L`efficacité de la politique économique :

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UNIVERSITE PARIS XII VAL-DE-MARNE
U.F.R DE SCIENCES ECONOMIQUES
ET DE GESTION
Thèse de doctorat
EN SCIENCES ECONOMIQUES
soutenue publiquement par
Sami Ben Mim
Janvier 2004
L’efficacité de la
politique
économique :
le rôle du marché du
travail et des marchés
financiers
Directeur de thèse
M. Pierre Villa, Administrateur de l’INSEE, Conseiller scientifique au CEPII
Jury :
M. Gilles Dufrenot, Professeur à l’Université Paris XII Val-de-Marne
M. Dominique Lacoue-Labarthe, Professeur à l’université Montesquieu Bordeaux IV
M. Daniel Laskar, Directeur de Chercheur au CNRS, CEPREMAP, (rapporteur)
M. Jacques Le Cacheux, Professeur à l’université de Pau et des Pays de l’Adour, Directeur du
département des études de l’OFCE
M. Jean-Paul Pollin, Professeur à l’Université d’Orléans (rapporteur)
L’Université de Paris XII Val-De-Marne n’entend donner aucune approbation ni improbation
aux opinions émises sans les thèses : ces opinions doivent être considérées comme propres à
leurs auteurs.
A mes parents, à ma famille, à
mes amis et à tous mes
enseignants en Tunisie, au
Maroc et en France.
J’espère que ce travail sera à la
hauteur de leurs espérances.
Remerciements
Mes sincères remerciements à Monsieur Pierre VILLA qui s’est montré très généreux
en temps et en effort.
Je remercie les doctorants de l’ERUDITE et du GRATICE pour leur soutien,
particulièrement Dedwi BEN SALAH.
Mes remerciements s’adressent également aux enseignants et au personnel de la
faculté de sciences économiques et de gestion de l’université Paris XII, avec un pensée
particulière à Pierre BLANCHARD pour son aide et sa disponibilité et à Pierre-Henri
FAURE pour ses précieux conseils.
Sommaire
Introduction………...…………………………………………………………………………..1
Chapitre 1 : Une revue des anciens débats théoriques………………………………………..12
Section 1 : La théorie keynésienne et l’essor
des politiques de relance…………………………………………………….13
Section 2 : L’apport du courant monétariste……………..……………………………….23
Section 3 : Les critiques fondamentales……………………..……………………………43
Première partie : Un bilan de la littérature……………………………………………………60
Chapitre 2 : Les approches théoriques contemporaines
de la politique budgétaire………………………………………………………61
Section 1 : Le principe néoricardien d'équivalence……...……………………………….62
Section 2 : La politique budgétaire dans une optique d’offre…..…..…………………….79
Chapitre 3 : Le volet empirique du débat budgétaire…………………………………………98
Section 1 : Le bilan des études empiriques…………..…………………………………..99
Section 2 : Les indicateurs de la politique budgétaire………..………………………….110
Section 3 : Les effets de redistribution………………………..…………………………126
Chapitre 4 : Réputation et crédibilité : les nouveaux
déterminants de la politique monétaire…………..……………………………140
Section 1 : Les objectifs réels et le biais inflationniste………………………………….142
Section 2 : Les asymétries d'information et les conséquences
de court terme de la politique monétaire…………………………………….152
Section 3 : Comment résorber une inflation inutile ?……..……….……………………162
Section 4 : Critiques et perspectives……………………..…….………………………..180
Chapitre 5 : La coordination dans une optique stratégique…….……………………………193
Section 1 : Performance, crédibilité et coordination
dans un jeu à trois joueurs………………………………………………….194
Section 2 : Critiques et extensions du modèle………………..…………………………215
Deuxième Partie : Quelques propositions personnelles…..…………………………………225
Chapitre 6 : Le comportement stratégique des travailleurs : les fondements
d’une attitude coopérative envers les politiques de relance………….…………226
Section 1 : La stratégie des travailleurs en cas de récession…………..…………………..228
Section 2 : La réaction des travailleurs en dehors des
périodes de récession……………………..………………………………..247
Chapitre 7 : Les marchés financiers et la nécessité
des politiques de stabilisation……….……………………………………..….268
Section 1 : La construction de la maquette………..………………………….…………274
Section 2 : L’économie face aux chocs d’offre et de demande…………..……………...299
Chapitre 8 : L’organisation du policy mix :
les enseignements de la maquette……..………………………………………317
Section 1 : La répartition des rôles………………………..……………………………319
Section 2 : Le choix du régime…………..……………..……..……………………….328
Conclusion…………………………………………………………………………………..350
Annexes :……………………………………………………………………………………355
Bibliographie……………………………………………………………………………...…376
Tables des matières….………………………………………………………………………387
Introduction
Une partie imposante de la littérature contemporaine plaide en faveur de l’inefficacité
des politiques de stabilisation et de relance. Une grande partie des dirigeants européens adhère
à cette ligne de pensée, d’où les contraintes qui pèsent sur les politiques monétaires et
budgétaires au sein de la zone Euro1.
Sur le plan théorique, cette conclusion repose sur l’hypothèse des anticipations
rationnelles et sur le postulat de la parfaite flexibilité des prix. La première propriété permet
aux agents d’internaliser les politiques futures et de les répercuter prématurément sur leurs
décisions. Ils parviennent ainsi à neutraliser partiellement ou totalement la plupart des
tentatives de relance. La deuxième dote l’économie des mécanismes qui lui permettent de
s’autoréguler, remettant en question l’utilité des politiques de stabilisation.
Les études empiriques contredisent ce quasi-consensus théorique en imputant des
effets réels non négligeables aux politiques monétaires et budgétaires. La nouvelle littérature
classique rationalise ces constats par la structure imparfaite de l’information.
Les agents souffrent souvent d’un déficit d’information notamment au sujet de leurs
revenus futurs. Cette myopie se traduit souvent en erreurs d’anticipation qui permettent à la
politique budgétaire d’influencer les plans de consommation et d’exercer ainsi un effet de
relance assez conséquent.
L’imperfection de l’information offre également une explication aux conséquences
réelles de la politique monétaire. Lucas (1972) suggère que les agents mettent du temps avant
de distinguer les chocs réels des chocs nominaux. Ainsi, les plans de production s’ajustent à
base d’informations erronées, puis reconvergent vers leurs schémas d’équilibre dès que la
confusion se dissipe.
Cukierman (1992) considèrent que les banques centrales bénéficient d’un avantage
d’information qui concerne aussi bien l’ampleur des chocs et la structure de l’économie que
1
Le soutien à l’activité a été écarté de la charte de la Banque Centrale Européenne (BCE), tandis que le contrôle de
l’inflation est explicitement désigné comme sa principale priorité. Les critères de Maastricht restreignent de leur
côté la marge de manœuvre des politiques budgétaires nationales.
8
leurs propres préférences et objectifs. Elles profitent de ces asymétries pour créer des
surprises inflationnistes qui permettent de stimuler la demande de travail.
Ces explications sont néanmoins incohérentes avec certains faits stylisés constatés
dans la réalité. L’effet de relance exercé par la politique budgétaire est souvent trop important
pour être imputé à la seule myopie des agents. En outre, l’évolution contracyclique des
déficits semble à la fois inévitable et nécessaire pour inverser la tendance en période de
récession. L’incapacité de certains pays européens à respecter le pacte de stabilité dans le
contexte économique actuel n’est qu’une preuve supplémentaire du réalisme de ces idées.
Nous constatons d’ailleurs une reprise du débat au-tour de l’assouplissement de ces
contraintes afin qu’elles puissent tenir compte des caractéristiques structurelles et des
contextes conjoncturaux de différentes économies2.
La gestion de plus en plus transparente de la politique monétaire discrédite de son côté
les explications basées sur les asymétries d’information. La mise à disposition du public d’un
ensemble d’informations plus étendu ne s’est pas traduit par une atténuation des effets réels
de la politique monétaire.
L’influence
déterminante
qu’exercent
les
anticipations
sur
l’équilibre
macroéconomique est également assez contestable. Dans une optique classique, la politique
monétaire peut avoir des répercussions positives ou négatives selon que les agents sousestiment ou surestiment les mesures entreprises par la banque centrale. Les conséquences de
la politique monétaire deviennent ainsi quasi-aléatoires. Ce résultat est difficile à admettre,
d’autant plus que les études empiriques suggèrent des scénarios beaucoup plus stables : les
politiques expansionnistes se répercutent positivement sur l’activité, tandis que les politiques
restrictives produisent généralement l’effet contraire.
Enfin, la neutralité de la politique monétaire est incohérente avec les pratiques d’une
grande partie des banques centrales qui n’hésitent pas à afficher clairement leurs soutiens à
l’activité. A ce titre, la réserve fédérale américaine (FED) a baissé son taux directeur à trois
reprises entre le deuxième semestre 2002 et le premier semestre 2003. Du côté européen, on
recense des critiques de plus en plus sévères de la part des économistes et des hommes
politiques à l’égard de l’attitude rigide des dirigeants de la BCE qui tardent à desserrer les
contraintes monétaires dans un contexte économique aussi menaçant.
2
C. Mathieu et H. Sterdyniak (2003) présentent un bilan des propositions qui ont été formulées dans ce sens.
9
Il nous semble donc qu’il existe un réel décalage entre les idées qui dominent le débat
théorique et les faits réels qui attestent de l’efficacité des politiques de stabilisation et de
relance.
Dans cette thèse, nous reconsidérons le problème de l’efficacité des politiques
économiques dans le cadre d’une analyse théorique en économie fermée. Notre objectif est de
proposer des arguments qui concilient les conclusions théoriques aux constats empiriques.
La plupart des analyses contemporaines s’accordent sur trois principales conclusions.
La première est une remise en question de l’effet de relance exercé par la politique
budgétaire. Les agents choisissent des plans de consommation de long terme et répartissent
ainsi les revenus offerts par les politiques expansionnistes sur l’ensemble de leur cycle de vie.
Ce lissage de la consommation affaiblit considérablement les effets de court terme des
politiques en question.
Barro (1974) pousse cette idée plus loin en supposant l’existence de liens altruistes
entre les différentes générations. Ces liens motivent des transferts financiers qui neutralisent
totalement l’impact de la politique budgétaire.
La deuxième conclusion concerne les conséquences de long terme des politiques
budgétaires. L’émission d’une nouvelle dette entraîne une hausse du taux d’intérêt qui érode
la dynamique d’investissement. A long terme, la faiblesse du stock de capital privé limite les
opportunités de consommation des ménages et réduit le bien-être social.
Par ailleurs, l’augmentation du taux d’intérêt alourdit les charges de la dette et contraint le
gouvernement à s’endetter davantage. En effet, les retombées fiscales de la politique de
relance ne peuvent compenser le surcroît de charges engendré par la hausse du taux d’intérêt.
Cet enchaînement peut se réitérer d’une période à l’autre, conduisant à terme à une remise en
question de la solvabilité de l’Etat. Une telle crise de confiance aurait naturellement des
conséquences néfastes sur l’activité.
Quant à la politique monétaire, elle ne peut exercer une influence durable sur la sphère
réelle car elle est parfaitement anticipée par les travailleurs. Ces derniers sont conscients des
tentations inflationnistes qui animent les autorités monétaires. Ils ajustent leurs rémunérations
nominales afin de garantir la stabilité de leur pouvoir d’achat et neutralisent ainsi toute
tentative de relance. A long terme, les politiques monétaires se traduisent entièrement en
inflation sans aucun effet réel en retour.
Ces conclusions suggèrent un usage très prudent de l’instrument budgétaire. Le
10
recours systématique aux politiques contracycliques est très déconseillé, car les stabilisateurs
automatiques sont peu efficaces. Par ailleurs, les déficits transitoires doivent être de faibles
ampleurs afin d’éviter qu’ils ne se transforment en déficits permanents. Enfin, le volume et le
rapport de la dette doivent être réduits au maximum. Ces ajustements s’accompagnent de
baisses significatives du taux d’intérêt qui stimuleraient les investissements et relanceraient
l’activité.
La banque centrale doit abandonner ses objectifs réels et se concentrer uniquement sur
la lutte contre l’inflation. Néanmoins, il faut qu’elle adopte un mode de gestion plus
transparent et élaborer une stratégie de communication plus efficace afin d’acquérir la
confiance du public et le convaincre de son attitude anti-inflationniste. La crédibilité de la
politique monétaire est une condition indispensable à sa réussite.
Cinq principales critiques peuvent être formulées à l’encontre de cette littérature.
D’abord, ses conclusions reposent sur l’hypothèse de la parfaite flexibilité des prix qui
est synonyme d’une proximité permanente du plein emploi. Or, une telle situation a été
rarement atteinte par les économies des pays industrialisés. Les statistiques révèlent en effet
que les taux d’utilisation des capacités de production ont souvent été largement inférieurs à 1
dans ces pays. Les néo-keynésiens rationalisent ces constats en proposant des fondements
théoriques à la viscosité des prix et à la rigidité des salaires nominaux. Ils rejettent ainsi les
ajustements rapides prônés par la nouvelle école classique, ce qui redonne aux politiques de
relance toute leur efficacité.
La deuxième critique met l’accent sur l’imperfection des marchés financiers. Certaines
distorsions peuvent en effet empêcher les agents de répartir leurs richesses d’une façon
optimale dans le temps. Elles dévient ainsi la consommation de son niveau désiré et offrent
une explication alternative à la divergence de l’économie du plein emploi. Dans ce cas, la
politique budgétaire peut relancer la consommation en relâchant les contraintes de liquidité
subies par les agents. Ce résultat démontre que l’efficacité de la politique budgétaire dépend
davantage de la structure de l’économie que de la rationalité des anticipations.
La troisième critique concerne la politique monétaire. La nouvelle école classique privilégie
une gestion par la masse monétaire et se focalise sur la transmission par le canal de l’offre. La
première idée est contradictoire avec le comportement effectif de la plupart des banques
centrales qui spécifient des objectifs en termes de taux d’intérêt. La bourse, qui est le
baromètre des anticipations par excellence, nous révèle par ailleurs que les agents penchent en
11
faveur d’une transmission par le canal de la demande. Sur le marché des actions, les baisses
du taux d’intérêt sont souvent accueillies par une augmentation des cours des titres, qui
signale que les agents s’attendent à une reprise de l’activité. Ainsi, les intervenants sur les
marchés financiers semblent adhérer aux thèses keynésiennes plutôt qu’aux thèses classiques,
puisqu’ils privilégient une transmission par la demande et croient en l’efficacité de la
politique monétaire. Lorsque les anticipations sont keynésiennes, elles contribuent à renforcer
l’efficacité des politiques et non à la neutraliser. Les convictions des agents jouent donc un
rôle important, puisqu’elles orientent les anticipations et déterminent en grande partie le
succès ou l’échec des politiques de relance.
La quatrième critique porte sur les fondements théoriques de l’inflation. La nouvelle école
classique explique les mouvements des prix par les variations de la quantité de monnaie. Les
travaux économétriques sous-tendent cette thèse en révélant un lien fort entre le taux
d’inflation et le taux de croissance de la masse monétaire. Toutefois, nous avons souligné que
la gestion de la politique monétaire s’opère souvent par le biais du taux d’intérêt. La théorie
classique ne précise aucun lien entre ce comportement court termiste des banques centrales et
les déterminants de long terme de l’inflation. Cette remarque est d’autant plus importante que
l’inflation assure une mission de court terme dans les modèles classiques : elle régule le taux
de salaire réel afin de résorber l’écart entre les taux de chômage effectif et désiré. Le manque
d’articulation entre le rôle de l’inflation d’un côté et ses déterminants de l’autre constitue une
lacune de taille dans la construction classique. Nous pensons qu’il est indispensable de
proposer une théorie cohérente de l’inflation qui illustre le lien entre le court et le long terme
et qui rationalise le mode de gestion effectif des banques centrales.
Enfin, une grande partie de la littérature néglige l’interaction entre les politiques monétaires et
budgétaires. Or, la stratégie optimale de chaque autorité est contingente au comportement de
tous les acteurs de l’économie. On ne peut donc appréhender correctement les problèmes de la
politique monétaire tout en négligeant la présence du gouvernement et l’influence qu’exerce
sa politique sur les agrégats macroéconomiques. La même remarque est valable sur le plan
empirique : on ne peut tirer des enseignements pertinents de l’évidence empirique que si on
tient compte de toutes les politiques actives au cours de la période étudiée.
Nous proposons deux nouvelles critiques qui offrent des explications alternatives au
décalage entre les conclusions théoriques et les constats empiriques.
La littérature propose une approche très simpliste de la réaction des travailleurs aux politiques
12
de stabilisation. L’attachement des salariés à la stabilité de leurs pouvoirs d’achat les conduit
à exiger une indexation parfaite du taux de salaire nominal à l’inflation anticipée. En
s’organisant au sein des syndicats, ils augmentent leur pouvoir de négociation et réussissent à
obtenir pleine satisfaction de leurs revendications. Toute tentative de réduire le taux de
chômage à travers une baisse du taux de salaire réel est donc systématiquement vouée à
l’échec.
Cette hostilité systématique envers les politiques de relance nous semble peu réaliste.
Nous pensons en effet que dans certains cas les travailleurs peuvent tirer profit d’une baisse
du chômage. Ils ont donc intérêt à adopter une attitude coopérative vis à vis des tentatives de
relance.
En période de récession, le taux de chômage augmente et avec lui le risque de
licenciement. L’attachement des travailleurs à la stabilité de leur pouvoir d’achat dans un tel
contexte peut leur coûter la perte de leurs emplois. Ils ont donc intérêt à modérer leurs
revendications salariales afin de minimiser le risque de licenciement. Ainsi, l’indexation
parfaite des salaires à l’inflation ne représente plus une stratégie dominante. Une politique
inflationniste peut être tolérée par les travailleurs qui la considèrent comme un moyen
d’amortir l’impact de la conjoncture sur l’emploi.
Les politiques de relance peuvent être appréciées par les travailleurs même en dehors
des périodes de récession. Bien que le pouvoir d’achat soit l’une de leurs priorités, il ne
représente pas pour autant leur seul centre d’intérêt. Les négociations portent en effet sur tous
les problèmes qui touchent au bien-être des travailleurs. Ainsi, une étude publiée par l’OCDE
souligne « qu’il est important de noter que les conventions collectives ne portent pas
seulement sur les salaires, mais également sur les conditions de travail, de licenciement, la
formation professionnelle, les systèmes de retraites d'entreprise, l'introduction de nouvelles
technologies, les procédures de règlement des conflits, certains groupes de travailleurs
(femmes, handicapés, etc...). Il arrive même que les conventions collectives ne traitent que
partiellement la question des salaires, le plus souvent en instituant des règles ou
augmentations minimales, ou des augmentations moyennes à répartir entre les secteurs ou les
catégories de salariés ».3
Limiter l’ensemble des objectifs à la seule préoccupation salariale biaise les résultats
du jeu qui oppose les travailleurs à la banque centrale. La diversité des préoccupations peut en
effet conduire à une sous-indexation du taux de salaire nominal à l’inflation. Les travailleurs
3
BIT, "Le travail dans le monde", 1997-97, OCDE (1994)
13
sacrifieront une partie de leur pouvoir d’achat en contrepartie de la satisfaction d’autres
revendications. La prise en compte de la multiplicité des objectifs redonnerait ainsi une
certaine efficacité aux politiques inflationnistes, qui parviennent de nouveau à baisser le taux
de salaire réel et à stimuler l’emploi.
Notre deuxième critique porte sur la modélisation des marchés financiers. Les modèles
macroéconomiques ne font généralement aucune distinction entre la dette privée, la dette
publique et les actions. Il existe un seul actif financier dont le taux de rendement est fixé par
la banque centrale.
Ces simplifications reposent sur quelques propriétés théoriques qui établissent des
liens implicites entre les taux de rendements des différentes catégories d’actifs. Ainsi, la
prime de risque différentie le rendement de la dette privée de celui de la dette publique. Le
secteur public offre des garanties de paiements plus fiables et s’endette donc à un moindre
coût. La prime de risque justifie également l’écart entre les rendements des dettes de court
terme et de long terme. Les prêts qui ont les échéances les plus longues sont ceux qui
présentent les risques les plus élevés. Le taux d’intérêt détermine par ailleurs la répartition de
la richesse entre la consommation et les placements et exerce ainsi une influence indirecte sur
le rendement des actions. D’autres approches théoriques4, expliquent la convergence de ces
taux par l’existence d’une possibilité d’arbitrage qui conduirait à la disparition de l’actif sousrémunéré si un écart de rendement persiste à long terme.
Les trajectoires variables et disparates empruntées par les taux de rendement de ces
actifs montrent que les relations précédemment énoncées sont loin d’être satisfaites.
L’inversion de la structure par terme du taux d’intérêt illustre l’instabilité des liens entre les
dettes de long et de court terme. Les rendements des dettes privée et publique sont également
assez déconnectés, cette dernière étant davantage influencée par la politique budgétaire.
Enfin, le décalage entre les rendements respectifs des actions et des obligations est encore
plus marqué. Lors des crises boursières, on constate en effet un rabattement des fonds sur le
marché obligataire, ce qui témoigne d’une substituabilité et non d’une complémentarité des
deux actifs.
L’existence d’une variété de profils de risque conduit les investisseurs à diversifier
leurs placements. Comme le soulignent Modigliani et Shiller (1973), les agents définissent en
fonction de leurs préférences et de leurs degrés d’aversion envers le risque « un habitat
préféré » parmi les différentes formes de placements.
4
La théorie du taux naturel proposée par Wicksell (1907) par exemple.
14
Les modèles macroéconomiques doivent rendre compte de cette hétérogénéité des
profils de risque et de son impact sur les stratégies de placement. Une telle distinction est
d’autant plus nécessaire que la composition des portefeuilles ne cesse de se diversifier.
Jusqu’au début des années 80, la capitalisation boursière en Europe était sans commune
mesure avec celle relevée sur le marché américain dont le dynamisme faisait exception. Une
modélisation simplifiée du système financier était donc largement admise vu le poids
négligeable des placements en actions. Dès lors, ce marché a connu un formidable essor,
notamment grâce aux vagues de privatisation qu’ont connues de nombreux pays européens.
Ce remodelage du système financier nécessite une modélisation qui rend compte des
différentes possibilités de financement offertes aux agents.
La distinction entre les diverses catégories d’actifs permet par ailleurs une approche
plus réaliste de certains problèmes de politique économique. Lorsque la banque centrale fixe
le taux de rendement de tous les actifs financiers dont la dette publique, la politique
budgétaire devient directement dépendante de la politique monétaire. Les problèmes
d’insoutenabilité disparaissent étant donné que le coût de la dette est sous le contrôle de la
banque centrale. Les crises boursières deviennent également faciles à maîtriser, puisque les
autorités monétaires sont en mesure de stabiliser le marché en entreprenant les ajustements
