents de différencier les redressements durables, et donc crédibles, de ceux qui sont temporaires et donc sans effet sur les anticipations. Lorsque les ajustements sont réalisés grâce à une augmentation des prélèvements, le remaniement fiscal en question doit être permanent pour pouvoir préserver l'équilibre budgétaire. Ce durcissement de la fiscalité pousse les agents à réviser leurs plans de consommation à la baisse. L'augmentation des prélèvements génère des anticipations semblables chez les producteurs, qui adoptent des plans d'investissement et de recrutement moins ambitieux. En choisissant la solution de facilité, l'Etat génère donc des anticipations défavorables à la croissance et à la consommation. De plus, l'augmentation des prélèvements témoigne d'un interventionnisme accru. Les agents peuvent en déduire la volonté de l’Etat de jouer un rôle de plus en plus important dans la vie économique et son refus de laisser la place à l'initiative privée. 98 Un ajustement budgétaire a plus de chance d’avoir des répercussions positives sur l’activité lorsqu’il passe par une restriction des dépenses de transfert ou de la masse salariale. L’adoption de ces mesures signale aux agents la détermination des autorités et leur volonté de mener un assainissement définitif et durable des comptes publics. Les études empiriques confirment le capital de crédibilité dont bénéficient les ajustements axés sur la baisse des dépenses. Ainsi, Alesina et Perotti (1995) s’arrêtent sur une symétrie frappante entre les épisodes de fortes restrictions budgétaires et les épisodes de forts déficits au sein des pays de l’OCDE. En moyenne, le déficit corrigé enregistre une baisse de l'ordre de 2.81% du PIB durant les périodes d'ajustement, alors qu’il augmente de 2.61% du PIB pendant les phases d'expansion budgétaire. Cette symétrie indique que tout accroissement temporaire des dépenses risque de devenir permanent, obligeant l'Etat à augmenter les prélèvements, d’où les tailles comparables des ajustements et des déficits. L'examen de la composition des redressements et des expansions budgétaires renforce cette intuition. Durant les périodes de forte expansion, les dépenses augmentent en moyenne de 2.25% du PIB alors que la baisse des impôts est seulement de 0.17% du PIB. Quant aux périodes de fort redressement, les prélèvements augmentent de 1.2% du PIB et les dépenses diminuent de 0.79% du PIB. Ses statistiques révèlent que les agents ont pris l'habitude de voir les dépenses croître et les déficits se creuser pendant les récessions pour être financés ensuite par une augmentation des prélèvements. La même logique devrait donc les conduire à interpréter une forte baisse des dépenses comme l’annonce d’une baisse future des prélèvements et comme le signal d'un changement durable dans le mode de gestion de la politique budgétaire. Les résultats obtenus par Giavazzi et Pagano (1990) peuvent être interprétés dans le même sens. Ils constatent une corrélation négative entre les dépenses publiques et la consommation dans la plus part des pays faisant partie de leur échantillon. Les rares corrélations positives n'étaient guère significatives. Un examen détaillé de la structure des redressements montre que les corrélations négatives sont significatives et particulièrement élevées pour les pays qui ont procédé à une forte baisse de leurs dépenses publiques. Les auteurs interprètent l'ampleur d’un redressement comme un signal de son caractère définitif ou permanent. Il oriente ainsi les anticipations dans un sens favorable à la croissance en stimulant la consommation. En se basant sur l'expérience européenne, Cour et Pisani-Ferry (1995) confirment également l'existence d'une corrélation négative entre l'ampleur d'un redressement et son coût économique. 99 Toutefois, nous avons souligné que les redressements les plus efficaces sont ceux qui touchent notamment aux dépenses de transferts et à la masse salariale. Pour comprendre les particularités de ces mesures, nous comparons l’impact sur les anticipations d’une baisse des dépenses d'investissement d’une part et des dépenses de transfert de l’autre. D’abord, la baisse des transferts peut être maintenue beaucoup plus longtemps que celle des investissements. Les dépenses d’investissement sont nécessaires à la fois au bon fonctionnement du processus de production et au bien-être de la population. Il est donc peu vraisemblable qu’elles soient maintenues éternellement à un niveau très bas. Par contre, lorsque l’économie est à l’équilibre, rien n'oblige le gouvernement à augmenter les dépenses de transferts une fois qu'elles ont été réduites. Ces deux mesures donnent donc des indications différentes quant au caractère temporaire ou permanent des redressements. En outre, la baisse des transferts est un indicateur de la détermination du gouvernement. Les agents sont très hostiles à une baisse de cette catégorie de dépenses et le gouvernement court un risque politique majeur en s’engageant dans cette voie. Il faut donc qu’il soit fort et bien déterminé pour envisager une telle mesure. Les économistes de l’offre relèvent deux constats empiriques qui confirment cette intuition. Le premier signale que les gouvernements de coalition ont peu de chance de réussir des ajustements budgétaires. Le deuxième affirme que les gouvernements composés d’un parti largement majoritaire de gauche ou de droite ont les mêmes chances de réussir un redressement budgétaire. Ainsi, Alesina et Perotti (1996) trouvent que seulement 2 ajustements parmi les 28 menés par des gouvernements de coalition (soit 8.7%) ont atteint leurs objectifs. Par contre, les gouvernements composés d'un parti largement majoritaire atteignent leurs objectifs dans 46.7% des cas. Les gouvernements de coalition n'arrivent pas à réussir leurs redressements faute de crédibilité. Les agents savent que le gouvernement en place est composé de partenaires de même taille et que le redressement doit satisfaire la plupart des partenaires, ce qui risque de se faire au détriment de son efficacité. Les initiatives de ce type de gouvernement sont donc rarement crédibles aux yeux du public, ce qui les condamne souvent à l'échec. Par contre, un gouvernement dominé par un parti largement majoritaire à une ligne de conduite clairement définie. Le parti en question peut imposer ses préférences sans subir beaucoup de pression. Les agents estiment qu'il est plus probable que ce type gouvernement mène une politique cohérente et durable. Ainsi, les redressements menés par des gouvernements 100 forts et stables, ont plus de chance d'être crédibles et donc de réussir à atteindre leurs objectifs. Le fait que les gouvernements de droite et de gauche aient les mêmes chances de réussite montre que c'est la détermination d’un gouvernement et non ses préférences économiques qui conditionne les anticipations des agents. En conclusion, les économistes de l’offre considèrent que les augmentations des prélèvements sont souvent définitives, c’est grâce à cette idée que leur approche a hérité du nom de l’hypothèse "Tax and spend". Cette appellation insinue que toute augmentation des prélèvements est à caractère définitif, même si elle est annoncée comme temporaire au départ. En effet, les gouvernements subissent toujours des pressions et sont donc tentés de préserver ces nouvelles recettes afin de satisfaire certaines revendications. Le resserrement des contraintes fiscales signale une implication de plus en plus importante de l'Etat dans la vie économique. Il génère des anticipations pessimistes qui se traduisent par un infléchissement de la croissance et une montée du chômage. La baisse de certaines catégories de dépenses, réputées pour être politiquement incompressibles, signale par contre une réelle volonté de réduire durablement le déficit et la dette publique. Elle témoigne également du désengagement de l’Etat de la vie économique. II- Les failles de la théorie des multiplicateurs négatifs 1- Le rôle des politiques d'accompagnement Les études empiriques révèlent que les ajustements réussis ont été toujours accompagnés d’un ensemble de mesures monétaires. Pour les économistes de l’offre, ces politiques d'accompagnement servent à renforcer la crédibilité des ajustements et à amplifier leurs effets. Nous relevons néanmoins quelques remarques qui prônent une lecture totalement différente du rôle des politiques d’accompagnement. En effet, la plupart des mécanismes qui favorisent la croissance sont davantage liés aux mesures monétaires qu’à la composition des redressements. Il est évident par exemple que les politiques monétaires expansionnistes constituent une explication plus rigoureuse à la baisse du taux d'intérêt. La baisse du taux de change améliore la compétitivité des biens nationaux et fournit de son côté une explication plus solide à la relance de la production. Dans d’autres cas, la libre circulation des capitaux et l'ancrage de la monnaie nationale à une devise à faible taux 101 d'inflation offrent un meilleur fondement à la baisse du taux d'intérêt et du taux d’inflation. En définitive, les politiques d’accompagnement permettent de rationaliser la croissance de la production et la baisse du taux de chômage qui ont accompagné certains redressements budgétaires, sans avoir recours aux anticipations. D’un point de vue keynésien, les redressements budgétaires auraient au contraire empêché ces politiques d'exercer pleinement leur effet de relance. 2- La conjoncture et les caractéristiques structurelles de l'économie Les études empiriques révèlent que les ajustements réussis ont été menés lors des périodes d'expansion. Il est donc probable que le contexte conjoncturel explique en grande partie aussi bien la réussite des redressements que leurs conséquences positives sur la production. Dans ce cas, les ajustements considérés comme étant à l’origine des expansions ont peut être amorti une forte reprise de l’activité. L'échec des redressements menés en périodes de récession ne peut que renforcer cette conviction. Il témoigne au moins de l’influence partielle qu’exerce la conjoncture sur les résultats de la politique budgétaire. D’autre part, un même redressement peut avoir des conséquences différentes lorsqu’il est appliqué dans des pays qui ont des structures économiques distinctes. Nous soulignons par exemple que les coûts en matière de croissance sont particulièrement faibles pour un pays très ouvert sur l'extérieur, car sa demande globale est moins dépendante de sa demande domestique. Lorsque la mobilité des capitaux est forte, alors la baisse du taux d’intérêt induite par un redressement budgétaire aura un impact peu significatif sur les investissements. En effet, la libre circulation des capitaux offre aux investisseurs domestiques l'opportunité de se financer à l'étranger à des taux plus faibles, bien avant la mise en place des mesures budgétaires. Ces deux exemples montrent que les résultats de la politique budgétaire dépendent en grande partie de la structure de l’économie. Il s’ensuit qu’aucune recette ne peut être préconisée indépendamment de la conjoncture et des caractéristiques structurelles de l’économie. 3- Le désaccord sur le mode de fonctionnement de l'économie Les économistes de l'offre supposent que l’Etat peut orienter les anticipations à travers la composition de la politique budgétaire. Pour que les anticipations évoluent dans le sens désiré, les agents doivent avoir la même vision de l'économie que les autorités. Ils doivent croire qu’un redressement budgétaire aura des conséquences bénéfiques sur la croissance, l’inflation et 102 l’emploi. Or, rien ne garantit que les convictions économiques des agents sont conformes à cette thèse. Supposons que le public a plutôt une vision keynésienne de l’économie. Dans ce cas, les signaux émis par le gouvernement généreront des anticipations contraires à ses attentes. En cas de redressement budgétaire, les agents prévoient une baisse de leurs richesses nettes et révisent leurs demandes à la baisse. De leur côté, les producteurs s'attendent à une demande plus faible et diminuent leur taux d'utilisation des capacités de production. Le redressement se solde ainsi par une régression de la croissance et l’emploi. Ainsi, les anticipations plongent l'économie dans une récession, tandis que les autorités s'attendaient à ce qu'elles stimulent la demande et réduisent le chômage. Les anticipations du public dominent celles des autorités et déterminent l’équilibre macroéconomique, car les décisions de consommation, d'investissement et de recrutement sont prises par les agents et non par l'Etat. Tout conflit est donc perdu d’avance pour le gouvernement. Au lieu d’émettre des signaux concernant sa propre vision de l'économie, il doit plutôt chercher à cerner la vision du public pour entreprendre une politique cohérente avec ses attentes. Ainsi, un redressement budgétaire constitue une politique adéquate seulement si les agents pensent qu'il est préférable de retrouver une situation financière saine. Par contre, une expansion budgétaire sera bénéfique lorsque les agents pensent que l'économie souffre d'une insuffisance de la demande et qu'une intervention étatique la remettra sur le chemin de la croissance. D’après cette analyse, le canal des anticipations ne sert pas uniquement les thèses classiques, mais peut parfaitement s’intégrer à l’analyse keynésienne. Il est donc totalement inutile de cristalliser le débat autour de la rationalité des anticipations, en la présentant comme la différence fondamentale entre les deux courants. Barro (1989), qui a exploité les anticipations rationnelles pour démontrer la neutralité de la politique budgétaire, reconnaît que cette hypothèse peut mener également à des résultats purement keynésiens. La même critique a été formulée plutôt par Christ (1968) et Gale (1983) qui affirment qu'une politique de déficit réussit à exercer un effet de relance si telle est la conviction des agents. Les anticipations se réalisent expost et sont donc rationnelles. 4- Les difficultés posées par les anticipations 103 Les anticipations jouent un rôle important dans cette approche car elles déterminent à la fois la crédibilité et les conséquences économiques des redressements budgétaires. Or, il s’agit d’un élément qui est difficile à observer et à quantifier. Les défenseurs de cette approche affirment qu'il est possible d'apprécier indirectement les anticipations à travers l'évolution des variables auxquelles elles sont étroitement liées. Ainsi, une augmentation de la consommation courante en l’absence d’une variation du revenu actuel révèle par exemple une augmentation des revenus futurs anticipés. Cette méthode pose néanmoins beaucoup de problèmes quant au choix des variables susceptibles de signaler une évolution des anticipations. Pour reprendre l’exemple précédent, une augmentation de la consommation actuelle peut s’expliquer également par le desserrement d'une contrainte de liquidité. Elle serait ainsi le résultat d’un changement de la politique monétaire. Dans un monde où les politiques économiques et les évolutions de la conjoncture s’interfèrent en permanence, il est difficile d’identifier sans ambiguïté les variables qui fournissent une information pertinente au sujet des anticipations. Il est encore moins évident d’arriver à un consensus quant à la forme, au sens et à l’intensité des relations entre les variables en question et les anticipations. Ces incertitudes rendent impossible toute vérification empirique rigoureuse des fondements de cette approche. Enfin, les anticipations peuvent toujours servir d’explication aux résultats non-conformes aux attentes de la théorie. Il est toujours possible de proposer un argumentaire complexe qui explique comment une politique économique ou un événement conjoncturel a orienté les anticipations dans telle ou telle direction. Le canal des anticipations serait ainsi la façade qui cache les lacunes de certaines approches théoriques. 5- Une lecture critique des résultats empiriques Nous proposons une lecture différente des résultats empiriques qui sous-tendent la thèse des économistes de l’offre. Nous montrons notamment qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours aux anticipations pour rationaliser les résultats obtenus par des pays comme le Danemark et l'Irlande. Vues sous un autre angle, les preuves empiriques sont parfaitement cohérentes avec les mécanismes décris par la littérature standard. 5.1- L'effet crédibilité Giavazzi et Pagano (1990) reconnaissent l'importance du soutien apporté par la politique 104 monétaire durant les périodes de redressement, mais considèrent que son rôle se limite à crédibiliser les mesures budgétaires. A partir des mêmes faits empiriques, on peut néanmoins arriver à une conclusion totalement différente. En effet, la première mesure entreprise par les banques centrales danoise et irlandaise était l'adoption d'une politique monétaire de rigueur, qui consiste à stabiliser la parité de leurs monnaies respectives par rapport au Mark. L’ancrage des deux monnaies a entraîné une désinflation soudaine dans les deux pays. Néanmoins, cette politique a eu des répercussions négative sur l’activité et donc sur les recettes fiscales. Elle a également privé l’Etat d’une autre source de financement en limitant les recettes du seigneuriage. Les deux pays ont donc connu une détérioration de leurs soldes budgétaires, ce qui a accentué le besoin d'un redressement. L'ordre chronologique des événements suggère donc que les redressements budgétaires soient la conséquence de la politique monétaire. Cette idée sous-entend que les redressements ont contribué à crédibiliser la politique monétaire, puisqu'ils ont permis de maintenir le taux change fixe par rapport au Mark en éliminant le besoin d'une monétisation de la dette. Ainsi, ce sont les redressements budgétaires qui représentent des mesures d'accompagnement et non l’inverse. Il est toutefois plus judicieux de considérer que le "policy mix" dans son ensemble était crédible, car il est difficile de préciser avec certitude laquelle des deux politiques a crédibilisé l'autre. En d’autres termes, aucune des politiques monétaire et budgétaire n'aurait conduit à elle seule à de telles performances macroéconomiques. 5.2- Les conséquences réelles de la politique monétaire Nous venons de présenter quelques arguments contre le rôle de crédibilisation dans lequel Giavazzi et Pagano (1990) confinent la politique monétaire. Nous avons souligné par ailleurs que les conséquences réelles de la politique monétaire passent essentiellement par le canal de la demande. Dans ce paragraphe, nous rapportons l’évidence empirique qui décrit ces mécanismes de transmission. En indexant leurs monnaies à celle d’un pays à faible inflation, l'Irlande et le Danemark ont réussi à baisser leurs taux d'intérêt réels et nominaux. La convergence des taux de ces deux pays vers les taux allemands21 a été particulièrement accélérée par la libéralisation des mouvements des capitaux. Les données suivantes confirment ces idées. 21 La convergence s’explique par la baisse de la prime de risque du marché et de la prime de risque d'inflation. 105 Lors du réalignement général du SME en mars 1983, le gouvernement danois a renoncé pour la première fois à dévaluer sa monnaie par rapport au Mark. A la suite de cette décision, le taux d'intérêt de long terme a enregistré une baisse de 5.5% en deux mois. Les conséquences réelles de cette baisse n’ont pas tardé à se manifester. Ainsi, entre 1983 et 1986 le taux de croissance du PIB réel était de l'ordre de 3.6%, tandis que la consommation privée a augmenté de 3.7% malgré la baisse du revenu disponible. Quant aux investissements, ils ont enregistré un véritable boom en augmentant de 12.7%. La libéralisation des mouvements de capitaux explique en grande partie cette croissance spectaculaire des investissements. Elle a permis aux entrepreneurs danois de réduire le coût de leur investissement, en leur offrant la possibilité de se financer à l'étranger. En effet, le taux d'intérêt danois est resté supérieur au taux allemand, malgré l’importante baisse que nous avons souligné. Ainsi, au cours des années 1983 et 1984, les capitaux étrangers ont satisfait respectivement 42 et 51% des besoins de financement des investisseurs danois. En Irlande, une dévaluation de la monnaie nationale a précédé l'ajustement budgétaire. Les taux d'intérêt nominal et réel ont enregistré des baisses respectives de 5 et 3.4% à la suite de cette décision. Giavazzi et Pagano (1990) insistent sur l’origine budgétaire de la baisse des taux en soulignant que la politique monétaire n'a pas amélioré la compétitivité des biens nationaux, puisque le taux de croissance des exportations est resté stable. Nous contestons cet argument et nous considérons que la baisse des taux d'intérêt réel et nominal est bien le résultat de la dévaluation et de la libéralisation des capitaux22. Quant à la stabilité des exportations, elle peut être imputée à deux facteurs. D’une part, l'Irlande n'est pas un grand exportateur. Il est donc logique que la demande étrangère contribue modestement à la reprise. D’autre part, la demande intérieure s’est accrue au point où les producteurs étaient incapables de la satisfaire en même temps que la demande étrangère. L’explosion de la demande interne s'explique par le desserrement des contraintes de liquidité qui pesaient sur une grande partie des consommateurs irlandais. Les consommateurs danois avaient un meilleur accès au marché du crédit, ce qui explique la réaction moins forte de la demande privée dans ce pays. Ainsi, une étude publiée par la Banque Centrale du Danemark affirme que seulement 2% des consommateurs danois retardent leur consommation en pensant qu'ils ne peuvent bénéficier du financement nécessaire. En Irlande, les ménages avaient un accès très limité au marché du crédit jusqu'au début des années 80. Les statistiques révèlent que les crédits accordés aux ménages rapportés à la consommation totale sont trois fois plus importants au Danemark qu'en Irlande (150% au 22 106 La dévaluation, résultat de l'encrage au Mark, a contribué notamment à la baisse de la prime de risque d'inflation. Danemark contre 43% en Irlande). Il semble donc qu’une partie importante de la reprise est à mettre à l’actif de la politique monétaire, qui a relancé la consommation en desserrant partiellement les contraintes de liquidité. On peut se demander si le redressement budgétaire n’a pas contrarié l'effet de relance en diminuant le revenu disponible des ménages et en accentuant ainsi leurs besoins de liquidités. Dans ce cas, une intervention purement monétaire aurait eu un effet plus important sur la production. A travers une série de régression, Giavazzi et Pagano (1990) trouvent que la consommation irlandaise réagit fortement aux variations anticipées du revenu disponible. Dans le cas du Danemark, les résultats des régressions signalent une indépendance totale entre ces deux variables. Les mêmes auteurs affirment par ailleurs que la consommation est négativement corrélée aux annonces d'une baisse des dépenses au Danemark, tandis qu’aucune corrélation significative n'existe entre les décisions en matière de dépenses publiques et la consommation privée en Irlande. Ces résultats renforcent nos précédentes conclusions concernant l’efficacité de la politique monétaire. Ainsi, les contraintes de liquidité empêchent les consommateurs irlandais de réagir à ces annonces, tandis que les possibilités de financement dont bénéficient les consommateurs danois leur permettent de profiter de cette décision budgétaire. 5.3- Une mauvaise appréciation de la conjoncture En étudiant l'évolution des principales grandeurs macroéconomiques par rapport à leurs moyennes au sein du G7, Alesina et Perotti (1996) excluent les explications conjoncturelles du succès des redressements budgétaires. Nous remettons en question la méthode utilisée par les deux auteurs, car nous considérons qu’elle peut fournir des indications erronées concernant la conjoncture lors des périodes de redressement. Un examen de l’évolution de ces grandeurs macroéconomique à l'échelle nationale nous semble plus approprié, car un pays ne passe pas nécessairement par une mauvaise conjoncture lorsque certains de ses agrégats sont inférieurs à la moyenne du G7. Une économie peut être dans une dynamique de croissance malgré que sa performance est en dessous de la moyenne du G7. Cette même remarque est valable pour le taux de chômage et le taux d'intérêt. Ces variables doivent être considérées dans leurs contextes nationaux pour qu'ils puissent fournir une information correcte concernant la conjoncture au moment du redressement. 107 Par ailleurs, en minimisant les liens entre la conjoncture et le succès des redressements, Alesina et Perotti contredisent un résultat qu'ils ont précédemment énoncé dans un article publié en 1995. Dans cette étude, ils constatent que plupart des gouvernements mènent leurs redressements durant des périodes d'expansion. Les auteurs trouvent ce choix judicieux et affirment que les chances de réussite sont deux fois plus élevées lorsque la conjoncture est bonne. Deux conclusions complémentaires ressortent de ce bilan empirique. D’abord, les approches keynésienne et néoclassique standards sont en mesure de rationaliser les conséquences macroéconomiques des redressements menés en Europe. Il suffit de procéder à une lecture plus réaliste de l'évidence empirique qui prend en compte l’influence de la politique monétaire, de la conjoncture et des spécificités de chaque pays. Les résultats qui semblent contraires à la logique économique deviennent ainsi parfaitement lisibles. Ensuite, des explications différentes ont été avancées concernant les effets de relance qui ont accompagné certains redressements. Nous avons précisé qu’Alesina et Pirotti se sont concentrés sur les incitations qui passent par le canal de l'offre tandis que Giavazzi et Pagano se sont intéressés aux rôles des anticipations et de la crédibilité. Cette divergence s’explique naturellement par l’hétérogénéité des contextes nationaux qui s’avèrent un facteur déterminant de la réussite de la politique budgétaire. Il est donc approprié de proposer une construction théorique qui repose sur les résultats d’un pays et d’en faire une exploitation plus générale. 108 Chapitre 3 Le volet empirique du débat budgétaire Des deux premiers chapitres ressortent de nombreux désaccords qui concernent à la fois les conséquences et le rôle de la politique budgétaire. Ces conflits sont souvent motivés par des visions économiques divergentes qui s’illustrent par un décalage au niveau des postulats et des hypothèses qui régissent les modèles. Conscients que la pertinence d’une théorie se mesure en partie par son réalisme, les économistes sont devenus très soucieux d'apporter un soutien empirique aux idées qu’ils défendent. La croissance exponentielle des travaux économétriques témoigne de cette prise de conscience. Le progrès des techniques statistiques a également contribué au développement du volet empirique du débat, sans réussir pour autant à offrir des réponses qui permettent d’enrayer les principales dissensions entre les courants. Comme nous le verrons au long de ce chapitre, les conflits théoriques se sont métamorphosées en confrontations empiriques, où chaque courant s’appuie sur les expériences réelles et sur les techniques statistiques qui consolident sa vision du problème. 109 Section 1 : Le bilan des études empiriques I- Les relations fondamentales Les conflits qui opposent les divers courants de pensée se résument essentiellement à l’impact de la politique budgétaire sur deux variables clés de l’économie : la consommation et le taux d’intérêt. La réaction de la consommation détermine en grande partie les conséquences immédiates de la politique budgétaire. Elle permet également d’apprécier la pertinence du modèle de cycle de vie et le réalisme des différentes hypothèses qui le sous-tendent. L’analyse de l’évolution du taux d’intérêt s’inscrit dans un registre de long terme. Elle précise l’impact de la politique budgétaire sur l’accumulation du capital privé et donc sur le potentiel de production de l’économie. Elle permet également de prévenir d’éventuels problèmes d’endettement à long terme. 1- La politique budgétaire et la consommation 1.1- Les principaux résultats De nombreuses études empiriques ont tenté de déceler les facteurs susceptibles d'influencer la décision de consommation. La plupart d’entre elles concluent à l’importance des réactions de la consommation aux variations du revenu courant et notamment à celles induites par des mesures budgétaires. En étudiant certaines réformes fiscales menées aux Etats Unis, Poterba (1988) trouve que la réaction de la consommation dépasse largement les prévisions du modèle de cycle de vie. Ainsi, durant la baisse des prélèvements de 1975, il estime que 16.7 cents par dollar supplémentaire ont été consacrés à la consommation. Quant à l’augmentation des impôts en 1968 (augmentation liée à la guerre du Vietnam) elle a évincé la consommation privée de 22.7 cents par dollar. En s'appuyant sur des données américaines, Boskin (1988) conclut que les agents consacrent à la consommation 30 cents de chaque dollar perçu à la suite d’un changement de politique budgétaire. Seule une étude menées par Kormendi (1983) a apporté un soutien empirique au théorème d'équivalence. Dans ce travail, l'auteur trouve qu'une augmentation de la dette publique génère deux effets opposés sur la consommation : un effet direct qui se traduit par une baisse de 6% et un effet indirect (effet de richesse) qui la stimule de 3%. Il conclut que l'impact total de la 110 politique budgétaire sur la consommation est non significatif. Toutefois, les travaux de Modigliani et Sterling (1986) d'une part et de Barth, Iden et Russek (1986) de l’autre ont montré que les résultats de Kormendi dépendent sensiblement de sa définition des variables. Ainsi, en reprenant le même échantillon et en réestimant la même équation à l’aide de nouvelles définitions, ces auteurs démontrent que la consommation retrouve sa sensibilité aux mesures budgétaires. Eisner (1989) formule la même critique et affirme qu'une bonne définition des variables permet d'arriver à des résultats conformes aux pronostiques des modèles keynésiens. En se basant sur des données américaines, il démontre qu'une augmentation de 1% du déficit réel du plein emploi s’accompagne d’une augmentation de 0.642% de la consommation. Une synthèse des travaux empiriques révèle un lien significatif entre la consommation et le revenu courant. La propension à consommer une augmentation du revenu disponible est souvent comprise entre 20 et 40%. Ces résultats démontrent l'impertinence de l'approche néoricardienne, mais ne permettent pas de départager les thèses keynésienne et néoclassique. En effet, les keynésiens s'attendent à ce que cette propension avoisine les 70%, tandis que les néoclassiques considèrent qu'elle ne dépasse pas les 5%. Pour une meilleure compréhension de ces résultats nous allons étudier les facteurs explicatifs de la réaction de la consommation aux variations du revenu courant. 1.2- Une analyse explicative Il convient d’abord de vérifier si les agents sont capables de prendre des décisions de consommation de long terme conformément aux postulats du modèle de cycle de vie. Il faut examiner également s’ils sont en mesure de mettre leurs plans en application. 1.2.1- La myopie des agents Kotlikoff, Samuelson et Johnson (1988) ont mené une expérience qui vise à tester la capacité des agents à choisir des profils de consommation de long terme en fonction de leurs richesses totales. Ils ont placé un échantillon de 49 personnes dans 17 situations différentes où la richesse totale était invariable mais répartie différemment entre le revenu humain (salarial) et le revenu financier. Le taux d'erreur a dépassé les 20% dans 14 des 17 cas. Les auteurs affirment également que 37 parmi les 49 sujets ont commis plus que 5 erreurs d’une forte ampleur. Si l’échantillon en question est représentatif, ces résultats signifient alors qu'une proportion 111 importante de la population est incapable d'effectuer des choix intertemporels rationnels comme le suggère le modèle de cycle de vie. Les résultats obtenus Kotlikoff, Samuelson et Johnson ne constituent pas une remise en question des compétences comptables des agents, mais plutôt de leur capacité à tenir compte des revenus de long terme dans leur comportement de consommation. En effet, les résultats confirment que les agents sous-estiment souvent les revenus futurs, notamment lorsqu'ils surviennent à des dates assez éloignées. Dans cette expérience, la principale différence entre la richesse humaine et la richesse financière est que la première est répartie sur toute la durée de vie alors que la seconde est disponible immédiatement. Or, les auteurs remarquent que les personnes âgées de moins de 35 ans réalisent la plus grande partie de leur consommation en s’appuyant sur leurs richesses financières. Par contre, les personnes âgées de 46 à 55 ans consomment les deux formes de richesse dans les mêmes proportions. Ils concluent que les personnes relativement âgées arrivent à mieux anticiper les flux salariaux futurs, car ils vont les encaisser à des dates assez proches. Par contre, les personnes âgées de moins de 35 ans n’internalisent pas ces flux de revenu, car ils ne surviendront que dans un futur lointain. Ainsi, ils réalisent la part la plus importante de leurs consommations immédiates grâce aux ressources courantes composées en grande partie des placements financiers. Les résultats obtenus par Katona et Mueller (1968) vont également dans le même sens. Ces auteurs concluent qu'à un mois de la réforme fiscale de 1964 aux Etats unis, 40% des agents ne l'ont pas encore anticipé. En 1963 moins d'un tiers de la population s'attendait à cette réforme. Il semble donc qu’une fraction assez importante de la population souffre d’un problème de myopie, d’où une forte dépendance entre sa consommation et son revenu courant. 1.2.2- Les contraintes de liquidité Les contraintes de liquidité constituent une explication alternative de la sensibilité de la consommation aux variations du revenu courant. Les résultats suivants confirment l’ampleur de ce problème. A partir d’un panel de l'Université de Michigan, Hall et Mishkin (1982) ont étudié le lien entre les dépenses hebdomadaires d'alimentation et le revenu des ménages. Ils constatent que le coefficient du revenu courant dépasse de loin sa valeur théorique et concluent que 20% des ménages sont susceptibles de souffrir d’une contrainte de liquidité. 112 Le même test appliqué à l’achat d’automobiles par les ménages américains a conduit Bernanke (1984) à conclure que cette catégorie de dépenses est indépendante du revenu courant. L’auteur explique ce résultat par le fait que les consommateurs obtiennent facilement les crédits qui servent à financer ce type de consommation. Ainsi, il conclut que la dépendance entre les autres catégories de dépenses et le revenu courant s’explique probablement par l’existence des contraintes de liquidité. En se basant sur le même panel, Zeldes (1985) décèle une corrélation significative entre les ressources courantes et la consommation des ménages à faibles revenus23. Ce résultat révèle intuitivement l’existence des contraintes de liquidité, car cette catégorie de ménage est logiquement la plus confrontée à ce phénomène. Les résultats de Altonji et Siow (1986) vont dans le même sens. Ils affirment qu'en excluant les ménages à forts revenus et les ménages à faibles revenus de l'échantillon, aucune relation significative ne peut être détectée entre la consommation et le revenu courant. C’est donc le niveau de richesse qui est vraisemblablement à l'origine de la dépendance entre ces deux variables. Si on admet l’hypothèse logique que l'intensité des contraintes de liquidité est négativement liée à la richesse (les ménages les moins riches sont les plus exposés à ces contraintes), alors ce résultat indique que la réaction excessive de la consommation s'explique essentiellement par le manque de liquidité dont souffrent les ménages à faibles revenus. Hayashi (1985a) arrive à une conclusion similaire, en répartissant un échantillon de ménages en deux groupes en fonction du montant de leurs épargnes. Il confirme que la relation entre la consommation et le revenu est nettement plus intense chez les ménages à faibles épargnes. Si on admet que la faiblesse de l'épargne signale la présence d’une contrainte de liquidité, alors la relation entre la consommation et le revenu courant est largement expliquée par ce facteur. Ainsi, l’auteur estime à 20% la proportion des ménages américains qui subissent des contraintes de liquidité. Pour le Japon, Hayashi (1985c) estime que la proportion de la population qui consomme en fonction de son revenu courant s'élève à 15%. Dans une étude intéressante Hubbard et Judd (1986) fournissent des preuves supplémentaires de l’existence et du pouvoir explicatif des contraintes de liquidité. D’abord, ils rappellent que les prêts accordés à la consommation des biens garantis24 dépassent de loin tous les autres crédits à la consommation aux Etats Unis. En 1985 par exemple, le montant des crédits non garantis était de 21.9 milliards de dollars, tandis que les prêts accordés pour l'achat 23 Résultat rapporté dans Hubburd et Judd (1986) 24 Les maisons et les voitures par exemple constituent en elles-mêmes des garanties pour les prêteurs car elles sont récupérables en cas de non-paiement. 113 des voitures et la construction des maisons s’élevaient respectivement à 37.8 et 152.8 milliards de dollars. D’autre part, les auteurs soulignent qu'en 1983 une proportion significative des ménages américains avait des placements financiers très modestes, avec un montant moyen de 3500 dollars. Les jeunes et les personnes à faibles revenus détenaient les placements les moins importants. Ces chiffres tiennent compte de l'intégralité des fonds susceptibles d’être affectés à la consommation à court et à long terme, y compris les placements pour la retraite. La situation financière des ménages américains telle qu’elle est décrite par Hubbard et Judd, suggère qu’une partie importante de la population est probablement confrontée à des problèmes de liquidité. En s’appuyant sur un modèle dynamique à générations imbriquées, Hubbard et Judd (1986) ont mené des exercices de simulation afin de comparer les pouvoirs explicatifs de la myopie et des contraintes de liquidité. Pour une baisse d’impôts d’une durée de cinq ans, dont le financement est programmé dans vingt ans, les auteurs trouvent que la propension marginale à consommer le surplus de revenu s’élève à 0.05 pour des agents à durée de vie finie. Cette propension surprend par sa faiblesse dans la mesure où la baisse des impôts s’étale sur une assez longue période, alors que le redressement fiscal n’intervient qu’à une date suffisamment éloignée. Ils simulent par la suite la même relance fiscale pour des agents à durée de vie infinie, dont 20% subissent des contraintes de liquidité. Ils constatent que la propension à consommer le revenu offert par la réforme fiscale passe de 0.05 à 0.25. La réaction de la consommation s’intensifie malgré que les agents sont conscients qu'ils vont subir une baisse équivalente de leur richesse dans le futur25. D’après ces résultats, les contraintes de liquidité offrent une explication plus réaliste de la sensibilité de la consommation aux mesures budgétaires. A travers ces exercices de simulation, les auteurs ont voulu minimiser le débat au tour de l'horizon de planification des agents, lancé par le théorème d'équivalence de Barro. De leur point de vue, l'imperfection des marchés financiers représente la plus forte remise en question du modèle néoclassique. Flavin (1984) a conduit des estimations économétriques afin de comparer les pouvoirs explicatifs des contraintes de liquidité et de la myopie. Elle a instrumenté certaines variables (telles que le taux de chômage) qui sont susceptibles d’avoir des liens assez étroits avec les contraintes de liquidité. Elle conclut que presque la totalité des variations de la consommation peut être imputée aux variables qui représentent les contraintes de liquidité. 25 Dans cette version du modèle les agents ont des durées de vie infinies et supportent donc la totalité du financement de la politique budgétaire. 114 En conclusion, les contraintes de liquidités semblent fournir une explication assez forte du lien entre la consommation et le revenu courant. Ce pouvoir explicatif est d’autant plus important que la réaction de la consommation ne reflète qu'une partie des contraintes dont souffrent les agents. En effet, la réaction de la consommation dépend du revenu tiré par chaque catégorie d’agents des réformes fiscales. Si les ménages à faibles revenus sont ceux qui profitent le moins de la baisse des impôts, alors l’effet de relance sera marginal. La réaction de la consommation aux mesures fiscales n'est donc pas un bon indicateur de l’intensité des contraintes de liquidité dans une société. Dans ce sens, une politique de dépense semble plus appropriée qu'une politique fiscale, car elle permet de cibler les agents qui manifestent un besoin de liquidité. Ainsi, elle assure que les fonds redistribués seront employés d'une façon qui favorise la production et la croissance. 2- La politique budgétaire et le taux d'intérêt La plupart des travaux empiriques discréditent les craintes de la nouvelle école classique concernant l’éviction du capital privé. Certaines études concluent néanmoins à l'existence d'une corrélation positive assez forte entre la dette publique et le taux d'intérêt. Parmi les rares travaux favorables à la doctrine classique, on retient celui de Wyplosz (1990) qui recense une corrélation de 0.68 entre le taux d'intérêt et la variation de la dette nette. En considérant le stock de la dette, la corrélation tombe à 0.42, mais reste largement significative. Edey, Kennedy et Orr (1995) ont étudié pour le compte de l'OCDE les facteurs qui déterminent le taux d'intérêt réel du long terme. Ils concluent qu’un accroissement d'un point du rapport du déficit au PNB provoque une hausse de 16.67% du taux d'intérêt, en cas de financement interne de la dette. Les méthodes empruntées par ces auteurs ont été critiquées sur plusieurs plans. Ainsi, Landais (1998) reprend les calculs de Wylopsz (1990) et démontre que la corrélation entre la variation de la dette brute et celle du taux d'intérêt réel est de –0.52. Landais explique le changement radical du sens de la corrélation par l’impact de l’inflation sur le taux d’intérêt nominal durant la période étudiée. En effet, les augmentations successives du taux d’intérêt nominal ne répondaient pas à une croissance du déficit budgétaire, mais plutôt à une inflation de plus en plus forte. En s’appuyant sur le taux réel au lieu du taux nominal, Landais élimine la variation du taux expliquée par l’inflation et corrige ainsi le résultat biaisé proposé par Wylopsz. 115 Eisner (1989) ne décèle aucun lien significatif entre le taux d’intérêt et certaines mesures corrigées du déficit fédéral américain. Par ailleurs, il procède à des estimations économétriques qui l’amènent à conclure que la politique budgétaire stimule les investissements au lieu de les évincer. Ainsi, il affirme qu'une augmentation de 1% du déficit réel du plein emploi s’accompagne d’une augmentation de 0.642% de la consommation et d'un accroissement de 1.383% des investissements. Eisner considère que ces résultats sont parfaitement cohérents avec le modèle néoclassique du cycle de vie. En effet, le lissage de la consommation prévu par ce modèle implique que la croissance de la demande sera progressive et s’étalera sur une longue période. Les producteurs rationnels anticipent l’impact total de la politique budgétaire et acquièrent d’avance le capital nécessaire pour faire face à la demande future. Ainsi, la réaction de l'investissement est plus importante que celle de la consommation, car elle dépend de l'augmentation totale de la demande et non seulement de sa réaction de court terme. Malgré que les résultats d'Eisner sont souvent considérés comme excessifs, la plupart des économistes admettent que la corrélation entre les agrégats budgétaires et le taux d'intérêt n'est pas forte au point d’induire une éviction conséquente des investissements. Les nouveaux classiques expliquent ce résultat par la mobilité croissante des capitaux à l’échelle internationale. Depuis le début des années 80 le paradoxe souligné par Feldstein et Horioka (1980) s'est progressivement dissipé et on assiste à une croissance exponentielle des flux de capitaux entre les pays. Les investissements sont donc de moins en moins dépendants des épargnes nationales, ce qui explique la faiblesse de l'effet d'éviction généré par la politique budgétaire. Dans ce sens, Friedman B. (1992) affirme que le déclin des investissements américains aurait été plus important si les capitaux étrangers n'ont pas comblé l'insuffisance de l'épargne nationale lors des augmentations successives du déficit durant la présidence de Reagan. Tanzi et Lutz (1993)26 ont tenté d’évaluer l’impact de la politique budgétaire sur le taux d'intérêt réel à l’échelle mondiale. Pour des groupes composés respectivement de 3, 7 et 13 pays, ils ont étudié la relation entre le taux d'intérêt mondial et un certain nombre de variables dont la dette publique. Ils concluent qu’une augmentation de 1% du rapport de la dette accroît le taux d'intérêt réel de 20 points de base en moyenne. II- Les origines des divergences empiriques 26 Voir Verbon et Van Winden (1993) chapitre 11. 116 Il est intéressant de comprendre comment les mêmes expériences réelles offrent un soutien empirique à des approches théoriques complètement contradictoires. Nous pensons que les conflits empiriques sont aussi bien d’ordre technique que d’ordre conceptuel. Les problèmes techniques les plus communs concernent le choix des quantités réelles qui représentent les variables théoriques, la spécification des équations ainsi que les problèmes relatifs aux techniques d'estimation, à la conception et au choix des tests statistiques. Hayashi (1995) propose un excellent résumé de ces problèmes. Nous laissons de côté le volet technique du débat pour nous intéresser aux problèmes d'ordre conceptuel et aux différentes propositions qui permettent de les dépasser. 1- Les conflits d'ordre conceptuel Le déficit budgétaire est l'indicateur par excellence de la politique budgétaire. Il signale le degré de laxisme ou de rigueur de la politique mise en place par le gouvernement. Certains économistes s’en servent également pour apprécier les conséquences macroéconomiques des mesures budgétaires. D’autres contestent cette surexploitation du déficit et préconisent certaines transformations de ce résultat comptable afin qu’il puisse assurer convenablement son rôle d'indicateur. Ils avancent trois arguments dans ce sens. Premièrement, le déficit nominal n'est pas le produit de la seule politique gouvernementale. Il dépend également du contexte économique. Ainsi, un déficit budgétaire élevé peut résulter d'une mauvaise conjoncture plutôt que d’une entreprise délibérée de l’Etat. Le terme "conjoncture" regroupe également les variations des prix et du taux d'intérêt qui influencent la valeur réelle des différentes composantes du budget. Il faut également tenir compte de la charge de la dette passée, car elle est prise en compte dans le calcul des soldes courants. Ces charges accentuent le déficit sans qu’elles soient pour autant le fruit d’une mesure de stabilisation ou de relance. En conclusion, il est nécessaire de différentier la part volontaire de la part conjoncturelle du déficit, afin d'apprécier correctement le caractère expansif ou restrictif de la politique budgétaire. Deuxièmement, le déficit nominal ne permet pas d’aborder les divers problèmes relatifs à la politique budgétaire. Il est par exemple incapable de fournir une évaluation précise des répercussions immédiates, des conséquences futures et des effets de redistribution d’une politique de relance. L’accomplissement de ses tâches nécessite la conception d’une gamme d’indicateurs spécialisés dans ces différents domaines. La limitation du champ d’utilisation d’un 117 indicateur améliore ses performances, car la polyvalence se fait souvent au détriment de l’efficacité et de la précision. Finalement, certains économistes considèrent que le déficit budgétaire est un chiffre dépourvu de toute pertinence économique, car il est issu d’une procédure comptable qui ne reflète pas toujours les véritables fonctions économiques des transactions. Prenons l’exemple des cotisations à la sécurité sociale et des pensions de retraite. Elles sont comptabilisées respectivement en tant que recettes fiscales et dépenses de transferts. Or, ces opérations sont perçues différemment par les agents : les cotisations à la sécurité sociale sont considérées comme une dette publique dont le remboursement prendra la forme d’une pension de retraite. Les soldes publics seront totalement bouleversés si l’Etat adopte une telle définition comptable de ces variables. Les auteurs à l’origine de cette critique revendiquent donc l’abandon des normes comptables actuelles et la construction de nouveaux comptes publics qui reflètent le caractère économique des opérations comptabilisées. Les soldes de ces nouveaux comptes permettraient une vision plus précise et plus pertinente des retombés économiques de la politique budgétaire. 2- Une illustration de l'importance des corrections Deux corrections apportées par Eisner (1989) au déficit fédéral américain débouchent sur des résultats assez intéressants. La première consiste à exclure les opérations d’achat et de vente d’actifs réels et financiers par l’Etat. Les sommes liées à la gestion du patrimoine de l’Etat masquent la véritable orientation budgétaire du gouvernement. Les calculs menés par Eisner révèlent des écarts importants entre le montant officiel et le montant corrigé du déficit fédéral. Cet écart s'élève à 28 milliards de dollars pour l'année 1985, 7 milliards de dollars pour l'année 1986, 1 milliard de dollars en 1987 et 11.7 milliards de dollars en 1988. Eisner propose ensuite de passer du déficit nominal au déficit réel en éliminant l’effet de l’inflation. Il corrige également la valeur nominale du portefeuille de l’Etat de l’impact des variations du taux d’intérêt. Un résultat important ressort de cette correction : les 153 milliards de dollars de déficit enregistrés durant la présidence de Carter (de 1977 à 1980) passent à 72 milliards de dollars. Le déficit du plein emploi évalué à 0.53% du PNB pour la période allant de 1977 à 1981, correspond en effet à un surplus réel moyen de 1.76% du PNB. En s'appuyant sur ces résultats, Eisner remet en question l’explication avancée par les nouveaux classiques à la crise des années soixante dix. Nous rappelons que ces derniers désignent le laxisme budgétaire 118 comme le principal responsable de la stagnation de l’activité. Or, l’existence d’un surplus réel montre que la politique budgétaire était plutôt restrictive durant cette période. Pour Eisner la crise a été provoquée par le choc pétrolier qui était à l’origine de la flambée de l’inflation et de l’augmentation des taux d'intérêt. La richesse financière des ménages s’est fortement dépréciée en conséquence et le pouvoir d'achat a enregistré une baisse sensible. De plus, l’adoption de politiques monétaire et budgétaire de rigueur par les gouvernements et les banques centrales de l’époque a retardé la sortie de la crise jusqu'à 1982. Eisner (1989) a tenté d’apprécier l’impact de la politique budgétaire sur activité, en s’appuyant sur sa définition du déficit fédéral réel. Pour la période allant de 1956 à 1983, il constate que l’économie enregistre un accroissement sensible du PNB et une forte réduction du taux de chômage durant les années qui suivent l'apparition de forts déficits budgétaires. Le contraire est vrai pour les années marquées par une réduction du déficit réel. Il a décomposé par la suite la période étudiée en deux sous-périodes, à partir desquelles il a mené une série d’estimations économétriques visant à évaluer l’influence du déficit réel sur la croissance et le chômage. Pour la période allant de 1956 à 1966, il trouve qu’un accroissement de 1% du déficit réel du plein emploi s’accompagne d’une augmentation de 1.731% du PNB et d’une baisse de 0.566% du taux de chômage. Entre les années 1967 et 1984 une augmentation de 1% du déficit réel du plein emploi provoque une croissance de 2.491% du PNB réel et une diminution de 1.087% du taux de chômage. Gramlich (1989) corrige le déficit fédéral américain de l'impact de la conjoncture et des variations de la valeur réelle de la dette. En recalculant les soldes budgétaires entre les années 1955 et 1979, il constate que le déficit moyen qui s’élève à 0.9% du PNN sur l’ensemble de la période se transforme en un surplus moyen de 0.6% du PNN. Pour la période allant de1982 à 1987, le déficit moyen enregistre une baisse significative en passant de 5.2% à 2.3% du PNN. Ces résultats vont dans le même sens que ceux obtenus par Eisner. Ils confirment notamment le caractère restrictif de la politique budgétaire durant les années 70. Creel et Sterdyniak (1995) proposent d’exclure les mesures temporaires de stabilisation et les charges de la dette du déficit structurel. Ils comparent l'orientation budgétaire en Europe telle qu’elle est décrite par le déficit structurel définit par l'OCDE, à celle issue de leur propre définition du déficit. D’après la définition de l’OCDE, le déficit structurel de la communauté européenne a 119 passé de 5% du PIB entre 1977 et 1979, à 5.2% en 1981. Il a ensuite diminué jusqu'à 3% du PIB en 1989, avant d'enregistrer une nouvelle augmentation à 4.8% entre 1991 et 1992. D’après ces statistiques, la politique budgétaire a été souvent expansive en Europe, notamment vers la fin des années 70 et le début des années 80, mais également à partir du début des années 90. En s'appuyant sur leur définition du déficit structurel, Creel et Sterdyniak remarquent que les pays européens étaient fortement déficitaires seulement entre 1975 et 1981. A partir de cette date, le déficit moyen enregistre une très légère variation centrée au voisinage de zéro. Contrairement aux chiffres de l'OCDE qui signalent un regain de laxisme budgétaire à partir des années 90, les calculs de Creel et Sterdyniak démontrent que la politique budgétaire européenne est restrictive depuis le début des années 80. Les auteurs expliquent cette divergence par l’exclusion des charges de la dette de leurs calculs. Ces charges constituent selon eux la principale cause de la croissance du rapport de la dette dans les pays européens à partir du début des années 80. Elles ont évolué de 1.2% du PIB européen en 1970, à 2.2% en 1980, 4% en 1986 pour atteindre enfin les 5% du PIB en 1990. Cette augmentation s’explique essentiellement par une forte croissance du taux d'intérêt. Section 2 : Les indicateurs de la politique budgétaire On vient de souligner la nécessité de construire une gamme d'indicateurs adaptés aux problèmes liés à la politique budgétaire. La diversité des indicateurs permet de profiter pleinement des informations offertes par les expériences réelles. Les sujets qui préoccupent les économistes tournent généralement autour des trois axes suivants : distinguer les politiques restrictives des politiques expansives, estimer l’impact de la politique budgétaire sur l’activité et anticiper les problèmes qu’elle est susceptible de générer à long terme. Les indicateurs de la politique budgétaire se sont donc développés dans ces trois directions. I- Les indicateurs d'action délibérée Le déficit budgétaire est le fruit de la conjoncture et des initiatives délibérées du gouvernement. Les exemples suivants rappellent les liens puissants entre le contexte conjoncturel et le solde budgétaire : • Tout événement qui dévie l’économie de son équilibre naturel influence indirectement les recettes et les dépenses de l'Etat. Une baisse de la production par exemple s’accompagne d’une chute des recettes fiscales et se répercute négativement sur le solde public. Le taux de 120 chômage s’accroît à la suite du ralentissement de l’activité et on constatera également une augmentation des dépenses de transferts qui détériore davantage les comptes publics. Un choc favorable à la croissance déclencherait les mécanismes inverses et aurait comme conséquence une réduction du déficit budgétaire. Cette évolution contracyclique du solde budgétaire est connue sous le nom de "la stabilisation automatique". • Une augmentation des prix réduit la valeur réelle de certaines catégories de dépenses et de recettes, dont la dette publique. La prise en compte de l’effet de l’inflation permet d’éviter une sur-estimation ou une sous-estimation de la valeur réelle du déficit. La baisse de la valeur réelle de la dette publique provoquée par l’inflation est qualifiée de "taxe inflationniste". La comptabilisation de cette taxe fictive parmi les recettes débouche sur "le déficit opérationnel". • Le solde courant tient compte du paiement des intérêts de la dette passée. De plus, les variations du taux d'intérêt peuvent altérer les charges nominales et réelles de la dette sans refléter pour autant un laxisme de la part de l'Etat. Pour cette raison plusieurs économistes s'intéressent uniquement au "déficit primaire", qui exclut le service de la dette. • Les chocs extérieurs peuvent avoir une influence considérable sur le solde budgétaire de certains pays. Lorsqu’une grande partie des recettes de l'Etat provient des exportations, alors une baisse des prix des biens exportés peut détériorer considérablement les comptes publics. La même remarque est vraie pour les pays qui subventionnent des biens importés de première nécessité. Une augmentation des prix de ces biens sur les marchés internationaux use les comptes de l’Etat. Ces exemples illustrent l’influence que la conjoncture est susceptible d’exercer sur le solde budgétaire. Pour reconnaître les orientations du gouvernement en matière de politique budgétaire, il est donc nécessaire d’écarter les variations des recettes et des dépenses induites par les revirements conjoncturels. 1- Une analyse théorique des stabilisateurs automatiques On peut éliminer assez facilement les effets de l'inflation et des charges de la dette en passant du déficit nominal au déficit primaire réel. L'impact des stabilisateurs automatiques est plus délicat à cerner. La difficulté provient du fait que les stabilisateurs et les politiques délibérées produisent des effets similaires sur les composantes du budget. Par conséquent, leurs 121 traces peuvent être facilement confondues. 1.1- Comment reconnaître l'orientation budgétaire en présence des stabilisateurs ? La réponse à cette question nécessite une étude théorique détaillée des stabilisateurs automatiques afin de déceler les caractéristiques qui les différencient des politiques délibérées. Considérons cette expression simplifiée du solde budgétaire27 : S = τ ( y ) − G y yn (1) où y représente le produit effectif et yn le produit naturel ou du plein emploi. τ est une fonction qui représente la structure fiscale. Elle est croissante par rapport à y. G est une fonction qui représente l’adaptation des dépenses publiques au contexte économique. Elle est décroissante par rapport à y/yn. Ces propriétés reflètent le caractère contracyclique des dépenses publiques et le caractère procyclique des recettes fiscales. Cette équation recense trois facteurs susceptibles d’influencer le solde budgétaire : une variation du produit effectif y, due à un changement de conjoncture, une variation de τ ou une modification de la forme de la fonction G, qui reflètent une politique délibérée de l’Etat ,et les variations de long terme de yn. A court terme, le produit potentiel, yn , est constant et les politiques fiscales et de dépenses sont stables. Ainsi, le solde budgétaire, S, dépendent uniquement des variations du produit effectif. Par hypothèse, nous savons que G est une fonction décroissante de y, ce qui implique une relation croissante entre S et y : ∂S ∂τ 1 ∂G = − > 0. ∂y ∂y yn ∂y Ainsi, une bonne conjoncture (une augmentation de y) contribue à améliorer le solde budgétaire tandis qu'une mauvaise conjoncture le détériore. Pour reconnaître le caractère expansif ou restrictif de la politique il faut éliminer la composante conjoncturelle du solde budgétaire. Cette procédure se fait en trois étapes. Il faut d’abord définir une situation de référence dans laquelle la politique budgétaire est neutre et calculer le solde budgétaire qui lui correspond. La deuxième étape consiste à calculer le solde 27 Cette présentation théorique est inspirée de Gordon (1980). 122 budgétaire actuel, en supposant que la production est au niveau de référence précédemment définit. Enfin, il faut comparer le solde budgétaire issu de la deuxième étape au solde de référence définit dans la première. La politique serait expansionniste si le solde calculé est supérieur au solde de référence et restrictive dans le cas contraire. D’un point de vue théorique, l’équilibre du plein emploi constitue la meilleure référence. Au plein emploi, l’économie exploite au mieux son potentiel de production et les autorités n’éprouvent aucun besoin de lui venir en aide par des mesures budgétaires. La politique neutre doit par conséquent se traduire par un équilibre budgétaire. La procédure que nous venons de définir nous conduit à conclure que la politique budgétaire actuelle est expansionniste si elle conduit à un déficit au plein emploi et restrictive si elle génère un surplus. Seul l’équilibre budgétaire authentifierait la neutralité de la politique budgétaire. 1.2- La nécessité des stabilisateurs automatiques Les avis sont partagés quant à la nécessité de la stabilisation automatique28. Les keynésiens montrent un soutien inconditionné aux évolutions contracycliques des dépenses, tandis que les néoricardiens exigent la réalisation de surplus durant les périodes d'expansion. Les deux courants apprécient l’effet des stabilisateurs automatiques sur la demande globale et les considèrent comme un moyen efficace de lutte contre les récessions. Ils peuvent également exercer une influence positive sur les anticipations ce qui renforce leur pouvoir de relance. Barro (1989) s’associe aux keynésiens pour mettre en garde contre toute tentative de contrecarrer la stabilisation automatique. Une telle initiative ne fera qu'aggraver la situation financière de l'Etat. Lorsque l’économie est en phase de récession, les redressements budgétaires risquent de coûter cher en termes de croissance et de chômage. A terme le gouvernement sera devant l'obligation de concéder un déficit encore plus important pour relancer l'activité et sortir de la crise. Ainsi, la rigueur budgétaire du départ débouchera sur un déficit plus important. Ces considérations ont conduit un grand nombre d'économistes à s’opposer aux critères de Maastricht, en considérant que les ajustements auxquels devaient se livrer les pays européens en pleine récession vont dégrader davantage la situation sans parvenir pour autant à améliorer les soldes budgétaires29. 28 Voir Artus (1993) pour uns discussion de cette question. 29 Artus (1995) propose une critique plus complète des critères de Maastricht. 123 Les nouveaux classiques sont hostiles à la stabilisation automatique. Ils mettent en gardent notamment contre ses conséquences de long terme. Dans ce sens, nous rappelons que les défenseurs de l'hypothèse "Tax and Spend" considèrent que rien ne garantit la compensation des déficits encourus durant les périodes de récession par des surplus lorsque la conjoncture sera favorable. Les gouvernements subissent des pressions régulières et sont donc tentés d’affecter les excédents de recettes durant les périodes de croissance à des dépenses autres que celle du rachat d’une partie de la dette. Si les déficits contractés durant les récessions se transforment en déficits permanents, alors on peut assister à une accumulation progressive de la dette qui débouche sur un problème de soutenabilité à terme. Les ultraclassiques plaident en faveur d'une politique budgétaire procyclique, en proposant un raisonnement original qu’ils qualifient de "logique budgétaire". Pour lutter contre les déficits durant les périodes de récession, ils conseillent une politique mixte qui consiste à augmenter les prélèvements d’une part et à réduire les dépenses de l’autre. Ils recommandent une baisse des dépenses discrétionnaires et notamment des investissements, car les dépenses de transfert et de fonctionnement sont difficiles à réduire en période de récession. Lorsque la reprise s'amorce, l'Etat doit relancer ses dépenses d'investissement pour combler le retard et le manque d'infrastructure de tout genre. L’augmentation des dépenses sera entièrement financée par les recettes fiscales supplémentaires offertes par la croissance et par les taux de prélèvement élevés hérités du redressement. Les dépenses publiques suivront ainsi un schéma procyclique, en se contractant pendant les récessions et en augmentant pendant les expansions. Ce raisonnement néglige néanmoins un détail particulièrement important : il ne donne aucune idée sur les facteurs qui permettent d'amorcer la reprise, surtout lorsque la récession est renforcée par une augmentation des prélèvements ou une baisse des dépenses. Cette « logique budgétaire » assimile les récessions et les expansions à des phénomènes exogènes qui sont indépendants des choix économiques de l'Etat. 1.3- L'ampleur de la stabilisation L’efficacité des stabilisateurs automatiques dépend de leur impact sur l'activité économique et donc sur le solde budgétaire. Leur utilité sera fortement remise en question, s'il s’avère qu’ils aggravent considérablement le déficit budgétaire sans permettre une relance conséquente de l'activité. Ils seront un outil de stabilisation privilégié dans le cas contraire. S'agissant de leur impact sur le solde budgétaire, il dépend de la sensibilité des recettes 124 fiscales et des dépenses publiques aux évolutions de la conjoncture. La dérivée de l’équation (1) permet de distinguer ces deux facteurs : dS dy ( dy) − ( dG dy) . = dτ Nous reformulons ces deux expressions pour mettre en avant les élasticités des dépenses et des recettes fiscales à la production : dτ dτ τ τ = dy y dy ( ) y dG dG = G G dy y dy y ( ) (2) (3) En vertu de la contrainte budgétaire intertemporelle de l'Etat, les rapports τ/y et G/y doivent être égaux à long terme30. D'après les équations (2) et (3), ce sont donc les élasticités respectives des impôts et des dépenses à la production qui déterminent l'impact des stabilisateurs automatiques sur le solde budgétaire. La première élasticité dépend de la sensibilité de l’assiette fiscale au niveau de la production, ainsi que de la progressivité des taux d'imposition. L'élasticité des dépenses publiques dépend de l’intensité des liens entre le taux de chômage et le taux de croissance et de la générosité du système d'indemnisation. Les études empiriques aboutissent à trois principales conclusions concernant l'impact des stabilisateurs automatiques sur l’activité. D'abord, la part de l'Etat dans le PNB est un facteur déterminant de la réussite de la stabilisation. Les stabilisateurs automatiques sont d’autant plus efficaces que la part de l’Etat dans le PNB est importante. Ensuite, les recettes fiscales ont un effet stabilisateur beaucoup plus important que les dépenses. Ainsi, l'augmentation du déficit lors d’une mauvaise conjoncture s’explique par la baisse des recettes fiscales plutôt que par l’augmentation des dépenses de transfert. Enfin, la taille de l'économie et son degré d'ouverture sur l’extérieur ont un impact important sur l'ampleur de la stabilisation. Les pays les plus ouverts semblent bénéficier de la stabilisation la plus importante. 30 Cette hypothèse se base sur une représentation simplifiée de la contrainte budgétaire de l’Etat qui suppose que la dette publique est nulle à long terme. Par conséquent les dépenses sont égales aux recettes fiscales. 125 2- Quelques exemples d'indicateurs d'action délibérée La plupart des indicateurs d'action délibérée s'inspirent de la procédure à trois étapes que nous avons décrit précédemment. Ils se différentient uniquement par le choix du solde budgétaire de référence. Nous allons donc décrire les indicateurs les plus utilisés en prêtant une attention particulière aux arguments qui appuient le choix de la référence. 2.1- Le surplus du taux naturel C'est l’indicateur le plus utilisé aux Etats Unis. Il est construit autour de deux grandeurs de référence : le produit potentiel (ou naturel) et le chômage naturel. La produit potentiel correspond à une pleine exploitation des capacités de production. Une estimation de la population active nécessaire à la réalisation de ce niveau de production permet de déduire le taux de chômage naturel. Les revenus générés par cette production sont distribués entre les différentes catégories d’agent (salaires, profits, …) selon le schéma de répartition actuel. Les recettes fiscales qui correspondent au plein emploi sont calculées en se basant sur les élasticités des différentes catégories de revenus aux impôts. L’estimation du montant des transferts sociaux compatible avec le taux de chômage naturel permet de déduire les dépenses publiques du plein emploi. Il suffit enfin de calculer l’écart entre les recettes fiscales et les dépenses publiques estimées pour déduire le solde budgétaire de référence. 2.2- Le «Cyclically Adjusted Budget (CAB)» C'est l'indicateur utilisé par l'OCDE. Il prend pour référence la situation moyenne de l'économie au cours du cycle actuel. L'identification de la croissance moyenne du cycle permet d'estimer la production moyenne et le taux de chômage moyen pour l’exercice en question et d'en déduire les recettes fiscales et les dépenses publiques qui leurs correspondent. En retenant une référence autre que le plein emploi, cet indicateur permet d’éviter des hypothèses discutables concernant le taux de chômage naturel et le produit potentiel. Il introduit par contre une nouvelle difficulté qui consiste à identifier les caractéristiques du cycle économique. 2.3- L'indicateur proposé par De Boissieu et Gubian De Boissieu et Gubian (1984) prennent l'exercice budgétaire précédent pour référence. Ils reprennent les diverses catégories de recettes et de dépenses de l'exercice antérieur et estiment 126 les valeurs qu'elles doivent prendre au cours de l’exercice courant si le gouvernement maintient la même politique budgétaire. Les estimations tiennent compte des évolutions de la conjoncture et des prix. Les écarts entre les valeurs estimées et les valeurs effectives des recettes et des dépenses représentent des variations discrétionnaires qui signalent un changement délibéré de politique. Pour obtenir un indicateur de l'orientation budgétaire globale du gouvernement, il suffit d'additionner les écarts entre les valeurs estimées et les valeurs effectives en les pondérant par leurs degrés d'influence sur le solde budgétaire. L'influence de chaque écart discrétionnaire ne se limite pas à sa contribution directe (son poids dans le solde budgétaire), mais doit également tenir compte de ses répercussions sur le reste des dépenses et des recettes. Une augmentation des investissements publics par exemple relance l’activité et accroît par conséquent les recettes fiscales. Il faut donc tenir compte à la fois des effets directs et indirects des écarts constatés afin de cerner correctement leurs impacts sur le solde budgétaire. 2.4- L'indicateur de Blanchard Cet indicateur prend également les résultats de l'exercice précédent comme référence. Toutefois, au lieu de projeter les valeurs antérieures des recettes et des dépenses en tenant compte de l'évolution de la conjoncture, Blanchard (1993) calcule le solde de l'exercice courant en supposant que la conjoncture est restée la même. Si l'Etat n'a pas changé de politique, les soldes budgétaires actuel et passé doivent être identiques. Toute différence révèle donc un changement discrétionnaire de la politique budgétaire. En plus de leur simplicité, les deux derniers indicateurs se dissocient des courants de pensée et évitent ainsi une grande partie des controverses théoriques. L'indicateur de Blanchard est encore plus simple dans sa conception que celui de De Boissieu et Gubian, car il évite également les conflits théoriques concernant les effets indirects des écarts discrétionnaires. Les deux premiers indicateurs se basent sur des hypothèses théoriques assez controversées qui portent respectivement sur le plein emploi et les caractéristiques du cycle économique. Il est difficile d’accréditer des indicateurs déduits à partir d’un concept comme celui du cycle économique, alors que l’existence même des cycles est réfutée par un grand nombre de macroéconomistes. Par ailleurs, en se référant à des situations fictives, ces indicateurs impliquent des estimations empiriques dont la fiabilité est loin d'être garantie. 127 Nous soulignons toutefois que les indicateurs d’action délibérée permettent seulement de juger du caractère expansionniste ou restrictif de la politique budgétaire. Ils ne permettent en aucun cas de juger de l’optimalité de la politique budgétaire, car le solde de référence n’est pas nécessairement le solde optimal. Prenons l’exemple du surplus du taux naturel. Nous avons précisé dans le premier chapitre que le solde budgétaire optimal n'est pas nécessairement nul au plein emploi. La valeur optimale est celle qui permet une meilleure accumulation du capital et qui offre par conséquent un maximum de bien-être social. Cette même remarque est également valable pour le CAB, car le déficit de la production moyenne ne représente pas nécessairement le déficit optimal d'un point de vue théorique. Si les seuils de référence des indicateurs sont souvent utilisés pour discuter de l’optimalité de la politique budgétaire, c’est parce que les déficits optimaux sont quasiimpossibles à estimer. Ils dépendent de certains facteurs difficiles à quantifier tels que les préférences des agents par exemple. En outre, les nouveaux classiques plaident en faveur d’une proximité entre les soldes optimaux et les soldes de neutralité, ce qui justifie de leur point de vue le recours aux indicateurs d’action délibérée pour aborder le problème de l’optimalité. II- Les indicateurs de soutenabilité Tous les courants de pensée sont unanimes quant aux conséquences néfastes des spirales d’endettement. Cependant, les défenseurs des politiques de relance tendent à minimiser les chances d'apparition de ces spirales, tandis que ceux qui prônent la rigueur budgétaire les présentent comme un danger qui guette en permanence les économies endettées. La gravité de ce problème rend toutefois indispensable le développement de techniques qui permettent de prévoir son apparition. 1- Définition du problème Nous commençons par définir la dynamique de la dette publique. La contrainte budgétaire intertemporelle de l'Etat nous enseigne que l’émission d’une nouvelle dette est motivée par l'écart entre l’ensemble des dépenses, charges de la dette passée inclues, et les recettes fiscales : ∆Bt = Gt + Ht + it Bt −1 − Tt (4) où Bt est la dette publique, Gt les dépenses de fonctionnement et d'investissement, Ht les 128 dépenses de transfert, Tt les recettes fiscales et it le taux de rendement de la dette. Toutes ces variables sont exprimées en nominal. Une première lecture de cette équation nous permet de définir la dynamique de la dette publique comme le résultat du déficit primaire (Dt = Gt + Ht - Tt) et les charges de l’ancienne dette (itBt-1). Une conclusion particulièrement intéressante ressort de cette lecture : si l’Etat n’arrive pas à dégager un surplus primaire suffisant pour financer les charges de sa dette passée, alors il sera obligé de s’endetter davantage. En rapportant toutes les variables de l'équation (4) au PIB et en procédant à quelques approximations algébriques, on peut réécrire la contrainte budgétaire sous une forme plus intuitive : ∆bt = gt + ht + (rt − xt )bt −1 − tt = dt + ( rt − xt ) bt −1 (5) où rt est le taux de rendement de la dette, xt est le taux de croissance de la production et dt est le déficit primaire rapporté au PIB. Cette dernière version de la contrainte budgétaire débouche sur un résultat central : si le taux d'intérêt réel est supérieur taux de croissance de la production, alors l’Etat doit dégager un surplus primaire pour stabiliser le rapport de la dette. Dans le cas contraire, le rapport de la dette augmentera d’une façon continue d'une période à l'autre. A terme, cette spirale d’endettement remettra en question la solvabilité de l'Etat, c'est à dire sa capacité à rembourser ses dettes. Si l’Etat n’est plus en mesure de retrouver son équilibre budgétaire à long terme, alors la dette publique est dite insoutenable. Afin de dériver une condition qui garantit la soutenabilité de la politique budgétaire, nous supposons que l’économie a atteint sa dynamique de long terme avec un taux d’intérêt et un taux de croissance stationnaires. Soit b0 le rapport initial de la dette. En procédant par récurrence, l’équation (5) nous définit la condition requise pour que le budget soit équilibré à long terme31 : t 1 dt = −b0 ∑ t =0 1 + ( r − x) +∞ 31 (6) Cette condition est obtenue en supposant qu'à l'infini le stock de la dette publique s'annule, ce qui signifie que l'Etat finit par rembourser toutes ses dettes. 129 Cette équation nous informe qu’une politique budgétaire est soutenable si l’ensemble des surplus primaires qu’elle générera permet de racheter la dette qui à servit à son financement et de payer les charges qui en découlent. Cette condition financière est satisfaite lorsque le taux de croissance de la production est égal au taux de rendement de la dette : +∞ r = x ⇒ ∑ dt = −b0 . t =0 La politique budgétaire parvient également à s’autofinancer si la croissance qu’elle génère est supérieure à son coût : t 1 1 32 r < x ⇒ ∑ dt = d 1 + < −b0 . r x r x + − − 1 ( ) t =0 +∞ Lorsque le coût de la dette est supérieur au taux de croissance de la production, l’Etat ne peut dégager les surplus primaires nécessaires au paiement du principal et des intérêts de sa dette. L'exploitation de cette condition rencontre plusieurs difficultés d’ordre pratique. Certains problèmes de prévision sont particulièrement délicats à résoudre : comment apprécier les trajectoires de long terme des variables du modèle ? A partir de quel seuil le rapport de la dette peut-il constituer un danger à terme ? D’autres interrogations concernent la stratégie retenue par les autorités : quels sont les critères de choix du rapport optimal de la dette ? L’Etat peut-il tolérer des écarts temporaires par rapport à cette cible ? Si oui, alors quelle doit être l’ampleur de ces variations et comment peut-on les distinguer des variations permanentes ? Enfin, certaines questions portent sur l'horizon de planification : l'Etat peut-il retarder sans cesse les surplus primaires nécessaires à la stabilisation du rapport de la dette ? Doit-il attendre une conjoncture favorable ou bien doit-il entreprendre rapidement des mesures de redressements? Ces interrogations conduisent à des lectures variées de la condition de soutenabilité et annoncent une panoplie d'indicateurs. Les conditions peuvent se distinguer par l'horizon temporel qu’elles retiennent ou par le rapport de la dette qu’elles ciblent. La condition (6) demeure cependant une base théorique solide à la conception des indicateurs de soutenabilité malgré leur diversité, car elle présente l'avantage d'être souple. Elle permet de préciser la condition de soutenabilité pour différents horizons de planification et différents rapports de 32 Cette condition est valable pour un déficit primaire constant d’une période à l’autre : dt = d ∀t. 130 dette. Elle peut également s’adapter pour tenir compte des hypothèses particulières qui concernent l'évolution du taux d'intérêt ou du taux de croissance. 2- Présentation des indicateurs Pour un gouvernement qui souhaite stabiliser le rapport de sa dette à un seuil optimal b*, à une échéance t, Blanchard (1993) propose trois indicateurs de soutenabilité qui s’inspirent de la condition (6). Le premier indicateur est calculé en trois étapes : (i) Le gouvernement estime ses dépenses et ses transferts futurs jusqu'à l’échéance t. (ii) Il déduit le taux d'imposition qui permet de satisfaire la condition de soutenabilité pour le rapport de dette ciblé. Blanchard qualifie ce taux de "taux d'imposition soutenable". (iii) La différence entre le taux soutenable et le taux effectif représente "l'écart de soutenabilité". Il renseigne le gouvernement sur les mesures fiscales à entreprendre dans l'immédiat pour que le rapport de la dette soit stabilisé au niveau ciblé, à la date voulue. Les deux autres indicateurs appliquent cette même logique aux dépenses de fonctionnement et d'investissement d'une part, et aux dépenses de transferts de l’autre. Blanchard les qualifie de "taux de dépenses soutenable" et de "taux de transferts soutenable". Ces indicateurs sont fiables seulement à court et à moyen terme, car la prévision des recettes fiscales et des différentes catégories de dépenses devient peu précise au-delà d’un certain horizon. Par ailleurs, ils permettent au gouvernement d’adapter sa stratégie à la conjoncture et aux préférences des agents, en lui offrant des plans d’action variés par la fiscalité, par les dépenses ou par une combinaison des ces deux options. Nous précisons enfin que ces indicateurs ne dictent pas une politique précise au gouvernement pour atteindre les taux d’imposition, de dépenses ou de transferts soutenables. Ils indiquent les taux moyens qui garantissent la soutenabilité de la politique budgétaire, mais laissent aux autorités le soin de choisir la combinaison convenable pour les atteindre. Ainsi, le taux d'imposition soutenable peut être atteint par plusieurs combinaisons des impôts directs et indirects. Les gouvernements sont donc en mesure de déterminer la structure d’ajustement la moins préjudiciable à l’activité. La valeur des indicateurs dépend de l’échéance et du rapport de dette retenus par le gouvernement. Il faut donc étudier le degré de liberté dont disposent les autorités dans le choix 131 de ces deux variables, et notamment de celui du rapport de la dette. Nous avons déjà précisé que l'existence d'un stock de dette publique ne remet pas en question systématiquement la solvabilité de l'Etat. Cela n’implique pas pour autant une totale liberté dans le choix du rapport de la dette, car il est évident qu'au-delà d'un certain seuil l’Etat ne sera plus mesure d'assurer sa stabilité. En effet, le surplus primaire a un seuil maximal qu'il ne peut dépasser. Il est donc impératif de définir un plafond de dette au-delà duquel il serait impossible de générer les excédents qui garantissent la soutenabilité de la politique budgétaire. Appelons T0 les recettes fiscales maximales réalisables et G0 les dépenses publiques minimales envisageables sous les mêmes conditions. Le surplus primaire maximal que le gouvernement peut atteindre est : D0 = T0 – G0. D’après le raisonnement précédent, si le service de la dette rB est supérieur à D0, alors la politique budgétaire est certainement insoutenable. Ainsi, la dette maximale soutenable est celle définie par l'équation suivante : B* = D0 T0 − G0 . = r r Le calcul les indicateurs de soutenabilité pour une dette publique supérieure à seuil B*, conduit nécessairement à un taux d’imposition supérieur au taux maximal T0 ou bien à un taux de dépense inférieur au taux minimal G0. Ces résultats révèlent au gouvernement que sa politique budgétaire est insoutenable, car les mesures qui permettent de stabiliser le rapport de la dette sont impossibles à mettre en place. III- Les indicateurs d'impact Les analyses macroéconomiques standards considèrent que les politiques budgétaires expansives stimulent l’activité plus ou moins fortement, tandis que les politiques restrictives génère des effets récessifs. Dans ce sens, le solde budgétaire semble un indicateur d'impact assez fiable. Cette approche superficielle néglige néanmoins quelques éléments assez importants. D'abord, le théorème de Haavelmo (1945) démontre qu'une augmentation des dépenses à budget équilibré (entièrement financée par impôt) peut avoir un effet expansif. Ce résultat s'explique simplement par la supériorité de l'effet de relance exercé par les dépenses au freinage dû à l'augmentation des prélèvements. Ensuite, les approches théoriques divergent quant à l’ampleur du multiplicateur de la demande. Nous avons vu au cours des deux premiers chapitres que les 132 conclusions vont d’un effet intense à une parfaite neutralité. Les économistes de l'offre envisagent même la possibilité d'un effet multiplicateur négatif. Ces remarques montrent les limites du déficit budgétaire en tant qu’indicateur d’impact. Certains économistes ont formulé des propositions qui permettent de dépasser certains de ces inconvénients. Nous exposons notamment le travail de Blanchard qui s’est distingué à la fois par la variété et la flexibilité des indicateurs qu’il a proposés. 1- Le solde budgétaire pondéré Cet indicateur répond à la première critique qui souligne que certaines catégories de dépenses ont des effets multiplicateurs plus importants que d'autres. La même remarque est valable pour le freinage exercé par les impôts. Pour remédier à ces problèmes Blanchard (1993) propose de recalculer le solde budgétaire en pondérant les différentes catégories de dépenses et de recettes par leurs effets multiplicateurs. Le nouveau solde qui résulte de ces calculs donne une mesure plus précise de l'effet multiplicateur global de la politique budgétaire. Le principal inconvénient de cet indicateur réside dans la difficulté d’apprécier l'effet multiplicateur de chaque composante du budget. Aussi, cet indicateur s’inscrit dans la tradition keynésienne et ne rend pas compte de certains mécanismes défendus par les économistes de l’offre et les néoricardiens. 2- L’indice d’impact budgétaire L'originalité de cet indicateur est qu'il peut s'adapter aux approches keynésienne, néoclassique et néoricardienne. La principale différence entre les trois courants concerne les effets indirects de la politique budgétaire. Les néoricardiens pensent que les agents ont des durées de vie infinies33 et qu’ils anticipent parfaitement l'augmentation future des prélèvements. Toute expansion budgétaire sera par conséquent sans effet sur la consommation. Les keynésiens sont convaincus que les agents sont myopes et qu'une augmentation des dépenses publiques sera certainement à l’origine d’une augmentation de la consommation privée. Les nouveaux classiques adoptent une position intermédiaire : les agents ont des durées de vie finies et peuvent manifester un faible degré de myopie. Malgré leurs divergences, les trois approches s’accordent sur le fait que les conséquences de la politique budgétaire dépendent du degré de myopie des agents et de leurs horizons de planification. A partir de cette idée, Blanchard (1985) a conçu un indicateur d’impact qui prend 33 Grâce aux transferts entre générations qui transforment chaque dynastie en un agent à durée de vie infinie. 133 la thèse classique pour point de départ pour s'adapter ensuite aux thèses des deux autres courants. Cet indicateur, qu’il a appelé "L'indice d'impact budgétaire (IIB)", est définit par l'équation suivante : θ IIB1 = G + rcB − c(r + p ) ∫ Te −( r + p )t dt (7) 0 où "c" est la propension marginale à consommer le revenu, r le taux de rendement de la dette et p est le degré de myopie (compris entre 0 et 1-r). Le paramètre θ représente l'horizon de planification des agents et la variable t le temps. D’après l’équation (7), la réaction de la consommation dépend d’un effet de richesse positif (crB) et d’un effet de richesse négatif expliqué par l'augmentation des impôts présents et θ futurs ( c(r + p) ∫ Te −( r + p )t dt ). Le deuxième effet est décroissant par rapport à la myopie des 0 agents et croissant par rapport à leurs horizons de planifications. Pour se placer dans un contexte néoricardien, il suffit de supposer une absence totale de myopie (p=0) et un horizon de planification infini (θ =+∞). L'indicateur prend alors la forme suivante : +∞ IIB2 = G + crB − cr ∫ Te − rt dt = G + crB − crT . 0 Ainsi, si l’augmentation future des impôts couvre exactement le montant et les charges de la dette actuelle (rB=rT), alors l’effet de la politique budgétaire se limite à sa contribution directe comme le revendique Barro. Dans le cas keynésien, où la myopie est totale (p=1-r) et l’horizon de planification est nul, l'indicateur devient : IIB3 = G + rcB . D’après cette équation, la dette publique est considérée comme une richesse nette par les agents. Elle contribue ainsi à relancer les dépenses privées. Si l'indicateur proposé par Blanchard a le mérite de pouvoir s'adapter aux trois principales approches de la politique budgétaire, il comporte néanmoins deux inconvénients de taille. Premièrement, il néglige un argument central de l'analyse classique, à savoir l'effet d'éviction. Deuxièmement, l'utilisation de ces indicateurs demande une estimation de la propension à 134 consommer et surtout du degré de myopie. Or, ces paramètres sont très difficiles à estimer. Les auteurs leur attribuent souvent des valeurs arbitraires qui n'ont aucun appui théorique ou empirique. 3- Les indicateurs basés sur la comparaison des déficits Blanchard (1985) admet que les choix arbitraires de p et de c limitent considérablement la fiabilité de l'indice d’impact budgétaire. Il formule ainsi deux propositions à travers lesquelles il essaye de remédier à ce problème. Il propose le déficit courant (DC) corrigé de l'inflation et rapporté au PNB comme indicateur d’impact conforme à la vision keynésienne : ( ) DC = G + r B − T Y Y Y Selon cet indicateur, les consommateurs considèrent les titres publics comme une richesse nette et consomment la totalité des intérêts qu'ils leur procurent. Seule l'augmentation immédiate des prélèvements limite l'effet positif de la politique budgétaire. L'indicateur inspiré des idées néoclassiques se distingue du premier, en intégrant un taux d'imposition moyen calculé sur une période de quelques années. Il permet ainsi de tenir compte des baisses futures de la richesse que génère la politique budgétaire actuelle. Sa formule ne diffère de l’équation précédente que par la variable qui représente les prélèvements fiscaux : DCi = G Y ( Y ) −T Y +r B i où Ti représente la moyenne des prélèvements fiscaux sur les i prochaines années. Section 3 : Les effets de redistribution Beaucoup d’économistes considèrent les effets de redistribution générés par la politique budgétaire comme un problème intrinsèquement différent de celui de la stabilisation macroéconomique. De nouvelles directions de recherche essayent toutefois de bouleverser cet ordre établi, en mettant en avant les liens entre le volet redistributif et les conséquences macroéconomiques des politiques budgétaires. Le passage d’une évaluation positive des politiques économiques à une évaluation normative a contribué à rapprocher ses deux facettes de la politique budgétaire. Grâce à son impact sur le bien-être des agents, la redistribution est 135 devenue l’un des déterminants de l’efficacité de la politique budgétaire. Ce problème touche des domaines variés tels que l’affectation des revenus entre les groupes sociaux, entre les régions et entre les générations. Il concerne également l'allocation des facteurs de production dans le temps. Chacun des domaines mentionnés ci-dessus nécessite l'élaboration d'un ou plusieurs indicateurs qui tiennent compte de ses spécificités. Un axe de recherche particulièrement intéressant concerne la répartition des ressources entre les générations. Son importance se justifie en grande partie par les indications précieuses qu’il fournit quant aux conséquences de long terme de la politique budgétaire. Les travaux menés dans ce sens ont débouché sur les "comptes générationnels". I- Présentation des comptes générationnels Les comptes par génération ont été conçus par Auerbach, Gokhale et Kotlikoff (1991). A travers une série d'article, ces auteurs ont expliqué les fondements théoriques de cette nouvelle approche et explicité les avantages qu'elle offre par rapport aux comptes publics standards. 1- Pourquoi les comptes par génération ? Les concepteurs de cette technique considèrent que le déficit budgétaire est une mesure arbitraire qui ne reflète pas le sens économique des opérations comptables. L'illustration la plus importante et la pertinente de cette critique est celle que nous avons mentionnée au début de ce chapitre et qui concerne les pensions de retraite et les cotisations à la sécurité sociale. Dans les comptes publics, ces deux opérations sont assimilées respectivement à des dépenses de transfert et à des prélèvements définitifs. Economiquement les cotisations à la sécurité sociale ne diffèrent en rien d'une obligation qui arrive à maturité à une échéance bien précise. Kotlikoff (1989) affirme que si les soldes budgétaires sont recalculés en s'appuyant sur cette définition des cotisations sociales, alors les déficits d'un grand nombre de pays augmenteront dans des proportions faramineuses. Cet exemple montre que le déficit budgétaire est un résultat qui dépend des définitions comptables des recettes et dépenses. Si les définitions retenues sont incohérentes avec les fonctions économiques des opérations, alors le solde budgétaire donnera une mauvaise appréciation de la situation financière présente et future de l’Etat. La meilleure solution consiste à redéfinir les recettes et les dépenses d’une façon qui redonne au solde budgétaire sa pertinence économique. Cependant, la difficulté d'arriver à un consensus concernant ces définitions rend cette solution difficile à mettre en œuvre. Une 136 alternative plus réaliste consiste à développer une nouvelle technique qui exploite les données comptables du budget sans susciter de conflit concernant leurs définitions économiques. C’est dans cette optique qu’Auerbach, Gokhale et Kotlikoff proposent "les comptes par génération". L’utilité des comptes par génération dépasse la réponse qu’ils apportent à cette première critique. Ils permettent également une meilleure appréciation de l'impact de la politique budgétaire en précisant la distribution du revenu national parmi les différentes classes d'âge. Deux politiques qui se traduisent par un même déficit budgétaire, mais qui empruntent des schémas redistributifs différents, ont généralement des répercussions différentes sur l'activité. Une grandeur agrégée comme le déficit budgétaire ne rend pas compte de ces détails, qui jouent pourtant un rôle déterminant dans la réussite des politiques de relance. 2- La conception des comptes par génération Un compte générationnel est un tableau comptable qui, pour un exercice budgétaire donné, précise un solde à chacune des générations en vie ainsi qu’aux générations futures. Ce solde représente l’écart entre les paiements actualisés que les membres d'une génération doivent verser à l'Etat depuis l’exercice budgétaire en question et jusqu'à la fin de leurs vies, et les transferts qu'ils vont encaisser au cours de cette même période. L’équation suivante définit cet écart : k +D Nt ,k = ∑ i = max ( t , k ) i 1 j = t +1 (1 + rj ) T i , k Pi ,k ∏ où Nt,k est le solde à la date t de la génération née à l'année k, T i , k est la contribution nette reçue par l'Etat à l'année t de chaque membre de la génération k34, Pt,k est le nombre d’individus appartenant à la génération k (le nombre de personnes nées à l'année k et qui sont encore en vie à l'année t), rj est le taux d'intérêt à la date j et D est la durée de vie moyenne des membres des différentes générations. Les impôts versés, les transferts reçus et la durée de vie sont des moyennes estimées à partir des statistiques disponibles pour chaque génération. Le taux d'intérêt est supposé constant. Pour réduire la taille de ces comptes et faciliter leur lecture, les différentes générations sont souvent regroupées dans des classes d'âge. L'amplitude de ces classes est habituellement de cinq ans, mais peut varier selon la finalité du tableau. 34 La contribution nette est égale à l’écart entre tous les impôts directs et indirects supportés par les membres de la génération en question et les transferts reçus par ces mêmes agents à la date t. 137 Une fois que les soldes de toutes les générations en vie ont été calculés, la contribution nette des générations futures sera déduite à partir de l'équation suivante : D ∞ ∞ i =0 i =1 i =t i 1 j = t +1 (1 + rj ) ∑ Nt ,t −i + ∑ Nt ,t +i = Wt g + ∑ Gi ∏ où Wgt représente la richesse nette de l'Etat (son patrimoine financier et réel) à la date t et Gi ses dépenses durant l'année i. Cette équation n’est qu’une reformulation de la contrainte budgétaire intertemporelle de l'Etat. Elle précise que l’équilibre budgétaire impose aux générations actuelles et futures de fournir des contributions nettes qui permettent de financer les dépenses publiques35, tout en garantissant la stabilité de la richesse de l’Etat. La contribution nette des générations futures représente le solde de cette équation. Il est calculé en supposant que l’Etat maintiendra ses dépenses et sa richesse au même niveau durant toutes les périodes à venir. Les charges sont ensuite réparties uniformément entre les membres de toutes les générations futures, supposant ainsi que l’Etat leur réservera un traitement équitable. La principale implication de cette équation est que toute baisse de la contribution nette des générations actuellement en vie se traduit nécessairement par une augmentation de la contribution nette des générations futures, toutes choses égales par ailleurs. Ainsi, si l'Etat décide d'augmenter les transferts vers les générations actuelles, tout en maintenant ses dépenses et sa richesse stables au cours du temps, alors il sera contraint d’augmenter les prélèvements ou de réduire les transferts vers les générations futures de façon à augmenter leur contribution nette. Toute politique de transfert équivaut donc à une réallocation des ressources dans le temps et parmi les différentes générations. 3- Les avantages de cette technique Les comptes générationnels peuvent être exploités dans trois directions. Ils permettrent d’abord de résoudre certains problèmes qui concernent l'impact et l’orientation de la politique budgétaire. Ils offrent également des éclaircissements au sujet des problèmes de long terme à travers la comparaison des charges qui pèsent sur les générations actuelles et sur les générations futures. L’ampleur des déséquilibres générationnels donne une idée sur l’ampleur des réformes budgétaires qu’il faut entreprendre pour les réduire. Enfin, ils représentent un outil d’aide à la 35 Cette définition des dépenses publique ne tient pas compte des dépenses de transferts. 138 décision, puisqu’ils permettent une meilleure évaluation des différentes alternatives budgétaires en précisant le schéma de redistribution que génère chacune d’entre-elle. 3.1- Des résultats moins conflictuels Les comptes par génération résolvent les problèmes relatifs au sens économique des opérations comptables. Qu’elles soient considérées comme un transfert ou comme le remboursement d’une dette, les pensions de retraite représentent toujours une ressource supplémentaire pour les membres de chaque génération. De même, les cotisations à la sécurité sociale constituent des charges pour les agents, indépendamment du fait qu'elles soient perçues comme un impôt ou comme un placement de long terme. La caractéristique essentielle de chaque opération comptable est son appartenance aux dépenses ou aux ressources. Par ailleurs, nous avons mentionné que l'inflation, les charges de la dette et la gestion du patrimoine public biaisent le solde budgétaire et conduisent à une mauvaise appréciation des mesures discrétionnaires entreprises par le gouvernement. Les comptes par génération proposent des solutions à ces problèmes. Ainsi, la contribution nette de chaque génération est calculée à prix constants36. La valeur réelle du patrimoine de l'Etat est évaluée pour l'exercice budgétaire en cours, puis elle est supposée constante au fils des périodes. La croissance est prise en compte dans l’évaluation des transferts futurs et des charges fiscales futures. Le taux de croissance est supposé stable et les fruits de la croissance sont répartis équitablement entre les différentes générations. 3.2- Une meilleure appréciation des conséquences futures de la politique budgétaire La comparaison des charges nettes assumées par les générations actuelles à celles qui seront supportées par les générations futures permet de voir si le fardeau des dépenses publiques est équitablement réparti entre les générations. Pour l'année 1989 par exemple, Auerbach, Gokhale et Kotlikoff (1991) estiment que chacune des générations futures aux Etats Unis supportera une contribution nette supérieure de 20% à celle de la génération née durant la même année. En cas d'une répartition inégale des charges, les comptes générationnels donnent des indications quant aux mesures à entreprendre pour réduire ces inégalités. Pour les résultats de l’année 1989, Auerbach, Gokhale et Kotlikoff signalent que si le gouvernement américain 36 L’indice des prix retenu correspond à l’exercice budgétaire au cours duquel les comptes sont élaborés. 139 décide d’engager une action immédiate, alors une hausse de 5.3% du taux d'imposition moyen sera nécessaire pour éliminer la disparité des charges entre les générations. Les comptes donnent également une idée sur les coûts que génère le retardement des redressements. Ainsi, Auerbach, Gokhale et Kotlikoff soulignent que si le gouvernement retarde la hausse des prélèvements de dix ans, alors l’écart entre les charges nettes qui seront supportées par la génération 1989 et par les générations futures passera de 20 à 35%. Si la hausse des prélèvements est retardée de vingt ans, l'écart atteindra 57%. En conclusion, les comptes par génération offrent de précieuses informations concernant les conséquences futures des politiques budgétaires actuelles. Moyennant quelques hypothèses, ils indiquent aux autorités les mesures à entreprendre pour éviter les difficultés budgétaires dans le futur. Ils précisent également les coûts des retards et permettent ainsi aux autorités de sélectionner le meilleur timing pour le redressement. 3.3- Une mesure des effets allocatifs de la politique budgétaire Ayant une structure moins agrégée que les tableaux de synthèse de la comptabilité nationale, les comptes générationnels permettent une meilleure appréciation de l'allocation des ressources au sein d'une économie. Ils décrivent les conséquences de toute mesure budgétaire sur la richesse nette de chaque génération, sur la composition de cette richesse et sur sa répartition entre les différentes catégories de dépenses. Cet ensemble d'information permet aux autorités de différentier entre des politiques qui semblent identiques du point de vue du déficit budgétaire. Dans leur article de 1991, Auerbach, Golkhale et Kotlikoff fournissent quelques exemples qui illustrent les avantages offerts par la comptabilité par génération. L’un de ces exemples consiste à simuler trois politiques budgétaires et à étudier leurs impacts sur la répartition de la richesse entre les générations. La première mesure est une augmentation permanente de 20% des allocations sociales de retraite et d'invalidité, financée par une augmentation des impôts sur les salaires. La deuxième consiste à baisser les prélèvements salariaux de 30% et de les compenser par une augmentation des impôts sur la consommation. Enfin, la troisième mesure consiste à supprimer les aides aux investissements afin d’alléger le taux d'imposition sur le revenu du capital qui sert à financer ces transferts. Bien qu’elles n'exercent aucune influence sur le solde budgétaire, ces trois politiques auront des répercussions très différentes sur les 140 contributions nettes des différentes générations. La première politique est favorable aux vieilles générations et défavorable aux actuels et futurs salariés. Les personnes appartenant à la classe d'âge [70ans -80ans] bénéficient de la baisse la plus importante des contributions nettes, soit un montant de 11900 dollars. Cette baisse se fait principalement au détriment des personnes ayant entre 20 et 30 ans et entre 30 et 40 ans qui voient leurs contributions nettes s’accroître respectivement de 5500 et 5200 dollars. Les générations futures doivent également débourser 3100 dollars supplémentaires. La suppression des aides aux investissements constitue également un transfert des jeunes vers les vieux. L'ampleur de ce transfert est toutefois moins spectaculaire que celui provoqué par l'augmentation des pensions de retraites. Les 70-80 ans tirent toujours le plus grand bénéfice de cette opération : la baisse de leur contribution nette s’élève à 5500 dollars. Les 20-30 ans supportent la part la plus importante de l'augmentation des charges, soit 2300 dollars. Il est également intéressant de noter que cette politique n'exerce qu'une influence mineure sur le solde des générations futures qui enregistre une hausse de 200 dollars. Enfin, la troisième mesure génère un schéma de répartition inverse. Elle amplifie les charges des vieilles générations et réduit celles des jeunes, tout en ayant une influence négligeable sur les comptes des générations à venir. Les résultats de ces simulations montrent l’étendu des informations que les comptes par génération sont capables de fournir et le rôle capital qu’ils peuvent jouer en tant qu’outil d’aide à la décision. II- Les principales lacunes 1- Un bouclage macroéconomique incomplet Les comptes par génération prévoient l'évolution des recettes et des dépenses publiques en s’appuyant sur le même scénario de croissance. Les corrections apportées à ces flux de revenu sont toujours identiques, puisque le taux d'intérêt et le taux d'inflation sont supposés stables au fil des périodes, même en cas de changement de politique budgétaire. 1.1- Les problèmes posés par ces simplifications Les hypothèses que nous venons d’énumérer sont irréalistes, car des grandeurs tels que 141 l'inflation, le taux de croissance et le taux d'intérêt subissent l’influence de la politique budgétaire. Du point de vue keynésien, une expansion budgétaire stimule la consommation et l'investissement et se répercute positivement sur la production. Le nouvel équilibre sera caractérisé par une croissance renforcée mais également par une inflation plus importante. Selon la doctrine classique, l'expansion budgétaire s'accompagne d'une augmentation du taux d'intérêt qui évince les investissements et limite la croissance. Ces deux exemples montrent qu’on ne peut apprécier les conséquences d'une politique budgétaire sans tenir compte des mécanismes économiques qu'elle déclenche. L’intégration de ces mécanismes dans les comptes générationnels reste problématique, car les relations entre les agrégats sont loin d'être stables. Leurs influences sur les recettes et les dépenses de l'Etat sont également assez imprévisibles. Nous avons vu qu'un redressement budgétaire qui est sensé exercer un effet récessif sur l'économie, peut contre toute attente relancer la croissance. Le sort du redressement dépend de sa composition, de la conjoncture économique, mais également des anticipations, des politiques d'accompagnement et de nombreux autres facteurs. Or, comme toute approche comptable, les comptes par générations sont construits à partir d’identités stables caractérisées par la régularité de leurs fonctionnements. Ils ne peuvent donc appréhender un bouclage macroéconomique incertain. 1.2- Les répercussions sur la fiabilité des résultats L’irréalisme du bouclage macroéconomique limite sensiblement l'apport des comptes par génération. L’une des originalités de cette approche est qu'elle permet de cerner les conséquences immédiates et futures de la politique budgétaire. Sans un bouclage macroéconomique approprié, elle devient inapte à accomplir ces deux missions. Le calcul des contributions nettes des générations futures surestime ces charges d'un point de vue keynésien et les sous-estime d'un point de vue néoclassique. Dans la logique keynésienne, une politique budgétaire expansive s'autofinancera au moins partiellement en générant un surplus de recettes fiscales grâce à son impact sur la demande. Ainsi, les générations futures ne supportent qu'une très légère augmentation de leurs contributions nettes. Du point de vue néoclassique, les comptes générationnels négligent l'impact de l'augmentation du taux d'intérêt sur les investissements et sous-évaluent l'augmentation des charges qui résultera de l’expansion budgétaire. En définitive, la démarche retenue par Auerbach, Gokhale et Kotlikoff ne correspond à aucun des scénarios prônés par les différents courants de pensée. 142 Nous avons souligné que cette technique peut aider les autorités à acheminer les ressources vers les personnes qui consomment le plus, de façon à maximiser le multiplicateur budgétaire. Toutefois, les indications fournies par les comptes générationnels souffrent de deux problèmes. Le premier est qu'elles supposent que les propensions moyennes à consommer sont insensibles à la politique budgétaire. Plusieurs arguments vont dans le sens contraire. D'abord, les incitations générées par certaines mesures fiscales poussent les agents à modifier la répartition de leurs revenus entre la consommation et l’épargne. En outre, la propension moyenne à consommer des agents qui subissent des contraintes de liquidité est sensible aux politiques de redistribution. En augmentant les revenus des agents concernés par ce problème, la politique budgétaire accroîtra également leurs propensions moyennes à consommer37. Enfin, le même résultat se produit lorsqu’une forte incertitude pèse sur les revenus futurs. En transférant une partie des revenus futurs vers le présent, l'Etat limite cette source d’incertitude, réduit l'épargne de précaution et stimule la consommation. Les remarques que nous venons de souligner concernent certaines générations plus que d’autres. Les générations les plus âgées réagiront davantage à une taxe sur la consommation qu’à un impôt sur les revenus salariaux. Les générations encore actives seront plus affectées par la seconde mesure. Les vieilles générations souffrent peu de l’incertitude et subissent moins les contraintes de liquidité, alors que les jeunes générations sont beaucoup plus touchées par ces deux phénomènes. Deuxièmement, les comptes par générations négligent les variations des prix relatifs et les effets de substitution qui en découlent. Le partage du temps entre le travail et le loisir est un exemple de décision qui dépend de la structure des prix relatifs. Une politique budgétaire qui consiste à baisser l’impôt sur les salaires augmentera le coût d'opportunité du loisir et stimulera l’offre de travail. L'augmentation du nombre d'heures travaillées accroît le potentiel de consommation des ménages. Par ailleurs l’augmentation de l’offre de travail peut également se traduire par une baisse du salaire réel, ce qui risque de limiter la consommation. La variation des prix relatifs peut donc générer des effets contradictoires, ce qui rend difficile une bonne appréciation de ses conséquences finales. 37 Nous avons précisé dans le premier chapitre que ce résultat est valable même lorsque l'accroissement du revenu actuel sera compensé par une augmentation des prélèvements futurs. 143 En conclusion, on peut dire que les comptes par génération décrivent les conséquences de la politique budgétaire lorsque les agents continuent à consommer, à épargner et à travailler de la même façon avant et après la mise en place de la politique en question. Ces hypothèses limitent la fiabilité des résultats fournis par cette approche. 2- Une vision incomplète de la politique budgétaire Auerbach, Gokhale et Kotlikoff (1991) négligent toutes les catégories de dépenses qui ne prennent pas la forme d’un transfert d’argent de l’Etat vers les agents. Il s’agit, à notre sens, d’une erreur méthodologique qui biaise les résultats des comptes et conduit à des conclusions trompeuses, comme nous allons le démontrer. 2.1- Faut-il se limiter aux dépenses de transfert ? Nous pensons que les écarts entre les contributions nettes des différentes générations s’expliquent essentiellement par l’existence de dépenses autres que les transferts, dont l’exclusion rend la comparaison entre les soldes des différentes générations totalement obsolète. Avant d’expliciter notre point de vue, nous rappelons qu’Auerbach, Gokhale et kotlikoff arrivent à deux principales conclusions : (i) la contribution nette de chaque génération est toujours positive ; (ii) il y a un déséquilibre au niveau des contributions nettes qui profitent aux vieux. Les générations les plus âgées ont supporté des charges réduites et bénéficient actuellement d'importants transferts, tandis que le contraire est vrai pour les jeunes générations et pour les générations futures. Nous proposons les explications suivantes à ces résultats. D'abord, il est tout à fait logique que les soldes de toutes les générations soient positifs si on tient compte de l'intégralité des impôts qu'elles payent, tout en comptabilisant seulement une partie des dépenses dont elles bénéficient. Les recettes fiscales servent en partie à financer des services vitaux tels que l'enseignement, la santé et la sécurité qui profitent aux différentes générations, même s’ils ne prennent pas la forme d’un transfert d’argent. En évaluant correctement ces services et en les intégrant dans le calcul des comptes, on se rapprochera certainement d'un solde équilibré pour chaque génération. D'autre part, les services publics se sont diversifiés et leur qualité s’est améliorée sensiblement au cours des dernières décennies. Les jeunes générations jouissent ainsi de meilleures prestations et de certains services publics qui étaient quasi-inexistants jusqu'à un passé récent. Les vieilles générations ont certes supporté moins de charges que leurs 144 homologues plus jeunes, mais elles avaient par contre un accès très réduit à des services tels que l'enseignement et la santé. Dans ce cas, la disparité entre les charges assumées par les jeunes et les vieux contribuables n’est pas la preuve d'une répartition inéquitable du fardeau des dépenses publiques entre les générations, mais reflète plutôt l'écart entre les services publics dont elles ont bénéficié. Il est donc possible que le bien-être des générations actuelles soit plus élevé que celui des générations passées, malgré que les résultats des comptes générationnels favorisent une conclusion totalement opposée. En effet, si on tient compte de l'intégralité des services perçus, ont peut ramener les charges nettes supportées par les jeunes générations au même niveau que celles supportées par les vieilles générations, sauf que ces dernières n'ont pas bénéficié d'autant de services publics. A charges égales, les générations actuelles bénéficient donc d'une gamme de service plus étendue et ont plus de chance d’atteindre un niveau de satisfaction plus élevée. L'augmentation du bien-être est d'autant plus importante, que ces générations auraient payé ces services beaucoup plus cher s'ils n'étaient pas assurés par le secteur public. En définitive, les charges supportées par les jeunes générations, permettent en effet de garantir des services vitaux à des moindres coûts et contribuent ainsi à améliorer le bien-être des agents en question. 2.2- La solution proposée La prise en compte des dépenses autres que les transferts est une opération très délicate. En effet, les services financés par ces dépenses sont difficiles à évaluer, car ils ne sont pas échangés sur des marchés régis par les lois de l’offre et de la demande. Le prix proposé au public ne reflète donc pas la vraie valeur marchande du service offert. Face à ce problème, Vasseur (1995) propose une solution simple et pertinente, qui consiste à comptabiliser les services en question à leurs coûts de production. Cette solution est facile à intégrer au niveau des comptes par générations. Toutes les statistiques nécessaires à l’appréciation des coûts des services publics sont disponibles dans les comptes nationaux. Il suffit ainsi de ventiler ces coûts entre les générations en fonction de l'intensité de leurs utilisations des services en question. Les dépenses non ventilables sont réparties d’une façon égale entre les générations. A l’instar des autres catégories de recettes et de dépenses, ces chiffres seront corrigés de l'impact de la croissance et de l'inflation. 145 III- Pour une meilleure exploitation des comptes par génération Dans la continuité des critiques que nous venons de développer, nous proposons quelques idées qui permettent de parfaire les résultats des comptes par générations et d’en tirer davantage d’enseignements. 1- Une endogénéisation de certains paramètres et variables Nous avons souligné que les comptes par générations sont incapables d’intégrer certains mécanismes endogènes de l’économie. Nous proposons deux solutions à ce problème. La première solution consiste à tenir compte de l’impact des mesures budgétaires sur le comportement des différentes générations. Ainsi, nous proposons d’estimer pour chaque génération les élasticités de la consommation et de l'offre de travail aux dépenses de transfert et aux taux d'imposition. La méthode utilisée par Auerbach, Gokhale et kotlikoff pour le calcul des prélèvements moyens et des transferts moyens par génération, permet également de calculer les élasticités moyennes de la consommation et de l'offre de travail aux transferts et aux principaux taux d’imposition. Ces élasticités permettent notamment de prévoir l’évolution de la propension à consommer et de l'offre de travail de chaque génération à la suite d’un changement de la politique budgétaire. Elles garantissent donc une meilleure appréciation de l’évolution de la contribution nette de chaque génération une fois la politique est mise en place. Pour exploiter les élasticités estimées nous préconisons une procédure en quatre étapes. Elle débute par une évaluation des conséquences de la politique budgétaire étudiée sur les transferts moyens et les taux de prélèvement moyens de chaque génération. Les élasticités estimées permettent ensuite d’anticiper les variations de la proportion moyenne à consommer et du nombre moyen d'heures de travail offertes par chaque génération. La troisième étape consiste à prévoir les variations des recettes fiscales et des dépenses de transferts induites par les variations de l’offre de travail et de la consommation. Une fois les variations des recettes et des dépenses estimées, on reprend la démarche d’Auerbach, Gokhale et kotlikoff pour calculer le solde de chaque génération. La deuxième proposition consiste à calculer les contributions des différentes générations en s’appuyant sur plusieurs scénarios de croissance, qui s’inspirent des différentes approches théoriques. Nous avons vu que les modèles peuvent être conçus de façon à s’adapter à plusieurs doctrines. On peut passer d’une vision de l’économie à l’autre en ajustant les valeurs de certains 146 paramètres du modèle, tels que ceux qui reflètent le degré de myopie ou l’horizon de planification des agents. Dans un contexte keynésien, les générations sont totalement myopes et consomment en fonction de leurs revenus courants. Dans un monde néoricardien, la décision de consommation est indépendante des variations du revenu courant. Le modèle peut également refléter les points de vue des divers courants quant aux conséquences inflationnistes de la politique budgétaire et ses répercussions sur le taux d’intérêt. Les différents scénarios offrent une information précieuse aux autorités concernant les conséquences possibles de leurs interventions, en leur décrivant les meilleures perspectives comme les pires. 2- Une exploitation moins ambitieuse et plus réaliste des résultats Prétendre que cette technique permet une évaluation exhaustive des conséquences de la politique budgétaire relève d'un excès d'optimisme de la part de ses concepteurs. Nous avons soulevé dans les paragraphes précédents des problèmes aussi bien techniques que théoriques liés à cette approche. Il est donc plus lucide de profiter de la complémentarité entre cette technique et le reste des indicateurs, que de s'accrocher à un objectif d'exhaustivité qu'aucun indicateur ne peut remplir. L'imbrication des informations fournies par les différents indicateurs permet aux autorités de porter un jugement plus précis quant aux conséquences de leurs interventions. Les indicateurs de soutenabilité renseignent les autorités sur les difficultés financières futures, mais surtout sur l’ampleur de l’action à entreprendre pour les éviter. De leur côté, les comptes par générations permettent de distinguer l’ensemble de mesures qui satisfait le critère de soutenabilité précisé par le premier indicateur, tout en garantissant la meilleure répartition des charges entre les générations. Cet exemple illustre l’usage complémentaire que peuvent faire les autorités des divers outils d’aide à la décision dont elles disposent. 147 Chapitre 4 Réputation et crédibilité : les nouveaux déterminants de la politique monétaire La nouvelle école classique assimile le choix de la politique monétaire à un jeu qui oppose la banque centrale aux travailleurs. En information parfaite, cette approche conclut à la neutralité de la politique monétaire. Ses effets réels de court terme sont rationalisés par l’existence des asymétries d’information. Il s’agit néanmoins d’effets transitoires qui se convertissent rapidement en inflation. Devant l’inefficacité des tentatives de relance, les nouveaux classiques recommandent l’abandon des objectifs réels et l’affectation de la politique monétaire à la lutte contre l’inflation. Une telle conduite de la politique monétaire doit être crédible auprès du public afin d'atteindre le résultat escompté. Les autorités monétaires doivent donc entreprendre les mesures susceptibles de convaincre le public de l’abandon de l’activisme monétaire au profit 148 d'une gestion purement anti-inflationniste. Dans la première section nous analyserons les fondements de l’approche proposée par la nouvelle école classique. Nous commençons par identifier les mécanismes qui assurent le lien entre les sphères monétaire et réelle. Nous aborderons également la question du choix de l’instrument de la politique monétaire et nous étudierons les motivations qui animent les différentes catégories d’agents. Nous démontrerons que le jeu qui oppose les autorités monétaires aux travailleurs se solde par un fort taux d’inflation sans contrepartie réelle. La deuxième section sera consacrée à l’étude des asymétries d’information et de leurs conséquences sur les résultats du modèle. Nous démontrerons que l’avantage d’information dont bénéficie la banque centrale lui permet de stimuler l’activité à court terme. Dans la troisième section nous passerons en revue les solutions qui permettent de résorber le biais inflationniste. La littérature présente les règles monétaires et l’indépendance de la banque centrale comme les principaux remèdes à ce problème. Nous démontrerons l’efficacité de ces solutions à l’aide des modèles appropriés, puis nous analyserons leurs degrés de réalisme. La quatrième et dernière section sera consacrée aux critiques formulées à l’encontre de l’approche classique. Nous nous arrêterons sur ses principaux disfonctionnements et nous proposerons quelques idées qui permettent de les dépasser. 149 Section 1 : Les objectifs réels et le biais inflationniste Kydland et Prescott (1977) constatent que la théorie du choix optimal souffre d’un problème de cohérence temporelle, qu’ils expliquent par la restriction de l’ensemble d’information qui sous-tend les anticipations aux seuls événements passés. En effet, une décision optimale exante peut devenir sous-optimal expost lorsque de nouveaux événements surviennent entre le moment de la prise de décision et le moment de sa mise en application. Kydland et Prescott (1977) apportent quelques modifications à la théorie du choix optimal afin d’écarter le problème d’incohérence temporelle. En étudiant le problème de décision de la banque centrale à l’aide de cette nouvelle technique, ils constatent que la politique temporellement cohérente conduit à un taux d'inflation excessif sans réussir pour autant à réduire le taux de chômage. Une telle stratégie est sous optimale, dans la mesure où un taux d'inflation plus faible pouvait être atteint sans détériorer le volume de l'emploi. Pour permettre la transition vers un équilibre plus satisfaisant, les auteurs recommandent l’abandon du mode de décision discrétionnaire en faveur d'un régime plus transparent. Les idées de Kydland et Prescott ont été reprises et approfondies par Barro et Gordon (1983a et b) qui démontrent l'inefficacité de la politique monétaire dans un univers d'information parfaite. En s’appuyant sur la fonction d’offre proposée par Lucas (1973), ils démontrent que des travailleurs rationnels sont en mesure de neutraliser les tentatives de relance de la banque centrale en procédant à des ajustements adéquats de leurs salaires nominaux. Dans ce cas, les politiques expansionnistess se traduisent ainsi entièrement en inflation. Ce résultat, qualifié dans la littérature de "biais inflationniste", est inévitable tant que le public est convaincu que les autorités monétaires sont animées par des tentations inflationnistes. I- Les fondements de l’analyse classique La nouvelle école classique propose une version moderne de la théorie quantitative de la monnaie, basée sur la rationalité des anticipations et la flexibilité des prix d’un côté et sur les techniques de la théorie des jeux de l’autre. 150 1- Le choix de l’instrument Dans les modèles keynésiens, l’équilibre du marché monétaire définit une relation bijective entre le taux d’intérêt et l'offre de monnaie. Lorsque cette relation est satisfaite, la banque centrale est indifférente quant au choix de l'instrument : à chaque trajectoire du taux d'intérêt correspond une trajectoire de la masse monétaire et vice versa. L'équilibre LM a connu néanmoins de sérieuses remises en question. Nous rappelons que la volatilité accrue de la demande de monnaie a déstabilisé la relation entre le taux d'intérêt et la masse monétaire38. Nous soulignons également l’instabilité des relations entre les instruments de la politique monétaire et les agrégats macroéconomiques tant au niveau de l’ampleur qu’au niveau des délais de réaction. Nous signalons enfin que les banques centrales rencontrent de plus en plus de difficultés pour contrôler les trajectoires de leurs instruments, car les innovations financières ont profondément modifié les canaux de transmission habituels de la politique monétaire. En présence de ces imperfections, les nouveaux classiques considèrent que le contrôle de l'offre de monnaie garantit une meilleure gestion de la politique monétaire. Les monétaristes s’appuient sur les résultats du modèle de Poole (1970) pour justifier l’adoption d’objectifs en termes de masse monétaire. Bien qu’ils préconisent un mode de gestion similaire, les nouveaux classiques rejettent les arguments monétaristes en considérant que le raisonnement qui les sous-tend demeure d’inspiration keynésienne. Le modèle de Poole admet l’existence d’un lien entre les sphères réelles et monétaires par le biais du taux d’intérêt, ce que réfutent les nouveaux classiques. Grâce à la flexibilité des prix ils généralisent le processus du "market clearing" et considèrent que le recours à la politique monétaire pour des fins de stabilisation est totalement inutile. En l’absence des objectifs réels, le contrôle de l'inflation s’impose comme l’unique préoccupation des autorités monétaires. L’accomplissement de cette tâche nécessite la spécification d’objectifs intermédiaires en termes de masse monétaire. En effet, les modèles théoriques avec masse monétaire sont les seuls à offrir une théorie robuste de l’inflation à long terme. De plus, les études empiriques confirment l’existence d’une relation suffisamment stable entre le taux d'inflation et l'offre de monnaie à long terme. 38 Voir la deuxième section du premier chapitre. 151 Bien qu’ils se différentient par leurs fondements théoriques, les nouveaux classiques s’associent aux monétaristes en revendiquant des règles transparentes qui permettent de dissiper l’incertitude et de limiter les tensions inflationnistes. Quant aux problèmes liés à l’instabilité de la demande de monnaie, ils peuvent être résolus en ayant recours à des règles flexibles, à l’instar de celle spécifiée par MacCallum. 2- La transmission des mesures monétaires Les auteurs classiques minimisent la portée d’une transmission par le canal de la demande, car la flexibilité des prix assure un retour rapide au plein emploi à la suite d’un choc. Ainsi, les mesures qui visent à stimuler les composantes de la demande ont des conséquences purement inflationnistes, car l’offre est incapable de fournir le surcroît de produits souhaité. La seule rigidité reconnue par la nouvelle école classique concerne les salaires nominaux. Elle s’explique par l’existence des coalitions de travailleurs qui sont hostiles à toute dépréciation du pouvoir d'achat. A la suite d’un choc, le taux de salaire réel peut donc s’écarter de son niveau d’équilibre pendant une longue période. En dehors des chocs macroéconomiques, plusieurs autres facteurs peuvent conduire à une surévaluation du taux de salaire réel par rapport à sa valeur d'équilibre. La théorie du salaire d’efficience met en avant la volonté des entrepreneurs de stimuler l’effort de leurs salariés. La relation croissante entre l'effort et la rémunération réelle leur permet d’accroître la productivité des employés en les rémunérant au-dessus du salaire réel de marché. Barro et Gordon (1983b) proposent une approche alternative qui désigne les distorsions générées par les impôts comme responsables de la divergence du salaire réel d’équilibre de son niveau optimal. Dans les deux cas, les représentations syndicales bloquent le salaire réel à un niveau assez élevé, et contraint le marché du travail à un équilibre de rationnement (l'offre est toujours supérieure à la demande). Le chômage généré par la rigidité des salaires réels place l’emploi en tête des objectifs réels des banques centrales. Les mécanismes qui permettent de résoudre ce problème passent par le canal de l’offre. La solution consiste à mettre en place des politiques inflationnistes qui stimulent la demande de travail en induisant le taux de salaire réel à la baisse. 152 3- Le comportement de la banque centrale Les banques centrales sont animées en permanence par deux tentations contradictoires : une aversion envers l'inflation qui les pousse à pratiquer une politique restrictive, et des objectifs réels qui les incitent à entreprendre les mesures expansionnistess. Dans ce paragraphe, nous passons en revue les idées qui sous-tendent cette approche comportementale des banques centrales. 3.1- L'aversion envers l'inflation L'idée selon laquelle la banque centrale est hostile à une augmentation du taux d'inflation est largement admise parmi les économistes, bien qu'elle ne dispose pas de fondement théorique solide comme le soulignent Barro et Gordon (1983a). Deux principaux arguments peuvent justifier l'aversion des autorités monétaires envers l'inflation. Le premier est qu’elle se répercute négativement sur le pouvoir d'achat des agents. La transmission de cette aversion à la banque centrale peut être interprétée comme une pression de la part des agents concernés, comme elle peut refléter tout simplement l'intérêt spontané qu'accorde la banque centrale aux bien-être de la société. Les autorités monétaires peuvent également s'inquiéter de l'impact d'une baisse du pouvoir d'achat sur l'activité39. Le deuxième argument met l'accent sur l'interdépendance entre l'inflation présente et l'inflation future. Le processus générateur des anticipations établit souvent un lien intertemporel entre les taux d'inflation : les anticipations inflationnistes sont positivement corrélées au taux d'inflation actuel. Ainsi, une augmentation excessive du taux présent peut alimenter les taux futurs et affecter les performances de l'économie à moyen et long terme. Pour éviter les coûts de cette inflation future, les autorités monétaires ont intérêt à contenir le taux d'inflation dans des limites raisonnables. L’aversion des autorités envers l’augmentation des prix se traduit donc par l’adoption de cibles inflationnistes (un taux d’inflation ou bien d’une fourchette de taux) assez faibles. 3.2- Les tentations inflationnistes Les objectifs d’emploi et de revenu sont désignés comme les facteurs à l’origine des tentations inflationnistes qui animent les autorités. 39 Voir Okun (1975) pour une discussion des effets de l’inflation sur le bien être des agents. 153 3.2.1- Le motif d'emploi Nous venons de mentionner que le taux de chômage naturel peut être différent du taux de chômage optimal lorsque les coalitions des travailleurs bloquent le taux de salaire réel à un niveau élevé. L'insatisfaction que génère cet écart auprès de la banque centrale peut être interprétée de deux façons différentes. La première consiste à considérer qu'une fraction importante de la population est concernée par ce problème, ce qui implique qu'une pression importante sera exercée directement ou indirectement sur la banque centrale afin que la lutte contre le chômage soit l'une de ses priorités. Dans ce cas, l'intérêt accordé à l'emploi sera périodique, puisqu’il prend de l’ampleur uniquement pendant les périodes de forte pression populaire. Le second argument, avancé par Barro et Gordon (1983b), présente les autorités monétaires comme des planificateurs sociaux (elles essayent de maximiser une fonction de bien-être sociale). Soucieuses du bien-être de la société, elles essayent de réduire l'écart entre le volume naturel de l'emploi et son volume socialement optimal. De ce point de vue, les autorités peuvent également tirer une certaine satisfaction de la baisse des dépenses de transfert qui accompagne le recul du taux de chômage. En effet, une amélioration de la situation financière de l’Etat peut contribuer à relancer l’activité et à augmenter ainsi le bienêtre social. 3.2.2- Le motif de revenu Les politiques monétaires expansionnistes génèrent des revenus qui profitent à la fois à la banque centrale et au gouvernement. D’abord, une grande partie des dépenses de fonctionnement des banques centrales est financée grâce aux intérêts qu’elles perçoivent en contrepartie du financement qu’elles offrent aux organismes de crédit. Les autorités sont donc tentées d'augmenter l’offre de monnaie afin d'accroître leurs revenus. Ainsi, Rogoff (1985) souligne que ce n'est sans doute pas un hasard si les immeubles de la FED ont fleuri partout aux Etats Unis au cours des années 70 caractérisées par une forte inflation et une forte croissance de la masse monétaire. Les revenus que tirent les gouvernements des politiques expansionnistess peuvent prendre plusieurs formes. Ils bénéficient en premier lieu "des revenus du seigneuriage" qui représentent une partie des intérêts perçus par les banques centrales. En effet, c’est 154 l’autorisation du gouvernement qui habilite la banque centrale à émettre la monnaie. En contrepartie, la banque est tenue de verser au gouvernement une partie des revenus que génère cette activité. En second lieu, les gouvernements peuvent faire recours à la monnaie centrale pour reconduire leurs dettes ou pour financer une partie de leurs déficits. La première pratique concerne les pays fortement endettés, alors que la seconde concerne les pays qui ont des marchés financiers trop étroits qui ne permettent pas aux gouvernements de se financer à travers l'émission des titres publics. Enfin, l’augmentation du taux d'inflation réduit la valeur réelle de la dette publique ce qui représente une source de revenu indirecte pour l'Etat. Si les politiques expansionnistes permettent de relancer l'activité, alors l'Etat bénéficie également d'une augmentation des recettes fiscales et d'une baisse des dépenses. En conclusion, on peut dire que la monétisation du déficit et de la dette publique, le revenu du seigneuriage et la taxe inflationniste poussent les gouvernements à exercer une forte pression sur les banques centrales afin qu'elles poursuivent des politiques inflationnistes. 4- La fixation du salaire nominal : un choix stratégique La relance de l'emploi passe nécessairement par une baisse des rémunérations réelles. Or, le salaire réel est le produit de deux variables distinctes, le salaire nominal et le niveau des prix, fixés par deux agents différents, les travailleurs et la banque centrale. Les autorités monétaires contrôlent le taux d'inflation et peuvent le fixer de façon à ramener le salaire réel à un niveau compatible avec un taux de chômage plus faible. Les travailleurs négocient le taux de salaire nominal et peuvent le fixer de façon à stabiliser leur pouvoir d'achat. Le sort de la politique monétaire dépendra donc de l'utilisation que fera chacun des deux joueurs de son instrument. L’adoption d’un objectif d’emploi suppose l'existence d'un arbitrage entre l'inflation et le chômage qui offre à la banque centrale une possibilité de relance. L'innovation introduite par la nouvelle école classique dans ce domaine consiste à substituer les anticipations rationnelles aux anticipations adaptatives utilisées jusqu'à lors pour étudier les conséquences de la politique monétaire. Cette hypothèse débouche sur une nouvelle version de la courbe de Phillips, qui change la structure du jeu qui oppose la banque centrale aux travailleurs et compromet la réussite systématique des politiques inflationnistes, même à court terme. Nous commençons par une analyse de la nouvelle courbe de Phillips, avant d’étudier ses 155 répercussions sur l'efficacité de la politique monétaire. 4.1- Les anticipations et l'arbitrage entre l'inflation et le chômage La courbe de Phillips proposée par Lucas (1973) stipule que l'écart entre les niveaux effectif et naturel de l'emploi est proportionnel à l'écart entre le taux d'inflation effectif et le taux d'inflation anticipé. Ainsi, seule les surprises inflationnistes permettent de stimuler l'emploi. L’inflation anticipée génère une augmentation parallèle du salaire nominal et n’exerce donc aucun effet sur le salaire réel et l’emploi. L’hypothèse de rationalité restreint davantage les possibilités d'arbitrage entre l'inflation et le chômage en excluant les erreurs systématiques d'anticipation. Elle élargit l’ensemble d’information des agents aux observations actuelles et notamment à celles qui concernent les motivations de la banque centrale. Lorsque les agents connaissent les préférences et les objectifs des autorités, ils sont en mesure d’anticiper leur stratégie optimale. Dans un univers d'information parfaite, ils parviennent à anticiper avec précision le taux d'inflation qui sera fixé par la banque centrale. Dans ce cas, la courbe de Phillips indique que la politique monétaire n'aura aucun effet sur l'emploi. La neutralité de la politique monétaire s’explique par les ajustements des salaires nominaux induits par les anticipations rationnelles. 4.2- Les conséquences inflationnistes du jeu Dans leur article précurseur, Kydland et Prescott (1977) concluent que le jeu qui oppose les travailleurs à la banque centrale se solde par une inflation excessive sans contrepartie réelle. Ils expliquent ce résultat par le fait que les autorités monétaires peuvent profiter de l'ordre chronologique des décisions pour stimuler l'emploi en imposant un taux d'inflation plus important que celui annoncé aux travailleurs. Pour comprendre le résultat de ce jeu, nous commençons par rappeler l'ordre des événements. Au début de chaque période, la banque centrale étudie la situation économique et annonce au public un objectif d'inflation. Les travailleurs évaluent à leur tour la conjoncture, forment leurs anticipations pour la période et négocient les salaires nominaux en fonction de ces anticipations. Enfin, et après la conclusion des accords salariaux, la banque centrale choisit le taux d'inflation qu'elle juge optimal pour la période. Les autorités monétaires se livrent donc à deux optimisations : une première qui précède la décision des travailleurs et qui débouche sur le taux d'inflation annoncé et une deuxième après avoir observé le choix des 156 travailleurs et qui conduit au taux d'inflation effectif. Supposons maintenant que le taux de chômage est au-dessus de son niveau optimal. Les autorités monétaires ont donc intérêt à mettre en place une politique inflationniste afin de rapprocher le volume de l’emploi de son niveau désiré. Elles estiment le taux d'inflation qui concorde avec cet objectif et le portent à la connaissance du public. Les travailleurs négocient leurs rémunérations nominales en tenant compte de l'inflation future anticipée. Leur objectif est de garantir la stabilité de leur pouvoir d'achat. Si au cours du processus de négociation les travailleurs revendiquent une augmentation du taux de salaire nominal équivalente à l’inflation annoncée par les autorités monétaires, alors ces dernières ont intérêt à ne pas respecter leur engagement expost. En effet, l'augmentation du taux de salaire nominal rend leur tentative de relance totalement inefficace. Une fois que les salaires nominaux sont fixés pour la période, les autorités monétaires trouvent que la solution optimale consiste à produire une inflation supérieure à celle annoncée au public, car cette alternative leur permet de rapprocher l'emploi de son niveau optimal. Ainsi, la politique monétaire souffre d'un problème de cohérence temporelle : le choix optimal n’est pas le même avant et après l'ajustement des salaires nominaux. Toutefois, les travailleurs rationnels sont conscients que la banque centrale sera tentée de tricher en les surprenant par une inflation plus forte que celle qu'elle a annoncé. Ils essayent donc d'adopter une stratégie qui les protège contre de telles surprises. Connaissant les préférences des autorités, ils sont en mesure d'estimer le taux d'inflation au-dessus duquel la banque centrale serait totalement hostile à une nouvelle augmentation des prix : il s'agit du seuil à partir duquel la satisfaction que procure une baisse du chômage est dominée par la désutilité que génère une augmentation du taux d’inflation. Ainsi, les travailleurs peuvent se mettre à l’abri des surprises inflationnistes en indexant les salaires nominaux à ce taux d’inflation de référence. Expost, la banque centrale se comporte conformément à leurs anticipations, car elle trouve que le taux d’inflation anticipé est celui qui lui procure le niveau de satisfaction maximal. Ce taux d'inflation, qualifié souvent de taux discrétionnaire, est le seul à être crédible auprès du public car il est le seul qui écarte totalement le risque de tricherie. Ainsi, la seule politique cohérente dans le temps est celle qui consiste à annoncer au public le taux discrétionnaire. Cependant, cette politique est sous-optimale dans la mesure où il est possible 157 de réduire le taux d'inflation sans porter préjudice à l'emploi. En conclusion, Le jeu entre la banque centrale et les travailleurs conduit à un équilibre caractérisé par un fort taux d'inflation et un volume d'emploi stable. Les travailleurs se protègent contre les surprises monétaires en imposant un fort taux d'inflation. Un tel équilibre est évidemment insatisfaisant pour les autorités, qui auraient préféré une faible inflation du moment qu'aucune réduction du chômage ne peut être obtenue. La nouvelle école classique qualifie ce résultat de biais inflationniste et le présente comme la conséquence directe des politiques monétaires activistes. II- Un modèle illustratif Considérons la fonction objectif suivante de la banque centrale : 2 U ( N t , π t ) = − A ( N t − N * ) − (π * − π t ) 2 (1) où N* et π* représentent respectivement le volume d’emploi et le taux d’inflation désirés par la banque centrale. Le paramètre A témoigne de l’importance qu’accordent les autorités à l’objectif d’emploi relativement à l’objectif d’inflation. Le niveau de satisfaction des autorités s’accroît à mesure que l’écart entre les niveaux effectifs et les niveaux désirés des variables s’affaibli, et vice versa. Cette fonction reflète donc les motivations opposées que nous avons décrites précédemment. La banque centrale profite d’une relation croissante et stable entre l’offre de monnaie et le taux d’inflation pour contrôler ce dernier. Pour simplifier les calculs nous supposons que le taux d’inflation correspond exactement au taux de croissance de la masse monétaire : πt=mt. Le taux d’inflation devient donc l’instrument de la politique monétaire. Au cours du processus de négociation, les syndicats réussissent toujours à imposer le taux de salaire nominal désiré. Leurs revendications dépendent du taux d’inflation anticipé. L’arbitrage entre l’inflation et l’emploi est donc décrit par l’équation suivante : N t − N n = α (π t − π ta ) (2) où Nn et πta représentent respectivement le volume naturel de l’emploi et l’inflation anticipée par les travailleurs pour la période t. Le paramètre α témoigne de la sensibilité de la demande de travail aux variations du taux de salaire réel. 158 Les travailleurs sont parfaitement informés des préférences et des objectifs des autorités monétaires, ainsi que des caractéristiques de l’économie et de la conjoncture. En se basant sur cet ensemble d’information, It, ils forment des anticipations rationnelles : π ta = E (π t / I t ) (3) La politique monétaire optimale du point de vue de la banque centrale, est celle qui permet de maximiser la fonction objectif (1), en tenant compte à la fois de la courbe de Phillips (2) et de la rationalité des anticipations des agents (3) : 2 maximiser U ( N t , π t ) = − A ( N t − N * ) − (π * − π t ) 2 Nt − N n = α (π t − π ta ) s/c a π t = E (π t / I t ) En substituant l’équation (2) dans la fonction objectif et en dérivant par rapport πt on obtient la fonction de réaction de la banque centrale : π t = π (π ta ) = π * − αA(N n − N * ) + α 2 Aπ ta . 