adéquats des rendements des titres. L’impertinence des ces conclusions est particulièrement
évidente, car la politique monétaire ne peut assurer ces différentes missions avec autant
d’efficacité. La spécification d’un cadre financier plus réaliste est donc nécessaire pour une
meilleure appréhension des problèmes liés au choix du policy mix.
Nous abordons ces différents points en huit chapitres, organisés de la façon suivante.
Dans le premier chapitre nous passerons en revue le débat entre keynésiens,
monétaristes et néoclassiques. Cet exposé nous facilitera la compréhension des approches
contemporaines, les débats actuels étant souvent des renouveaux des anciens conflits
théoriques. Il permet également de mettre en évidence une rupture au niveau de l’analyse
théorique, avec l’abandon du problème d’affectation et la résurgence du problème
d’efficacité. Il justifie ainsi l’apparition de deux composantes de la littérature qui traitent
séparément des problèmes des politiques monétaires et budgétaires et explique l’absence
prolongée des problèmes de coordination du débat.
La première partie regroupe les chapitres consacrés à une lecture critique de la
littérature contemporaine.
15
Deux chapitres traiteront des problèmes de politique budgétaire. Le chapitre deux
comprendra une analyse des idées formulées par Barro, qui propose une nouvelle version du
théorème ricardien d’équivalence. Nous préciserons les limites de cette approche sur les deux
plans théorique et empirique. La deuxième partie de ce chapitre sera consacrée à une
discussion des idées défendues par les économistes de l’offre. Au-delà du débat théorique,
nous nous arrêterons sur les exemples danois et irlandais présentés par les défenseurs de ce
courant comme des preuves de la pertinence de leurs propositions.
Le chapitre trois offre une vision plus technique des problèmes de la politique
budgétaire. Nous proposons d’abord un bilan des travaux empiriques qui tentent de déceler les
liens entre les variables budgétaires et les principaux agrégats. Nous pourrons ainsi apprécier
le réalisme des idées véhiculées par les différents courants. Nous présenterons par la suite un
ensemble d’indicateurs qui tentent de répondre aux trois principales questions au sujet de la
politique budgétaire : est-elle intentionnelle ? Sera-t-elle efficace ? Et posera-t-elle un
problème d’endettement à long terme ? Enfin, nous consacrerons une troisième partie à
l’analyse des problèmes d’allocation ou de redistribution. Nous nous focaliserons en
particulier sur les comptes par génération que nous considérons comme un outil d’analyse
prometteur dans ce domaine.
Le quatrième chapitre sera consacré aux problèmes de la politique monétaire. Nous
décrirons les fondements de l’approche proposée par la nouvelle école classique. Nous
dériverons ses principaux résultats et nous discuterons des problèmes de crédibilité et de
réputation qui en découlent. Nous déduirons les recommandations concernant la gestion de la
politique monétaire et nous passerons en revue les solutions proposées pour les mettre en
œuvre. Nous conclurons enfin avec un bilan critique de cette approche. Nous formulerons
quelques propositions qui, de notre point de vue, permettent une meilleure approche des
problèmes de la politique monétaire.
Le cinquième chapitre s’intéresse à la coordination entre les politiques monétaire et
budgétaire. Il s’agit d’une approche stratégique dans laquelle le gouvernement fait partie du
jeu qui oppose la banque centrale aux travailleurs. Dans cette littérature, le problème de
coordination est assimilé à un conflit sur les valeurs des variables objectifs. Nous
reconsidérerons le problème de crédibilité et nous comparerons les équilibres issus des
régimes coordonnés et non coordonnés (en cas d’accord et en cas de désaccord sur les valeurs
ciblées). Nous proposerons également quelques extensions des modèles classiques afin de
16
rendre compte de la diversité des canaux de transmission des mesures monétaires et
budgétaires.
Les critiques formulées tout au long des cinq premiers chapitres débouchent sur
quelques propositions personnelles que nous développerons dans la deuxième partie de la
thèse.
Dans le sixième chapitre, nous nous intéresserons au comportement stratégique des
travailleurs et à leur attitude envers les politiques de relance. Nous démontrerons qu’en cas de
choc le risque de licenciement peut conduire les travailleurs à accepter une sous-indexation
des salaires nominaux à l’inflation. Nous spécifions ainsi une fonction objectif qui rend
compte de ce risque, que nous introduirons par la suite dans le jeu qui oppose les autorités
monétaires aux travailleurs. Dans la deuxième partie de ce chapitre nous démontrerons que les
travailleurs peuvent tirer profit d’une augmentation des effectifs si elle se traduit par une
baisse de leur charge de travail. Ce résultat est particulièrement vrai lorsque les salariés
fournissent un effort intense durant les heures de travail. Dans ce cas, ils seront favorables aux
politiques de relance si la désutilité qu’elles génèrent en limitant leur pouvoir d’achat est
compensée par le surplus de bien-être qu’elles offrent à travers une baisse de l’effort.
Dans les deux derniers chapitres nous étudions les problèmes relatifs à l’efficacité des
politiques de stabilisation et au choix du policy mix à travers des exercices de simulation.
Dans le chapitre sept nous décrirons les étapes de la construction de la maquette dynamique
qui servira d’appui aux simulations. Nous définirons ses fondements microéconomiques et
nous distinguerons entre une version classique dans laquelle les variables s’ajustent
instantanément à leurs valeurs désirées et une version keynésienne qui tient compte de
quelques rigidités nominales et réelles. La principale caractéristique de cette maquette est
qu’elle propose un cadre financier qui distingue entre les actions, la dette privée et la dette
publique. Dans la deuxième partie du chapitre, nous vérifierons la capacité du modèle à
s’autostabiliser à la suite des chocs d’offre et de demande. Nous nous intéresserons
particulièrement à la dynamique des marchés financiers et à son impact sur l’équilibre
macroéconomique. Les résultats des simulations nous permettrons également de mettre en
évidence l’impact de certaines propriétés structurelles sur la dynamique du modèle.
Le dernier chapitre sera consacré à l’étude des problèmes relatifs au choix du policy
mix. Nous verrons que la différentiation entre les actifs réduit considérablement l’efficacité de
la politique monétaire et la relègue au rôle d’accompagnement. La politique budgétaire est
17
plus efficace en matière de stabilisation vue l’influence prépondérante qu’elle exerce sur la
demande. Nous étudierons également le choix des cibles pour les variables objectifs et pour
les instruments. Nous verrons que les contraintes qui pèsent sur les instruments limitent
souvent l’efficacité des politiques. Nous aborderons enfin le problème de l’intensité des
réactions, en comparant les performances de quatre régimes qui se différentient par le degré
d’activisme des politiques monétaires et budgétaires.
18
Chapitre 1
Une revue des
anciens débats
théoriques
Keynes marque une rupture avec l’analyse classique en établissant un lien entre les
sphères réelle et monétaire, en mettant l’accent sur les rigidités nominales qui empêchent un
retour rapide et spontané vers le plein emploi. De son point de vue, l’économie est
intrinsèquement instable d’où la nécessité des interventions publiques. Sa doctrine était le point
de départ d’un débat ininterrompu autour de l’efficacité des politiques de stabilisation et de
relance.
Après une analyse concise des fondements du paradigme keynésien, nous proposerons
une revue des plus importantes critiques dont il a fait l’objet. Nous constaterons tout au long de
cet exposé que la plupart des approches théoriques contemporaines s’inscrivent dans la
continuité des anciens courants. Les débats actuels ne sont donc que de perpétuels renouveaux
des anciens conflits théoriques.
Cet exposé nous permettra également de comprendre l’émergence de deux littératures
distinctes qui traitent séparément des problèmes relatifs aux politiques budgétaires et
monétaires.
19
Section 1 : La théorie keynésienne et l’essor des politiques de
relance
Nous commençons par un exposé des principales innovations introduites par Keynes et
de leurs implications quant à la gestion des politiques monétaire et budgétaire. Nous
présenterons par la suite la formalisation de ces idées dans le cadre du modèle IS-LM. Enfin,
nous étudions les critiques néoclassiques et leurs conséquences sur les résultats du modèle.
I- Les fondements du paradigme keynésien
Le principal apport de Keynes était la remise en question des deux principales
caractéristiques de l’économie classique : la parfaite flexibilité des prix et des salaires et la
dichotomie entre les sphères réelle et monétaire. Dans son ouvrage publié en 1936, il propose
une approche alternative qui remédie à ces disfonctionnements, et qui offre à la fois des
explications et des solutions aux crises successives qu’a connu le système capitaliste au début
du vingtième siècle. Keynes considère que l’économie est intrinsèquement instable et que l’Etat
peut et doit intervenir pour la stabiliser.
1- Les rigidités nominales
Les disciples de l’ancienne école classique considèrent que l’économie est capable de se
maintenir à proximité du plein emploi grâce à la parfaite flexibilité des salaires et des prix. En
cas de choc, ces grandeurs s’ajustent rapidement et garantissent la stabilité du taux de chômage
et de la production. Keynes conteste ce rebond rapide et systématique de l’économie. Il met en
avant la rigidité à la baisse des salaires nominaux et la viscosité des prix, et conclut que
l’économie ne peut compter sur les ajustements nominaux pour un retour rapide à l’équilibre.
En présence des rigidités nominales, l’équilibre est atteint grâce à des ajustements par les
quantités. L’économie s’écarte donc du plein emploi.
Dans une économie classique, une baisse rapide des prix vient pallier toute insuffisance
de la demande. Une baisse parallèle des salaires nominaux permet de maintenir les salaires réels
et le volume de l’emploi à leurs niveaux d’équilibre. Les rigidités nominales soulignées par
Keynes empêchent une telle relance de la demande et poussent les entrepreneurs à réviser leurs
plans de production en ajustant les quantités offertes à la baisse et en réduisant leurs demandes
de travail. Lorsque le choc est d’une très forte ampleur, l’économie peut connaître de longues
20
périodes de stagnation, caractérisées par du chômage involontaire et une offre contrainte par une
demande trop faible.
2- La demande de monnaie et la rupture de la dichotomie classique
Keynes considère que la demande d’encaisses reflète en grande partie les besoins de
consommation et d’investissement des agents. A l’instar de la théorie quantitative, il distingue
les transactions comme principal motif de demande de monnaie. Il considère par ailleurs que les
agents préfèrent garder une partie de leurs richesses sous une forme liquide pour faire face aux
dépenses imprévues. Ainsi, il distingue la précaution comme deuxième motif de demande de
monnaie. Les agents peuvent toutefois placer l’argent en question sur les marchés financiers et
le récupérer en cas de besoin. Quelle est donc l’utilité de ces encaisses de précaution ? En effet,
les agents sont confrontés à un risque de perte en capital si les prix des actifs qu’ils détiennent
sont bas au moment où ils désirent se retirer du marché. Keynes conclut donc que la demande
de monnaie pour motif de précaution dépend des rendements futurs anticipés des actifs
financiers5. Si les rendements attendus sont élevés alors les agents ont intérêt à détenir un
minimum d’encaisse de précaution, et vice versa. Le troisième motif concerne la façon dont les
agents répartissent leurs richesses entre les actifs monétaires et financiers. Leur demande
d’actifs financiers dépend principalement des rendements anticipés : la part de ces actifs dans
les portefeuilles augmente si les rendements attendus sont élevés et diminue dans le cas
contraire. Les agents sont donc attentifs aux rendements anticipés des titres et effectuent un
arbitrage permanent entre les placements monétaires et financiers. Keynes qualifie ce processus
d’arbitrage de comportement spéculatif, et le distingue comme un motif de demande de
monnaie à part entière. Il s’appuie sur la relation inverse entre le taux d’intérêt et le rendement
des actifs financiers pour considérer que le loyer de la monnaie oriente les anticipations des
agents et détermine par conséquent la composante spéculative de la demande de monnaie.
En définitive, Keynes recense trois motifs de demande de monnaie : les transactions, la
précaution et la spéculation. Le premier motif établit une relation croissante entre la demande de
monnaie et la production, les agents étant désireux de consommer et d’investir davantage
lorsque leurs revenus sont plus élevés. Le deuxième et le troisième motif suggère une relation
négative entre la demande de monnaie et le taux d'intérêt : les agents diminuent leur demande
de monnaie et augmentent leur demande d'actifs financiers lorsque le taux d'intérêt est
anormalement élevé, en spéculant sur une baisse future du taux et une hausse des rendements.
5
Les agents s’intéressent aux prix des actifs qui sont positivement corrélés aux rendements.
21
Le raisonnement inverse est valable lorsque le taux d'intérêt est particulièrement bas. Les motifs
de précaution et de spéculation conduisent à une rupture de la dichotomie classique. En
contrôlant le taux d’intérêt, les autorités monétaires peuvent désormais influencer les grandeurs
réelles de l’économie.
En remodelant la fonction de demande de monnaie, Keynes redéfinit également le rôle du
taux d’intérêt. Pour les classiques, l'épargne n'est qu'une consommation retardée dans le temps.
Une augmentation de l'épargne signale donc une demande future accrue. Elle provoque en
même temps une baisse du taux d'intérêt qui permet aux producteurs de se munir du capital
nécessaire pour satisfaire la demande future. Le taux d'intérêt représente donc un signal des
tensions actuelles et futures sur le marché des biens. Chez Keynes, le taux d'intérêt devient un
phénomène purement monétaire dans la mesure où il témoigne de la préférence des agents pour
la liquidité.
3- La politique budgétaire : un moyen d’intervention privilégié
A la suite d’un choc, les rigidités nominales peuvent contraindre l’économie à connaître
de longues périodes de sous-emploi. Face à cette situation, Keynes recommande des
politiques de soutien à la demande afin d’accélérer le retour au plein emploi. En entreprenant
des investissements de taille, l’Etat peut relancer la demande, réduire le chômage et remettre
l’économie sur le chemin de la croissance. Son intervention est d’autant plus efficace qu’elle
produit un effet de chaîne qui se multiplie d’une période à l’autre : les entreprises recrutent
pour faire face à la demande supplémentaire, elles distribuent des revenus salariaux qui
stimulent de nouveau la demande.
Keynes justifie la nécessité d’une intervention étatique par le climat de pessimisme qui
s’instaure lorsque les agents se rendent compte de l’incapacité de l’économie à s’auto-relancer
rapidement. De son point de vue, les entrepreneurs produisent et investissent en fonction de la
demande anticipée. Ainsi, rien ne les incite à produire et à recruter davantage lorsque la
rigidité des prix empêche la relance de la demande. L’économie peut donc s’enfermer dans
une situation de sous-emploi. Dans ce cas, la sortie passe par une relance budgétaire qui vient
donner une première impulsion à la demande. Deux raisons font de la politique budgétaire
l’instrument le plus adapté à cette mission.
D'abord, la relance de l'activité nécessite une augmentation sensible de la demande
22
effective. Or, peu d’agents sont capables d’entreprendre des investissements dont les effets
peuvent se propager à l’ensemble de l’économie. Seul l’Etat est capable de disposer de
ressources financières aussi importantes pour entreprendre des investissements de cette taille.
C’est le seul acteur de l’économie qui peut bénéficier d’un financement aussi important en
apportant son pouvoir fiscal comme garantit de paiement. De plus, le recours à l’emprunt
accroît l’efficacité de la politique budgétaire : le rendement de la dette augmente le revenu des
agents, stimule leur consommation et renforce l’effet de relance. Ainsi, une politique
d’endettement permet de financer la reprise en injectant l’épargne excessive des ménages
dans le circuit économique. Elle transforme ainsi une partie de la monnaie oisive en monnaie
active.
Il est vrai que les producteurs peuvent amorcer une reprise en entreprenant
simultanément plusieurs investissements de petites tailles. Toutefois, aucun d’entre eux
n’entreprendra unilatéralement une action dans ce sens, en l’absence de toute garantie de
coopération de la part des autres producteurs. Chacun préférera attendre le retour de la
croissance pour modifier son plan de production. De part son caractère macroéconomique,
l'Etat permet de dépasser ce problème en répartissant le risque sur l’ensemble des agents. La
politique budgétaire représente une prise de risque collective et non individuelle. Elle
témoigne ainsi d’une volonté collective de sortir de la crise, ce qui lui permet de dissiper les
craintes et de générer des anticipations positives.
4- Pourquoi pas la politique monétaire ?
La fonction de demande de monnaie proposée par Keynes permet à la politique
monétaire d'influencer la production. En augmentant la masse monétaire, la banque centrale
pousse le taux d’intérêt à la baisse, stimule les investissements et relance la demande. En cas
de choc, la politique monétaire représente donc une solution alternative. Keynes présente
néanmoins deux arguments qui minimisent l’apport d’une relance monétaire.
D’une part, il souligne que l'efficacité de la politique monétaire dépend de la capacité de
la banque centrale à contrôler le taux d'intérêt. Dans ce sens, Keynes distingue un cas extrême
où les variations de la masse monétaire n’ont aucune influence sur le taux. Il considère en
effet qu’il existe un niveau plancher, en-dessous duquel le taux d’intérêt ne peut plus baisser.
Lorsque ce seuil est atteint, les agents sont unanimes quant à une prochaine hausse du taux.
La préférence pour la liquidité est donc totale, car l'augmentation attendue du taux d’intérêt
23
diminuera le rendement des actifs financiers. Dans ce cas, toute nouvelle liquidité injectée
dans l'économie sera absorbée par les encaisses oisives. La banque centrale ne réussira pas à
baisser le taux d'intérêt et la politique monétaire n'aura par conséquent aucun effet sur les
investissements. Keynes qualifie cette situation de « Trappe à la liquidité ».
D’autre part, Keynes considère qu’en situation de sous-emploi les investissements sont peu
sensibles aux variations du taux d’intérêt. La relance monétaire sera donc d’une très faible
ampleur. La faible élasticité des investissements s’explique essentiellement par le rôle que
jouent les anticipations dans la détermination du volume de la production. En situation de
sous-emploi, le manque d’investissement ne s’explique pas par une crainte de coût, mais par
un déficit de demande. Ainsi, seule l’anticipation d’une croissance de la demande incitera les
producteurs à investir davantage. Une politique budgétaire expansive est capable d’orienter
les anticipations dans ce sens et d’amorcer la reprise. La politique monétaire pourra par la
suite jouer un rôle d’accompagnement qui consiste à préserver la dynamique d’investissement
en maintenant le taux d’intérêt à un niveau raisonnable.
II- Une interprétation des idées keynésiennes : Le modèle IS-LM
Le modèle IS-LM, dont la première version a été proposée par Hicks (1937), s’est imposé
comme un cadre théorique de référence. Ses résultats ont inspiré pendant une longue période
les options économiques de la plupart des pays industrialisés6.
1- Présentation du modèle
Il s’agit d’un modèle de court terme à prix fixes. Tous Les ajustements sont donc
d’ordre réels.
En vertu de la loi psychologique de Keynes, les agents ne consomment pas la totalité de
leurs revenus disponibles. La propension marginale à consommer est donc strictement
inférieure à 1. La fonction de consommation contient également une composante autonome. Il
s’agit d’un niveau de consommation incompressible qui représente un minimum vital pour
chaque agent. L’équation suivante satisfait ses propriétés :
C = aY + b
6
(1)
Nous débutons l’exposé par un modèle à prix fixes. Nous proposerons par la suite une version à prix flexibles
plus proche de la formulation originale de Hicks.
24
où C et Y représentent respectivement la consommation et le revenu disponible des ménages
(net d’impôts), a est la propension marginale à consommer (strictement comprise entre 0 et
1), et b est la consommation autonome (strictement positive).
L'investissement est une fonction décroissante du taux d'intérêt :
I = −α r
(2)
où r est le taux d'intérêt réel et α un paramètre positif.
La demande de monnaie est positivement liée à la production et négativement liée au
taux d’intérêt :
M d = γ Y − µr
(3)
où γ et µ sont des paramètres positifs. La premier terme représente le motif de transaction
tandis que le second terme regroupe les motifs de précaution et de spéculation.
L’offre de monnaie, M , et les dépenses publiques, G, sont fixées d’une façon exogène
respectivement par les autorités monétaires et budgétaires.
En économie fermée, la demande globale se compose de la consommation, des
investissements et des dépenses publiques. Pour Keynes, c'est la demande qui détermine le
volume de la production et l’équilibre du marché des biens :
Y = C + I +G
(4)
Cette équation est qualifiée de relation IS car elle implique une égalité entre
l’investissement et l’épargne.
Sur le marché monétaire, l’équilibre est dicté par l’égalité entre l’offre et la demande :
M = γ Y − µr
(5)
Cette équation est qualifiée de relation LM par référence à l’égalité entre la préférence
pour la liquidité et l’offre de monnaie.
En substituant les fonctions de comportement dans les équations d’équilibre (4) et (5), on
peut exprimer la production d’équilibre en fonction des paramètres et des variables exogènes
du modèle :
25
α 
G + M +b
µ
.
Y eq =
α 
1− a + γ  
µ
2- Les multiplicateurs budgétaire et monétaire
A partir de l’équation précédente on peut déduire l’impact des politiques budgétaires et
monétaires sur la production. Considérons d’abord le cas d’une augmentation des dépenses
publiques :
∆Y
=
∆G
1
α 
1− a + γ  
µ
.
Cette équation recense les facteurs qui déterminent la valeur du multiplicateur budgétaire :
•
Plus la propension marginale à consommer est proche de 1, plus la croissance de la
production est forte. L’effet de chaîne que nous avons décrit précédemment sera plus fort,
car une plus grande partie des augmentations successives du revenu sera consacrée à la
consommation.
•
L'augmentation du taux d'intérêt amortit l'effet de relance exercé par la politique
budgétaire. Avec une offre de monnaie constante, l’augmentation de la production stimule
la demande pour motif de transaction et entraîne une augmentation du taux d’intérêt.
L’augmentation du taux évince une partie des investissements et freine la relance de la
production. L’ampleur de ce freinage dépend de la sensibilité de la demande de monnaie
aux variations du revenu national et du taux d'intérêt, ainsi que de l'élasticité de
l'investissement au taux d'intérêt. L’effet d’éviction est d’autant plus fort que la demande
de monnaie est sensible aux variations du revenu courant (γ est fort) et que les
investissements sont élastiques aux taux d’intérêt (α est fort). Le freinage monétaire est
cependant contrecarré par la spéculation (µ) qui atténue l'augmentation de la demande de
monnaie et limite la croissance du taux d’intérêt. L'augmentation du taux sera en effet
considéré comme anormale par une partie des agents, qui se débarrasseront de leurs
encaisses monétaires contre des actifs financiers en spéculant sur une future baisse du
taux.
26
L’équilibre du marché monétaire implique qu’une augmentation de l’offre de monnaie se
traduit par une baisse du taux d’intérêt, toutes choses égales par ailleurs. La baisse du taux
stimule les investissements et relance la production :
α 
 
∆Y
µ
.
=
α 
∆M
1− a + γ  
µ
Le multiplicateur nous décrit les mécanismes qui déterminent l’ampleur de relance
monétaire :
•
La reprise est d’autant plus forte que la propension marginale à consommer est élevée.
•
La croissance de la production multiplie les transaction et accroît les besoins de
liquidité des agents. Ainsi, une partie de la masse monétaire injectée par la banque
centrale ira satisfaire la demande pour motif de transaction, ce qui limite la baisse du taux
d’intérêt et affaiblit l’effet de relance.
•
La baisse du taux d’intérêt alimente la demande de monnaie pour motif de spéculation.
Cependant, l’augmentation de la demande de transaction limite la baisse du taux d’intérêt
et modère les anticipations quant à un futur redressement du taux.
•
L’impact de la politique monétaire sur la production s’affaiblit à mesure que la
préférence des agents pour la liquidité augmente (µ est fort). Lorsque les agents ont une
préférence totale pour la liquidité (µ tend vers l’infini), la politique monétaire devient
totalement inefficace. Ce cas correspond à la trappe de liquidité que nous avons définie
précédemment.
•
Lorsque les investissements sont insensibles aux variations du taux d’intérêt (α=0), le
multiplicateur s’annule signalant l’incapacité de la politique monétaire à exercer un
quelconque effet réel.
Les multiplicateurs budgétaire et monétaire illustrent une partie des mécanismes décrits
par Keynes et montrent que l’efficacité des politiques de relance dépend de la structure de
l’économie. Nous rappelons toutefois que les keynésiens privilégie l’instrument budgétaire
dont ils jugent les mécanismes plus sûrs. Un accompagnement monétaire adéquat permet
27
néanmoins de limiter l’effet d’éviction et de garantir ainsi une efficacité maximale à la
politique budgétaire.
III- Les premières critiques
Les néoclassiques contestent les résultats du modèle IS-LM en considérant que la stabilité
des prix conduit à une surestimation du pouvoir de relance de la politique budgétaire.
L’intégration d’une courbe de Phillips permet de cerner les mécanismes induits par la
flexibilité des prix et d’apprécier leurs répercussions sur les multiplicateurs budgétaire et
monétaire.
1- L’effet stabilisant de la flexibilité des prix
La flexibilité des prix limite l’apport des politiques de relance par le biais de deux
canaux.
Le premier est un effet de richesse qualifié souvent d’effet Pigou, du nom de
l’économiste qui l’a mis en évidence7. Il s’agit d’un mécanisme qui permet une relance
spontanée de l’économie et qui remet en question l’utilité des politiques de stabilisation.
Prenons le cas d’un choc récessif qui se traduit par une baisse de la demande. Le décalage
entre les quantités offertes et demandées sur le marché des biens, entraîne une baisse des prix
qui relance la demande grâce à son impact sur le pouvoir d’achat.
La baisse des prix s’accompagne également d’une baisse de la demande de monnaie. En
effet, les besoins de liquidité s’affaiblissent car les transactions sont moins nombreuses et à
des prix plus faibles. A offre constante, la baisse de la demande de monnaie entraîne un
infléchissement du taux d’intérêt, qui stimule la demande globale et limite davantage la
nécessité d’une intervention étatique.
Les néoclassiques considèrent que les politiques de stabilisation contrecarrent les
mécanismes que nous venons de décrire et empêchent la reprise de l’activité. Une expansion
budgétaire par exemple entraîne une hausse des prix et une augmentation de la demande de
monnaie. Ainsi, elle se traduit par une hausse du taux d’intérêt et une éviction des
investissements d’une part, et elle déprécie la richesse réelle des agents et limite leur pouvoir
d’achat de l’autre. Elle agit donc dans le sens contraire des mécanismes spontanés de
l’économie et bloque la reprise de l’activité.
7
Patinkin (1948) contient une présentation détaillée de l’effet Pigou.
28
2- Un modèle à prix flexible
Nous complétons le modèle IS-LM par une équation qui décrit la dynamique des prix :
Y=
1
σ
( P − w)
où P et w représentent respectivement le niveau général des prix et le taux de salaire nominal.
Cette équation complète l’analyse keynésienne sur deux fronts, en spécifiant à la fois les
dynamiques des prix et de l’emploi. La croissance de la production s’accompagne d’une
augmentation des prix qui déprécie le taux de salaire réel et incite les producteurs à augmenter
leurs demandes de travail. Elle établit ainsi une relation inverse entre le taux de chômage et le
taux d’inflation conformément à la courbe de Phillips.
Les variations des prix influencent le revenu réel des agents et se répercutent donc sur
leur consommation :
C = a (Y − P ) + b .
Une augmentation des prix diminue la valeur réelle des encaisses détenues par les
agents et accroît ainsi leurs besoins de liquidité :
M d = γ Y − µr + β P .
Ces fonctions de comportement conduisent à l'expression suivante de la production
d'équilibre :
α 

α
G +   M + b − w a + β 
µ
µ

.
Y eq =
α 
1 − a (1 − σ ) + (γ + βσ )  
µ
Les multiplicateurs budgétaire et monétaire prennent donc les formes suivantes :
29
1
 ∆Y
 ∆G =
α 

1 − a (1 − σ ) + (γ + βσ )  

µ

.
α 

 
 ∆Y
µ

=
 ∆G
α 
1 − a (1 − σ ) + (γ + βσ )  

µ

Ces équations nous permettent de distinguer les canaux à travers lesquels la flexibilité
des prix atténue l’efficacité des relances budgétaires et monétaires.
On constate d’abord que la propension marginale à consommer est réduite de (1- σ). Ce
terme représente l’effet de richesse négatif induit par la hausse des prix. On note également que
l’effet d’éviction est renforcé par une demande de monnaie plus forte, induite par la hausse du
α 
niveau général des prix. L’apparition de la quantité ( βσ   ) dans le dénominateur témoigne
µ
de cet effet.
30
Section 2 : L’apport du courant monétariste
Le courant monétariste regroupe les économistes hostiles aux politiques de relance et
convaincus de l’influence prépondérante des agrégats monétaires sur la production. Leurs
propositions s’inspirent des travaux de Milton Friedman, reconnu comme le chef de fil et le
véritable fondateur de ce courant. Sa reformulation de la courbe de Phillips et sa théorie de
demande de monnaie constituent ses principaux apports théoriques. A travers une succession de
travaux empiriques, il a tenté de prouver la forte corrélation entre les variations de la quantité de
monnaie et le revenu national.
Forts des preuves empiriques apportées par Friedman, les monétaristes se sont penchés sur
l'étude de l’utilisation optimale des instruments de la politique monétaire. Ils défendent
l’adoption d’objectifs intermédiaires en termes de masse monétaire. Ils affichent néanmoins leur
hostilité à l’interventionnisme excessif des banques centrales et rejettent le caractère
discrétionnaire de leurs politiques. De leur point de vue, les politiques dites de stabilisation sont
elles-mêmes génératrices d'instabilité. Elles doivent être activées seulement face à des chocs de
fortes ampleurs. Dans de telles circonstances, il serait préférable de miser sur l'appareil
monétaire, car la politique budgétaire est handicapée par l’éviction des investissements qu’elle
génère. En dehors des périodes de récession, les banques centrales doivent veiller à la stabilité
du taux de croissance de la masse monétaire afin de contrôler les anticipations et de garantir un
taux d’inflation raisonnable.
Sur le plan opérationnel, les monétaristes mettent l’accent sur la lenteur de la politique
budgétaire, soulignant qu’en cas de choc les réactions doivent être rapides afin de redresser
l'économie avant qu'elle ne plonge dans la crise. Les interventions tardives peuvent aggraver la
situation. De ce point de vue, la politique monétaire présente un net avantage car elle est
capable d’intervenir avec un timing beaucoup plus précis.
I- Les critiques monétaristes et les répliques keynésiennes
1- L'effet d'éviction
Pour les keynésiens, l'effet d'éviction est un phénomène purement monétaire. Il résulte tout
simplement de l’augmentation de la demande de monnaie pour motif de transaction. Mais
comme la consommation et les investissements augmentent par vagues successives,
31
l’augmentation de la demande de monnaie sera progressive. Ainsi, les tensions se manifestent
tardivement sur le marché monétaire, ce qui limite l’intensité de l’effet d’éviction.
Pour les monétaristes, l'effet d'éviction peut être également un phénomène financier. Pour
financer son déficit budgétaire, l’Etat augmente subitement l'offre sur le marché obligataire et
propose un rendement plus élevé afin d’attirer davantage de demandeurs. L'augmentation du
taux de rendement est d'autant plus importante que le déficit budgétaire est fort. En effet, la
prime de risque exigée par les prêteurs s’accroît à mesure que la situation financière de l’Etat se
détériore. L'effet d'éviction financier entre en action plus rapidement que l'effet d'éviction
monétaire, puisqu'il accompagne instantanément l'émission de la dette. Il bloque ainsi
l’expansion budgétaire dès sa mise en place, ce qui atténue considérablement son effet de
relance. Pour les monétaristes, l’association des effets d’éviction monétaire et financier à l’effet
Pigou affaiblit considérablement la valeur du multiplicateur budgétaire.
Les questions relatives à l’efficacité des relances budgétaires, à l’intensité de l’effet
d’éviction et à son délai d’apparition ont fait l’objet d’un débat passionnant entre les
monétaristes et les keynésiens. Pour vérifier le bien-fondé de leurs propositions, les
monétaristes ont procédé à des estimations économétriques qui visent notamment à apprécier le
pouvoir explicatif des grandeurs budgétaires et monétaires dans l’évolution du produit nominal.
Les résultats obtenus par Friedman et par les économistes de l’école de Saint-Louis ont apporté
un soutien fort aux thèses monétaristes. Les études révèlent une faible réaction du revenu
national à la politique budgétaire : elle atteint son maximum au second trimestre, puis elle
disparaît complètement à la fin de la deuxième année.
1.1- Les arguments théoriques des keynésiens
La riposte keynésienne s'articule autour de trois points :
(i)
L'émission de la dette publique ne s’accompagne pas nécessairement d’une
augmentation significative du taux d'intérêt. En effet, l'Etat présente des garanties de
remboursement exceptionnelles en vertu de son pouvoir fiscal. La prime de risque sera
donc assez faible. Dans la plupart des pays industrialisés, le coût de la dette publique
est inférieur au coût de la dette privée. Avec un faible risque de marché, les titres
publics peuvent être perçus par les agents comme une forme prisée d'épargne, car elle
est plus rentable que les diverses formes de placements liquides.
32
(ii)
La demande d'investissement dépend du taux d'intérêt de long terme. Par
conséquent, l'effet d'éviction ne devient envisageable que lorsque le déficit est financé
par une dette de long terme. L’existence d’un marché d'actifs de court terme
permettrait ainsi à l'Etat de gérer sa dette sans ralentir la dynamique
d’investissement. Toutefois, si les taux longs sont dépendants des taux courts (que des
moyennes mobiles des taux courts), alors l’éviction des investissements devient donc
inéluctable. Face à cet argument, les keynésiens mettent en avant l’instabilité de la
structure par terme du taux d’intérêt. Sur le plan pratique, aucune relation stable ne
peut être détectée entre les taux courts et les taux longs et les exemples des courbes de
taux inversées sont assez nombreux. L’éviction des investissements par la dette
publique est donc peu probable.
(iii)
Les keynésiens distinguent entre le taux d’intérêt de la dette publique, qui
représente le rendement d’un actif financier, et le taux d’intérêt monétaire qui
représente un coût de financement. Les deux taux sont déterminés sur deux marchés
cloisonnés et subissent des influences différentes. Le rendement de la dette dépend en
partie des besoins de financement de l’Etat et donc de la politique budgétaire, tandis
que le taux d’intérêt dépend du taux directeur fixé par la banque centrale et donc de la
politique monétaire. Les keynésiens insistent donc sur le caractère monétaire du taux
d’intérêt et considèrent qu’une politique d'accompagnement adéquate peut contenir sa
croissance en approvisionnant l'économie avec la liquidité nécessaire pour faire face
aux transactions accrues qui suivent la mise en place de la politique budgétaire. Ils
prônent donc la coordination des politiques monétaire et budgétaire afin de tirer
pleinement profit des possibilités de relance de cette dernière.
1.2- Les preuves empiriques
La riposte keynésienne devait relever le défit empirique lancé par les monétaristes. Ando
et Modigliani ont effectué d’importants travaux dans ce sens. On souligne notamment leur
article publié en 1976, dans lequel ils fournissent quelques preuves de l'efficacité de la
politique budgétaire à travers un exercice de simulation.
1.2.1- Les résultats de la simulation
Dans cet article, Ando et Modigliani ont simulé une augmentation des dépenses
33
publiques d'un montant d'un milliard de dollars au premier janvier 1958. Ils constatent que la
politique budgétaire a eu un impact assez important sur les revenus réel et nominal, bien que
ne bénéficiant pas du soutien de la politique monétaire. Les remarques suivantes regroupent
les principaux résultats de la simulation :
(i)
Le revenu réel enregistre une augmentation sensible et continue. La croissance atteint
son maximum au bout du cinquième trimestre durant lequel elle avoisine les 2%.
(ii)
La relance passe principalement par le mécanisme de l'accélérateur. L'évolution des
composantes de l'investissement donne une idée sur la contribution de ce mécanisme.
Ainsi, les stocks de produits finis ont atteint leur niveau maximal au bout du quatrième
trimestre, les biens de consommation durables au bout du cinquième trimestre et les biens
d'équipement au bout du sixième trimestre.
(iii)
L'effet d'éviction commence à agir assez tardivement mais contribue à amortir
l'expansion. Son impact peut être ressenti à travers les taux de variations des composantes
de l'investissement, qui sont devenus négatifs alors que le taux de variation du revenu
national était encore positif. Ainsi les investissements dans les domaines de la
construction, des équipements et des biens de consommation durables commencent à
baisser respectivement à partir du septième, onzième et douzième trimestres.
(iv)
Les prix augmentent lentement, mais continuent à croître plus longtemps que le revenu
réel. Le revenu nominal connaît donc une croissance plus longue que le revenu réel, et
n’atteint son optimum qu’au huitième trimestre. Au bout de trois ans, alors que la
variation du revenu réel était au voisinage de zéro, celle du revenu nominal dépassait
encore les 2.5%.
Ando et Modigliani (1976) soulignent que les résultats obtenus dépendent des conditions
initiales de l'économie. Le résultat aurait été beaucoup plus explosif si la simulation avait été
programmée en janvier 1966 par exemple. De plus, la croissance aurait été nettement plus
forte si un accompagnement monétaire était envisagé.
1.2.2- Les critiques de la méthodologie monétariste
Les keynésiens se sont focalisés dans un premier temps sur le choix des variables dans
les modèles monétaristes. Ce débat économétrique était stérile car chaque choix avait ses
avantages et ses inconvénients.
34
Ando et Modigliani abandonnent cette voie et s’attaquent à la structure même des
modèles monétaristes. Ils considèrent que seuls les modèles de grandes tailles sont capables
de retracer fidèlement une réalité économique complexe comme celle des Etats Unis. A
l’instar du modèle de Saint-Louis, les modèles utilisés par les monétaristes contiennent un
nombre d’équations très réduit. Leur structure simplifiée est incohérente avec une fonction
aussi ardue que la prévision des conséquences d’une politique de relance.
Pour illustrer l’importance de cette critique, les auteurs ont observé l’évolution des
principaux agrégats à la suite d’une impulsion budgétaire en utilisant le modèle MPS8, puis ils
ont reproduit le même exercice à l’aide du modèle de forme réduite. La comparaison des
outputs révèle un écart de prévision très important.
Ando et modigliani (1978) mentionnent également les résultats obtenus par Layton9 qui
a étudié le pouvoir prédictif de trois modèles qui se distinguent par leurs degrés de complexité.
Il trouve que les modèles les plus simples sous-estiment la croissance générée par une politique
de relance et fournissent les moins bonnes prévisions. A la fin de la première année, les trois
modèles ne parviennent à estimer qu’entre 50% et 70% de la croissance effective du revenu. A
la fin de la deuxième année, le revenu augmente de 2.75%, alors que sa croissance est estimée à
2%, 0.5% et 0.2% respectivement par les trois modèles.
En s’appuyant sur ces résultats, Ando et Modigliani contestent les méthodes utilisées par
les monétaristes et remettent en question la fiabilité des preuves empiriques issues des modèles
réduits.
2- La richesse et la demande de monnaie
Friedman (1956) considère que la demande de monnaie est une fonction des richesses
totales des agents et non de leurs revenus courants. Il développe un cadre théorique qui soustend cette idée et propose des résultats empiriques qui confirment la forte corrélation entre la
richesse et la demande de monnaie10. Le comportement patrimonial suggéré par Friedman
intensifie l’effet d’éviction et limite sensiblement la portée des politiques de relance. Financés
par emprunts, les déficits budgétaires augmentent la richesse des agents, stimulent leurs
8
Il s’agit d’une maquette macroéconométrique complexe considérée comme l’une des meilleure modélisation de
l'économie américaine pour la période étudiée.
9
On se réfère aux résultats relatés par Ando et Modigliani car le travail de Layton n'a pas été publié.
10
Nous reviendrons avec plus de détail sur la fonction de demande de monnaie proposée par Friedman dans la
deuxième partie de cette section.
35
demandes d’encaisses et amplifient les tensions sur le marché monétaire. On constate à la fois
une accélération et une accentuation de la hausse du taux d'intérêt qui contrarient plus fortement
la relance budgétaire.
Afin d’illustrer ces mécanismes, nous intégrons un effet de richesse dans la fonction de
demande de monnaie11 :
M d = γ Y − µr + δW
où W est la richesse financière des agents et δ un paramètre positif.
A l’aide de la nouvelle fonction de demande de monnaie, on dérive l’expression
suivante de la production d'équilibre :
( µ ) M − δ ( α µ )W + b .
1 − a (1 − τ ) + γ (α )
µ
G+ α
*
Y =
En supposant que l’augmentation des dépenses publiques est entièrement financée par emprunt,
on dérive les expressions des multiplicateurs budgétaire et monétaire :
( )
( )
( )
( )