1+α 2 A Cette fonction associe un taux d’inflation effectif à chaque taux d’inflation anticipé par les travailleurs. Elle fait partie de l’ensemble d’information de ces derniers qui cherchent à égaliser entre le taux anticipé et le taux effectif. En appliquant l’espérance mathématique des deux côtés de la fonction de réaction on arrive à l’expression suivante du taux d’inflation optimal : π ta = E (π t / I t ) = π * + α A ( N * − N n ) . En substituant cette expression dans la fonction de réaction de la banque centrale, on trouve que le taux d’inflation d’équilibre correspond à celui anticipé par les travailleurs. Le volume d’emploi ciblé par la banque centrale étant supérieur au volume naturel, le taux d’inflation d’équilibre est donc supérieur au taux d’inflation désiré. On peut facilement constater que l’écart entre l’inflation désirée et l’inflation effective est croissant par rapport à l’importance relative accordée à l’emploi, A, et par rapport à l’impact des surprises inflationnistes sur l’emploi, α. 159 La courbe de Phillips (2) associée à la rationalité des anticipations (3) nous indique qu’à l’équilibre le volume effectif de l’emploi est égal au volume naturel : E N t − N n = α E π t − π ta = α π t − E (π ta ) = 0 ⇒ N t = N n . A partir de ces résultats, on peut calculer le niveau de satisfaction des autorités à l’équilibre : 2 U ( N n , π t ) = − A ( N * − N n ) (1 + α 2 A ) On peut facilement démontrer qu’un équilibre avec le même volume d'emploi et une inflation plus faible est plus satisfaisant pour les autorités monétaires. Lorsque l'inflation d’équilibre correspond à l’inflation ciblée par exemple, la fonction objectif prend la valeur suivante : 2 U ( N n ,π * ) = − A ( N * − N n ) > U ( N n ,π t ) . La stratégie temporellement cohérente s’avère donc sous-optimale dans la mesure où il est possible d’atteindre un équilibre plus satisfaisant sans détériorer le volume d’emploi. Section 2 : Les asymétries d'information et les conséquences de court terme de la politique monétaire De nombreuses études empiriques confirment l'existence d'un lien significatif entre les agrégats monétaires et réels à court terme. Barro (1977) et Froyen et Wand (1980) proposent de nombreux résultats qui illustrent l’intensité de ces liens. Ces résultats remettent en question la conclusion centrale de la nouvelle école classique, à savoir la neutralité de la politique monétaire. Elles sèment ainsi les doutes quant à la pertinence de cette approche dans son ensemble. Les nouveaux classiques rationalisent ces constats empiriques par l’existence des asymétries d’information. En effet, la neutralité de la politique monétaire n’est valable que dans un univers d'information parfaite. Lorsque cette hypothèse n’est pas respectée, la dichotomie entre les sphères réelles et monétaires peut être rompue. Sur le plan pratique, les autorités monétaires sont souvent mieux informées que les travailleurs. Elles ont un accès plus rapide aux informations et disposent d'un réseau informationnel plus étendu. De plus, elles ont les compétences requises pour une exploitation optimale de cette information. Dans cette section, nous étudions les conséquences de la politique monétaire en présence de diverses 160 formes d’asymétrie d’information. I- L'information relative aux préférences de la banque centrale Pour que les anticipations s’orientent dans la bonne direction, il faut que les agents disposent d’une information de qualité concernant les préférences des autorités. Dans la réalité, le public ne dispose que de signaux assez vagues à ce sujet. Les banques centrales demeurent attachées à la discrétion, car elles sont conscientes du profit qu’elles peuvent tirer de tout avantage d'information. Le public essaye donc d'inférer les valeurs des paramètres qui caractérisent les préférences des autorités monétaires à partir de son ensemble d’information. Le résultat de cet exercice reste néanmoins approximatif, et les préférences des autorités l'un des domaines où l'asymétrie d'information est la plus frappante. 1- L'importance accordée à l'emploi Nous recensons deux modélisations différentes de ce type d'asymétrie. Cukierman (1992) contient un exposé détaillé des modélisations possibles de ce genre d’imperfection. La première approche considère qu’il y a plusieurs types de banquiers centraux qui se distinguent par l’importance relative qu’ils accordent à l’emploi. Le public connaît les préférences de chacun d’entre eux, mais dispose d’une information peu précise concernant le type du banquier central en exercice. Cette présentation du problème est particulièrement intéressante lorsqu'il s’agit d’étudier les problèmes qui accompagnent la nomination d'un nouveau gouverneur à la tête de la banque centrale. Elle permet notamment d'étudier comment les banquiers centraux hostiles à l'inflation parviennent à signaler leur conservatisme au public. Backus et Driffill (1985b) débattent des problèmes de crédibilité qui suivent un changement de régime. La deuxième catégorie regroupe les modèles dans lesquelles l'importance accordée à l'emploi varie d’une période à l’autre autour d’une valeur moyenne connue par le public. L’asymétrie d’information est due au fait que les agents n’observent pas les déviations par rapport à la moyenne. Cette modélisation des asymétries est également très pertinente, car elle permet d’apprécier l’impact d’un changement de préférence de la part des autorités monétaires. 1.1- L’incertitude concernant le banquier central en exercice ? 161 Nous distinguons deux types de banques centrales : celles qui accordent une grande importance à l'emploi et celles qui s’intéressent davantage à l'inflation. Conformément à la littérature nous qualifions de "dure" une banque centrale qui accorde une faible importance à l'emploi relativement à l'inflation, et de "faible" celle qui a le comportement opposé. Soient Ad et Af les poids accordés respectivement par ces deux banques centrales à l'emploi par rapport à l'inflation. Ad est évidemment inférieur à Af. En se basant sur son ensemble d’information, le public affecte une probabilité p à l’événement « le banquier central en place est du type dur » : Ad A= Af avec probabilité p avec probabilité 1 − p . Le problème de décision est identique à celui que nous avons décrit dans la première section, sauf que les autorités cherchent à maximiser la valeur espérée de sa fonction d’utilité que nous appelons (1’) (respectivement minimiser sa perte espérée). Les contraintes sont toujours l'arbitrage entre l'inflation et l'emploi, décrit par la courbe de Phillips (2), et les anticipations rationnelles définit par l’équation (3) : maximiser { 2 EIt U ( N t , π t ) = EIt − A ( N t − N * ) − (π * − π t ) 2 } (1') N t − N n = α (π t − π ta ) s/c a π t = E (π t / I t ) La résolution de ce programme d’optimisation débouche donc sur la même fonction de réaction : π * − αA(N n − N * ) + α 2 Aπ ta . π t = π (π ) = 1+α 2 A a t En calculant l’espérance mathématique de cette égalité on dérive l’expression du taux d’inflation anticipé : π ta ,ai = π * + α ( pAd + (1 − p ) Af )( N * − Nn ) où l'indice "ai" fait référence au contexte d’asymétrie d'information. En substituant cette équation dans la fonction de réaction on obtient l’expression du taux d'inflation d’équilibre : 162 π ai t = π + α Aeff ( N − N * * n ) 1 + α 2 ( pAd + (1 − p ) Af ) 2 1 + α Aeff où l'indice Aeff représente le poids effectif accordé par les autorités en place à l'emploi. Les deux dernières équations montrent que les taux d’inflation anticipé et effectif peuvent être différents. La politique monétaire est donc capable d’influencer le volume de l’emploi. 1.1.1- La banque centrale en place est du type "dur" : Aeff = Ad Dans ce cas, l'écart entre les taux d'inflation effectif et anticipé est le suivant40 : π tai − π ta ,ai = α (1 − p ) * N − N n ) ( Ad − Af ) < 0 . ( 2 1 + α Ad Lorsque la banque centrale en place est du type "dur", l’inflation anticipée est supérieure à l'inflation effective. La courbe de Phillips nous enseigne qu'un tel résultat se répercute négativement sur l'emploi. Si l’information était parfaite, le jeu aurait débouché sur le taux d’inflation suivant : π tip = π * + α Ad ( N * − N n ) . Ce taux est évidemment inférieur au taux obtenu en asymétrie d’information : π tip − π tai = α 3 (1 − p ) Ad ( N * − N n ) ( Ad − Af ) < 0 . 1 + α 2 Ad En information parfaite, la banque centrale aurait donc atteint un niveau de satisfaction plus important, avec un volume d'emploi plus élevé et une inflation plus faible. 1.1.2- La banque centrale en place est du type "faible" : Aeff = Af L'écart entre les taux effectif et anticipé en asymétrie d’information devient : π tai − π ta ,ai = α (1 − p ) * N − N n ) ( Af − Ad ) > 0 ( 2 1 + α Af Dans ce cas, le taux d'inflation effectif est supérieur au taux anticipé. D’après la courbe de Phillips cette surprise aura des conséquences positives sur l'emploi. On remarque également que le taux d'inflation d’équilibre est inférieur à celui qui aurait prévalu en information parfaite : 40 L’écart est de signe négatif car Ad < Af. 163 ai t ip t π −π = α 3 pAf 2 1 + α Af (N * − N n ) ( Ad − Af ) < 0 . Les autorités monétaires faibles gagnent donc sur tous les fronts : elles bénéficient d'une croissance du volume de l'emploi tout en pratiquant un taux d'inflation plus faible que le taux discrétionnaire. L'avantage d'information dont elles bénéficient leur a permis de surprendre le public avec une inflation imprévue. 1.2- Les variations de l'importance relative accordée à l'emploi L’importance relative accordée à l’emploi est susceptible de varier avec la conjoncture. Nous supposons qu’elle évolue conformément à l’équation suivante : At = A + ε t iid ( ) avec ε t ~ N 0, σ ε2 . Les agents ne disposent d'aucune information concernant le signe et l'ampleur de εt, qu’ils se contentent d’estimer par sa moyenne. La valeur anticipée de At correspond donc à sa valeur moyenne A. En tenant compte de ce résultat au niveau de la fonction de réaction de la banque centrale, on peut déterminer le taux d'inflation anticipé : π ta ,ai = π * + α A ( N * − N n ) . La substitution de cette expression dans la fonction de réaction nous conduit à celle du taux d’inflation effectif : π tai = π * + ( N * − N n )(1 + α 2 A ) α At . 1 + α 2 At L’écart entre les taux effectif et anticipé détermine l'impact de la politique monétaire sur l'emploi : π tai − π ta ,ai = ( N * − N n ) αε t . 1 + α 2 At Etant donnée que N* est supérieur à Nn, l’écart entre les deux taux prend le signe de la perturbation εt. Ainsi, une baisse de l’importance relative accordée à l’emploi (εt<0) se traduit par une inflation moins forte que prévue, ce qui provoque une augmentation du taux de chômage. Une augmentation de A (εt>0) génère les conséquences inverses. 164 De même, le taux d’inflation optimal en asymétrie d’information peut être supérieur ou inférieur au taux qui aurait prévalu en information parfaite, selon que εt est positif ou négatif : π tai − π tip = −α At ( N * − N n ) α 2ε t . 1 + α 2 At Quant à la satisfaction de la banque centrale, elle augmentera ou diminuera par rapport à son niveau en information parfaite, selon que le public sous-estime ou surestime l'importance relative qu'elle accorde à l'emploi. 2- Les asymétries concernant les objectifs de la banque centrale La plupart des banques centrales sont discrètes au sujet de leurs objectifs. Cette remarque concerne notamment le volume d'emploi, car à notre connaissance aucune banque centrale ne formule des annonces à ce sujet. Nous allons étudier les conséquences d’une telle asymétrie d’information, en supposant que le volume d’emploi ciblé par la banque centrale varie autour de sa moyenne en fonction de la conjoncture : N t* = N * + η t iid ( ) avec η t ~ N 0, σ η2 . Les agents estiment le volume ciblé par les autorités par sa valeur moyenne N*. Le taux d’inflation anticipé sera donc identique à celui formé en information parfaite. En tenant compte des anticipations, les autorités choisissent le taux d’inflation optimal : π tai = π * + α A ( N * + ηt − N n ) . L'impact de la politique monétaire sur l'emploi dépend de l'écart entre le taux effectif et le taux anticipé : π tai − π ta ,ai = α Aηt . Là encore, les conséquences de l’asymétrie d’information dépendent du signe de la perturbation ηt. Ainsi, l’emploi sera au-dessus de son volume naturel lorsque Nt* est supérieur à sa valeur moyenne (ηt >0), et vice versa. II- L'information relative à la situation économique 165 Faute d’informations ou de compétences, les travailleurs sont incapables d'apprécier les évolutions de la conjoncture avec la même précision que les autorités monétaires. 1- Un avantage d'information concernant les chocs réels Nous considérons le cas où le taux de chômage naturel connaît des variations transitoires : Ntn = N n + ηt avec ηt ~ N ( 0, σ η2 ) . Nous supposons également que la banque centrale ne contrôle pas parfaitement l’offre de monnaie : mt = mtc + ε t iid avec ε t ~ N ( 0, σ ε2 ) où mt et mtc représente respectivement les taux de croissance effectif et ciblé de la masse monétaire. εt est une erreur de contrôle de l’offre de monnaie qu’on peut interpréter comme une erreur de transmission. La banque centrale exerce donc un contrôle imparfait sur l’inflation41 : π t = π tc + ε t iid avec ε t ~ N ( 0, σ ε2 ) où πtc représente le taux d’inflation ciblé. Nous supposons que les autorités monétaires disposent de l’information et des compétences nécessaires pour inférer la valeur exacte de ηt. Elles connaissent donc avec précision le volume naturel de l’emploi pour la période. Les travailleurs évaluent ηt à sa moyenne, Nn. Quant aux erreurs de contrôle de l’offre de monnaie, elles sont inconnues pour les deux parties. Les travailleurs n’observent ni les erreurs de contrôle, ni les variations du volume naturel de l’emploi. ils continuent donc à anticiper le taux d’inflation qui résulte du jeu en information parfaite : π ta = mta = π * + α A ( N * − N n ) . 41 Nous rappelons que nous avons identifié le taux d’inflation au taux de croissance de la masse monétaire pour simplifier les calculs 166 Les autorités observent les anticipations et choisissent la cible inflationniste optimale, celle qui maximise la fonction (1’) : π tc = mtc = π * + α A ( N * − N n ) − αA ηt . 1 + α A2 Le taux d’inflation effectif diffèrera du taux ciblé par l’erreur de contrôle εt : π t = mt = π * + α A ( N * − N n ) − αA ηt + ε t . 1 + α A2 L’asymétrie d’information et les erreurs de contrôle de l’offre de monnaie sont à l’origine de l’écart entre l’inflation effective et l’inflation anticipée : π t − π ta = − αA ηt + ε t . 1 + α A2 On constate qu’une progression du volume naturel de l’emploi (ηt>0) affaibli les tentations inflationnistes de la banque centrale et réduit l’écart entre les deux taux, tandis qu’une erreur de contrôle positive (εt >0) creuse l’écart entre les deux taux. Le taux d’inflation sera plus important que le taux discrétionnaire en information parfaite lorsque αA ηt < ε t . Dans ce cas, la politique monétaire exercera un effet positif sur 1 + α A2 l’emploi. 2- Un avantage d'information concernant les chocs nominaux La dernière asymétrie d'information concerne les chocs de demande de monnaie. Grâce à sa présence sur le marché monétaire, la banque centrale est capable d'apprécier rapidement toute évolution de la demande de monnaie. Les travailleurs sont incontestablement moins performants que la banque centrale dans ce domaine. La volatilité de la demande de monnaie modifie la relation entre le taux d’inflation et le taux de croissance de la masse monétaire : π t = mt + µt iid avec µ ~ N ( 0, σ µ2 ) où µt correspond à un choc de demande de monnaie. Selon cette équation, une valeur négative de µt correspond à une augmentation de la demande de monnaie. Lorsque µt est négatif, une 167 augmentation de mt est nécessaire pour garantir la stabilité du taux d’inflation. Augmenter la masse monétaire sans créer de l’inflation signifie que la demande de monnaie s’est accrue parallèlement à l’offre. La banque centrale exerce un contrôle imparfait sur l’offre de monnaie : mt = mtc + ε t ( respectivement iid π t = π tc + ε t ) avec ε t ~ N ( 0, σ ε2 ) où mtc et εt représentent le taux de croissance de la masse monétaire ciblé et l’erreur de contrôle de l'offre de monnaie. Le public ne peut observer la variation de la demande de monnaie et l’erreur de contrôle commise par les autorités. Ces dernières ne sont pas en mesure de prévoir leur erreur de contrôle, mais sont par contre capables d’inférer la variation de la demande de monnaie à partir de l’ensemble d’information dont elles disposent. Elles parviennent à extraire un signal qui, en moyenne, décrit correctement les chocs de demande de monnaie : iid St = µt + ψ t avec ψ t ~ N ( 0, σ ψ2 ) où ψt représente une erreur d’estimation du choc de demande. Dans ce cas, le programme d’optimisation des autorités prend la forme suivante : max imiser 2 2 EIt U ( N t , π t ) = EIt − A ( N t − N * ) − (π * − π t ) N t − N n = α (π t − π ta ) s / c π ta = E (π t / I t ) c π t = π t + µ t = π t + St + ψ t + ε t La fonction de réaction issue de ce programme conduit à l’expression suivante du taux d’inflation anticipé : π ta = mta = π * + α A ( N * − N n ) . En tenant compte des anticipations, les autorités choisissent la cible optimale suivante : π tc = mtc = π * + α A ( N * − N n ) − St . 168 On remarque que le taux d’inflation anticipé par les agents est identique à celui obtenu en information parfaite. En effet, les agents ne peuvent utiliser que les moyennes des perturbations µ et ε pour améliorer leurs anticipations. Ces moyennes étant nulles, les anticipations demeurent inchangées. Quant aux autorités, elles profitent des informations dont elles disposent concernant le choc de demande de monnaie. A partir de l’expression du taux d’inflation ciblé on peut déduire celle du taux d’inflation effectif : π t = π * + α A ( N * − N n ) + εt + ψ t . Il diffère du taux anticipé par les erreurs de contrôle de l’offre de monnaie, εt, et les erreurs de prévision ψt. La somme de ces perturbations détermine donc l’effet de la politique monétaire sur l’emploi. Section 3 : Comment résorber une inflation inutile ? Les asymétries d’information apportent une explication théorique satisfaisante aux conséquences réelles de la politique monétaire. Toutefois, la confusion générée par ces asymétries se dissipe rapidement, ce qui offre aux travailleurs l’opportunité de réajuster leurs salaires nominaux et de ramener le marché du travail à son équilibre initial. Ainsi, les effets réels de la politique monétaire disparaissent rapidement et seules que les conséquences inflationnistes persistent à long terme. Les auteurs classiques s'opposent donc à l'activisme monétaire et se concentrent sur les solutions qui permettent de lutter contre le biais inflationniste. De nombreuses propositions ont été formulées dans ce sens. Elles se distinguent par leurs degrés de flexibilité, allant des plus contraignantes à celles qui laissent une certaine marge de manœuvre aux autorités. I- Les règles monétaires La première solution consiste à abandonner le mode de décision discrétionnaire au profit d’une gestion par des règles prédéfinies. La règle proposée par Friedman (1968) est souvent citée comme exemple d’un tel mode de gestion. Elle préconise un accroissement constant de la masse monétaire d’une période à l’autre. Elle permet ainsi au public d’anticiper avec 169 précision l'inflation future. Elle permettrait également aux autorités de contenir l’inflation en augmentant la masse monétaire à un taux plus faible que celui imposé par les agents dans le cadre d’un équilibre discrétionnaire. Cette solution pose néanmoins deux types de problèmes : ceux qui concernent le choix de la règle et ceux relatifs à sa crédibilité. 1- Le choix de la règle Au cours du premier chapitre nous avons passé en revue les problèmes que pose l’adoption de la règle proposée par Friedmann. Nous avons notamment souligné sa rigidité et son incapacité à tenir compte des chocs de demande de monnaie et de l’évolution de la conjoncture. Nous avons vu qu’une gestion alternée par le taux d’intérêt et la masse monétaire permet d’optimiser les performances de la politique monétaire. Nous avons également fait référence à certaines règles flexibles, à l’exemple de celle proposée par MacCallum, qui tiennent compte de l’évolution du contexte dans lequel agissent les autorités monétaires. La spécification de la règle dépend également de l’instrument retenu par les autorités monétaires. Nous avons déjà souligné que les keynésiens privilégient une gestion par le taux d’intérêt. Leur point de vue trouve un fort soutien empirique, dans la mesure où une grande partie des banques centrales adopte ce mode de gestion. Les règles de taux d’intérêt ont donc un pouvoir descriptif plus fort que les règles monétaristes. La règle proposée par Taylor (1993) excelle dans cet exercice, car elle retrace avec une grande précision le comportement de nombreuses banques centrales en exercice, à l’exemple de la FED, de la BCE et du Banque d’Angleterre. Enfin, le choix de la règle se heurte à des problèmes de crédibilité : les travailleurs doivent être convaincus que la décision de la banque centrale sera conforme son annonce. Or, les règles qui permettent de réduire le taux d’inflation souffrent toutes d’un problème de crédibilité, car seule celle qui retient le taux discrétionnaire pour cible est temporellement cohérente. Deux propositions ont été formulées afin de résoudre ce problème. La première exploite le concept de réputation tandis que la seconde regroupe des mesures concrètes qui sont souvent d'ordre institutionnel. 2- La réputation : une garante de la crédibilité Nous définissons d'abord le concept de réputation dans le domaine de la politique monétaire. Nous décrirons par la suite les modèles qui l’exploitent pour des fins de 170 crédibilisation. 2.1- La réputation et le choix de la politique monétaire Nous nous sommes contentés jusqu’à présent d’étudier le problème de décision de la banque centrale pour une seule période. Or, il est évident que les autorités monétaires s’intéressent non seulement aux conséquences de court terme de leurs décisions, mais également à leurs répercussions futures sur l’activité. La fonction objectif doit donc refléter cet intérêt de long terme, en comptabilisant les écarts futurs des variables par rapport à leurs cibles. Toutefois, s’il n’y a aucun lien entre les décisions actuelles et futures des deux joueurs, alors la structure et le résultat du jeu seront identiques d’une période à l’autre. Seule une interdépendance entre les périodes permet d’introduire des changements au niveau des problèmes de décision et offre la possibilité d’aboutir à un nouvel équilibre. Une forme de dépendance temporelle assez intéressante découle du lien entre la politique monétaire actuelle et les anticipations futures. Nous avons déjà précisé qu’une augmentation de l’inflation à la date t est susceptible d’alimenter les anticipations inflationnistes à la date t+1. L’activisme monétaire actuel peut donc être à l’origine de l’inflation future. Lorsqu’il n’y a aucun lien entre les périodes, la banque centrale n’hésite pas à surprendre le public avec une inflation plus importante que prévue. Lorsqu’un lien positif s’établit entre sa politique actuelle et l’inflation future, alors elle doit également tenir compte des pertes qu’elle peut occasionner au cours des périodes à venir. En tentant de stimuler l'emploi, la banque ternira sa réputation puisque les agents s'attendent à ce que sa politique future soit guidée par les mêmes pulsions inflationnistes. La réputation ainsi définie correspond aux convictions des agents quant au comportement futur de la banque centrale42. Les anticipations traduisent parfaitement les attentes des agents et nous renseignent sur la réputation dont bénéficie la banque centrale. Une banque centrale réputée pour son conservatisme bénéficiera de faibles anticipations inflationnistes. Le contraire est vrai pour une banque centrale réputée pour son activisme. Les anticipations s'imposent donc comme le baromètre de la réputation. Le lien entre la politique actuelle et les anticipations futures peut se révéler un atout de taille dans la lutte contre l'inflation. La banque centrale peut se servir de cette relation afin 42 Voir Backus et Driffill (1985a) pour exposé des liens entre l’inflation et la réputation. 171 d’orienter les anticipations vers la baisse. Elle se construit une réputation anti-inflationniste en poursuivant des politiques restrictives, ce qui lui vaudra de faibles anticipations durant les périodes à venir. Elle réussit ainsi à réduire le taux d'inflation, en présentant la perte de réputation comme une garantie contre les surprises inflationnistes. Le pouvoir dissuasif de la perte de réputation assure la crédibilité de la politique annoncée. Il faut néanmoins justifier le lien entre les décisions actuelles et les anticipations futures afin qu’on puisse se servir du concept de réputation pour des fins de crédibilité. Une première réponse est apportée par Barro et Gordon (1983a) qui proposent une stratégie de punition pour justifier une telle relation. La seconde décrit un processus d’apprentissage selon lequel le public améliore ses connaissances à propos de la situation économique et des préférences des autorités en observant l'évolution de leur comportement dans le temps. Nous analyserons chacune des ces deux propositions. 2.2- La stratégie punitive : Une solution au problème de crédibilité Considérons la version suivante de la fonction objectif de la banque centrale : +∞ 2 2 U ( N t , π t ) = ∑ β t −i − A ( N t − N * ) − (π * − π t ) t =i où β témoigne de la préférence des autorités pour le présent. L’impact de la politique monétaire sur l’emploi est décrit par la courbe de Phillips (2). Nous considérons que les anticipations sont issues de la fonction suivante : π ia = π iann à la date i π ann si π t −1 = π tann −1 π ta = t d ann ≠ si π π π t −1 t −1 ∀t > i où πiann est le taux d’inflation annoncé par la banque centrale au début de la période i, et πd est le taux d’inflation discrétionnaire en information parfaite ( π d = π * + α A ( N * − N n ) ). D’après cette fonction, les agents accordent un capital de crédibilité à la banque centrale au début de la période i, puisqu’ils anticipent une inflation conforme à son annonce. Au début de la période suivante, la banque centrale continue à être crédibilité si elle a respecté son engagement au cours de l’exercice précédent. Dans le cas contraire, les agents imposent le taux discrétionnaire qui les protège contre les surprises inflationnistes au cours de la période 172 i+1. Ils infligent ainsi une punition à la banque centrale pour le non-respect de son annonce. La stratégie des travailleurs permet à la banque centrale de réduire le biais inflationniste en annonçant un faible taux d’inflation et en respectant cette annonce. La banque centrale choisit la stratégie qui lui procure un maximum de satisfaction. Ainsi, elle ne décide de respecter son engagement que lorsque la perte générée par la punition future est plus importante que le gain obtenu grâce à la surprise inflationniste immédiate. Notons par G le gain de satisfaction réalisé à la date i, lorsque les autorités profitent de l’effet d’annonce pour surprendre le public avec un taux d’inflation élevé : G = U (π d , N s ) − U (π ann , N n ) = (1 − α 2 A)(π d − π ann ) 2 où Ns est le volume d’emploi atteint à la suite de la surprise inflationniste. La perte consécutive à l'augmentation des anticipations pour la période i+1 est la suivante : ( ) ( ) ( )( ) P = U π ann , N n − U π d , N n = β π d − π ann π d + π ann − 2π * . La banque centrale respectera son annonce lorsque la perte s’avère supérieure au gain : π ann > π = π * + α A ( N * − N n ) 1−α 2 A − β . 1−α2 A + β Le taux d’inflation π représente le seuil en dessous duquel la banque centrale ne respectera pas son annonce. Toute annonce inférieure à ce taux ne sera pas crédible auprès du public. Il représente donc le taux crédible le moins élevé. Il est décroissant par rapport à β : plus la préférence pour le présent est forte (plus β est proche de 0), plus le taux minimal est élevé. Le principal résultat du modèle est que le taux d’inflation d’équilibre, π , est inférieur au taux discrétionnaire43 : π = π * + α A( N* − N n ) 1−α2 A − β ≤ π d = π * + α A( N* − N n ) . 2 1−α A + β La stratégie adoptée par les agents permet donc de réduire le biais inflationniste sans détériorer le volume de l’emploi. 43 Ce résultat découle de l’inégalité suivante : 1 − α 2 − β ≤ 1 − α 2 + β . 173 2.3- Les limites du modèle Barro-Gordon Cette stratégie ingénieuse sur le plan théorique est peu pertinente d’un point de vu pratique. Nous mentionnons quelques critiques qui mettent en avant son manque de réalisme. • L’absence de coordination : Barro et Gordon ne proposent aucun processus de coordination qui garantit une réaction unanime de la part des travailleurs. Leur approche correspond plutôt à une négociation salariale parfaitement centralisée, où un seul syndicat décide de la stratégie de tous les travailleurs. Dans la réalité, il existe une multitude de représentations syndicales et le processus de négociation s’opère au niveau sectoriel voir à l’échelle des firmes. Les auteurs n’évoquent aucun processus de coordination crédible qui garantit une réaction cohérente des travailleurs qui appartiennent à des entreprises différentes, à des secteurs différents et à des syndicats différents. • La multiplicité des équilibres : Les travailleurs peuvent adopter d’autres stratégies qui aboutissent à un taux d’inflation encore plus faible. En effet, il suffit d’étendre la durée de la punition à deux ou plusieurs périodes pour limiter davantage la valeur du taux crédible π . Le même résultat peut être atteint en accentuant la punition sans accroître sa durée. Dans les deux cas, le coût d’une détérioration de la réputation s’accentue, ce qui permet de crédibiliser des règles plus efficaces en matière de lutte contre l’inflation. L’approche de Barro et Gordon (1983a) ne proposent aucun critère qui permet de sélectionner l’une des nombreuses règles que les travailleurs sont en mesure d’imposer. • Une stratégie difficile à appliquer dans un contexte d’asymétrie d’information : L’écart entre le taux annoncé et le taux effectif peut s’expliquer par une erreur de contrôle de l’offre de monnaie, par une erreur d’appréciation de la conjoncture ou par une surprise volontaire de la part de la banque centrale. Les travailleurs peuvent avoir des opinions divergentes quant à l’origine de cet écart, ce qui conduit à des réactions différentes de leur part. En cas de consensus, les travailleurs risquent de punir à tort la banque centrale en croyant qu’elle a tenté de tricher alors qu’il s’agit simplement d’une erreur de transmission. Le scénario contraire peut également se produire : ils peuvent accommoder sa politique alors qu’elle était volontaire. • Des résultats peu réalistes : d’après les résultats du modèle, le taux d’inflation doit correspondre soit au taux annoncé, soit au taux discrétionnaire. Dans la réalité, les taux 174 d’inflation sont nettement plus volatiles. On note également que la réputation est un phénomène soudain et rapide qui s’acquiert et se perd d’un seul coût. Les constats empiriques suggèrent un tout autre scénario, dans lequel les banques centrales gagnent progressivement la confiance du public. D’autre part, Barro et Gordon supposent que les travailleurs considèrent comme crédible la première annonce faite par la banque centrale, sans apporter un argument de rigueur qui sous-tend une telle proposition. Enfin, il est difficile de justifier le fait que la banque centrale parvienne à restaurer aussi rapidement sa crédibilité une fois qu’elle a triché. Le public est-il disposé à redonner confiance aussi rapidement ? Cela nous semble peu vraisemblable. Si la confiance du public était aussi facile à conquérir, les problèmes de crédibilité et de réputation n’aurait pas suscité autant d’intérêt dans la littérature contemporaine. 3- Des solutions institutionnelles au problème de crédibilité La deuxième vague de propositions prône l’instauration de mesures concrètes afin d’assurer la crédibilité des règles monétaires. Les mesures proposées s’articulent autour de deux idées. Pour crédibiliser une règle, il faut d’abord éliminer la tentation de tricher. Les banques centrales ou les gouvernements doivent donc prendre des dispositions qui garantissent une politique conforme aux annonces. Par ailleurs, les asymétries d’information peuvent décrédibiliser les règles car en leur présence le public est incapable de distinguer les parts volontaires et involontaires de l’inflation. Les autorités monétaires peuvent profiter de cette confusion pour dissimuler leurs politiques inflationnistes sous la forme d’erreurs de contrôle de l’offre de monnaie. Il faut donc adopter des mesures qui limitent les asymétries d’information et qui minimisent les risques de dissimulation. Les propositions qui répondent à ces deux critères sont d’ordres institutionnels. Il s’agit de lois ou de directives qui régissent la politique monétaire. Une mesure fréquente consiste à écarter les objectifs réels de la charte de la banque centrale et de préciser que la stabilité des prix constitue sa principale préoccupation. Une deuxième mesure consiste à obliger la banque centrale à annoncer des objectifs pour des échéances précises. Les économistes les plus radicaux proposent de lier le maintient du gouverneur de la banque centrale dans ses fonctions à sa capacité à atteindre avec un maximum de précision les objectifs rendus publics. Une version plus modérée de cette proposition consiste à exiger du directoire de la banque des 175 explications précises à chaque fois que les variables objectifs s’écartent sensiblement de leurs cibles. Une mesure alternative consiste à exiger de la banque centrale la publication des comptes rendus des réunions de son directoire. Il est clair que ces propositions visent à rendre plus transparente la prise de décision au sein de la banque et à apporter au public les informations qui lui permettent de minimiser le risque de confusion. Beaucoup de pays ont adopté des certaines mesures que nous venons de décrire. Ainsi, aux Etats Unis la loi oblige la FED à publier avec six semaines de retard des notes qui rendent public le contenu des réunions de son staff. En Europe, les objectifs réels sont exclus de la charte de la BCE et la stabilité des prix est annoncée comme son premier objectif. Dans des pays comme l’Australie, le Canada, la Grande Bretagne et le Japon les banques centrales annoncent au public des cibles en termes de masse monétaire. II- Des solutions plus réalistes Il suffit de constater qu'aucun pays n'a abandonné la discrétion au profit des règles pour se rendre compte de l’irréalisme de ce régime. L’attachement à la discrétion s’explique d’abord par la complexité du processus de prise de décision. En effet, il est impossible de proposer une règle contingente à tous les états de la nature. Par ailleurs, nous avons vu que la discrétion garantit à la politique monétaire une certaine efficacité dans un contexte d’asymétrie d’information. Le véritable problème des banques centrales serait donc de résorber le biais inflationniste tout en préservant le caractère discrétionnaire de leurs décisions. Dans la littérature, nous recensons deux principales propositions qui permettent d'atteindre un tel compromis. 1- L’affectation d’un banquier central conservateur Cette solution a été proposée par Rogoff (1987), qui souligne que l’importance relative accordée à l’emploi (Ai) exerce une influence positive sur le taux d’inflation. Il est donc possible de contenir le biais inflationniste en réduisant la valeur de ce paramètre. Une façon d’atteindre cet objectif est de nommer à la tête de la banque centrale une personnalité dont l’aversion envers l’inflation est assez forte. Le fait que le banquier choisi soit publiquement connu par son conservatisme, crédibilisera progressivement la volonté de la banque centrale à lutter contre l’inflation et conduira l’économie à terme vers un meilleur équilibre. 176 Le modèle d’apprentissage, que nous allons présenter, décrit la façon dont la réputation anti-inflationniste se met en place. En effet, même si l’hostilité du nouveau gouverneur à l’inflation est connue, le public ne dispose d’aucune information précise quant à la valeur exacte de l’importance relative qu’il accorde à l’emploi. En d’autres termes, le public sait que la valeur de Ai va évoluer à la baisse sans connaître l’ampleur exacte de cette baisse. Ainsi, il observe le comportement du nouveau banquier central et affine son estimation de Ai au fils des périodes. A terme, le public reconnaîtra la nouvelle valeur de Ai ce qui se traduit par une stabilisation du taux d’inflation. Selon cette analyse, on devrait assister à une baisse progressive du taux d'inflation à la suite de la nomination d’un nouveau gouverneur à la tête de la banque centrale. La vitesse avec laquelle le taux d'inflation convergera vers sa nouvelle valeur d'équilibre dépendra de la vitesse du processus d'apprentissage. Contrairement au modèle de Barro et Gordon, la réputation et la crédibilité ne s'acquièrent pas instantanément mais se mettent en place progressivement. 2- L’indépendance de la banque centrale L'indépendance de la banque centrale peut être considérée comme un moyen de réduire l’importance accordée à l’emploi relativement à l’inflation. Elle peut être interprétée également comme une baisse de l’objectif d’emploi (N*). Chacune de ces deux variations permet de réduire le taux d’inflation d’équilibre. 2.1- Pourquoi l'indépendance ? L'emploi et la croissance sont au centre des préoccupations des gouvernements. Il faut néanmoins compter sur la coordination de la banque centrale pour que la politique monétaire soit cohérente avec ces objectifs réels. Cette coordination n’est possible que lorsque la banque centrale est sous le contrôle du gouvernement ou bien lorsque les deux autorités ont des préférences et des objectifs complémentaires. Or, plusieurs arguments suggèrent des divergences notables aux niveaux des préférences et des objectifs. A cause des cycles électoraux, les gouvernements ont souvent une forte préférence pour le présent. Ils ont des soucis de performance, puisqu’ils sont confrontés directement aux jugements du public. Les mandats dont bénéficient les banquiers centraux sont souvent plus longs et leur nominations sont dissociées des échéances électorales. Ils peuvent donc adopter 177 des horizons de planification plus étendus que les gouvernements. L’intérêt qu’ils accordent à la situation économique à moyen et à long terme les pousse à modérer leurs interventions par craintes d’alimenter les anticipations inflationnistes futures. Ainsi, ils sont plus hostiles aux tentatives de relance et leurs objectifs d’emploi sont plus modestes que ceux des gouvernements. En présence d’un conflit d’objectifs, le gouvernement peut exercer une pression sur la banque centrale pour qu’elle aligne une politique compatible avec ses objectifs. Lorsque la banque centrale est fortement dépendante du gouvernement, ce dernier est en mesure d’exercer de telles pressions. Dans certains pays, la banque centrale ne constitue pas une institution autonome au regard de loi. Elle représente simplement la branche gouvernementale chargée de la mise en place de la politique monétaire. Dans d’autre cas, la loi impose une concertation entre la banque centrale et le gouvernement avant la mise en place de la politique monétaire. Ces exemples illustrent les contraintes légales qui permettent au gouvernement d’influencer le choix de la politique monétaire. Dans ce cas, l'intérêt qu'accorde la banque centrale à l'emploi traduit en grande partie l'attachement du gouvernement à cet objectif. En disposant d'un statut plus indépendant, la banque centrale peut se dissocier au moins partiellement des objectifs réels et se consacrer au contrôle de l'inflation qui constitue sa véritable priorité. Ce désintéressement des objectifs gouvernementaux se traduit par une baisse de l’importance relative accordée à l’emploi, Ai, ou par une diminution du volume d’emploi ciblé, N*. Cette dernière alternative nous semble plus réaliste, car l’importance accordée à l’emploi évolue avec la conjoncture et ne peut prendre en permanence une faible valeur. Les deux propositions permettent néanmoins de réduire le biais inflationniste. 2.2- L’ambiguïté autour du concept d'indépendance Cette solution pose néanmoins un sérieux problème : les variables qui permettent d'apprécier le degré d'indépendance sont difficiles à quantifier. Il s'agit souvent de lois ou d'amendements apportés à la charte de la banque centrale. Les convictions du gouverneur de la banque centrale ainsi que son aptitude à faire face aux pressions des divers groupes d’intérêt, détermine également le degré l’indépendance de cette institution. L’indépendance se présente donc comme un concept particulièrement délicat à définir, car il dépend à la fois de variables qualitatives et de critères subjectifs. 178 L’incertitude que nous venons de souligner peut poser un problème de crédibilité : une indépendance apparente peut dissimuler des pressions discrètes. En effet, il est étonnant de constater que de nombreux gouvernements se sont privés d’un outil de relance précieux en concédant l’indépendance à leurs banques centrales. Ce constat peut être rationalisé par deux arguments. Le premier met en avant les gains politiques que les gouvernements peuvent tirer d’une telle mesure : ils profitent de la bonne conduite de la politique monétaire lorsque la banque centrale accomplit sa mission avec succès, et ils rejettent sur elle la responsabilité lorsque ses performances sont insatisfaisantes. Le gouvernement peut ainsi justifier les mauvaises prestations économiques par un manque de coordination de la part de la banque centrale. Deuxièmement, seuls les hauts responsables de la banque centrale et du gouvernement savent si les lois votées ou les réformes apportées à la charte de la banque sont véritablement respectées. Une banque centrale indépendante peut négocier discrètement sa politique avec le gouvernement. Dans ce cas, l’indépendance apparente offre un mauvais signal au public qui ignore l’existence des pressions gouvernementales. Cette confusion risque de limiter la portée de l'indépendance en tant qu’outil de lutte contre l’inflation. Elle peut pousser les travailleurs à indexer les salaires nominaux au taux d’inflation discrétionnaire qui les protège contre d’éventuelles surprises monétaires. Pour dissiper cette incertitude, les banques centrale doivent s’engager dans la voie de la transparence. Elles doivent convaincre le public que les écarts par rapport aux cibles sont dus à des erreurs de contrôle ou d’appréciation et non à des pressions gouvernementales ou à des choix délibérés. 3- Le modèle d’apprentissage : Un fondement théorique pour des solutions réalistes Ce modèle décrit un jeu dynamique dans un contexte d’asymétrie d’information44. Il explique comment la banque centrale peut réduire durablement le taux d’inflation en l’absence d’une mesure exacte de son indépendance ou de ses préférences. 3.1- Présentation du modèle Au début de chaque période, la banque centrale essaye de déterminer la stratégie qui lui permet de maximiser sa fonction objectif intertemporelle, en tenant compte de la réaction des travailleurs et des caractéristiques de l’économie. Nous retenons l’hypothèse simplificatrice 44 Ce modèle est inspiré de Cukierman (1992). 179 qui consiste à identifier le taux d’inflation au taux de croissance de la masse monétaire. Nous supposons toutefois que la banque centrale ne contrôle pas parfaitement l’offre de monnaie. Le taux d’inflation effectif peut donc diverger du taux ciblé : π t = π tc + ψ t iid (resptivement mt = mtc + ψ t ) avec ψ t ~ N ( 0, σ ψ2 ) (4) Considérons la fonction objectif suivante de la banque centrale : ∞ 2 1 U ( N t , π t ) = ∑ β t −i EIt − At ( N t − N * ) − (π * − π t ) 2 t =i (1bis) D’après cette fonction, le volume de l’emploi génère de la désutilité seulement lorsqu’il est inférieur à son niveau optimal. Les écarts positifs son une source de satisfaction pour la banque centrale. Les écarts du taux d’inflation par rapport à sa valeur désirée sont toujours sources de désutilité. Les autorités monétaires considèrent comme nuisible aussi bien une inflation excessive qu’une inflation faible. En effet, un ralentissement marqué de la croissance des prix peut conduire à une appréciation des salaires réels qui se répercute négativement sur l’emploi. Il peut être également le signe d’un ralentissement de la demande. L’importance relative accordée à l’emploi évolue d’une période à l’autre en empruntant la dynamique suivante : At = A + θ t où θ t = ρθ t −1 + ε t iid ε : N ( 0, σ ε2 ) avec t 0 ≤ ρ ≤ 1 (5) D’après cette équation, les chocs de préférence θt sont persistants puisqu’ils continuent à influencer le paramètre At au-delà de la première période. Le paramètre ρ représente le degré de persistance : les changements sont permanents lorsque ρ est égal à 1, et sont totalement transitoires lorsque ρ est nul. A chaque période, la trajectoire de At peut s’inverser si l’innovation actuelle (εt ) s’oppose et domine l’influence des perturbations passées (ρθt-1). L’objectif des autorités monétaires est de déterminer le taux d’inflation qui maximise la fonction (1bis) en tenant de la courbe de Phillips (2), de la rationalité des anticipations (3) et de la relation entre les taux effectif et ciblé (4) : 180 ∞ 2 1 max imiser U ( Nt , π t ) = ∑ β t −i EIt − At ( N * − N t ) − (π * − π tc ) 2 t =i N t − N n = α (π tc − π ta ) s / c π ta = E (π t / I t ) c π t = π t + ψ t En information parfaite, ce programme d’optimisation conduit les autorités à cibler le taux d’inflation suivant : π tc = mtc = π * + α ( A + θ t ) . (6) Le taux d’inflation d’équilibre sera donc : π tip = mt = π * + α ( A + θ t ) + ψ t (6’) 3.2- Le comportement des travailleurs De leur côté, les travailleurs essayent d’anticiper le taux d’inflation afin de procéder aux ajustements adéquats de leurs salaires nominaux. Ils disposent néanmoins d’un ensemble d’information plus restreint que celui de la banque centrale, dans la mesure où ils n’observent pas l’innovation εt. De plus, ils sont incapables de reconnaître la valeur exacte de la précédente innovation εt-1, car son effet est combiné à celui de l’erreur de contrôle de l’offre de monnaie, ψt-2. Les travailleurs sont donc obligés d’estimer les paramètres qui témoignent des préférences de la banque centrale en s’appuyant sur l’ensemble des observations passées. La règle de décision en information parfaite (6) permet aux travailleurs d’identifier les facteurs qui déterminent le choix de la banque centrale : le taux d’inflation ciblé, π*, l’importance relative accordée à l’emploi, At, et l’impact des surprises inflationnistes sur l’emploi α. Ces mêmes facteurs motiveront le choix de la politique monétaire en asymétrie d’information, sauf que le poids accordé à chacun d’entre eux risque d’être différent. La règle de décision prendra donc la forme suivante : π tc = mtc = a0π * + a1α A + a2αθ t . En se basant sur cette règle, les travailleurs anticipent le taux d’inflation de la période : 181 π ta = mta = a0π * + a1α A + a2α EI [θ t ] . (7) t D’après cette équation, l’exercice d’anticipation nécessite l’estimation des valeurs respectives de θt et des coefficients a0, a1 et a2. L’équation (5) permet d’exprimer θt en fonction des chocs passés : i θ t = ρ kθ t − K + ∑ ρ i − j ε t −i + j j =1 où t-k correspond à la date du premier changement de préférence chez les autorités monétaires. L'estimateur de θi prend donc la forme suivante : i EIt [θ t ] = ρ k EIt [θ t − K ] + ∑ ρ i − j EIt ε t −i + j . j =1 L’estimation de θi nécessite donc l’information relative à toutes les périodes depuis le premier changement préférence de la banque centrale. Cette définition est peu réaliste car toutes les banques centrales ont connu à des moments de leurs histoires des changements radicaux dans leurs modes de gestion de la politique monétaire. Les observations qui correspondent à ces anciens régimes fournissent certainement des indications erronées concernant les préférences actuelles des banques centrales. Elles doivent être exclues de l’ensemble d’information car elles contribuent à biaiser les anticipations. En outre, nous avons souligné que de nombreuses banques centrales rendent publiques après un certain retard des informations précises concernant leurs décisions passées. Lorsque les agents disposent des informations exactes pour une période, ils n'ont plus besoin des observations antérieures à cette date pour leurs estimations. En nous appuyant sur ces arguments, nous supposons que la banque centrale révèle avec un certain retard J l'ampleur exacte du changement de préférence survenu à la date t-k. Pour simplifier l’exposé nous fixons ce retard à deux périodes. L'estimateur de θt devient : EIt [θ t ] = ρ 2θ t − 2 + ρ EIt [ε t −1 ] + EIt [ε t ] . Les agents connaissent parfaitement la valeur de θt-2 (qui est communiquée par la banque centrale) et leur tâche consiste donc à estimer les innovations εt et εt-1. L’innovation εt étant nulle en moyenne, l’estimateur de θt devient : 182 EIt [θ t ] = ρ 2θt − 2 + ρ EIt [ε t −1 ] . (8) L’innovation εt-1 représente donc la seule quantité que les travailleurs doivent estimer à partir des observations passées. La procédure d’estimation se décompose en quatre étapes : (i) A la fin de la période t-1 les travailleurs constatent l'écart entre les taux d'accroissement effectif et anticipé de la masse monétaire. Cet écart est dû à deux facteurs : l'erreur d'estimation de θt-1 et l'erreur de contrôle de l'offre de monnaie ψt-1. Sachant que θ t −1 = ρθ t − 2 + ε t −1 , les travailleurs distinguent trois sources d'erreur relatives aux estimations des paramètres θt-2, εt-1 et ψt-1. (ii) Au début de la période t, la banque centrale révèle au public la valeur de θt-2. les travailleurs observent également la valeur passée du taux d’inflation. Ils sont donc en mesure de déduire une quantité, ∆t, qui regroupe les effets des perturbations εt-1 et ψt-1 : π t −1 = π tc−1 + ψ t −1 = a0π * + a1α A + a2αθ t −1 + ψ t −1 = a0π * + a1α A + a2α ( ρθ t − 2 + ε t −1 ) + ψ t −1 ⇒ ∆ t −1 = a2αε t −1 + ψ t −1 = π t −1 − a0π * − a1α A − a2αρθ t − 2 (iii) Les travailleurs doivent maintenant déduire la part de εt-1 dans la quantité ∆t-1. Cet exercice revient à estimer le coefficient a de l'équation suivante : ε t = a∆t + ϑt iid avec ϑt ~ N ( 0, σ ϑ2 ) . Le meilleur estimateur est celui issu de la méthode des moindres carrées ordinaires45 : â= a 2ασ ε2 (a 2α )2 σ ε2 + σ ψ2 . (iv) En substituant â dans l'équation (8), les travailleurs peuvent dériver une expression de l’estimateur de θt en fonction des paramètres et des variables exogènes du modèle : EIt [θ t ] = ρ 2θ t − 2 + ρ â ∆t −1 = ρ 2θ t − 2 + ρ â {π t −1 − a0π * − a1α A − a2αρθ t − 2 } . (9) A l’aide des équations (7) et (9) on dérive l’expression du taux d’inflation anticipé : 45 Ce résultat suppose que εt et ψt sont indépendants. 183 π ta = mta = a0π * + a1α A + a2α ρ 2θ t − 2 + ρ â {π t −1 − a0π * − a1α A − a2αρθ t − 2 } . (10) 3.3- Le problème de décision de la banque centrale L’équation (10) révèle l’existence d’un lien positif entre l’inflation anticipée à la date t et l’inflation ciblée à la date t-146. Ainsi, le public croit que l’importance accordée par la banque centrale à l’emploi est d’autant plus importante que sa politique passée est expansionniste, ce qui alimente les anticipations inflationnistes courantes. Le processus d’apprentissage introduit donc une relation croissante entre les politiques passées et les anticipations actuelles. Cette relation modifie profondément le problème de décision des autorités. La variable de commande n’est plus indépendante d’une période à l’autre, car les anticipations introduisent un lien implicite entre la politique de la date t et celle de la date t+1. Une conséquence importante de cette interdépendance est qu’elle permet à la banque centrale d’orienter les anticipations futures vers la baisse en pratiquant une politique restrictive. Le processus d’apprentissage lui permet de signaler au public son changement de préférence, de pousser les anticipations à la baisse et de réduire le biais inflationniste. Le programme d’optimisation de la banque centrale est résolu en poursuivant la démarche habituelle. La courbe de Phillips permet d’exprimer le volume d’emploi en fonction des taux d’inflation ciblé et anticipé. En substituant cette expression dans la fonction objectif et en dérivant par rapport à πtc on obtient la fonction de réaction de la banque centrale. Enfin, on substitue l’expression de πta dans cette fonction pour dériver le taux d’inflation ciblé : π tc = mtc = π * + Aα (1 − a2αρ â ) + θ tα (1 − a2αρ 2 â ) . (11) On peut facilement remarquer que la règle de décision prend la forme anticipée par les travailleurs. Pour que les anticipations soient rationnelles, il faut néanmoins que le système suivant admette une solution : a1 = 1 − a2αρ â . 2 a2 = 1 − a2αρ â 46 On sait que : π t −1 = π tc−1 + ψ t −1 184 Nous savons que â dépend uniquement du paramètre a2. Il suffit donc que la deuxième équation du système admette une solution pour que les anticipations soient rationnelles. A l’aide de l’expression de â, on peut réécrire cette équation sous la forme suivante : f ( a2 ) = g ( a2 ) f ( a2 ) = a2 où a2ασ ε2 2 αρ g a = 1 − a ( ) 2 2 2 ( a2α ) σ ε2 + σ ψ2 (12) Il faut donc démontrer qu’il existe une valeur unique de a2 qui égalise entre les fonctions f et g. Pour cela, il suffit de remarquer que ces deux fonctions varient d’une façon strictement monotone dans deux sens opposés : f est strictement croissante avec f(0)=0 , tandis que g est strictement décroissante avec g(0)=147. Il s’ensuit que l’équation (12) admet toujours une solution unique. On peut donc affirmer que les anticipations des agents sont rationnelles, avec les paramètres a0 , a1 et a2 qui ont des valeurs uniques. 3.4- Une analyse des résultats L’erreur de contrôle ψt différentie le taux d’inflation effectif du taux d’inflation ciblé : π tai = π * + Aα (1 − a2αρ â ) + θ tα (1 − a2αρ 2 â ) + ψ t . En information parfaite, ce même jeu aurait conduit au taux d’inflation suivant : π tip = π * + α ( A + θ t ) + ψ t L’asymétrie d’information induit donc l’écart suivant entre les deux taux : π tip − π tai = α 2 a2 ρ â ( A + ρθ t ) > 0 . Cette inégalité énonce l’un des principaux résultats du modèle : en asymétrie d’information, le processus d’apprentissage permet à la banque centrale de signaler son conservatisme au public et de réduire ainsi le biais inflationniste. 47 ∂g = − a2αρ 2 ∂a2 2ασ ε2σ ψ2 (( a α ) σ 2 2 2 ε + σ ψ2 ) 2 < 0 et ∂f =1> 0 ∂a2 185 Sur le plan théorique, ce modèle résout le problème de la multiplicité des équilibres qui se pose avec le modèle de Barro-Gordon (1983a). En présence du processus d’apprentissage, c’est la banque centrale qui impose le taux d’inflation d’équilibre. Le contrôle indirect qu’elle exerce sur les anticipations lui permet de ramener l’inflation au niveau qu’elle souhaite. Ses préférences constituent donc le principal déterminant du nouvel équilibre. Sur le plan pratique, le modèle peut servir de fondement à diverses mesures de lutte contre l’inflation. Il peut rationaliser la nomination d’un dirigeant conservateur à la tête de la banque centrale, aussi bien que l’octroie d’un statut indépendant à cette institution. Grâce au processus d’apprentissage, le public reconnaît le changement de préférence chez les autorités quel que soit son origine. Enfin, le modèle reste assez réaliste puisqu’il préserve à la banque centrale la possibilité d’influencer l’emploi en cas de nécessité. La banque peut profiter de l’incapacité du public à estimer avec précision ses préférences actuelles pour le surprendre avec une inflation plus forte que prévue. Elle subira en contrepartie une détérioration de sa réputation, qui se manifeste par une augmentation du taux d’inflation lors de la prochaine période. Toutefois, elle peut toujours reconquérir la confiance du public en durcissant sa lutte contre l’inflation dans le futur. Le processus d’apprentissage offre donc à la banque centrale l’avantage de distribuer les gains et les pertes en matière d’emploi dans le temps : elle profite des gains lorsque l’emploi constitue l’une de ses priorités et elle se permet d’occasionner les pertes lorsqu’elle juge que le volume d’emploi est satisfaisant. Les périodes durant lesquelles elle subit des pertes lui servent à soigner sa réputation afin que l’inflation converge vers un niveau plus faible. Les erreurs de contrôle de l’offre de monnaie jouent un rôle déterminant dans ce modèle. La confusion qu’elles génèrent est à la fois un avantage et un inconvénient : d’une part, elle empêche le public d’estimer l’ampleur exacte des variations de At, ce qui permet à la banque centrale de stimuler l’emploi. D’autre part, elle empêche la banque centrale de restaurer sa réputation rapidement en ralentissant la reconnaissance du public de la baisse de At. 3.5- Conclusion 186 L’introduction du concept de réputation dans ce modèle ne soulève aucune ambiguïté. Il trouve son origine dans les asymétries d'information qui établissent un lien entre les décisions passées des autorités et les anticipations actuelles des agents. Le modèle de BarroGordon (1983a) introduit le concept de réputation par le biais d'une stratégie punitive injustifiée qui pose de nombreux problèmes. Nous soulignons par ailleurs le réalisme des conclusions qui découlent du modèle. Premièrement, il est cohérent avec les stratégies mises en place pour lutter contre l’inflation, à l’instar de l’indépendance et la nomination d’une personnalité conservatrice à la tête de la banque centrale. Deuxièmement, il décrit une construction progressive de la réputation et une baisse graduelle de l’inflation, ce qui correspond à ce qui se passe dans la réalité. Les asymétries d’information expliquent l’inertie du processus d’apprentissage. Elles empêchent les agents de s'apercevoir rapidement des changements de préférence chez les autorités et ralentissent ainsi la baisse du taux d'inflation. Nous rappelons que le modèle de Barro-Gordon propose une acquisition subite de la réputation et une convergence instantanée de l’inflation à son niveau désiré. Troisièmement, le modèle permet de rationaliser les dispositions complémentaires adoptées par certains pays et qui ont pour objectif de rendre plus transparente la gestion de la politique monétaire. Cette transparence sert à dissiper la confusion et à accélérer la convergence du taux d'inflation vers son nouvel équilibre. Section 4 : Critiques et perspectives Dans cette section nous soulignons les faiblesses de l’approche classique. Nous proposons quelques solutions à ces problèmes et nous distinguons quelques axes de recherche qui nous semblent assez intéressantes à explorer. I- La simplicité du cadre macroéconomique Les modèles se résument souvent à deux équations : la fonction objectif des autorités et la courbe de Phillips. L’inflation est un phénomène purement nominal qui s’explique par la croissance de la quantité de monnaie en circulation. Ce cadre d’analyse présente deux inconvénients : il néglige des enchaînements économiques très importants et il se base sur des hypothèses assez contestables. Nous développons ces deux critiques en commençant par un exposé des points négligés par 187 l’analyse classique. 1- La théorie de l’inflation Nous distinguons deux contradictions majeures au niveau de la théorie monétaire de l’inflation proposée par la nouvelle école classique. Elles concernent respectivement les déterminants de l’inflation et ses conséquences sur l’équilibre macroéconomique. 1.1- Les origines réelles de l’inflation Il est vrai que les études empiriques révèlent une relation de long terme assez forte et suffisamment stable entre le taux d’inflation et le taux de croissance de la masse monétaire. Ce lien est nettement moins significatif à court terme. En effet, les certains facteurs réels peuvent avoir un fort pouvoir explicatif des tensions inflationnistes sur les courtes échéances. Gali et Gertler (1999) offrent des résultats empiriques allant dans ce sens. Nous avons également souligné que les banques centrales préfèrent une gestion par le taux d’intérêt à court et moyen terme. Ce choix reflète leurs volontés d’agir sur les composantes de la demande qui sont sensibles aux variations du taux. Il suggère donc que les autorités monétaires considèrent que l’inflation admet une composante réelle au moins sur la courte période. La théorie classique est incapable d’illustrer l’articulation entre les fondements théorique de long terme de l’inflation et le comportement court termiste des banques centrales. Cette critique est d’autant plus importante que l’inflation est exploitée pour des fins de court terme dans le modèle classique : ce sont les conséquences inflationnistes immédiates de la politique monétaire qui permettent de stimuler l’emploi. A notre sens, c’est l’une des incohérences majeures de cette approche qui propose un fondement théorique de long terme à l’inflation, tout en lui associant une mission de court terme. 1.2- Les conséquences de l’inflation Le modèle classique conclut que dans un régime discrétionnaire la stratégie optimale consiste à fixer le taux d’inflation conformément aux anticipations des travailleurs. Cet 188 équilibre est imposé par les salariés qui cherchent à stabiliser leurs rémunérations réelles. Ce résultat assimile implicitement le pouvoir d’achat des agents à leurs salaires réels. Or, les ressources salariales ne représentent qu'une partie de la richesse totale des agents. La politique inflationniste dépréciera par exemple leurs placements financiers et limitera leur pouvoir d’achat malgré la stabilité des rémunérations réelles. La politique se répercuterait ainsi négativement sur l'activité et sur l’emploi. Cette critique remet en question l'optimalité de la stratégie qui consiste à se plier aux anticipations des travailleurs. La banque centrale doit avoir une vue globale qui prend en compte l’effet de sa politique sur toutes les composantes de la richesse. 2- L’interaction entre les politiques monétaire et budgétaire Les modèles que nous avons exposés supposent que la politique monétaire assure à elle seule les missions de stabilisation et de relance. Or, la politique budgétaire est également un intervenant de taille dans ces domaines. L’action simultanée des autorités monétaires et budgétaires introduit des changements profonds au niveau des problèmes de décisions des différents joueurs et influence ainsi l’équilibre du modèle. Le premier changement découle de l’impact de la politique budgétaire sur l’emploi et l’inflation. Nous avons longuement exposé les fondements théoriques de la politique budgétaire au cours des trois premiers chapitres. Nous avons passé en revue les résultats empiriques qui illustrent son impact sur l’activité et sur l’emploi. La politique budgétaire peut également génératrices de tensions inflationnistes. Sargent et Wallace (1981) démontrent que dans une économie monétariste, la politique budgétaire peut induire une politique monétaire inflationniste. Creel et Sterdyniak (2001) proposent une revue des apports théoriques récents qui établissent des liens entre les variations des prix et ceux de la politique budgétaire. Ils regroupent ces contributions sous le nom de « la théorie budgétaire du niveau des prix » (the Fiscal Theory of the Price Level). Ainsi, l’entrée en jeu de la politique budgétaire nécessite une redéfinition des équations caractéristiques du taux d’inflation et du volume d’emploi. Le deuxième point concerne l’impact de la politique budgétaire sur les préférences et les décisions de la banque centrale. En effet, l’activisme budgétaire est susceptible d’atténuer les tentations inflationnistes de la banque centrale. Lorsque le gouvernement entreprend une 189 politique de lutte contre le chômage, cela remet en question l’utilité d’une intervention monétaire dans ce même domaine. La banque centrale peut certes venir en aide au gouvernement, mais sa contribution sera moins forte étant donné qu’une partie du travail sera prise en charge par le gouvernement. On peut donc imaginer que la prise en compte des relances budgétaires par la banque centrale atténue l’importance qu’elle accorde à l’emploi et la conduit à se concentrer davantage sur le contrôle de l’inflation. Le dernier problème concerne la coordination entre les deux autorités. La banque centrale et le gouvernement ne se fixent pas nécessairement les mêmes objectifs. Ils peuvent ainsi adopter des politiques incohérentes qui se répercutent négativement sur l’activité. En conclusion, l’action simultanée des autorités monétaires et budgétaires nécessite une redéfinition du modèle qui conduit vraisemblablement à des résultats différents de ceux issus de la modélisation classique standard. 3- Des objectifs conflictuels Les objectifs réels de la banque centrale sont tenues pour responsables des politiques monétaires expansionnistes. Nous recensons néanmoins certains objectifs qui nécessitent la mise en place de politiques restrictives et qui contribuent à atténuer les tentations inflationnistes. La stabilité du secteur financier et la lutte contre le chômage représentent deux objectifs qui poussent la banque centrale à agir dans deux sens opposés. L’objectif d’emploi nécessite une baisse du taux d'intérêt (ou une augmentation de la masse monétaire). Une telle mesure peut mettre le secteur bancaire en difficulté. En effet, le passif des organismes bancaires est composé en grande partie d'emprunts de long terme, alors que leur actif est majoritairement constitué d'emprunts de court terme. Ainsi, une baisse du taux court diminue les revenus de ce secteur sans pour autant limiter ses charges. Les coûts sont peu sensibles à la politique monétaire, car les propriétés théoriques de la structure par termes des taux d’intérêt sont souvent violées, et les variations des taux courts ne s’accompagnent pas nécessairement par une évolution dans le même sens des taux longs. La stabilité du secteur financier nécessite par conséquent une certaine stabilité du taux d'intérêt qui est incompatible avec l'objectif d'emploi. Dans une optique classique la promotion de l’emploi peut contrecarrer la capitalisation 190 boursière. La fin des années 90 a connu des vagues de licenciements sous la pression des actionnaires. Les entreprises étaient devant l’obligation de réduire leurs effectifs afin de signaler aux marchés financiers la mise en place des réformes structurelles qui garantissent une gestion financière saine et rigoureuse dans le futur. Dans ce cas, le développement de la capitalisation boursière peut être contradictoire avec la volonté de promouvoir l'emploi, ce qui rend le choix de la politique monétaire un exercice assez délicat. Les deux précédents objectifs sont complémentaires d’un point de vue keynésien. Comme la croissance de la production est à l'origine de la baisse du chômage, les profits des entreprises et le volume de la main d'œuvre évoluent dans le même sens. Dans ce cas, l'augmentation de l'emploi reflète la bonne santé des entreprises et attire les capitaux vers le marché boursier. 4- Une remise en question de quelques postulats Les principales critiques concernent les ajustements nominaux et leurs conséquences sur l’équilibre du modèle. Même si les faits réels remettent en question les hypothèses de rigidité, celles de parfaite flexibilité ne sont pas épargnées pour autant. Fischer(1977) puis Taylor(1979) ont proposé des fondements théoriques à la rigidité des salaires nominaux. Ils soulignent l'existence de contrats de long terme qui empêchent une révision rapide des rémunérations nominales. Nous soulignons également que les négociations salariales ne débouchent pas nécessairement sur une pleine satisfaction des revendications salariales des travailleurs. Ainsi, ces derniers ne sont pas toujours en mesure de ramener les salaires nominaux aux niveaux désirés. Par ailleurs, la stabilité du pouvoir d'achat ne constitue pas l'unique préoccupation des travailleurs. La multiplicité des objectifs peut les conduire à modérer leurs revendications salariales. Ces arguments offrent des fondements à l’inertie des salaires nominaux et constituent une alternative aux explications basées sur les asymétries d'information. En outre, nous rappelons que dans le modèle classique les ajustements des salaires nominaux s'effectuent d'une façon prématurée. La politique inflationniste vient en effet en réponse aux ajustements salariaux. Dans la réalité, nous constatons une chronologie inverse des événements : les salariés ne réclament une appréciation de leurs rémunérations nominales que lorsqu'ils constatent que leur pouvoir d'achat s'est détérioré. L'ajustement des salaires nominaux 191 est donc le résultat et non l'instigateur de l'inflation. Ce constat demande une nouvelle explication de la lenteur des ajustements des salaires nominaux. Plus important encore, il implique que la banque centrale peut limiter le biais inflationniste sans qu’elle soit confrontée aux problèmes de crédibilité et de réputation que nous avons exposés précédemment. Comme nous l’avons souligné dans le premier chapitre, les néokeynésiens ont proposé des fondements microéconomiques à la viscosité des prix, tels que les coûts étiquetage et la structure imparfaite de l’information. Ils présentent également l’écart par rapport au plein emploi comme une preuve de l’existence des rigidités nominales. Les hypothèses de parfaite flexibilité implique une proximité permanente du plein emploi. Or, dans la plupart des pays occidentaux le produit naturel est distant du produit potentiel et le taux d'utilisation des capacités de production est nettement inférieur à 1. La persistance d'un tel équilibre montre que les ajustements rapides et spontanés prônés par les nouveaux classiques ne sont pas fonctionnels dans la réalité. Nous avons également signalé que la gestion de la politique monétaire est cohérente avec l’approche keynésienne, car elle révèle implicitement le déficit de demande dont souffre l’économie et l’inefficacité des ajustements nominaux supposés garantir un retour rapide vers le plein emploi. II- Le comportement des joueurs 1- Les motivations de la banque centrale La littérature propose deux interprétations différentes du comportement de la banque centrale. La première présente la politique monétaire comme le résultat des pressions exercées par les divers groupes d’intérêt. Naudhaus (1975 et 1979) et Persson et Tabellini (1990) proposent une formalisation de cette approche. La seconde considère que les autorités monétaires maximisent délibérément une fonction de bien-être social. 