1− δ α
 ∆Y
µ
=

 ∆G 1 − a + γ α
µ


α

µ
 ∆Y =
 ∆M
1− a + γ α

µ

On constate que l'introduction de la richesse dans la fonction de demande de la monnaie
réduit le multiplicateur budgétaire par le terme (αδ)/γ dans le numérateur. Ce terme témoigne
d’une intensification de l’effet d’éviction due à une plus forte augmentation de la demande de
monnaie.
L’intensification de l’effet d’éviction épargne le multiplicateur monétaire, car les
relances monétaires n’ont aucun impact direct sur la richesse financière des agents dans ce
modèle.
11
Nous reprenons les équations du modèle à prix fixe. Toutes les variations sont donc d’ordre réel.
36
Les keynésiens contestent l’intégration de la richesse comme argument dans la fonction
de demande de monnaie. Ils considèrent que si la richesse exerce un effet positif sur la
demande de monnaie, c’est essentiellement par ce qu’elle élargit le potentiel de
consommation des agents et leurs perspectives d’investissements. Ainsi, l’effet de richesse
doit se manifester à travers un accroissement de la demande pour motif de transaction. Une
modélisation plus adéquate de l’effet de richesse consiste donc à l’intégrer au niveau de la
fonction de consommation et non au niveau de la fonction de demande de monnaie.
L’accroissement de la consommation et l’accélération des investissements transmettront cet
effet à la demande de monnaie par le biais de la demande de transaction.
Pour illustrer le point de vue keynésien, nous introduisons l’effet de richesse au niveau
de la fonction de consommation :
C = aY + δ W + b .
La production d’équilibre devient :
( µ ) M + δW + b .
1 − a + γ (α )
µ
G+ α
*
Y =
Les multiplicateurs budgétaire et monétaire prennent donc les expressions suivantes :
1+ δ
 ∆Y
 ∆G =
1− a + γ α

µ

.

α
 ∆Y
µ
=

 ∆M 1 − a + γ α
µ

( )
( )
( )
La présence de la richesse au niveau de la fonction de consommation profite donc au
multiplicateur budgétaire dont la valeur augmente grâce à une plus forte croissance de la
consommation (le terme δ dans le numérateur témoigne de cet effet).
Par ailleurs, si les monétaristes prônent une complémentarité entre les encaisses monétaires
et la dette publique, les keynésiens pensent que ces deux actifs sont plutôt substituables.
Caractérisés par une forte liquidité, les titres publics peuvent se substituer aux encaisses
détenues pour motif de précaution. Les agents peuvent les transformer facilement en moyens de
37
paiements sans courir un risque de perte en capital. Dans ce cas, la dette publique contribue à
contenir la croissance de la demande de monnaie, à limiter la hausse du taux d’intérêt et donc à
affaiblir l’éviction des investissements.
3- La courbe de Phillips augmentée des anticipations
La redéfinition de la courbe de Phillips a été le résultat des travaux menés séparément par
Friedman (1968) et Phelps (1967). Elle constitue une sérieuse remise en question de l’efficacité
des politiques de relance.
Dans les modèles keynésiens, la dynamique des prix ne tient pas compte des variations des
salaires nominaux. La relation croissante entre les prix et la production rationalise l’arbitrage
entre l’inflation et le chômage constaté empiriquement par Phillips (1958). Avec des salaires
nominaux totalement rigides, l’inflation générée par la croissance déprécie les salaires réels,
incite les entrepreneurs à recruter et justifie la relation inverse entre le taux d’inflation et le taux
de chômage. Du point de vue keynésien, les agents souffrent donc d'une illusion monétaire
totale, dans la mesure où ils ne se rendent pas compte de la dépréciation de leurs pouvoirs
d’achat et continuent à offrir du travail aux même taux de salaire nominal.
Pour Friedman (1968), cette hypothèse ne bénéficie d’aucun fondement théorique, et
encore moins d’un appui empirique. En effet, l’évolution des rémunérations nominales suggère
un scénario différent : si les travailleurs sont hostiles à toute baisse de leurs salaires nominaux,
ils réclament une revalorisation de leurs rémunérations dès qu'ils constatent une détérioration
significative de leur pouvoir d'achat. La rigidité constatée est donc uniquement une rigidité à la
baisse. Ainsi, en dehors des périodes de déflation, les salaires nominaux s'ajustent aux
variations des prix, ce qui implique une certaine stabilité des rémunérations réelles à long terme.
Toutefois, les ajustements des salaires nominaux prennent souvent du retard par rapport aux
mouvements des prix. C’est intervalle de temps nécessaire pour que les travailleurs prennent
conscience de l’origine et de l’ampleur de la baisse de leur pouvoir d'achat.
L’indexation des salaires nominaux remet en question l'arbitrage entre l'inflation et le
chômage offert par la courbe de Phillips habituelle. La politique budgétaire n’est capable de
promouvoir l'emploi qu’à court terme, car elle est rapidement neutralisée par la hausse des
salaires nominaux. A long terme, le taux de chômage ne peut diverger de son niveau naturel et
la courbe de Phillips devient verticale. Friedman qualifie cette relation de courbe de Phillips de
38
long terme, car l'ancienne courbe de Phillips demeure valable à court terme à cause du retard
dans l’ajustement des salaires nominaux.
Afin d’illustrer ces idées, nous délaissons l’hypothèse keynésienne de totale illusion
monétaire et nous supposons que les travailleurs négocient leurs salaires nominaux et fonction
de l’inflation anticipée. Nous supposons toutefois que leurs anticipations sont adaptatives.
Ainsi, ils surestiment l’inflation lorsqu’elle décélère, et ils la sous-estiment lorsqu’elle
s’accélère. L’indexation des salaires nominaux à l’inflation sera donc partielle :

P − P0 
w = w0 1 + θ
 = ω0 + (θ P + (1 + θ ) P0 )
P0 

où w0, ω0 et P0 représentent respectivement le salaire nominal, le salaire réel et l’indice des prix
de la période initiale.
La nouvelle expression de la production d'équilibre est la suivante :
( µ ) M + b + αβµ ((11−−θωθ ) w)
.
Y =
αβ
α
1− a + γ ( ) +
µ µσ (1 − θω )
G+ α
0
0
*
0
On déduit les expressions respectives des multiplicateurs budgétaire et monétaire :
1
 ∆Y
 ∆G =
αβ
1− a + γ α +

µ
µσ
1
( − θω0 )


.

α
 ∆Y
µ
=

αβ
 ∆M 1 − a + γ α +
µ

µσ (1 − θω0 )
( )
( )
( )
On remarque l’apparition dans les dénominateurs des deux multiplicateurs, d’un terme
qui recense l’impact de la flexibilité des prix et des salaires nominaux :
αβ
. La
µσ (1 −θω0 )
dynamique des salaires est d’autant plus nuisible aux politiques de relance que l'indexation des
salaires est forte (θ est proche de 1). Lorsque les agents sont victimes d'une illusion monétaire
totale (θ=0), on retrouve le résultat du modèle à prix flexibles et à salaires rigides.
39
Les monétaristes considèrent que les politiques de relance perdent toute leur efficacité
avec le freinage supplémentaire qu’apporte la boucle prix-salaire. Les keynésiens se sont
tournés vers les appréciations empiriques du degré d’indexation des salaires nominaux à
l’inflation, car sa faiblesse limite considérablement la portée de cette critique.
4- Quelques réflexions concernant le débat entre monétaristes et
keynésiens
La littérature a souvent réduit le débat entre keynésiens et monétaristes à un conflit
technique qui porte sur quelques détails de modélisation. Ainsi, Pisani-Ferry, Sterdyniak et
Villa (1984) affirment que "la théorie monétariste ne réussit guère à offrir une alternative
théorique au keynésianisme : le débat a montré qu'elle n'en diffère que par des postulats sur la
valeur de certains coefficients et de certains délais, postulats posés a priori et guère vérifiés
empiriquement".
Nous pensons que le désaccord entre ces deux courants est beaucoup plus profond. Notre
exposé illustre en partie le caractère conceptuel de ce conflit. Le fait que les apports du courant
monétariste constituent les fondements de la nouvelle théorie classique conforte notre pensée.
Nous verrons que l’approche patrimoniale de la consommation a été utilisée pour démontrer la
faiblesse de l'impact de la politique budgétaire sur la production. L'effet d'éviction financier sera
également exploité pour mettre en relief les conséquences de long terme de la politique
budgétaire. Enfin, la courbe de Phillips augmentée des anticipations sous-tend les analyses
modernes de la politique monétaire.
Des économistes comme Ando et Modigliani (1978), qui ont formulé les critiques les plus
sévères à l'égard des monétaristes, soulignent l'importance du rôle joué par ce courant. Ils
précisent notamment que si les disparités entre les différents courants de pensée commencent à
disparaître et que les points de conflit deviennent de moins en moins nombreux, c’est en grande
partie grâce aux contributions monétaristes qui, selon eux, ont enrichi le débat économique, et
ont surtout énormément servi le développement des autres courants de pensée.
Le monétarisme n’était-il pas une étape vers le renouveau du courant classique ? Dans ce
cas, la comparaison entre le keynésianisme et le monétarisme est trompeuse, car elle met côte à
côte un courant de pensée bien structuré qui propose une vision globale de l'économie, et des
idées économiques dispersées qui cherchent à répondre à certaines questions. L’apport du
40
courant monétariste doit donc être apprécié sans tenir compte de sa capacité à fournir une
alternative à la théorie keynésienne.
II- Les propositions monétaristes.
Le courant monétariste attribue une part explicative importante aux variations de l’offre
de monnaie dans l’évolution du produit nominal. La masse monétaire représente ainsi
l’instrument privilégié de la politique monétaire. Les monétaristes minimisent néanmoins la
portée des politiques activistes et les responsabilisent de la majeure partie de l’instabilité
économique. Ils recommandent aux banquiers centraux moins d’interventionnisme et plus
transparence dans leur gestion de la politique monétaire. Pour mieux comprendre les
recommandations monétaristes, nous procédons à une analyse du cadre théorique qui les soustend.
1- La théorie monétaire du revenu nominal
Cette théorie est issue des travaux de Friedman (1958) puis de Friedman et Schwartz
(1963a et b) consacrés à l’étude de l’histoire monétaire des Etats-Unis. Pour la période allant
de 1867 à 1960, les deux auteurs relèvent une forte covariance entre le taux de croissance du
revenu nominal et celui de la masse monétaire. Ils concluent à une forte influence de la
politique monétaire sur le cycle économique. Pour justifier le sens de causalité, ils soulignent
l’existence d’un décalage entre les variations du revenu nominal et celles de la masse
monétaire, allant de neufs mois à deux ans. Ce retard peut être interprété comme un délai
d’ajustement du revenu nominal aux variations de la quantité de monnaie, ce qui soutient une
relation causale allant de la politique monétaire vers le cycle économique.
Friedman (1956, 1959, 1966) apporte une soutien théorique à ces résultats en proposant
une nouvelle fonction de demande de monnaie, caractérisée par sa stabilité d’une part et par
l’absence du taux d’intérêt de l’autre. Les monétaristes s’appuient sur la première propriété
pour attribuer la responsabilité des déséquilibres monétaires aux variations délibérées de
l’offre de monnaie. Grâce à la deuxième propriété, le revenu nominal devient la grandeur
équilibrante du marché monétaire. En conclusion, les interventions de la banque centrale
génèrent des déséquilibres sur le marché monétaire qui se traduisent par des ajustements du
revenu nominal, ce qui justifie le sens de causalité précédemment énoncé. La fonction de
demande de monnaie s’avère donc une pièce maîtresse de l’analyse monétariste, car elle
41
permet d’établir un lien entre la politique monétaire et la production nominale. Pour une
meilleure compréhension de cette relation, nous exposons les fondements théoriques de cette
fonction.
2- La demande de monnaie et le revenu permanent
Friedman (1956) se différentie de l’approche keynésienne en considérant que la
fonction de demande de monnaie est issue d’un problème de décision qui tient compte de
toutes les ressources dont disposent les agents, de leurs préférences et des différentes
opportunités de placement. Il se distingue essentiellement par deux points.
En premier lieu, il assimile la demande de monnaie à une véritable demande de biens
et services. Il lui applique la même théorie de choix qui consiste à maximiser une fonction de
bien-être sous une contrainte financière. Dans cette contrainte, Friedman tient compte de la
totalité des ressources, quelles soient financières, réelles ou humaines. Ainsi, les décisions de
consommation et d’investissement dépendent du patrimoine total des agents et non de leurs
revenus courants.
En deuxième lieu, il tient compte de toutes les opportunités de placements susceptibles
d’intéresser les demandeurs de monnaie. Chez Keynes, la présence du taux d’intérêt reflète
l’arbitrage entre les actifs monétaires et les actifs financiers, le rendement de ces derniers
étant négativement lié au taux d’intérêt. Friedman élargit ce processus d’arbitrage en tenant
compte de toutes les catégories d’actifs y compris les actifs réels et humains12.
En résumé, la demande Friedmanienne de monnaie dépend du patrimoine total, W,
qui comprend toute les formes de richesse ; des rendements des actifs financiers, if, réels, ir, et
monétaires, im ; ainsi que des préférences des agents :
M d = M (W , i m , i f , i r ,U )
où U est une fonction d’utilité qui représente les préférences.
Dans une deuxième étape, Friedman introduit le revenu permanent, YP, comme
variable représentative du patrimoine. Il le définit comme le revenu que l’agent est en mesure
de dépenser sans provoquer une détérioration significative de sa richesse totale. La fonction
de demande de monnaie devient donc :
12
Par actifs humains, Friedman désigne les facteurs susceptibles d’accroître la capacité de production des agents et
leurs rémunérations.
42
M d = M (Y P , i m , i f , i r , U ) .
Enfin, dans une troisième étape, Friedman (1959) procède à des estimations
économétriques pour déterminer l’influence de ces différentes composantes sur la décision de
la demande de monnaie. La demande de monnaie étant inobservable, il lui substitue la
quantité de monnaie en circulation. Il définit le revenu permanent comme une moyenne
pondérée du revenu actuel et des revenus passés13. Il représente ainsi une grandeur stable et
peu influençable par les variations du revenu courant.
En s’appuyant sur les résultats de ses estimations, Friedman juge secondaire
l’influence qu’exercent les rendements des diverses catégories d’actifs sur la demande de
monnaie. Le revenu permanent semble être la seule variable significativement liée à la
quantité de monnaie. Il propose donc une version simplifiée, où la demande de monnaie
dépend uniquement du revenu permanent :
M d = M (Y P ) .
Avec le revenu permanent comme seule variable explicative, la demande de monnaie
réagit faiblement aux variations du revenu courant. Ainsi, les déséquilibres sur le marché de
la monnaie ne peuvent provenir que des variations soudaines de l’offre de monnaie. De plus,
le marché ne peut converger à nouveau vers une situation d’équilibre que moyennant un
ajustement du revenu nominal. L’absence d’une variable équilibrante comme le taux d’intérêt
implique que la totalité de l’ajustement doit être assumée par le revenu nominal, à travers
une variation de la production réelle ou/et des prix. La fonction de demande de monnaie
fournit ainsi une assise théorique aux revendications monétaristes quant à la gestion de
l’offre de monnaie.
3- Une analyse critique des propositions monétaristes
La théorie monétaire du revenu nominal est contestable à plus d’un titre. D’un point de vue
purement statistique, les arguments avancés par Friedman et Schwartz sont loin d’être
convaincants. Sur le plan théorique, les analyses convergent plutôt en faveur d’une incidence du
revenu nominal sur l’offre de monnaie.
Quant à la fonction de demande de monnaie, sa construction théorique s’avère fragile et les
arguments empiriques qui servent à écarter le taux d’intérêt ont été largement critiqués. La
13
Les pondérations sont décroissantes dans le temps.
43
remise en question de cette fonction posera d’énormes problèmes, dans la mesure où elle
représente l’un des piliers de la théorie monétariste. Nous rappelons que cette fonction transfère
la charge d’ajustement vers le revenu nominal et justifie ainsi le pouvoir explicatif de l’offre de
monnaie.
3.1- Multiplicateur ou diviseur de crédit ?
Nous soulignons la pauvreté des preuves statistiques avancées par Friedman et Schwartz
(1963 a et b) concernant le sens de causalité dans la relation entre la masse monétaire et le
revenu nominal. Ils décèlent le lien entre ces deux agrégats par un calcul de covariance, et ils
déduisent le sens de causalité à partir d’un décalage entre les variations des deux séries. Or, ni la
covariance, ni le retard d’ajustement ne constituent des preuves statistiques fiables de l’intensité
et du sens de la relation. De plus, une période aussi longue que celle étudiée par les deux auteurs
comprend nécessairement des points de rupture qui correspondent à des changements profonds
dans la gestion de la politique monétaire. Il aurait été préférable de distinguer plusieurs souspériodes caractérisées par la stabilité du régime monétaire.
L’utilisation de techniques économétriques plus précises aurait permis une meilleure
appréciation de cette relation. Certaines techniques de filtrage permettent également de détecter
les points de rupture relatifs aux changements de régime. Ces techniques concernent
particulièrement les travaux qui portent sur des périodes d’observation assez longues comme
celle choisie par Friedman et de Schwartz.
Par ailleurs, les constats empiriques révèlent une certaine incohérence dans
l’enchaînement monétariste : l’ampleur des variations de la masse monétaire est assez faible par
rapport à celle du revenu nominal. On peut donc se demander si des événements d’une aussi
faible ampleur sont capables de générer des variations de cette taille. Aucun mécanisme dans la
construction monétariste n’apporte une justification convaincante à cette amplification de
l’instabilité.
D’autre part, quelques arguments théoriques indiquent un sens de causalité inverse à
celui retenu par les monétaristes. En effet, l’influence de l’offre de monnaie sur le revenu
nominal génère souvent des effets de retour. Une croissance du revenu se traduit généralement
par une augmentation de la demande de monnaie et pousse la banque centrale à ajuster la masse
monétaire en conséquence. Une partie des variations de l’offre de monnaie n’est donc pas
44
délibérée. Friedman reconnaît l’existence de ce feed-back, mais affirme que la part
intentionnelle de la variation domine la part endogène. Les keynésiens défendent l’idée
contraire et considèrent que la quasi-totalité des ajustements de l’offre viennent en réponse à
celle de la demande. Ils opposent ainsi le principe du diviseur de crédit à celui du multiplicateur
défendu par les quantitativistes. Du point de vue keynésien, la banque centrale se sert de la
relation entre la monnaie centrale et la masse monétaire pour déterminer la quantité de monnaie
qu’il faut injecter pour répondre aux besoins de liquidité de l’économie. Elle ne fait donc
qu’apporter la masse monétaire au niveau désiré par les agents. Dans cette optique, l’offre de
monnaie est donc une variable endogène qui s’ajuste à la demande.
Les monétaristes défendent le raisonnement inverse, selon lequel la banque centrale gère
l’offre de monnaie de façon à ramener la masse monétaire au niveau qu’elle juge souhaitable
pour l’économie. Dans ce cas, la relation du multiplicateur lui indique la quantité de monnaie à
injecter pour atteindre son objectif. Les variations de l’offre de monnaie émanent ainsi d’une
initiative autonome de la part des autorités monétaires et non d’un besoin des agents.
Les variations de la production, des prix et du taux d’intérêt qui suivent les mouvements
de la masse monétaire augmentent les besoins de liquidité des agents et les poussent à accepter
de détenir la monnaie injectée par la banque centrale.
3.2- Les lacunes de la fonction de demande de monnaie
3.2.1- Les motifs d’instabilité
Au-delà de son rôle clef dans la théorie monétaire du revenu nominal, la stabilité de la
fonction de demande de monnaie est également nécessaire pour une bonne conduite de la
politique monétaire. Si les réactions de la demande de monnaie aux évolutions de la conjoncture
sont instables ou imprévisibles, alors la banque centrale n’est plus en mesure de pratiquer les
politiques délibérées prétendues par les monétaristes.
La stabilité de la demande de monnaie a fait l’objet de nombreuses vérifications
empiriques qui aboutissent à des résultats contradictoires. Laider (1993) propose une synthèse
de la controverse au tour de la stabilité de la fonction de demande de monnaie. L’agrégat
monétaire retenu est souvent à l’origine des divergences. Les tests statistiques appliqués à des
agrégats plus larges que M1 rejettent souvent l’hypothèse de stabilité, signalant que seule la
demande des contreparties liquides de la masse monétaire est stable. Cette conclusion est en
45
totale contradiction avec la thèse monétariste qui stipule que la demande de monnaie dépend des
patrimoines totaux des agents, ce qui implique que le pouvoir prédictif d’un agrégat doit
augmenter à mesure que ses contreparties se multiplient.
La multiplication des innovations financières est l’explication la plus souvent avancée
pour justifier le rejet de l’hypothèse de stabilité de la demande de monnaie. Associés à une
information plus complète et à des moyens de communication beaucoup plus performants, les
nouveaux produits financiers ont multiplié les mouvements des capitaux entre les différents
agrégats monétaires d’une part, et en direction des agrégats de placement de l’autre. Ainsi, la
volatilité de ces deux catégories d’agrégats s’est considérablement accentuée. Les innovations
financières et technologiques ont probablement provoqué des changements au niveau des
préférences des agents et notamment au niveau de leur aversion envers le risque. La croissance
exponentielle des placements en actions témoigne d’un tel changement de préférence. Ainsi,
certains économistes appellent à une redéfinition des agrégats monétaires ou bien à
l’exploitation des agrégats de placement en parallèle.
En effet, l’utilité d’un agrégat monétaire réside dans l’information qu’il fournit quant au
potentiel de consommation et d’investissement des agents. C’est la raison pour laquelle on y
recense les fonds qui peuvent être mobilisés sans risque de perte en capital. Cette construction
exclut les catégories d’actifs considérées comme peu liquides qui ne reflètent donc aucune
possibilité de dépense à court terme. Or, la liquidité accrue de ces titres (résultat du
développement des échanges sur les marchés financiers) d’une part, et l’affaiblissement de
l’aversion des agents envers le risque de l’autre, remet en question leur exclusion du potentiel
de consommation.
Nous pensons que les échecs empiriques de l’hypothèse de stabilité s’expliquent en
partie par un arrangement théorique de la part des monétaristes qui se sont efforcés d’imputer
les déséquilibres du marché monétaire à l’offre, en proposant une construction théorique qui
garantit d’avance la stabilité de la demande. Le comportement patrimonial proposé par
Friedman relie la demande d’encaisse à un agrégat de synthèse qui englobe les richesses
financière, immobilière et humaine des agents. Ainsi, les transferts entre les différentes
composantes du patrimoine n’ont aucun effet sur la demande de monnaie et n’exerce par
conséquent aucun effet sur le potentiel de consommation des agents. Dans cette optique, les
placements immobiliers reflètent une possibilité de consommation au même titre que les dépôts
46
à vue. Contrairement au traitement laxiste de la demande, l’offre de monnaie est définit d’une
façon très étroite et les données statistiques permettent une observation très précise de son
évolution. Ce traitement asymétrique ne peut conclure qu’à la stabilité de la demande, qui
dépend d’un agrégat définit au sens large et donc stable par définition, et à l’instabilité de l’offre
sujette à une définition beaucoup plus précise et donc volatile par nature.
3.2.2- L’absence du taux d’intérêt
Les simplifications progressives entreprises par Friedman au niveau de sa fonction de
demande de monnaie, semblent difficiles à justifier. Celle de la suppression du taux d’intérêt
prend une importance particulière car elle prive la fonction de demande d’une grandeur
stabilisante et lègue toute la charge de l’ajustement au revenu nominal.
Les travaux empiriques qui ont permis à Friedman (1959) d’écarter les rendements des
actifs de sa fonction de demande, ont subit des critiques très sévères. Comme nous l’avons
signalé, Friedman a choisit la quantité de monnaie en circulation comme variable représentative
de la demande de monnaie, en l’absence d’une observation directe de cette dernière. Or,
l’évolution de la quantité de monnaie n’émane pas uniquement de la demande des agents, elle
traduit également les politiques délibérées de la banque centrale. La variable choisie par
Friedman confondrait ainsi l’offre et la demande de monnaie, ce qui remet en question la
fiabilité de ses résultats.
Friedman (1966) reconnaît la pertinence des critiques relatives à l’omission du taux
d’intérêt et propose dans des articles ultérieurs d’autres versions de la fonction de demande de
monnaie qui réintègrent cette variable. Son objectif était de formuler une synthèse des
propositions keynésiennes et monétaristes qui lui permet de développer une formalisation
alternative au modèle IS-LM.
Toutefois, même en acceptant la présence du taux d’intérêt dans la fonction de demande
de monnaie, les monétaristes insistent sur la nécessité de préciser des objectifs en termes de
masse monétaire. Ils pensent q’une règle transparente qui garantit une évolution stable de la
masse monétaire au fils des périodes, permet de minimiser la variabilité du revenu nominal et de
conduire ainsi à une situation économique plus stable. Cette proposition est justifiée par une
plus forte fréquence des chocs réels par rapport aux chocs nominaux. Dans ce cas, la meilleure
gestion de la politique monétaire consiste à fixer l’offre de monnaie et à laisser au taux d’intérêt
47
la charge d’amortir l’impact des chocs. Le modèle de Poole (1970) fournit un fondement
théorique à cette proposition.
3.3- Le choix de l’instrument monétaire : l’approche de Poole (1970)
Poole (1970) illustre les problèmes relatifs au choix de l’instrument de la politique
monétaire à travers un modèle d’inspiration keynésienne. Son objectif est de déterminer le mode
de gestion optimal de la politique monétaire, le critère d’optimalité étant la minimisation des
fluctuations du revenu nominal.
3.3.1- Présentation du modèle
Nous considérons une économie à prix fixes. L’équilibre du marché des biens et du
marché monétaire sont décrits par les équations suivantes :
 yt = −α rt + ε y

m
mt = γ yt − µ rt + ε
où α, γ et σ sont des paramètres positifs. εy et εm représentent respectivement des chocs sur les
marchés des biens et de la monnaie.
Considérons d’abord le cas d’une gestion de la politique monétaire par le taux d’intérêt.
La banque centrale adopte un objectif en termes de masse monétaire, mt*, et réagit aux chocs en
variant le taux d’intérêt. L’équilibre monétaire nous permet d’exprimer le taux d’intérêt en
fonction revenu nominal, du choc monétaire et de l’objectif de la banque centrale :
rt =
γ yt − mt* + ε m
.
µ
En substituant cette équation dans l’équilibre du marché des biens, on obtient
l’expression du revenu nominal d’équilibre :
α *
α
mt
ε y − εm
µ
µ
.
yt =
+
γα
γα
1+
1+
µ
µ
On dérive la variance du produit nominal, en supposant que les chocs réels et monétaires
sont indépendants :
48
2
σ y2
t
2




 1 
 αµ 
 σ ε2y + 
 σ ε2m .
=
γα
γα
1 +

1 +



µ 
µ 
Considérons maintenant le cas d’une banque centrale qui se fixe un objectif en termes de
taux d’intérêt, et qui réagit aux chocs en variant la masse monétaire. Le taux d’intérêt étant
constant, les chocs qui frappent le marché des biens se répercutent pleinement sur la
production :
σ y2 = σ ε2 .
y
t
Le mode de gestion optimal d’un point de vue monétariste est celui qui minimise la
variance du revenu nominal. Ainsi, le premier régime serait préférable au second si :
σ ε2 >
y
α
γ (αγ + 2µ
2
)
σ ε2 .
m
Les monétaristes considèrent que la probabilité que cette condition soit satisfaite est
assez élevée, car les chocs réels sont plus fréquents que les chocs nominaux. Dans ce cas, une
règle friedmanienne d’accroissement constant de la masse monétaire serait préférable à
l’adoption d’un objectif de taux d’intérêt.
3.3.2- Discussion des résultats
La précédente analyse ne tient compte que des règles rigides. Or, un mode de gestion
plus flexible permet de lutter plus efficacement contre les chocs réels et nominaux.
Il est facile de voir que les variations du taux d’intérêt exportent les chocs monétaires
sur le marché des biens. D’après les équations du modèle, le marché monétaire ne peut revenir à
l’équilibre à la suite d’un choc que moyennant une variation du taux d’intérêt :
∆rt =
1
∆ε m .
γα + µ
Et comme le produit nominal dépend du taux d’intérêt, le choc se traduit également par
une variation du revenu nominal :
49
∆yt = −
α
∆ε m .
γα + µ
Prenons l’exemple d’un accroissement de la préférence des agents pour la liquidité. A
masse monétaire constante, un tel choc entraîne une augmentation du taux d’intérêt afin
d’équilibrer le marché monétaire. Le choc se transmet ainsi au marché des biens qui connaît une
contraction du revenu nominal. Un ajustement adéquat de la masse monétaire aurait permis de
stabiliser le marché de la monnaie, tout en épargnant à l’économie une telle dégradation de
l’activité.
En conclusion, la stratégie la plus efficace est une stratégie flexible, qui consiste à
choisir le mode d’intervention en fonction de la nature du choc : fixer le taux d’intérêt en cas de
choc monétaire et adopter un objectif de masse monétaire en cas de choc réel.
Les monétaristes sont conscients des problèmes que pose l’adoption d’un objectif
intermédiaire en termes de masse monétaire. Ils s’attachent néanmoins à cette proposition,
considérant qu’elle assure une meilleure orientation des anticipations et permet d’éviter
l’instabilité que génèrent habituellement les politiques discrétionnaires. L’absence d’un
arbitrage entre l’inflation et le chômage à long terme rend inutiles les surprises monétaires, qui
généreraient de la volatilité nominale en déstabilisant les anticipations sans réussir à surperformer l’économie.
McCallum (1981) propose une règle qui répond à la précédente critique en envisageant
la possibilité de faire varier la cible monétaire. La flexibilité de la règle répond à un double
problème : l’avènement de chocs monétaires de fortes ampleurs d’une part et l’instabilité de la
fonction de demande de monnaie de l’autre. Dans les deux cas, la règle propose un ajustement
de la cible monétaire pour tenir compte du changement intervenu, permettant ainsi à la politique
monétaire d’être en adéquation avec la situation économique. Elle demeure néanmoins
incapable d’apporter des réponses satisfaisantes aux problèmes suivants :
(i)
Une telle règle ne se différencie guère d’un régime discrétionnaire traditionnel. En début
de période, les agents ne savent pas si la banque centrale maintiendra sa cible ou pas. En cas
de changement de politique, ils sont incapables d’estimer la nouvelle cible. La confusion
entre les chocs réels et nominaux persiste et avec elle l’instabilité économique.
(ii)
La banque centrale exerce un contrôle imparfait sur la masse monétaire. On a déjà
50
souligné l’instabilité générée par les innovations financières. Dans une optique
keynésienne, on peut également remettre en question la capacité de la banque centrale à
accroître la masse monétaire lorsque l’économie ne manifeste pas un tel besoin.
(iii)
Sterdyniak et Villa (1986) attirent l’attention sur la corrélation entre les chocs réels et
monétaires. Un choc positif sur le marché des biens stimule les investissements et se traduit
par une augmentation de la demande de monnaie. L’instabilité semble donc être plus
persistante sur le marché de la monnaie que sur le marché des biens. Dans ce cas, l’adoption
d’un objectif de taux d’intérêt est préférable à une gestion par les agrégats monétaires.
(iv)
Les propositions monétaristes sont incompatibles avec le comportement de la plupart
des banques centrales qui se fixent des objectifs en termes de taux d’intérêt et non en termes
de masse monétaire. Ainsi, les règles de gestion par le taux d’intérêt, comme la règle de
Taylor (1993), surclassent totalement les règles monétaristes en fournissant une meilleure
description des comportements effectifs des banques centrales. En outre, les évolutions des
taux directeurs semblent avoir une forte influence sur les mouvements de capitaux (comme
le révèlent les marchés financiers), ce qui indique que l’attention des agents est focalisée sur
le taux d’intérêt et non sur la masse monétaire.
51
Section 3 : Les critiques fondamentales
Au cours des années 70 les pays industrialisés ont connu une flambée de l’inflation et du
chômage. Alimentés par de forts taux d’intérêt, les déficits publics et les rapports de la dette ont
atteint des seuils alarmants. Tous les ingrédients étaient donc réunis pour qu’une récession
prolongée s’installe. Certains économistes ont vu en cette crise une mise en évidence des
lacunes de la théorie keynésienne, qu’ils ont tenu pour responsable de cet engrenage. De leur
point de vue, la sortie de la crise passe nécessairement par l’abandon des recettes keynésiennes
au profit d’une gestion plus rigoureuse et moins interventionniste des politiques économiques.
Les critiques modérées qui avaient pour objectif de minimiser l’apport des politiques de relance
ont donc pris un caractère nettement plus radical, qui va dans le sens d’un rejet total du
paradigme keynésien. L’ancienne doctrine classique a ressurgit sous une forme moderne afin de
marquer de nouveau les décisions de politique économique.
Pour cerner l’origine du renouveau des idées classiques, nous commençons par un exposé
des principales critiques formulées par les chefs de fil de ce courant. Ainsi, nous discuterons de
leur interprétation de la crise des années 70 et nous décrirons le cadre théorique qui sous-tend
leur vision. Nous étudierons également les solutions qu’ils proposent pour une meilleure gestion
des politiques économiques. Nous développerons enfin les ripostes keynésiennes et la lecture de
la crise proposée par les néo-partisans de ce courant.
I- Le renouveau des propositions classiques
1- Les principales critiques
Trois critiques revêtent à nos yeux une importance particulière : l’incapacité des modèles à
appréhender les problèmes de long terme, le manque de fondement microéconomique des
équations de comportement et l’irréalisme de certains postulats.
1.1- Une analyse statique
Le caractère statique des modèles keynésiens pose des problèmes de diverses natures.
D’abord, les agents peuvent élaborer des plans de consommation et d’investissement de
long terme. Il faut donc proposer une approche théorique cohérente avec leurs aspirations et
s’appuyer sur des modèles dont la structure permet de retracer leur comportement. Les modèles
52
keynésiens statiques sont inadaptés à cette tâche.
Ensuite, l’analyse keynésienne ne s’intéresse qu’aux conséquences immédiates des
politiques expansives, négligeant ainsi les distorsions qu’elles sont susceptibles de générer à
long terme. A titre d’exemple, le modèle IS-LM est incapable de prévenir le déclenchement des
spirales d’endettement et d’apprécier leurs répercussions sur la croissance et sur le bien-être des
générations futures.
Enfin, la capacité du modèle IS-LM à décrire les mécanismes qui gouvernent l’économie
s’affaiblit à mesure que cette dernière s’approche du plein emploi. les nouveaux classiques
formulent deux remarques dans ce sens. En premier lieu ils soulignent la flexibilité accrue des
prix et des salaires qui redonne à ces grandeurs nominales des vertus équilibrantes. En second
lieu, ils attirent l’attention à la nécessité d’une analyse appropriée de l’offre sur les différents
marchés. A proximité du plein emploi, ce n’est plus la demande à elle seule qui détermine les
volumes de la production et de la main d’œuvre. En plus des débouchées potentielles, l’offre
des biens et services dépend des coûts des facteurs et de la technique de production. Sur le
marché du travail, l’offre redevient sensible aux variations du taux de salaire réel.
En conclusion, les nouveaux classiques considèrent que les hypothèses keynésiennes
perdent toute leur pertinence dès que l’économie dépasse le blocage de la demande et retrouve
une dynamique de croissance. La coexistence d’une forte inflation et d’un fort taux de chômage
au cours des années 70 est une illustration de l’impertinence de la théorie keynésienne. Cette
crise s’explique par le fait que les gouvernements ont continué à s’appuyer sur les recettes
keynésiennes sans tenir compte de la proximité de leurs économies du plein emploi et des
changements que cela peut entraîner au niveau de leurs réactions aux politiques économiques.
1.2- Le manque de fondement microéconomique
Pour Keynes, il est tout à fait plausible de spécifier les équations de comportement
directement à l’échelle macroéconomique. Ce qui compte c’est la capacité des modèles à
refléter fidèlement le comportement des agents. Les nouveaux classiques considèrent que sans
une analyse microéconomique adéquate, on ne peut modéliser correctement les facteurs qui
influencent les décisions des agents. Ainsi, les fonctions de comportement posées a priori, sans
fondements microéconomiques, fournissent une description incomplète voir biaisée des
décisions individuelles.
53
Ils soulignent par ailleurs qu’à l’échelle individuelle, les décisions sont animées par des
considérations de bien-être et non par des objectifs de quantités. C’est donc le niveau de
satisfaction des agents qui doit être retenu comme critère d’évaluation des politiques
économiques. Ils opposent ainsi à l’analyse positive, qui apprécie l’efficacité d’une politique à
travers son impact sur les agrégats, une analyse normative, qui s’intéresse aux conséquences des
interventions publiques sur le bien-être des agents.
Pour remédier à ces problèmes, les nouveaux classiques dérivent les équations de
comportement à partir de programmes d’optimisation, dans lesquels les agents maximisent des
fonctions d’utilité qui témoignent de leurs niveaux de satisfaction. Ils procèdent par agrégation
pour passer des équations individuelles aux équations globales. La dynamique des modèles
macroéconomiques découle de leurs fondements microéconomiques qui prennent souvent la
forme de problèmes d'optimisation intertemporels.
2- Un cadre théorique alternatif.
Les nouveaux classiques proposent une approche théorique qui s’inspire des résultats des
travaux empiriques et des conclusions de la théorie microéconomique.
Ils s’appuient sur les constats empiriques pour rejeter les hypothèses de rigidité supposées
par les keynésiens. Comme nous l’avons souligné, la flexibilité des grandeurs nominales limite
les conséquences réelles des chocs et remet en question l’utilité des politiques de relance. Les
études confirment également la sensibilité de l’offre de biens et de travail aux variations des
coûts des facteurs et au progrès technique, d’où la nécessité de spécifier une fonction d’offre
globale qui recense l’influence de ces facteurs.
Les
équations
de
comportement
puisent
leurs
fondements
dans
la
théorie
microéconomique. Ainsi, la consommation est le résultat d'un programme d'optimisation
intertemporel dans lequel chaque agent essaye de déterminer la répartition optimale de sa
richesse sur son cycle de vie. Ce programme débouche non seulement sur une décision de
consommation courante, mais aussi sur un plan de consommation de long terme. L’élaboration
d’un tel plan nécessite l’anticipation des ressources réelles futures et de l’ensemble des facteurs
susceptibles de les influencer. Les anticipations et l’information qui les sous-tend ont donc une
influence déterminante sur l’équilibre macroéconomique.
Pour chaque agent, la mise en œuvre de son plan de consommation nécessite une
54
répartition particulière de sa richesse totale sur son cycle de vie. Ainsi, il sera ainsi amené à
transférer sa richesse dans le temps, de façon à disposer à chaque période des ressources
financières compatibles avec son niveau de consommation désiré : il empruntera lorsque son
revenu courant ne lui permet pas de financer ses dépenses et il épargnera dans le cas contraire.
L’existence d’un marché financier qui offre aux agents la possibilité de réaliser de tels transferts
de ressources est donc indispensable à la concrétisation de leurs plans de consommation. Dans
cette optique l’épargne témoigne de l’intérêt qu’accordent les agents à leur bien-être futur et le
taux d’intérêt représente le prix qu’ils exigent pour retarder leur consommation dans le temps. Il
mesure ainsi leur attachement au présent. En définitive, la consommation et l’épargne
dépendent des préférences des agents, de leurs richesses totales et du taux d’intérêt.
Les investissements réels sont également issus d'un programme d'optimisation, dans lequel
chaque producteur essaye de déterminer les demandes de capital et de travail qui lui permettent
de maximiser son profit anticipé, compte tenu des débouchées futures et des coûts des facteurs.
Les demandes de capital et de travail qui résultent de ce programme dépendent principalement
des coûts relatifs de ces deux facteurs. L’une des conséquences importantes de ce résultat est
que le taux d’intérêt redevient un phénomène réel qui égalise la liquidité offerte par les
épargnants et le besoin de financement exprimé par les investisseurs. Il retrouve ainsi son rôle
d’indicateur des tensions sur le marché des biens.
Sur le marché du travail, l’offre est le résultat d'un problème d’optimisation dans lequel les
travailleurs décident de la répartition optimale de leur temps entre le travail et le loisir. Le
nombre d’heures de travail offertes dépend de la valeur actuelle et future du salaire réel.
L’anticipation d’une augmentation des rémunérations réelles durant les périodes à venir peut
conduire les agents à offrir moins de travail dans l’immédiat et à profiter du loisir qui deviendra
plus coûteux prochainement. Contrairement aux modèles keynésiens, dans lesquels on assiste à
un équilibre de rationnement, la sensibilité de l’offre et de la demande au salaire réel en fait la
grandeur équilibrante du marché du travail dans les modèles classiques.
3- L’hostilité envers les politiques de stabilisation
En associant les anciens postulats aux nouvelles fonctions de comportement, les nouveaux
classiques offrent une nouvelle vision de l’économie qui appelle à un réexamen des
conséquences des politiques de relance. Leurs conclusions sont sans équivoque : peu efficaces à
55
court terme et nocives à long terme, les politiques de relance sont strictement déconseillées.
3.1- Un impact négligeable sur la consommation
En supposant que les agents anticipent parfaitement l'évolution de leurs richesses dans le
temps, le modèle de cycle de vie implique qu’une politique budgétaire expansive aura un effet
immédiat peu significatif sur la consommation courante.
Pour réussir à stimuler la demande, la politique budgétaire doit être en mesure
d'augmenter la richesse nette des agents. Un déficit budgétaire qui sera financé par impôt
n'exercera aucun effet sur la consommation si la hausse des prélèvements sera entièrement
supportée par les générations actuelles. En anticipant l’augmentation des impôts, les agents sont
conscients que la politique actuelle est sans conséquences sur leurs richesses nettes. Leurs plans
de consommation demeurent donc inchangés.
L'Etat peut réussir à stimuler la demande s’il programme la hausse des prélèvements à une
date éloignée, de façon à ce qu’elle soit entièrement supportée par les générations futures. La
réaction immédiate de la consommation sera néanmoins assez faible. En effet, l’intérêt
qu’accordent les agents à leur bien-être futur les conduit à répartir ce surplus de richesse sur
l’ensemble de leur cycle de vie. Les modalités de cette répartition dépendent de leurs
préférences temporelles. Il en demeure qu’ils ne dépenseront jamais l'intégralité des ressources
supplémentaires dans l'immédiat, tant qu'ils accordent un minimum d’intérêt à leur bien-être
futur. La réaction de la consommation actuelle sera donc assez limitée.
En définitive, la politique budgétaire exercera dans le meilleur des cas un effet peu
significatif sur la demande, ce qui limite son efficacité en tant qu’outil de relance.
3.2- Des conséquences futures dangereuses
Muni d’un cadre d’analyse dynamique, les nouveaux
classiques aboutissent à trois
conclusions importantes concernant les conséquences de long terme des politiques de soutien à
la demande.
La première est que la demande actuelle ne peut être stimulée qu'au détriment de la
demande future. Un déficit budgétaire par exemple représente un transfert de richesse du futur
vers le présent, car il condamne les générations à venir à supporter les charges des dépenses
publiques actuelles. Ainsi, l’utilisation de la politique budgétaire pour restaurer le niveau de la
56
demande à la suite d’un choc ne fait que retarder la récession. Les propos de Friedman B.14, qui
commente l'augmentation du déficit budgétaire aux Etats Unis, illustrent parfaitement cette idée
: "Nous vivons bien en poussant notre dette vers la hausse... L'Amérique s'est jetée dans une
fête et a facturé les charges vers le futur. Les coûts, qui commencent seulement à survenir,
incluront un niveau de vie inférieur pour les citoyens américains."
Le deuxième point concerne l’impact du laxisme budgétaire sur le stock de capital privé.
A l'aide d'un modèle à générations imbriquées, Diamond (1964) démontre qu'une augmentation
de la dette publique réduit le stock de capital privé de l'équilibre du long terme et se répercute
négativement sur le bien-être de la population. La réduction du taux d'accumulation du capital
s’explique essentiellement par la hausse du taux d'intérêt. Elle se traduit par une baisse de la
production et une restriction des opportunités de consommation des agents, ce qui réduit leur
bien-être. Les néoclassiques considèrent donc que la rigueur budgétaire est l’une des conditions