1.1- La banque centrale est les pressions externes Sans renier totalement l’existence de certaines pressions sur la banque centrale, nous considérons que l’influence qu’elles exercent sur le choix de la politique monétaire reste marginale. Nous développons trois critiques qui remettent en question le pouvoir explicatif de cette approche. 192 D'abord, aucune pression directe ne peut être exercée sur la banque centrale. Les revendications des divers groupes peuvent toutefois être transmises aux autorités monétaires par le biais du gouvernement qui, pour des raisons électorales, subit directement les pressions des groupes en question. L'indépendance dont jouissent la plupart des banques centrales affaiblit néanmoins l’efficacité de ce canal de transmission. D’autre part, la banque centrale n’a pas les moyens de satisfaire les exigences des divers groupes de pression. Son champs d’action est assez restreint et de nombreux domaines qui intéressent le public sont en dehors de sa portée. En outre, les conséquences de la politique monétaire sont d’ordre macroéconomique et influencent le bien-être de toutes les catégories d'agents. La banque centrale ne peut conduire des réglages fins qui répondent aux attentes de certains groupes sans affecter le bien-être de la population dans son ensemble. Enfin, les conséquences de la politique monétaire sont à la fois lentes et incertaines. Elles sont donc incompatibles avec les revendications des groupes de pressions qui sont souvent précises et urgentes. On conclut donc que la banque centrale ne constitue pas le meilleur interlocuteur pour les groupes de pression. Les répercussions globales de ses politiques et l'incertitude quant aux conséquences de ses interventions les découragent de lui faire appel, d'autant plus que le gouvernement dispose des compétences et des instruments qui lui permettent d’assurer cette mission. Moyennant la politique de dépense et les mesures fiscales, le gouvernement est capable de répondre rapidement et avec une grande précision aux intérêts des divers groupes de pression. Nous soulignons enfin que cette approche politique pose certains problèmes tant sur le plan empirique que sur le plan théorique. D’abord, les pressions exercées sur la banque centrale sont difficiles à apprécier, car les poids accordés aux différents groupes de pression relèvent de critères totalement subjectifs. Ce problème d’appréciation est d’autant plus important que l’évolution du rapport de force entre les groupes en question devient un facteur explicatif important de l’évolution de la politique monétaire. Enfin, dans cette optique les problèmes de crédibilité et de réputation deviennent aberrants, puisque la politique monétaire répond à la volonté d’une partie du public. 1.2- La banque centrale et le bien-être social 193 Les précédentes critiques démontrent la faiblesse l’approche politique et son incapacité à offrir une explication satisfaisante du comportement des autorités monétaires. Notre analyse converge vers un comportement délibéré qui s’explique par le désir des banques centrales d’atteindre un équilibre macroéconomique plus satisfaisant. Cette deuxième approche a été néanmoins la cible de plusieurs critiques que nous analysons dans ce paragraphe. 1.2.1- Une alternative keynésienne aux arguments de Barro et Gordon Barro et Gordon (1983a) pensent que l'intérêt qu’accorde par la banque centrale à l'emploi émane de sa volonté d’atteindre un bien-être social maximal. Elle est ainsi amenée à intervenir pour combler l’écart entre les taux de chômage naturel et optimal, généré par les distorsions fiscales. Nous rejetons cette explication car nous considérons que la baisse de bien-être que provoquent les impôts peut être compensée par la satisfaction que procurent les biens et services publics qu’ils servent à financer. Nous avons longuement argumenté ce point de vue au cours du premier chapitre. Cela ne nous conduit pas pour autant à rejeter l’hypothèse de départ qui met en avant l’intérêt qu’accordent les autorités au bien-être social. Nous pensons en effet que le déficit de demande constitue une explication alternative très réaliste de la divergence du taux chômage de son niveau optimal. Du point de vue keynésien, les rigidités nominales conduisent à une situation de sous-emploi, qui explique l’écart entre les taux de chômage optimal et naturel. 1.2.2- La coordination n'est pas nécessairement imposée Le gouvernement est également bien placé pour assurer des missions de relance. Il est donc capable de veiller sur le bien-être de la société, d’autant plus que sa représentativité l’habilite naturellement à assurer cette tâche. L’action gouvernementale dans ce domaine ne se traduit pas par une éviction de l’intérêt qu’accordent les autorités monétaires au bien-être social. Les deux autorités peuvent agir dans le même sens et assurer conjointement cette tâche. Un minimum de coordination est toutefois nécessaire pour que les interventions simultanées des deux autorités aboutissent aux résultats espérés. Nous ne voyons aucune contradiction entre la volonté de la banque centrale de maximiser le bien-être de la société et le fait qu'elle tienne compte des choix économiques faits par le gouvernement. Nous considérons qu'il y a une complémentarité certaine entre les deux idées, car il est impossible 194 d'atteindre un équilibre optimal sans que chaque autorité ne tienne compte de l'action de son vis-à-vis. Capoën, Sterdyniak et Villa (1994) étudient différents scénarios d’un jeu qui opposent la banque centrale au gouvernement. Ils définissent l’équilibre conjoncturel cohérent comme le résultat du jeu lorsque chaque autorité tient compte de la stratégie de l’autre en choisissant sa politique. Ils démontrent que lorsque les autorités choisissent les bonnes conjectures cet équilibre leur garantit des niveaux de satisfaction plus élevés qu'un équilibre de Nash. 1.2.3- L’évolution des objectifs La dernière critique souligne la contradiction entre la volatilité des objectifs déclarés par les banques centrales et la stabilité des objectifs optimaux qu’elles sont sensées adopter. Les défenseurs de l’approche politique mettent en avant sa capacité à rationaliser cette variabilité des objectifs à travers les pressions externes. Nous pensons que la variation des objectifs de court terme traduit simplement l’adaptation de la stratégie de la banque centrale aux évolutions de la conjoncture. Pour atteindre leurs objectifs finaux avec succès, les autorités doivent tenir compte de l’évolution de la situation économique et adapter leur stratégie en conséquence. Ainsi, l’évolution des objectifs intermédiaires n’est pas synonyme d’un changement des objectifs finaux, au même titre qu’un changement de chemin au cours d’un voyage n’est pas nécessairement synonyme d’un changement de la destination finale. La conjoncture peut même amener la banque centrale à entreprendre des mesures contraires à ses préférences. Ce genre de comportement est assez facile à observer chez le gouvernement dont les préférences et les décisions sont beaucoup plus transparentes. En France par exemple, des augmentations d'impôts et des aggravations des déficits budgétaires ont été constatées avec des gouvernements connus pour leur conservatisme. Par contre, des baisses de dépenses et des vagues de privatisation ont été enregistrées avec des gouvernements connus pour leur hostilité à ce type de mesures. Les comportements des gouvernements montrent que le contexte économique prend souvent le dessus sur les convictions et les préférences des hommes. De même, les banques centrales peuvent être amenées à varier leurs stratégies à court terme. La stabilité des objectifs de long terme peut donc être cohérente avec une politique assez variable à court terme imposée par la 195 conjoncture. 2- Quelques commentaires concernant la fonction objectif 2.1- Objectif de production ou objectif d’emploi ? Nous pensons qu’un objectif de production est préférable à l’objectif d’emploi retenu par les classiques. Cette idée s’appuie sur les arguments suivants. Selon l’approche classique, la baisse du taux de chômage ne s'accompagne par aucune augmentation de la production. La politique monétaire assure donc une sorte de redistribution qui consiste à transférer une partie de la masse salariale réelle des travailleurs vers les chômeurs. Nous pensons que la baisse des salaires réels ne peut inciter les entrepreneurs à recruter si aucune croissance future n’est en perspective. Quelle est la motivation derrière un nouveau recrutement, si la production désirée peut être réalisée avec la main d’œuvre déjà en place ? Sur le plan théorique, la promotion de l'emploi peut s’expliquer par la substituabilité entre les facteurs travail et capital. Un entrepreneur qui constate une baisse du coût relatif du travail diminue son intensité capitalistique en substituant la main d’œuvre au capital. Sur le plan pratique, de nombreuses imperfections empêchent les entrepreneurs d’ajuster leurs demandes de facteurs conformément à l’hypothèse de substituabilité. Les coûts et les délais d’ajustement sont les arguments qui vont dans ce sens. Par ailleurs, les entrepreneurs ne vont pas varier sans cesse leurs stratégies de production aux grès des décisions de la banque centrale, d’autant plus que les variations des coûts relatifs qui en découlent peuvent être transitoires. Enfin, la substitution est quasi-impossible dans certains domaines. En effet, beaucoup de tâches réalisées par les machines ne peuvent être accomplies par le facteur humain ou bien nécessite une quantité de travail qui revient beaucoup plus cher aux entrepreneurs. Ces arguments suggèrent une faible substitution entre les facteurs capital, ce qui réduit sensiblement les chances de la politique monétaire de stimuler l’emploi en agissant seulement sur le salaire réel. La croissance de la production constitue donc une condition nécessaire à la baisse du taux de chômage. Cette idée est compatible avec l’approche keynésienne qui rationalise l’impact de la politique monétaire sur l’emploi par son effet de relance sur la demande. Nous avons également souligné que les règles monétaires d’inspiration keynésienne, comme la 196 règle de Taylor, ont un pouvoir descriptif plus fort des comportements effectifs des banques centrales. Ces règles considèrent que les autorités monétaires réagissent aux variations du taux de croissance et non du taux de chômage. Elles soutiennent donc une causalité allant de la production vers l’emploi. Dans cette optique, l'inflation n’est plus à l’origine de la relance, elle en est plutôt la conséquence. Ainsi, l’objectif réel de la banque centrale doit être exprimé en termes de production, même si l'emploi constitue sa véritable préoccupation. Par ailleurs, la banque centrale peut avoir d’autres centres d’intérêt, comme celui de réduire le déficit de la balance commerciale. Dans ce cas, elle entreprend des mesures qui visent à accroître la compétitivité des biens nationaux et à promouvoir les exportations. La baisse de la balance commerciale s’accompagne d’une augmentation du volume de la production en réponse à l’expansion de la demande étrangère. Le volume de la production s’avère donc un agrégat assez représentatif des multiples objectifs réels susceptibles d’intéresser les autorités à court ou à long terme. Pour cette raison, nous le préférons à l’objectif d'emploi qui représente une seule facette parmi les multiples préoccupations des autorités. 2.2- Une réinterprétation de l’objectif d’inflation L'aversion des autorités envers l'inflation s’explique par son impact négatif sur le pouvoir d’achat et par ses conséquences sur les anticipations. Vus sous un autre angle, ces deux arguments nous signalent que l’intérêt accordé à l’inflation est indirectement lié aux objectifs de production de court et de long terme. En dépréciant le pouvoir d’achat des agents, l’inflation limite la demande privée et se répercute négativement sur la production actuelle. Par ailleurs, elle alimente les anticipations inflationnistes, réduit la demande future et compromet les perspectives de croissance. Dans ce sens, l'inflation n’est pas une finalité en soi, mais reflète plutôt l’attachement des autorités à leurs objectifs réels de court et de long terme. Cette lecture offre peut expliquer le fait que les banques centrales ne cherchent pas à éradiquer totalement l’inflation et se contentent de la contenir dans une fourchette raisonnable. Les autorités tolèrent la partie réelle de l'inflation qui résulte de la croissance (et échappe à leurs contrôles) et affichent leurs hostilités envers la partie nominale qui est préjudiciable à l’activité. 197 Il faut néanmoins répondre à une dernière question : pourquoi les banques centrales n'affichent-elles pas directement leur intérêt à la production au lieu d’annoncer des cibles d’inflation ? Nous pensons que les autorités monétaires ne sont pas les véritables instigateurs de la croissance. La politique budgétaire joue un rôle plus important dans ce domaine et l’annonce des scénarios de croissance relèverait ainsi de la compétence du gouvernement. Cependant, la banque centrale peut servir la croissance dans le domaine monétaire où elle est la plus compétente. 3- Le comportement des travailleurs L’approche classique considère que les travailleurs s’opposent à toute baisse de leur pouvoir d’achat et revendiquent systématiquement une indexation parfaite des salaires nominaux à l’inflation. Dans ce paragraphe, nous proposons quelques arguments qui plaident en faveur d’une stratégie plus flexible de la part des travailleurs. 3.1- Le risque de licenciement En cas de récession, certains facteurs peuvent conduire les travailleurs à réagir différemment aux politiques inflationnistes. Supposons que l'économie est frappée par un choc récessif qui provoque une augmentation du taux de chômage. La banque centrale réagit par une politique de relance qui vise à stabiliser l'emploi. Les travailleurs savent qu’une partie de la main d’œuvre sera licenciée s’ils refusent de concéder une baisse du taux de salaire réel. Ils sont donc conscients qu’ils courent le risque de se retrouver au chômage en revendiquant une indexation parfaite du taux de salaire nominal à l’inflation. Ce risque peut les convaincre de tolérer une baisse des salaires réels si cette stratégie leur garantit de préserver leurs emplois. Une telle décision est d’autant plus probable que l’impact du choc sur l’activité est important. Le risque de licenciement pousse ainsi les travailleurs à supporter en partie le coût du choc. 3.2- Une variété d’objectifs La stabilité du pouvoir d’achat revête certainement une importance particulière pour les travailleurs. Lors du processus de négociation, d’autres objectifs peuvent néanmoins prévaloir momentanément sur les revendications salariales. On peut même constater des accords de gels des salaires en contrepartie de la satisfaction d’autres revendications. L’existence d’une multitude d’objectifs peut ainsi conduire à un sous-ajustement des rémunérations nominales à 198 l'inflation même en dehors des périodes de choc. En dehors du volet salarial, les négociations peuvent porter sur tous les facteurs qui touchent aux conditions de travail. En effet, les salariées sont de plus en plus soucieux d’exercer leurs activités dans de bonnes conditions. Ils s’intéressent donc à tout facteur susceptible d’améliorer leur bien-être au travail. Dans ce sens, nous pensons que l'effort fournit pendant les heures de travail est un facteur déterminant de leur bien-être. Les travailleurs peuvent tolérer une baisse des salaires réels si elle incite les entrepreneurs à recruter et à alléger l'intensité de l'effort fourni par chacun d’entre eux. Dans ce cas, la banque centrale parvient à stimuler l’emploi avec la coopération des travailleurs. Lors du processus de négociation, ces derniers acceptent un faible ajustement des salaires en contrepartie d’une politique de recrutement plus active. 3.3- Une approche plus complète du bien-être social Dans le modèle classique, l’influence de la politique monétaire sur le bien-être social se résume à son impact sur le salaire réel d’une part et sur le volume de l’emploi de l’autre. Dans une optique keynésienne, les relances monétaires déclenchent une multitude de mécanismes et leurs conséquences sur le bien-être de la société sont plus ambiguës à apprécier. Soulignons d’abord que la politique monétaire accroît le niveau de satisfaction d’une partie significative des agents en relâchant leurs contraintes de liquidité. La croissance qui en découle se répercute positivement sur la situation financière des entreprises. Ces dernières profitent d’une demande plus forte d’une part, et d’une diminution des charges de leurs dettes grâce à la baisse du taux d'intérêt de l’autre. Cette amélioration se répercute positivement sur les résultats des entreprises et donc sur leurs cours boursiers. D'autre part, la baisse du chômage réduit les dépenses de transfert du gouvernement et augmente les recettes fiscales. Elle limite ainsi les prélèvements fiscaux futurs. Les agents constatent donc une augmentation de leurs richesses nettes grâce l’augmentation des dividendes distribués, à la revalorisation de leurs actifs financiers et à la baisse de leurs redevances fiscales. Ainsi, leur jugement de l'efficacité de la politique monétaire ne se limite pas à l'examen de ses répercussions sur les salaires réels. 199 Chapitre 5 La coordination dans une optique stratégique L’exclusion de la politique budgétaire est l’une des principales lacunes de l’approche stratégique proposée par la nouvelle école classique. Grâce à son impact sur l’inflation et sur l’activité, la politique budgétaire peut bouleverser la structure du jeu et contraindre la banque centrale et les travailleurs à réviser leurs stratégies. Dans ce chapitre nous complétons le paysage économique en supposant que le gouvernement prend part au jeu qui oppose les travailleurs à la banque centrale. Nous examinerons l’impact de la présence de ce troisième joueur sur les problèmes de décision et sur l’équilibre du modèle. Nous aborderons de nouveau le problème de la crédibilité, afin de vérifier si la réputation de la banque centrale permet à elle seule d’orienter les anticipations 200 vers la baisse. Nous verrons que la politique budgétaire nourrit les anticipations inflationnistes et empêche l’économie de converger vers un meilleur équilibre. Nous réintroduirons enfin la nation de coordination dans ce contexte stratégique. Nous démontrerons qu’elle réduit les pertes des autorités monétaires et budgétaires et qu’elle garantit l’aboutissement à un équilibre lorsque les politiques non-coordonnées ne le permettent pas. 201 Section 1 : Performance, crédibilité et coordination dans un jeu à trois joueurs Dans cette section, nous reconsidérons le problème de crédibilité dans un jeu à trois joueurs. Nous examinerons également l’influence qu’exerce la chronologie des décisions sur l’équilibre du modèle. Nous nous arrêterons enfin sur les problèmes relatifs à la coordination. I- Présentation du modèle 1- Les fondements théoriques Notre approche s’inspire du travail de Dixit et Lambertini (2001) qui s’intéresse aux problèmes de coordination et de crédibilité dans le cadre d'une union monétaire48. Une caractéristique majeure du modèle que nous présentons est son ouverture aux visions classique et néokeynésienne de l’économie. La première équation recense les facteurs qui influencent la production : yt = yn + σ Gt + γ (πt − πta ) (1) où Gt, yt et yn représentent respectivement l'instrument de la politique budgétaire, la production effective et la production compatible avec le taux de chômage naturel. πt et πat représentent les taux d'inflation effectif et anticipé. σ et γ sont des paramètres positifs qui mesurent l'effet de la politique budgétaire et des surprises monétaires sur la production. Les politiques budgétaires expansionnistes peuvent influencer le niveau de la production en stimulant la demande. Elles peuvent également avoir des effets positifs sur l’offre, à travers une augmentation des dépenses d’infrastructure ou une baisse de l’impôt sur le capital par exemple. Les surprises inflationnistes déprécient le taux de salaire réel, relance l'emploi et peuvent se répercuter positivement sur la production. D’un point de vue keynésien, on peut considérer que l’inflation non anticipée réduit le taux d’intérêt réel, stimule les investissements et la consommation, ce qui explique son impact positif sur la production. Comme nous l’avons souligné, le modèle permet différentes lectures de l’impact des politiques économiques sur la production. La deuxième équation définit le taux d'inflation de la période : 48 Anderson et Schneider (1986) et Dixit (2001) proposent également des analyses théoriques de ces problèmes. 202 πt = πt0 + αGt (2) où π0t est la part de l'inflation déterminée par les autorités monétaires. Le paramètre α mesure les conséquences inflationnistes de la politique budgétaire. Nous supposons que la banque centrale contrôle parfaitement π0t, en manipulant soit la masse monétaire soit le taux d'intérêt. Le modèle reste ouvert aux modes de gestion défendus respectivement par la nouvelle école classique et par les néokeynésiens. Pour simplifier les calculs nous supposons que π0t est la variable de décision de la politique monétaire. Le modèle est compatible avec des mécanismes de transmission par l’offre et par la demande. Lorsque γ est nul et π0t est constant on retrouve un cas keynésien extrême : la demande détermine à la fois la production et l'inflation. Lorsque σ et α sont nuls on retrouve une vision purement classique de l'économie, où la politique monétaire détermine à la fois l'inflation et le niveau de la production. Nous proposons les définitions suivantes des fonctions de perte respectives des autorités budgétaires et monétaires : 2 et LG = θ G ( yt − yG ) + (πt − π G ) 2 2 LM = θ M ( yt − yM ) + (πt − π M ) 2 où yG et yM représentent les volumes de production ciblés respectivement par le gouvernement et de la banque centrale. πG et πM représentent les taux d'inflation désirés par ces mêmes autorités. Enfin, θG et θM sont des paramètres positifs qui témoignent de l’importance que le gouvernement et la banque centrale accordent à la production par rapport à l'inflation. Nous complétons notre description en précisant quelques hypothèses concernant certains paramètres et variables du modèle : (i) Le volume de production ciblé par les autorités budgétaires est supérieur au volume naturel : yG > yn . Plusieurs explications peuvent justifier cette hypothèse. On peut par exemple supposer que certaines distorsions, induites par des rigidités nominales ou par des taxations inappropriées, empêchent l'économie de converger vers un équilibre optimal. 203 (ii) La banque centrale est plus conservatrice que le gouvernement dans le sens où elle cible un taux d'inflation et un volume de production moins élevés : G yM < yG et π M < π . Le fait que yM soit inférieur à yG témoigne du faible intérêt qu’accorde la banque centrale aux objectifs réels. Cette hypothèse peut s’interpréter également comme un conflit sur le modèle, dans le sens où le taux de chômage naturel est plus élevé pour la banque centrale que pour le gouvernement. (iii) Les agents forment des anticipations rationnelles en se basant sur l'ensemble d'information dont ils disposent en début de période : πta = E (πt / It ) . (3) L’ensemble It regroupe les informations qui concernent la structure de l’économie, résumée par les équations (1) et (2), et les préférences des autorités, dont témoignent les fonctions de perte LG et LM. 2- L'ordre des événements Les événements se déroulent dans l'ordre suivant : (i) Si les annonces des autorités monétaires sont crédibles (il existe un mécanisme qui les contraint à respecter leurs engagements), alors elles rendent publique leur règle de décision pour la période en cours. Cette règle définit leur réaction aux chocs susceptibles d'affecter la production. (ii) Les agents privés forment leurs anticipations en tenant compte des comportements des deux autorités. La politique budgétaire est toujours discrétionnaire. La politique monétaire peut prendre deux formes différentes selon que la banque centrale est crédible ou pas. (iii) Les chocs surviennent. Ils se manifestent par une variation du volume naturel de la production ou des paramètres structurels du modèle (σ,α et γ). (iv) Les autorités fixent les niveaux de leurs instruments. Si la politique monétaire est crédible, alors la banque centrale se comporte conformément à son annonce, tandis que le gouvernement choisit la politique qui minimise sa fonction de perte. Dans ce cas, l'ordre 204 de la prise de décision n'est pas important puisque la banque centrale respecte son annonce indépendamment du moment de son intervention. Si les deux politiques sont discrétionnaires, alors la prise de décision peut être simultanée ou séquentielle. II- Le cas de deux politiques discrétionnaires non coordonnées Nous dérivons l'équilibre du modèle en envisageant différents scénarios de prise décision, puis nous comparons la production et l'inflation d’équilibre afin d'identifier le meilleur régime. 1- L'équilibre de Nash Les travailleurs essayent d'anticiper les fonctions de réaction des deux autorités afin de prévoir le taux d'inflation futur. Ces fonctions sont issues des programmes d'optimisation qui reflètent les problèmes de décision du gouvernement et de la banque centrale. 1.1- Le comportement du gouvernement Pour des anticipations et une politique monétaire données, les autorités budgétaires essayent de résoudre le programme d'optimisation suivant: Minimiser S /C 2 LG = θ G ( yt − yG ) + (πt − π G ) 2 yt = yn + σ Gt + γ (πt − πta ) (1) système(I ) 0 = + G (2) π π α t t t (3) πta = E (πt / It ) En dérivant la fonction de perte par rapport à Gt on obtient l’expression de la fonction de réaction du gouvernement : θ G (σ + αγ ) ( yt − yG ) + α (πt − π G ) = 0 (4) A l'équilibre le gouvernement ne peut limiter davantage ses pertes. Les équations (1) et (2) nous enseignent que toute variation d'une unité de Gt provoque une variation dans le même sens de (σ+γα) unités de yt, et de α unités de πt. En termes de bien-être, cela correspond à un gain marginal de θG(σ+γα) et une perte marginale de α. A l’équilibre le coût marginal d'une réduction d'un point de l'écart entre l'inflation et sa valeur désirée s'élève donc à θG(σ+γα)/α points d'écart supplémentaire entre la production et sa valeur désirée, comme 205 l’indique l’équation (4). En substituant les contraintes dans l’équation (4) on obtient une seconde version de la fonction de réaction du gouvernement : Gt = α (π G − πt0 ) +θ G (σ + αγ ) ( yG − yn ) − γ (πt0 − E (πt / It ) ) α 2 +θ G (σ + αγ ) 2 . (4’) On peut facilement remarquer que le choix de Gt dépend des objectifs et des préférences du gouvernement, de la politique monétaire et des anticipations des agents : (i) On remarque d'abord que Gt s'accroît avec l'écart entre le volume naturel de la production et celui ciblé par le gouvernement : ∂Gt = θ G (σ + αγ ) ∂ ( yG − yn ) α2 +θ G (σ + αγ ) (ii) 2 > 0. On constate également que la politique est d'autant plus expansionniste que le gouvernement est indulgent vis à vis de l’inflation : ∂Gt α = 2 G > 0. G 2 ∂π α +θ (σ + αγ ) (iii) Les politiques monétaires expansionnistes poussent le gouvernement à modérer ses interventions : α +θ Gγ (σ + αγ ) ∂Gt = − < 0. 2 ∂πt0 α2 +θ G (σ +αγ ) La politique monétaire peut en effet stimuler la production en créant des surprises inflationnistes, ce qui limite la nécessite d'une relance budgétaire. De plus, les expansions monétaires dissuadent le gouvernement d'entreprendre des mesures susceptibles d'accentuer les tentions inflationnistes. Bien que la banque centrale soit plus conservatrice que le gouvernement, l’inflation demeure une source de désutilité pour ce dernier. (iv) Les anticipations accentuent le caractère expansionniste de la politique budgétaire : θ γ (σ + αγ ) ∂Gt = > 0. 2 ∂E (πt ) α +θ G (σ + αγ )2 G 206 Une augmentation des anticipations inflationnistes provoquera, toute choses égales par ailleurs, une baisse de la production. Elle contraint ainsi le gouvernement à accroître ses dépenses afin d’éviter une baisse de l’activité. En plus de son effet direct sur la demande, la politique budgétaire limite l’écart entre l’inflation effective et l’inflation anticipée, ce qui contribue également à atténuer la baisse de l’activité. 1.2- Le comportement de la banque centrale Pour une politique budgétaire et des anticipations données, les autorités monétaires minimisent leur fonction de perte sous les mêmes contraintes : 2 Minimiser LM = θ M ( yt − yM ) + (πt − π M ) S /C 2 yt = yn + σ Gt + γ (πt − πta ) (1) système(II ) 0 G (2) = + π π α t t t (3) πta = E (πt / It ) En dérivant la fonction de perte par rapport à l’instrument monétaire π0t , on arrive à une expression simplifiée de la fonction de réaction de la banque centrale : θ M γ ( yt − yM ) + (πt − π M ) = 0 . (5) A l’équilibre toute réduction d'une unité de l'écart entre les taux d'inflation effectif et désiré entraîne une perte marginale qui s'élève à θMγ unités d'écart entre les productions effective et ciblée. Ainsi, tout gain de bien-être tiré d’une croissance de la production est compensé par une perte de même taille due à une augmentation de l’inflation et vice versa. En substituant les contraintes dans l’équation (5) on arrive à la version complète de la fonction de réaction de la banque centrale : 0 t π = θ M γ 2 E (πt ) + π M − (α +θ M γ (σ + αγ ) ) Gt +θ M γ ( yM − yn ) 1 +θ M γ 2 (5’) A partir de l'équation (5’), nous déduisons les propriétés suivantes : (i) La réaction monétaire est d'autant plus forte que l’objectif d'inflation de la banque centrale est élevé : 207 ∂πt0 1 = > 0. M ∂π 1+θ M γ 2 (ii) Plus l’écart entre les volumes naturel et ciblé de la production est élevé, plus la banque centrale est tentée de générer des surprises monétaires : ∂πt0 ∂ ( yM − yn ) (iii) = θ Mγ > 0. 1+θ M γ 2 La banque centrale est obligée de pratiquer une politique au moins aussi expansionniste que celle attendue par les agents si elle veut éviter une baisse de la production. Sa réaction est donc nécessairement croissante par rapport aux anticipations : ∂πt0 θ Mγ 2 = > 0. ∂EIt (πt ) 1+θ Mγ 2 (iv) Les relances budgétaires modèrent le caractère expansionniste de la politique monétaire, car elles stimulent la production d'une part et génèrent de l'inflation de l'autre. Ainsi, la banque centrale n'a pas besoin d'intervenir fortement pour atteindre son objectif de production, et doit adopter une politique passive si elle veut respecter son objectif d'inflation : α +θ γ (σ + αγ ) ∂πt0 =− < 0. ∂Gt 1+θ M γ 2 M 1.3- Les propriétés de l'équilibre L'équation (5) nous permet d’exprimer le taux d'inflation en fonction de la production : πt = π M −θ M γ ( yt − yM ) . (6) A l’aide des équations (4) et (6) on dérive l'expression de la production d'équilibre : yt = α (π G − π M ) +θ G (σ + αγ ) yG −θ Mαγ yM θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ (7) En remplaçant yt par son expression dans l’équation (6) on peut exprimer le taux d'inflation d'équilibre en fonction des paramètres et des variables exogènes du modèle. A partir de l'équation (7) on constate que les propriétés de l'équilibre dépendent de la 208 valeur "θG(σ+γα)-θMα γ " au dénominateur. On distingue les trois cas suivants : Cas 1 : θG(σ+γα)>θMαγ. A partir de l’équation (7), et sachant que yG est supérieur à yM, on peut écrire : yt = α (π G − π M ) +θ G (σ +αγ ) yG −θ Mαγ yM θ (σ + αγ ) −θ αγ G M > yG + α (π G − π M ) θ (σ + αγ ) −θ G M (π αγ G −π M ) . Or, on sait par hypothèse que πM est inférieure à πG et que α est positif. Il s'ensuit que le terme à droite de yG dans l'inégalité précédente est positif. La production d'équilibre est donc supérieure à celle désirée par les autorités budgétaires. En tenant compte de ce résultat au niveau de l'équation (6), on peut facilement voir que le taux d'inflation d'équilibre est plus faible que celui ciblé par les autorités monétaires : yt > yG ⇒ yt > yM ⇒πt − π M = θ M γ ( yt − yM ) < 0 . Le jeu entre le gouvernement, la banque centrale et les travailleurs conduit donc à un excès de production et à une faible inflation. Dixit et Lambertini (2001) considèrent qu'un tel équilibre est indésirable pour les trois joueurs essentiellement pour des considérations de long terme. En effet, le niveau élevé de la production est obtenu moyennant une forte expansion budgétaire. A terme, une telle politique entraîne une forte croissance de la dette publique, une hausse du taux d'intérêt et se traduit par conséquent par un ralentissement de l'activité. Dans l'immédiat, la dynamique d’emploi instaurée par la forte croissance se traduit par une augmentation du temps de travail au détriment du loisir, ce qui peut détériorer le bien-être des travailleurs. Ces mécanismes n'apparaissent pas d'une façon explicite dans le modèle, mais peuvent être perçus à travers le fait que les écarts par rapport aux cibles sont considérés comme indésirables, qu'il s'agisse d'écarts positifs ou négatifs49. Cas 2 : θG(σ+γα)<θMαγ. A partir de l'équation (7), et sachant que yG est supérieur à yM, on peut écrire : yt = 49 α (π G − π M ) +θ G (σ + αγ ) yG −θ Mαγ yM θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ M <y + α (π G − π M ) θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ (π G −π M ) . Les fonctions de perte sont quadratiques. 209 Or, on sait par hypothèse que πM est inférieur à πG et que α est positif. Il s'ensuit que le terme à droite de yM dans l'inégalité précédente est négatif. La production d'équilibre est donc inférieure à celle désirée par la banque centrale. En tenant compte de ce résultat au niveau de l'équation (4), on peut facilement voir que le taux d'inflation d'équilibre est plus fort que celui désiré par les autorités budgétaires : θ G (σ + αγ ) πt = π − ( yt − yG ) > π G . α G Dans ce cas, l'équilibre est sous-optimal essentiellement pour des considérations de court terme. La forte inflation et le faible revenu se répercutent négativement sur le bien-être des trois joueurs. Cas 3 : θG(σ+γα)=θMαγ. Aucun équilibre n'est possible dans ce cas, car les deux autorités tirent des gains marginaux identiques de leurs politiques, tout en générant des pertes identiques chez leur visà-vis : la perte que subit le gouvernement à la suite d'une baisse d'une unité de π0t est équivalente à celle supportée par la banque centrale à la suite d'une augmentation d'une unité de Gt. Prenons l'exemple d'une politique monétaire qui vise à réduire le taux d'inflation. Le gouvernement réagit à une telle initiative par une augmentation de Gt, ce qui génère chez la banque centrale un coût équivalent au gain qu'elle a tiré de sa politique restrictive. Les deux politiques se neutralisent mutuellement en termes de bien-être (ou en termes de réduction de la perte). Dans une telle configuration, les deux autorités continuent à faire des usages symétriques de leurs instruments sans qu'aucune d'entre elles ne parvienne à imposer sa politique. 1.4- Une interprétation des résultats Pour arriver à une lecture pertinente des résultats, il faut attribuer un sens économique à la valeur [θG(σ+γα)-θMαγ] et à son signe. Prenons l’exemple d’une politique de désinflation. Les pertes marginales subies par le gouvernement et par la banque centrale s'élèvent respectivement à θG(σ+γα)/α et θMγ par unité d'inflation. En calculant l'écart entre ses pertes on remarque qu'il a le même signe que la 210 valeur en question : θ G (σ + αγ ) M θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ −θ γ = α α G θ (σ +αγ ) M ⇒ Signe −θ γ = signe (θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ ) α Ainsi, le premier équilibre (lorsque θG(σ+γα) est supérieur à θMαγ) correspond au cas où le gouvernement occasionnerait une perte marginale supérieure à celle subie par la banque centrale contre chaque baisse de l’inflation. Le contraire est vrai dans le cas d'une politique de relance. Les pertes marginales occasionnées par le gouvernement et par la banque centrale pour chaque unité de production gagnée s'élèvent à respectivement à α/[θG(σ+γα)] et 1/(θMγ). On peut facilement voir que l’écart entre ses pertes prend le signe inverse de la quantité [θG(σ+γα)-θMαγ] : M G α 1 θ αγ −θ (σ + αγ ) − = . θ G (σ + αγ ) θ M γ θ Mθ Gαγ (σ + αγ ) Ainsi, le deuxième équilibre correspond aux cas où la banque centrale occasionne plus de perte que le gouvernement par unité de production gagnée. Les deux propositions suivantes récapitulent ces idées : • Lorsque θG(σ+γα) est supérieur à θMαγ, le gouvernement tire plus de satisfaction que la banque centrale d'un accroissement de la production, et subit une perte plus importante à la suite d'une baisse du taux d'inflation. • Lorsque θG(σ+γα) est inférieur àθMαγ, la banque centrale tire plus de satisfaction que le gouvernement des politiques de relance, et subit une perte plus importante à la suite des politiques restrictives. Ces deux propositions nous permettent de comprendre la logique qui sous-tend les propriétés symétriques des deux équilibres. Ainsi, lorsque le gouvernement tire une forte satisfaction de la croissance de la production, tandis que la banque centrale tire plus de bien-être d’une baisse de l'inflation, le jeu débouche sur un équilibre caractérisé par une politique budgétaire fortement expansionniste et une politique monétaire très restrictive. Les préférences symétriques des 211 deux autorités les conduisent à renforcer leurs politiques respectives : les expansions budgétaires génèrent de l'inflation et poussent la banque centrale à pratiquer une politique d'autant plus restrictive, tandis que les restrictions monétaires risquent de créer des surprises négatives et encouragent le gouvernement à stimuler davantage la production. On arrive donc à un équilibre caractérisé par une faible inflation et une forte production. Le niveau de l’activité s’explique par la valeur élevée de l’instrument budgétaire, tandis que la rigueur monétaire est à l’origine du faible taux d’inflation. Lorsque θG(σ+γα) est inférieur à θMαγ, on retrouve la configuration inverse : la banque centrale tire plus de satisfaction d'une croissance de la production, tandis que le gouvernement tire davantage de bien-être d'une baisse de l'inflation. La banque centrale poursuit donc une politique laxiste et contraint le gouvernement à adopter des mesures restrictives afin d’atténuer les tensions inflationnistes. Cependant, la banque centrale ne réussira pas à atteindre son objectif, car les travailleurs anticipent ses intentions et l'empêchent de stimuler l'activité. On arrive donc à un équilibre caractérisé par une faible production et une forte inflation. Le laxisme de la banque centrale et la rigueur affichée par le gouvernement se traduisent par une valeur élevée pour l’instrument monétaire et une faible valeur pour l’instrument de la politique budgétaire. Enfin, lorsque la satisfaction que tire chaque autorité de sa propre politique est totalement évincée par la perte que génère l’intervention de son homologue, le jeu ne peut aboutir à un équilibre. Géométriquement, ce cas correspond à des fonctions de réaction parallèles, ce qui exclut toute possibilité d'équilibre. Du point de vue pratique, la banque centrale répond à toute variation de Gt par une variation de la même ampleur de π0t. Les deux politiques produisent des effets symétriques de même taille chez les deux autorités et n'exercent donc aucun effet sur leurs fonctions de perte. Nous proposons une analyse graphique des différentes possibilités d’équilibre dans l'annexe 5.1. Nous démontrons que l’absence d’équilibre correspond au cas où les fonctions de réaction sont parallèles. 2- L'équilibre de Stackelberg Nous étudions maintenant l’impact du timing des décisions sur l’équilibre du modèle, en supposant que les autorités prennent leurs décisions à deux instants différents. Nous 212 envisageons le cas d’un leadership monétaire, où les décisions de la banque centrale précèdent celles du gouvernement. 2.1- La résolution du modèle Le gouvernement observe le choix de la banque centrale avant de mettre en place sa politique. Son problème de décision consiste à déterminer la valeur optimale de l’instrument budgétaire pour une politique monétaire et des anticipations données, et en tenant compte des caractéristiques de l'économie. Son programme d’optimisation correspond toujours au système (I), et les équations (4) et (4’) offrent donc une description de sa fonction de réaction. Les autorités monétaires tiennent compte de la future réaction du gouvernement en choisissant leur politique. Elles minimisent toujours la même fonction de perte, mais rajoutent une quatrième contrainte qui correspond à la fonction de réaction du gouvernement : 2 LM = θ M ( yt − yM ) + (πt −π M ) Minimiser S /C 2 yt = yn + σ Gt + γ (πt − πta ) πt = πt0 + αGt πta = E (πt / Ii ) G 0 G 0 G n G = α (π − πt ) +θ (σ + αγ ) ( y − y ) − γ (πt − E (πt ) ) 2 t α 2 +θ G (σ + αγ ) (1) (2) système(III ) (3) (4) A l'équilibre, la dérivée de LM par rapport à π0t est nulle : ∂y ∂π ∂LM = θ M ( yt − yM ) t0 + (πt − π M ) t0 = 0 . 0 ∂πt ∂πt ∂πt On peut déduire les premières versions des dérivées de yt et πt par rapport à π0t à partir des contraintes (1) et (2) : ∂yt ∂G = γ + (σ + αγ ) 0t 0 ∂πt ∂πt et ∂πt ∂G = 1 + α 0t . 0 ∂πt ∂πt A partir de la contrainte (4) on obtient la dérivée de Gt par rapport à π0t : α +θ Gγ (σ + αγ ) ∂Gt = − . 2 ∂πt0 α2 +θ G (σ + αγ ) A l’aide de cette expression, on peut déduire les versions définitives des dérivées de yt 213 et πt par rapport à π0t : θ σ (σ + αγ ) ∂πt =− . 0 2 2 ∂πt α +θ G (σ + αγ ) G ∂yt ασ = 2 G 0 ∂πt α +θ (σ + αγ )2 et Ces deux équations permettent enfin de compléter l’expression de la fonction de réaction de la banque centrale : ∂LM = θ G (σ +αγ ) (πt − π M ) −θ Mα ( yt − yM ) = 0 . (8) 0 ∂πt En s’appuyant sur les équations (4) et (8), on peut calculer le volume de la production à l'équilibre : 2 yt = θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M ) +θ Mα2 yM + (θ G ) (σ + αγ ) yG 2 θ Mα2 + (θ G ) (σ + αγ ) 2 2 . (9) En substituant cette expression dans l’équation (8), on obtient l’expression du taux d’inflation d’équilibre. 2.2- Les propriétés de l’équilibre En comparant les résultats de l’équilibre de Nash à ceux issus de l’équilibre de Stackelberg avec leadership monétaire, on arrive aux conclusions suivantes : • Si θG(σ+γα) est supérieur à θMαγ, alors le volume de production est plus faible dans le cas d’un équilibre de Stackelberg avec leadership monétaire (voir la première partie de l'annexe 5.2 pour une démonstration de ce résultat). • On arrive à la conclusion inverse lorsque θG(σ+γα) est inférieur àθMαγ : la production s'accroît en cas de leadership monétaire (voir le deuxième cas de l'annexe 5.2). L’équation (4), qui est valable aussi bien pour l’équilibre de Nash que pour l’équilibre de Stackelberg50, nous enseigne que le taux d'inflation d’équilibre est négativement corrélé au volume de production : πt = π G − 50 θ G (σ + αγ ) ( yt − yG ) . α La fonction de réaction du gouvernement est la même dans les deux cas. 214 D’après cette équation, l’équilibre qui offre la production la plus forte aboutit au taux d’inflation le moins élevé. Ainsi, dans le premier cas l’équilibre de Stackelberg doit conduire à un taux d’inflation plus fort que celui issu de l’équilibre de Nash. Dans le second cas, le taux d'inflation sera plus faible dans le cas d’un jeu séquentiel avec un leadership monétaire que dans le cas d'un jeu simultané. Ces résultats montrent que l'équilibre de Stackelberg avec leadership monétaire est toujours plus satisfaisant que l'équilibre de Nash. Dans le premier cas il permet de contenir l’expansionnisme budgétaire et de limiter l’excès de rigueur de la part de la banque centrale. La production sera donc plus faible et l’inflation plus forte51. Il rapproche la production et l’inflation de leurs niveaux désirés et accroît ainsi le niveau de satisfaction des autorités budgétaires et monétaires. Dans le deuxième cas, le jeu séquentiel génère un surplus de bienêtre en relançant la production et en atténuant l’inflation. L’ordre de la prise de décision offre à la banque centrale la possibilité d’orienter la politique budgétaire dans un sens qui garantit un meilleur équilibre. La banque fixe une politique modérée est obtient une réaction modérée de la part du gouvernement, ce qui explique l’aboutissement à un équilibre plus satisfaisant. Ce résultat aurait pu être atteint dans le cas du jeu simultané, si chaque autorité avait la garantie d’une attitude coopérative de la part de son homologue. Le manque de crédibilité poussait néanmoins les autorités à choisir des stratégies qui les protègent contre le risque de tricherie. Elles adoptent ainsi un comportement analogue à celui des travailleurs, qui imposent un équilibre à forte inflation pour se protéger contre les surprises inflationnistes. Le leadership monétaire conduit donc à un meilleur équilibre parce qu’il élimine le risque de tricherie et résout le problème de crédibilité qui se pose lorsque les décisions sont prises simultanément. Etant le dernier joueur à dévoiler son choix, le gouvernement ne cours plus aucun risque. De son côté, la banque centrale est consciente que le décalage au niveau des prises de décision élimine le risque de tricherie et offre des possibilités d’équilibre plus satisfaisantes. Elle choisit donc la politique qui lui garantit la meilleure réaction de la part du gouvernement. Le jeu se solde ainsi par un équilibre plus satisfaisant pour les deux autorités. Nous rappelons toutefois que cet équilibre reste sous-optimal, dans la mesure où il ne permet ni à la banque centrale ni au gouvernement d'atteindre leurs objectifs. 51 Nous rappelons que l’équilibre caractérisé par un excès de production et une trop faible inflation est considéré comme sous-optimal pour des raisons de long terme. 215 Outre le conflit d'objectif, nous savons que les anticipations des travailleurs contribuent à expliquer l'inefficacité de l'équilibre. Dans le chapitre précédent, nous avons vu qu’un meilleur résultat peut être atteint lorsque la banque centrale jouit d'une certaine crédibilité auprès des agents. Nous allons vérifier si ce résultat tient toujours lorsqu’un troisième partenaire, à savoir le gouvernement, fait partie du jeu. III- Le cas d'une banque centrale crédible Nous allons considérer le cas où les annonces de la banque centrale sont parfaitement crédibles. Les travailleurs et le gouvernement prennent donc leurs décisions en parfaite connaissance de la politique monétaire. Les annonces faites par la banque centrale peuvent avoir une influence déterminante sur l'équilibre du modèle, dans la mesure où sa crédibilité lui permet d'orienter à la fois les anticipations des travailleurs et la politique gouvernementale. Nous allons donc réétudier son problème de décision afin de dériver les équations d'équilibre. Le gouvernement prend sa décision pour une politique monétaire et des anticipations données. Sa fonction de réaction est donc toujours la même (les équations (4) et (4’)). Pour les autorités monétaires, les anticipations des agents ne sont plus connues mais sont une fonction de leur politique annoncée exante. La représentation mathématique de leur problème de décision est donc toujours la même, sauf que πa devient une variable dépendante de π0t. Pour pouvoir dériver l’expression de la politique monétaire optimale il faut donc exprimer les anticipations en fonction de la politique annoncée. A partir des équations (2) et (3) du système (III) on peut écrire : πta = E (πt / It ) = πt0 + α E ( Gt / It ) . On a considéré que E (πt0 ) = πt0 , car une banque centrale crédible est contrainte par son annonce. L’inflation anticipée dépend donc de la réaction budgétaire anticipée. En appliquant l'espérance mathématique des deux côtés de la contrainte (4) du système (III), et en s'appuyant sur la définition de l'inflation anticipée qu'on vient de proposer, on dérive l'expression suivante de la réaction budgétaire anticipée : E ( Gt ) = − α (πt0 − π G ) +θ G (σ + αγ ) ( yn − yG ) α2 +θ Gσ (σ + αγ ) . (10) 216 L'expression complète de l'inflation anticipée est donc la suivante : πta = πt0 − α2 (πt0 − π G ) +θ Gα (σ + αγ ) ( yn − yG ) α2 +θ Gσ (σ + αγ ) . (11) L'équation (11) nous enseigne que les anticipations sont d'autant plus forte que l'écart entre la production naturelle et la production ciblée par le gouvernement est fort. L'importance relative accordée à l'emploi et le taux d'inflation ciblé par le gouvernement ont également des effets positifs sur les anticipations. Quant à la politique monétaire, elle génère deux effets contraires : l'activisme monétaire alimente les anticipations inflationnistes d’un côté et contribue à stimuler l'activité à travers son impact sur la demande de l’autre. Il limite ainsi le caractère expansionniste de la politique budgétaire et contribue indirectement à contenir les tensions inflationnistes. Toutefois, le premier effet l’emporte puisque la dérivée de πat par rapport à π0t est positive : ∂πta α2 = 1 − > 0. ∂πt0 α 2 +θ Gσ (σ + αγ ) D'après les contraintes (1) et (2) du système (III), les dérivées de l'inflation et de la production par rapport à π0t prennent les formes suivantes: ∂πt ∂G = 1 + α 0t 0 ∂πt ∂πt et (12) ∂yt ∂πta ∂G γ = + (σ + αγ ) 0t . (13) 0 0 ∂πt ∂πt ∂πt Les équations (10) et (11) permettent de calculer les dérivées de Gt et πat par rapport à π0t : α ( A1 +θ γα (σ + αγ ) ) ∂Gt =− et 0 A1 A2 ∂πt G ∂πta α2 = 1 − A2 ∂πt0 2 où A1 = α2 +θ G (σ + γα ) et A2 = α 2 +θ Gσ (σ + γα ) . En substituant ces dérivées dans les équations (12) et (13), et en procédant à quelques manipulations algébriques, on obtient les expressions suivantes des dérivées de πt et de yt par 217 rapport à π0t : ∂yt ασ =− et 0 A2 ∂πt G ∂πt θ σ (σ + αγ ) = . A2 ∂πt0 On peut maintenant déduire une expression simplifiée de la fonction de réaction de la banque centrale : ∂LM = θ Gσ (σ + αγ ) (πt − π M ) −θ Mσα ( yt − yM ) = 0 0 ∂πt On constate que cette équation est identique à la condition du premier ordre dérivée dans le cas d’un équilibre de Stackelberg avec leadership monétaire. On rappelle que la fonction de réaction du gouvernement est également la même dans les deux cas. Les deux modèles débouchent donc sur les mêmes valeurs d’équilibre pour la production et pour l’inflation : 2 yt = et θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M ) + (θ G ) (σ + αγ ) yG +θ Mα 2 yM G 2 (θ ) (σ +αγ ) 2 2 + θ Mα 2 . θ Mσα πt = π M + G ( yt − yM ) θ σ (σ + αγ ) La crédibilité dont bénéficie la banque centrale ne lui permet donc pas d'atteindre un meilleur équilibre. En effet, le caractère discrétionnaire de la politique budgétaire l'empêche d’orienter les anticipations inflationnistes à la baisse. Les agents savent que même si les autorités monétaires respectent leurs annonces, une politique budgétaire expansionniste peut également générer de l’inflation. En l’absence d’une contrainte qui garantit une politique coopérative de la part du gouvernement, ils ancrent leurs anticipations au taux d'inflation temporellement cohérent : celui qui les met à l'abri des surprises inflationnistes quel que soit leur origine. Le problème de crédibilité prend donc une nouvelle dimension avec l’introduction du gouvernement dans le jeu. Une politique monétaire crédible ne suffit plus à elle seule pour lutter efficacement contre l’inflation. Pour atteindre un équilibre plus satisfaisant il faut également imposer des contraintes budgétaires crédibles. Seule la crédibilité des deux autorités met les travailleurs à l’abri des surprises inflationnistes et oriente ainsi les 218 anticipations vers la baisse. Certains économistes voient en ces résultats un soutien théorique aux critères budgétaires adoptés par l’union européenne. Ces critères imposent implicitement un seuil maximal à l’instrument budgétaire et contiennent donc l’inflation qu’il est susceptible de générer. Associées à une banque centrale européenne crédible, ces contraintes budgétaires permettent de lutter plus efficacement contre l’inflation. IV- L'équilibre en cas de politiques coordonnées Nous supposons que le gouvernement et la banque centrale adoptent les mêmes objectifs de production de d'inflation : y* et π*. L’adoption d’objectifs communs peut être issue d'un processus de négociation du type Nash-Bargaining entre les deux autorités. Dans ce cas, les valeurs ciblées seront des moyennes pondérées des valeurs désirées par la banque centrale d’un côté et par le gouvernement de l’autre : y* = λ yG + (1− λ) yM et π * = λπ G + (1− λ) π M où λ et (1-λ) représentent respectivement les poids du gouvernement et de la banque centrale dans le processus de négociation. L'importance relative accordée à la production demeure différente d'une autorité à l'autre. Ainsi, le gouvernement minimise la fonction de perte suivante : 2 2 Minimiser LG = θ G ( yt − y* ) + (πt − π * ) S /C yt = yn + σ Gt + γ (πt − πta ) (1) πt = πt0 + αGt (2) a πt = E (πt / It ) (3) Le programme d'optimisation de la banque centrale ne diffère de celui du gouvernement que par la fonction de perte qui se distingue cette fois uniquement par l'importance relative accordée à l'emploi θM. En substituant les contraintes (1) et (2) dans la fonction objectif du gouvernement, et en la dérivant par rapport à Gt on obtient la condition du premier ordre : 219 ∂LG = θ G (σ + αγ ) ( yt − y* ) + α (πt − π * ) = 0 . ∂Gt (14) La condition du premier ordre issue du programme d'optimisation de la banque centrale est la suivante : ∂LM = θ M γ ( yt − y* ) + (πt − π * ) = 0 . 0 ∂πt (15) A partir de l’équation (15), on dérive une expression de πt en fonction de yt, qu’on substitue dans (14) pour obtenir l’expression de la production d’équilibre: (θ (σ +αγ ) −θ G M γα )( yt − y* ) = 0 . Nous distinguons les deux cas suivants : Cas 1 : θG(σ+γα) ≠ θMαγ. L’équation d’équilibre implique que yt est nécessairement égal à y*. A l’aide de ce résultat, l’équation (15) nous enseigne que le taux d’inflation d'équilibre correspond également à au taux d'inflation ciblé par les deux autorités : πt = π*. Cas 2 : θG(σ+γα) = θMαγ. Les équations (14) et (15) nous enseignent que les fonctions de réaction de la banque centrale et du gouvernement sont identiques, ce qui signifie que le jeu admet une infinité de solutions. En effet, plusieurs valeurs des instruments budgétaires et monétaires permettent d’atteindre l’équilibre ciblé par les deux autorités. Aucune autorité ne peut donc prévoir avec certitude le choix de l’autre lorsque les décisions sont prises simultanément. Le jeu peut donc aboutir à autant d’équilibre que de combinaison entre les instruments monétaire et budgétaire. quant aux travailleurs ils ne disposent d’aucune base pour former leurs anticipations. Deux solutions permettent de résoudre ce problème. La première solution consiste à introduire un décalage entre les décisions de la banque centrale et du gouvernement. Le passage d’un jeu simultané à un jeu séquentiel offre à l’autorité qui décide en dernier la possibilité de choisir la politique qui conduit à l’équilibre optimal. Cette solution est difficile à mettre en place car l’autorité qui décide en premier est celle qui détermine 220 indirectement les valeurs des instruments à l’équilibre. Sa décision impose en effet une solution unique au dernier joueur. Dans ce cas, les deux autorités peuvent se disputer le privilège de fixer leur politique en premier, ce qui peut les empêcher d’arriver à un accord. La deuxième solution consiste à négocier l’importance relative accordée à la production. Le processus de négociation débouche sur un compromis caractérisé par une moyenne pondérée des préférences respectives du gouvernement et de la banque centrale à ce sujet : θ * = λ1θ G + (1 − λ1 )θ M . A l’aide de la valeur négociée de θ, la condition d’équilibre devient : θ *σ ( yt − y* ) = 0 ce qui signifie que la production d’équilibre correspond impérativement à sa valeur désirée. Le même résultat est également valable pour le taux d’inflation. En conclusion, on peut dire que la coordination permet d’atteindre un équilibre plus satisfaisant, dans le sens où elle garantit aux deux autorités la réalisation des objectifs qu’elles se sont fixés. Ce résultat peut être atteint par la seule négociation des objectifs. Il est néanmoins préférable que les deux autorités s’accordent sur l’importance relative de l’emploi pour écarter définitivement le risque d’une indétermination de l’équilibre. Nous soulignons enfin deux remarques importantes. D'abord, la négociation des cibles et des poids relatifs qui leur sont accordés ne constitue pas l'unique forme de coordination. Des désaccords plus fondamentaux peuvent en effet opposer la banque centrale au gouvernement. Ces conflits peuvent porter sur la structure du modèle et les valeurs des paramètres par exemple. Dans ce cas la coordination doit prendre une forme différente. Nous rappelons ensuite que la réussite du processus de coordination dépend de sa crédibilité. Il faut qu'il soit accompagné de quelques réformes institutionnelles qui le rendent crédible, car la négociation en soi n'apporte aucune garantie d'un respect des engagements de la part du gouvernement et de la banque centrale. Section 2 : Critiques et extensions du modèle Au cours de notre exposé, nous avons recensé deux inconvénients de taille concernant l’approche proposée par Dixit et Lambertini (2001) : d’une part elle aboutit à certains résultats 221 contre-intuitifs et d’autre part elle conduit à une indétermination de l'équilibre pour certaines valeurs des paramètres. Dans la suite de ce chapitre, nous essayons d’identifier les origines de ces problèmes et de leur proposer quelques solutions. I- Des résultats et des hypothèses non conventionnelles En étudiant les propriétés de l'équilibre de Nash nous relevons deux principales incohérences. La première concerne l'équilibre caractérisé par une faible inflation et une forte production. Alors qu’une telle performance est l’objectif déclaré de la plupart des gouvernements et des banques centrales, Dixit et Lambertini (2001) la qualifient d'indésirable pour des raisons de long terme non apparentes dans le modèle. La deuxième concerne les hypothèses qui sous-tendent l’équilibre à forte production et à faible inflation : il suppose que la banque centrale est plus conservatrice que le gouvernement (yM < yG et πM<πG), tout en considérant qu'elle accorde plus d’importance à la production que le gouvernement (θM>θG(1+σ /αγ) ). Nous pensons que ces incohérences s’expliquent essentiellement par la modélisation des conséquences réelles de la politique monétaire et par la forme des fonctions de perte. 1- Les canaux de transmission de la politique monétaire La modélisation des liens entre les sphères réelle et monétaire est proche de la doctrine classique. Seule l’inflation surprise permet à la politique monétaire de produire des effets réels, ce qui privilégie une transmission par le canal de l'offre. Cette approche nous semble assez restrictive, car elle exclut une multitude de mécanismes susceptibles d’expliquer les conséquences réelles de la politique monétaire, et notamment ceux qui passent par le canal de la demande. Les variations du taux d'intérêt par exemple exercent une influence directe sur des composantes de la demande telles que la consommation et l'investissement. Les variations du taux d'inflation induite par les mesures monétaires affectent la richesse réelle des agents et se ressentent également au niveau de la demande privée. Nous illustrons l'apport de ces canaux de transmission, en proposant une approche alternative dans laquelle la politique monétaire exerce une influence certaine sur la demande52 à travers les variations du taux d'intérêt réel. La nouvelle dynamique de la demande est décrite par l’équation suivante : 52 L'influence est certaine parce qu'elle ne dépend pas des anticipations des agents. 222 yt = yn + σ Gt − γ ( rt − πt ) . (16) La production réagit positivement à toute baisse du taux d’intérêt réel. Le taux d'inflation est toujours le produit des politiques budgétaire et monétaire : πt = −µrt + αGt (17) où µ est paramètre positif. D’un point de vue keynésien, l’inflation serait le résultat des tensions qui apparaissent sur le marché des biens à la suite des relances monétaires. Une lecture classique consiste à considérer l’inflation comme le produit d’une augmentation la quantité de monnaie induite par la baisse du taux d’intérêt nominal. Nous réétudions les problèmes de décisions des deux autorités sous ces nouvelles contraintes économiques. Le gouvernement résout le programme d’optimisation suivant : 2 Minimiser LG = θ G ( yt − yG ) + (πt − π G ) S /C 2 yt = yn + σ Gt − γ ( rt − πt ) . πt = −µrt + αGt Sa fonction de réaction prend la forme suivante : θ G (σ + γα ) ( yt − yG ) + α (πt − π M ) = 0 . La banque centrale minimise sa fonction de perte sous les mêmes contraintes. L’équation suivante nous décrit sa fonction de réaction : θ M γ (1 + µ ) ( yt − yM ) + µ (πt − π M ) = 0 . A partir des fonctions de réaction, on peut facilement dériver l’expression du volume de la production à l’équilibre : yt = αµ (π G − π M ) +θ G µ (σ + γα ) yG +θ Mαγ (1− µ ) yM θ G µ (σ + αγ ) +θ Mαγ (1− µ ) . (18) Le taux d'inflation d'équilibre peut être obtenu en substituant l’expression de yt dans l’une des fonctions de réaction. Là encore les propriétés de l’équilibre de Nash dépendent du signe du terme au dénominateur. Une simple manipulation algébrique, identique à celle décrite au cours de la 223 première section (page 9 et 10), nous permet d’énoncer les résultats suivants : Cas 1 : θGµ(σ +αγ) + θMαγ(1-µ)>0. A l’équilibre, la production atteint un volume supérieur à celui désirés par le gouvernement et par la banque centrale (yt>yG>yM), tandis que le taux d'inflation est plus faible que celui désiré par chacune des deux autorités (πt<πM<πG). Cas 2 : θGµ(σ +αγ) +θMαγ(1-µ)<0. La production est en dessous des espérances des deux autorités (yt<yM<yG), tandis que le taux d'inflation est supérieur à ses deux valeurs ciblées (πt>πG>πM). Notre intérêt porte sur ce deuxième cas. Nous écrivons sous une forme différente la condition qui détermine les caractéristiques de cet équilibre : µ< θ Mαγ . (19) θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ On peut spécifier des conditions similaires pour les paramètres σ , α et γ. Ces contraintes signifient que l’équilibre dépend de l'impact qu'exercent les politiques monétaire et budgétaire sur la production et sur l'inflation (des valeurs des paramètres µ,σ, α et γ ). L’équation (19) nous enseigne que ce résultat peut être atteint pour n’importe quelles valeurs de θM et θG, si µ satisfait la condition spécifiée. Ainsi, les propriétés de cet équilibre peuvent être satisfaites même lorsque la banque centrale accorde moins d'importance à la production que le gouvernement (la condition d’équilibre peut être vérifiée lorsque θM est inférieur à θG). On peut donc affirmer que pour certaines valeurs des paramètres, il est possible d’obtenir des résultats standards qui ne reposent pas sur des hypothèses contradictoires : la banque centrale accorde moins d’importance à la production, ce qui est cohérent avec l’hypothèse du départ qui stipule qu’elle est plus conservatrice que le gouvernement. Ce résultat est obtenu grâce à une modélisation plus réaliste des effets de court terme de la politique monétaire. Cependant, le modèle ne permet pas d'écarter le premier équilibre que nous considérons également comme peu réaliste. Nous pensons que la forme quadratique des fonctions de perte constitue une éventuelle explication de ce résultat. Dans le paragraphe suivant, nous montrons qu’il est possible d’aboutir à un équilibre plus conventionnel à l'aide d'une spécification différente de ces fonctions. 224 2- Les préférences des autorités Les fonctions de perte quadratiques recensent à la fois les écarts positifs et négatifs des variables par rapport à leurs cibles. Or, il nous semble peu probable qu'un infléchissement de l'inflation inquiète la banque centrale autant qu'une flambée des prix. De même, il serait étonnant qu'une croissance plus forte que prévue génère autant d'insatisfaction chez le gouvernement qu'un ralentissement de l'activité. Nous proposons de nouvelles fonctions de perte qui remédie à ce problème : LG = −θ G ( yt − yG ) + et M L = θM 2 2 1 πt − π G ) ( 2 . M 2 ( y − y ) + (π − π ) M t t D’après ces fonctions, un accroissement de la production et une baisse de l’inflation réduisent les pertes respectives du gouvernement et de la banque centrale, même lorsque les variables en question dépassent leurs cibles. Une inflation inférieure à son niveau désiré et une production supérieure à son volume ciblé accentue les pertes respectives du gouvernement et de la banque centrale. Une inflation trop faible est indésirable pour le gouvernement car elle peut être à l’origine d’un ralentissement de l’activité. La banque centrale est hostile à une trop forte production car elle est susceptible de générer de l’inflation. Ainsi, les termes quadratiques au niveau des fonctions de perte signalent à leur tour l’intérêt particulier qu’accordent le gouvernement à l’objectif de production et la banque centrale à l’objectif d’inflation. Le traitement asymétrique des cibles a également une utilité mathématique : pour des raisons de convexité, on est obligé de maintenir un terme quadratique dans les fonctions de perte. En minimisant ces nouvelles fonctions de perte sous les contraintes (1), (2) et (3), on dérive les expressions d’équilibre du volume de la production et du taux d’inflation : θ G (σ + γα ) yt = y − M et πt = π + . α θ γ M 1 G Ces équations montrent que le conflit entre la banque centrale et le gouvernement débouche toujours sur un équilibre caractérisé par une forte inflation et une faible production : 225 yt = yM − 1 θ Mγ < yM et πt = π G + θ G (σ + γα ) G >π . α Les nouvelles fonctions de perte aboutissent donc à des résultats standards et montrent que le manque de coordination conduit toujours à un équilibre non satisfaisant à court terme. II- D’autres motifs de coordination Nous avons vu que la coordination permet aux deux autorités d’atteindre les objectifs négociés. Elle constitue également un moyen d’éviter les situations conflictuelles qui conduisent à une absence d’équilibre. Dans les paragraphes suivants, nous développons de nouvelles critiques qui insistent davantage sur la nécessité d’une coordination des politiques monétaire et budgétaire. 1- Les anticipations et l'efficacité de la politique budgétaire Dans les modèles exposés précédemment la politique budgétaire exerce une influence systématique sur la demande. De nombreux arguments théoriques suggèrent toutefois des liens étroits entre les anticipations et l’impact de la politique budgétaire sur l’activité. Ainsi, dans le modèle de cycle de vie les agents se basent sur leurs anticipations pour élaborer des plans de consommation de long terme. Le lissage de la consommation induit par ses plans réduit nettement l’impact immédiat de la politique budgétaire. En s’appuyant sur la rationalité des anticipations, Barro (1974) démontre que l’altruisme des agents conduit à la neutralité de la politique budgétaire. Selon lui, les agents transfèrent vers leurs descendants la richesse nécessaire pour faire face aux augmentations futures des prélèvements et neutralisent ainsi toute tentative de relance de la part du gouvernement. Pour rendre compte de ces mécanismes, nous proposons une équation de demande où les anticipations déterminent à la fois l’impact des politiques budgétaire et monétaire : yt = yn + σ ( Gt − Gta ) + γ (πt − πta ) (20) où Gat représente la valeur anticipée de l'instrument budgétaire. Le programme d’optimisation suivant résume le problème de décision du gouvernement : 226 2 LG = θ G ( yt − yG ) + (πt − π G ) Minimiser S /C 2 yt = yn + σ ( Gt − Gta ) + γ (πt − πta ) πt = πt0 + αGt πta = E (πt / Ii ) Gta = E ( Gt / Ii ) (1) (2) (3) . (4) La résolution de ce programme débouche sur la fonction de réaction suivante : θ G (σ + αγ ) ( yn − yG ) +α (πt − π G ) = 0 . (21) La banque centrale minimise sa fonction de perte sous les mêmes contraintes et arrive à la fonction de réaction suivante : θ M γ ( yn − yM ) + (πt − π M ) = 0 . (22) A partir des fonctions de réaction nous remarquons que les stratégies adoptées par le gouvernement et par la banque centrale peuvent conduire à une absence d’équilibre. L’équation (21) nous enseigne que le gouvernement cherche à imposer le taux d’inflation suivant : πt = π G + θ G (σ + αγ ) G n (y −y ). α La banque centrale souhaite un taux d’inflation différent comme le montre sa fonction de réaction : πt = π M +θ Mγ ( yM − yn ) . Ainsi, le jeu ne peut aboutir à un équilibre qu’en cas d’égalité entre ces deux taux : θ G (σ + αγ ) G n y − y ) = π M +θ Mγ ( yM − yn ) π + ( α G Selon toute vraisemblance, cette condition est difficile à satisfaire car elle impose un nombre de contraintes sur les variables exogènes, les paramètres structurels et les préférences des autorités. Lorsque cette condition n’est pas satisfaite, aucun équilibre n’est possible. En effet, les deux autorités sont conscientes que les anticipations neutralisent totalement l’impact de leurs 227 politiques sur la production. Le meilleur équilibre est donc celui qui rapproche le taux d’inflation et sa valeur désirée. Or, les préférences sont différentes dans ce domaine et les stratégies sont donc conflictuelles. Considérons le cas où la banque centrale affiche une forte aversion envers l’inflation et souhaite donc un équilibre à un taux inférieur à celui voulu par le gouvernement. La stratégie de la banque centrale sera considérée comme trop restrictive par le gouvernement, qui adopte à son tour une stratégie trop expansionniste au goût de la banque centrale. Le conflit d’objectif conduit le gouvernement à augmenter d’une façon continue la valeur de Gt en réponse aux baisses consécutives de π0t programmées par la banque centrale. Dans ce cas, une politique coordonnée représente l’ultime solution pour atteindre un équilibre. Les équations (21) et (22) précisent les critères d’une coordination réussie : il faut que les deux parties délaissent les objectifs de production d’une part et à s’entendent sur une cible inflationniste de l’autre. La banque centrale et le gouvernement ont intérêt à abandonner leurs objectifs de production, car l’équation (20) nous enseigne que lorsque les anticipations sont rationnelles la production serait égale en moyenne à son volume naturel : Gta = E ( Gt / It ) n a a n ⇒ E ( yt / It ) = E ( y / It ) + σ ( E ( Gt / It ) − Gt ) + γ ( E (πt / It ) − πt ) = y . a πt = E (πt / It ) En dehors des périodes de choc, les agents anticipent parfaitement les politiques monétaire et budgétaire et neutralisent totalement leurs impacts sur la production. Il est donc inutile de mettre en place des politiques de relance qui sont condamnées à l’échec. Quant à la cible inflationniste commune, elle peut émaner d’un processus de négociation entre la banque centrale et le gouvernement. Un sérieux problème reste néanmoins posé : l’équilibre négocié peut être atteint par une infinité de combinaison de politiques monétaire et budgétaire. Nous avons précisé auparavant qu’un jeu simultané ne peut aboutir à un équilibre dans ce cas. Pour dépasser ce handicap, il faut que le problème des instruments soit également abordé au cours du processus de négociation. Les deux parties doivent préciser le policy mix qui permet d’atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés. L’accord conclu entre la banque centrale et le gouvernement doit être crédible pour qu’il puisse servir de base à la formation des anticipations et pour que 228 chaque autorité soit protégée contre une éventuelle tricherie de son partenaire. 