requises pour que l’économie converge vers un équilibre satisfaisant à long terme.
Enfin, l’usage récurrent des politiques de déficit peut poser un problème de soutenabilité
à long terme. Une politique budgétaire est dite insoutenable si elle remet en question la
solvabilité de l’Etat en générant une augmentation continue du volume de la dette. Une telle
situation peut prévaloir lorsque les surplus primaires ne permettent pas de financer la totalité des
charges de la dette. L'Etat se trouve donc devant l’obligation d’émettre de nouveaux titres afin
d’honorer ses engagements vis-à-vis de ses créanciers. L’émission de la nouvelle dette pousse le
taux d'intérêt à la hausse, ce qui réduit davantage les investissements et la croissance et accentue
les besoins de financement de l’Etat.
L’affaiblissement du taux d’accumulation du capital conjugué au risque d’une dérive
financière de l’Etat justifie l’extrême prudence que préconisent les néoclassiques quant au
maniement des politiques de relance. Le passage suivant, emprunté à Creel et Sterdyniak
(1995), résume leur pensée en la matière : " ce sont les déficits publics eux-mêmes qui sont
responsables du niveau des taux d'intérêt, de sorte que leur réduction devrait faire baisser les
taux d'intérêt, sans coût pour le niveau d'activité, et devrait permettre à moyen terme d'impulser
l'accumulation du capital, donc la croissance."
L'explication avancée par les néoclassiques à la crise des années 70 s'inscrit dans cette
logique : les déficits budgétaires passés ont la part explicative la plus importante dans les
difficultés économiques rencontrées par un grand nombre de pays industrialisés. Les
14
Voir Yallen J. (1989)
57
gouvernements des pays en question ont eu un recours systématique à la politique budgétaire,
sans tenir compte des conséquences futures d’une telle démarche. Ces politiques ont été à
l’origine de la hausse des taux d'intérêt, ce qui a bloqué les investissements et la croissance
d’une part et a augmenté le coût de la dette de l’autre. La sortie de cet engrenage passe par la
mise en place de redressements budgétaires qui permettent à ces pays de retrouver des
situations financières saines. Une telle mesure est d’autant plus urgente que les coûts des
redressements s’accroissent à mesure qu’ils sont retardés : les charges de la dette augmentent
et les restrictions budgétaires doivent être d’une plus forte ampleur.
3.3- Le rôle de la politique budgétaire
Deux principales tendances se distinguent au sein de la nouvelle école classique quant
à l’utilisation optimal de la politique budgétaire. Certains économistes lui reconnaissent des
effets de régulation de court terme, tandis que d'autres n’en voient que des inconvénients et
exigent un équilibre budgétaire permanent.
La principale recommandation est de réduire au maximum le rapport de la dette au PIB,
et de veiller à sa stabilité dans les limites du possible. La réduction de la dette permettra à terme
de baisser le taux d'intérêt et de relancer l'investissement. Le principal objectif est de munir
l'économie avec un stock de capital qui garantit un bien-être social maximal à long terme. A
l’équilibre, le solde budgétaire ne sera pas forcément nul, car le stock optimal de capital peut
être compatible aussi bien avec un surplus qu’avec un déficit budgétaire.
Le solde budgétaire peut s’écarter temporairement de son niveau d’équilibre pour des
fins de stabilisation. Cependant, ces variations doivent rester d’une ampleur limitée pour éviter
toute dérive permanente. Plus l’écart est faible, plus le retour au déficit optimal est facile à
opérer. Les nouveaux classiques prônent donc une utilisation limitée et prudente de l'appareil
budgétaire, car l'usage très fréquent recommandé par les keynésiens mène nécessairement vers
des déficits permanents.
Le déficit optimal est difficile à estimer, car il dépend de la fonction d'utilité collective
et d'autres paramètres difficiles à quantifier. Certains éléments suggèrent néanmoins qu’il ne
puisse être très distant de l’équilibre budgétaire. Ainsi, le recours aux déficits temporaires pour
faire face aux revirements de la conjoncture est moins coûteux lorsque le stock de dette initial
est très faible. Une bonne situation financière limite la prime de risque et permet à l’Etat de
58
s’endetter à un taux d'intérêt moins élevé. D’autre part, les analyses récentes mettent l'accent sur
l'influence qu'exercent les agrégats des finances publiques sur les anticipations. La faiblesse de
ces grandeurs nourrit l’optimisme chez les agents, ce qui accroît les chances de réussite des
politiques de stabilisation.
Certains économistes restent sceptiques quant à la capacité des gouvernements à résister à
la tentation d’exploiter l’appareil budgétaire pour des fins politiques. Ainsi, Ils revendiquent la
mise en place d’une constitution budgétaire qui écarte définitivement le risque d’une dérive
financière de l’Etat. Les plus radicaux exigent un équilibre budgétaire permanent. Le pacte de
stabilité adopté par les pays membre de l’union européenne a relancé le débat autour de cette
idée. Une littérature abondante s'est intéressée depuis à l'étude des avantages et des
inconvénients de l'instauration d'une constitution budgétaire. Les circonstances actuelles
semblent être défavorables à une telle proposition, car le pacte de stabilité limite
considérablement la marge de manœuvre de certains pays comme l’Allemagne face à la
récession qui s’annonce.
II- Les faiblesses de la nouvelle construction classiques
Les critiques les plus sérieuses concernent évidemment les éléments sur lesquels repose
la construction théorique de la nouvelle école classique : les anticipations, la structure des
marchés financiers et la flexibilité des prix et des salaires.
1- La myopie des agents
Les résultats du modèle à générations imbriquées dépendent sensiblement des valeurs
futures de certaines variables. Pour déterminer son plan de consommation optimal, chaque agent
doit être en mesure d’anticiper avec précision l’ensemble les facteurs qui déterminent sa
richesse totale nette, tels que ses revenus salariaux, les rendements réels des ses placements
financiers et les variations des taux d’imposition.
Les nouveaux classiques adoptent des hypothèses assez fortes au sujet des anticipations, en
supposant qu’elles sont parfaites ou rationnelles. Les auteurs keynésiens insistent sur
l'incertitude qui caractérise le monde réel et mettent en avant ses répercussions sur la qualité des
anticipations. Cette incertitude peut dévier la consommation de son niveau optimal, ce qui
permet à la politique budgétaire de gagner en efficacité.
59
Certains agents n’ont pas les compétences requises pour effectuer des prévisions qui
portent sur un intervalle de temps étendu. Ils manifestent ainsi un certain degré de myopie qui
se traduit soit par une ignorance totale des contraintes fiscales futures, soit par une sousestimation de ces contraintes. Dans les deux cas la myopie renforce l'impact de la politique
budgétaire sur la consommation actuelle, dans la mesure où la dette publique sera considérée
comme une richesse nette par cette catégorie d’agents.
Ensuite, les trajectoires futures incertaines des variables peuvent pousser les agents à
allouer davantage de richesse à leurs consommations actuelles. La préférence pour le présent
sera d’autant plus importante que l’aversion des agents envers le risque est forte. En effet, la
satisfaction que les plans de consommation futurs sont susceptibles de générer décroît dans un
univers incertain, car elle dépend de la probabilité de leur réalisation. Ainsi, les agents peuvent
préférer la satisfaction certaine que permet la consommation actuelle à un bien-être futur
contingent à des facteurs qui sont en dehors de leur contrôle.
2- L'imperfection des marchés financiers
Nous mettons l’accent sur deux imperfections qui empêchent une répartition optimale de la
richesse dans le temps et qui accroissent ainsi l’efficacité de la politique budgétaire à court
terme.
2.1- Les contraintes de liquidité
Un agent souffre d’une contrainte de liquidité lorsque ses revenus courants ne lui
permettent pas d’atteindre son niveau de consommation désiré. Prenons l'exemple d'un individu
qui anticipe une augmentation de ses ressources futures. Il souhaite bénéficier d’un emprunt afin
d’augmenter sa consommation actuelle, en espérant rembourser cette dette grâce à
l’augmentation future de sa richesse. L’absence d’une source de financement l’empêcherait de
concrétiser ce plan de consommation. Dans ce cas, un desserrement des contraintes fiscales
actuelles contre une augmentation future des prélèvements permet de relâcher au moins
partiellement sa contrainte financière et de stimuler sa consommation. Une telle politique
équivaut à un transfert de revenu du futur vers le présent. Le besoin de liquidité que manifestent
les agents contraints fait qu’au moins une partie de ce transfert sera consacrée à leurs
consommations présentes.
Sur le plan pratique, les imperfections qui sont souvent à l’origine des contraintes de
60
liquidité sont le rationnement du crédit (l'existence d'un plafond à l'emprunt souvent lié au profil
de risque de l’emprunteur) et la différentiation des taux (l’application de taux d'intérêt différents
à l'emprunt et au prêt ou de taux croissants selon le montant de l’emprunt). Les travaux
empiriques révèlent que ces imperfections touchent une fraction assez significative de la
population. En distinguant trois sous-périodes au sein du cycle de vie (la jeunesse, l’âge adulte
et la vieillesse), les études montrent qu’une grande partie de la population est concernée par les
contraintes de liquidité durant les deux premières sous-périodes. Lors du jeune âge, les agents
disposent de peu de ressources salariales et les aides parentales ne leur permettent pas
d’atteindre leur niveau de consommation désiré. Durant l'âge adulte, les dépenses de couple
(dépenses liées aux enfants, à l'acquisition d'un bien immobilier …) dépassent souvent le revenu
courant et les agents manifestent de nouveau un besoin de liquidité. Ce n'est que durant la
troisième tranche d'âge que les revenus courants des agents dépassent souvent leurs besoins de
consommation. L’une des manifestations les plus courantes des contraintes de liquidité est donc
l'existence d'une épargne forcée durant la vieillesse. Lorsqu’une proportion importante de la
population est touchées par les contraintes de liquidité, la politique budgétaire retrouve en partie
son efficacité.
2.2- Le financement de la retraite
La période de retraite est financée par les placements de long terme que les agents
capitalisent au long de leurs périodes d’activité. Or, l’incertitude quant à la durée de vie peut
conduire à une épargne excessive qui évince une partie de la consommation au cours des
périodes qui précèdent l’âge de la retraite. En effet, le modèle de cycle de vie suppose que les
agents ne manifestent aucun degré d’altruisme et préfèrent consacrer la totalité de leurs
richesses à leurs propres consommations. Théoriquement, la richesse doit s’annuler au cours de
la dernière période du cycle de vie. Néanmoins, la durée de vie d’un individu n’est jamais
connue avec certitude et chaque agent est conscient qu’il peut vivre plus ou moins que l’âge
moyen de la population. Les agents sont donc pousser à épargner plus que la moyenne pour
assurer leurs consommations s’ils atteignent cette tranche d’âge.
Les marchés d’annuité offrent aux agents la possibilité d’acheter des contrats qui leur
garantissent des revenus réguliers à partir d’une date précise et jusqu’à la fin de leurs vies.
Lorsque ces marchés sont parfaits, ils offrent aux agents des revenus supérieurs à ceux qu’ils
auraient obtenus en épargnant les prix d’achat des contrats en question. En d’autres termes, les
61
contrats d’annuité auraient un taux rendement supérieur à celui des autres actifs financiers.
Ainsi, l’existence de ces contrats limiterait non seulement l’incertitude liée à la durée de vie,
mais également celle liée au rendement des placements financiers. Elle permettrait donc une
forte diminution de l’épargne de précaution et une promotion de la consommation. Cependant,
les marchés d’annuité sont soit complètement inexistants, soit loin d’être parfaits (offrent donc
des taux de rendement décourageants). Dans ce cas, la politique budgétaire peut stimuler la
consommation des générations actives en allégeant la pression fiscale liée à leurs revenus
salariaux par exemple.
Dans un grand nombre de pays, un système de retraite par répartition, géré par l’Etat,
remplace les marchés d’annuité. Les allocations de retraite ont un profil semblable aux contrats
d’annuité dans la mesure où elles sont financées durant la période d’activité, commencent à être
opérationnels à partir d’une date précise et s’arrêtent avec la mort de l’individu. Toutefois, les
conséquences économiques d’une telle gestion des retraites dépendent en partie de son mode de
financement. Si les retraites sont financées par les générations en activité, alors elles sont
sensibles à la fois aux facteurs économiques et démographiques. En cas de mauvaise
conjoncture (fort taux de chômage) ou de déséquilibre démographique entre générations, le
nombre de travailleurs peut être insuffisant pour financer les retraites. Si l’Etat s’endette pour
combler ce déficit, sa politique entraînera une contraction de la demande privée en réaction à
l’augmentation anticipée des prélèvements. Les incertitudes quant aux sources de financement
des retraites peuvent conduire les agents à former une épargne de précaution. Ce cas est
analogue à celui d’un marché d’annuité imparfait qui offre un rendement peu encourageant aux
participants.
En conclusion, on peut affirmer que l’imperfection des marchés d'annuité et les
problèmes de financement du système de retraite par répartition conduisent à une épargne de
précaution et donc à une répartition sous-optimale de la richesse sur le cycle de vie. Dans de
telles circonstances, la politique budgétaire peut promouvoir la consommation en limitant
l’incertitude qui pèse sur les revenus futurs.
3- Une critique des postulats classiques
Les keynésiens insistent sur la lenteur des ajustements des prix et des salaires nominaux et
développent des fondements microéconomiques qui sous-tendent ces hypothèses.
62
Ainsi, la théorie du salaire d'efficience, dont le modèle de Solow (1979) fut le point de
départ, offre une explication à la rigidité à la baisse des salaires15. Elle met en avant le lien entre
la rémunération d’un travailleur et sa productivité et conclut que les entrepreneurs n’ont pas
intérêt à baisser les salaires s’ils veulent garantir un effort maximal de la part de leurs
travailleurs. Les modèles de sélection adverse, de la rotation des emplois, du tir-au-flanc et
d’équité proposent des fondements à la relation croissante entre la rémunération et l’effort.
Cahuc et Zylberberg (1996) contient un exposé détaillé de ces différents modèles.
La théorie « insiders-outsiders » offre une explication alternative à la rigidité des salaires.
Elle présente le conflit qui oppose ceux qui sont à la recherche d’un travail (les outsiders) à
ceux qui disposent déjà d’un post (les insiders) comme étant à l’origine de cette rigidité. Les
insiders exerceraient en effet des pressions sur les outsiders, pour que ces derniers s’alignent à
leurs exigences salariales.
Toujours dans le domaine des salaires, Fisher (1977) et Taylor (1979) considèrent que
l’existence de contrats de long terme constitue un obstacle face à un ajustement rapide des
rémunérations nominales.
Plusieurs fondements théoriques ont été proposé à la viscosité des prix. Ainsi, nous
mentionnons les travaux de Akerlof et Yellen (1985) et de Mankiw (1985) qui mettent en avant
certaines frictions telles que les coûts d'étiquetage (menu costs) susceptibles d’expliquer la
lenteur des ajustements des prix.
Okun (1975 et 1981) propose une approche, connue sous le nom du marché de clientèle,
qui met en avant les coûts subis par les consommateurs qui sont à la recherche des prix les
moins élevés. Ces coûts limitent l’intensité de cette recherche, ce qui encourage les entreprise à
maintenir leurs prix à des niveaux assez élevés.
Enfin, stiglitz (1987) considère que le prix peut être un indicateur de qualité. Ainsi, les
entreprises seraient réticentes à baisser leurs prix, par crainte qu’une telle initiative ne soit
interprétée comme une détérioration de la qualité de ses produits.
Toutefois, Ball Mankiw et Romer (1988), soulignent que ces frictions sont de second ordre
et ne peuvent expliquer la forte rigidité des grandeurs nominales. En effet, la forte inertie des
grandeurs nominales s’expliqueraient essentiellement par une combinaison des rigidités
nominales et réelles. Ainsi, Ball et Romer (1990) et Mankiw et Romer (1991) démontrent qu’en
15
Yallen (1984) et Wiess (1991) propose une synthèse de cette théorie.
63
présence des rigidités réelles, les frictions en question sont susceptibles de générer de forte
rigidités nominales.
Pour les keynésiens la parfaite flexibilité des prix est une caractéristique propre au plein
emploi. Or, les économies des pays industriels ont rarement atteint une telle situation. Aux Etats
Unis, plusieurs économistes ont considéré que le chômage constaté au cours des années 60 était
un chômage structurel. Les baisses consécutives du taux de chômage dans ce pays ont montré
par la suite qu'il s'agissait d'un chômage involontaire et non d’un chômage naturel. En présence
des rigidités nominales les économies mettent un intervalle de temps assez long pour converger
de nouveau vers leurs équilibres initiaux dès qu’elles s’en écartent, ce qui redonne aux
politiques de stabilisation toute leur utilité.
Les critiques keynésiennes concernent également l'effet Pigou que les néoclassiques
présentent comme un mécanisme qui garantit un retour rapide au plein emploi. Nous avons
souligné que la partie de la richesse qui peut être destinée à la consommation regroupe les
composantes les plus liquides des patrimoines des agents, à savoir les encaisses monétaires et
les obligations. Parmi les encaisses monétaires, les keynésiens distinguent la monnaie "externe"
et la monnaie "interne". La monnaie externe regroupe la monnaie fiduciaire et les dépôts des
banques dont la contrepartie est constituée par les encaisses liquides et des réserves déposées à
la banque centrale. Cette monnaie est considérée comme une richesse nette par les agents. La
monnaie interne correspond aux dépôts bancaires créés à l'occasion d'un prêt contracté par les
agents privés. Cette monnaie n'est pas considérée comme une richesse nette car elle correspond
à une dette. Il s’ensuit que seule une partie de la masse monétaire est concernée par l’effet
d’encaisses réelles décrit par Pigou, ce qui limite considérablement l’ampleur de ce mécanisme.
Sur le plan empirique, les études montrent que l'effet de richesse est insuffisant pour ramener
l'économie à l'équilibre à la suite d’un choc. A travers un exercice de simulation, Stiglitz (1992)
conclut que si les prix baisse de 10% par an, alors il faut compter 400 ans pour atteindre une
hausse de 25% de la demande.
La lenteur des ajustements remet en question certaines conclusions énoncées par la
nouvelle école classique. Si l'économie dispose de capacités de production non employées, alors
une politique de relance créera une richesse supplémentaire qui élargit l’assiette fiscale de l’Etat
et permet de financer au moins partiellement son intervention. Les avertissements concernant un
éventuel problème de soutenabilité deviennent peu crédibles. Aussi, en cas d’un
64