2- L'absence d'équilibre Jusqu’à ce stade de l’exposé, nous avons distingué plusieurs cas où la banque centrale et le gouvernement s’engagent dans une confrontation et empêchent le jeu d’aboutir à un équilibre. Dans ces cas, les variations continues des instruments budgétaires et monétaires ne permettent pas aux travailleurs d'anticiper le taux d’inflation de la période. Nous soulignons toutefois que ces situations conflictuelles ne sont envisageables que sur le plan théorique. Dans la réalité, il est peu vraisemblable que la banque centrale et le gouvernement s'engagent dans des confrontations qui entraînent des variations continues de leurs instruments. Les deux autorités sont hostiles à l'instabilité économique qui découlerait d’une telle situation. Elles s’inquiètent également des coûts qu’entraîneraient un usage récurrent de leurs instruments, tels que la perte de crédibilité pour la banque centrale et l’accumulation de la dette pour le gouvernement. Capoën, Sterdyniak et Villa (1994) proposent des fonctions de perte qui tiennent compte des coûts qu’engendrent les variations des instruments monétaire et budgétaire: 2 et 2 LG = θ G ( yt − yG ) + (πt −π G ) + φ G ( Gt ) 2 2 2 LM = θ M ( yt − yM ) + (πt − π M ) + φ M (πt0 ) 2 où φG et φM sont des paramètres positifs. Un pacte de stabilité semblable à celui adopté par l’union européenne constitue une éventuelle explication du coût lié à la variation de l’instrument budgétaire. Des variations à répétition de π0t peuvent dévier la politique monétaire de son objectif annoncé, ce qui détériore la réputation de la banque centrale, d’où la perte φM(π0t)². L’introduction de ces coûts permet de résoudre le problème de l’absence d’équilibre. Le jeu aboutit à un équilibre où la production et l’inflation sont plus proches des valeurs désirées par l’autorité la moins réticente à une variation de son instrument. La faiblesse des coûts qu’elle subit lui permet de faire un usage plus intensif de son instrument et d’imposer un équilibre plus proche de ses préférences. Nous soulignons toutefois que cette proposition ne résout pas définitivement le problème, car l'équilibre demeure indéterminé lorsque les deux autorités subissent le même 229 coût à la suite d’une variation de leurs instruments. Cette solution ne fait donc qu'affaiblir la probabilité de l'absence d'équilibre en imposant une nouvelle contrainte dans ce sens. 230 Deuxième partie Quelques propositions personnelles. Au cours des cinq premiers chapitres nous avons distingué les arguments théoriques et empiriques susceptibles d’expliquer l’efficacité des politiques monétaires et budgétaires. Nous avons recensé la myopie des agents, les contraintes de liquidité et les rigidités réelles et nominales comme d’éventuelles explications du pouvoir de relance de la politique budgétaire. Les asymétries d’information et les erreurs d’anticipations rationalisent de leur côté les effets réels de la politique monétaire. Nous avons également critiqué certains aspects standards de la littérature. Nos critiques s’articulent au tour des points suivants : (i) Les modèles sont extrêmement simplifiés et ne peuvent illustrer les mécanismes complexes qui accompagnent la mise en place des politiques économiques. 231 (ii) L’approche classique du comportement des travailleurs ne reflète pas leurs multiples préoccupations et ne rend pas compte de la complexité de leur problème de décision. (iii) Les modèles proposent souvent un système financier très simple qui confond toutes les catégories d’actifs et qui conduit ainsi à une vision erronée des problèmes de politiques économiques. Dans la deuxième partie de la thèse, nous allons développer quelques propositions personnelles qui répondent à ces critiques. 232 Chapitre 6 Le comportement stratégique des travailleurs : les fondements d’une attitude coopérative envers les politiques de relance Les nouveaux classiques expliquent l’inefficacité de la politique monétaire par l’attachement des travailleurs à la stabilité de leurs pouvoirs d’achat. Ses effets de court terme sont rationalisés par la présence de certaines asymétries d’information. Néanmoins, cette confusion se dissipe assez rapidement permettant ainsi aux travailleurs de réajuster leurs rémunérations nominales et de reconduire l’économie vers son équilibre initial. A long terme, les tentatives de relance se convertissent totalement en inflation, sans aucun effet réel en retour. Dans le quatrième chapitre, nous avons critiqué les postulats qui sous-tendent cette approche. Nous avons remis en question les hypothèses du plein emploi et de la parfaite 233 flexibilité des prix. Nous avons également souligné que les nouveaux classiques privilégient le canal de l’offre, négligeant ainsi l’impact des variations du taux d’intérêt sur la demande globale. Dans ce chapitre, nous nous intéressons à l’attitude des travailleurs envers les politiques de relance. Leur comportement stratégique est l’un des fondements des résultats classiques. Les analyses théoriques se contentent néanmoins d’une description sommaire de leur problème de décision. Les travailleurs sont supposés être rationnels et attachés à la stabilité de leur pouvoir d’achat. Dès lors, une conclusion évidente s’impose : ils ont intérêt à indexer parfaitement leurs rémunérations nominales au taux d’inflation. Nous contestons l’excès de simplicité de ce type d’analyse, car nous considérons que la stabilité du pouvoir d’achat ne constitue pas l’unique préoccupation des travailleurs. Nous pensons en effet qu’ils peuvent tirer profit d’une augmentation du volume de l’emploi. Dans ce cas, l’hostilité systématique qu’ils affichent face aux politiques de relance peut être remise en question. Nous proposons deux arguments qui justifient l’intérêt que les travailleurs peuvent accorder à une promotion de l’emploi. En cas de récession, le taux de chômage s’écarte de son niveau naturel ce qui génère un risque de licenciement. Si les travailleurs sont convaincus qu’une baisse du taux de salaire réel permet de préserver leurs emplois, alors ils peuvent accepter une sous-indexation des salaires nominaux à l’inflation. Les politiques de stabilisation peuvent amortir l’impact du choc sur l’emploi et parviennent ainsi à réduire le risque de licenciement. Dans la deuxième section, nous démontrons que les travailleurs peuvent tolérer une indexation partielle des salaires nominaux même lorsque l’économie est en situation d’équilibre. Ceci est notamment le cas lorsqu’ils fournissent un effort intense durant les heures de travail. Dans ce cas, ils sont plutôt intéressés par une augmentation des effectifs qui conduit à un allègement de leurs charges de travail. Ils peuvent donc tolérer une baisse du salaire réel, si elle permet de financer une telle politique de recrutement. 234 Section 1 : La stratégie des travailleurs en cas de récession L’objectif de cette section est d’étudier la capacité des politiques de stabilisation à amortir l’effet d’un choc récessif qui se traduit par une augmentation du taux de chômage. Notre approche se distingue des modèles standards par l’introduction d’un objectif d’emploi à côté de celui du salaire réel au niveau de la fonction objectif des travailleurs. Cet objectif est justifié par le risque de licenciement généré par le choc et témoigne donc de la volonté des salariés de préserver leurs emplois. Nous commençons par une présentation des arguments théoriques qui justifient l’adoption d’un objectif d’emploi par les travailleurs. Pour cela, nous étudions le problème de décision d’un agent représentatif qui cherche à maximiser ses ressources salariales réelles sur sa période d’activité. Cette analyse nous permettra d’introduire le risque de licenciement et de définir sa relation avec le volume de l’emploi. Nous dériverons par la suite une fonction objectif qui reflète l’ensemble des préoccupations des travailleurs. Nous verrons que ces derniers seront amenés à faire un arbitrage entre les objectifs d’emploi et de revenu, ce qui peut les conduire à modérer leurs revendications salariales. Nous intégrerons enfin la nouvelle fonction objectif dans un jeu classique qui opposent les travailleurs à la banque centrale. Nous démontrerons que le degré d’indexation des salaires nominaux à l’inflation peut être inférieur à 1, ce qui permet à la politique monétaire de réduire le taux de salaire réel et de stimuler l’emploi53. I- Un fondement microéconomique à l’objectif d’emploi 1- Description du problème de décision Nous considérons le cas d'un agent représentatif qui cherche à maximiser le flux de ses revenus salariaux réels sur l'ensemble de sa période d'activité. Cet objectif est cohérent avec l’approche classique qui considère le pouvoir d’achat comme la seule et unique préoccupation des travailleurs. Au début de chaque période, l’agent renégocie son contrat avec son employeur. La négociation porte sur le salaire nominal, bien que l’agent soit intéressé par le pouvoir d’achat de cette somme. Sa décision sera donc conditionnée par ses anticipations inflationnistes. Les hypothèses suivantes nous décrivent son comportement et ses préférences : 53 Beaucoup de travaux se sont intéressés au déterminant du degré d’ajustement (voir Gray (1976)). Notre approche se distingue par le fait qu’elle aborde le problème en se basant sur la théorie des jeux. 235 (i) Il est d’autant plus satisfait que son revenu réel est élevé. Toutefois, il sait qu’il ne peut bénéficier d’une rémunération réelle supérieure à celle qui prévaut lorsque le chômage est à son niveau naturel. (ii) Il n'est pas victime d'illusion monétaire, dans le sens où il se rend compte de l’impact des variations du prix son revenu réel. D’après ces hypothèses, rien ne semble inciter l’agent à accepter les répercussions d'une relance monétaire sur son pouvoir d’achat. Une indexation parfaite de son salaire nominal à l’inflation semble une stratégie dominante, puisqu’elle lui garantit le niveau de satisfaction le plus élevé. Cependant, cette conclusion suppose que l'agent est certain de garder son emploi tout en exigeant la stabilité de son salaire réel, ce qui n’est pas vrai en cas de récession. Dans ce qui suit, nous allons décrire la façon dont les chocs récessifs peuvent influencer sa décision. Pour simplifier l’analyse nous supposons que l’économie se compose d’entreprises et de travailleurs identiques. Ainsi, les conséquences économiques des chocs sont identiques pour toutes les entreprises et pour tous les travailleurs. Nous adoptons la chronologie suivante des événements : (i) Les chocs surviennent en début de période. (ii) Les agents observent le choc et évaluent ses conséquences sur la production et sur l'emploi. Ils anticipent également l’effet d’une intervention de la banque centrale sur le taux de salaire réel et il en déduisent son impact sur l'emploi. Ils fixent leurs exigences salariales en se basant sur cet ensemble d’information. (iii) Les producteurs observent les revendications salariales formulées par les travailleurs d’un côté et anticipent la politique de stabilisation de l’autre. Ils en déduisent le taux de salaire réel de la période et prennent leurs décisions de recrutement ou de licenciement. (iv) Enfin, les autorités monétaires mettent en place la politique qu'elle juge optimale et qui débouche sur le taux d’inflation de la période. Un agent représentatif est conscient qu’en refusant de concéder une baisse de son salaire réel il compromet ses chances de garder son emploi. Le risque de licenciement constitue donc un facteur qui l’incite à tolérer l’effet inflationniste de la politique de relance. Le programme 236 d’optimisation suivant illustre son problème de décision54 : Maximiser E {U (W )} S /C : W = (1 − ut )(ωt ) + ut ( vt ωt ) n ωt ≤ ω où U représente une fonction d’utilité croissante par rapport au revenu salarial total W. ωt est le taux de salaire réel de la date t et ωn le taux de salaire réel qui correspond au taux de chômage naturel. Nous appelons ut la probabilité d’être licencié à la date t. Nous supposons qu’elle est nulle lorsque l’économie est en situation d’équilibre. vt est la probabilité de trouver un nouvel emploi pour chaque salarié licencié à la date t. 2- Le risque de licenciement : une externalité macroéconomique dans un problème microéconomique En cas de récession, les entreprises révisent leurs plans de production à la baisse et réduisent leurs effectifs. Les chocs de demande se traduisent donc par une augmentation du taux de chômage. Le risque de licenciement, ut, augmente à mesure que l’impact du choc sur l’emploi s’accentue. La probabilité de trouver du travail dépend également de la conjoncture. Elle plus élevée durant les périodes de fortes croissances, quand les besoins des entreprises en main d’œuvre s’accentuent. vt est donc une fonction croissante de la demande de travail. Nous adoptons quelques hypothèses qui permettent de dériver des relations mathématiques simples entre ces deux probabilités et la demande de travail. Ainsi, nous supposons que le taux de chômage est nul à l’équilibre initial. Pour chaque salarié la probabilité d’être licencié est donc égale au taux de chômage : N n − Ntd ut = Nn où Nn est le volume naturel de l’emploi et Ntd la demande de travail à la date t. 54 Le taux d’escompte est supposé égal à 1. 237 La probabilité de retrouver du travail est inversement proportionnelle au taux de chômage : Nd vt = σ tn N où σ est compris entre 0 et 1 et témoigne des difficultés que rencontre l’agent au cours de sa prospection d’emploi (comme les frais de recherche). Ces deux fonctions nous permettent d’illustrer l’impact du risque de licenciement sur la stratégie de l’agent. A partir de son ensemble d’information, ce dernier est en mesure d’estimer les deux probabilités en question avec précision. Ainsi, il observe l'ampleur du choc, estime ses répercussions sur la demande, la production et l'emploi et déduit le risque de licenciement qu'il encourt en s’opposant à une baisse de sa rémunération réelle. On peut réécrire son revenu total sous une forme qui rend compte des liens entre les probabilités ut et vt et le volume de l’emploi : ( ) ( ) W = 1 − ut ( Ntd ) (ωt ) + ut ( Ntd ) vt ( Ntd ) ωt . La dérivée de cette fonction par rapport à la demande de travail illustre le bien être que l’agent peut tirer d’une augmentation du volume de l’emploi : ∂W ωt (1 + σ ) = > 0. ∂N n Nn Pour un salaire réel donné, une augmentation du volume de l’emploi réduit la probabilité de licenciement et augmente ses chances de trouver du travail en cas de licenciement. La demande de travail dépend du taux de salaire réel. Le revenu total de l’agent, W, peut donc s’écrire sous la forme suivante : ( ) ( ) W = 1 − ut ( Ntd (ωt ) ) (ωt ) + ut ( Ntd (ωt ) ) vt ( Ntd (ωt ) ) ωt . La dérivée de Wt par rapport à ωt illustre l’arbitrage auquel le travailleur est confronté lorsque les probabilités ut et vt sont non nulles : 238 ∂N d ∂ut ∂W = 1 − ut + ut vt + vtωt t ∂ωt ∂ωt ∂Ntd ∂N d ∂ut ∂Ntd ∂vt −ωt t − u t d ∂ωt ∂Ntd ∂ωt ∂Nt La première quantité, positive, montre qu’il est tenté d’exiger une rémunération réelle 55 élevée . La deuxième quantité, négative, le pousse à modérer ses exigences salariales afin de minimiser le risque de licenciement et de maximiser ses chances de retrouver un emploi s’il se trouve au chômage. II- De la réaction individuelle à la stratégie globale A la lumière de l’analyse microéconomique, nous proposons une fonction objectif qui reflètent les intérêts et les préférences des travailleurs, que nous allons intégrer par la suite dans le jeu qui les oppose à la banque centrale. Nous considérons que les agents s’organisent dans des syndicats et désignent des délégués ou des représentants qui négocient les rémunérations nominales avec les producteurs. Nous supposons que les travailleurs ont les mêmes préférences et les mêmes objectifs, afin d’éviter les problèmes relatifs au degré de représentativité. Du point de vue de la nouvelle école classique, le salaire réel doit être le seul argument de la fonction objectif des travailleurs. L’inconvénient de cette approche est qu'elle ne tient pas compte de l’hostilité des travailleurs aux mouvements de licenciement. A l’échelle globale, les syndicats défendent à la fois le pouvoir d'achat des salariées et la non-suppression de leurs postes de travail. Les mouvements de grève et les manifestations qui précèdent et accompagnent souvent les plans de licenciement sont une preuve irréfutable de l'importance qu'accordent les travailleurs et leurs représentants à la stabilité du volume de l’emploi. Il faut que la fonction objectif reflète cette préoccupation pour qu’elle puisse offrir une description réaliste de la réaction des travailleurs aux politiques de stabilisation. 1- La fonction objectif des travailleurs 55 Nous savons que ∂ut < 0, ∂Ntd ∂vt > 0 et ∂N td ∂N td < 0, ∂ωt 239 L’analyse menée dans le premier paragraphe suggère une fonction objectif qui dépend à la fois du taux de salaire réel et du volume d’emploi. Elle doit satisfaire deux propriétés centrales : (i) S’il s’agit d’une fonction de perte elle doit être décroissante par rapport au taux de salaire réel : une augmentation de la rémunération réelle réduit la perte des syndicats (le contraire est vrai s’il s’agit d’une fonction d’utilité). (ii) Une baisse du volume de l’emploi réduit la satisfaction des syndicats (respectivement accroît leur perte). La fonction doit également tenir compte du fait que les travailleurs ne peuvent exiger une rémunération supérieure à ωn. Elle doit également refléter le fait que la probabilité de licenciement est nulle à lorsque l’économie est à son équilibre naturel. Les deux propriétés associées aux deux hypothèses impliquent que les syndicats doivent prendre le volume naturel de l’emploi et le taux de salaire naturel comme cibles respectives pour les deux variables objectifs. La fonction suivante satisfait les diverses propriétés et hypothèses que nous venons d’énoncer56 : LS (ωt , Nt ) = (ω n − ωt ) + θ S ( N n − Nt ) (1) Le paramètre θS représente l'importance accordée par les syndicalistes au volume de l’emploi relativement au salaire réel. Il reflète donc les préférences des travailleurs. S’ils ont une faible aversion envers le risque, ils se concentreront davantage sur la stabilité de leur pouvoir d’achat et accorderont peu d’importance à l’objectif d’emploi. La valeur de θS sera donc faible. Le contraire est vrai lorsque les agents ont une forte aversion envers le risque : même si la probabilité d’être licencié est faible, ils donneront la priorité à l’objectif d’emploi. On peut donc déduire intuitivement que plus la valeur de ce paramètre est élevée, plus la probabilité de voir les travailleurs opter pour une indexation partielle des salaires nominaux est grande. 2- Les déterminants de la réaction des travailleurs 56 Il s’agit d’une fonction de perte et non d’une fonction d’utilité. L’objectif de l’agent serait donc de minimiser cette fonction et non de la maximiser. 240 Grâce à la présence d’un objectif d’emploi, les intérêts des travailleurs et de la banque centrale ne sont pas nécessairement conflictuels. Les syndicalistes peuvent apprécier une politique monétaire expansionniste si elle permet de limiter l’ampleur des licenciements. Il suffit que la satisfaction qu’ils tirent d'une baisse du taux de chômage soit plus importante que le coût qu’elle génère en termes de perte de pouvoir d'achat. Dans ce cas, la parfaite indexation des salaires nominaux à l’inflation ne représente plus une stratégie dominante. Les syndicalistes choisiront parmi les différentes combinaisons de "baisse du chômage" et de "baisse du pouvoir d'achat" celle qui minimise la fonction de perte. Les stratégies varient donc d'une accommodation totale de l'inflation générée par la politique monétaire, à un refus total de toute baisse du pouvoir d'achat. Avant d’analyser l’impact du changement de la fonction objectif des travailleurs sur l’équilibre macroéconomique, nous allons tenter de distinguer les déterminants de la réaction des travailleurs. Ainsi, nous analysons la réaction des syndicats à une politique de stabilisation, en supposant que l’ensemble de choix se limite à deux stratégies extrêmes : une coopération totale, synonyme d’une stabilité des salaires nominaux, et une hostilité totale synonyme d’une stabilité des salaires réels. L’économie est frappée par un choc de demande qui se traduit par une augmentation du taux de chômage. Avant le choc le taux de salaire réel est ωn et le volume naturel d’emploi Nn. Seule la stabilité du taux de salaire nominal garantit la stabilité du volume de l’emploi. Lorsque les syndicats renoncent à toute revalorisation du taux de salaire nominal en contrepartie d’une stabilité du volume de la main d’œuvre, la fonction de perte prend la valeur suivante : LSc (ωt , Nt ) = − (ω n − ωt ) Lorsque les syndicats sacrifient l’emploi au dépend du salaire réel, la fonction objectif prend la valeur suivante : LSnc (ωt , Nt ) = −θ S ( N n − Nt ) La stratégie dominante est celle qui génère la perte la plus faible. La condition de coopération peut être exprimée en fonction du paramètre θS : 241 L > L ⇒θ > θ S nc S c S * (ω = (N n − ωt ) n − Nt ) où θ* représente le seuil critique au-delà duquel les syndicats anticipent l’effet inflationniste de la politique de stabilisation sans demander une réévaluation des salaires nominaux en contrepartie. Dans ce cas, la satisfaction qu’ils obtiennent grâce à une baisse du chômage sera supérieure à celle qu'elles auraient réalisée en maintenant la rémunération réelle à son niveau initial. Lorsque θS est inférieur à θ*, les travailleurs préfèrent la stratégie non coopérative et exigent une augmentation des salaires nominaux équivalente à l’inflation anticipée. On retrouve donc le résultat de l’approche classique, qui stipule que toute tentative de stabilisation aura des conséquences purement inflationnistes. Dans ce cas, l'importance relative accordée par les travailleurs à l'emploi n’est pas suffisamment forte pour les convaincre de sacrifier une partie de leur pouvoir d'achat afin de résorber le chômage généré par le choc. Une baisse du salaire réel est en effet plus coûteuse en termes de bien-être qu'une augmentation du nombre de licenciés. Enfin, lorsque θS est égal à θ*, les salariés sont indifférents entre la stabilité de l’emploi et la stabilité du pouvoir d’achat. Leur réaction à une relance monétaire ne peut être déterminée avec certitude. C’est la raison pour laquelle nous avons exprimé la condition de coopération en termes d’une inégalité stricte. Deux propriétés découlent de la condition de coopération : (i) θ* est croissant par rapport (ωn - ωt). Ainsi, les travailleurs doivent accorder beaucoup d’importance à la stabilité de l’emploi pour accepter une forte baisse de leur pouvoir d'achat. Si on considère la baisse du taux de salaire réel comme un indicateur de l'ampleur du choc57, alors on peut affirmer que plus le choc est important plus la probabilité d’observer une attitude coopérative de la part des travailleurs est faible. (ii) θ* est décroissante par rapport (Nn - Nt). Ainsi, plus le chômage généré par le choc est important, moins la condition de coopération est contraignante. Lorsque le taux de chômage est élevé, la probabilité de voir les travailleurs accepter la politique de stabilisation est élevée, même s’ils sont attachés à la stabilité de leur pouvoir d’achat. C'est l'ampleur du chômage qui justifie leur réaction et non l'importance relative qu'ils accordent 57 Dans le sens où la baisse du salaire réel nécessaire à un retour à l'équilibre s’accentue avec l’ampleur du choc. 242 à l'emploi. Si on considère le chômage généré par le choc comme un indicateur de son ampleur, alors on peut dire que les chances de réussite de la politique de stabilisation augmentent avec l’ampleur du choc. Les deux propriétés aboutissent à deux conclusions contradictoires. Ce paradoxe illustre les motivations contradictoires qui animent les travailleurs. Une flambée du taux de chômage accroît la perte des syndicats et les pousse en direction de la stratégie coopérative. Or, une forte hausse du taux de chômage ne peut être contenue que moyennant une baisse significative du salaire réel qui accentue la perte des syndicats et les décourage d’accepter la politique de stabilisation mise en place par la banque centrale. L'importance de l'effet accommodant d’une augmentation du chômage par rapport à l'effet décourageant d’une baisse du salaire réel est l’un des déterminants du succès de la politique de stabilisation. Cette importance relative dépend des caractéristiques structurelles de l'économie, telles que l’élasticité de la demande de travail aux variations du salaire réel. Ainsi, le premier effet a plus de chance de l’emporter lorsqu’une faible baisse du salaire réel permet une forte relance de la demande de travail. Le contraire est vrai lorsque la demande de travail est peu élastique aux variations du salaire réel. III- L'impact de la politique monétaire en cas de choc Nous reconsidérons maintenant le jeu qui oppose la banque centrale aux travailleurs, lorsque ces derniers sont sensibles aux variations du volume d’emploi. Nous précisons d’abord quelques hypothèses concernant le fonctionnement de l’économie : • La banque centrale n'a aucun avantage d'information par rapport aux travailleurs. Ces derniers connaissent parfaitement sa fonction objectif et sont en mesure de déduire sa fonction de réaction. Ils observent également les chocs macroéconomiques et évaluent correctement leurs impacts sur l’activité. Leurs anticipations sont rationnelles. • L’économie est dans un état stationnaire avec des volumes de production et d’emploi stables. L’inflation et le salaire nominal augmentent d’une période à l’autre à un taux de croissance constant. • Le taux de salaire nominal est le résultat d’un processus de négociation entre les représentants des travailleurs et les producteurs. Le processus de négociation est centralisé et les délégués syndicaux représentent parfaitement les préoccupations et les préférences 243 des travailleurs. Ils obtiennent toujours pleine satisfaction de leurs revendications salariales. • Les événements se déroulent dans l’ordre suivant. Au début de chaque période les syndicats fixent le taux de salaire nominal. Les producteurs anticipent le taux d’inflation de la période, déduisent le salaire réel et prennent les décisions de recrutement et de licenciement. Enfin, les autorités monétaires choisissent le taux de croissance de la masse monétaire et déterminent ainsi le taux d’inflation de la période. • Nous appelons une stratégie coopérative de la part des syndicats, celle qui consiste à accommoder au moins une partie de l’inflation générée par la politique monétaire. Leur stratégie est dite non-coopérative lorsqu’elle consiste à refuser totalement l’inflation mise en place par la banque centrale et à exiger une indexation parfaite des salaires nominaux. Plus le degré d’indexation est faible plus la coopération des syndicats est forte. Nous parlons de coopération parce que les syndicats anticipent parfaitement les tentatives de relance mais choisissent de ne pas les neutraliser. Ils affichent ainsi une attitude coopérative envers la stratégie des autorités monétaires. 1- La stratégie des autorités monétaires 1.1- Le problème de décision La maximisation du bien-être social conduit la banque centrale à adopter des objectifs d’inflation et d’emploi. Toutefois, les valeurs naturelles58 de ces variables sont différentes de leurs valeurs optimales, celles qui maximisent la fonction de bien-être social. Ces divergences s’expliquent par l’existence de certaines distorsions sur les marchés du travail ou des biens. L’objectif des autorités consiste donc à réduire l’écart entre les valeurs effectives de ces variables et leurs valeurs optimales. La fonction de perte suivante illustre les préférences et les objectifs de la banque centrale : 2 LM (π t , Nt ) = − (π t − π * ) − θ M ( Nt − N * ) 2 où N* et π* représentent respectivement le volume d’emploi et le taux d'inflation désirés par la banque centrale. θM représente l'importance qu'accorde la banque centrale à l’objectif d’emploi relativement à celui de l'inflation. 58 Celles compatibles avec le taux de chômage naturel. 244 Nous supposons qu’il existe une relation stable entre le taux d’inflation et le taux de croissance de la masse monétaire. Le contrôle de cet instrument permet à la banque centrale de contrôler parfaitement le taux d’inflation. Pour simplifier les calculs nous identifions le taux d'inflation au taux de croissance de la masse monétaire mt. La fonction objectif peut donc s’écrire sous la forme suivante : 2 LM ( mt , Nt ) = − ( m* − mt ) − θ M ( N * − Nt ) 2 (2) où m* est le taux de croissance désiré de la masse monétaire (qui correspond au taux d’inflation désiré π*). L'objectif de la banque centrale est de déterminer la valeur de mt qui minimise la fonction de perte. Cette valeur optimale dépendra de ses préférences et de ses objectifs, mais également de l’influence qu’exerce la politique monétaire sur l’emploi. Les modèles d’inspiration classique considèrent que les anticipations inflationnistes s'autoréalisent : les travailleurs fixent leurs anticipations de façon à ce qu'elles correspondent au choix optimal des autorités monétaires expost. Par ailleurs, les anticipations induisent un ajustement systématique des salaires nominaux et condamnent les tentatives de relance à l'échec. Dans ce modèle, les travailleurs continuent à former des anticipations rationnelles, mais n'entreprennent pas systématiquement une indexation parfaite des salaires nominaux à l’inflation anticipée. En s'appuyant sur leur fonction objectif, ils choisissent le degré d'ajustement qui leur garantit un niveau de satisfaction maximal. Soit mtaj le taux de croissance des salaires nominaux fixé par les syndicats pour la période t. ce taux varie entre 0 et mta (entre un abandon total de l’indexation et une indexation parfaite), où mta est le taux de croissance anticipé de la masse monétaire. Les deux équations suivantes résument le comportement des travailleurs : mta = E ( mt / It ) aj a mt = ψ mt avec ψ compris entre 0 et 1. It est l’ensemble d’information dont dispose les syndicats au début de la période t. La courbe de Phillips prend donc la forme suivante : Nt − N n = µ ( mt − mtaj ) + εt (3) où εt est un choc aléatoire et Nn le volume naturel de l’emploi. D’après cette équation, toute 245 variation de Nt s’explique soit par une politique inflationniste, soit par l’avènement d’un choc. Cependant, l'influence de la politique monétaire dépend du degré d'ajustement du taux de salaire nominal. 1.2- La fonction de réaction de la banque centrale Les autorités monétaires observent le degré d’ajustement des salaires nominaux avant de fixer le taux de croissance de la masse monétaire. Leur problème de décision se résume au programme d’optimisation suivant : 2 Minimiser LM ( mt , Nt ) = ( m* − mt ) + θ M ( N * − Nt ) 2 S /C : {N − N t n = µ ( mt − mtaj ) + εt En substituant la contrainte dans la fonction objectif et en dérivant par rapport à mt, on obtient une expression de la fonction de réaction de la banque centrale : mt = θ M µ 2 mtaj + γµ ( N * − N n − εt ) + m* 1 + µ 2θ M = φ ( mtaj ) . Cette fonction définit la réponse monétaire optimale Pour chaque ajustement des salaires nominaux. Sachant que mtaj est égal à ψmt et que les anticipations sont rationnelles ( mta = E ( mt / It ) ), on peut redéfinir la réaction monétaire optimale en fonction de ψ , le degré d’ajustement des salaires nominaux : mt = µθ M ( N * − N n − εt ) + m* 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) = φ (ψ ) (4). A partir de cette version de la fonction de réaction on peut établir les propriétés suivantes : (i) mt est croissant par rapport à (N*-Nn) : ∂mt ∂ ( N* − N n ) = µθ M > 0. 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) La tentation d’augmenter la masse monétaire est plus grande lorsque l'écart entre les volumes optimal et naturel de l’emploi est assez important. 246 (ii) ∂mt 1 = > 0. * 2 M ∂m 1 + µ θ (1 −ψ ) mt est croissant par rapport à m* : Le taux de croissance de la masse monétaire est d’autant plus élevé que l’objectif d’inflation de la banque centrale est élevé. (iii) Les dérivées de mt par rapport à θM et µ sont de signes indéterminés. Dans les deux cas, deux effets contradictoires entrent en action : l'effet d’une augmentation la masse monétaire sur l’emploi encourage les autorités à pratiquer une politique expansionniste, tandis que l’ajustement des salaires nominaux affaiblit l'impact réel d'une telle politique et les décourage d’entreprendre ce genre d’initiative. (iv) 2 M M * n * ∂mt µ θ µθ ( N − N − εt ) + m = >0 2 ∂ψ (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) mt est croissant par rapport à ψ : Ainsi, la croissance de la masse monétaire, et donc l’inflation, est minimale lorsque les travailleurs n'envisagent aucun ajustement du taux d salaire nominal (ψ=0) : mt = µθ M ( N * − N n − εt ) + m* 1 + µ 2θ M Dans ce cas, la coopération des travailleurs permet à la banque centrale d’exercer une influence maximale sur l’emploi avec un minimum de coût en terme d'inflation. (v) Enfin, mt est décroissant par rapport à εt : ∂mt µθ M =− < 0. ∂εt 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) Les chocs récessifs (εt<0) nécessitent un accroissement de la masse monétaire, et les chocs positifs exigent des contractions monétaires. Nous rappelons que le sous-ajustement du taux de salaire nominal est envisageable seulement en cas de choc. En dehors des périodes de récession, le risque de licenciement est nul et les travailleurs n'ont aucun intérêt à tolérer une baisse du taux de salaire réel. Le système d’équations suivant distingue les réactions optimales en absence et en présence des chocs : 247 mt = md = µθ M ( N * − N n ) + m* si εt = 0 md − µθ M εt si εt ≠ 0 mt = 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) où md est le taux d’inflation discrétionnaire qui prévaut en dehors des périodes de récession. 1.3- La politique monétaire et l’emploi A l’aide des équations (3) et (4), on peut déduire l'impact de la politique monétaire sur l’emploi en cas de choc : ∆N = Nt − N n = µ (1 −ψ ) md εt + 2 M 2 M 1 + µ θ (1 −ψ ) 1 + µ θ (1 −ψ ) Cette équation nous indique qu’une politique de stabilisation peut réduire l'impact du choc sur l’emploi. Le premier terme à droite, de signe positif, représente l’effet stabilisateur de d la politique monétaire ( µ (12 −Mψ ) m 1+ µ θ (1 − ψ ) ). Il contrecarre le second terme qui représente l'impact négatif du choc (εt<0). L’efficacité de la politique de stabilisation dépend néanmoins du degré d’ajustement des salaires nominaux à l’inflation : plus l'ajustement est faible, plus l'effet stabilisateur de la politique monétaire est important. Lorsque ψ est nul, le chômage généré par le choc sera minimal : ∆N = µmd + εt . 1 + µ 2θ M Lorsque les travailleurs choisissent une indexation parfaite des salaires nominaux à l’inflation (ψ=1), le choc se répercute pleinement sur l’emploi : ∆N = εt . 2- La réaction des travailleurs Les syndicats connaissent la fonction objectif de la banque centrale et sont en mesure d'anticiper parfaitement sa fonction de réaction. Ils observent les chocs et sont capables d'estimer leurs conséquences sur l'emploi. En se basant sur cet ensemble d’information, ils 248 essayent de déterminer le degré d'ajustement du taux de salaire nominal qui leur permet de minimiser la fonction de perte. 2.1- Description du problème de décision Le programme d’optimisation suivant résume le problème de décision des syndicats : Minimiser LS (ωt , Nt ) = (ω n − ωt ) + θ S ( N n − Nt ) S /C : Nt − N n = µ ( mt −ψ mta ) + εt µθ M ( N * − N n − εt ) + m* mt = = φ (ψ ) 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) a mt = E ( mt / It ) En substituant les contraintes dans la fonction objectif, on peut la réécrire sous la forme suivante : µ (1 −ψ ) md + εt G (ψ ) = − (ω − ωt ) + θ 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) n s (5) Le taux de salaire réel n’est autre que le rapport du taux de salaire nominal, wt, à l’indice des prix, Pt : ωt = wt . Pt Par hypothèse le taux de chômage, et donc le salire réel, est à son niveau naturel à la date t-1 avant l’avènement du choc : ω n = wt −1 . Pt −1 Le taux d’inflation correspond au taux de croissance de la masse monétaire : Pt=(1+mt) Pt+1 . Le taux de salaire nominal de la date t dépend du degré d’indexation choisit par les syndicats : wt = (1 +ψ mt ) wt −1 . Le taux de salaire réel de la période t est donc le suivant : ωt = wt (1 +ψ mt ) wt −1 = . Pt (1 + mt ) Pt −1 En substituant cette expression dans l’équation (5), ψ et mt deviennent les seules 249 variables endogènes de la fonction objectif : mt (1 −ψ ) wn s µ (1 −ψ ) md + εt G (ψ ) = − +θ 2 M (1 + m ) Pn t 1 + µ θ (1 −ψ ) (6) L’objectif des syndicats consiste à déterminer la valeur de ψ qui leur permet de minimiser cette fonction. Il s’agit du degré d’ajustement qui offre le meilleur compromis entre la stabilité du pouvoir d’achat d’un côté et la minimisation du risque de licenciement de l’autre. 2.2- Le choix du degré d'ajustement optimal La décision des syndicats dépend du taux de croissance de la masse monétaire comme le montre l’équation (6). La dérivée de cette équation par rapport à ψ débouche sur la fonction de réaction des syndicats59 : ψi = 1 + 1 M θ µ 2 − (1 + mt )θ S 1 M θ µ 2 mtω n ( µm d − θ M µ 2εt ) (7) Cette fonction définit un degré d'ajustement optimal du taux de salaire nominal à chaque taux de croissance de la masse monétaire. Elle nous enseigne que la réaction optimale des syndicats est croissante par rapport au taux de croissance de la masse monétaire : (θ M µ 2εt − µmd )θ sω n × ∂ψ =− 2 ∂mt θ M µ 2 ( mtω n ) 1 2 − (1 + mt )θ s mt ω n (θ > 0. M µ 2εt − µ md ) Comme les anticipations sont rationnelles, la banque centrale trouvera que sa stratégie optimale consiste à choisir un taux de croissance de la masse monétaire identique à celui anticipé par les travailleurs. Géométriquement, le degré d'ajustement optimal correspond aux points d'intersection des fonctions de réaction de la banque centrale et des syndicats. Ces points indiquent les valeurs de ψ qui garantissent l'égalité entre le taux de croissance anticipé et le taux de croissance effectif de la masse monétaire. Le graphique 6.1 illustre les possibilités d’équilibre : 59 L’annexe 6.1 décrit le passage de la dérivée de l’équation (6) à la fonction de réaction (7). 250 Graphique 6.1 : Le degré d’ajustement optimal du taux de salaire nominal. ψ 2 1 ψ1 m* m* mt ψ2 ne peut pas être retenue comme solution car il est toujours supérieur à 1. Cela signifie que les syndicats imposent un taux de salaire réel supérieur à celui de l’équilibre initial, ce qui contredit nos hypothèses de départ. Nous retiendrons donc ψ1 comme solution au programme d’optimisation. Les travailleurs peuvent concéder volontairement une baisse de leur pouvoir d’achat en choisissant un taux d’ajustement inférieur à 1. Une telle stratégie sera adoptée lorsque la condition suivante est satisfaite (condition dérivée à partir de l’équation (8)) : εt < ωn 1 − 2 S µ 2 (θ M ) µθ md * =ε . Cette condition signifie que le choc doit être d’une certaine ampleur pour convaincre les travailleurs d'accepter une quelconque baisse du taux de salaire réel. Cette valeur critique est d'autant plus élevée que l'importance accordée par les travailleurs à l'emploi est faible (θS est 251 proche de 0) : ∂ε * md ωn 1 > 0 60. S 2 2 2 M S ∂θ µ (θ ) µ (θ ) Cette condition peut être également exprimée en fonction de θM et de θS : S ωn md θ > = θ S* d M 2 2 µ m − µ (θ ) εt M ωn M* md θ 1 > − =θ µ 2εt µθ S Les valeurs critiques de ces deux paramètres indiquent l’importance relative que la banque centrale et les travailleurs doivent accorder à l'emploi pour que le jeu aboutisse à un équilibre coopératif61. En conclusion, l’hostilité des syndicats aux mouvements de licenciement peut les conduire à modérer leurs revendications salariales et à accepter une baisse du pouvoir d’achat. La sous-indexation du taux de salaire nominal limite l’impact du choc sur l’emploi et leur permet d’atteindre un niveau de satisfaction plus élevé. La stratégie optimale dépend aussi bien de l’ampleur du choc que des préférences des travailleurs et des autorités. Section 2 : La réaction des travailleurs en dehors des périodes de récession Dans cette section, nous démontrons que les travailleurs peuvent adopter une attitude coopérative envers les politiques inflationnistes même en dehors des périodes de récession. Dans la première partie de ce chapitre, une telle réaction était justifiée par l’existence d’un risque de licenciement. Dans cette deuxième partie, nous démontrons qu’une augmentation des effectifs peut se répercuter positivement sur le bien-être des travailleurs en allégeant l’effort qu’ils fournissent pendant les heures de travail. Lorsque la satisfaction qu’apporte la baisse de 60 On rappelle que le choc est négatif. Une augmentation de εt équivaut donc à une atténuation de l’ampleur du choc et un affaiblissement de la valeur critique. 61 La valeur critique de θM est valable seulement lorsque le terme md ωn 1 − µ 2εt µθ S est positif. 252 l'effort est supérieure à la désutilité induite par la baisse du taux de salaire réel, elle peut inciter les travailleurs à coopérer avec les politiques de relance. Pour démontrer ce résultat, nous allons procéder en deux étapes. D’abord, nous introduisons la notion d’effort au niveau des problèmes de décision des travailleurs et des producteurs et nous étudions les propriétés des fonctions d’offre et de demande qui en découlent. Nous nous appuierons ensuite sur les conclusions de cette analyse pour montrer que la maximisation du bien-être peut conduire les travailleurs à modérer leurs exigences salariales en contrepartie d’une augmentation des effectifs et d’un allègement de la charge de travail. I- L'effort et l'équilibre du marché du travail Notre approche se distingue des modélisations standards de l’effort par deux points : (i) Nous abordons le problème de la répartition de l’effort total nécessaire à la réalisation de l’objectif de production sur le nombre d’heures de travail demandées. Nous illustrons ainsi le passage du besoin véritable mais implicite de l’entreprise, qui est en termes d’effort, à sa demande explicite observée sur le marché, qui est en termes d’heures de travail. Pour cela, nous introduisons le concept d’effort horaire qui jouera un rôle important au niveau des décisions d’offre et de demande de travail. (ii) Nous considérons que les producteurs fixent et contrôlent parfaitement l’effort fournit pendant les heures de travail. Nous nous différencions ainsi de la théorie du salaire d’efficience qui tient compte de la présence de certaines asymétries qui profitent aux travailleurs. La principale source d’asymétrie relatée par les modèles d’efficience concerne l’observation de l’effort fournit pendant les heures de travail. Ces modèles supposent que les producteurs contrôlent imparfaitement cet effort, ce qui les contraints à proposer des rémunérations réelles élevées afin de motiver leurs salariés. Une relation croissante s’établit ainsi entre l’effort est le taux de salaire réel62. Dans ce cas, une partie du chômage existant est involontaire et résulte simplement d'un salaire réel anormalement élevé. Les motivations inflationnistes des banques centrales et des gouvernements deviennent donc totalement justifiées, dans la mesure où elles visent à résorber la partie involontaire du chômage en ramenant le taux de salaire réel à sa valeur 62 Voir Shapiro et Stiglitz (1984) pour une justification des liens entre l’effort et le salaire et Weiss (1991) pour un résumé de la théorie du salaire d’efficience. 253 de marché. Toutefois, leurs initiatives se heurtent aux anticipations des travailleurs et s'avèrent sans conséquence sur le volume de l’emploi. Nous pensons que les asymétries prises en compte par les modèles d’efficience concernent un segment assez restreint du marché du travail. En effet, de nombreux faits réels suggèrent une remise en question de ces asymétries, et notamment de celle qui concerne le contrôle de l’effort par les producteurs. 1- L'effort et la demande de travail Nous définissons brièvement la notion d’effort avant de l’intégrer dans le problème de décision des producteurs et des salariés. 1.1- L’effort dans le processus de production Lorsqu'une entreprise demande des heures de travail rémunérées à un taux de salaire donné, elle demande des travailleurs capables d'accomplir des tâches précises, pendant un intervalle de temps déterminé. On peut dire qu'elle demande et rémunère à la fois la compétence et l'effort. Nous définissons la compétence d'un travailleur comme sa capacité à accomplir la tâche demandée. Elle peut être appréciée à travers son expérience professionnelle, son diplôme ou son niveau d'étude. On peut également y recenser d'autres facteurs tels que la faculté d'adaptation, la facilité de communication…En définitive, tout facteur qui permet au travailleur de remplir sa mission de la façon la plus efficace, peut être considéré comme faisant partie de sa compétence. Nous définissons l'effort fourni par un travailleur comme l'intensité d'utilisation des compétences requises à la réalisation d’une tâche de production. Dans une chaîne d'assemblage par exemple, l'effort d'un ouvrier peut être apprécié à travers le nombre de pièces qu'il traite pendant un intervalle de temps. Ces deux définitions montrent que l'entreprise a besoin à la fois de la compétence et de l'effort des travailleurs. Ces deux facteurs exercent néanmoins des influences distinctes sur la demande de travail. D'abord, pour une tâche précise la compétence requise est connue ou fixe, alors que l'effort est variable. L'entrepreneur connaît avec précision les compétences nécessaires à la 254 réalisation des diverses tâches de production, alors qu'il ignore l'effort qui lui permet de maximiser son profit. La compétence est donc un paramètre exogène ou fixe, alors que l'effort est une variable endogène qu'il faut fixer de façon à maximiser le profit. Ensuite, il existe une relation croissante entre la compétence d’un travailleur et sa rémunération. L’acquisition d’une compétence nécessite un investissement de la part des travailleurs, ce qui peut justifier le sens d’une telle relation. En outre, plus la compétence requise est élevée, moins les offreurs qui en disposent sont nombreux. La rareté constitue un deuxième argument en faveur d’une relation croissante. La relation entre l'effort et le salaire est assez ambiguë. Nous soulignons que l'accord concernant le salaire est conclu avant que l'entrepreneur ne soit capable d'apprécier l'effort que la nouvelle recrue est capable de fournir. Le travailleur de son côté n'a pas d'idée précise concernant l'effort qu'il doit fournir pendant les heures de travail. La compétence semble donc le facteur le plus déterminant de la négociation salariale, car l'entrepreneur est capable de l'apprécier à travers la formation et l'expérience du candidat. En outre, la plupart des candidats expriment une forte motivation au cours des entretiens d’embauche. Le contrat est donc négocié en supposant implicitement que le travailleur va s'employer au maximum au service de l'entreprise. Le futur salarié est par ailleurs conscient que c'est l'entrepreneur qui fixe la cadence de travail en fonction de son objectif de production, et qu'il entreprendra les dispositions nécessaires pour qu’elle soit respectée. Dans ce sens nous rappelons que toute nouvelle recrue passe par une période d'essai durant laquelle l'employeur se réserve le droit de rompre le contrat. Ceci témoigne des exigences en termes d'effort auxquelles l'employé doit se plier. Ces facteurs suggèrent que ça soit l’entrepreneur qui fixe la cadence de travail, et que le salarié ne peut utiliser son effort comme une monnaie d’échange pour obtenir une rémunération élevée. La relation croissante supposée par les modèles d’efficience nous semble donc assez contestable. 1.2- Le problème de décision de l'entrepreneur Nous considérons le cas d'une entreprise représentative qui produit un bien unique en utilisant les facteurs capital et travail. Nous nous plaçons dans une optique de court terme. Nous supposons ainsi que le stock de capital est fixe et que le travail est la seule variable de la 255 fonction de production. Cette fonction satisfait deux propriétés classiques : la productivité marginale du travail est positive et décroissante. Nous laissons de côté les problèmes relatifs à la compétence et nous centrons notre analyse autour de la notion d'effort. Ainsi, nous supposons que l'entreprise en question demande du travail pour la réalisation d'une tâche unique qui nécessite des compétences dont disposent tous les travailleurs. Sur le marché du travail, l’entreprise demande des heures d'effort. La somme de l’effort fournis durant les heures demandées doit naturellement correspondre à l'effort total nécessaire à la réalisation de son niveau de production désiré. Son programme peut donc s'écrire sous la forme suivante : Maximiser S /C Π = y − ωL y = F ( L) e L= e (1) ( 2) où y est le volume de la production, L le nombre d'heures de travail, ω le salaire réel horaire, F la fonction de production, "e" est l'effort total et e l'effort horaire. En substituant les deux contraintes dans la fonction objectif, on peut exprimer le programme d’optimisation uniquement en fonction de l'effort : e e Maximiser : Π = F − ω (Système I ) . e e Pour déterminer sa demande de travail, l’entrepreneur procède en trois étapes : (i) Pour un effort horaire donné, il détermine l'effort total qui lui permet de maximiser son profit. Il obtient une fonction qui lui indique le profit maximal qui correspond à chaque niveau de l'effort horaire. (ii) En s’appuyant sur cette fonction, il détermine le niveau de e qui lui procure un maximum de profit. (iii) Une fois les efforts horaire et total déterminés, il déduit grâce à la contrainte (2) le nombre d'heures de travail nécessaires à la réalisation de son objectif de production. 256 En dérivant le système (I) par rapport à « e » on obtient la condition du premier ordre suivante : eFe ( e) = ω (3) D’après cette équation, le salaire réel d’équilibre est égal à la productivité marginale d’une heure d’effort. Il faut préciser l'expression de la fonction de production pour déduire la relation entre l'effort total, l’effort horaire et le salaire réel. Toutefois, à partir de l’équation (3) nous somme en mesure de déduire deux propriétés importantes concernant cette fonction : (i) La demande d'effort est décroissante par rapport au salaire réel horaire63 : ∂e 1 1 = < 0. ∂ω e Fee ( e) (ii) La demande totale d'effort est croissante par rapport à l'effort horaire : ω 1 ∂e = − 2 > 0 . ∂e e Fee ( e) La deuxième étape consiste à déterminer l'effort horaire optimal. Pour cela on suppose que e est toujours compris entre ses bornes minimale et maximale, qu’on appellera respectivement emin et emax . Pour un effort total et un salaire réel donnés, on dérive le profit par rapport à l’effort horaire : ∂Π e e = 2 ω − Fe > 0. ∂e e e Le profit est donc strictement croissant par rapport à l'effort horaire64. Cette propriété est d'une importance capitale, car elle nous permet de conclure qu’à l’équilibre l'entrepreneur imposera toujours une cadence de travail maximale à ses ouvriers : e sera nécessairement égal à emax . 63 Nous rappelons que la productivité marginale de l’effort est décroissance (Fee(e)<0). 64 Par hypothèse F est croissante par rapport à (e/ e ). Comme e est constant, elle est décroissante par rapport à e: e Fe < 0 . e 257 1.3- Les caractéristiques de la demande de travail D’après l’équation (3), l'effort total demandé est une fonction du salaire réel et de l'effort horaire. La contrainte (2) implique que le nombre d’heure de travail demandé dépendra également de ces deux facteurs : ( ) Ld = L ω, e A partir des propriétés de e et de e , on peut déduire celles de Ld : (i) La demande de travail est décroissante par rapport au salaire réel : ∂Ld 1 ∂e = < 0 ∂ω e ∂ω La sensibilité de la demande de travail aux variations du taux de salaire réel est d'autant plus faible que l'effort horaire est élevé. En effet, la productivité du travail s’accroît avec l’effort horaire, ce qui rend sa demande moins sensible aux variations de son coût. (ii) L’évolution de la demande de travail à la suite d'une variation de l'effort horaire est ambiguë : 1 ∂e e = − . ∂e e ∂e e ∂Ld Deux effets opposés entrent en action à la suite d’une variation de e . D'une part, l'augmentation de l'effort horaire limite le besoin de l’entreprise en nombre d’heures d’effort, pour un effort total donné. D'autre part, elle stimule la demande totale d'effort ( ∂e > 0 ) et accroît indirectement le nombre d'heures demandées. Le sens de variation de ∂e Ld dépendra donc de l'importance relative de ces deux effets. 1.4- Le cas d’une fonction Cobb-Douglas Nous dérivons les demandes d’effort et d’heures de travail pour une fonction CobbDouglas qui satisfait les propriétés énoncées auparavant : F ( L) = ALα avec 0<α < 1. A l’aide de cette fonction, le système (I) débouche sur l’expression suivante de la 258 demande d’effort : 1 ω α −1 e = e Aα Cette fonction est croissante par rapport à l’effort horaire, e , et décroissante par rapport au salaire réel : 1 α −1 ∂ e ω = >0 ∂e Aα 2−α ∂e 1 e ω α−1 = <0 ∂ω α −1 Aα Aα Le nombre d’heures de travail demandé est indépendant de l’effort horaire : 1 ω α−1 Ld = L(ω ) = . Aα Les deux effets opposés que nous avons décrit précédemment se neutralisent totalement, ce qui explique l’absence de l’effort horaire de cette fonction. La demande de travail est décroissante par rapport au salaire réel : 2−α ∂L 1 ω α−1 = < 0. ∂ω Aα (α −1) Aα 2- L'effort et l'offre de travail Nous considérons le cas d'un agent représentatif dont l'objectif est de répartir son temps entre le travail et le loisir. Sa décision est issue d’un programme d'optimisation dans lequel il maximise une fonction d'utilité qui décrit ses préférences, en tenant compte de sa contrainte budgétaire. Le programme d'optimisation que nous proposons se distingue par l’intégration de l'effort horaire comme une variable exogène au niveau de la fonction d'utilité. La présence de l’effort dans la fonction d’utilité est justifiée par l’influence qu’il exerce sur le bien-être des travailleurs. Nous pensons en effet que la désutilité du travail s’accentue avec l’effort horaire. Une fonction d’utilité qui reflète fidèlement les préférences des agents doit rendre compte de 259 cet effet. L’intensité de l’effort fournit pendant les heures de travail et la désutilité qui en découle peuvent également accentuer la satisfaction que tire le travailleur de son temps de loisir. Les relations que nous venons de décrire sont particulièrement importantes, car elles influencent directement la décision d’offre de travail. Le caractère exogène de l’effort horaire signifie que l'agent est conscient que c’est l'entrepreneur qui fixe la valeur de cette variable selon les critères de maximisation du profit. Cette hypothèse garantit ainsi la cohérence entre les programmes de décisions des travailleurs et des producteurs. A partir de ces idées, nous proposons une fonction d'utilité croissante par rapport à la consommation et décroissante par rapport au temps de travail, où la désutilité du travail s’accroît avec l’effort horaire. L'utilité marginale de la consommation est décroissante, tandis que la désutilité marginale du travail est croissante. Cela veut dire que chaque nouvelle augmentation du temps de travail s’accompagne d’une dégradation encore plus sensible du bien-être du travailleur. Le programme d’optimisation suivant reflète cette vision du problème de décision du travailleur : ( S /C ) U ( C, L) = Cγ L0 − eL Maximiser C + ω ( L0 − L) < R0 + ωL0 β système(II ) où U est la fonction d’utilité, C la consommation, L0 la dotation en heures, L le nombre d’heures consacrées au travail, et R0 le revenu non salarial. γ et β sont des paramètres positifs compris entre 0 et 1. Le système (II) préserve les principales caractéristiques des programmes d’optimisation standards : (i) il rend compte de l’utilité que tire l’agent de sa consommation et de son temps de loisir d’une part et de la désutilité que génère le temps de travail de l’autre ; (ii) le temps de loisir est facturé à son coût d'opportunité dans la contrainte budgétaire. Il se différencie par la présence de l’effort horaire au côté des heures de travail dans la fonction d’utilité (le bien-être procuré par le loisir dépend de (L0- e L) au lieu de (L0-L)). Cette modification rend compte du fait que la désutilité du travail et l’utilité du loisir sont croissantes par rapport à l’effort horaire. 260 En dérivant la fonction de Lagrange65 par rapport à C, L et λ, on arrive aux conditions d’équilibre suivantes : ( ) U ( C, h) γ L0 − eL ω h = = βC Uc ( C, h) e C = R0 + ωL ( 4) ( 5) Par le biais d’un simple exercice de substitution, on dérive à partir des équations (4) et (5) l’expression de la fonction d’offre de travail : ( ) Lo = L ω, e = γ L0 β R0 . − (γ + β ) e (γ + β ) ω Deux propriétés découlent de cette fonction : (i) L’offre de travail est croissante par rapport au salaire réel : β R0 ∂L = > 0. ∂ω (γ + β ) ω2 Une augmentation du taux de salaire réel est sensée générée deux effets opposés. D’une part, elle encourage l’agent à allouer davantage de temps au travail (effet de substitution), qui est devenu plus rémunérateur et donc porteur de plus de bien-être. D’autre part, elle lui offre l’opportunité d’accorder davantage de temps au loisir tout en gagnant autant (effet de revenu). Ce deuxième effet n’apparaît pas dans ce modèle, car le salaire réel représente le coût d’opportunité du loisir. L’effet de revenu est donc neutraliser par l’augmentation du coût du loisir. (ii) L’offre de travail est décroissante par rapport à l’effort horaire : γ L0 ∂L =− < 0. 2 ∂e (γ + β ) e Ce résultat s’explique par l’influence négative qu’exerce cette variable sur le bien-être de l’agent. 3- L'équilibre du marché du travail Nous rappelons d’abord les propriétés des fonctions d’offre et de demande de travail : 65 Pour ce programme d’optimisation la fonction de Lagrange est la suivante : L( C, L,λ) =U( C, L) +λ( C−ωL−R0 ) . 261 (i) La demande de travail est toujours décroissante par rapport au salaire réel. (ii) La relation entre l’offre de travail et le salaire réel est ambiguë. Toutefois, la plupart des travaux empiriques confirment la supériorité de l’effet de substitution à l’effet de revenu, et concluent à une relation croissante entre l’offre et le salaire réel. (iii) La réaction de la demande de travail à une baisse de l’effort horaire est ambiguë. Là encore deux effets opposés entrent en action. Dans le cas d’une fonction Cobb-Douglas, ces deux effets se neutralisent totalement et la demande de travail est insensible aux variations de l’effort horaire. (iv) L’offre de travail est toujours décroissante par rapport à l’effort horaire. (v) Les entrepreneurs exigent toujours un effort horaire maximal. Etant donné que l’effort horaire est à toujours à son maximum, c’est le taux de salaire réel qui équilibre le marché du travail en égalisant entre l’offre et la demande. Notre objectif est d’étudier l’impact d’une baisse de l’effort horaire sur l’équilibre du marché. D’après les propriétés que nous venons de rappeler, la demande de travail issue d’une Cobb-Dougls serait insensible à cette baisse, tandis que l’offre de travail réagirait positivement. Le Graphique 2 illustre ce scénario. Graphique 2 : L’impact d’une baisse de l’effort horaire sur l’équilibre du marché du travail. Ld,Lo Lo(ω,emax) Lmax Lo(ω,emin) Lmin ωmin ωmax ω 262 L'intervalle [ω*min, ω*max] regroupe l'ensemble des salaires réels d'équilibre relatifs aux différents niveaux d'effort horaire. L'intervalle [L*min,L*max] regroupe les volumes d'emploi qui correspondent à ces différents salaires réels d'équilibre. Ce graphique montre que la baisse de l’effort horaire s’accompagne d’un accroissement du nombre d’heures de travail et d’une baisse du taux de salaire réel. Le volume de l’emploi sera à son maximum, lorsque l’effort horaire est à son minimum. Pour un même salaire réel, la baisse de l’effort horaire entraîne une augmentation de l’offre de travail qui se traduit par un déplacement vers la droite de la courbe Lo. Ce résultat peut être valable lorsque la demande de travail est sensible aux variations de l’effort horaire (le cas général). L’annexe 6.3 illustre l’évolution du salaire réel et du volume de l’emploi lorsque la fonction de demande est respectivement croissante et décroissante par rapport à l’effort horaire. Dans les deux cas, une baisse de l’effort horaire peut conduire à une augmentation du volume de l’emploi. Le résultat dépendra le l’ampleur de la réaction de l’offre de travail par rapport à celle de la demande. Sur le plan pratique, nous pensons qu'il est plus probable de constater une croissance de la demande de travail à la suite d’une baisse de l’effort horaire. Nous rappelons que les deux effets qui s’opposent sont un effet direct positif et un effet indirect négatif induit par une baisse de la demande totale d’effort. Or, ce second effet risque d’être faible car la demande totale d’effort dépend de beaucoup d’autres facteurs tels que l’objectif de production de l’entreprise, la technique de production… Ainsi, il y a de fortes chances de voir l’effet direct positif dominer le second effet négatif. Dans ce cas, la baisse de l’effort horaire se traduit par une forte promotion de l’emploi, contre une faible dépréciation du salaire réel. Nous soulignons que dans le Graphique 1, la rigidité de la demande de travail accentue la hausse du salaire réel et limite l’augmentation de l’offre de travail. II- L'impact d'une politique de relance sur l'emploi On vient de montrer qu’une baisse de l’effort horaire peut conduire à une augmentation du volume de l’emploi, accompagnée d’une baisse du taux de salaire réel. Il faut néanmoins rationaliser ces résultats d’un point de vue stratégique. On devra notamment répondre aux questions suivantes : pourquoi les travailleurs tolèreront-ils une baisse de leurs pouvoirs d’achat ? Pour quelles raisons les producteurs baisseront-ils l’effort horaire, alors que les 263 critères d’optimalité suggèrent de le fixer à son niveau maximal ? Enfin, quelles sont les conditions requises pour qu’une politique de relance aboutisse aux résultats espérés ? 1-Le comportement stratégique des trois joueurs 1.1- La réaction des travailleurs Supposons que l'équilibre du marché du travail est insatisfaisant du point de vue de la banque centrale, qui cible un taux de chômage plus faible. Elle décide donc d'entreprendre une politique inflationniste afin de réduire le salaire réel et d’inciter les entrepreneurs à augmenter leurs demandes de travail. Quelle sera la réaction des travailleurs à une telle politique ? Dans notre modèle, l’hostilité systématique aux politiques inflationnistes disparaît grâce à la satisfaction que tirent les travailleurs d’une baisse de l’effort horaire. Nous rappelons que pour un effort total constant, une augmentation des effectifs permet une réduction de l’effort horaire ( e =e/L). Ainsi, la désutilité du travail s’atténue et la satisfaction des salariés augmente. Ces derniers ont donc intérêt à tolérer une augmentation du taux d'inflation tant que l'utilité qu'elle leur procure en réduisant l’effort horaire dépasse la désutilité qu'elle génère en diminuant leur pouvoir d’achat. La stratégie des travailleurs peut varier de la coopération totale à l'opposition totale. S’ils trouvent que le gain d’utilité que leur procure la baisse de l'effort horaire est supérieure à la désutilité liée à la baisse du salaire réel, alors ils n’exigeront aucune revalorisation de leurs rémunérations nominales. Par contre, si la moindre baisse du salaire réel s'avère plus coûteuse en termes de bien-être que la baisse de l'effort horaire qu’elle génère, alors les travailleurs exigeront une indexation parfaite des salaires nominaux à l’inflation. Enfin, ils peuvent adopter une stratégie intermédiaire qui consiste à accepter une partie de la baisse du pouvoir d'achat induite par la politique de relance afin d'amener l'effort horaire à un niveau plus satisfaisant. Dans ce cas, l’équilibre est atteint lorsque l'utilité qu'apporte une baisse de l'effort horaire est totalement compensée par la désutilité qu’elle génère en dépréciant le salaire réel : ( ( ∂U C* , L0 − eL* ∂e )) = ( ( ∂U C* , L0 − eL* ∂ω )) . Nous tirons les conclusions suivantes de cette condition d’équilibre : 264 (i) Plus l'utilité marginale d’une baisse de l'effort horaire est importante, plus la probabilité que les travailleurs acceptent une baisse du taux de salaire réel est élevée. Inversement, plus l'utilité marginale du salaire réel est importante, moins les travailleurs seront disposer à accepter sa baisse et donc à coopérer avec la tentative de relance. (ii) Plus la demande de travail est sensible aux variations du salaire réel, moins la condition de coopération sera contraignante. Dans ce cas, il suffit d'une faible augmentation du taux d'inflation (respectivement une faible baisse du salaire réel) pour aboutir à une forte augmentation de la demande de travail et une forte baisse de l'effort horaire. Les travailleurs peuvent donc trouver qu'il est dans leur intérêt d'accepter une baisse de leur pouvoir d'achat en contrepartie d’une baisse de l'effort horaire. Dans ce cas, le processus de négociation portera sur la question des salaires mais également sur la politique de recrutement de l’entreprise. Les représentants syndicaux peuvent modérer leurs revendications salariales en échange d’une augmentation des effectifs. 1.2- La réaction des producteurs Si les travailleurs sont intéressés par une baisse de l’effort horaire, les producteurs sont plutôt tentés de le fixer à son niveau maximal. Cette décision satisfait les critères d’optimalité en réduisant au maximum la masse salariale réelle. Nous recensons toutefois quelques arguments susceptibles de convaincre les entrepreneurs d’accepter une augmentation des effectifs et une baisse de l’effort horaire. D’abord, l’augmentation du nombre d’heures de travail induite par la baisse de l’effort horaire ne représente aucun coût supplémentaire pour les producteurs, car elle sera entièrement financée par la baisse du salaire réel horaire. Les travailleurs sont en effet disposés à renoncer à une indexation parfaite des salaires nominaux à l’inflation en contrepartie d’une augmentation des effectifs. La politique de recrutement n’aura donc aucun effet sur la performance de l’entreprise, puisqu’elle est conduite à masse salariale réelle stable. Si la baisse de l’effort horaire n’a aucun coût réel, alors rien ne justifie une opposition des producteurs à une telle revendication. Un refus non justifié risque de créer une situation conflictuelle au sein de l’entreprise, ce qui peut nuire au bon déroulement du processus de production. Par ailleurs, les approches récentes de la gestion des ressources humaines présentent la 265 relation entre l’entreprise et ses employés comme un partenariat dans laquelle chacune des deux parties est soucieuse de l’intérêt de l’autre. Les salariés se sentent impliqués dans la vie de l’entreprise et tirent une certaine satisfaction d’une amélioration de ses résultats, tandis que les entrepreneurs sont soucieux du bien-être de leurs salariés et s’emploient à améliorer leurs conditions de travail. De ce point de vue, les producteurs adoptent spontanément les dispositions qui portent satisfaction aux travailleurs, notamment lorsqu’elles ne génèrent aucun coût réel. Enfin, lorsque les salariés fournissent un effort très intense au cours des heures de travail, cela peut se répercuter négativement sur la qualité de leur prestation. Notre modèle ne rend pas compte de cet effet qualité qui existe dans la réalité. A terme, la mauvaise prestation des travailleurs détériore la qualité des produits offerts par l’entreprise et se répercute négativement sur ses résultats. Dans ce cas, le producteur tire profit d’une augmentation du nombre de travailleurs, car cela leur garantit que ces derniers vont accomplirent parfaitement leurs tâches. En définitive, il existe quelques facteurs susceptibles de convaincre les producteurs de donner suite aux revendications syndicales en matière de recrutement. Une politique monétaire expansionniste peut donc réussir à stimuler l’emploi et à accroître le niveau de satisfaction des travailleurs, sans qu’elle ne se traduise par une augmentation des charges réelles des entreprises. 1.3- La banque centrale et la mise en place des politiques inflationnistes La banque centrale doit intervenir au moment opportun pour garantir la réussite de sa politique. Il faut notamment que les travailleurs ressentent une surcharge de travail qui les incitent à coopérer avec la politique de relance. La banque centrale doit donc entreprendre ce genre de politique seulement lorsque les travailleurs expriment un tel besoin. Dans le cas contraire, son intervention se traduira entièrement en inflation et n’aura aucun effet réel. Les autorités monétaires doivent donc recenser les facteurs qui signalent un tel besoin. Dans un système de représentation assez centralisé, il leur suffit d’être attentives aux revendications des responsables syndicaux et d’évaluer leur insistance sur le problème des effectifs. Elles 266 peuvent également encourager le déclenchement d’un processus de négociation et s’entretenir avec les deux parties pour que la négociation s’engage sur cette voie66. Nous soulignons enfin que la politique monétaire reste efficace même si seulement une partie des offreurs et des demandeurs présents sur le marché se comportent conformément à notre modèle. Supposons que les travailleurs sont partagés en deux groupes : ceux qui sont en mesure d'ajuster leurs efforts en fonction du salaire réel conformément au modèle de Solow (1979), et ceux qui subissent le niveau d'effort fixé par les entrepreneurs. Lorsque la politique monétaire est mise en place, les membres du premier groupe exigeront une réévaluation des salaires nominaux pour continuer à fournir le même niveau d'effort, tandis que les membres du deuxième groupe accepteront une certaine baisse de leur pouvoir d'achat accompagnée d’une augmentation des effectifs. Ainsi, le bilan de la politique de relance sera toujours positif, même si l'hétérogénéité des travailleurs limite son ampleur. Son impact final dépendra des poids relatifs des deux groupes. Nos conclusions demeurent valables tant qu'une proportion significative de travailleurs et de producteurs se comportent conformément à notre modèle. 2- Le réalisme des hypothèses Notre modèle se différencie de la littérature standard par l'abandon de la relation croissante entre le salaire réel et l'effort horaire. Nous considérons que l'entrepreneur demande l’effort total compatible avec son objectif de production et fixe la contribution horaire de chaque travailleur de façon à minimiser ses coûts. Les modèles du salaire d'efficience supposent que le contrôle exercé par les entrepreneurs est imparfait. Les travailleurs sont donc en mesure de diminuer sensiblement leurs efforts lorsqu'ils ne sont pas contrôlés. La remise en question de cette hypothèse ne signifie pas que les travailleurs ne sont jamais tentés de diminuer leurs efforts ou bien qu'une augmentation du salaire réel ne les encourage pas à être plus productifs. Nous considérons simplement qu’il existe beaucoup de facteurs qui peuvent se substituer au contrôle patronal et qui obligent les travailleurs à fournir un maximum d'effort. 66 Cette intermédiation relève du rôle du gouvernement et non de celui de la banque centrale. Cette procédure suppose donc un certain degré de coordination entre les deux autorités. Toutefois, Cette coordination est quasi garantie car le gouvernement est aussi intéressé que la banque centrale par une augmentation des effectifs. 267 D’abord, dans beaucoup de domaines la cadence de travail est imposée par les producteurs. Dans une usine les travailleurs ne choisissent pas la vitesse de la chaîne d'assemblage. De même, un infirmier ne fixe pas le nombre de malades à soigner par jour. Un maître d’hôtel ne choisit pas le nombre de clients qu’il va servir. Un employé dans une administration publique ou dans une entreprise ne connaît pas à l’avance le nombre de client qu’il va accueillir. En citant autant d'exemples, nous voulions montrer que cette remarque est valable pour une fraction assez importante de travailleurs et qu'elle concerne aussi bien le personnel qualifié que le personnel non qualifié. A première vue, ces exemples relèvent d'une incompréhension de la notion d'effort, car bien qu’une certaine cadence soit imposée par les producteurs, les travailleurs sont en mesure de contrôler la qualité de leurs prestations. Face à cette critique, nous rappelons qu’une grande partie des travailleurs sont obligés de fournir des prestations de qualité, car ils subissent souvent un contrôle quasi-permanent sans que les employeurs n'entreprennent des mesures particulières dans ce sens. En effet, les clients des entreprises obligent souvent les employés à fournir l'effort nécessaire et exercent donc un contrôle involontaire qui bénéficie aux employeurs. Ainsi, les personnes qui attendent devant un guichet font pression sur l'employé en question pour qu'il offre une prestation efficace et rapide. Dans un hôpital, les malades sont souvent exigeants concernant la qualité des soins offerts par le corps médical. D'une façon générale, les clients sont assez soucieux de la qualité des services qui leur sont offerts et poussent les travailleurs à fournir un maximum d'effort. D'autre part, les producteurs peuvent contrôler indirectement l'effort en fixant des échéances précises pour les tâches que les travailleurs doivent accomplir. Dans ce sens, on rappelle qu'une partie significative des cadres des entreprises passent des heures supplémentaires à travailler sur des dossiers afin de respecter les échéances fixées par leurs directions. La qualité de leur travail est systématiquement contrôlée par la hiérarchie. Par ailleurs, la concurrence entre les travailleurs les pousse à s'investir au maximum dans leurs tâches respectives. L'existence d'un système de promotion qui récompense les travailleurs les plus productifs est à l’origine d'une telle concurrence. En outre, l'organisation du processus de production peut amener les travailleurs à se 268 contrôler mutuellement. Dans la plupart des cas, le bien ou le service produit par l'entreprise nécessite l'apport et la contribution de plusieurs personnes. Ainsi, aucun travailleur ne peut bien remplir sa mission si ses collègues n’ont pas accomplit convenablement leurs tâches respectives. Si on rajoute à tous ces facteurs l'existence d'un service de control qui veille de près sur les performances des travailleurs, il devient peu probable que ces derniers soient en mesure de fournir un effort en dessous des attentes de leurs patrons. En se basant sur ces arguments, on peut affirmer qu’une proportion importante de travailleurs subit l’effort fixé par l'employeur. Dans ce cas, notre modélisation de l'effort est plus appropriée pour l’étude de l'équilibre du marché du travail et pour l’évaluation des conséquences d'une politique de lutte contre le chômage. Nous soulignons enfin que dans notre modèle c’est le taux de salaire réel qui égalise entre l’offre et la demande. Dans les modèles d'efficience le salaire réel dépend uniquement des caractéristiques de la fonction d'effort. Notre approche permet ainsi une intégration de la notion d'effort au niveau des problèmes de décision, tout en préservant au salaire réel son rôle économique, celui d'équilibrer le marché du travail. La deuxième innovation introduite par notre modèle concerne l'impact de l'effort horaire sur le bien-être des travailleurs. Dans les modèles standards, l'effort n’intervient pas au niveau de la fonction d'utilité. Ainsi, les travailleurs tirent la même satisfaction de leurs heures de loisir et subissent la même désutilité pendant les heures de travail, quelle que soit l’intensité de l'effort qu’ils fournissent. De notre point de vue, cette approche est totalement irréaliste. Il nous semble peu contestable qu’une augmentation de l’effort accentue la désutilité du travail et accroît la satisfaction tirée des heures de loisirs. Nous avons donc introduit l’effort horaire au niveau de la fonction d’utilité. Les conclusions de notre analyse sont valables pour toute fonction positive, f( e ), croissante par rapport à l'effort horaire. 3- Les conclusions macroéconomiques 3.1- L’évidence concernant les besoins d’une baisse de l’effort Nous venons de souligner que le besoin d'une baisse de l'effort peut être ressenti à travers les revendications des travailleurs. 269 En France, et rien qu'au cours de l'année 1999, nous avons relevé un grand nombre des revendications qui vont dans ce sens. Nous citons ainsi, des entreprises comme Air France, la SNCF, la RATP… Dans le secteur public, le personnel infirmier et hospitalier, le personnel de la sécurité sociale, de la Caisse d'allocations familiales, les enseignants du primaire et du secondaire ont tous exprimés un besoin urgent d’une augmentation des effectifs, faisant valoir leur surcharge de travail. Ces exemples montrent que dans des domaines variés, les travailleurs ressentent le besoin d'une augmentation des effectifs afin de réduire l'effort fournit pendant les heures de travail. Les hypothèses et les conclusions de notre modèle correspondent donc une situation réelle vécue par une grande partie de travailleurs en France. Le modèle offre par ailleurs un fondement théorique aux revendications syndicales concernant les effectifs. Les travailleurs s’intéressent à tous les facteurs susceptibles d’améliorer leur bien-être pendant les heures de travail. La diversité des points sur lesquels portent les processus de négociation témoigne de l’attachement des travailleurs à une multitude d’objectifs. Ainsi, une étude menée par un groupe d’économiste de l’OCDE souligne « qu’il est important de noter que les conventions collectives ne portent pas seulement sur les salaires, mais également sur les conditions de travail, de licenciement, la formation professionnelle, les systèmes de retraites d'entreprise, l'introduction de nouvelles technologies, les procédures de règlement des conflits, certains groupes de travailleurs (femmes, handicapés, etc...). Il arrive même que les conventions collectives ne traitent que partiellement la question des salaires, le plus souvent en instituant des règles ou augmentations minimales, ou des augmentations moyennes à répartir entre les secteurs ou les catégories de salariés ».67 Ce passage confirme le réalisme de notre approche. La littérature continue néanmoins à tenir compte d’une seul objectif, celui de la stabilité du pouvoir d’achat. Nous ne contestons pas le fait que les considérations salariales représentent l’une des principales préoccupations des travailleurs. Nous rappelons tout simplement que ce n’est pas leur unique préoccupation. La présence d’autres objectifs redonne à la politique économique son efficacité en matière de lutte contre le chômage. 3.2- La réduction du temps de travail : une solution alternative 67 BIT, "Le travail dans le monde", 1997-97, OCDE (1994) 270 La politique de réduction du temps de travail mise en place dans un grand nombre de pays, et plus récemment en France, constitue une solution alternative pour réduire l’intensité de l’effort fournit par les salariés. Elle consiste à maintenir l’effort horaire constant, mais à réduire le temps consacré au travail, tout en maintenant le salaire réel fixe. La satisfaction supplémentaire que tire le travailleur d’une telle alternative, provient essentiellement de l’augmentation du temps de loisir. Ceci confirme notre deuxième hypothèse qui suppose que l’effort accentue non seulement la désutilité du travail, mais également l’utilité du loisir. A travers cet ensemble de constats et d’exemples, nous avons voulu montrer le réalisme des hypothèses qui sous-tendent notre approche. Nous rappelons encore une fois que notre modélisation de l'effort ne s'applique pas nécessairement à toutes les catégories de travailleurs. Le fait qu’elle reflète la situation d'une partie significative des offreurs et demandeurs de travail garantit néanmoins la pertinence des conclusions microéconomiques et macroéconomiques qui en découlent. 271 Chapitre 7 Les marchés financiers et la nécessité des politiques de stabilisation Introduction Au cours de la première partie, nous nous sommes arrêté sur les principales lacunes des analyses théoriques contemporaines. Dans ce chapitre, nous proposons quelques solutions à certaines de ces critiques68, que nous commençons d'abord par rappeler : (i) De nombreuses conclusions sont issues d'une vision très simplifiée de l’économie. Les 68 La critique concernant l'attitude des travailleurs envers les politiques inflationnistes a été traitée dans le chapitre précédent. 272 nouveaux classiques par exemple, abordent les problèmes de politique monétaire en se basant sur une fonction de réaction de la banque centrale, issue d'un programme d'optimisation, et une courbe de Phillips augmentée des anticipations rationnelles. L'analyse néokeynésienne se contente d'intégrer une équation de demande à côté de celle décrivant l'arbitrage entre l'inflation et le chômage (voir Clarida Gali et Gertler (2000)). (ii) Le débat est alimenté par des convictions économiques divergentes : les nouveaux classiques se focalisent sur le canal de l'offre, tandis que les néokeynésiens demeurent attachés à la demande considérant qu'elle est le véritable instigateur de la croissance et de l'emploi. Or, les deux approches peuvent être pertinentes selon la proximité de l'économie du plein emploi. Elles sont également complémentaires dans la mesure où, même en situation de sous-emploi, l'efficacité d'une relance par la demande dépend souvent des conditions de l'offre. (iii) Les analyses théoriques et les exercices de simulation se focalisent souvent sur un seul instrument de politique économique. Ils négligent ainsi les problèmes relatifs à la coordination entre les politiques monétaire et budgétaire. Nous allons tenter de remédier à ces problèmes en proposant une modélisation plus complète de l'économie, qui essaye de concilier entre les optiques de l'offre et de la demande, tout en tenant compte de la multiplicité des instruments de la politique économique. La maquette que nous proposons se distingue des modèles standards sur un certain nombre de points. Dans la suite de cette introduction nous montrons que les principales innovations qui la caractérisent contribuent à répondre aux critiques que nous venons d’énoncer. i- Les spécificités du modèle Le paysage financier que nous proposons constitue la principale originalité de la maquette. En effet, la plupart des modèles adoptent l'hypothèse simplificatrice selon laquelle tous les actifs financiers sont rémunérés à un même taux fixé par la banque centrale. Cette hypothèse reflète une vision particulière de l’économie qui s'articule au tour des points suivants. 273 D’abord, le taux de rendement d'un investissement réel ne peut être différent du taux d'intérêt rapporté par un placement financier pour une même échéance. Sur un marché caractérisé par une information et une concurrence parfaites, un tel écart de rendement ne peut persister, car il acheminera la totalité des capitaux vers le placement le plus rentable69. La règle d'or constitue l'aboutissement macroéconomique de ce raisonnement. Elle énonce une égalité entre le taux de croissance de la production et le taux d'intérêt réel. C'est la croissance qui détermine les profits des entreprises et par conséquent le taux de rendement des actions. La règle d'or établit ainsi un lien direct entre le taux d'intérêt et le taux de rendement du capital productif. En fixant le taux d'intérêt de court terme, les autorités monétaires fixent indirectement les divers taux longs ainsi que le taux de rendement des actions. Dans un contexte d'incertitude, les placements à long terme présentent des risques potentiels plus importants. Leurs détenteurs exigent donc une prime de risque. Pour la dette publique, il s'agit notamment du risque inflationniste. Pour les actions s'ajoute l'incertitude quant à la croissance de l'activité des entreprises. Les relations entre le taux d'intérêt et les taux de rendement des diverses catégories d'actifs doivent donc intégrer les primes de risque. Or, les primes en question dépendent des préférences des agents et notamment de leur attitude envers le risque. Si on suppose que les préférences des agents sont stables dans le temps, alors les primes le seront également. On retrouve donc des relations certaines entre le taux d'intérêt et les taux de rendements des autres actifs. Même dans un contexte d'incertitude, la banque centrale continue donc à déterminer indirectement les taux de rendement de tous les titres échangés sur le marché. Enfin, la structure par terme des taux d'intérêt résout le problème de la diversité des échéances des placements en définissant une relation précise entre les taux de court et de long terme. Cette simplification, et les hypothèses qui la sous-tendent, sont contestables à plusieurs égards. En effet, les préférences des agents ainsi que les facteurs réels qui déterminent le rendements des actifs financiers évoluent au fil des périodes. L’influence qu’ils exercent sur les rendements des titres n'est donc pas stable. La prime de risque est donc 69 La théorie du taux naturel de wicksell (1907) expose des mécanismes d'ajustement qui conduisent à moyen terme à une égalité entre le taux de rendement des actifs financiers et le taux de rendement du capital réel. 274 volatile. Par ailleurs, les rendements des titres sont sous l’influence par de différents facteurs et n'évoluent pas nécessairement dans le même sens. Ainsi, chaque actif présente un profil de risque distinct, ce qui rend toute sa pertinence à la diversification de portefeuille. En effet, le principal attrait de la présence d'une multitude d'actifs dans un portefeuille est qu'elle permet une couverture contre le risque grâce aux corrélations négatives entre leurs rendements. En définitive, l'identification d'une relation précise et stable entre les rendement des divers actifs s'avèrent une entreprise fortement compromise. Comme alternative à ce cadre simplifié, nous proposons un modèle qui distingue entre trois catégories d'actifs : les actions, la dette de court terme et la dette de long terme70. Nous distinguons également entre la dette privée de la dette publique. Nous supposons que la première porte sur le court terme et la seconde porte sur le long terme. Le taux de rendement de la dette publique est issu d'une confrontation entre l'offre et la demande. Il comporte un risque inflationniste, car la dette assure le transfert de richesse d’une période à l’autre. Le taux de rendement de la dette privée est fixé par la banque centrale. En distinguant le public du privée et le court du long terme, nous cherchons à illustrer la variabilité des primes de risque d’un côté et la diversité de leurs déterminants de l’autre. Une telle modélisation du système financier présente les avantages suivants : (i) Elle constitue un cadre propice à l'étude de l'interaction entre les sphères réelles et financières. Dans un contexte simplifié, les actifs financiers évoluent de concert et exercent ainsi les mêmes effets sur le secteur réel71. La prise en compte de l'hétérogénéité des profils de risque différentie les réactions des marchés financiers aux chocs les prix et les rendements des titres réagissent de façons différentes aux événements perturbateurs et exercent ainsi des influences hétérogènes sur le secteur réel. (ii) Elle offre une image plus réaliste du choix des politiques monétaire et budgétaire. En effet, la vision simplifiée du système financier suppose que les autorités monétaires imposent à l'Etat le taux auquel il doit emprunter. Les décisions de la banque centrale exercent ainsi une influence directe sur la politique budgétaire. Notre modèle remédie à ce problème en distinguant entre le taux court et le taux long : le premier est fixé par la banque centrale, alors que le second 70 Dans ce modèle, la dette de court terme est celle contractée et remboursée durant la même période, alors que la dette de long terme est remboursée durant la période suivante. 71 Comme les rendements des actifs évoluent de façons identiques, les volumes de transactions sur les différents marchés varient dans le même sens et dans les mêmes proportions. 275 résulte de l'équilibre du marché obligataire. Les deux actifs assurent des rôles différents : alors que la dette de court terme sert à satisfaire des besoins urgents de liquidité, la dette de long terme sert à redistribuer la richesse sur le cycle de vie conformément au besoin de consommation. Les deux taux ont donc des interprétations économiques différentes : le taux court représente le prix de la liquidité, alors que le taux long est le prix d'une unité de consommation retardée dans le temps. Grâce à la distinction entre le taux d'intérêt de court terme et le taux de rendement de la dette publique, chacune des deux autorités dispose de ses propres instruments et jouit d'une parfaite autonomie de décision. Toutefois, le modèle reste propice à l'étude de l'interaction entre les deux politiques et à l'analyse des problèmes de coordination. (iii) La distinction entre trois catégories d'actifs permet également de définir une palette d'objectif plus large pour les deux autorités. On a déjà souligné l'importance qu'accordent les autorités monétaires à la stabilité des marchés boursiers. Un tel objectif devient complètement aberrant si on admet que ce sont les autorités monétaires elles mêmes qui fixent le rendement des actifs financiers. De même, le gouvernement se fixe un objectif d'endettement. Or, l'efficacité de cette stratégie ne peut être correctement appréciée dans un modèle qui assimile la dette publique, à la dette privée et aux actions. La différentiation entre les actifs financiers s'avère donc nécessaire pour une bonne appréhension des problèmes de décision et de choix des objectifs de politique économique. La deuxième particularité du modèle est qu'il rend compte des interactions entre les canaux de l'offre et de la demande. Les entrepreneurs fixent leurs niveaux de production en fonction de la demande anticipée, puis déterminent les quantités optimales des facteurs. Ces quantités dépendent des coûts réels respectifs des facteurs. Or, les demandes de capital et de travail pèsent sur la demande globale : le capital demandé détermine le volume des investissements, tandis que le volume de la main d'œuvre détermine la masse salariale et exerce une influence prépondérante sur la consommation. Les contraintes de l'offre exercent ainsi une influence significative sur la demande et jouent un rôle central dans la détermination du produit national. 276 Les canaux de l'offre et de la demande interviennent également au niveau de la dynamique des prix. Les variations de la demande ainsi que celles des coûts des facteurs de production peuvent être toutes les deux génératrices de tensions inflationnistes. ii- L'organisation du chapitre Nous consacrerons la première partie de ce chapitre au développement des fondements microéconomiques du modèle. Nous dérivons les équations de comportement à l'échelle individuelle, puis nous déduisons par agrégation les versions globales qui composeront la maquette. Dans la deuxième partie nous exploiterons le modèle afin d'étudier l'efficacité des politiques monétaire et budgétaire en matière de stabilisation. L'exercice consiste à simuler des chocs macroéconomiques, à analyser leurs impacts sur l'économie et à discerner les mesures de stabilisation convenables. Nous vérifierons d’abord la capacité de l'économie à s'auto-stabiliser à la suite d'un choc et nous essayerons d’apprécier l’impact de certaines rigidités nominales et réelles sur l’équilibre du modèle. Nous nous intéresserons également aux comportements des travailleurs, en distinguant deux formes d’équilibre sur le marché du travail : un équilibre concurrentiel et un équilibre négocié. 277 Section 1 : La construction de la maquette I- Les fondements microéconomiques Au début de chaque période les entreprises fixent leurs niveaux de production désirés et demandent la main d'œuvre et le capital nécessaires à leurs réalisations. Sur le marché du travail, elles négocient avec les offreurs le salaire nominal de la période. Sur le marché du crédit elles se procurent les capitaux nécessaires aux financement de leurs investissements. Les entreprises s'engagent cependant à rembourser le principal et les intérêts des sommes empruntées avant la fin de la période sur laquelle s'étale le processus de production. A la fin de la période, les entreprises écoulent leurs marchandises sur les marchés, rémunèrent leurs salariés et remboursent leurs dettes. Après le paiement des impôts, elles distribuent aux actionnaires les dividendes de l'exercice en cours. L'Etat perçoit les recettes fiscales, décide du montant de ses dépenses et émet les titres nécessaires au financement de son déficit. Chaque ménage évalue sa richesse totale et la répartit entre la consommation et les placements. Les parts des titres dans le portefeuille sont déterminées en fonction de leurs rendements réels anticipés. 1- Le comportement des consommateurs Notre économie compte N consommateurs dont l'objectif commun est de déterminer un profil de consommation qui leur permet d'atteindre un niveau de satisfaction optimal. Chacun d'entre eux maximise une fonction d'utilité qui décrit ses préférences, compte tenu de sa contrainte financière. Les plans de consommation qui découlent de ces programmes d'optimisation nécessitent une répartition précise de la richesse totale sur le cycle de vie. Les marchés financiers permettent aux agents d'assurer cette redistribution. Lorsque leurs revenus courants dépassent leurs besoins de consommation, ils placent leurs surplus de ressources sur les marchés financiers. Lorsque la consommation désirée ne peut être financée dans sa totalité par les revenus courants, les agents puisent dans leurs richesses financières pour combler ce déficit de financement. Le recours aux placements financiers génère un second problème de décision : les agents doivent déterminer la composition du portefeuille qui leur permet 278 d’assurer le transfert de la richesse avec un minimum de risque et un maximum de rentabilité. Au début de chaque période, les consommateurs disposent d'un ensemble d'information It, qui regroupe les observations actuelles et passées de toutes les variables économiques, ainsi que les préférences des différents acteurs de l'économie. Les agents prennent leurs décisions de consommation et d’investissement en se basant sur ces informations. Cependant, leurs choix peuvent également dépendre des valeurs futures de certaines variables. Dans ce cas, l’ensemble It orientera leurs anticipations. Ainsi, toute espérance mathématique comprenant l'indice It est une espérance conditionnelle à cet ensemble d'information72. On suppose que les agents ont les mêmes préférences et les mêmes contraintes financières de façon à ce que leurs décisions soient identiques. On peut donc dériver les équations de comportement pour un agent représentatif i et les généraliser par agrégation à l'ensemble des consommateurs. 1.1- Définition des variables A la date t, le patrimoine d’un consommateur i se compose de la richesse financière qu'il a accumulé au fil des périodes et de son revenu salarial net d’impôt. On définit la valeur réelle à la date t d'un portefeuille constitué en t-1 comme la valeur actuelle réelle des actifs qui le compose, augmentée de leurs rendements réels respectifs nets d'impôts. Dans ce modèle on distingue deux types de placements : les actions et la dette publique. La dette a un rendement nominal fixé à la date d'acquisition, alors que les actions donnent droit à une partie des bénéfices réalisés par l’entreprise émettrice. Le profit distribué aux actionnaires et les intérêts rapportés par les placements obligataires sont imposés aux taux τ.73 Soit Bti la valeur réelle des obligations émises à la date t et détenues par l’agent i, et ℜt leur taux de rendement nominal. Notons par qt et Kti respectivement le prix réel d’une action et le stock d'actions74 détenus par l'agent i à la date t. La valeur réelle de son portefeuille d'actions est donc : Qti = qt K ti . 72 EIt (Xt)=E(Xt/ It). 73 Si les agents réalisent des plus-values sur les prix des actions, elles sont également sujettes au taux τ. 74 Le stock d’actions correspond à Kt unités du capital physique détenu par les entreprises. 279 On appellera ρ t le taux de profit nominal sur les fonds propres75. Il représente le taux de rendement d'une unité monétaire investie en actions. La plus-value nominale sur le prix ∧ d’une action, qt , se définit comme suit : ∧ qt = Pt qt − Pt −1qt −1 Pt −1 qt −1 où Pt est le prix effectif à la date t. A l’aide de ces définitions on peut dériver l'expression de la valeur réelle à la date t du portefeuille formé à la période t-1 : i t ,t −1 WF = 1 + (1 − τ ) ℜt −1 1+ πt ∧ i t −1 B + 1 + (1 − τ ) qt + ρt 1+ πt Qti−1 où πt est le taux d’inflation à la date t. Le revenu réel courant du consommateur, constitué entièrement des rémunérations salariales, s’écrit : Yt i = (1 − τ ) ωt , où ωt est le salaire réel à la date t et τ le taux d'imposition. La richesse totale réelle de l’agent i à la date t regroupe les deux formes de richesse, financière et humaine : WTt i = WFt i,t −1 + Yt i . 1.2- Le problème de décision A la fin de la période t, l’agent perçoit son revenu salarial ainsi que les rendements des actifs financiers qui composent son portefeuille. Son objectif est de répartir cette richesse entre la consommation et les placements financiers. Il doit également déterminer la part de chaque actif dans le portefeuille. Sa contrainte budgétaire prend donc la forme suivante : WFt i + Cti = WTt i avec WFt i = Bti + qt K ti . Le programme d’optimisation suivant décrit le problème de décision auquel il est 75 Une définition de cette variable sera proposée lorsqu'on étudiera le comportement des producteurs. 280 confronté à la fin de chaque période t : { } Max U (Cti , Qti , Bti ) = EIt U1i ( Cti ) + β U 2i (WFt i+1,t ) S /C ∧ a a 1 + 1 − q 1 + (1 − τ ) ℜt i τ ( ) t +1 + ρt +1 WF i = Qti + Bt t +1,t a 1 + π t +1 1 + π ta+1 Bti + Qti + Cti = WFt i,t −1 + Yt i = WTt i (I ) Au regard de la première contrainte, la décision de consommation et la composition du portefeuille dépendront des rendements anticipés des actifs financiers. On rappelle que ce programme est motivé par un plan de long terme qui vise à atteindre un profil de consommation optimal. Ce plan nécessite une répartition particulière de la richesse sur le cycle de vie. C'est dans ce sens que le consommateur se dote d’un patrimoine financier qui lui permet de transférer ses ressources dans le temps de façon à disposer à chaque période d'un budget cohérent avec son plan de consommation. La présence de la richesse financière future au niveau de la fonction d'utilité témoigne donc de l'intérêt qu'accorde l'agent à sa consommation future. 1.2.1- La répartition de la richesse entre les placements et la consommation Nous spécifions les expressions des fonctions d'utilité afin de dériver les équations de comportement : U1i ( Cti ) = − ( Cti − a ) 2 2 et U 2i (WFt i+1 ) = − (WFt i+1 − b ) . Les fonctions quadratiques offrent des propriétés cohérentes avec les principes de la théorie du choix de portefeuille76. A l'aide de ces fonctions, on peut résoudre le système (I) et dériver ainsi l'expression de la consommation désirée : 76 Les principales propriétés de cette fonction est qu'elle est croissante par rapport au rendement (moment du premier ordre) et décroissante par rapport au risque (moment de second ordre). 281 E ∆2 E ∆2 − E ∆ ∆ 2 ( 1 ) ( 2 ) ( 1 2 ) a − bβ E ∆ + E ( ∆1 − ∆2 ) E ( ∆2 ( ∆2 − ∆1 ) ) β ( 2) 2 2 E E ( ∆1 − ∆ 2 ) ∆ − ∆ ( ) 1 2 id i Ct = WTt + 2 2 E ∆2 E ∆2 − E ( ∆ ∆ ) E ∆2 E ∆2 − E ( ∆ ∆ ) ( 1) ( 2) 1 2 1 2 ( 1) ( 2) β 1+ β 1 + 2 2 E ( ∆1 − ∆ 2 ) E ( ∆1 − ∆ 2 ) ( ) ( ( ) ∧ où ∆1 = 1 + (1 − τ ) qta+1 + ρta+1 1+ π a t +1 et ∆ 2 = ( 1 + (1 − τ ) ℜt 1 + π ta+1 représentent ) (1) ) respectivement les rendements réels anticipés des obligations et des actions. Nous tirons les enseignements suivants de l’équation (1) : • La consommation est croissante par rapport à la richesse totale réelle77. Toutefois, seule une partie de tout accroissement de la richesse sera consacrée à la consommation immédiate. L'intérêt que l'agent accorde à son bien-être futur le conduit à lisser son profil de consommation. • La consommation peut être croissante ou décroissante par rapport aux rendements réels des titres, selon l'importance relative des effets de revenu et de substitution. En effet, une augmentation des rendements anticipés pousse l’agent à diminuer sa consommation et à accroître le montant de ses placements. En même temps, il est incité à augmenter prématurément sa consommation actuelle en réponse à la croissance anticipée de sa richesse totale. Le surplus de rendement induit donc un effet de revenu qui contrecarre l'effet de substitution. A l'aide de la contrainte budgétaire on peut aisément passer de l'expression de la consommation désirée à celle de la richesse financière désirée : 77 Voir l'annexe 7.1.1 pour les dérivées de la consommation désirée par rapport ses différents arguments. 282 WFt id E ( ∆1 − ∆ 2 ) E ( ∆ 2 ( ∆ 2 − ∆1 ) ) a − bβ E ( ∆2 ) + 2 E ( ∆1 − ∆ 2 ) WTt i . = − 2 2 E ∆2 E ∆2 − E ( ∆ ∆ ) E ∆2 E ∆2 − E ( ∆ ∆ ) ( 1) ( 2) 1 2 1 2 ( 1) ( 2) β 1+ β 1 + 2 2 E ( ∆1 − ∆ 2 ) E ( ∆1 − ∆ 2 ) ( ( ) ( ) (1') ) On remarque que la richesse financière désirée réagit positivement à toute augmentation de la richesse totale. A l'instar de la consommation, la relation aux rendements anticipés des actifs financiers est ambiguë78. 1.2.2- La composition du portefeuille La résolution du système (I) permet également de préciser le montant optimal alloué à l'achat des actions : Qtid = ( E ( ∆1 ) − E ( ∆ 2 ) ) b ( E ( ∆1 − ∆ 2 ) 2 ) + WFt id E ( ∆ 2 ( ∆ 2 − ∆1 ) ) ( E ( ∆1 − ∆ 2 ) 2 ) . (2) L'équation (2) nous révèle les déterminants de la demande d'actions : • La demande d'actions et leur part dans le portefeuille sont positivement corrélées à leur rendement réel espéré, EIt ( ∆1 ) , et négativement corrélée au rendement réel espéré de la dette, EIt ( ∆ 2 ) 79. Ces résultats sont cohérents avec ceux de la théorie du choix de portefeuille qui stipule que la part de chaque actif est croissante par rapport à son rendement relatif espéré. • La part des actions peut croître ou décroître à la suite d’une augmentation de la richesse financière. Elle augmentera si le rendement réel espéré des actions est inférieur à celui de la dette, et elle se restreindra autrement. Ce résultat s’explique par le fait que l’agent à une aversion relative croissante envers le risque, ce qui le pousse à réduire le risque total de son portefeuille à mesure que sa richesse augmente. Comme l'actif le plus risqué est celui dont le rendement espéré est le plus élevé, sa part dans le portefeuille décroît à la suite 78 Les dérivées de la richesse financière désirée sont présentées dans l'annexe 7.1.2. 79 Les dérivées de la demande d'actions et de leur part dans le portefeuille sont présentées dans l'annexe 7.1.3. 283 d’une augmentation du montant total des placements. La dette publique désirée peut être déduite à partir de sa contrainte budgétaire : Btid = WTt i − Ctid − Qtid ou Btid = WFt id − Qtid (3) On peut évidemment obtenir une version qui exprime la demande de dette uniquement en fonction des paramètres et des variables exogènes du modèle en remplaçant Ctid et Qtid par leurs expressions. 2- Le comportement des entrepreneurs L'économie est composée de J entreprises identiques qui produisent le même bien en utilisant la même technique de production. On suppose que le marché des biens est en situation de concurrence pure et parfaite. Par conséquent, les entreprises vendent leurs produits au même prix. Puisqu'on propose un modèle à un seul bien, les prix à l'investissement et à la consommation sont identiques. Durant sa première période d’activité chaque entreprise émet des actions afin de financer l’achat de son capital. Etant identiques sur tous les plans, les entreprises présentent les mêmes perspectives de profit. Ainsi, les actions émises par chacune d'entre elles se vendent au même prix80. Ces actions sont vendus aux ménages qui se partagent ainsi la propriété des entreprises. Le capital de chaque entreprise varie d’une période à l’autre selon son plan de production. Les investissements qui s’ensuivent sont entièrement financés par emprunt. Cette dette est contractée en début de période et doit être remboursée, avec un intérêt rt , avant la fin de la période. Les entrepreneurs disposent du même ensemble d'information que les ménages. On rappelle que cet ensemble, It, contient les observations présentes et passées de toutes les variables économiques. En s'appuyant sur ces informations et en tenant compte des évolutions conjoncturelles, les entrepreneurs sont en mesure d'anticiper les décisions de tous les acteurs de l'économie81. Ils sont notamment capable d'anticiper le volume la demande future. 80 Selon la théorie financière, le prix d’une action représente la somme actualisée des profit futures auxquelles elle donnera droit. 81 Les producteurs sont conscients des conséquences macroéconomiques de leurs propres décisions (demandes de capital et de travail). 284 Nous allons analyser le problème de décision d’une entreprise représentative j. Le comportement identique des entrepreneurs permet de généraliser aisément les résultats obtenus à l'ensemble du secteur productif. 2.1- Les demandes de capital et de travail Pour un niveau de production donné, l'objectif d'une entreprise j est de maximiser son profit compte tenu des coûts des facteurs et de la technique de production. Ce processus d'optimisation débouche sur les fonctions de demande de capital et de travail. Il aura également un impact déterminant sur la dynamique des prix. Il faut néanmoins préciser l'expression de la fonction de production pour pouvoir dériver cet ensemble d'équation. Nous proposons une fonction Cobb-Douglas standard, qui a pour inputs les facteurs capital et travail : 1−α F ( K , N ) = A( K j ) j α (N ) . où A est un paramètre qui témoigne du progrès technique, et α représente la part du chiffre d'affaire qui revient au facteur travail à l’équilibre. La demande d'investissement dépend de la demande de capital et du taux de déclassement : Itj = Ktj − (1− δ ) Ktj−1 . Toutefois, nous considérons que les décisions d'investissement n'ont pas de répercussions immédiates sur le volume de la production. Les délais de livraison et d'installation justifient l'existence d'un tel décalage entre la décision d'achat et le début d'une exploitation effective du capital. Pour tenir compte de ce retard nous supposons que le capital ne devient productif qu'au bout d'une période. Ainsi, les entrepreneurs demandent dès la date t le capital nécessaire à la production de la date t+1. Quant aux travailleurs, ils contribuent instantanément au processus de production sans passer par des phases de formation ou d'intégration. Ainsi, à la date t la production est réalisée avec la main d'œuvre recrutée au cours de la même période. 285 Comme les biens d'équipement doivent être commandés une période à l'avance, chaque producteur doit prendre la décision d'investissement en se basant sur ses anticipations. Ainsi, à la date t il maximise le profit anticipé de la période t+1 afin d'apprécier le capital nécessaire à sa réalisation. A la fin de la période t+1, l'entreprise encaisse la recette de ses ventes, soit : Pt +1Yt +j1 . Cependant, la réalisation de cette production lui coûtera une masse salariale (on appellera wt+1 le taux de salaire nominal de la période t+1), le montant de l'investissement (réalisé à la date t) et le déclassement d'une partie de son capital, soit un coût total égal à : wt +1 N t j+1 + (1 + rt ) Pt I t j + δ Pt +1 K t j . Le programme d'optimisation qui reflète le problème de décision de l’entreprise j prend donc la forme suivante : a a a Max Π tj+1 = Pt +1Yt +j1 − wt +1 Nt j+1 − (1 + rt ) Pt I t j − δ Pt +a1 K t j . Y j = F ( K , N ) = A ( K j )1−α ( N j )α t t −1 t j j j I t = K t − (1 − δ ) Kt −1 S /C La résolution de ce programme débouche sur les expressions des fonctions de demande de capital et de travail : K t jd = a 1 Yt +j 1 ) ( A 1 + rt +δ α −1 a 1 − α 1 + π t +1 ω ta+1 α α −1 (4) α Nt jd 1 + rt −1 +δ α 1 1−α 1+ πt . = Yt j ωt A α (5) Deux conclusions évidentes ressortent de ces fonctions : la demande de chaque facteur est décroissante par rapport à son coût relatif et croissante par rapport au volume de la 286 production. La demande de capital dépend des valeurs anticipées des variables car la décision est prise une période à l’avance par rapport au processus de production. Toutefois, le coût de financement est celui de la période d’achat (le taux d’intérêt est celui de la période t). La production est réalisé avec le travailleurs recrutés au début de la période. La demande de travail dépend donc des valeurs courantes des variables. 2.2- Le prix désiré Chaque entreprise analyse la situation sur le marché et essaye de déterminer le prix qui lui permet de maximiser son profit. En élaborant sa stratégie, elle est amenée à tenir compte de la présence de J-1 concurrents sur le marché. Dans un univers d'information parfaite, chaque entreprise peut attirer la totalité des clients en leur proposant un prix inférieur à celui demandé par ses concurrents. En concurrence pure et parfaite ce jeu aboutit donc à l'alignement des prix désirés à un même niveau, celui qui permet à chaque entreprise de couvrir ses charges de production. Nous retiendrons cette hypothèse pour le calcul du prix désiré. Pour chaque entreprise j, le coût total de la production de la période t est : CTt j = wt N t j + ( (1 + rt −t ) Pt −1 + δ Pt ) K t j−1 . Par conséquent, le coût unitaire du bien produit par cette entreprise s’élève à : CU t j = Pt = 1 wt N t j + ( (1 + rt −t ) Pt −1 + δ Pt ) K t j−1 . j Yt { } Or, on connaît les expressions des quantités optimales de travail et de capital nécessaires à la réalisation d'un niveau de production Ytj (les équations (4) et (5)). En les substituant dans l'équation précédente, et en procédant à quelques manipulations algébriques, on obtient l'équation caractéristique du prix désiré : 287 1 + rt −1 1 +δ d 1 α ω t 1 + π t d Pt = A α 1−α 1−α α . (6) Deux propriétés assez logiques découlent de cette équation : (i) le prix désirée est croissant par rapport aux coûts réels des facteurs ( ω t et 1 + rt −1 + δ ) ; (ii) le prix désiré est 1 + π td décroissant par rapport au progrès technique (A). 2.3- Description du cadre comptable des entreprises En l'absence de consommation intermédiaire, la valeur ajoutée englobe la totalité du chiffre d’affaire. Comme charges d'exploitation, on retient uniquement les rémunérations salariales. Le compte d'exploitation pour la période t se présente comme suit : Emploi Ressources wt Nt Pt Yt EBEt Les redevances fiscales ainsi que le remboursement du principal et des intérêts de la dette seront assimilés à des transferts de revenu : on considère que l'Etat et les créanciers des entreprises contribuent indirectement au processus de production ce qui leur vaut le droit à une partie de l'excédent brut d'exploitation. La contribution des organismes financiers est d’avoir fourni aux entreprises la liquidité nécessaire à la réalisation de leurs plans d'investissement. Les intérêts versés à cet effet représentent la contrepartie de cette participation. L'Etat met à la disposition des entreprises des biens et services publics indispensables au bon fonctionnement du processus de production. En contrepartie, il prélève une partie du chiffre d'affaires. Après le remboursement de la dette et le paiement des impôts, le montant restant sera transférer aux actionnaires comme un accroissement de leurs propriétés de l'entreprise. Ainsi, on peut proposer la définition suivante du taux de profit sur les fonds propres : 288 ρt = (1−τ ) ( PY t t − wt Nt − (1 + rt ) PI t t) Pt −1qt −1Kt −1 . Le compte de revenu, corrigés des plus-values, illustre le partage de l'excédent brut d'exploitation entre les créanciers, l’Etat et les actionnaires : Emploi Ressources Le remboursement de la dette : Dt= Pt (1+rt)It EBEt L’impôt sur les sociétés : ISt=τ(Pt Yt - wt N t -Dt) q t K t −1 ∧ Rémunération des actionnaires : ρt Pt −1qt −1 K t −1 ∧ Les plus-values sur les actions : q t K t −1 II- Le modèle macroéconomique Nous commençons par une agrégation des équations de comportement issues des programmes d'optimisation, avant de nous intéresser à la modélisation du comportement des autorités monétaires et budgétaires et à l’étude sur les équilibres des différents marchés. Nous arrivons ainsi à une version classique du modèle, où toutes la variables s’ajustent instantanément à leurs valeurs désirées. Nous introduirons par la suite quelques hypothèses qui justifient la lenteur d’ajustement de certaines variables. La prise en compte de ces imperfections conduit à une version keynésienne du modèle. 1- La version classique du modèle 1.1- Des équations individuelles aux équations globales Etant donné que les décisions prises par les agents sont identiques, le processus d'agrégation consiste tout simplement à multiplier chacune des équations individuelles par le nombre d'agents concernés (N pour les consommateurs et J pour les entrepreneurs). Pour des raisons de simplicité, les variables agrégées préserveront leurs notations microéconomiques, 289 tout en abandonnant les indices i et j qui signalent leur caractère individuel. La complexité des équations comportementales dérivées à partir des programmes d'optimisation risque de voiler leurs contenus et d'empêcher une bonne lecture des résultats, d'autant plus qu'elles seront regroupées dans un même modèle. Il convient donc d’apporter quelques simplification à ces équations. Cette entreprise est d’autant plus pertinente qu’elle n’affecte nullement le contenu économique des équations. En effet, on veillera à ce que les versions macroéconomiques proposées respectent les propriétés établies à l'échelle microéconomique. La richesse financière désirée regroupe les portefeuilles détenus par l'ensemble des consommateurs. L'expression dérivée à l'échelle individuelle conduit à la version globale suivante : ∧ 1 + (1 − τ ) ℜt 1 + (1 − τ ) qta+1 + ρta+1 + η3 WFt = η1WTt + η2 + η0 a a 1 + π t +1 1 + π t +1 d où les paramètres η0, η1, η2 et η3 regroupe les termes composés de moments de second ordre82. Ils témoignent de la sensibilité de la richesse financière à ces différents arguments. L'analyse microéconomique a montré que η1 est compris entre 0 et 1. Les paramètres η2 et η3 peuvent prendre différents signes selon l'importance des effets de richesse et de substitution. Les valeurs de ces paramètres pour un pays donné peuvent être estimées à partir des données statistiques. La consommation désirée représente le solde de la contrainte budgétaire : Ctd = WTt − WFt d . La demande globale d'actions dépend de la richesse financière désirée et des rendement respectifs des actifs financiers. Les résultats microéconomiques suggèrent la fonction de demande suivante : 82 Voir l'annexe 7.1.2. 290 ∧ d t Qd = θ1 (1 − τ ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ ) ℜt 1+ π a t +1 + θ 2WFt d + θ 0 où les paramètres θ0, θ1 et θ2 sont des fonctions des moments de second ordre83. Ainsi, on peut les évaluer par estimation, à l'instar des paramètres présents dans l'équation de la richesse financière. Quant à la demande de dette publique, elle peut être déduite à partir de l'identité comptable suivante : Bd td = WFt d − Qdtd . Nous notons par Ktd et Ndtd les niveaux désirés du capital et du travail à l'échelle globale. Ces fonctions gardent leurs structures microéconomiques : K td 1 + rt +δ α −1 1 a 1 − α 1 + π ta+1 = Yt +1 A ω ta+1 α α −1 et 1 + rt −1 +δ α 1 1 − α 1+ πt d Nd t = Yt A α ωt α (7) et (8). Quant au prix désiré, il est identique pour tous les entrepreneurs et préserve donc sa formule microéconomique que décrit l’équation (6). 1.2- Le comportement des autorités 1.2.1- La fonction de réaction de la banque centrale La première mission des autorités monétaires est d'alimenter l'économie avec la liquidité nécessaire à son bon fonctionnement. Ainsi, les agents expriment leurs besoins de monnaie aux organismes de crédit, qui se financent à leurs tours auprès de la banque centrale au taux d’intérêt de court terme rt. En information et en concurrence parfaites les intermédiaires financiers se contentent de couvrir leurs charges et exigent de leurs clients le taux d’intérêt fixé par la banque centrale. Ils ne réalisent donc aucun profit. Nous retenons cette hypothèse car elle permet une analyse beaucoup plus transparente des conséquences de la politique monétaire, dans la mesure où les décisions de la banque centrale ne subissent 83 Voir l'annexe 7.1.3. 291 aucune déformation au cours du processus d’intermédiation84. Leur deuxième mission consiste à entreprendre des mesures qui visent à atteindre un équilibre macroéconomique satisfaisant. Elle se traduit par l'adoption d'une palette d'objectifs dont le contrôle de l'inflation, le soutien de la demande, la lutte contre le chômage et la stabilité du secteur financier et des marchés boursiers85. Les banquiers centraux réagissent aux écarts entre les variables objectifs et leurs valeurs ciblées, profitant des effets directs et indirects qu’exerce le taux d’intérêt de court terme sur les grandeurs en question. Certaines préoccupations de long terme nécessitent néanmoins une politique différente de celle dictée par la mission de stabilisation dont se charge la banque centrale. Elles poussent ainsi les autorités monétaires à modérer leurs réactions aux évolutions de la conjoncture. D’autre part, les variations du taux d’intérêt sont coûteuses en terme de crédibilité, ce qui décourage la banque centrale de faire un usage fréquent de son instrument. Certains objectifs réels, comme la stabilité du secteur financier, favorisent de leur côté un lissage du taux d’intérêt. Les variations fréquente du taux peuvent fragiliser les organismes financiers en se répercutant négativement sur leurs marges. Ces facteurs suggèrent une certaine inertie du taux d’intérêt et donc une attitude peu réactive de la part des autorités monétaires aux revirements de la conjoncture. Cette inertie résulterait de l’ancrage de l’instrument de la politique monétaire à une valeur de référence qui traduit les préoccupations de long terme et les considérations de crédibilité qui animent la banque centrale. La fonction de réaction suivante résume les différentes considérations qui déterminent le choix de la politique monétaire : γ1 λ 1− λ t −1 rt = r0 r γ2 γ3 Yt Pt Qd td * * * Yt Pt Qd t où r0 est le taux d'intérêt de long terme. Pt*, yt* et Qdt* représentent respectivement le niveau général des prix, le volume de production et la valeur boursière du capital ciblés par la banque 84 Pour que l'équilibre global des flux de revenu soit vérifié, nous supposons que les intérêts versées à la banque centrale sont répartis entre l'Etat et les ménages. La part de l'Etat correspond aux recettes du seigneuriage, tandis que la part des ménages correspond aux revenus des organismes financiers qui appartiennent au secteur privé. 85 Voir le chapitre 4 pour un exposé des fondements théoriques les divers objectifs. 292 centrale86. γ1, γ2 et γ3 sont des paramètres positifs qui témoignent de l’intensité de la réaction monétaire. λ est un paramètre compris 0 et 1 qui témoigne de l’attachement de la banque centrale au taux d’intérêt de référence r0. Selon cette règle, la banque centrale réagit à tout ralentissement de la croissance par une baisse du taux d'intérêt. Elle adopte une réaction similaire face aux chocs récessifs qui frappent le marché des actions. Elle entreprend des mesures restrictives face à une augmentation du prix. 1.2.2- Les autorités budgétaires En plus de ses dépenses courantes, l'Etat est tenu à rembourser le principal et les intérêts de sa dette passée. Ces charges sont financées en grande partie par les recettes des impôts sur les salaires, sur les profits et sur les rendements des actifs financiers. Le gouvernement dispose également d’une partie des revenus perçus par la banque centrale. Lorsque les dépenses sont supérieures aux ressources, l'Etat comble son déficit en ayant recours à l’emprunt. La dette publique contractée à la date t sera remboursée à la période t+1 au taux ℜt. La contrainte budgétaire de l’Etat prend donc la forme suivante87 : Bst = 1 + (1 − τ ) ℜt −1 1+ πt ∧ Πt qt d Bst −1 + Gt − τ ωt Ndt + d + Qdtd−1 − (1 − λ1 ) rt Itd . Pt 1 + π t Nous avons souligné que le gouvernement est plus attaché que la banque centrale aux objectifs réels88. Il sera donc tenté de mettre en place des politiques expansionnistes en s’appuyant sur les deux instruments qui sont sous son le contrôle : les dépenses et la fiscalité. Nous allons considérer le cas où le gouvernement décide de fixer le taux d'imposition et d'intervenir via les dépenses publiques. A l’instar de la banque centrale, le gouvernement peut spécifier une cible de long terme, G0, pour son instrument. Cette cible peut être interprétée de deux façons différentes. Dans une optique de dépense, le gouvernement s'intéresse à la performance de l'économie. Ce sont donc les objectifs réels de long terme qui imposent les dépenses de transferts et de fonctionnement et qui déterminent indirectement le montant total 86 Les cibles correspondent soit aux niveaux naturels (d'équilibre) des variables soit aux niveaux considérés comme optimaux par la banque centrale. 87 « 1-λ1 » représente la part des revenus de seigneuriage versée par la banque centrale à l'Etat (la part restante bénéficie aux ménages). 88 Voir le chapitre 4 pour un exposé des arguments qui soutiennent cette idée. 293 des dépenses ainsi que le volume de la dette publique. Dans une optique de dette, le gouvernement cible un volume ou un rapport optimal de la dette et fixe le montant des dépenses en conséquence. Cependant, les dépenses publiques sont susceptibles de fluctuer autour de G0 essentiellement pour des raisons conjoncturelles. Une mauvaise conjoncture incite le gouvernement à accroître ses dépenses afin de relancer l’activité. Elle provoque par ailleurs une augmentation du volume et du rapport de la dette. Les contraintes d’endettement peuvent inciter le gouvernement à réduire ses dépenses afin de résorber l’écart entre les agrégats de la dette et leurs valeurs ciblées. Le contexte conjoncturel serait donc à l’origine d’une réaction de la part du gouvernement quelle que soit le fondement économique de la cible G0. En se basant sur ces arguments, on propose la fonction de réaction suivante : σ1 λ 1− λ t −1 Gt = G0 G σ2 σ3 Yt Pt Bt * * * Yt Pt Bt Bt Yt * σ4 Y B t où G0 est le niveau de dépense ciblé par le gouvernement. yt*, Pt*, Bt* et (B/y)t* représentent respectivement le volume de production, le prix, le volume de la dette et le rapport de la dette ciblés par les autorités. Les σi sont des paramètres négatifs. L'un des paramètres σ3 et σ4 est nul selon que l'Etat cible le niveau de la dette, Bt*, ou son rapport au PIB. λ est un paramètre compris 0 et 1 qui témoigne du degré d’indexation des dépenses publiques à leur cible de long terme. Les signes des paramètres indiquent que tout infléchissement de la croissance induit une augmentation des dépenses publiques. Lorsque la règle porte sur le volume ou le rapport de la dette, toute augmentation de l'une de ces variables se répercute négativement sur les dépenses. Le gouvernement réagit à une augmentation du prix par une contraction des dépenses publiques. Sa réaction vise à contenir les tensions inflationnistes sur le marché des biens en contrôlant la croissance de la demande. L'intensité de l'activisme budgétaire dépend des valeurs des paramètres σi , qui indiquent la vitesse avec laquelle le gouvernement souhaite que les variables objectifs 294 convergent vers leurs valeurs désirées. 1.3- L'équilibre des marchés 1.3.1- Les marchés financiers Sur le marché des actions, la demande globale, Qddt, regroupe les demandes de tous les investisseurs individuels : ∧ Qdtd = θ1 (1 − τ ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ ) ℜt 1 + π ta+1 + θ 2WFt d + θ 0 . A travers l’acquisition de ces titres, les ménages s’approprient le stock de capital physique de l’ensemble des entreprises : Qst = qtKdt. Le prix d’équilibre égalise entre la demande exprimée par les ménages et le capital offert par les entreprises : Qdt = Qst . Sur le marché de la dette, l'Etat rachète à la fin de la période t les titres émis au cours de la période précédente et paye les charges qui leur correspondent au taux convenu ℜt-1. Il propose par la suite de nouveaux titres à un nouveau taux ℜt. Les autorités budgétaires sont conscientes que la part de la richesse totale qui sera consacrée à l'achat de la dette publique dépend de son rendement relatif. Elles ajustent donc le taux de rendement de la dette afin d’attirer les capitaux nécessaires au financement de leur déficit. La condition d'équilibre est celle qui garantit l'égalité entre l'ensemble des demandes individuelles, Bddt, et la dette offerte par l’Etat : Bd td = Bst d d t ⇔ WFt − Qd = 1 + (1 − τ ) ℜt −1 1+ πt ∧ Π q d d t t Bst −1 + Gt − τ ωt Nd t + d + Qdt −1 − (1 − λ1 ) rt I td 1+ πt Pt L'équilibre simultané le marché de la dette et celui des actions détermine le taux de rendement 295 de la dette publique, le prix des actions et le volume des transactions. 1.3.2- Le marché du travail D’un point de vue classique, le comportement compétitif des travailleurs et des producteurs garantit une parfaite flexibilité du taux de salaire réel. Les coalitions des travailleurs peuvent néanmoins introduire une certaine rigidité sur ce marché en imposant une dynamique salariale particulière89. Il convient donc d'analyser l'équilibre du marché du travail en présence et en l'absence de telles coalitions. i- La version "WS-PS" ou l'équilibre concurrentiel Une augmentation du taux de salaire réel génère deux effets opposés. D’une part, elle attire davantage de travailleurs sur le marché (effet de revenu). D’autre part, elle décourage certains autres qui s’aperçoivent qu’ils peuvent gagner autant tout en travaillant moins (effet de substitution). Nous supposons que le deuxième effet est dominé par le premier et que toute augmentation du salaire réel stimule l’offre de travail : Ns t = N 0 ω t ϕ où N0 est le volume de l'emploi à l'équilibre et ϕ un paramètre positif qui témoigne de l’intensité de la réaction de l’offre de travail aux variations du taux de salaire réel. La demande globale de travail, Ndtd, est décroissante par rapport au taux de salaire réel. Elle recense les besoins de toutes les entreprises (voir l’équation (8)). Le marché s’équilibre au taux de salaire réel qui égalise entre l'offre et la demande : Nd td = Nst . ii- La version "Phillips" ou l'équilibre négocié Considérons maintenant le cas où les travailleurs se regroupent au sein d’organisations syndicales afin d'accroître leur pouvoir de négociation face aux entrepreneurs. L'équilibre est atteint en deux étapes. D’abord, le processus de négociation débouche sur le taux de salaire nominal de la période. Ensuite, les entreprises fixent le volume de l'emploi en fonction du 89 Voir les chapitres 4 et 6 pour un commentaire des fondements d’un tel comportement. 296 coût relatif du facteur travail. Nous avons analysé le comportement individuel des entreprises et dérivé la fonction de demande globale de travail (équation (8)). Il faut donc définir une règle qui décrit la formation du taux de salaire nominal. Il est évident que l’objectif des travailleurs consiste à éviter toute baisse de leur pouvoir d'achat. Ainsi, ils essayent d'anticiper le taux d'inflation et exigent une augmentation équivalente de la rémunération nominale. Une règle simple consiste donc à indexer le salaire nominal au taux d'inflation. Il faut néanmoins tenir compte de certains facteurs susceptibles d’influencer le degré d’indexation. Ainsi, dans un contexte d'asymétrie d'information les anticipations manquent de précision. Il est donc préférable de tenir compte d'une possible sous-indexation du salaire nominal à l'inflation. Il faut également souligner que les processus de négociation ne débouchent pas toujours sur une pleine satisfaction des revendications salariales. Par ailleurs, le contexte économique peut influencer la stratégie des travailleurs. Une augmentation du taux de chômage par exemple, peut les pousser à modérer leurs revendications salariales par crainte de déclencher des mouvements de licenciement. La règle de fixation du taux de salaire nominal obéit donc à des considérations conjoncturelles et en particulier à celles qui affectent le marché du travail. Ces arguments nous conduisent à proposer la règle suivante : Nd d wt = (1 + φπ t ) wt −1 t N0 µ où φ et µ sont des paramètres positifs qui témoignent respectivement du degré d'indexation à l'inflation et des répercussions de la conjoncture sur le taux de salaire nominal. En définitive, l'équilibre du marché du travail est déterminé par le système d’équations suivant : 297 µ Nd td wt = (1 + φπ t ) wt −1 N0 1 + rt −1 +δ α d 1 1−α 1+ πt Ndt = Yt α ωt A α 1.3.3- Le marché des biens et services En anticipant l’évolution de sa part de marché, chaque entreprise décide du volume de biens qu’elle va écouler sur le marché pour la période en cours. La volonté de cibler la demande avec un maximum de précision est compatible avec l'objectif de maximisation du profit. Elle permet aux entreprises d'éviter les pertes consécutives à une production excessive ou bien un manque à gagner si une partie de la demande reste insatisfaite. Ainsi, l'offre globale sera une fonction de la demande globale anticipée. Du côté de la demande, on recense les trois composantes habituelles : la consommation, l'investissement et les dépenses publiques. Chacune de ces composantes dépend directement ou indirectement du volume de la production90. La mission des producteurs consiste donc à résoudre une équation de ce type : Yt = Ct ( Yt ) + I t ( Yt ) + Gt ( Yt ) . Nous supposons que les producteurs forment des anticipations parfaites, ce qui garantit expost l’égalité entre l’offre et la demande. Les entreprises demandent par la suite le capital et le travail nécessaires à la réalisation de leurs plans de production. La banque centrale leur offre la liquidité nécessaire au taux rt91. Les confrontations entre l'offre et la demande sur le marché du travail détermine le taux de salaire réel92. 90 La consommation est une fonction des revenus salariaux qui dépendent de la production. La demande d'investissement reflète la variation du stock de capital qui est directement liée au volume de la production. Les dépenses publiques peuvent en dépendre en cas d’une stabilisation automatique ou délibérée. 91 Le taux d’intérêt de court terme est révélé aux entreprises avant que la décision de production ne soit prise. 92 En présence des syndicats les entreprises négocient le taux de salaire nominal avant de fixer leurs plans de production et exprimer leurs demandes de travail. 298 Une fois le volume de production et les coûts des facteurs connus, le prix des biens est fixé pour la période. Le gouvernement peut ainsi calculer les profits des entreprises, prévoir le montant des recettes fiscales et déduire son solde primaire. Connaissant le taux de rendement des actions, il déduit le taux de rendement qu’il doit offrir afin d’attirer suffisamment de capitaux vers le marché de la dette. Les ménages connaissent leur rémunérations salariales ainsi que les rendements réels de leurs portefeuilles93. Ils peuvent ainsi évaluer leur richesse totale et la répartir entre la consommation et les placements. Le montant alloué aux placements sera répartit entre les actions et la dette publique en fonction de leurs rendements réels anticipées. Une fois que les marchés des biens, du travail et des actions sont en équilibre, la loi de Walras garantit que le dernier marché, celui de la dette publique, l’est également. L’encadré suivant résume la version classique du modèle94. Encadré 1 : La version classique de la maquette Le comportement des consommateurs. ∧ WTt = Yt m + La richesse financière désirée : ∧ a a 1 + 1 − τ q 1+ (1−τ ) ℜt ( ) t +1 + ρt +1 d WFt = η1WTt +η2 + η +η0 3 a a 1+ πt +1 1+ πt +1 1+ πt Bdtd−1 + 1 + (1 − τ ) qt + ρt La dynamique de la richesse : La consommation désirée : 93 1 + (1 − τ ) ℜt −1 1+ πt Qdtd−1 Ctd = WTt d − WFt d Le rendement nominal de la dette est fixé à l’avance, tandis que le taux d’inflation et le profits des entreprises peuvent être calculés à partir du le volume de production et des coûts des facteurs. 94 l’équilibre du marché du travail est un équilibre concurrentiel dans la version classique de la maquette. L’équilibre négocié fera partie de la version keynésienne. 299 ∧ d t (1 − τ ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ ) ℜt La demande d'actions : Qd = θ1 La demande de dette publique : Bd td = WFt d − Qdtd L'offre de travail : Ns t = N 0ω t 1+π a t +1 + θ 2WFt d + θ 0 ϕ 300 Le comportement des producteurs. 1 a 1−α Yt +1 A α α −1 1 + rt 1+π a + δ t +1 ω ta+1 Le capital désiré : K td = Les investissements : I td = K td − (1 − δ ) K td−1 La demande de travail : 1 + rt −1 +δ α 1 1−α 1+ πt Ndtd = Yt A α ωt Le prix désiré : 1 + rt −1 1 +δ d 1 α ω t 1 + π t d Pt = A α 1−α L'offre d'actions : Qst = qt K td α −1 α 1−α α Le comportement des autorités budgétaires et monétaires. La contrainte budgétaire : Bst = 1+(1−τ ) ℜt−1 1+πt ∧ Π q d Bst−1 +Gt −τ ωt Ndtd + t + t Qdtd−1 −(1− λ1 ) rI t t Pt 1+πt σ1 Les fonctions de réaction budgétaires : λ 1−λ t −1 λ 1− λ t −1 Gt = G0 G σ2 γ1 Les fonctions de réaction monétaires : rt = r0 r σ3 Yt Pt Bt * * * Yt Pt Bt γ2 σ4 Bt Y * Yt B t γ3 Yt Pt Qdtd * * * Yt Pt Qdt Les équations d’équilibre. 301 Le marché de la dette : Bdtd = Bst Le marché des actions : Qdtd = Qst Le marché du travail : Nd td = Nst Le marché des biens : Yt = Ctd + I td + Gt 2- La version keynésienne L’encadré 1 présente un modèle dans lequel les variables s’ajustent instantanément à des valeurs désirées qui sont dérivées à partir des programmes d’optimisation. Dans la réalité certaines imperfections modifient la structure des problèmes de décision et conduisent les agents à adopter des stratégie différentes de celles qu’il auraient choisies dans un contexte d’information et de concurrence parfaite. Dans ce paragraphe, nous proposons une deuxième version de la maquette qui tient compte de la présence de telles imperfections et qui illustre la divergence entre les décisions prises dans les deux contextes. Dans un univers d’information imparfaite, les consommateurs sont incapables d’estimer parfaitement le montant de leurs ressources futures, notamment celles qui surviendront à des échéances assez éloignées. Ils ne peuvent également distinguer la part transitoire de la part permanente d’une variation du revenu courant. Dans ce contexte d’incertitude, il est possible qu’ils affectent une partie plus importante de leur richesse totale à la consommation. Un tel comportement leur garantit une satisfaction immédiate certaine qu’ils préfèrent à une satisfaction future fortement compromise. Ces arguments plaident en faveur d'un ajustement partiel de la richesse financière à son niveau désiré en information parfaite. L’équation suivante décrit un tel processus : WFt = (WFt d ) (WFt −1 ) ψ 1−ψ où ψ est un paramètre compris entre 0 et 1 , qui témoigne de la vitesse avec laquelle la richesse financière converge vers sa valeur désirée. Plus ψ est proche de 1 plus l'ajustement est rapide. La consommation effective est déduite à partir de la contrainte budgétaire : Ct = WTt − WFt . 302 La demande globale effective d'actions dépend de la richesse financière effective et non de la richesse désirée. Cependant, elle préserve les principales caractéristiques de la demande désirée. Ainsi, elle est croissante par rapport au rendement des actions et décroissante par rapport à celui de la dette : ∧ Qdt = θ1 (1 − τ 3 ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ 3 ) ℜt 1 + π ta+1 + θ 2WFt + θ0 . La demande de dette publique est déduite à partir de l’identité comptable suivante : Bdt = WFt − Qdt . Les demandes effectives de capital et de travail peuvent diverger de celles issues d’un programme d’optimisation en information et en concurrence parfaites. Les coûts d’ajustement peuvent expliquer l’écart entre les demandes désirée et effective du capital. Les coûts liés aux recrutements et aux licenciements conduisent de leur côté à un sous-ajustement de la demande de travail à son niveau désiré. Les deux facteurs de production s’ajustent donc partiellement à leurs valeurs désirées : K t = ( Ktd ) u v 1− u ( Kt −1 ) N t = ( Ndtd ) ( Nt −1 ) 1− v où u et v sont des paramètres compris entre 0 et 1. Plus ces paramètres sont proches de 1, plus l'ajustement vers les valeurs optimales est rapide. Enfin, le prix peut s’écarter de son niveau désiré. Cette divergence s’explique d’abord par l’évolution de la conjoncture. Les variations de la production se répercutent souvent sur le prix, car un léger décalage sépare les variations de la demande des ajustements de l'offre. Même en admettant que les producteurs ressentent immédiatement les variations de la demande et révisent leurs plans de production en conséquence, un intervalle de temps s'écoule avant que les nouvelles stratégies de production ne se font ressentir au niveau des quantités écoulées sur le marché. Durant ce laps de temps, le marché des biens reste en déséquilibre ce qui provoque une variation du prix. L’inertie du prix peut s’expliquer également par l’existence de certaines imperfections. Nous avons déjà mentionné les coûts d’étiquetage (menu costs) et la théorie des contrats échelonnés comme des fondements potentiels à la viscosité des prix. En information imparfaite 303 les entrepreneurs peuvent également se livrer à processus de tâtonnement qui constitue une explication alternative à un ajustement progressif des prix. L’équation suivante tient compte de l’influence qu’exercent ces facteurs sur la dynamique du prix : Pt = ( Pt d Ω Yt Yt −1 ) (P ) 1−Ω t −1 χ où Ω est compris entre 0 et 1 et χ est positif. Nous proposons un deuxième encadré qui regroupe les équations de la version keynésienne de la maquette. Encadré 2 : La version keynésienne. Le comportement des consommateurs. m 1 + (1 − τ ) ℜt −1 La dynamique de la richesse : WTt = Yt + La richesse financière désirée : WFt = (WFt d ) (WFt −1 ) La consommation désirée : C t = WTt − WFt 1+ πt ψ ∧ Bd d t −1 + 1 + (1 − τ ) qt + ρt 1+ πt Qdt −1 1−ψ ∧ (1 − τ ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ ) ℜt La demande d'actions : Qdt = θ1 La demande de dette publique : Bdt = WFt − Qdt L'offre de travail : Ns t = N 0ω t 1 + π ta+1 + θ 2WFt + θ 0 ϕ Le comportement des producteurs. u Le capital désiré : K t = ( K td ) Les investissements : I t = K t − (1 − δ ) K t −1 La demande de travail : N t = ( Ndtd ) ( Nt −1 ) 1−u ( Kt −1 ) v 1− v 304 χ Ω Le dynamique du prix : Pt = ( Pt L'offre d'actions : Qst = qt K t d ) (P ) 1−Ω t −1 Yt . Yt −1 Le comportement des autorités budgétaires et monétaires. La contrainte budgétaire : Bst = 1+(1−τ ) ℜt−1 1+πt ∧ Π q Bst−1 +Gt −τ ωt Ndtd + t + t Qdt−1 −(1−λ1 ) rI t t Pt 1+πt σ1 Les fonctions de réaction budgétaires : λ 1−λ t −1 λ 1− λ t −1 Gt = G0 G σ2 γ1 Les fonctions de réaction monétaires : rt = r0 r σ3 Yt Pt Bt * * * Yt Pt Bt γ2 σ4 Bt Y * Yt B t γ3 Yt Pt Qdt * * * Yt Pt Qd t Les équations d’équilibre. Le marché de la dette : Bdt = Bst Le marché des actions : Qdt = Qst Le marché du travail : N t = N t (ωt ) et Le marché des biens : Yt = Ct + I t + Gt N wt = (1 + φπ t ) wt −1 t N0 µ 305 Section 2 : L’économie face aux chocs d’offre et de demande Nous allons étudier la réaction du modèle aux chocs exogènes lorsque les autorités monétaires et budgétaires adoptent des attitudes passives. L’absence d’une intervention publique nous permettra d’apprécier la capacité de l’économie à s’autostabiliser à la suite d’un choc récessif. A travers les exercices de simulations, nous mettrons en avant les mécanismes internes susceptibles d’amorcer une relance de l’activité. Cette analyse nous permettra de répondre à une première question, celle relative à la nécessité des politiques de stabilisation. Elle nous offre également la possibilité d’étudier les liens entre la structure de l’économie et sa capacité à s’autoréguler. La comparaison entre les versions classique et keynésienne du modèle nous renseignera sur les conséquences macroéconomiques des rigidités nominales. Les valeurs initiales des variables et des paramètres du modèle sont définies dans l’annexe 7.3. Il s’agit d’un équilibre stable sans inflation et sans croissance. Les résultats que nous présenterons au cours de ce chapitre ainsi que dans le chapitre 8 sont issues des simulations programmées et exécutées sous Dynare95. C’est un module du logiciel Gauss qui permet de résoudre des modèles dynamiques non-linéaires avec anticipations parfaites. I- La version classique La théorie classique stipule que tout événement déstabilisateur est contrecarré par des ajustements spontanés qui permettent à l’économie de retrouver rapidement une situation d’équilibre. Un choc qui provoque une contraction de la demande par exemple, s’accompagne d’une baisse des prix qui génère un effet de richesse et conduit à terme à une relance de la demande. En général, on devrait assister à la suite des chocs à une forte réaction des grandeurs nominales et à une variation assez limitée des grandeurs réelles. A travers les exercices de simulation, nous vérifierons si les réactions de la version classique de la maquette sont conformes au schéma théorique que nous venons d’énoncer. Nous considérons d’abord le cas d’un choc de demande qui consiste en une augmentation permanente de 1% de la richesse financière désirée (ce qui équivaut à une baisse permanente d’une même ampleur de la consommation désirée). Ce choc correspond à un changement de préférence chez les agents qui s’intéressent davantage à leur consommation future, d’où leur plus forte demande de placements. Nous simulerons par la suite un choc d’offre qui consiste 95 Voir Juillard (1996) pour un exposé détaillé du module Dynare. 