accompagnement monétaire adéquat la richesse générée par la politique de relance alimente le
marché des capitaux avec une nouvelle épargne. Cette nouvelle offre de crédit contribue à
limiter la hausse du taux d'intérêt et à affaiblir l’effet d’éviction.
4- Quelques problèmes de modélisation
Les nouveaux classiques transposent à l’échelle globale les résultats dérivés à partir des
modèles à agent représentatif. Cette démarche ne tient pas compte de l’hétérogénéité des
problèmes de décisions. Cette hétérogénéité concerne aussi bien les préférences, que le degré de
myopie ou le degré d'exposition aux contraintes de liquidité. Les imperfections à l'origine des
contraintes de liquidité peuvent également exercer des influences différentes sur les décisions
finales. Hayashi (1985a) compare la modélisation d’un problème de rationnement de crédit et
d’un problème de différentiation des taux et démontre que les programmes d’optimisation
aboutissent à des fonctions de consommation et d'investissement différentes dans les ceux cas.
En formulant cette critique, nous ne renions pas catégoriquement l’utilité des fondements
microéconomiques, mais nous pensons qu'ils doivent servir uniquement de moyen d'éclairage
aux fonctions globales. Nombre de d’économistes refusent de recours exagéré à la théorie
microéconomique et contestent la technique d’agrégation. La déclaration suivante de Tobin
résume parfaitement ces idées16 : « je pense qu’il est important que les équations de
comportement d’un modèle macroéconomique ne contredisent pas les axiomes de base de la
théorie des choix, et soient en principe cohérentes avec ces axiomes. Mais je pense que la
version forte des fondement microéconomiques est une erreur méthodologique qui a causé un
tort considérable. Je parle du présupposé désormais largement admis de l’existence d’agents
représentatifs,
dont
le
comportement
d’optimisation
engendrerait
des
équations
macroéconomiques… supposez qu’il y ait un grand nombre d’agents différents, qui tous ont un
comportement de maximisation. Ensuite, vous les additionnez, pour n’avoir qu’une seule
équation, celle dont vous avez besoin dans votre modèle. Il se peut que la solution obtenu à
partir de cette sommation ne corresponde à celle d’aucun individu en particulier ».
L'appréciation des conséquences normatives des politiques économiques est l’une des
principales raisons qui justifient le recours à la théorie microéconomique. Nous avons souligné
que les modèles classiques démontrent que la politique budgétaire détériore le bien-être des
générations futures en diminuant le stock de capital privé. Nous formulons deux objections
contre ce résultat.
16
Voir Snowdon, Vane et Wynarczyk (1997), pages (149,150).
65
La première est que les modèles en question ne rendent pas compte de l'influence du
stock de capital public sur le bien-être des agents. Les dépenses publiques sont considérées
comme totalement improductives. Ainsi, chaque unité de capital qui passe entre les mains de
l’Etat aura comme conséquence une baisse de la production. Une telle modélisation sous-estime
le potentiel de production de l’économie et aboutit à des résultats erronés, car les
investissements publics peuvent être aussi productifs que les investissements privés. De plus,
certaines catégories de dépenses, telles que celles liées aux infrastructures, contribuent
sensiblement à la promotion de la production. Les dépenses publiques financent également la
recherche scientifique et contribuent ainsi aux progrès techniques qui offrent de nouvelles
perspectives de croissance. Les investissements publics concernent aussi bien le capital
physique que le capital humain. Les dépenses d'enseignement alimentent le marché du travail
avec une main d'œuvre qualifiée indispensable au bon fonctionnement du processus de
production. Ces exemples montrent que le capital public contribue à plus d’un titre à stimuler la
croissance. Il exerce ainsi une influence positive sur le bien-être des agents. Ces résultats
peuvent être démontrés soit en intégrant explicitement le capital public dans la fonction de
production soit en modélisant son impact sur le progrès technique et sur le capital humain.
Barro (1990) propose un modèle qui illustre l’impact les dépenses publiques sur la croissance.
Deuxièmement les nouveaux classiques considèrent que le financement des dépenses
actuelles par des impôts futurs constitue toujours une atteinte au bien-être des générations à
venir. Nous pensons que dans certains cas ce mode de financement peut s’avérer plus équitable
et plus efficace expost. Considérons le cas des dépenses d’infrastructure. Elles profitent aussi
bien aux générations futures qu'aux générations actuelles. Il est donc équitable qu'une partie de
ces dépenses soit financée par emprunt. Prenons également l’exemple des dépenses de
protection de l’environnement. Les dépenses et les lois mises en place afin de préserver
certaines ressources naturelles constituent une charge conséquente pour les générations
actuelles. Outre le financement de ces dépenses, l'adoption de certaines lois qui limitent
l’utilisation des substances polluantes et qui réglemente le stockage ou le recyclage des déchets
augmentent les coûts de production des entreprises concernées et se répercutent négativement
sur la croissance. Il est vrai que ces mesures permettent d’éviter des dommages irréversibles sur
le plan écologique et de rétablir quelques équilibres naturels à une étape où les dégâts sont
encore limités et donc moins coûteux à réparer. Toutefois, les générations à venir sont celles qui
profiteront le plus des résultats de ces mesures. Il est donc équitable qu’elles assument une
66
partie des coûts liés à ces opérations. De plus, la décision est économiquement plus avantageuse
lorsqu’elle elle est prise à une étape précoce car elle revient moins chère. Par ailleurs, si ces
dépenses permettent également d’améliorer les performances futures de l’économie, alors
l’augmentation de la richesse qu’elles peuvent générer peut être suffisante pour couvrir leurs
coûts.
5- Des explications keynésiennes à la crise des années 70
La doctrine classique n’est pas la seule à fournir une explication cohérente à la coexistence
d'un taux d'intérêt élevé et d'un fort déficit budgétaire. Creel et Sterdyniak (1995) proposent
quatre explications d’inspiration keynésienne à cet engrenage.
La première présente l’indépendance des banques centrales et le manque de coordination
qui en découle comme les responsables d’un tel équilibre macroéconomique. Dotées d’une
grande autonomie de décision, les banques centrales accordent de moins en moins d’importance
aux objectifs réels et font de la lutte contre l’inflation leur priorité. Ce mode de gestion de la
politique s’inspire des thèses de la nouvelle école classique, selon lesquelles les politiques
expansionnistes génèrent de l’inflation sans avoir de conséquences durables sur l’activité17. Elle
suggère donc aux banques centrales d’abandonner les préoccupations réelles et se concentrer sur
la lutte contre l’inflation. Pour accomplir cette mission avec succès, les autorités monétaires
doivent se forger une réputation anti-inflationniste en pratiquant des politiques de forts taux
d’intérêt. Or, le coût en termes d’activité d’une telle politique oblige l’Etat à renforcer son
soutien à la demande afin d’atteindre son objectif de production. L’intervention de l’Etat nourrit
les tensions inflationnistes et conduit la banque centrale à adopter une attitude plus ferme qui se
manifeste par une nouvelle augmentation du taux d’intérêt. La situation s’apparente ainsi à un
jeu non coopératif, dans lequel chaque joueur varie son instrument en fonction de son propre
objectif et en réponse à la politique de son vis-à-vis. Ce jeu aboutit à un équilibre caractérisé par
un fort taux d’intérêt, un fort déficit budgétaire, une faible production et une forte inflation. Les
politiques non-coordonnées se neutralisent et débouchent ainsi sur un équilibre peu satisfaisant
pour les deux autorités.
La deuxième explication est la non-coordination des politiques économiques entre des pays
de même taille en changes flexibles. Face à un choc inflationniste, les deux pays préfèrent une
intervention monétaire à une stabilisation budgétaire. En effet, les autorités des deux pays
surestiment la capacité d’une politique monétaire restrictive à lutter contre l'inflation notamment
17
Le quatrième chapitre contient une analyse détaillée de cette approche.
67
à travers son impact sur le taux de change. Or, les augmentations simultanées des taux d’intérêt
se neutralisent mutuellement et ne permettent guère d’amortir l’impact du choc, qui se répercute
pleinement sur la production des deux pays et dégrade ainsi leurs soldes budgétaires.
L’équilibre sera donc caractérisé par des taux d’intérêt et des déficits budgétaires élevés.
Le système monétaire européen peut fournir une explication alternative aux niveaux des
taux d’intérêt et des déficits budgétaires. Nous rappelons qu’il s’agit d’un système de change
fixe dans lequel des pays dominés subissent la politique monétaire de l’Allemagne le pays
dominant. Les pays dominés réagissent à un changement de politique monétaire du pays
dominant par des mesures budgétaires ou par une variation des parités de leurs monnaies.
Considérons le cas où le pays dominant augmente son taux d’intérêt en réaction à un choc
exogène. Les autorités des pays dominés ont le choix entre trois solutions. Si elles veulent
préserver à la fois le plein emploi et la parité de change, alors elles doivent compenser l’effet
dépressif de la hausse du taux d'intérêt par un déficit budgétaire. Si elles veulent préserver le
solde budgétaire et la parité de la monnaie, alors elles sont obligées de constater une baisse de la
production. Enfin, si elles veulent préserver le solde budgétaire et le plein emploi alors elles
sont obligées de dévaluer la monnaie nationale en réaction à la hausse du taux d'intérêt du pays
dominant. Creel et Sterdyniak pensent que des pays comme la France, la Belgique et les Pays
Bas ont choisit la première solution à la suite de la réunification allemande et se sont trouvés
avec des déficits budgétaires et des taux d’intérêt élevés, alors qu'ils auraient pu éviter cette
situation en dévaluant leurs monnaies respectives par rapport au Mark.
Enfin, les profondes modifications dans le fonctionnement de la sphère financière ont
également contribué à l’engrenage qu’ont connu les pays européens. D’abord, la libéralisation
des mouvements des capitaux et la déréglementation financière ont bouleversé le
fonctionnement des marchés financiers et ont largement contribué à la flamber des taux
d'intérêt. En effet, la multiplication des sociétés d'intermédiation financière a introduit de la
concurrence dans un marché qui était jusqu'à un passé récent le terrain privilégié des
organismes bancaires. Ces derniers ont profité pendant longtemps d’une situation
monopolistique pour rémunérer les dépôts à des taux très faibles. Le passage vers un marché
concurrentiel s'est accompagné logiquement d’une hausse des taux d'intérêt. De la même façon,
la libéralisation des mouvements des capitaux a introduit un phénomène de concurrence
similaire à l'échelle internationale, en obligeant les gouvernements à offrir des intérêts plus
68
élevés afin d'attirer les prêteurs. L’augmentation du coût de la dette a naturellement renforcé les
déficits budgétaires. Cette profonde restructuration de la sphère financière a également
dépourvu les canaux de transmission traditionnels de la politique monétaire de leur efficacité.
Ainsi, la régulation du niveau du taux d'intérêt a-t-elle échappé en partie au contrôle des
banques centrales.
Ces explications montrent que la théorie keynésienne est capable à la fois de rationaliser et
de proposer des solutions à la situation économique délicate qu’a connu l’Europe au cours des
années 70. Aussi, les critiques que nous avons développé au long de ce paragraphe montre que
le rejet du paradigme keynésien préconisé par les partisans de la nouvelle école classique est
une démarche pour le moins contestable.
69
Première partie
Un bilan de la
littérature.
La théorie keynésienne prône un schéma de coordination particulier, où le gouvernement
réagit aux insuffisances de la demande, tandis que la banque centrale veille sur la stabilité du
taux d’intérêt. La politique monétaire limite ainsi l’éviction des investissements et permet à
l’économie de profiter pleinement de l’effet multiplicateur de la politique budgétaire.
Toutefois, le débat autour des problèmes de coordination s’est éclipsé progressivement à
mesure que les critiques à l’encontre de l’approche keynésienne se sont intensifiées. Les
attaques monétaristes étaient centrées sur la gestion de la politique monétaire, tandis que les
néoclassiques ont fortement contesté l’efficacité des relances budgétaires. La multiplication des
critiques ciblées a conduit à un cloisonnement des analyses des problèmes relatifs aux politiques
monétaires et budgétaires.
L’objectif de cette première partie est d’explorer les deux voies proposées par la
littérature afin de dresser un bilan des approches théoriques les plus récentes. Il s’agit
70
d’identifier les lacunes des analyses contemporaines et de formuler certaines propositions qui
permettent de les dépasser. Ces critiques et ces propositions serviront de base aux apports
personnels qui seront développés dans la deuxième partie.
Chapitre 2
Les approches
théoriques
contemporaines de
la politique
budgétaire
Alors que les monétaristes se sont tournés vers l’étude des problèmes relatifs à la
politique monétaire, le débat entre les keynésiens et les néoclassiques était centré davantage sur
71
la question budgétaire. En s’appuyant sur l’hypothèse des anticipations rationnelles, ces derniers
mettent en avant la capacité des agents à effectuer des choix de long terme qui atténuent
sensiblement les conséquences immédiates des politiques de relance.
De nouvelles approche théoriques associent la rationalité des anticipations à d’autres
hypothèses et aboutissent à des résultats peu conventionnels.
Ainsi, Robert Barro propose une mise à jour du théorème d’équivalence de Ricardo en
faisant appel à l’altruisme des agents.
De leur côté, les économistes de l’offre mettent en garde contre les conséquences
négatives d’un interventionnisme étatique exagéré dans la vie économique. Ils prônent la mise
en place de redressements budgétaires qui limiteraient la part de l’Etat dans le PIB et se
conduiraient ainsi à une relance de l’activité.
72
Section 1 : Le principe néoricardien d'équivalence
Dans un article publié en 1974, Robert Barro propose une variante du modèle de cycle
de vie à travers laquelle il démontre que la politique budgétaire est neutre quel que soit son
mode de financement.
Son approche a donné naissance à une littérature abondante sur les plans théorique et
empirique. La plupart des économistes restent sceptiques quant à la pertinence du théorème
d’équivalence rétablit par Barro et aux recommandations qui en découlent. Le travail de Barro
a toutefois le mérite d'avoir attiré l'attention à certains aspects des problèmes de décision qui
étaient jusqu’à lors négligés par la littérature.
I- Les fondements théoriques
1- L'apport de Barro
La politique budgétaire ne peut altérer les plans de consommation des générations
actuelles que si elle parvient à accroître leurs richesses nettes. Un tel accroissement des
richesses ne peut avoir lieu que lorsque les coûts des expansions budgétaires sont supportés au
moins en partie par les générations futures. Dans ce cas, les titres publics sont considérés
comme une richesse nette par leurs détenteurs et l’Etat réussit à stimuler la consommation
courante.
Barro remet en question ce résultat, en considérant que la politique budgétaire peut être
totalement inefficace même en cas de report des impôts vers les générations futures. Ceci est
notamment le cas lorsque les générations consécutives sont liées entre elles par des transferts
altruistes. Il transforme ainsi le modèle de cycle de vie en un modèle à durée de vie infinie en
introduisant la notion d’altruisme et ainsi généralisé un résultat qui est valable uniquement
lorsque le financement de la politique budgétaire est totalement supporté par les générations
actuellement en vie.
La proposition suivante résume le résultat obtenu par Barro : si les générations
consécutives sont liées entre elles par une chaîne de transferts altruistes, alors une politique
budgétaire expansive financée par une augmentation des prélèvements futurs n'aura aucun effet
sur la consommation courante, même si les prélèvements en question sont entièrement
supportés par les générations à venir. Ce résultat implique que les financements de politique
73
budgétaire par emprunt ou bien par impôt sont équivalents en présence des transferts
intergénérationnels.
Ce résultat s’appuie sur le raisonnement suivant. Supposons que le gouvernement
augmente les dépenses de transferts vers les générations actuelles tout en programmant à une
date éloignée la hausse des prélèvements qui servira à financer cette expansion budgétaire. une
tette politique conduit à un accroissement de la richesse nette des agents. Or, les membres des
générations actuelles anticipent parfaitement l’augmentation future des prélèvements.
L’importance qu’ils accordent au bien-être de leurs descendants les pousse à leur transférer le
surplus de richesse dont ils ont bénéficié. Leurs enfants pourront ainsi faire face à une fiscalité
future plus contraignante. Dans ce cas, la politique budgétaire sera sans conséquence sur les
richesses nettes des générations actuelles et futures et n’aura aucun impact sur l’activité.
Barro justifie l'existence des transferts intergénérationnels, par l'importance qu'accordent
les parents au bien-être de leurs enfants. Il suppose donc que le niveau de satisfaction des agents
dépend à la fois de leurs consommations et de celle de leurs enfants. Pour cette raison, il insiste
sur le caractère intentionnel des transferts qui démontre qu’ils émanent de l’altruisme des
agents.
Sur le plan pratique, l'héritage est la forme la plus connue des transferts entre générations.
Pour Barro les transferts peuvent prendre des formes très variées et peuvent avoir lieu lorsque
les parents sont encore en vie. Ainsi, les dépenses d'enseignement peuvent être considérées
comme un transfert de richesse des parents vers les enfants. Les parents peuvent allouer les
sommes consacrées au financement des études de leurs enfants à leur propre consommation. Ils
préfèrent néanmoins investir dans l’enseignement de leurs enfants afin de leur garantir un
niveau de vie futur plus élevé. C'est la parfaite illustration de l'altruisme qui est à l’origine des
transferts entre les générations dans l'esprit de Barro. Le choix des parents peut être rationalisé
si la désutilité générée par la baisse de leur consommation est compensée par le bien-être que
procure l’amélioration du niveau de vie des enfants.
Il faut noter également que les transferts vont dans les deux sens : des parents vers les
enfants et des enfants vers les parents. Les enfants s’intéressent également au bien-être de leurs
parents. Cet intérêt motive des transferts dans le sens inverse qui permettent de neutraliser
l'impact des politiques budgétaires qui profitent aux jeunes générations : en constatant un
accroissement de leur richesse au détriment de leurs parents, les enfants entreprennent des
74
transferts qui vont à l’encontre de la politique redistribution.
2- Le cadre théorique sous-jacent
Pour démontrer les résultats précédemment énoncés, Barro (1974) s’appuie sur un modèle