306 en une baisse de 1% du paramètre A de la fonction de production. Ce choc correspond à une baisse permanente de la productivité des facteurs capital et travail. Ces deux événements doivent avoir des effets récessifs sur la demande. Le premier à travers son effet direct sur la consommation et le second par le biais de son impact sur le taux de salaire réel et le volume de l’emploi. 1- La dynamique de long terme Le choc de demande ne doit avoir aucune répercussion durable sur l’activité, car l’augmentation des placements accroîtra les revenus financiers futurs des ménages et stimulera leurs consommations. Théoriquement, cet effet de richesse doit reconduire l’économie vers son équilibre initial. Le graphique 1 décrit l’évolution des principales grandeurs macroéconomiques à la suite du choc. Nous constatons que les marchés du travail et des biens convergent à long terme vers leurs équilibres initiaux. Le volume de la production et les diverses composantes de la demande retrouvent ainsi leurs valeurs de départ. Seuls les marchés financiers demeurent instables avec une éviction permanente des placements en actions et une augmentation continue de la dette publique. On note également le déclenchement d’une légère boucle prixsalaire qui conduit à un taux d’inflation peu significatif à long terme. L’instabilité des marchés financiers s’explique essentiellement par une forte augmentation de la dette publique à la suite du choc. En effet, la production enregistre une baisse assez importante durant la phase d’ajustement, ce qui provoque une forte détérioration du solde budgétaire. Le gouvernement émet de nouveaux titres pour combler son déficit. Il sera contraint de proposer une rémunération plus forte afin d'attirer davantage de capitaux, ce qui alourdit ses charges et accroît ses besoins de financement futurs. Lorsque la production retrouve le chemin de la croissance, le surplus de recettes fiscales qu’elle offre sera insuffisant pour financer les charges d’une dette publique déjà très lourde. On assiste ainsi à une augmentation continue du taux de rendement de la dette publique qui attire les capitaux vers le marché des obligations, entraînant ainsi une dépréciation continue de la valeur boursière du capital. Avec un taux de rendement stable96, les actions deviennent moins attractives que la dette publique qui offre un taux de plus en plus élevé. 96 A long terme, la production, les coûts des facteurs et donc les profits des entreprises sont stables. 307 L'acquisition prématurée du capital productif associée à la rationalité des anticipations font que la dynamique des prix est dépendante de l'état futur de l'économie. Lorsqu'ils anticipent une stabilisation de la demande, les producteurs se contentent de renouveler le capital déjà en place, ce qui se traduit par une stabilisation des dépenses d'investissement. Graphique 1 : Le modèle classique face au choc de demande Demande de travail Production 702 1004 1003 701 1002 700 1001 1000 699 999 698 998 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 Dette publique 15 20 25 30 35 40 45 50 35 40 45 50 35 40 45 50 Valeur boursière du capital 510 2020 508 2015 506 2010 504 2005 502 2000 500 498 1995 5 10 15 20 25 30 35 40 45 5 50 10 15 Taux de rendement de la dette publique 20 25 30 Prix des actions 0.026 1.005 0.024 1.004 0.022 1.003 0.020 1.002 0.018 1.001 0.016 1.000 0.014 0.999 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 308 Taux de salaire nominal Prix 1.000 1.000 0.998 0.998 0.996 0.996 0.994 0.992 0.994 0.990 0.992 0.988 0.990 0.986 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Or, la stabilité des investissements est synonyme d'une stationnarité de leur coût relatif et donc du taux d'inflation. Avec le retour de la demande à son niveau d'équilibre, les entrepreneurs anticipent donc une stabilisation de l'inflation et fixent leur stratégies de production en conséquence. Expost, leurs anticipations s'autoréalisent et imposent une augmentation constante du prix. Le taux de salaire nominal emprunte cette même trajectoire, ce qui se traduit par une stabilisation du taux de salaire réel et du volume de l'emploi. Le graphique 2 nous décrit également l’évolution des principales grandeurs macroéconomiques à la suite du choc d’offre (baisse de la productivité du travail et du capital). Les résultats confirment les conclusions auxquelles nous venons d’aboutir : l’instabilité concerne principalement le prix, les salaires nominaux et les marchés financiers. Les divergences sont toutefois plus marquées et les équilibres initiaux et finaux sont différents pour un grand nombre de variables. En diminuant la productivité du travail et du capital, le choc provoque une baisse durable de leurs rémunérations réelles respectives. Les agents limitent leur offre de travail et leur demande d’investissement en réaction à la baisse des rendements réels de ces deux facteurs, ce qui se traduit par une baisse du volume de l’emploi et du stock de capital à long terme. La production se stabilise donc à un niveau inférieur à celui de l’équilibre initial. Les recettes fiscales enregistrent une baisse permanente, ce qui accroît les besoins de financement de l’Etat et conduit à une accélération de la spirale d’endettement. La stabilisation du rendement réel des actions en dessous de sa valeur de départ contribue à intensifier l’éviction des placements de ce marché. En définitive, le choc d’offre diminue la richesse réelle, réduit le volume de la production et accentue l’inflation et l’instabilité financière. Le choc de demande représente une simple redistribution des ressources dans le temps, ce qui permet à la plupart des variables de regagner leurs valeurs initiales à long terme. Les déséquilibres budgétaires qui marquent la phase d’ajustement conduisent néanmoins au déclenchement d’une spirale 309 d’endettement qui se traduit à son tour par une éviction des placements en actions. Par ailleurs, la dynamique des investissements et la rationalité des anticipations déclenchent une légère boucle prix-salaire à long terme. Dans les deux cas, les résultats convergent vers la nécessité d’une intervention publique afin de stabiliser le prix et les marchés financiers. Graphique 2 : Le modèle classique face au choc d’offre Demande de travail Production 705 1010 1000 700 990 695 980 970 690 960 685 950 680 940 5 10 15 20 25 30 35 40 45 5 50 10 Dette publique 15 20 25 30 35 40 45 50 35 40 45 50 35 40 45 50 Valeur boursière du capital 520 2020 2000 500 1980 480 1960 460 1940 440 1920 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 Taux de rendement de la dette publique 20 25 30 Prix des actions 0.06 1.06 0.04 1.05 0.02 1.04 0.00 1.03 -0.02 1.02 -0.04 1.01 -0.06 1.00 -0.08 0.99 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 310 Taux de salaire nominal Prix 1.04 1.04 1.03 1.02 1.02 1.00 1.01 0.98 1.00 0.99 0.96 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 2- Les mécanismes d’ajustement Les deux chocs ne génèrent pas que des ajustements nominaux mais s’accompagnent également par des variations de fortes ampleurs de certaines grandeurs réelles. On vient de souligner que les variations réelles constatées au cours de cette phase intermédiaire sont à l’origine de l’instabilité des marchés financiers. On note par ailleurs que la plupart des variables empruntent des trajectoires cycliques au cours de la phase d’ajustement. Ces cycles s'expliquent par la présence de deux catégories de variables : celle qui dépend de l’état actuel de l’économie d’un côté et de celle qui dépend des anticipations et donc de l’état futur de l’économie de l’autre. On propose une analyse qui met en avant les mécanismes qui sont à l’origine de ces mouvements cycliques à la suite du choc de demande. Le choc se traduit par un accroissement de la richesse financière au détriment de la consommation. La première période enregistre donc une baisse de l’activité, qui contraint l’état à augmenter son stock de dette afin de compenser la baisse des recettes fiscales. Par ailleurs, les agents anticipent une reprise de l’activité au cours de la prochaine période, ce qui attire davantage de capitaux vers le marché des actions. L’augmentation du taux de rendement de la dette publique attire de son côté une partie des capitaux vers le marché des obligations. Les anticipations renforcent ainsi la croissance des placements financiers et accentuent l’éviction de la consommation et la chute de la production. Au cours de la deuxième période, les ménages disposent d’un potentiel de consommation assez important grâce aux placements effectués lors de la période précédente. Les entreprises anticipent une reprise de la demande et augmentent leurs demandes de travail, ce qui accroît davantage le potentiel de consommation des ménages. L’augmentation des profits des entreprises agit également dans ce sens. Par ailleurs, les agents anticipent une 311 détérioration future de l’activité et une baisse des rendements des actifs financiers. Ils réagissent en diminuant fortement leurs placements et en affectant une partie plus importante de leurs richesses à la consommation actuelle. Ainsi, la demande progresse davantage profitant de ce retrait massif des capitaux des marchés financiers. Cette dynamique de croissance est néanmoins freinée par la très forte baisse des investissements par anticipation du futur ralentissement de l’activité et de la future baisse des prix. En conclusion, la demande actuelle progresse au détriment des placements financiers au cours des phases d’expansion, ce qui limite la richesse future des ménages et conduit l’économie vers une récession. Durant les phases récessives du cycle, la baisse de la demande achemine les capitaux vers les marchés financiers, préparant ainsi une prochaine reprise de l’activité grâce à une plus forte richesse future. Ce cycle s’amortit au fil des périodes jusqu’à ce que les variables atteignent leurs dynamiques de long terme. A la suite du choc d’offre, l’économie connaît des mouvements cycliques semblables à ceux qu’on vient de décrire. On note cependant une nette disproportion dans l’amplitude des fluctuations, les cycles étant plus forts à la suite de ce deuxième choc. On remarque également que l’économie entame le cycle par une phase d’expansion et non par une récession. En effet, les agents anticipent l’impact permanent du choc et les tensions inflationnistes qui s’ensuivent. Ainsi, ils limitent leurs placements financiers dans la perspective d’un déclin de l’activité et d’une augmentation du taux d’inflation au cours de la prochaine période. La part de la richesse allouée à la consommation évolue donc à la hausse. La première période connaît donc une nette croissance de la production, d’autant plus que la baisse de la productivité des facteurs oblige les entreprises à recruter davantage et à proposer des rémunérations plus élevées pour attirer la main d’œuvre nécessaire. L’augmentation de la masse salariale réelle accroît le revenu disponible des ménages et renforce la croissance. La réaction immédiate sera donc contraire à celle constatée à la suite du choc de demande, où l’activité enregistre une nette baisse. Les deux chocs débouchent ainsi sur des mouvements cycliques symétriques. 3- La structure de l’économie et sa réaction aux chocs La réaction d’une économie aux chocs dépend également de ses caractéristiques structurelles et de son équilibre initial. Nous allons illustrer l’importance de ces propriétés dans le cas du choc de demande précédemment définit. 3.1- L’élasticité de l’offre de travail au salaire réel 312 Nous essayons de mettre en avant les conséquences de la rigidité de l’offre de travail en étudiant la réaction de l’économie pour des valeurs différentes de l’élasticité de l’offre de travail au salaire réel (ρ). Les valeurs que prennent les principales variables du modèle immédiatement après le choc sont rapportées dans le Tableau 1. Nous constatons qu’un affaiblissement de l’élasticité en question permet à l’économie d’amortir l’impact immédiat du choc. En effet, lorsque l’offre de travail est peu sensible aux variations du salaire réel on ne constate qu’une baisse modérée du volume de l’emploi car moins d’offreurs se retirent du marché même en cas de forte baisse du salaire réel. La relative stabilité du volume de l’emploi, préserve le potentiel de consommation des ménages, limite la baisse de la demande et amortit ainsi l’impact du choc sur l’activité. Le tableau 1 nous enseigne que la production et l’emploi enregistrent des baisses moins fortes lorsque ϕ prend les valeurs les plus faibles. En atténuant l’effet récessif du choc, la rigidité de l’offre de travail limite la contraction des recettes fiscales de l’Etat et permet ainsi de contenir l’augmentation de la dette publique. Cet effet stabilisateur ne permet pas d’éviter le déclenchement de la spirale d’endettement à long terme, mais parvient néanmoins à l’amortir partiellement. On constate donc une moins forte progression du volume et du rapport de la dette et un plus faible déclin de la valeur boursière du capital à long terme. La faible élasticité de l’offre de travail permet également d’amortir la boucle prix-salaire. En effet, la relative stabilité du volume de l’emploi modère les variations du taux de salaire nominal et atténue ainsi les variations du prix. Enfin, on constate que la rigidité de l’offre de travail limite l’ampleur de la reprise durant les phases d’expansion, car les entreprises sont obligées de supporter de fortes augmentations des rémunérations réelles si elles veulent attirer davantage de main d’œuvre. Une faible valeur de ϕ n’est donc bénéfique pour l’économie qu'en cas de récession, où elle contribue à limiter la contraction de la demande. Tableau 1 : La réaction immédiate du modèle et l’élasticité de l’offre de travail au salaire réel. 313 Y Ν B Q P ϕ=0 1000 700 506 2017 0.995 ϕ = 0.5 998 698 507 2018 0.990 ϕ=1 997 697 508 2019 0.980 3.2- Le coût initial de la dette publique Nous allons étudier la réaction de l’économie au choc d’offre pour différentes valeurs du taux de rendement de la dette publique. Les valeurs de long terme des variables financières et du prix sont rapportés dans le Tableau 2. Nous remarquons que la spirale d’endettement s’atténue à mesure que le taux rendement initial de la dette est élevé. En effet, une baisse du rendement de la dette publique limite la richesse des agents et leur pouvoir d’achat et accentue ainsi la baisse de la production et de l’emploi. Les recettes fiscales de l’Etat enregistrent un net déclin, ce qui l’oblige à s’endetter davantage. On constate ainsi une intensification de la spirale de dette publique et de la dépréciation de la valeur boursière du capital. Ces résultats s’inscrivent dans une logique keynésienne, puisqu’ils confirment que la dette publique est considérée comme une richesse par ses détenteurs. Tableau 2 : La réaction du modèle et le coût initial de la dette B ∆ℜ Q q P ℜ=0.015 933 0.0327 1606 0.810 0.1244 ℜ=0.020 924 0.0323 1611 0.812 0.1240 ℜ=0.025 915 0.0318 1616 0.814 0.1236 Les résultats des simulations contredisent la thèse classique pour deux principales raisons. La première est que les agents sont conscients du comportement passif des autorités monétaires et budgétaires. Par conséquent, ils savent que la croissance de la dette publique ne 314 motivera aucune augmentation future des prélèvements, ce qui les conduit à considérer les titres publics et leur rendement comme une richesse nette. La deuxième est que le modèle tient compte des variations du risque inflationniste, mais exclut implicitement les liens entre le volume de la dette et le risque de défaut97. Or, du point de vue classique, l’augmentation de la dette accroît le risque de défaut et pousse les agents à exiger un taux de rendement plus élevé, ce qui accentue la spirale d’endettement. II- La version keynésienne Les modèles keynésiens se distinguent par les rigidités nominales, dont la principale conséquence est le prolongement du délai d’ajustement vers l’équilibre. Les lenteurs des ajustements peuvent également générer des distorsions permanentes qui empêchent l’économie d’aboutir à une dynamique stable à long terme. Les rigidités en question concernent essentiellement les prix et les salaires. Nous allons exploiter la version keynésienne de la maquette afin d’illustrer l’impact de ces imperfections sur la dynamique macroéconomique à la suite d’un choc. 1- La rigidité des prix Nous considérons que le prix s’ajuste lentement à sa valeur désirée tout en subissant l’influence de la croissance de la production98 : Pt = ( Pt d Ω ) (P ) 1−Ω t −1 yt yt −1 χ avec Ω = χ = 0.5. Examinons maintenant la réaction du modèle à un choc d’offre identique à celui que nous avons étudié précédemment à l’aide de la version classique de la maquette. Le graphique 3 décrit l’évolution des principales grandeurs macroéconomiques à la suite du choc. Nous présentons également les résultats obtenus à l’aide du modèle classique, afin de permettre une comparaison entre les réactions des deux versions de la maquette. 97 Le taux de rendement nominal de la dette publique est fixé à la date d’émission. La dette et son rendement sont donc exposés seulement à un risque inflationniste. 98 Nous allons étudier séparément les conséquences des rigidité énoncé dans première section. Toutes les équations du modèles préserve donc leurs formes initiales et le seul changement concerne la dynamique du prix. Les valeurs initiales des variables et des paramètres du modèle correspondent toujours celles spécifiées dans l'annexe 7.3. 315 La version keynésienne conduit à une dynamique de long terme beaucoup plus satisfaisante. On note d’abord un ralentissement de la spirale de dette publique et un recul de l’éviction de la valeur boursière du capital. La boucle prix-salaire perd en intensité. Enfin, le taux de salaire réel, le volume d’emploi et la production convergent vers des niveaux plus élevés. Graphique 3 : Les versions keynésienne et classique face au choc d’offre Demande de travail Production 1010 715 1000 710 990 705 980 700 970 695 960 690 950 685 680 940 5 10 15 20 25 30 35 40 45 5 50 10 Dette publique 15 20 25 30 35 40 45 50 35 40 45 50 35 40 45 50 Valeur boursière du capital 520 2040 2020 500 2000 480 1980 1960 460 1940 440 1920 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 Taux de rendement de la dette publique 20 25 30 Prix des actions 0.08 1.06 0.06 1.05 0.04 1.04 0.02 1.03 0.00 1.02 -0.02 1.01 -0.04 1.00 -0.06 -0.08 0.99 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 316 Taux de salaire nominal Prix 1.06 1.04 1.03 1.04 1.02 1.02 1.01 1.00 1.00 0.98 0.99 0.96 0.98 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 version keynésienne 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 version classique Les différences au niveau des dynamiques de long terme s’expliquent par l’effet stabilisant de la rigidité du prix. Lorsque le prix internalisent totalement l’effet du choc, les agents anticipent une flambée de l’inflation, ce qui les conduit à réduire fortement leurs placements financiers. Au cours de la deuxième période, la hausse du prix conjuguée à une faible richesse financière limite considérablement le pouvoir d’achat des agents et provoque un net déclin de la production. Les recettes fiscales baissent fortement et le solde budgétaire enregistre une importante détérioration. En maintenant les dépenses publiques à leur niveau initial, l’Etat est obligé d’émettre davantage de titres afin de combler son déficit, ce qui explique le déclenchement de la spirale d’endettement. Lorsque le prix ne réagit que partiellement au choc, les agents anticipent une atténuation de l’inflation et une dépréciation moins forte de leur richesse. Ils s’attendent ainsi à un affaiblissement de l’effet récessif du choc. L’évolution de la richesse financière nous renseigne toujours sur leurs attentes quant à l’état futur de l’économie. La baisse modérée de l’activité limite le déficit budgétaire et débouche sur une spirale de dette publique nettement moins intense. La boucle prix-salaire s'atténue grâce à des variations moins fortes de la production et de l’emploi : lorsque les variations de la production sont d’une faible ampleur, elles induisent de faibles variations des rémunérations réelles et nominales et se traduisent par des variations modérées du prix. Nous avons également étudié les conséquences d’une variation du degré d’ajustement du prix à sa valeur désirée (Ω ) et de l’intensité de l’effet de la croissance sur le prix (χ). Nous arrivons à deux principales conclusions. Nous remarquons que tout affaiblissement du degré d’ajustement atténue la spirale inflationniste et l’instabilité des marchés financiers, ce qui confirme nos précédentes 317 conclusions. Lorsque le prix est totalement rigide l’économie retrouve son équilibre initial à long terme. La dette publique et la valeur boursière du capital seront donc stables. En effet, la présence de la boucle prix-salaire déprécie la richesse des ménages et se traduit par une baisse permanente de la production. La rigidité du prix préserve le potentiel de consommation des ménages et épargne à l’économie cette baisse de la production. A long terme, les recettes fiscales regagnent leur niveau initial et permettent à l’Etat de stabiliser le volume et le rapport de sa dette. Concernant la sensibilité du prix au taux de croissance, on constate que toute augmentation du paramètre χ se traduit par une multiplication des mouvements cycliques et par un ralentissement de la convergence des variables vers leurs trajectoires de long terme. En effet, les variations de la production et du prix se renforcent mutuellement aussi bien durant les phases expansionnistes qu’au cours des phases restrictives : les effets de richesse transmettent la variabilité nominale au secteur réel, dont les fluctuations amplifient à leur tour les mouvements du prix. 2- La rigidité des salaires La dynamique du taux de salaire nominal imposée par les syndicats peut constituer un obstacle face à un ajustement rapide du salaire réel. Pour illustrer les conséquences d’une telle rigidité, nous allons étudier la réaction de l’économie au choc d’offre selon le degré d’indexation des salaires à l’inflation. Nous étudierons par la suite l’influence de la conjoncture sur la dynamique des salaires. 2.1- L’indexation du taux de salaire nominal à l’inflation Nous considérons que l’équilibre du marché du travail est déterminé par le système suivant : wt = (1 + φπ t ) wt −1 et Nt = Nt (ωt ) . Le graphique 4 nous rapporte les résultats des simulations pour différentes valeurs de φ. Une première lecture de ces résultats conduit à deux principales conclusions : plus le degré d’indexation est fort, plus les ajustements de court terme sont faibles et moins la dynamique de long terme est satisfaisante. Nous savons que le choc réduit la productivité du travail et doit donc se traduire par une baisse de la rémunération réelle de ce facteur. Lorsque l’indexation du salaire nominal à l’inflation est faible, une augmentation modérée du prix suffit pour ajuster le taux de salaire 318 réel à sa valeur d’équilibre. On constate ainsi une faible augmentation du taux de salaire nominal et du prix et une convergence rapide du taux de salaire réel à son niveau d'équilibre. Plus la valeur de φ est forte, plus les valeurs d’équilibre des prix et des salaires nominaux sont élevées et plus l’ajustement du taux de salaire réel à sa nouvelle valeur d’équilibre est lent. La dynamique des prix et des salaires détermine la réaction immédiate de l’économie et se répercute sur les trajectoires de long terme de certaines variables. En effet, les agents savent qu’une faible indexation atténue les tensions inflationnistes et accélère la convergence du salaire réel à son niveau d’équilibre. Ils anticipent ainsi une reprise rapide de l’activité et investissent davantage sur les marchés financiers. L’économie connaît donc une forte récession au cours de la première période, mais la reprise sera d’une grande ampleur car les revenus financiers vont fortement stimuler le pouvoir d’achat des ménages. La reprise peut être importante au point de propulser la production au-dessus de son équilibre initial. Dans ce cas, elle offrira à l’Etat un surplus permanent de recettes fiscales, ce qui lui permet de se désendetter au fil des périodes. A long terme on peut donc assister à une baisse permanente du volume et du rapport de la dette publique, sans constater d’éviction des placements en actions en contrepartie. Les enchaînements que nous venons de décrire s’affaiblissent à mesure que l’indexation des salaires nominaux à l’inflation s’accentue. L’économie connaît une baisse parallèle des recettes fiscales qui finissent par atteindre un seuil qui permet seulement une stabilisation du volume et du rapport de la dette au PIB99. Lorsque le degré d’indexation dépasse cette valeur critique, la reprise s’affaiblit au point où les recettes fiscales qu’elle génère ne permettent plus de stabiliser la dette. On assiste donc au déclenchement d’une spirale de dette publique à long terme. Cette spirale atteint son maximum lorsque les salaires nominaux sont parfaitement indexés à l’inflation. Dans ce cas, la production se stabilise à son niveau le plus faible à long terme, ce qui limite au maximum les recettes fiscales. En cas d’une indexation parfaite, les anticipations sont tellement pessimistes qu’elles induisent une reprise de l’activité lors de la première période. Les agents savent que l’indexation parfaite bloquera le salaire réel à son niveau initial et se traduira ainsi par une baisse permanente des profits des entreprises. Ils sont également conscients qu’elle déclenchera une boucle prix-salaire qui provoquera une dépréciation durable de leur pouvoir d’achat. Ils anticipent donc une forte détérioration de l’activité qui les incite à restreindre leurs placements financiers. Dans un premier temps, la baisse de la richesse financière profitera à la 99 Dans notre modèle cette valeur critique de φ s’élève à 0.85. 319 consommation et génère une relance momentanée de l’activité. Elle induit par la suite à une forte baisse de l’activité et accentue la spirale d’endettement. Graphique 4 : L’indexation du taux de salaire nominal à l’inflation La dette publique La valeur boursière du capital 700 2010 2000 600 1990 1980 500 1970 1960 400 1950 300 1940 5 10 15 20 25 30 35 5 10 15 20 25 30 35 25 30 35 30 35 Le prix des actions Le taux de rendement de la dette publique 0.2 1.4 1.3 0.1 1.2 0.0 1.1 1.0 -0.1 0.9 -0.2 0.8 5 10 15 20 25 30 35 5 10 15 20 La demande de travail Production 1600 1400 1400 1200 1200 1000 1000 800 800 600 600 400 400 200 200 0 5 10 15 20 25 30 35 5 10 15 20 25 320 Le taux de salaire nominal Le prix 1.030 1.030 1.025 1.025 1.020 1.020 1.015 1.015 1.010 1.010 1.005 1.005 1.000 1.000 0.995 0.995 5 10 15 20 25 30 35 φ=0.65 5 φ=0.85 10 15 20 25 30 35 φ=0.95 2.2- L’impact de la conjoncture Nous considérons maintenant le cas où la dynamique des salaires nominaux est sensible aux variations du volume de l’emploi : µ N t = N t ( wt ) et N wt = (1 + φπ t ) wt −1 t . N0 Nous avons étudié l’impact d’une variation du paramètre µ sur les ajustements de court terme et les dynamiques de long terme des variables. Nous constatons que les variations du volume de l’emploi amplifient les ajustements de court terme sans exercer d’effet durable sur l’activité. Lorsque l’économie est en phase de récession les prix évoluent généralement à la baisse, ce qui se traduit par une baisse du taux de salaire nominal grâce à l’indexation à l’inflation. La demande de travail évolue également à la baisse et accentue la dépréciation du taux de salaire nominal. Lors des phases d’expansion les prix et le volume de l’emploi augmentent et poussent le taux de salaire nominal à la hausse. On assiste donc à une intensification à la fois des phases haussières et baissières des cycles. Ces variations se transmettent aux variables réelles à travers les divers effets de richesse que génèrent les variations des salaires et des prix. L’équilibre de long terme reste identique vu le caractère symétrique des variations : les fortes hausses sont compensées par les fortes baisses et vice versa. 3- D’autres formes de rigidité Afin d’apprécier l’impact d’un sous-ajustement de la richesse financière, du capital ou du travail sur les dynamiques de court et de long terme du modèle, nous avons donné différentes valeurs aux paramètres d’ajustement respectifs de ces variables (ψ, u et v). 321 Nous remarquons que l’association de ces rigidités réelles aux rigidités nominales (celle du prix en particulier) accentue l’instabilité du modèle. La rigidité du capital semble produire l’effet le plus important, car elle exerce une influence directe sur l’une des composantes de la demande globale. Dans le cas du choc d’offre, le sous-ajustement du capital modère la relance des investissements et ralentit la progression de la demande. La croissance des recettes fiscales sera donc atténuée, ce qui accentue la spirale d’endettement. A terme, l’augmentation du volume et du taux de rendement de la dette génère un effet de richesse qui stimule la consommation des ménages et relance la production. Pour satisfaire la nouvelle demande, les entrepreneurs proposent de plus fortes rémunérations réelles et nominales afin d’attirer la main d’œuvre nécessaire. L’augmentation du coût du travail se répercute positivement sur le prix. A long terme, l’économie connaîtra une plus forte croissance de la dette publique, une baisse plus marquée de la valeur boursière du capital et une plus forte inflation. Outre, son impact sur la dynamique de la dette et du prix, la rigidité du capital conduit à long terme à une croissance de la production et du volume de l’emploi. L’instabilité s’étend ainsi à tous les marchés. Dans le cas du choc de demande, le cumul des rigidités réelles (du capital) et nominales (du prix) plonge l’économie dans une dynamique déflationniste. En effet, l’inertie des investissements atténue dans un premier temps l’effet récessif du choc et limite la baisse des recettes fiscales. Cette affaiblissement de la récession profite à l’Etat qui peut intensifier son processus de désendettement. La baisse du volume la dette publique et de son taux de rendement réduisent la richesse des ménages et contribue à terme à prolonger la récession. L’Etat bénéficie néanmoins d’une baisse continue du coût de sa dette, ce qui lui permet de poursuivre son processus de désendettement malgré la baisse des recettes fiscales. Par ailleurs, la baisse de la production se traduit par une baisse des rémunérations réelles et nominales ce qui induit le prix à la baisse. En définitive, les sous-ajustements du capital et du prix débouchent sur une baisse continue de la dette publique, du prix et de la production. 322 Chapitre 8 L’organisation du policy mix : les enseignements de la maquette Les résultats obtenus dans le chapitre précédent convergent vers la nécessité d’employer des politiques de stabilisation face aux chocs macroéconomiques. Les simulations révèlent que l’économie ne peut compter sur ses propres mécanismes afin de converger spontanément vers un nouvel équilibre. Les divergences persistent même lorsque les grandeurs réelles et nominales s’ajustent instantanément à leurs valeurs désirées. L’économie semble donc intrinsèquement instable. La distinction entre la dette publique, la dette privée et les actions est à l’origine de ces résultats. Les déséquilibres budgétaires générées par les chocs déstabilisent le marché de la dette publique. Les variations du volume et du rendement de la dette génèrent des effets de richesse qui transmettent cette instabilité financière au secteur réel. Les variations des grandeurs réelles influencent à leur tour les recettes fiscales et resurgissent sur le marché de la dette publique. Elles influencent également les profits des entreprises et se manifestent ainsi sur le marché des actions. Le cours des actions subit par ailleurs l’influence de la dynamique 323 de la dette publique à travers l’effet de substitution. En définitive, les instabilités financières et réelles s’alimentent mutuellement et empêchent l’économie de regagner une situation stable à long terme. Pour remédier à ce problème, les autorités budgétaires peuvent ajuster les taux d’imposition ou les dépenses publiques de façon à stabiliser le déficit primaire. La banque centrale peut intervenir à son tour en apportant son soutien à l’activité. Elle peut également concentrer son action sur la lutte contre l’inflation. Dans ce chapitre, nous essayerons d’apprécier l’efficacité des différents scénarios de stabilisation, à partir d’une version keynésienne de la maquette. Nous examinerons notamment le bien fondé de l’affectation standard, qui consiste à charger la banque centrale du contrôle de l’inflation et le gouvernement de la stabilisation du volume ou du rapport de la dette. Nous essayerons également de répondre à certaines questions relatives aux choix des cibles pour les instruments et pour les variables objectifs. Nous étudierons enfin l’impact de l’intensité des réactions monétaires et budgétaires sur l’équilibre macroéconomique. Nous différentierons les régimes cohérents des régimes conflictuels et nous comparerons leurs performances respectives. Nous évaluerons également la performance des politiques de stabilisation en fonction de l’équilibre sur le marché du travail. Ainsi, nous distinguerons en permanence entre les résultats obtenus en cas d’un équilibre concurrentiel sur le marché du travail (que nous appellerons le modèle WSPS) de ceux issus d’un équilibre négocié (que nous appellerons le modèle Phillips). 324 Section 1 : La répartition des rôles L’objectif de cette section est d’étudier les propriétés des fonctions de réaction budgétaire et monétaire et d’apprécier leurs capacités à stabiliser l’économie à la suite d’un choc. Nous verrons que seule la politique budgétaire est capable d’assurer cette tâche avec succès. La politique monétaire produit des effets assez faibles et doit par conséquent se contenter d’un rôle d’accompagnement. I- L'apport d'une stabilisation budgétaire Nous supposons que le gouvernement ajuste ses dépenses en réaction aux variations du volume de la dette publique : σ B Gt = G0 t B0 où G0 et B0 représentent respectivement les valeurs d’équilibre des dépenses publiques et du volume de la dette. σ est un paramètre négatif qui témoigne de l’intensité de la réaction gouvernementale. Nous allons étudier la capacité de cette fonction de réaction à faire face aux chocs d’offre et de demande, à partir d’une version keynésienne de la maquette100. 1- La réaction à un choc d’offre Nous reprenons le choc étudié dans le chapitre précédent, qui consiste en une baisse permanente de la productivité des facteurs101. ce choc doit se traduire par une baisse des rémunérations réelles respectives du travail et du capital et par une augmentation du prix. Il serait à l’origine d’une forte détérioration du pouvoir d’achat des ménages et d’une chute de la 100 Les valeurs d’équilibre des variables et des paramètres restes les mêmes (voir annexe 7.3). Les rigidités dont tient compte cette maquette concernent le prix et le capital, qui mettent deux périodes pour s’uster à leurs valeurs désirées. Le prix est également influencé par les varaitions de la production. Les équations suivantes décrivent ces rigidités : Pt = ( Pt d 0.5 ) (P ) t −1 0.5 Yt Yt − 1 0.4 et K t = ( K td ) 0.5 ( Kt −1 ) 0.5 . Pour le modèle Phillips la dynamqiue des prix est décrite par l’équation suivante : wt = 101 (1 + 0 .7 5π t ) w t −1 N N t 0 0 .3 Une baisse de1% du paramètre A. 325 production. L’Etat constate donc un déséquilibre budgétaire dû à une baisse des recettes fiscales. La fonction de réaction que nous venons de définir permet au gouvernement d’ajuster ses dépenses afin d’éviter le déclenchement d’une spirale d’endettement. Cependant, sa réaction doit être suffisamment forte pour qu’elle se conclut par une stabilisation de la dette publique. Il existe en effet une valeur critique de σ, en-dessous de laquelle les ajustements des dépenses prescrits par la fonction de réaction ne font qu’atténuer la spirale d’endettement sans pouvoir l’arrêter définitivement102. Le graphique 1 décrit l’évolution des principales grandeurs macroéconomiques pour différentes valeurs du paramètre σ. Il illustre l’impact de l’intensité de la réaction sur la dynamique de long terme du modèle. Lorsque la réaction budgétaire est faible (σ = –0.25), les variables empruntent des trajectoires divergentes à de long terme. Cette remarque concerne surtout la dette publique, la capitalisation boursière et le prix. Lorsque la réaction du gouvernement est suffisamment forte pour stabiliser la dette publique (σ = –0.5), le modèle converge vers un nouvel équilibre caractérisé par une plus faible production, un taux de chômage plus fort et un rapport de dette plus élevé. Une intensification de la réaction budgétaire (σ = –1) accroît son efficacité et accélère la convergence vers l’équilibre de long terme. ainsi, les prix et le volume de la dette augmentent dans de plus faibles proportions, tandis que la valeur boursière du capital enregistre une moindre dépréciation. L’ampleur de la réaction initiale permet de contenir rapidement la croissance du volume et du rendement de la dette publique, ce qui affaiblit les déficits à venir et limite l’ampleur des futurs ajustements budgétaires. Les dépenses publiques se stabilisent donc à un niveau plus élevé à long terme. Pour le gouvernement, le coût social initial engendré par la forte baisse des dépenses publiques est compensée par les gains futurs offerts par la stabilisation des dépenses à un niveau plus élevé. 102 Dans notre modèle cette valeur est au voisinage de –0.5. 326 Graphique 1 : Le choc d’offre et l’intensité de la réaction budgétaire (le modèle WS-PS) Dette publique Production 620 1005 600 1000 580 995 560 990 540 985 520 980 500 975 480 970 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 Valeur boursière du capital 25 30 35 40 45 50 30 35 40 45 50 40 45 50 Prix 2020 1.06 2000 1.05 1980 1.04 1960 1.03 1940 1.02 1920 1.01 1900 1.00 1880 0.99 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 Demande de travail 20 25 Dépenses publiques 702 101 100 700 99 698 98 696 97 694 96 692 95 5 10 15 20 25 30 35 σ =-0.25 40 45 50 5 σ =-0.5 10 15 20 25 30 35 σ =-1 L’ampleur de la réaction budgétaire contribue également à contenir la progression du prix. La forte baisse des dépenses publiques renforce l’effet récessif du choc et induit un fort déclin de l’activité. Ainsi, la demande travail se contracte fortement entraînant une forte baisse du taux de salaire nominal. La baisse de la demande d’une part et la chute des rémunérations nominales de l’autre atténuent l’effet inflationniste du choc et expliquent la convergence du prix vers un niveau moins élevé. La stabilisation des dépenses publiques à un niveau plus élevée n’aura que de faibles répercussions sur l’activité. La valeur de long terme des dépenses publiques s’explique 327 essentiellement par la baisse du volume et du taux de rendement de la dette publique. Elle s’accompagne donc d’une baisse la richesse des ménages et d’un affaiblissement de leur potentiel de consommation. Les dépenses publiques évincent ainsi une partie de la consommation privée , ce qui explique leur faible impact sur la demande. La performance de la politique budgétaire s'améliore nettement avec le modèle Phillips, dans la mesure où l’emploi et l’ensemble des composantes de la demande se stabilisent à des niveaux plus élevés tandis la dette publique et les prix convergent vers des valeurs plus faibles. Le tableau 1 montre l’écart entre les valeurs d’équilibre issues des versions Phillips et WSPS de la maquette. Dans le modèle Phillips, la baisse du volume de l’emploi qui suit le choc prolonge et accentue la baisse du taux de salaire nominal, ce qui conduit à terme à une baisse du prix. Il s’ensuit une augmentation du pouvoir d’achat des ménages et une relance de la demande. Tableau 1 : Les valeurs d’équilibre issus des modèles WSPS et Phillips Y N P B Qd Modèle WSPS 975 692 1,016 519 1967 Modèle Phillips 985 700 1,009 510 1981 La reprise de l’activité se répercute positivement sur les résultats des entreprises, d’autant plus que l’inertie du taux de salaire nominal limite la progression du salaire réel et leur permet de bénéficier de la main d’œuvre nécessaire à un faible coût. L’augmentation des profits des entreprises élargit le potentiel de consommation des ménages et renforce la dynamique de croissance. Les retombées fiscales de la croissance sur les recettes fiscales permettent à l’Etat de contenir plus rapidement la croissance du volume et du coût de sa dette. Durant les périodes à venir, les autorités peuvent donc se contenter de faibles ajustements de leurs dépenses, ce qui épargne à l’économie un essoufflement rapide de la reprise. Le prolongement de la dynamique de croissance s’accompagne d’une lente progression du volume de l’emploi qui finit par regagner son niveau initial. En définitive, la dynamique du taux de salaire nominal conduit à une amorce rapide de la reprise, permettant ainsi à l’économie de converger vers un équilibre plus satisfaisant. A long terme, le modèle Phillips permet notamment une stabilisation de l’emploi à son niveau initial. La richesse des ménages ainsi que les diverses composantes de la demande globale se 328 stabilisent à des niveaux supérieurs à ceux obtenus avec le modèle WSPS. La dette publique et le taux d'intérêt de long terme se stabilisent à des niveaux plus faibles. Enfin, la valeur boursière du capital et le taux de profit réel atteignent des niveaux plus élevés. 2- La politique budgétaire face à un choc de demande Le choc de demande consiste en une augmentation permanente de 1% de la richesse financière désirée. Il se traduit donc par une augmentation des placements au détriment de la consommation, et se répercute négativement sur la production et sur les recettes fiscales. Il conduit à long terme au déclenchement d’une spirale de dette publique et d’une boucle prixsalaire. L’Etat peut remédier à ce problème en ajustant ses dépenses en réaction aux déviations du volume de sa dette de son niveau d’équilibre103. En acheminant davantage de fond vers les marchés financiers, le choc réduit le coût de la dette et allège les charges de l’Etat. Le gouvernement peut éliminer le surplus primaire induit par le choc en augmentant ses dépenses. Il compensera ainsi la baisse de la consommation privée par une augmentation de la consommation publique, ce qui conduit à une stabilisation de la production. L’intervention étatique permet ainsi à l’économie de converger vers un nouvel équilibre caractérisé par une plus faible consommation, des dépenses publiques plus élevées et une richesse plus forte. Le taux de rendement de la dette publique enregistre une baisse durable, ce qui conduit à une augmentation de la part des actions dans les portefeuilles des agents. Les propriétés du nouvel équilibre ainsi que la rapidité des ajustements dépendent de l’intensité de la réaction budgétaire : plus la réaction est faible, plus l’éviction de la consommation privée est forte et plus la baisse du volume et du rapport de la dette est soutenue. On constate également un ralentissement de la convergence de l’économie vers son nouvel équilibre. Une faible réaction des dépenses publiques, prolonge la baisse du taux de rendement de la dette et permet à l’Etat de se désendetter pendant plus longtemps et plus massivement. Elle accentue ainsi la baisse de la richesse des ménages et intensifie l’éviction de la consommation. La demande globale continue néanmoins sa progression profitant de la dynamique positive des dépenses publiques, ce qui garantit à l’Etat les recettes fiscales suffisantes pour continuer son processus de désendettement. σ 103 Bt B0 La fonction de réaction budgétaire prend toujours la forme suivante : Gt = G0 329 En conclusion, les autorités budgétaires peuvent exploiter de deux façons différentes la baisse des charges dont elles bénéficient à la suite du choc : réduire leur dette d’un côté et augmenter leurs dépenses de l’autre. Plus la part accordée à l’augmentation des dépenses est importante, plus la baisse du taux de rendement de la dette est faible et plus la convergence vers l’équilibre est rapide. A mesure que l’ajustement des dépenses s’affaiblit, la converge vers l’équilibre est ralentit et le processus de désendettement se prolonge. Il existe néanmoins une valeur critique du paramètre σ, au-dessus de laquelle la réaction budgétaire ne peut plus garantir la convergence vers un équilibre stable. Dans ce cas, la baisse des charges sera toujours supérieure à l’augmentation des dépenses, offrant en permanence au gouvernement la possibilité de réduire davantage son stock de dette. La réaction budgétaire sera en effet trop faible pour amortir la baisse du taux de rendement et du volume de la dette. On assiste donc à une baisse continue de la dette publique et de son taux de rendement contre une augmentation continue de la valeur boursière du capital. La baisse de la consommation s’intensifie avec l’accélération du processus de désendettement, et ne peut plus être compensée par l’augmentation des dépenses publiques. La récession se propage ainsi à toutes les composantes de la demande. Le déclin de l’activité s’accompagne d’une baisse du taux de salaire nominal, qui provoque à son tour une baisse des prix. L’économie plonge donc dans une dynamique déflationniste. Le graphique 2 illustre la dynamique de long terme du modèle en fonction de l’intensité de la réaction budgétaire. Nous constatons que la politique de stabilisation doit être suffisamment puissante (σ est inférieure ou égale à –0.4) pour parvenir à stabiliser le modèle. L’équilibre s’améliore à mesure que la réaction budgétaire s’intensifie. La valeur critique de σ est toutefois supérieure à celle relevée dans le cas du choc d’offre (-0.4 pour le choc de demande contre –0.5 pour le choc d’offre), signalant que ce dernier choc nécessite une réaction plus intensive de la part des autorités. Graphique 2 : Le choc de demande et l’intensité de la réaction budgétaire (le modèle WSPS) 330 Dette publique Production 504 1001 502 1000 500 999 498 496 998 494 997 492 490 996 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 Valeur boursière du capital 25 30 35 40 45 50 30 35 40 45 50 40 45 50 Prix 2020 1.000 2015 0.998 2010 0.996 2005 0.994 2000 0.992 0.990 1995 5 10 15 20 25 30 35 40 45 5 50 10 15 Demande de travail 20 25 Dépenses publiques 701 100.6 100.4 700 100.2 699 100.0 698 99.8 697 99.6 696 99.4 5 10 15 20 25 σ =-0.25 30 35 40 45 50 σ =-0.4 5 10 15 20 25 30 35 σ =-1 Nous retrouvons les mêmes résultats avec la version Phillips de la maquette. Nous constatons toutefois une multiplication des mouvements cycliques et un ralentissement de la convergence des variables réelles vers leurs valeurs d’équilibre. Lors de notre analyse du choc d’offre, nous avons souligné que la courbe de Phillips ralentit la dynamique du taux de salaire nominal et induit une certaine inertie du prix. La rigidité de ces grandeurs nominales conduit à de plus forts ajustements par les quantités. On assiste donc à une amplification des mouvements cycliques des grandeurs réelles (toutes les composantes de la demande, l’emploi et la dette publique), contre des variations plus faibles des variables nominales (salaire nominal et prix). 331 Quant à la multiplication des cycles, elle s’explique par la variation du volume de l’emploi au tour de sa valeur d’équilibre. Elle serait à l’origine des mouvements cycliques du taux de salaire nominal, qui se transmettent aux prix et se propagent aux variables réelles par le biais de l’effet de richesse. II- La stabilisation par la politique monétaire Nous avons testé la capacité de la politique monétaire à faire face aux chocs d'offre et de demande précédemment définis. Nous constatons qu'elle est incapable de ramener l'économie à l'équilibre quel que soit l’objectif qu’elle adopte et quelle que soit l’intensité de la réaction. Cette conclusion est valable aussi bien pour le modèle WSPS que pour le modèle Phillips. Le Graphique 3 illustre les trajectoires de long terme des principales variables du modèle WSPS à la suite d’un choc d’offre, lorsque les autorités monétaires ciblent respectivement le niveau des prix et le volume de production : Yt règle 1 : it = i0 Y0 règle 2 : i = i Pt t 0 P0 L'inefficacité de la politique monétaire s'explique par son faible impact sur la demande globale : seuls les investissements sont sensibles aux variations du taux d'intérêt. De plus, une très forte élasticité est requise pour que les mesures monétaires aboutissent à des variations conséquentes de l’investissement. L’incapacité de la politique monétaire à contrôler le prix s’explique par les effets contradictoires qu’elle exerce sur cette variable. Une politique restrictive permet de résorber les tensions inflationnistes sur le marché des biens en atténuant la croissance de la demande. Elle accroît par ailleurs le coût du capital et contribue à renforcer l’augmentation du prix. Graphique 3 : L’inefficacité de la politique monétaire face au choc d’offre (le modèle WSPS) 332 Dette publique Production 620 1005 600 1000 580 995 560 990 540 985 520 980 500 480 975 5 10 15 20 25 30 35 5 10 15 Valeur boursière du capital 20 25 30 35 25 30 35 30 35 Prix 2040 1.08 2000 1.06 1960 1.04 1920 1.02 1880 1.00 1840 0.98 5 10 15 20 25 30 35 5 10 15 20 Demande de travail Taux d intérêt nominal 702 0.0164 700 0.0160 698 0.0156 696 0.0152 694 0.0148 0.0144 692 5 10 15 20 25 30 5 35 règle 1 10 15 20 25 règle 2 La réaction monétaire permet néanmoins un recul de la récession durant la phase intermédiaire et une reprise légèrement plus forte à long terme. Cependant, elle ne permet ni d'empêcher le déclenchement de la spirale inflationniste, ni d’éviter l'instabilité des marchés financiers. Sa performance face au choc de demande n'est guère plus satisfaisante. Bien qu'elle parvient à atténuer légèrement la récession du long terme, elle demeure incapable d'empêcher la dynamique déflationniste d'entrer en action. A l’instar de la politique budgétaire, l'efficacité de la politique monétaire s'accroît à mesure que l’intensité de la réaction du d’intérêt aux variations des variables objectifs s’intensifie. Les gains en termes de production, d’emploi ou d’inflation sont toutefois très réduits. Pour constater un gain de performance peu significatif, il faut que les autorités deviennent extrêmement sensibles aux écarts entre la variable objectif et sa cible. 333 Section 2 : Le choix du régime La politique budgétaire est la seule à pouvoir conduire l’économie vers un équilibre stable à la suite d’un choc. Les autorités monétaires peuvent néanmoins mettre en place des mesures d’accompagnement qui permettent d’améliorer la performance de la réaction budgétaire. Cette répartition des rôles est une étape importante dans le choix du policy mix. Cependant, beaucoup d’autres problèmes doivent être résolus afin d’identifier le meilleur régime face à un événement déstabilisateur. Le choix des objectifs est un domaine qui suscite de nombreuses interrogations. Outre la production et l'inflation, les deux autorités peuvent s'intéresser au niveau de la dette publique, à son rapport au PIB et aux cours de bourse. Par ailleurs, elles peuvent cibler aussi bien les niveaux des variables que leurs taux de croissance. Nous venons également de voir que l'intensité des réactions budgétaire et monétaire représente un facteur déterminant de leur efficacité. Dans cette section, nous abordons cet ensemble de problèmes à travers des exercices de simulation. I- L’affectation des objectifs 1- Les objectifs budgétaires En plus de la production, les gouvernements observent avec attention l'évolution du volume de la dette et de son rapport au PIB. Des contraintes institutionnelles, à l’exemple des critères de Maastricht, peuvent expliquer l'importance des objectifs d'endettement. La nouvelle littérature classique considère que les gouvernements s’intéressent davantage aux objectifs réels. L’objectif d’inflation est par conséquent rétrogradé au second plan. Dans la zone Euro, les textes officiels considèrent que le contrôle de l'inflation est du ressort de la banque centrale européenne. Il est intéressant d'examiner le bien fondé d'une telle affectation des objectifs et d’étudier la capacité de la politique budgétaire à contribuer à la lutte contre l’inflation. Nous délaissons momentanément le problème des valeurs qu’il faut cibler, en supposant que les autorités prennent les valeurs initiales des variables pour cibles. Nous nous intéressons d’abord aux objectifs d’endettement en comparant les performances des fonctions de réaction suivantes face à un choc d’offre104 : 104 Le choc consiste toujours en une baisse permanente de 1% de la productivité des facteurs. 334 σ Bt règle 1 : Gt = G0 B0 σ Bt Y0 règle 2 : Gt = G0 Yt B0 où σ = -1. Le graphique 4, illustre l’évolution des principales grandeurs macroéconomiques lorsque chacune des ces deux règle est employée pour faire face au choc. La performance de la première règle a été analysée au cours de la première section. Nous rappelons qu’elle conduit à un équilibre caractérisé par une demande globale plus faible, une dette publique et des prix plus élevés. Ces résultats confirment la conclusion énoncée dans la première section, selon laquelle l’intensité de la réaction constitue un facteur déterminant de son efficacité. Là encore la performance de la deuxième règle s’explique essentiellement par le fait qu’elle accentue l’ajustement des dépenses publiques à la suite du choc. Graphique 4 : Comparaison entre les objectifs d’endettement (modèle WSPS) Dette publique Production 520 1005 1000 515 995 510 990 985 505 980 500 975 495 970 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 40 45 50 Valeur boursière du capital Prix 1.020 2010 1.015 2000 1.010 1990 1.005 1980 1.000 1970 0.995 1960 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 335 Demande de travail Dépenses publiques 702 101 700 100 698 99 696 98 694 97 96 692 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 règle 1 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 règle 2 En ciblant le rapport de la dette les autorités budgétaires arrivent à de meilleurs résultats : le prix, la dette publique et son rapport au PIB se stabilisent à des niveaux plus faibles, tandis que la valeur boursière du capital converge vers un niveau plus élevé. Etant sensible à la fois aux variations du volume de la dette et de la production, le rapport de la dette s'écarte fortement de sa valeur d'équilibre à la suite du choc. L’ampleur de cette déviation conduit à une forte baisse des dépenses publiques, qui limite la croissance des charges réelles de la dette et permet ainsi à l'Etat de contenir plus rapidement la spirale d’endettement. A terme, l’affaiblissement des déficits budgétaires limite ajustements des dépenses publiques qui se stabilisent à un niveau plus élevé. L’ampleur de la réaction budgétaire contribue par ailleurs à renforcer la baisse de la demande et du taux de salaire nominal et à atténuer ainsi les tentions inflationnistes générées par le choc.Nous introduisons maintenant des objectifs de production et de prix, à côté de l’objectif d’endettement: σ1 σ2 B Y règle 1 : Gt = G0 t t B0 Y0 σ1 σ2 Bt Pt règle 2 : Gt = G0 B0 P0 où σ1 = σ2 = -1. La politique fiscale est souvent considérée comme plus efficace que la politique de dépense en matière du contrôle des prix, car elle exerce une influence directe sur les coûts. La relation entre les variations de la demande globale et celles du taux d’inflation justifie néanmoins le recours à la politique de dépense pour le contrôle du prix. Le graphique 5 nous décrit l’évolution des principales variables du modèle lorsque les deux règles sont employées face au choc d’offre. 336 Quand le gouvernement réagit aux variations de la demande en plus de celles de la dette publique (règle 1), sa politique conduit à une plus forte augmentation du prix et du volume de la dette, sans qu’elle ne parvienne à limiter les pertes en matière de production et d’emploi. En effet, le soutien qu'apporte le gouvernement à la demande, limite dans un premier temps la baisse des dépenses publiques et accentue l’augmentation de la dette et de son taux de rendement. Les agents constatent un accroissement de leurs richesses qui stimule leurs consommations. Cependant, cette augmentation de la demande privée s'accompagne à terme par une baisse de plus en plus forte de la demande publique. En effet, lorsque la dette atteint un seuil élevé, l'objectif d'endettement domine largement celui de la production, conduisant à des baisses de plus en plus fortes des dépenses publiques. Ainsi, l'effet de richesse généré par la dette publique est contrecarré par l'éviction des dépenses publiques, ce qui explique la stabilité de la production et de l’emploi. Quant à l'inflation, elle s'amplifie immédiatement après le choc, car le soutien qu'apporte la politique budgétaire à la demande limite l’ampleur de la récession et atténue la baisse du taux de salaire nominal. Graphique 5 : Comparaison entre des règles budgétaires à objectifs multiples (le modèle WSPS) Dette publique Production 540 1005 1000 530 995 520 990 985 510 980 500 975 490 970 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 40 45 50 Valeur boursière du capital Prix 1.025 2010 1.020 2000 1.015 1990 1.010 1980 1.005 1970 1.000 1960 0.995 1950 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 337 Demande de travail Dépenses publiques 702 540 700 530 698 520 696 510 694 500 490 692 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 règle 1 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 règle 2 On note enfin que la performance de cette règle se détériore à mesure que le soutien qu’apporte l’Etat à la demande est fort ( σ 2 est plus élevée). La croissance de la dette publique et l’éviction des placements en actions s’accentuent, tandis que le prix se stabilise à un niveau plus élevé. La deuxième règle permet une stabilisation du volume et du rapport de la dette à des niveaux plus faibles. Elle limite également l'augmentation des prix et la dépréciation de la valeur boursière du capital. En effet, les tentions inflationnistes générées par le choc incitent les autorités à restreindre davantage leurs dépenses. La complémentarité entre les objectifs de dette et de prix accentue ainsi le caractère restrictif de la politique budgétaire, ce qui lui permet de freiner plus rapidement la spirale d'endettement et de conduire l’économie vers un meilleur équilibre. Nous avons associé à chacune des deux fonctions de réaction une fonction de perte quadratique qui comptabilise l’écart entre les valeurs effectifs des variables objectifs et leurs valeurs ciblées. Nous supposons que les autorités budgétaires accordent la même importance à leurs objectifs. Les fonctions de pertes prennent les formes suivantes105 : 2 2 2 2 B − B0 Yt − Y0 L ( Bt , Yt ) = t + B0 Y0 1 B − B0 Pt − P0 L ( Bt , Pt ) = t + B0 P0 2 Ces fonctions nous permettent d’évaluer l’efficacité des fonction de réaction à partir d’un critère de bien-être. Le tableau 2 résume les résultats des simulations. 105 Nous rapportons les variables à leurs valeurs initiales pour éliminer l’effet de la taille sur la fonction de perte. 338 On peut constater que l’adoption d’un objectif de prix à côté de celui de la dette limite la perte des autorités. L’objectif de production accentue cette perte, car il agit dans le sens contraire de l’objectif d’endettement. Il modère ainsi la réaction budgétaire et la rend moins incisive, contrairement à l’objectif de prix qui l’accentue et accroît ainsi son efficacité. Ces conclusions sont valables aussi bien pour le modèle WSPS que pour le modèle avec courbe de Phillips. Tableau 2 : les pertes engendrées par les fonctions de réaction budgétaire Pertes des autorités budgétaires Règle 1 Régle 2 Modèle WSPS 0,006079 0,000596 Modèle Phillips 0,001875 0,000189 2- Les objectifs monétaires Nous tentons maintenant d’identifier les objectifs qui permettent à la politique monétaire d’apporter le meilleur soutien à la politique budgétaire face au choc d’offre. Le soutien à l’activité et la lutte contre l’inflation sont les objectifs traditionnellement associés à la politique monétaire. La stabilité des marchés financiers est devenue également l’une des priorités des banques centrales. Nous considérons ainsi les politiques mixtes suivantes, qui associent à une même réaction budgétaire trois règles monétaires différentes : σ γ Bt Yt règle mixte 1 : Gt = G0 et it = i0 B0 Y0 σ γ Bt Pt règle mixte 2 : Gt = G0 et it = i0 B0 P0 σ γ règle mixte 3 : G = G Bt et i = i Qdt t 0 t 0 B0 Qd 0 où σ =-1 et γ = 1. 339 Le graphique 6 nous permet de comparer les trajectoires de long termes issues des trois règles dans le cas du modèle WSPS. La première règle induit une baisse du taux d’intérêt en réaction au déclin de la production. La réaction de la banque centrale stimule les investissements et se répercute positivement sur la production. L’effet de relance accroît les recettes fiscales de l’Etat et lui permet de limiter la croissance du volume et du rapport de sa dette au PIB. La baisse du taux d’intérêt réduit également le coût du capital des entreprises et contribue ainsi à limiter l’augmentation du prix. En définitive, la réaction monétaire aboutit à un équilibre caractérisé par une production et un volume d’emploi plus importants et une dette publique et un niveau de prix moins élevés. La deuxième règle accentue la baisse de la production sans réussir pour autant à contenir la hausse des prix. Elle conduit les autorités monétaires à augmenter le taux d’intérêt en réaction à l’inflation générée par le choc, ce qui limite les investissements et se répercute négativement sur la production. L’impact d’une telle réaction sur le prix est peu significatif, car les politiques restrictives génèrent deux effets qui se neutralisent mutuellement : une contraction de la demande qui limite la hausse des prix et une augmentation du coût du capital qui agit dans le sens contraire. La troisième règle conduit à une politique monétaire expansionniste qui se répercute positivement sur la production. En effet, les placements en actions dépendent des profits anticipés et donc du niveau futur de l’activité. Un lien implicite existe donc entre la production et la capitalisation boursière, ce qui explique les trajectoires semblables empruntées par ces deux variables au cours de leurs ajustements vers leurs valeurs d’équilibre. Ainsi, en réagissant aux déviations de la valeur boursière du capital de sa valeur d’équilibre, la banque centrale pratique une politique analogue à celle induite par la première règle et produit donc des effets semblables. Nous soulignons toutefois que l’effet de relance exercé par cette fonction de réaction est légèrement inférieur à celui issu de la première fonction. En effet, le volume de la production enregistre une forte baisse à la suite du choc, puis entame une lente progression vers sa nouvelle valeur d’équilibre. Au cours de cette phase d’ajustement, la première règle conduit à une plus forte baisse du taux d’intérêt, car elle réagit à la valeur actuelle de l’output gap. La troisième fonction de réaction dépend de la valeur future de l’output gap et conduit donc à une baisse moins importante du taux d’intérêt. 340 Graphique 6 : comparaison entre les objectifs monétaires (le modèle WSPS) Dette publique Production 520 1005 1000 515 995 510 990 985 505 980 500 975 495 970 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Demande de travail Valeur boursière du capital 2010 702 2000 700 1990 698 1980 696 1970 694 692 1960 5 10 15 20 25 30 35 40 45 5 50 10 Prix 15 20 25 30 35 40 45 50 Taux d intérêt nominal 1.020 0.0154 1.015 0.0152 0.0150 1.010 0.0148 1.005 0.0146 1.000 0.0144 0.995 0.0142 5 10 15 20 25 30 règle 1 35 40 45 5 50 règle 2 10 15 20 25 30 35 40 45 50 règle 3 Nous considérons maintenant le cas où la banque centrale s’intéresse à plusieurs objectifs en même temps : σ γ1 γ2 Bt Yt Pt règle mixte 1 : Gt = G0 et it = i0 B0 Y0 P0 σ γ1 γ2 Bt Yt Qdt règle mixte 2 : Gt = G0 et it = i0 B0 Y0 Qd0 où σ =-1 et γ1 =γ2 = 1. 341 D’après nos précédents résultats, nous nous attendons que la première règle réduise l’efficacité de la politique monétaire. L’adoption d’un objectif de prix modèrera la baisse du taux d’intérêt et limitera l’effet de relance. La politique monétaire gagne en efficacité en s’intéressant à la fois à la production et à la valeur boursière du capital. La production et les placements en actions varient dans le même sens et poussent les autorités monétaires à accentuer le caractère expansionniste de leur politique. La complémentarité entre les deux objectifs conduit donc à une plus forte baisse du taux d’intérêt, ce qui renforce l'effet de relance. Nous tentons d’évaluer l’efficacité des deux policy mix en spécifiant une fonction de perte à chacune d’entre elles. Les autorités budgétaires ont toujours la même fonction de perte : 2 B − B0 L ( Bt ) = t B0 G La fonction de perte de la banque centrale diffère selon qu’elle adopte la fonction réaction 1 ou 2 : 2 2 Bt − B0 Pt − P0 M L1 ( Bt , Pt ) = + B0 P0 2 2 Bt − B0 Qdt − Qd0 M + L2 ( Bt , Qdt ) = B0 Qd0 Le tableau 3 rapporte les pertes subies par les deux autorités, lorsque chacune des deux règles est employée face au choc d’offre : Tableau 3 : Les pertes engendrées par les policy mix Règle 1 Règle 2 Modèle WSPS Modèle Phillips Modèle WSPS Modèle Phillips Fonction de Gouvernement perte Banque centrale 0,001468 0,00046 0,001456 0,00046 0,002723 0,000894 0,002644 0,000881 342 Les résultats confirment que l’efficacité de la politique monétaire est réduite par l’adoption d’un objectif de prix, tandis qu’elle s’améliore avec l’adoption d’un objectif boursier. Cette conclusion est valable pour le versions WSPS et Phillips du modèle. 3- Les conclusions pour une coordination des objectifs Les résultats des simulations nous conduisent aux conclusions suivantes : (i) La rapidité et l'intensité d'une politique de stabilisation sont des facteurs déterminants de sa réussite. Plus la réaction de l'Etat aux variations du volume de sa dette est forte, plus l'équilibre de long terme est satisfaisant. Cette conclusion est également valable pour la politique monétaire : une forte baisse du taux d’intérêt conduit à un meilleur équilibre. (ii) Les autorités doivent adopter des objectifs cohérents. Les objectifs qui impliquent des emplois contradictoires des instruments limitent l'efficacité des politiques de stabilisation. Ainsi, la performance de la politique budgétaire se détériore lorsqu’elle assure la gestion de la demande en plus de la stabilisation de la dette publique. L'adoption d'un objectif de prix en plus de celui de la production limite également la portée de la politique monétaire. Le contraire est vrai lorsque les objectifs sont complémentaires. La politique budgétaire gagne en efficacité lorsqu'elle aligne un objectif de prix, qui va dans le même sens que celui de la dette. De même, l'objectif boursier améliore la performance de la politique monétaire. Cette deuxième remarque est cohérente avec la première, dans la mesure où les objectifs contradictoires débouchent sur un équilibre moins satisfaisant essentiellement parce qu'ils limitent l'intensité des réactions monétaires et budgétaires. (iii) Chaque autorité doit intervenir dans le domaine où elle est relativement plus performante. En maniant les dépenses publiques, le gouvernement est en mesure de maîtriser parfaitement l'évolution de la dette. Il est moins performant dans la gestion de la demande, car ses tentatives de relance s’accompagnent d’une éviction de la consommation. La politique monétaire est plus efficace lorsqu’elle est affectée au contrôle des composantes de la demande qui sont sensibles aux variations du taux d'intérêt. Le contrôle du prix est un exercice plus délicat, car son intervention génère des effets contradictoires qui limitent son efficacité. Chaque autorité doit donc adopter l’objectif qu'elle est en mesure d'atteindre avec un maximum de précision. Nous soulignons toutefois que ces conclusions dépendent à la fois de la nature du choc et de la structure de l’économie. Dans le cas du choc de demande définit dans la première section, la politique monétaire est plus efficace lorsqu’elle cible le niveau du prix que lorsqu’elle réagit aux 343 variations du volume de la production. En effet, le choc provoque une baisse permanente du prix, tandis qu’il exerce un effet transitoire sur la production. L’adoption d’un objectif de production conduit donc à une stabilisation rapide du taux d’intérêt, tandis qu’un objectif de prix accentue et prolonge l’activisme monétaire. ainsi, on peut dire que la politique d’accompagnement gagne en efficacité en s’intéressant au problème le plus persistant, celui de la baisse des prix. La performance des règles monétaires dépend également de la structure de l’économie. Dans le cas du choc d’offre, nous constatons que la version classique du modèle conduit à des résultats différents de ceux issus de la version keynésienne. Ainsi, l’effet de relance de la politique monétaire s’avère plus important lorsque la banque centrale réagit aux variations de la valeur boursière du capital que lorsqu’elle adopte un objectif de production. Dans le modèle classique, la production emprunte une trajectoire relativement stable à long terme, tandis que le marché des actions enregistre une éviction continue des placements. La réaction à l’instabilité du marché boursier entraînerait une politique monétaire plus expansionniste et conduirait ainsi à une plus forte relance de l’activité. Ces exemples illustrent que le choix des objectifs dépend de la structure de l’économie et la nature de l’événement déstabilisateur. Les résultats des simulations démontrent néanmoins que l’affectation standard défendue par la nouvelle école classique n’est pas toujours pertinente. La banque centrale ne réussit pas à contrôler le prix à court terme, tandis que la politique budgétaire s’avère efficace dans ce domaine grâce à son impact sur la demande. Par ailleurs, nous soulignons que la politique monétaire exerce des effets réels à court et à long terme. Ce résultat est obtenu avec des anticipations parfaites et en présence des syndicats qui veillent sur la stabilité du pouvoir d’achat (version Phillips de la maquette). En effet, lorsque les agents croient à l’efficacité de la politique monétaire, la rationalité des anticipations contribue à accroître l’efficacité de la relance et non à la neutraliser. Ce sont donc les convictions des agents et non la structure de leurs anticipations qui déterminent l’efficacité des politiques budgétaires et monétaires. II- Le choix des cibles Jusqu’à présent, nous avons supposé que les autorités prennent pour cibles les valeurs initiales des variables objectifs. Dans ce paragraphe, nous étudions la possibilité d’adopter d’autres cibles aussi bien pour les variables que pour les instruments. 344 1- Quelles cibles pour les objectifs ? La banque centrale peut chercher à stabiliser le taux d’inflation et le taux de croissance de la production, plutôt que le niveau des prix et le volume de la production. En absence d’une contrainte explicite d’endettement, le gouvernement peut chercher à stabiliser le volume ou le rapport de la dette publique à des seuils différents de leurs valeurs initiales. Ceci est notamment le cas lorsque le volume de la dette s’écarte fortement de son niveau d’équilibre. Dans ce cas, le retour à la situation initiale nécessite des redressements budgétaires drastiques qui génèrent des coûts sociaux assez élevés. Nous considérons d’abord le cas où le gouvernement relâche son objectif de long terme et se contente de stabiliser le volume de sa dette à sa valeur retardée. Nous comparons performances des deux règles suivantes face au choc d’offre : σ γ B Y règle mixte 1: Gt = G0 t et it = i0 t B0 Y0 σ γ Bt Yt et it = i0 règle mixte 2: Gt = G0 Bt −1 Y0 avec σ = -1 et γ = 1. En l’absence d’une cible de long terme (Bt-1 est prise pour cible), le gouvernement ne réussit pas à stabiliser la dette publique malgré le soutien apporté par la politique monétaire. la réaction à l’écart entre le volume actuel et son volume retardé de la dette conduit à de faibles ajustements des dépenses publiques et ne permet donc pas d’arrêter la spirale d’endettement. une telle politique conduit plutôt à une stabilisation du taux de croissance de la dette et non de son niveau. L’adoption d’une cible de long terme permet de stabiliser le marché de la dette publique. En effet, l'écart entre le volume effectif de la dette et sa valeur ciblée s'accroît au fils des périodes, conduisant à des ajustements de plus en plus forts des dépenses publiques, ce qui permet à terme de freiner la spirale d’endettement. Le graphique 7, qui compare les trajectoires des dépenses publiques et du volume de la dette dans les deux cas, confirme notre analyse. 345 Graphique 7 : La dette et les dépenses publiques avec et sans cible de long terme (le modèle WSPS) Dette publique Dépenses publiques 600 101 580 100 560 99 540 98 520 97 500 480 96 5 10 15 20 25 30 35 règle 1 5 10 15 20 25 30 35 règle 2 Nous arrivons à des conclusions similaires en reprenant cette analyse dans le cas de la politique monétaire : les fonctions de réaction avec des cibles en niveau sont plus efficaces que celles qui adoptent des cibles en taux de croissance. Considérons le cas d’un choc d’offre, où la banque centrale associe à la politique budgétaire l’une des deux règles suivantes : σ γ Bt Yt règle mixte 1 : Gt = G0 et it = i0 B0 Y0 σ γ Bt Yt règle mixte 2 : Gt = G0 et it = i0 B0 Yt −1 avec σ = -1 et γ = 1. Lorsque la banque centrale s'intéresse aux taux de croissance de la production (Yt/Yt-1), sa réaction devient très faible, ce qui limite l’impact de sa politique sur la demande. L'adoption d'un objectif de long accentue l'activisme monétaire, en conduisant à de plus fortes variations du taux d'intérêt. La politique d'accompagnement gagne ainsi en efficacité. Le graphique 8, qui compare l’évolution du taux d’intérêt et du volume de la production dans les deux cas, illustre ces conclusions. Graphique 8 : La production et le taux d’intérêt avec et sans cible de long terme (le modèle WSPS) 346 Production Taux d intérêt nominal 1005 0.0151 1000 0.0150 995 0.0149 990 0.0148 985 0.0147 980 0.0146 975 5 10 15 20 25 30 5 35 règle 1 10 15 20 25 30 35 règle 2 2- Faut-il abandonner les cibles de long terme pour les instruments ? Plusieurs hypothèses peuvent justifier l’adoption de cibles de long terme pour les instruments budgétaire et monétaire. Les dépenses publiques ciblées par le gouvernement peuvent être compatibles avec un optimum social, comme elles peuvent résulter d’une contrainte d'endettement. La banque centrale peut cibler un taux d’intérêt qui garantit une accumulation optimale du capital privé. Toutefois, lorsque les instruments s’écartent de leurs valeurs d’équilibre, les autorités peuvent afficher une certaine réticence à les reconduire vers leurs valeurs initiales. Les coûts consécutives à une telle opération justifient l’aversion des autorités. A titre d’exemple, nous mentionnons les coûts sociaux liées à une baisse des dépenses publiques et les coûts en termes de crédibilité induits par les baisses du taux d’intérêt. L’importance qu’accordent les autorités monétaires à la stabilité du système financier peut motiver à son tour un certain lissage du taux d’intérêt. Si de telles rigidités existent, il serait intéressant d’examiner leurs conséquences les performances des politiques de stabilisation. Une façon de tenir compte de cette forme d’inertie est de considérer que la valeur actuelle des instruments dépend non seulement de leurs cibles de long terme, mais également de leurs valeurs retardées. Nous proposons une réaction mixte avec la possibilité d’une sous-indexation de l’instrument budgétaire à sa cible de long terme : σ λ 1−λ t −1 Gt = G0 G γ Bt Y0 Yt et it = i0 Yt B0 Y0 avec σ = -1 , γ = 1 et λ compris entre 0 et 1. 347 En étudiant la réaction de l’économie au choc d’offre pour différentes valeurs de λ, nous remarquons que la performance des politiques de stabilisation s’améliore à mesure que l’indexation à l’objectif de long terme s’affaiblit. Le graphique 9 montre l’évolution des principales variables du modèle lorsque λ prend respectivement les valeurs 0, 0.5 et 1. L’affaiblissement du degré d’indexation à G0 s’accompagne d’une baisse significative du volume de la dette. On note également une moins forte dépréciation de la valeur boursière du capital et une stabilisation du prix à un niveau moins élevé. Ces résultats sont obtenus sans qu’aucune détérioration de la production où du volume de l’emploi ne soit constatée. L'abandon progressif de l'objectif de long terme conduit à des ajustements plus incisifs des dépenses publiques, qui permettent de freiner la spirale de la dette publique et la boucle prix-salaire à des stades précoces. A partir de la deuxième période, Gt-1 prend toujours des valeurs inférieures à G0 et l’écart entre ces deux références s’accentue d’une période à l’autre. Il s’ensuit que l’ajustement des dépenses publiques s’accentue à mesure que λ s’approche de 1. L’objectif de long terme s’apparente ainsi à une contrainte qui ralentit l’ajustement des dépenses et limite l’efficacité de la politique budgétaire. L'abandon de cette cible aura donc des conséquences bénéfiques pour l'économie. Graphique 9 : L’indexation des dépenses publiques à leur cible de long terme (le modèle WSPS) Dette publique Valeur boursière du capital 520 2010 515 2000 510 1990 505 1980 500 1970 495 1960 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 Production 25 30 35 40 45 50 30 35 40 45 50 Prix 1005 1.020 1000 1.015 995 1.010 990 1.005 985 1.000 980 0.995 975 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 5 10 15 20 25 348 Demande de travail Dépenses publiques 702 101 700 100 698 99 696 98 694 97 96 692 5 10 15 20 25 30 35 40 45 λ=1 50 5 λ = 0.5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 λ=0 Nous considérons maintenant le cas d’un sous-ajustement du taux d’intérêt à sa cible de long terme : σ γ B Y Y Gt = G0 t 0 et it = i0λ it −11−λ t Yt B0 Y0 avec σ = -1 , γ = 1 et λ compris entre 0 et 1. Le tableau 5 nous décrit les valeurs d’équilibre des principales variables du modèle lorsque λ prend respectivement ses valeurs maximale et minimale : Tableau 4 : L’indexation du taux d’intérêt à sa cible de long terme (le modèle WSPS) Y L'indexation à la N P B Qd λ=1 975 692 1,016 518 1965 λ=0 983 694 1,014 516 1973 cible de long terme En prenant la valeur retardée du taux d’intérêt pour cible, la banque centrale apporte un soutien plus fort à l’activité. Ainsi, l’emploi, la richesse réelle et les diverses composantes de la demande se stabilisent à des niveaux plus élevés. Le prix, le volume de la dette et son rapport au PIB se stabilisent à des niveaux plus faibles. Là encore, la cible de long terme semble agir comme une contrainte qui limite le caractère expansionniste de la politique monétaire. Son abandon progressif conduit à une plus forte baisse du taux d’intérêt et intensifie ainsi l’effet de relance. L'inconvénient d’un abandon total de la cible i0 est qu'il débouche sur un taux d'intérêt quasi-nul à long terme. La banque 349 centrale sera ainsi privée de toute marge de manœuvre pour faire face à une nouvelle perturbation. III- Le choix du régime Au cours de la première section, nous avons étudié l’impact de l’intensité des réactions budgétaires et monétaires sur l’efficacité respectives de ces deux politiques. Le choix de l’intensité de la réaction peut obéir à plusieurs considérations. Dans le chapitre précédent, nous avons précisé que le policy mix peut s’avérer plus efficace lorsque chaque autorité tient compte de la stratégie de l’autre en choisissant sa propre politique. Il serait donc préférable que chaque autorité prenne en considération l’intensité de la réaction de son homologue afin d’aboutir au meilleur régime. De ce point de vue, la coordination entre les politiques monétaires et budgétaires peut se ressentir au travers de l’ampleur des réactions des autorités respectives. Dans ce paragraphe nous proposons une comparaison entre plusieurs policy mix en fonction de l’intensité des réactions monétaires et budgétaires. Nous essayons de cerner les caractéristiques du régime le plus efficace. 1- Définition des régimes Supposons que le gouvernement réagit à tout écart entre le volume de sa dette et sa valeur ciblée, tandis que la banque centrale cherche à stabiliser le volume de la production : σ γ B Y Gt = G0 t et it = i0 t B0t Y0 Afin de définir les différents régimes, nous étudions le choix de la politique monétaire pour une politique budgétaire donnée. Nous distinguons les deux cas suivants : (i) Le gouvernement adopte une politique peu restrictive en réagissant très faiblement aux déviations du volume de la dette de sa cible. Il préfère soutenir la demande en tempérant la baisse de ses dépenses. La banque centrale a le choix entre deux types de politique : une politique expansionniste qui consiste à soutenir fortement l’activité et une politique restrictive qui consiste à réagir faiblement aux variations de la production. La mise en place d’une politique monétaire expansionniste peut être interprétée comme une attitude coopérative de la part de la banque centrale. En agissant de la sorte, les autorités monétaires renoncent à un éventuel objectif d’inflation pour renforcer l’action du gouvernement. Par ailleurs, l’effet inflationniste de la politique monétaire contribue à réduire 350 les charges réelles de la dette. nous rappelons qu’une faible réaction de la part du gouvernement conduit à une plus forte augmentation du volume de sa dette. Une politique expansionniste lui apporte donc un soutien indirect en limitant le coût réel de sa dette. L’idée selon laquelle le laxisme monétaire trouve son origine dans le laxisme budgétaire est défendue par la théorie budgétaire du niveau des prix106. Une politique restrictive signale une attitude non coopérative de la part de la banque centrale, car elle témoigne de son indifférence vis-à-vis des objectifs gouvernementaux. C’est le cas d’une banque centrale indépendante qui adopte une attitude anti-inflationniste rigide quelle que soit les mesures entreprises par l’autorité en face. (ii) Le gouvernement choisit une politique rigoureuse qui consiste à réagir fermement à toute détérioration du volume de la dette. La banque centrale à toujours le choix entre une politique restrictive et une politique expansionniste. Compte tenu de la réaction gouvernementale, une politique monétaire expansionniste est plus judicieuse pour deux raisons. D’abord, elle permet une relance de l’activité et procure au gouvernement un surplus de recettes fiscales, ce qui permet une stabilisation plus rapide de la dette publique. D’autre part, elles complètent l’action du gouvernement en intervenant dans le domaine négligé par ce dernier. Une politique restrictive est moins appropriée, car l’économie n’a nullement besoin de la rigueur monétaire : la politique budgétaire stabilise la dette et permet de contenir l’inflation en accentuant la baisse demande. En mettant en place une telle politique, la banque centrale semble placer les soucis de réputation et de crédibilité au premier plan. Ainsi, elle à se confine dans des objectifs prédéfinis sans tenir compte de la politique du gouvernement et des besoins de l’économie. 2- Analyse des résultats Nous considèrons que la politique budgétaire est peu restrictive lorsque le gouvernement entreprend l’ajustement minimal des dépenses publiques qui permet de stabiliser le volume de la dette. Un tel résultat est obtenu lorsque le paramètre σ de la fonction de réaction prend la valeur -0.5. La politique budgétaire sera considérée comme fortement restrictive lorsque l’ajustement des dépenses dépasse le seuil minimal que nous venons de définir (σ est donc inférieur à -0.5). 106 Voir Creel et Sterdyniak (2001) pour un exposé détaillé de cette théorie. 351 De même, nous considérons que la politique monétaire est peu expansionniste lorsque le taux d’intérêt varie moins proportionnellement que la production (γ est inférieur à 1). Elle sera considéré comme fortement expansionniste lorsque la banque centrale varie le taux d’intérêt dans une plus forte proportion que la production (γ est supérieur à 1). Le tableau suivant résume les quatre régimes que nous venons de définir : σ = − 0, 0,55 γ<1 γ>1 σ <− 0,5 Régime 1 : Régime 2 : Politique budgétaire peu restrictive et Politique budgétaire fortement restrictive politique monétaire peu expansionniste et politique monétaire peu expansionniste Régime 3 : Régime 4 : Politique budgétaire peu restrictive et Politique budgétaire fortement restrictive politique monétaire fortement et politique monétaire fortement expansionniste expansionniste Nous étudions la performance de ces régimes face au choc d’offre pour les valeurs suivantes du couple (σ ; γ ) : (-0.5 ;0.5) pour le régime 1, (-1.5 ;0.5) pour le régime 2, (0.5 ;1.5) pour le régime 3 et (-1.5 ;1.5) pour le régime 4. Nous définissons une fonction objectif qui recense les pertes subies par les deux autorités : 2 2 L ( Bt ,Yt ) = ( Bt − B0 ) + (Yt − Y0 ) . Le tableau suivant rapporte les valeurs de la fonction de perte pour les quatre régimes : Régime1 Régime2 Régime3 Régime4 4063 740 4021 727 1160 244 1158 241 Modèle WSPS Pertes des autorités Modèle Phillips Le régime le plus efficace est celui qui associe la rigueur budgétaire à l’expansionnisme monétaire. Ce résultat est valable pour les versions WSPS et Phillips de la maquette. Deux conclusions ressortent de ces résultats : 352 (i) La rigueur budgétaire conduit toujours à des résultats plus satisfaisants. Le gouvernement ne peut compter sur le soutien de la politique monétaire pour lui offrir un surplus de recettes fiscales et une réduction significative des charges réelles de sa dette. un écart considérable sépare les valeurs des fonctions de perte des régimes 2 et 4, caractérisés par une politique budgétaire rigoureuse, de celles des régimes 1 et 3 où la politique en question est plutôt laxiste. (ii) Une politique monétaire expansionniste représente toujours le meilleur accompagnement à la politique budgétaire face à un choc de cette nature. Elle conduit à des volumes de production et d’emploi plus satisfaisants. La capitalisation boursière sera plus forte et la dette publique et le prix plus faibles. L’inefficacité de la politique monétaire à lutter contre l’inflation rend les politiques de soutien à la demande plus efficaces. 353 Conclusion Nous avons rempli notre objectif de départ qui consiste à offrir des explications et des fondements à l’efficacité des politiques de stabilisation et de relance. Nous avons recensé les arguments théoriques et empiriques évoqués par la littérature et nous avons formulé quelques propositions personnelles qui vont dans le même sens. L’efficacité de la politique budgétaire s’explique essentiellement par l’échec de certaines hypothèses du modèle classique : (i) La myopie des agents affaiblit le lissage de la consommation et amplifie les conséquences immédiates de la politique budgétaire. (ii) Les contraintes de liquidité empêchent une répartition optimale de la richesse sur le cycle de vie et dévient la consommation de son niveau optimal. La politique budgétaire peut desserrer ces contraintes en transférant une partie des revenus du futur vers le présent. Elle parvient ainsi à stimuler la demande. (iii) Le transfert de ressources vers le présent réduit également l’incertitude concernant les revenus futurs. Elle limite ainsi l’épargne de précaution et stimule la consommation. (iv) A la suite des chocs, certaines rigidités empêchent une relance rapide de l’économie. Dans ce cas, la politique budgétaire permet d’amorcer la reprise ou d’accélérer le retour vers le plein emploi. Les nouveaux classiques s’appuient sur une vision erronée des problèmes de décision en matière de politique monétaire, ce qui explique la discordance entre leurs conclusions théoriques et les constats empiriques : (i) Ils considèrent qu’une indexation parfaite des salaires nominaux à l’inflation représente toujours la meilleure stratégie pour les travailleurs. Nous avons démontré que ces derniers peuvent se contenter d’une indexation partielle de leurs salaires. La multiplicité des objectifs explique leur réaction. Sous certaines conditions, les travailleurs peuvent en effet apprécier une augmentation du volume de l’emploi au 354 même titre qu’une revalorisation de leurs rémunérations. Ceci est notamment le cas en période de récession, lorsque la baisse du taux de salaire réel permet de relancer l’emploi et de limiter le risque de licenciement. Les travailleurs peuvent également tirer profit d’une augmentation des effectifs au sein des entreprises, si un tel événement allège leur charge de travail. Dans ce cas, ils peuvent sacrifier une partie de leur pouvoir d’achat en contrepartie d’une baisse de l’effort qu’ils fournissent durant les heures de travail. (ii) La nouvelle école classique se focalise sur le canal de l’offre et néglige la transmission par la demande. Dans la réalité, la politique monétaire est en mesure de stimuler l’investissement et la consommation. Lorsque les producteurs et les consommateurs subissent des contraintes de coût, son effet de relance peut être d’une très forte ampleur. Les résultats des simulations confirment une partie de ces conclusions. D’abord, l’économie est incapable de retrouver une situation d’équilibre à la suite d’un choc, même lorsque les variables s’ajustent instantanément à leurs valeurs désirées. Les politiques de stabilisations sont donc indispensables. Les divergences sont induites par les déséquilibres des comptes publics qui déstabilisent les marchés financiers, puis se propagent aux composantes réelles de l’économie107. Ensuite, on constate que la politique monétaire est en mesure d’exercer des effets réels à court et à long terme, malgré que les anticipations sont parfaites. Ce résultat confirme la critique de Gale-Christ qui affirme que si les agents sont convaincus de la nécessité et des bienfaits des politiques de relance (leurs anticipations sont keynésiennes), alors les anticipations contribuent à renforcer les politiques en question et à accroître leur efficacité. Nous soulignons par ailleurs que notre modèle sous-estime le pouvoir de relance de la politique monétaire, dans la mesure où il néglige l’impact du taux d’intérêt sur la consommation et il ne tient compte d’aucune contrainte de financement pour les investissements. Un autre résultat important est l’incapacité les autorités monétaires à contrôler les prix, vu les effets opposés générés par leurs politiques. Une inflation par les coûts par exemple est contrecarrée par une désinflation par la demande et vice versa. L’impact final de la politique monétaire sur les prix sera donc assez marginal. 107 Cette propagation de l’instabilité financière n’est pas systématique et n’est opérationnelle que sous certaines conditions. 355 Les résultats qui concernent la politique budgétaire s’inscrivent plutôt dans un registre classique : la politique budgétaire doit être affectée au contrôle de la dette publique, car ses tentatives de relance se traduisent par une éviction de la consommation et sont par conséquent peu efficaces. Ces résultats s’expliquent essentiellement par la structure de la maquette. Nous rappelons que l’économie est au voisinage du plein emploi, que les anticipations sont parfaites et que les contraintes de liquidité sont absentes. Les équations de comportement sont dérivées à partir de programmes d’optimisation. Les variables empruntent donc leurs trajectoires optimales. Il est logique d’aboutir à des résultats classiques lorsqu’on prend une telle structure macroéconomique pour point de départ. L’introduction de certaines imperfections aurait permis d’obtenir des résultats plus proches du paradigme keynésien. Les exercices de simulations aboutissent par ailleurs à quelques conclusions assez intéressantes : (i) Les rigidités nominales à elles seules ne permettent pas d’exporter l’instabilité des marchés financiers vers le marché des biens et le marché du travail. La réaction de la version keynésienne de la maquette aux chocs d’offre et de demande illustre ce constat. Toutefois, l’instabilité se propage à l’ensemble de l’économie lorsqu’une rigidité réelle est associée aux rigidités nominales. Par exemple, un tel résultat est obtenu lorsque la rigidité du capital vient s’ajouter à la rigidité des prix. Ces résultats confirment les critiques de Mankiw et Romer (1988) et les conclusions énoncées par Ball et Romer (1990) d’un côté et Mankiw et Romer (1991) de l’autre. (ii) Veiller sur la stabilité du marché boursier peut être une stratégie plus payante que celle qui consiste à réagir aux perturbations qui surgissent sur le marché des biens. Le marché des actions peut connaître une forte instabilité qui ne se répercute pas nécessairement sur le secteur réel. Dans ce cas, les objectifs de production dictent une politique passive et donc inefficace, tandis que les cibles boursières se traduisent par des politiques activistes qui sont plus performantes. (iii) La dynamique des salaires exerce une influence déterminante aussi bien sur les grandeurs nominales que sur les grandeurs réelles. La courbe de Phillips ralentit les ajustements des salaires nominaux et introduit une certaine inertie au niveau des prix. Une telle dynamique s’avère bénéfique en cas de choc inflationniste, car elle contient la 356 hausse des prix et limite la baisse du pouvoir d’achat des ménages. Elle exerce ainsi un effet stabilisateur et permet à l’économie de converger vers un meilleur équilibre à long terme. (iv) L’intensité d’une politique de stabilisation est un facteur déterminant de son succès. Plus les ajustements qui suivent les chocs sont forts, plus l’équilibre de long terme est satisfaisant. Un ajustement rapide permet de freiner les trajectoires divergentes à une étape précoce et minimise ainsi les coûts générés par les chocs. Cette conclusion est valable aussi bien pour la politique monétaire que pour la politique budgétaire. Le choix du régime montre que la meilleure combinaison était celle composée de deux politiques fortement réactives aux écarts des variables de leurs cibles. Une attitude passive à la suite des chocs conduirait à une dégradation progressive de la situation et obligerait les autorités à mettre en place des politiques encore plus fermes que celles qu’elles ont voulu éviter au départ. (v) Lorsque les autorités spécifient des cibles de long terme à leurs instruments, leurs interventions deviennent moins incisives. Les cibles agissent en effet comme des contraintes qui limitent l’ampleur des ajustements et réduisent ainsi l’efficacité des politiques de stabilisation. L’efficacité des politiques budgétaires et monétaires est donc maximale lorsque les instruments sont totalement affranchis de ces contraintes. Une telle politique poserait néanmoins d’importants problèmes à long terme. En effet, les autorités épuisent rapidement leurs marges de manœuvre en délaissant les cibles de long termes de leurs instruments et deviennent ainsi incapables de faire face à d’éventuels chocs futurs. En résumé, l’affectation keynésienne qui charge la politique budgétaire de la stabilisation et la politique monétaire de l’accompagnement, semble plus judicieuse que le schéma classique qui préconise des politiques de rigueur dans les deux domaines. Le débat devrait donc porter sur les moyens qui permettent de profiter au maximum des vertus de ce policy mix. Pour la politique budgétaire, il s’agit d’identifier les catégories de dépenses qui ont les effets multiplicateurs les plus importants et de les acheminer vers les agents qui en feront l’usage le plus bénéfique pour la croissance. 357 Le gouvernement doit également veiller à ce que sa politique fiscale ne génère pas des distorsions qui contrecarrent ses efforts de relance, et ce en pénalisant les consommateurs et les investisseurs. Les problèmes de la politique monétaires sont plus nombreux et plus ambigus. Avec le remodelage permanent de la sphère financière, les banques centrales doivent réexaminer en permanence l’efficacité de leurs canaux de transmission. Tenter de contenir les crises financières est également une tâche ardue. Le comportement des intervenants sur les marchés boursiers n’est pas toujours rationnel et s’avère très difficile à prévoir. Les autorités doivent élaborer une stratégie de communication efficace et être suffisamment pédagogues pour que leurs interventions soient bien interprétées par traders. Le timing des interventions est également assez problématique. Le rôle des banques centrales serait-il d’émettre des signaux susceptibles d’orienter les anticipations dans telle ou telle direction, au cas où leurs interventions devraient être préalables à la reprise. Ou bien doivent-elles attendre l’amorce de la reprise pour mettre en place les mesures susceptibles de la renforcer ? 358 Annexes. Annexe 5. 5.1- Une analyse des différentes possibilités d'équilibre. Appelons ℜG et ℜM les fonctions de réaction respectives du gouvernement et de la banque centrale. Au niveaux des représentations graphiques, nous considérerons que π0t est la variable explicative et que Gt est la variable dépendante. La dérivée de Gt par rapport à π0t représente la pente de ℜG. Son expression peut être déduite à partir de l'équation (4’) : α + θ γ (σ + α ) ∂Gt =− < 0. 0 2 ∂πt α2 +θ G (σ +αγ ) G L’inverse de la dérivée de π0t par rapport à Gt représente la pente de ℜM. Nous dérivons son expression à partir de l'équation (5’) : 1 ∂πt0 ∂Gt =− 1+θ M γ 2 < 0. α +θ Mγ (σ + αγ ) L’étape suivante consiste à calculer l’écart entre ces deux pentes : α +θ Gγ (σ + αγ ) ∂Gt 1 1+θ M γ 2 − = − + 2 M ∂πt0 ∂πt0 α2 +θ G (σ + αγ ) α +θ γ (σ + αγ ) ∂Gt 2 1 +θ M γ 2 α2 +θ G (σ + αγ ) − α +θ Gγ (σ + αγ ) α +θ M γ (σ + αγ ) = α2 +θ G (σ +αγ )2 α +θ M γ (σ + αγ ) = θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ σ α2 +θ G (σ + αγ ) α +θ Mγ (σ + αγ ) 2 D’après ce calcul, l'écart entre les pentes des deux fonctions de réaction dépend du terme " θG(σ+γα)-θMαγ ". Lorsque ce terme est positif, la pente de la fonction de réaction budgétaire est la plus forte que celle de la fonction de réaction monétaire. Ce résultat signifie que la réaction du 359 gouvernement à une variation de l'instrument monétaire est plus forte que celle de la banque centrale à une variation de l'instrument budgétaire. A l'équilibre on doit donc constater une forte valeur de Gt et une faible valeur de π0t. Le contraire est vraie lorsque le terme en question est négatif : à l'équilibre l'instrument monétaire connaît une variation plus forte que l'instrument budgétaire. Lorsque les deux pentes sont égale, les fonctions de réaction sont parallèles et aucun équilibre n’est envisageable. Les deux autorités varient leurs instrument sans cesse sans qu'aucune d'entre elles ne parvient à imposer sa politique. Le graphique 1 décrit les deux possibilité d’équilibre : Graphique 1 : L’équilibre selon le signe de " θG(σ+γα)-θMαγ ". Gt G1 G2 π01 π02 ℜG π0t ℜM Le couple (π01,G1) représente une situation d'équilibre où la pente de la réaction budgétaire est supérieure à celle de la réaction monétaire (θG(σ+γα)>θMαγ ). Le couple (π02,G2) décrit l'équilibre dans le cas contraire. On peut facilement voir que dans le premier cas c'est 360 l'autorité budgétaire qui fait l'usage le plus intensif de son instrument. Dans le deuxième cas, c'est l'instrument monétaire qui connaît la plus grande variation. 5.2- Comparaison entre l'équilibre séquentiel et l'équilibre de Nash. Cas 1: θG(σ+γα)>θMαγ. On sait que l'équilibre de Nash aboutit à un production plus forte que celle désirée par les deux autorités. On va appeler yNt la production qui correspond à cet équilibre : N t y = α (π G − π M ) +θ G (σ + αγ ) yG −θ Mαγ yM θ (σ + αγ ) −θ αγ G M > yG + α (π G − π M ) θ (σ + αγ ) −θ Mαγ G (i) On appellera ySt la production qui correspond à l'équilibre de Stackelberg. On sait que : 2 S t y = θ Gα (σ +αγ ) (π G − π M ) − (θ G ) (σ + αγ ) yG +θ Mα 2 yM 2 2 θ Mα 2 + (θ G ) (σ + αγ ) ⇒ − ytS > − yG − 2 G <y + θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M ) 2 θ Mα 2 + (θ G ) (σ + αγ ) 2 θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M ) 2 θ Mα 2 + (θ G ) (σ + αγ ) (ii) 2 θ Gα (σ + αγ ) α (π G − π M ) (i) + (ii) ⇒ ytN − ytS > G − θ (σ + αγ ) −θ Mαγ θ Mα 2 + (θ G )2 (σ +αγ )2 α θ Mα 2 − θ G 2 (σ + αγ )2 −θ Gα (σ +αγ ) θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ ( ) G M ⇒ ytN − ytS > (π − π ) 2 2 G M M 2 G + − + + θ σ αγ θ αγ θ α θ σ αγ ( ) ( ) ( ) M 2 G + θ α θ γ σ αγ α ( ) G M ⇒ ytN − ytS > (π − π ) 2 2 G M M 2 G + − + + θ σ αγ θ αγ θ α θ σ αγ ( ) ( ) ( ) Or, on sait que πM est inférieur à πG, que θG(σ+γα)>θMαγ et que tous des paramètres sont positifs. On conclut donc que : θ Mα2 θGγ (σ +αγ )α G M y −y > (π −π ) > 0. 2 2 G M G M 2 θ σ αγ θ αγ θ σ αγ θ α + − + + ( ) ( ) ( ) N t S t Le volume de la production d’équilibre est donc plus faible dans le cas d’un équilibre de Stackelberg. 361 Cas 2: θG(σ+γα)<θMαγ. On sait que l'équilibre de Nash aboutit à un production plus faible que celle désirée par les deux autorités. On va appeler yNt la production qui correspond à cet équilibre : N t y = α (π G − π M ) +θ G (σ + αγ ) yG −θ Mαγ yM θ (σ + αγ ) −θ αγ G M < yM + α (π G − π M ) θ (σ + αγ ) −θ Mαγ G (iii) On appellera ySt la production qui correspond à l'équilibre de Stackelberg. On sait que : 2 S t y = θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M ) + (θ G ) (σ + αγ ) yG +θ Mα 2 yM 2 (θ G ) (σ +αγ ) +θ Mα2 ⇒ − ytS < − yM − 2 2 M >y + θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M ) G 2 (θ ) (σ +αγ ) 2 + θ Mα 2 θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M ) G 2 (θ ) (σ +αγ ) 2 (iv) + θ Mα 2 θ Gα (σ + αγ ) α (π G − π M ) (iii) + (iv) ⇒ ytN − ytS < G − M 2 2 G M 2 θ (σ + αγ ) −θ αγ (θ ) (σ + αγ ) +θ α 2 α θ G (σ +αγ )2 +θ Mα 2 −θ Gα (σ +αγ ) θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ G M ( ) N S ⇒ yt − yt < (π − π ) 2 G M G 2 M 2 θ (σ + αγ ) −θ αγ (θ ) (σ + αγ ) +θ α θ Mα 2 θ Gγ (σ + αγ )α G M N S ⇒ yt − yt < (π − π ) 2 2 M G M 2 G θ (σ + αγ ) −θ αγ (θ ) (σ + αγ ) +θ α Or, on sait que πM est inférieure à πG, que θG(σ+γα)<θMαγ et que tous des paramètres sont positifs. On conclut donc que : θ Mα2 θGγ (σ +αγ )α G M y −y > (π −π ) < 0. 2 2 G M G M 2 θ (σ +αγ ) −θ αγ (θ ) (σ +αγ ) +θ α N t S t Ainsi, en équilibre de Stackelberg la production est supérieure à celle d’un équilibre de Nash. 362 Annexe 6. 6.1- La fonction de réaction des travailleurs. La condition du premier ordre implique que la dérivée de la fonction de objectif (6) par rapport à ψ est nulle : d 2 M 2 M d ∂G mt wn S −µ m (1 + µ θ (1 −ψ ) ) + µ θ ( µ (1 −ψ ) m + εt ) = + θ 2 2 M ∂ψ (1 + mt ) Pn 1 + 1 − µ θ ψ ( ) ( ) m ω n S −µ md + µ 2θ M εt = t + θ 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) 2 (1 + mt ) ) ( 2 = mtω n (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) + θ S ( −µ md + µ 2θ M εt ) (1 + mt ) (1 + mt ) (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) 2 = 0. 2 ⇒ mtω n (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) + θ S ( −µ md + µ 2θ M εt ) (1 + mt ) = 0 2 ⇒ (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) = − ⇒1+ µ θ 2 M ⇒ψ = 1+ ⇒ψ = 1+ µ 2θ M 1 µ 2θ M ± ± mt ω n θ S ( µ md − µ 2θ M εt ) (1 + mt ) (1 −ψ ) = ± 1 θ S ( −µ me + µ 2θ M εt ) (1 + mt ) mtω n 1 θ S ( µ md − µ 2θ M εt ) (1 + mt ) µ 2θ M mt ω n 1 (1 + mt )θ S µ 2θ M mt ω n ( µm d − µ 2θ M εt ) Nous retenons la version suivante de la fonction de réaction des travailleurs : ψ = 1+ 1 µ 2θ M − 1 (1 + mt )θ S µ 2θ M mt ω n (µm d − µ 2θ M ε t ) La version avec un signe positif implique que les travailleurs exigent toujours une surindexation du taux de salaire nominal à l’inflation, ce qui contredit nos hypothèse de départ. 6.2- Le degré d’ajustement optimal des salaires nominaux. La précédente démonstration conduit à l’égalité suivante : 2 (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) = θ S ( µ md − µ 2θ M εt ) (1 + mt ) mtω n . 363 En replaçant mt par la fonction de réaction de la banque centrale, me − µθ M εt ,on 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) obtient l’égalité suivante : (1 + µ θ (1 −ψ ) ) 2 M md − µθ M εt 1 + 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) S d 2 M = θ ( µ m − µ θ εt ) md − µθ M εt ωn 2 M 1 + µ θ (1 −ψ ) 2 (1 + µ θ (1 −ψ ) + m − µθ ε ) ε) ( m − µθ ε ) ω 2 =θ S ( µm 2 d −µ θ M M d M t t d M n t = µθ S 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) + md − µθ M εt ) n ( ω Appelons x la quantité (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) . On obtient une équation de second degré en x : x2 − µθ S µθ S e x − ( m − µθ M εt ) = 0. ωe ωe La résolution de cette équation débouche sur les solutions suivantes : 2 µθ S µθ S ∆ = b2 − 4ac = n − 4 n ( md − µθ M εt ). ω ω 2 µθ S µθ S µθ S d 4 ± − m − µθ M εt ) n n ( ωn ω ω −b ± b2 − 4ac = 2a 2 µθ S ωn ⇒ xi = n 1 ± 1 − 4 S ( md − µθ M εt ) θ µ 2ω ⇒ xi = En remplaçant x par son expression on obtient une solution en ψ : ψi = 1 + 1 µ 2θ M − θS θS ωe 1 4 me − µθ M εt ) . ± − ( M e M e S 2µθ ω 2µθ ω θ µ 6.3- L’impact d’une baisse de l’effort horaire sur l’équilibre du marché du travail. Nous distinguons les cas d’une demande de travail croissante et décroissante par rapport à l'effort horaire. i- Le cas d'une demande croissante. Dans ce cas, une baisse de l'effort horaire stimule en même temps l'offre et la demande de travail. L'évolution du salaire réel qui en découle dépendra de l'ampleur des augmentations 364 respectives de l’offre et de la demande. Les figures 1 et 2 décrivent les différentes possibilités d’équilibre. L'analyse de ces deux graphiques nous conduit à deux principales conclusions : (i) Une baisse de l'effort horaire s'accompagne toujours par une augmentation du volume de l'emploi. C'est une conséquence logique d'une augmentation simultanée de l'offre et de la demande de travail. Le volume de l'emploi atteint donc son maximum, lorsque l'effort horaire est à son minimum. (ii) Le salaire réel peut évoluer dans les deux sens. Il s'appréciera lorsque l'augmentation de la demande est plus importante que celle de l'offre et il baissera dans le cas contraire. ii- Le cas d'une demande décroissante. Dans ce cas, l'offre et la demande évoluent dans des sens opposés à la suite d'une baisse de l'effort horaire. Les figures 3 et 4 considèrent le passage de emax à emin et illustrent les différentes possibilités d'équilibre. On remarque d'abord que le salaire réel évolue toujours le même sens. En effet, lorsqu'une augmentation de l'offre s'accompagne d'une baisse de la demande, le salaire réel évoluera nécessairement à la baisse. Ainsi, le salaire réel d'équilibre atteint sa valeur la moins élevée lorsque l'effort horaire est à son niveau minimal. Quant au volume de l'emploi, son évolution dépend de la sensibilité de l'offre et de la demande à l'effort horaire. Lorsque le taux de croissance de l'offre dépasse en valeur absolue celui de la demande, alors le volume de l'emploi peut augmenter. Dans ce cas, la baisse du taux 365 Figure 1 : Une demande décroissante et moins sensible que l’offre aux variations de e . Ld,Lo Lo(ω,emax) Ld(ω,emin) Lmax Lo(ω,emin) Lmin ωmin ω ωmax Figure 2 : Une demande décroissante et plus sensible que l’offre aux variations de e . Ld,Lo Lo(ω,emax) d L L(max ω,emin) Lo(ω,emin) Lmin ωmin ωmax ω 366 Figure 3 : Une demande croissante et moins sensible que l’offre aux variations de e . Ld,Lo Lo(ω,emin) Ld(ω,emin) Lmin Lo(ω,emax) Lmax ωmin ω ωmax Figure 4 : Une demande croissante et plus sensible que l’offre aux variations de e . Ld,Lo Lo(ω,emin) LdL(max ω,emin) Lo(ω,emax) Lmin ωmin ωmax ω 367 de salaire réel sera tellement forte, qu'elle encourage les entrepreneurs à demander plus d'heures d'effort malgré la baisse de l’effort horaire. Dans le cas contraire, la baisse du salaire réel ne sera pas suffisante pour inciter l'entrepreneur à recruter d'avantage. La baisse de l'effort horaire s'accompagnera donc d'une détérioration du volume de l'emploi. Conclusion : une baisse du taux d'effort horaire peut contribuer à promouvoir l'emploi. Cette conclusion est toujours vraie lorsque la demande de travail est décroissante par rapport à l'effort horaire, mais elle peut également l'être dans le cas contraire. Une politique expansive est par conséquent capable de résorber une partie du chômage dans les deux cas. 368 Annexe 7 7.1- Les dérivées des équations de comportement 7.1.1- La consommation désirée Nous déduisons l'expression de la dérivée de la consommation par rapport à la richesse totale, à partir de l'équation (1) : E ∆2 E ∆2 − E ∆ ∆ 2 ( 1) ( 2) ( 1 2) β 2 E ( ∆1 − ∆ 2 ) ∂Ctid . = ∂WTt E ∆ 2 E ∆ 2 − E ( ∆ ∆ )2 ( 1) ( 2) 1 2 1+ β 2 E ( ∆1 − ∆ 2 ) ( ) ( ) Cette dérivée peut être réécrite sous la forme suivante : f (x ) = E ∆ 2 E ∆ 2 − E ( ∆ ∆ )2 x ( 1 ) ( 2) 1 2 . avec x = β 2 1+ x ∆ − ∆ E ( 1 2) ( ) Le tableau de variation de f nous indique qu'elle est positive si x est positif ou inférieur à –1 et négatif si x est compris entre –1 et 0. ( ) Or, le terme E ( ∆12 ) E ( ∆ 22 ) − E ( ∆1 ∆ 2 )2 est positif pour toutes variables aléatoires ∆1 et ∆2. β est positif par définition. x est donc toujours positif, ce qui implique que f l’est également. De plus, f sera toujours comprise entre 0 et 1. En effet, lorsque x est positif 1/(1+x) est toujours compris entre 0 et 1. On peut donc affirmer que seule une partie de tout accroissement de la richesse totale sera consacrée à la consommation actuelle. A partir de l'équation (1) on obtient les expressions des dérivées de la consommation par rapport au rendements anticipés des actions, E(∆1), et de la dette publique, E(∆2) : ∂Ctid ∂E ( ∆1 ) E ∆ ∆ −∆ E ∆ ∆ −∆ ( ( 2 ( 2 1 )) 2( 2 1 )) bβ b β 1 − 2 E ( ∆ − ∆ )2 E ( ∆1 − ∆ 2 ) 1 2 ∂Ctid et =− =− ∂E ( ∆ 2 ) E ∆ 2 E ∆ 2 − E ( ∆ ∆ )2 E ∆ 2 E ∆ 2 − E ( ∆ ∆ )2 ( 1 ) ( 2) ( 1 ) ( 2) 1 2 1 2 1+ β 1+ β 2 2 E ∆ − ∆ E ∆ − ∆ ( 1 2) ( 1 2) ( ) ( ) ( ) ( ) 369 ( 2 ) Le signe de la première dérivée dépend de celui du terme suivant : E ( ∆1 ∆ 2 ) − E ( ∆ 2 ) . ( ) , et négative dans le cas contraire. La deuxième dérivée prend le signe du terme suivant : E ( ∆ ∆ ) − E ( ( ∆ ) ) . Elle est donc positive ou nulle si E ( ∆ ∆ ) ≥ E ( ( ∆ ) ) et négative par ailleurs. Elle est donc positive ou nulle si E ( ∆1 ∆ 2 ) ≥ E ( ∆ 2 ) 2 2 1 2 1 2 1 2 1 Les termes que nous venons de décrire illustre l’opposition entre les effets de substitution et de revenu. Les travaux empiriques révèlent que l'augmentation des rendements réels anticipés stimule les placements au détriment de la consommation. L'effet de substitution semble donc l'emporter sur l'effet de revenu. 7.1.2- La richesse désirée D'après la contrainte budgétaire, on sait que la richesse financière désirée est égale à l'écart entre la richesse totale et la consommation : WFt id = WTt i − C tid . On peut donc écrire : ∂WFt id ∂C tid = 1 − ∂WTt i ∂WTt i Il en découle que la dérivée de la richesse désirée par rapport à la richesse totale est comprise entre 0 et 1 puisque ∂C tid l'est également (voir 7.1.1). ∂WTt i A partir de la contrainte budgétaire on déduit également que les dérivées de la richesse financière par rapport aux rendements anticipés des titres ont des signes contraires aux dérivées de la consommation par rapport à ces mêmes variables : ∂WFt id ∂C id ∂WFt id ∂C id = − t et =− t . ∂∆ 1 ∂∆1 ∂∆ 2 ∂∆ 2 Nous appelons η1, η2 et η3 les dérivées respectives de la richesse financière désirée par rapport à la richesse totale, à E(∆1) et à E(∆2). Ces paramètres ont les expressions suivantes : 370 E ∆ ∆ −∆ E ∆ ∆ −∆ ( ( 2 ( 2 1)) 2( 2 1)) bβ bβ 1− E ( ∆ −∆ )2 E ( ∆ −∆ )2 1 2 1 2 . 1 ,η = et η = η1 = 2 3 E ∆2 E ∆2 − E ∆ ∆ 2 E ∆2 E ∆2 − E( ∆∆ )2 E ∆2 E ∆2 − E( ∆ ∆ )2 ( 1 2) ( ( ( 1 ) ( 2) 1 2 1 ) ( 2) 1 ) ( 2) 1 2 1+ β 1+ β 1+ β 2 2 2 E ( ∆1 −∆2 ) E ( ∆1 −∆2 ) E ( ∆1 −∆2 ) ( ( ) ) ( ) ( ) ( ) Un dernier paramètres η0 regroupe les termes indépendants de E(∆1) et de E (∆2): η0 = − a . E ∆2 E ∆2 − E ∆ ∆ 2 ( 1) ( 2) ( 1 2) 1+ β 2 E ( ∆1 − ∆ 2 ) ( ) Ces paramètres permettent de simplifier les équations. Nous supposons que les moments mixtes et de second ordre sont stables dans le temps. Les paramètres η0, η1, η2 et η3 ont donc des valeurs constantes. Nous avons précisé que l'effet de substitution est souvent plus puissant que l'effet de revenu : une augmentation des rendements réels anticipés se traduit vraisemblablement par une augmentation de la richesse financière et une baisse de la consommation. η2 et η3 prendront donc des valeurs positives. η1 sera compris entre 0 et 1. 7.1.3- La demande d'action A partir de l'équation (2) on peut facilement déduire les expressions et les signes des dérivées de la demande d'actions par rapport aux taux de rendements des deux actifs : ∂Qtid ∂Qtid b b = > 0 et =− < 0. 2 2 ∂E ( ∆1 ) E ( ∆ − ∆ ) ∂E ( ∆ 2 ) E ( ∆1 − ∆ 2 ) 1 2 ( ) ( ) Une simple manipulation algébrique permet d'obtenir l'expression de la part des actions dans le portefeuille : id Qt WFt id = ( E ( ∆ ) − E ( ∆ )) 1 WFt b 2 id E (( ∆ 1 − ∆2 ) 2 ) + E ( ∆2 ( ∆2 − ∆1 ) ) E (( ∆ 1 − ∆2 ) 2 ) . Il est facile de voir que la dérivée de cette expression par rapport à la richesse financière dépend de l'écart entre le taux de rendement des actions et celui de la dette publique : 371 Qtid b ∂ id ∂WFt id = ( E ( ∆1 ) − E ( ∆2 ) ) . 2 E ( ( ∆1 − ∆2 ) ) WFt Nous allons regrouper les termes composés des moments mixtes et de second ordre (en supposant que ces termes sont constants) sous les paramètres θ1 et θ2 : θ1 = b ( E ( ∆1 − ∆ 2 ) 2 ) et θ 2 = E ( ∆ 2 ( ∆ 2 − ∆1 ) ) ( E ( ∆1 − ∆ 2 ) 2 ) Cette modification permet une présentation plus simple et plus lisible des équations. θ1 est toujours positif. θ2 peut prendre différents signes. Là encore on est en présence de deux effets contradictoires. Les conditions qui déterminent le signe de θ2 sont identiques à celles qui déterminent le signe de η2. Les deux paramètres sont donc de même signe. Conformément aux constat empiriques, on va donc supposer que θ2 est positif et que toute augmentation de la richesse se traduit par une croissance des placements en actions. 372 7.2- Présentation du modèle 7.2.1- Définition des variables Ctd : la consommation réelle désirée à la date t. Ct : la consommation réelle effective à la date t. Ytm : le revenu salarial réel à la date t. wt : le taux de salaire nominal à la date t. ωt : le taux de salaire réel à la date t. WFtd : la richesse financière réelle désirée à la date t. WFt : la richesse financière réelle effective à la date t. WTt : la richesse réelle totale à la date t. qt : la prix réel d’une action à la date t. ∧ q t : la plus-value nominale sur le prix d’une action à la date t. Yt : le volume de la production à la date t. Ptd : le prix désiré à la date t. Pt : le prix effectif à la date t. πt : le taux d'inflation de la date t. Ktd : le stock de capital désiré à la date t. Kt : le stock de capital effectif à la date t. Itd : la demande désirée d’investissement à la date t. It : la demande effective d’investissement à la date t. Ndtd : la demande désirée de travail à la date t. Ndt : la demande effective de travail à la date t. Nst : l’offre de travail à la date t. Qst : l’offre d’actions à la date t. Qdtd : la volume désirée d’actions désiré à la date t. Qdt : la demande effective d’actions à la date t. ∏t : le profit nominal à la date t. ρt : le taux de profit nominal sur fonds propres à la date t (net d'impôt). Bst : l’offre de dette publique à la date t. Bdt : la demande effective de dette publique à la date t. ℜt : le taux de rendement nominal de la dette publique émise à la date t. 373 rt : le taux d'intérêt nominal de court terme à la date t. Gt : les dépenses publiques réelle à la date t. At : un indicateur du progrès technique. τ : le taux d’imposition. G0 , r0 et τ0 représentent les valeurs d’équilibre respectives de G , r et τ . y* et B*, P* et Qd* représentent respectivement le volume de la production, le volume de la dette publique, le niveau des prix et la valeur boursière du capital ciblés par les autorités budgétaires ou monétaires. 7.2.2- Les équations du modèle Les variables de passage Les revenus salariaux : Yt m = (1 − τ ) ωt N t m La dynamique de la richesse : WTt = Yt + Le taux de profit nominal : ρt = La plus-value nominal : qt = ∧ 1 + (1 − τ ) ℜt −1 1+ πt ∧ Bd t −1 + 1 + (1 − τ ) qt + ρt 1+ πt Qd t −1 (1−τ ) Πt pt −1qt −1Kt −1 pt qt − pt −1qt −1 pt −1 qt −1 Le comportement des consommateurs La richesse financière désirée : ∧ 1 + 1 − τ q ( ) ta+1 + ρta+1 1+ (1−τ ) ℜt WFt d = η1WTt +η2 +η0 a +η3 1+ π a 1 + π t + 1 t + 1 La richesse financière effective : WFt = (WFt d ) (WFt −1 ) ψ La consommation effective : 1−ψ C t = WTt − WFt 374 ∧ (1 − τ ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ ) ℜt La demande d'actions : Qdt = θ1 La demande d'obligations : Bdt = WFt − Qdt L'offre de travail : Ns t = N 0ω t 1 + π ta+1 + θ 2WFt + θ 0 ϕ Le comportement des producteurs 1 + rt +δ α −1 1 a 1 − α 1 + π ta+1 = Yt +1 A ω ta+1 α Le capital désiré : K td Le capital effectif : K t = ( Ktd ) La demande désirée de travail : 1 + rt −1 +δ α 1 1−α 1+ πt Ndtd = Yt ωt A α La demande effective de travail : Nt = ( Ndtd ) ( N t −1 ) Les investissements : I t = K t − (1 − δ )K t −1 u α −1 1− u ( Kt −1 ) α v 1− v 1 + rt −1 1 +δ d 1 α ωt 1 + π t d Pt = A α 1−α Πt = Pt Yt − wt Nt − (1+ rt )Pt I t Qst = qt K t Le prix désiré : Le profit nominal : L'offre d'actions : 1−α α La dynamique des prix χ Pt = ( Pt d Ω ) (P ) 1−Ω t −1 Yt . Yt −1 Le comportement des autorités La contrainte budgétaire : Bst = 1+(1−τ ) ℜt−1 1+πt ∧ Πt qt d Bst−1 +Gt −τ ωt Ndt + + Qdt−1 −(1−λ1 ) rI t t Pt 1+πt 375 σ Les fonctions de réaction budgétaire : λ 1−λ 0 t −1 Gt = G G γ1 La fonction de réaction monétaire : λ 1− λ t −1 rt = r0 r σ σ4 σ 1 2 3 * Yt Pt Bt Bt Y * * * Yt Pt Bt Yt B t γ2 γ3 Yt Pt Qdt * * * Yt Pt Qdt L’équilibre des marchés. Le marché de la dette : Bd t = Bst Le marché des actions : Qd t = Qs t Le marché du travail : N t = N t (ωt ) et Le marché des biens : Yt = C t + I t + G t N wt = (1 + φπ t ) wt −1 t N0 µ 7.3- L'étalonnage 7.3.1- Définition de l'équilibre initial Notre objectif n'est pas de construire un modèle calculable qui retrace avec précision les caractéristiques d’une économie en particulier. Nous essayerons néanmoins de prendre des valeurs proches de celles constatées dans les pays industrialisés et notamment en France. • Nous initialisons l'ensemble des prix à l'unité : p=q= ω = w=1, et la production à 1000. • La demande globale est répartie de la façon suivante : 70% de consommation, 20% d'investissement et 10% de dépenses publiques. Ainsi, C=700, I=200 et G=100. • Le revenu du travail s'élève à 70% du PIB et le stock de capital à deux fois le PIB : N=700 et K=2000. • La taux d'imposition s’élève à 14% : τ = 0.14. 376 • L’offre et la demande d’action correspondent au stock de capital physique des entreprises : Qs = Qd = 2000. • La dette publique représente 50% du PIB : Bs = Bd=500. • A l'équilibre, tous les prix sont stables et l'ensemble des variables prennent leurs valeurs ∧ désirées. On ne constate donc ni inflation, ni plus-value sur le prix des actions : q t = π =0. • Le taux d'intérêt de court terme s'élève à 1,5 % : i = 0.015. • On rajoute une prime de risque pour obtenir le taux d'intérêt de long terme : R = 0.02. • Le taux de rendement sur les fonds propres est de 4,8 % : ρ = 0.048. • Le reste des variables prennent des valeurs dictées l’équilibre du modèle : Π=97, WF=2500,WT=3200,Ym=700,Bs/Y=0,5. 7.3.2- L'initialisation des paramètres Dans la version classique du modèle les paramètres prennent les valeurs suivantes108 : • La part du facteur travail dans le PIB s’élève à 70 % : α = 0.7. • Le capital est renouvelé en moyenne au bout de 10 périodes : δ =0.1. • La réaction de l’offre de travail aux variations du taux de salaire réel : ϕ =0.75. • La réaction de la consommation désirée aux variations de la richesse totale, du rendement des actions et du rendement de la dette publique : η1 = 0.5, η2 = -2000 et η3 = -2000. • La réaction de la demande d'actions aux rendements des actifs et à la richesse financière : θ1 = 20000 et θ2 = 0.2. • Les agents ont une légère préférence pour le présent. Le taux d'actualisation prend donc une valeur légèrement inférieure à 1 : β =0.9. • Une partie des intérêts versés par les entreprises revient aux ménages : λ =0.75. Dans la réalité, cette partie revient aux organismes financiers qui servent d'intermédiaire entre les autorités monétaires et les emprunteurs. Or, ces organismes sont la propriété des agents 108 Les valeurs des paramètres relatifs aux rigidités nominales et réelles sont données au sein des chapitres, lorsque ces imperfections sont introduites dans la maquette. 377 privés. Il est donc logique de considérer qu'une partie des ces revenus est distribuée aux ménages. 378 Bibliographie. Akerlof G. et Yellen J. (1985), “A near rational model of the business cycle, with wage and price inertia”, Quarterly Journal of Economics, Supplement. Alesina A. et Perotti R. (1995), “ Fiscal expansions and fiscal adjustments in OECD countries”, Economic Policy, N°21. Alesina A. et Perotti R. 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Introduction………...………….……………………………………………………………..1 Chapitre 1 : Une revue des anciens débats théoriques………..…………………………..12 Section 1 : La théorie keynésienne et l’essor des politiques de relance……………………………………………………….13 I- Les fondements du paradigme keynésien…………………………………………………..13 1- Les rigidités nominales………………………………………………………………...13 2- La demande de monnaie et la rupture de la dichotomie classique…………………………………………………………....14 3- La politique budgétaire : un moyen d’intervention privilégié………………………....15 4- Pourquoi pas la politique monétaire ?…………………………………………………16 II- Une interprétation des idées keynésiennes : Le modèle IS-LM…………………………...17 1- Présentation du modèle………………………………………………………………...17 2- Les multiplicateurs budgétaire et monétaire…………………………………………...18 III- Les premières critiques…………………………………………………………………...20 1- L’effet stabilisant de la flexibilité des prix…………………………………………….20 2- Un modèle à prix flexible……………………………………………………………...21 Section 2 : L’apport du courant monétariste…………..………………………………….23 I- Les critiques monétaristes et les répliques keynésiennes…………………………………..23 1- L'effet d'éviction……………………………………………………………………….23 1.1- Les arguments théoriques……………………………………………………………24 1.2- Les preuves empiriques……………………………………………………………...25 1.2.1- Les résultats de la simulation………………………………………………………25 1.2.2- Les critiques de la méthodologie monétariste……………………………………...26 2- La richesse et la demande de monnaie…………………………………………………27 3- La courbe de Phillips augmentée des anticipations……………………………………29 390 4- Quelques réflexions concernant le débat entre monétaristes et keynésiens…………………………………………………………...31 II- Les propositions monétaristes……………………………………………………………..32 1- La théorie monétaire du revenu nominal………………………………………………32 2- La demande de monnaie et le revenu permanent………………………………………33 3- Une analyse critique des propositions monétaristes…………………………………...35 3.1- Multiplicateur ou diviseur de crédit ?………………………………………………..35 3.2- Les lacunes de la fonction de demande de monnaie…………………………………36 3.2.1- Les motifs d’instabilité…………………………………………………………….36 3.2.2- L’absence du taux d’intérêt………………………………………………………..38 3.3- Le choix de l’instrument monétaire : l’approche de Poole (1970)…………………………………………………………39 3.3.1- Présentation du modèle…………………………………………………………….39 3.3.2- Discussion des résultats……………………………………………………………40 Section 3 : Les critiques fondamentales……………………………………………………43 I- Le renouveau des propositions classiques………………………………………………….43 1- Les principales critiques……………………………………………………………….43 1.1- Une analyse statique…………………………………………………………………43 1.2- Le manque de fondement microéconomique………………………………………...44 2- Un cadre théorique alternatif…………………………………………………………..45 3- L’hostilité envers les politiques de stabilisation……………………………………….46 3.1- Un impact négligeable sur la consommation………………………………………...46 3.2- Des conséquences futures dangereuses………………………………………………47 3.3- Le rôle de la politique budgétaire……………………………………………………49 II- Les faiblesses de la nouvelle construction classiques……………………………………..50 1- La myopie des agents…………………………………………………………………..50 2- L'imperfection des marchés financiers……………………………………………….. 51 2.1- Les contraintes de liquidité…………………………………………………………..51 2.2- Le financement de la retraite………………………………………………………...52 3- Une critique des postulats classiques…………………………………………………..53 4- Quelques problèmes de modélisation………………………………………………….55 5- Des explications keynésiennes à la crise des années70………………………………..57 391 Première partie : Un bilan de la littérature……..…………………………………………60 Chapitre 2 : Les approches théoriques contemporaines de la politique budgétaire……………………………………………………61 Section 1 : Le principe néoricardien d'équivalence……………………………………….62 I- Les fondements théoriques………………………………………………………………..62 1- L'apport de Barro……………………………………………………………………..62 2- Le cadre théorique sous-jacent……………………………………………………….64 2.1- Description du modèle……………………………………………………………..64 2.2- Les principaux résultats……………………………………………………………65 II- Les conclusions et les recommandations………………………………………………..67 1- Le renouveau de l’équivalence ricardienne………………………………………….67 2- La stabilité du taux d’intérêt…………………………………………………………67 3- Les arguments en faveur d’une politique contracyclique……………………………68 4- Le lissage fiscal………………………………………………………………………69 III- Les faiblesses de l'approche néoricardienne……………………………………………69 1- Les critiques fondamentales…………………………………………………………70 1.1- Le caractère altruiste des transferts………………………………………………..70 1.2- L'équivalence en univers incertain………………………………………………...71 1.3- L'imperfection des marchés financiers……………………………………………72 1.4- La stabilité du taux d'intérêt………………………………………………………..73 2- Quelques problèmes techniques……………………………………………………...74 2.1- Les solutions en coin……………………………………………………………….74 2.2- Les complications du cadre dynastique…………………………………………….75 3- Un désaveu empirique……………………………….……………………………….76 3.1- La stabilité de l’épargne nationale………………………………………………….76 3.2- Les évaluations globales……………………………………………………………77 Section 2 : La politique budgétaire dans une optique d’offre…………………………….79 I- Une méthode d'analyse innovante…………………………………………………………80 392 1- Les enseignements de l’expérience européenne………………………………………80 1.1- La composition un facteur déterminant du succès ?………………………………...81 1.2- La composition et les conséquences macroéconomiques……………………………82 1.3- Les canaux de transmission………………………………………………………….83 1.3.1- Les incitations immédiates………………………………………………………...83 i- Le canal de la demande…...……………………………………………………………83 ii- Le canal de l’offre……………………………………………………………………..84 1.3.2- Les incitations anticipées…………………………………………………………..85 2- La crédibilité et la composition des redressements……………………………………87 II- Les failles de la théorie des multiplicateurs négatifs……………………………………...90 1- Le rôle des politiques d'accompagnement….………………………………………….90 2- La conjoncture et les caractéristiques structurelles de l'économie……………………91 3- Le désaccord sur le mode de fonctionnement de l'économie………………………….91 4- Les difficultés posées par les anticipations……………………………………………92 5- Une lecture critiques des résultats empiriques………………………………………..93 5.1- L'effet crédibilité…………………………………………………………………….93 5.2- Les conséquences réelles de la politique monétaire…………………………………94 5.3- Une mauvaise appréciation de la conjoncture……………………………………….96 Chapitre 3 : Le volet empirique du débat budgétaire….…………………………………98 Section 1 : Le bilan des études empiriques………………………………………………..99 I- Les relations fondamentales………………………………………………………………..99 1- La politique budgétaire et la consommation…………………………………………..99 1.1- Les principaux résultats……………………………………………………………..99 1.2- Une analyse explicative…………………………………………………………….100 1.2.1- La myopie des agents…………………………………………………………….100 1.2.2- Les contraintes de liquidité……………………………………………………….101 2- La politique budgétaire et le taux d'intérêt…………………………………………...104 II- Les origines des divergences empiriques………………………………………………...106 1- Les conflits d'ordre conceptuel……………………………………………………….106 2- Une illustration de l'importance des corrections……………………………………...108 393 Section 2 : Les indicateurs de la politique budgétaire…..……………………………….110 I- Les indicateurs d'action délibérée…………………………………………………………110 1- Une analyse théorique des stabilisateurs automatiques………………………………111 1.1- Comment reconnaître l'orientation budgétaire en présence des stabilisateurs ?……………………………………………………111 1.2- La nécessité des stabilisateurs automatiques……………………………………….113 1.3- L'ampleur de la stabilisation………………………………………………………..114 2- Quelques exemples d'indicateurs d'action délibérée………………………………….116 2.1- Le surplus du taux naturel…………………………………………………………..116 2.2- Le «Cyclically Adjusted Budget (CAB)»…………………………………………..116 2.3- L'indicateur proposé par De Boissieu et Gubian…………………………………...117 2.4- L'indicateur de Blanchard…………………………………………………………..117 II- Les indicateurs de soutenabilité………………………………………………………….118 1- Définition du problème……………………………………………………………….119 2- Présentation des indicateurs…………………………………………………………..121 III- Les indicateurs d'impact………………………………………………………………...123 1- Le solde budgétaire pondéré…..……………………………………………………...123 2- L’indice d’impact budgétaire…………………………………………………………124 3- Les indicateurs basés sur la comparaison des déficits………………………………..125 Section 3 : Les effets de redistribution……………………………………………………126 I- Présentation des comptes générationnels…………………………………………………127 1- Pourquoi les comptes par génération ?……………………………………………….127 2- La conception des comptes par génération…………………………………………...128 3- Les avantages de cette technique……………………………………………………..129 3.1- Des résultats moins conflictuels……………………………………………………130 3.2- Une meilleure appréciation des conséquences futures de la politique budgétaire………………………………………………….130 3.3- L'appréciation des effets allocatifs de la politique budgétaire. …………………….131 II- Les principales lacunes…………………………………………………………………..133 1- Un bouclage macroéconomique incomplet. …………………………………………133 1.1- Les problèmes posés par les simplifications……………………………………….133 394 1.2- Les répercussions sur la fiabilité des résultats…...………………………………...133 2- Une vision incomplète de la politique budgétaire…………………………………...135 2.1- Faut-il se limiter aux dépenses de transfert ?………………………………………135 2.2- La solution proposée………………………………………………………………..137 III- Pour une meilleure exploitation des comptes par génération…………………………...137 1- Une endogénéisation de certains paramètres et variables……………………………137 2- Une exploitation moins ambitieuse et plus réaliste des résultats…………………….139 Chapitre 4 : Réputation et crédibilité : les nouveaux déterminants de la politique monétaire……..……………………………140 Section 1 : Les objectifs réels et le biais inflationniste………..………………………….142 I- Les fondements de l’analyse classique……….…………………………………………..142 1- Le choix de l’instrument…………………………………………………………….143 2- La transmission des mesures monétaires……………………………………………144 3- Le comportement de la banque centrale…………………………………………….145 3.1- L'aversion envers l'inflation……………………………………………………….145 3.2- Les tentations inflationnistes………………………………………………………145 3.2.1- Le motif d'emploi……………………….………………………………………..146 3.2.2- Le motif de revenu…………………….…………………………………………146 4- La fixation du salaire nominal : un choix stratégique…….………………………….147 4.1- Les anticipations et l'arbitrage entre l'inflation et le chômage………..…………….148 4.2- Les conséquences inflationnistes du jeu……………………………..……………..148 II- Un modèle illustratif……………………………………………………….…………….150 Section 2 : Les asymétries d'information et les conséquences de court terme de la politique monétaire……….…………………………….152 I- L'information relative aux préférences de la banque centrale………….…………………153 1- L'importance accordée à l'emploi………………………………….…………………153 1.1- Incertitude sur le banquier central en exercice ?………………..…………………..154 1.1.1- La banque centrale en place est du type "dur"………………..…………………..155 1.1.2- La banque centrale en place est du type "faible"……………..…………………..155 395 1.2- Les variations de l'importance relative accordée à l'emploi……..…………………156 2- Les asymétries concernant les objectifs de la banque centrale…….…………………157 II- L'information relative à la situation économique…………………….………………….158 1- Un avantage d'information concernant les chocs réels…………..…………………...158 2- Un avantage d'information concernant les chocs nominaux…….…………………...159 Section 3 : Comment résorber une inflation inutile ?………..…….……………………162 I- Les règles monétaires……………………………………………….…………………….162 1- Le choix de la règle……………………………………………..…………………….162 2- La réputation : une garantie de crédibilité…………………….……………………...163 2.1- La réputation et le choix de la politique monétaire………….……………………..163 2.2- La stratégie punitive : Une solution au problème de crédibilité…….……………...164 2.3- Les limites du modèle Barro-Gordon……………………………….……………...166 3- Des solutions institutionnelles au problème de crédibilité…………….……………..168 II- Des solutions plus réalistes……………………………………………….……………...169 1- L’affectation d’un banquier central conservateur……………………..……………...169 2- L’indépendance de la banque centrale………………………………..………………170 2.1- Pourquoi l'indépendance ? ………………………………………….……………...170 2.2- L’ambiguïté autour du concept d'indépendance…………………….……………...171 3- Le modèle d’apprentissage : Un fondement théorique pour des solutions réalistes……….…………………...172 3.1- Présentation du modèle……………………………………..………………………172 3.2- Le comportement des travailleurs…………………………..………………………174 3.3- Le problème de décision de la banque centrale……………..……………………...176 3.4- Analyse des résultats………………………………………..……………………....178 3.5- Conclusion………………………………………………….……………………....179 Section 4 : Critiques et perspectives……………….…………….………………………..180 I- Un bouclage macroéconomique incomplet…………………….…………………………180 1- La théorie de l’inflation……………………………………….……………………...181 1.1- Les origines réelles de l’inflation………………………….……………………….181 1.2- Les conséquences de l’inflation………………………….………………………...181 396 2- L’interaction entre les politiques monétaire et budgétaire………..…………………………………………………….182 3- Des objectifs conflictuels……….……………………………………………………183 4- Des hypothèses irréalistes……….…………………………………………………...184 II- Le comportement des joueurs……….…………………………………………………...185 1- Les motivations de la banque centrale………..………………………………………185 1.1- La banque centrale est les pressions externes………..……………………………..185 1.2- La banque centrale et le bien-être social……………..……………………………..186 1.2.1- Une alternative keynésienne aux arguments de Barro et Gordon………….…………………………………..186 1.2.2- La coordination n'est pas nécessairement imposée…………………..…………...187 1.2.3- La planification et l’évolution des objectifs…………………………..………….188 2- Quelques commentaires concernant la fonction objectif…………………..…………188 2.1- Objectif de production ou objectif d’emploi ?………………………….………….188 2.2- Une réinterprétation de l’objectif d’inflation……….……………………………...190 3- Le comportement des travailleurs…………………….……………………………...190 3.1- Le risque de licenciement………………………….………………………………191 3.2- Une variété d’objectifs…………………………….……………………………….191 3.3- Une approche plus complète du bien-être social…………………………………..192 Chapitre 5 : La coordination dans une optique stratégique……….……………………193 Section 1 : Performance, crédibilité et coordination dans un jeu à trois joueurs………………………………………………….194 I- Présentation du modèle…………………………………………………………………...194 1- Les fondements théoriques…………………………………………………………194 2- L'ordre des événements……………………………………………………….……196 II- Le cas de deux politiques discrétionnaires non coordonnées…………………….………197 1- L'équilibre de Nash. ………………………………………………………….…….197 1.1- Le comportement du gouvernement………………………………………..…….197 1.2- Le comportement de la banque centrale………………………………………….199 1.3- Les propriétés de l'équilibre……………………………………………………....201 1.4- Une interprétation des résultats…………………………………………….……..203 397 2- L’équilibre de Stackelberg………………………………………………………….206 2.1- La résolution du modèle…………………………………………………………..206 2.2- Les propriétés de l’équilibre………………………………………………………207 III- Le cas d'une banque centrale crédible…………………………………………………..209 IV- L'équilibre en cas de politiques coordonnées…………………………………………..212 Section 2 : Critiques et extensions du modèle……………………………………………215 I- Des résultats et des hypothèses non conventionnelles……………………………………215 1- Les canaux de transmission de la politique monétaire……………………….………216 2- Les préférences des autorités…………………………………………………………219 II- D’autres motifs de coordination………………………………………………….………220 1- Les anticipations et l'efficacité de la politique budgétaire……………………………220 2- L'absence d'équilibre………………………………………………………….………223 Deuxième Partie : Quelques propositions personnelles…….……………………………225 Chapitre 6 : Le comportement stratégique des travailleurs : les fondements d’une attitude coopérative envers les politiques de relance……….…………226 Section 1 : La stratégie des travailleurs en cas de récession………..……………………..228 I- Un fondement microéconomique à l’objectif d’emploi…………………………………….228 1- Description du problème de décision ……………………………………………….228 2- Le risque de licenciement : une externalité macroéconomique dans un problème microéconomique…………………………………………………………230 II- De la réaction individuelle à la stratégie globale………...………………………………...232 1- La fonction objectif des travailleurs………………...………………………………..233 2- Les déterminants de la réaction des travailleurs……...………………………………234 III- L'impact de la politique monétaire en cas de choc……...………………………………237 1- La stratégie des autorités monétaires…………………………………………………238 1.1-Le problème de décision………………………………………………………………238 1.2-La fonction de réaction de la banque centrale……...…………………………………240 1.3-La politique monétaire et l’emploi……...…………………………………………….242 2- La réaction des travailleurs…...…………………...…………………………………243 2.1- Description du problème de décision…...……………………………………………243 2.2- LE CHOIX DU DEGRE D'AJUSTEMENT OPTIMAL ……..………………………………………244 398 Section 2 : La réaction des travailleurs en dehors des périodes de récession………………………..………………………………..247 I- L'effort et l'équilibre du marché du travail………………………………………………247 1- L'effort et la demande de travail……………………………………..…………………248 1.1- L’effort dans le processus de production…………………………..…………………248 1.2- Le problème de décision de l'entrepreneur………………………..…………………250 1.3- Les caractéristiques de la demande de travail ……………………..…………………252 1.4-Le cas d’une fonction Cobb-Douglas……………………………….………………...253 2- L'effort et l'offre de travail……………..……………………………………………..254 3- L'équilibre du marché du travail ……..………………………………………………257 II- L'impact d'une politique de relance sur l'emploi……...………………………………….259 1-Le comportement stratégique des trois joueurs……...………………………………..259 1.1- La réaction des travailleurs…………………………………………………………259 1.2- La réaction des producteurs………………………………………………………...261 1.3- La banque centrale et la mise en place des politiques inflationnistes……………....262 2- Le réalisme des hypothèses ………………………………………………………….263 3- Les conclusions macroéconomiques…………………………………………………265 3.1- L’évidence concernant les besoins d’une baisse de l’effort………………………..265 3.2- La réduction du temps de travail : une solution alternative………………………...266 Chapitre 7 : Les marchés financiers et la nécessité des politiques de stabilisation…………………………………………..….268 Introduction…………………………………………………………………………………268 i- Les spécificités du modèle……………………………………………………………..269 ii- L’organisation du chapitre…………………………………………………………….273 Section 1 : La construction de la maquette…………………………………….…………274 I- Les fondements microéconomiques………………………………………………………274 1- Le comportement des consommateurs………………………………………………..274 1.1- Définition des variables…………………………………………………………….275 1.2- Le problème de décision……………………………………………………………276 1.2.1- La répartition de la richesse entre les placements et la consommation…………..277 399 1.2.2- La composition du portefeuille…………………………………………………...278 2- Le comportement des entrepreneurs………………………………………………….279 2.1- Les demandes de capital et de travail………………………………………………280 2.2- Le prix désiré……………………………………………………………………….282 2.3- Description du cadre comptable des entreprises……………………………………283 II- Le modèle macroéconomique……………………………………………………………284 1- La version classique du modèle………………………………………………………284 1.1- Des équations individuelles aux équations globales…….………………………….284 1.2- Le comportement des autorités……………………………………………………..286 1.2.1- La fonction de réaction de la banque centrale……………………………………286 1.2.2- Les autorités budgétaires…………………………………………………………288 1.3- L'équilibre des marchés…………………………………………………………….290 1.3.1- Les marchés financiers…………………………………………………………...290 1.3.2- Le marché du travail……………………………………………………………...291 i- La version "WSPS" ou l'équilibre concurrentiel…………………………………...291 ii- La version "Phillips" ou l'équilibre négocié………………………………………..291 1.3.3- Le marché des biens et services…………………………………………………..293 2- La version keynésienne……………………………………………………………….296 Section 2 : L’économie face aux chocs d’offre et de demande……...…………………...299 I- La version classique………………………………………………………………………300 1- La dynamique de long terme…………………………………………………………301 2- Les mécanismes d’ajustement………………………………………………………..305 3- La structure de l’économie et sa réaction aux chocs…………………………………306 3.1- L’élasticité de l’offre de travail au salaire réel……………………………………..306 3.2- Le coût initial de la dette publique…………………………………………………308 II- La version keynésienne…………………………………………………………………..309 1- La rigidité des prix……………………………………………………………………309 2- La rigidité des salaires………………………………………………………………..312 2.1- L’indexation du taux de salaire nominal à l’inflation………………………………312 2.2- L’impact de la conjoncture…………………………………………………………315 3- D’autres formes de rigidité…………………………………………………………...315 400 Chapitre 8 : L’organisation du policy mix : les enseignements de la maquette……..……………………………………317 Section 1 : La répartition des rôles………………..………………………………………319 I- L'apport d'une stabilisation budgétaire…………..………………………………………..319 1- La réaction à un choc d’offre………………..………………………………………..319 2- La politique budgétaire face à un choc de demande………..………………………...323 II- La stabilisation par la politique monétaire……………………..………………………...326 Section 2 : Le choix du régime…………..………………………..……………………….328 I- L’affectation des objectifs………………………………………..……………………….329 1- Les objectifs budgétaires……………………………………..………………………329 2- Les objectifs monétaires……………………………………..……………………….334 3- Les conclusions pour une coordination des objectifs………..……………………….338 II- Le choix des cibles……………………………………………..………………………...340 1- Quelles cibles pour les objectifs ?…………………………..………………………..340 2- Faut-il abandonner les cibles de long terme pour les instruments ?……….………...342 III- Le choix du régime…………………………………………………………..………….346 1- Définition des régimes……………………………………………………..………....346 2- Analyse des résultats……………………………………………………….………...347 Conclusion…………………………………………………………………………………..350 Annexes :……………………………………………………………………………………355 Annexe5 :……………………………………………………………………………………355 Annexe6 :……………………………………………………………………………………360 Annexe7 :……………………………………………………………………………………366 Bibliographie………………………………………..…………………………………...…376 401