à générations imbriquées, dans lequel il introduit quelques innovations qui lui permettent de se
distinguer des modèles standards.
2.1- Description du modèle
Barro propose un modèle simple dans lequel deux générations de même taille coexistent à
chaque période. Les membres de la jeune génération sont les descendants de ceux de la vieille
génération. Pour simplifier l’analyse, il suppose que chaque membre de la première génération
donne naissance à un seul enfant.
Chaque agent exerce une activité salariale durant la première période de sa vie, dont il
partage le revenu entre sa consommation courante et une épargne qui sert à financer sa
consommation de la seconde période au cours de laquelle il ne perçoit aucun revenu salarial.
Pour les membres de chaque génération, la décision de consommation est issue d'un programme
d'optimisation dans lequel un agent représentatif maximise une fonction d'utilité
intertemporelle, sous sa contrainte budgétaire.
L’économie est dans un état stationnaire avec un taux de croissance, un taux d’intérêt et
des dépenses publiques constants. Les taux d’imposition sont également stables d’une période à
l’autre. Les agents sont donc en mesure d’anticiper parfaitement leurs revenus futurs.
Barro introduit néanmoins deux nouveautés qui distinguent son cadre d’analyse d’un
modèle de cycle de vie ordinaire.
D’abord les membres de la vieille génération ne consacrent pas la totalité de leurs revenus
à leurs propres consommations. Ils prennent le soin d’épargner une partie de leurs richesses afin
de la transmettre à leurs descendants. Ainsi, la dynamique de la richesse se présente comme
suit. Durant la première période, les membres de la jeune génération partagent leurs revenus
salariaux entre leurs consommations courantes et l’épargne :
ω = C2j + S2j
où est le salaire réel. C2j et S2j représentent respectivement la consommation et l’épargne des
75
membres de la génération 2 durant leur période d’activité (de jeunesse).
Durant la deuxième période, ils perçoivent le rendement de leurs propres placements et de
ceux de leurs parents. Ils répartissent à leur tour cette somme entre la consommation et une
épargne qui sera transférés à leurs enfants :
(1 + r ) ( S2j + S1v ) = C2v + S2v
ou r est le taux d’intérêt, S2v l’épargne léguée par les membres de la génération 1 au cours de
leur période de vieillesse et C2v la consommation des membres de la génération 2 durant leur
période de vieillesse.
La deuxième différence concerne la fonction d'utilité. Barro considère que le niveau de
satisfaction des parents ne dépend pas uniquement de leurs plans de consommation, mais
également du bien-être de leurs enfants. Il propose deux méthodes qui permettent de tenir
compte de cette interdépendance entre les niveaux de satisfaction des différentes générations.
Elles consistent à intégrer soit le niveau de consommation de l'enfant soit son niveau de
satisfaction comme un argument dans la fonction d'utilité des parents. Il résout le modèle à
l’aide de cette deuxième solution :
Ui = Ui ( Ci j , Civ ,Ui*+1 )
où U*i+1 est le niveau de satisfaction des membres de la génération i+1 (qui sont sa
descendance). Comme la consommation de l'enfant et son niveau de satisfaction dépendent du
transfert dont il bénéficiera, cette variable influencera indirectement la fonction d'utilité des
parents.
2.2- Les principaux résultats
Les plans de consommation des agents dépendent de leurs richesses nettes et de leurs
préférences. La forme de la fonction d'utilité nous décrit ses préférences temporelles et
détermine par conséquent la répartition de sa richesse totale entre les périodes. Elle nous
informe également sur l'importance qu'il accorde au bien-être son enfant et détermine donc le
montant du transfert qui lui sera consacré. Barro (1974) distingue deux principaux résultats.
Premièrement, les transferts peuvent être positifs, négatifs (si l'on admet que les parents
sont autorisés de léguer une dette à leurs enfants) ou nuls. L’existence d’un transfert négatif
76
offre la possibilité d’un flux financier des jeunes vers les vieux en cas de nécessité. Comme
nous l’avons souligné, ce type de transfert permet de neutraliser les politiques de redistribution
qui profitent aux jeunes générations. Le transfert sera nul si les parents trouvent que la
satisfaction qu’ils tirent de leur propre consommation dépasse celle que leur procure une
amélioration du bien-être de leurs enfants. Il sera positif dans le cas contraire.
D’une façon générale, la décision des parents dépendra du poids de l'utilité des enfants par
rapport à leur propre utilité, du taux d'intérêt, du montant de la dette publique et du taux de
croissance de l'économie :
(i)
Plus l'importance accordée au bien-être des enfants est forte, plus la probabilité d'un
transfert positif est grande.
(ii)
Plus le taux d'intérêt est fort, plus les charges de la dette publique sont importantes et plus
les parents sont désireux de transférer une partie de leur richesse vers leurs enfants.
(iii) Plus le montant de la dette est important, plus les prélèvements futurs le seront et plus le
volume du transfert sera élevé.
(iv) Enfin, plus le taux de croissance est faible, plus la motivation des parents est grande pour
un transfert positif. Dans le modèle proposé par Barro (1974), le taux d’intérêt et le salaire
réel correspondent aux produits marginaux du capital et du travail. Lorsque la croissance
est faible, ces produits marginaux seront faibles à leur tour. La richesse des enfants risque
donc d’être limitée, d’où la motivation des parents.
Deuxièmement, si les conditions sont réunies pour qu’un transfert positif des parents vers
les enfants ait lieu, alors toute expansion budgétaire financée par des prélèvements futurs n'aura
aucun effet sur la consommation. Lorsque la sensibilité des parents au bien-être de leurs enfants
est forte au point de générer un transfert positif, alors elle conduira sûrement à une
augmentation du montant de transfert lorsqu’une politique budgétaire expansionniste est mise
en place. Cette conclusion est justifiée par le raisonnement suivant. Les parents avaient
l'occasion d'augmenter leur consommation avant la mise en place de la politique budgétaire. Ils
ont toutefois préféré allouer une partie de leur richesse à leur enfant. Il s’ensuit que
l'augmentation de la richesse n’aura aucun effet sur leur consommation, puisqu’ils avaient
l'occasion de dépenser davantage avant la mise en place de la politique budgétaire et qu'ils ont
renoncé à cette option. En effet, la décision de transfert est prise par les parents lorsque l'utilité
77
que leur procure une unité de consommation supplémentaire devient plus faible que l'utilité
obtenue grâce à une appréciation du bien-être de leurs enfants. Si les parents ont atteint le seuil
à partir du quel leur consommation est devenue moins porteuse de bien-être que celle de leurs
enfants, alors la totalité de la richesse offerte par la politique budgétaire sera consacrée au
transfert. La politique budgétaire n’aura par conséquent aucun impact sur la demande des
générations actuelles et futures.
II- Les conclusions et les recommandations
A partir de ces résultats, Barro tire deux conclusions qui le conduisent à formuler deux
principales recommandations.
1- Le renouveau de l’équivalence ricardienne
La première conclusion est que les modes de financement des expansions budgétaires sont
équivalents, dans la mesure où les transferts entre les générations garantissent la neutralité des
tentatives de relance dans tous les cas. Ce résultat a valu à cette approche le nom du principe
néoricardien d’équivalence, par référence à David Ricardo qui était le premier économiste qui à
énoncer ce résultat.
Barro affirme que cette conclusion est valable même en cas d'une monétisation de la dette.
Les agents anticipent les effets inflationnistes d'une telle mesure et la dépréciation de la richesse
réelle qui en découle. Ils augmenteront leurs transferts en réaction au financement monétaire
anticipé de la dette, de façon à maintenir constante la richesse réelle de leurs descendants. Ainsi,
quel que soit son mode de financement, la politique budgétaire se répercute seulement sur
l'épargne des agents et ne peut stimuler leurs consommations.
2- La stabilité du taux d’intérêt
La deuxième conclusion découle logiquement de la première. Elle affirme que la politique
budgétaire n'a aucune conséquence sur le taux d'intérêt. A toute baisse de l'épargne publique
correspond une augmentation de l'épargne privée, qui garantit la stabilité de l'épargne nationale
et celle du taux d’intérêt. Une augmentation du taux n’est envisageable que lorsque la politique
budgétaire parvient à stimuler les composantes réelles de l’économie. Si une partie de la dette
est consacrée à la consommation, alors l'augmentation de l'épargne privée ne sera pas suffisante
pour maintenir l'épargne nationale à son niveau initial. Une augmentation du taux d'intérêt
78
viendra donc diminuer la demande de crédit et rétablir l'égalité entre l'offre et la demande. Dans
le modèle de Barro, la présence des transferts altruistes entre les générations empêche
l'apparition de ces effets réels et garantit le maintien du taux à son niveau initial. Ainsi, la
politique budgétaire n'exerce aucun effet d’éviction dans un contexte néoricardien.
En définitive, la politique budgétaire ne parvient à stimuler la demande que par son apport
direct, puisque la consommation et les investissements sont insensibles aux mesures
budgétaires. Ainsi, seule une politique de dépense est capable d’avoir une influence sur
l’activité. Une politique de baisse des impôts est sans effet sur la demande.
3- Les arguments en faveur d’une politique contracyclique
La conclusion que nous venons d’énoncer pousse Barro à plaider en faveur d'une politique
budgétaire contracyclique. Il considère qu'il est préférable d'accumuler les déficits pendant les
périodes de récession et de les compenser par les excédents pendant les périodes d'expansion.
Sa recommandation s’appuie sur les arguments suivants.
D’abord, les politiques contracycliques réduisent les coûts des récessions en permettant
une relance rapide de l'activité par le biais des dépenses publiques. Cette politique ne présente
aucun risque à long terme car les déficits occasionnés pendant les périodes de récessions sont
automatiquement compensés par des surplus durant les périodes d’expansion. Les déficits
occasionnés sont donc transitoires ce qui élimine le risque de déclenchement d’une spirale
d’endettement. De plus, l’économie n’enregistre aucune éviction du capital privé, puisque les
ajustements de l’épargne privée garantissent la stabilité de l’épargne nationale et du taux
d’intérêt.
Pour Barro, plus les déficits sont importants, plus l'intervention de l'Etat est efficace dans
la mesure où elle permet un retour plus rapide à l’équilibre. L’incapacité de la politique
budgétaire à stimuler les autres composantes de la demande justifie le recours à des déficits de
fortes ampleurs. L’absence de l’effet d’éviction garantit que l'ampleur du déficit budgétaire sera
sans effets sur l'activité présente et future. Ainsi, Artus (1989) souligne : « dans une optique de
régulation conjoncturelle, s’il y a neutralité ricardienne, une utilisation transitoire de la
politique budgétaire peut être efficace, ce qui est satisfaisant car ce type d’utilisation ne risque
pas d’accroître visiblement l’endettement de l’Etat »
Ensuite, Barro souligne le caractère spontané des politiques contracycliques. En effet,
79
lorsque l'économie fait face à une mauvaise conjoncture, les dépenses ont tendance à augmenter
automatiquement tandis que les recettes fiscales enregistrent une forte baisse. Ce phénomène est
qualifié dans la littérature de stabilisation automatique. Barro considère que les forts déficits qui
ont accompagné les périodes de guerre ou de catastrophes naturelles aux Etats Unis s’inscrivent
dans ce registre. Si l'Etat cherche à ramener le budget à l'équilibre dans de telles circonstances,
alors il aggrave la situation et retarde la sortie de la crise. Il est donc préférable de maintenir ce
déficit ou de le renforcer en augmentant davantage les dépenses afin d’accélérer la reprise.
4- Le lissage fiscal
La variabilité des taux d’imposition altère l'allocation des facteurs de production dans le
temps et se répercute négativement sur le bien-être social. Barro appelle ainsi à un lissage fiscal
qu’il justifie par l’existence de ces distorsions.
Prenons l’exemple d’une augmentation anticipée de l'impôt sur les salaires. Les
travailleurs réagissent en augmentant le nombre d'heures de travail offertes. Durant les périodes
à venir, ils accorderont davantage de temps au loisir qui deviendra relativement moins cher.
Barro s'intéresse davantage à la substitution intertemporelle du facteur capital car il estime
qu'elle a des conséquences plus importantes sur l'activité et sur le bien-être des agents. Sur le
plan théorique, il démontre que les écarts entre les taux d'imposition d’une période à l’autre
conduisent à des solutions en coin où la production entière est réalisée durant la période de
faible impôt. Bien qu’un tel scénario est inenvisageable dans la réalité, on peut néanmoins
assister à de fortes baisses de production durant les périodes où les impôts sont relativement
plus forts. Cette remarque est également valable pour l'allocation du capital entre les différents
secteurs d'activité. Ainsi, les branches qui offrent la fiscalité la plus avantageuse risquent
d’attirer davantage de capitaux. Barro estime donc que le gouvernement doit choisir sa politique
fiscale de façon à obtenir une allocation optimale du capital entre les différents secteurs
d'activité. Il doit par la suite veiller à la stabilité de la structure des prélèvements dans le temps
afin d'éviter les substitutions intertemporelles et de garantir la stabilité de l’activité. Une gestion
contracyclique des dépenses garantit la stabilité de la politique fiscale tout en luttant
efficacement contre les chocs.
III- Les faiblesses de l'approche néoricardienne
Le conflit entre les nouveaux classiques et les keynésiens porte sur le degré de myopie,
80
l'intensité des contraintes de liquidité et la proximité du plein emploi. Les propositions de Barro
ont détourné l'attention des économistes vers d'autres sujets en rapport avec le cadre dynastique.
Ainsi, une partie de la littérature s’est engagée dans la vérification du comportement altruiste
des agents. D’autres études se sont intéressées aux conditions requises pour qu'une dynastie soit
assimilée à un individu à durée de vie infini. En définitive, les différentes hypothèses qui soustendent le théorème d'équivalence ont été minutieusement étudiées aussi bien sur le plan
théorique que sur le plan empirique.
1- Les critiques fondamentales
1.1- Le caractère altruiste des transferts
Quelques études révèlent l’existence d’importants transferts entre les générations,
apportant ainsi un soutien empirique au théorème d’équivalence. Deux arguments suggèrent
néanmoins une remise en question de ces résultats. D’une part, ces études ne fournissent aucune
preuve du caractère intentionnel et altruiste des transferts. D’autre part, elles ne donnent aucune
idée sur leur répartition parmi la population. L'incertitude sur la durée de vie par exemple peut
conduire à des transferts accidentels. Les transferts peuvent être également un phénomène
marginal qui concerne seulement certaines couches sociales. Diamond et Hausman (1984)
soutiennent cette idée en affirmant qu'aux Etats Unis plus que 20% de la population arrivent à
l'âge de la retraite sans avoir cumulé de richesse qu'ils peuvent léguer à leurs enfants.
Bernhein, Shleifer et Summers (1985) affirment que l’existence des transferts pour une
raison autre que l'intérêt qu’accordent les parents au bien-être de leurs enfants remettrait en
question le principe d’équivalence. Ils illustrent leurs propos en proposant un modèle dans
lequel les transferts représentent un outil que les parents utilisent pour imposer une certaine
ligne de conduite à leurs enfants. Ce modèle suppose que les parents bénéficient d'un gain
d'utilité si leurs enfants se comportent conformément à leur volonté. Pour acquérir ce
supplément d'utilité, ils sont disposés à sacrifier une partie de leur richesse sous la forme de
transferts vers leurs enfants. Pour ces derniers, le comportement imposé par les parents est une
source de désutilité. Il faut donc que le transfert dont ils vont bénéficier compense la désutilité
qu'ils vont subir en acceptant le comportement dicté par leurs parents. A la suite d’une
expansion budgétaire, les parents constatent un accroissement de leurs revenus disponibles. Or,
la somme allouée aux enfants représente toujours un moyen de pression crédible. Les parents
n’éprouvent donc aucun besoin d’accroître le montant de leurs transferts. Ils peuvent ainsi
81
consacrer le surplus de revenu offert par la politique budgétaire à leurs propres consommations.
Barro (1989) souligne l’irréalisme de cette approche qui néglige les liens affectifs entre
les parents et leurs enfants et qui assimile leur relation à un échange commercial. Il admet que
les parents peuvent se servir des transferts comme moyen de pression sur leurs enfants, mais il
considère qu'une vision réaliste doit également admettre l'altruisme comme l'un des motifs qui
animent la décision des parents. En empruntant cette vision mixte, Barro affirme que le principe
d’équivalence demeure valable sous certaines conditions.
1.2- L'équivalence en univers incertain
La stationnarité de l’économie et les nombreuses hypothèses simplificatrices qu’elle
sous-entend sont en contradiction avec l’incertitude qui caractérise le monde réel. Les
difficultés liées à l’anticipation des revenus et des contraintes fiscales futures peuvent
augmenter la préférence des agents pour le présent. En effet, dans un contexte d’incertitude les
plans de consommation sont fortement compromis. Les agents préfèrent donc tirer une
satisfaction immédiate certaine au lieu de s'aventurer dans des programmes de long terme qui
comportent de grands risques. Dans ce cas, une partie de la richesse offerte par la politique
budgétaire peut être consacrée à la consommation courante.
Barro (1989) considère que la plus forte préférence pour le présent ne dispose d’aucun
fondement théorique et affirme qu'une analyse appropriée de l'incertitude conduit à des résultats
totalement différents. Dans ce sens, Chan (1983) démontre qu’un déficit budgétaire ne
s’accompagne d’une augmentation de la demande que lorsque l’incertitude porte uniquement
sur les revenus futurs. Dans ce cas, un déficit financé par impôt réduit l’incertitude, car il
représente un transfert de revenu du futur vers le présent. La politique budgétaire peut ainsi
exercer un effet positif sur la consommation. Or, Barro (1989) souligne que l'incertitude est un
problème qui concerne les dépenses publiques et les taux d’imposition beaucoup plus que les
revenus. En effet, les travailleurs sont capables d’estimer avec une grande précision l’évolution
de leurs rémunérations salariales dans le temps. Par contre, ils ne disposent ni des informations
ni des compétences nécessaires pour une bonne prévision des dépenses publiques ou des taux de
prélèvement futurs. Lorsque l’incertitude concerne toutes les variables du modèle, Chan (1983)
démontre que les politiques d’endettement n'exercent aucun effet sur la demande. En effet, la
dette publique détenue par les agents représente la meilleure couverture contre les variations
futures des impôts. Les titres publics ne génèrent donc aucun effet de richesse et n’exercent
82
aucune influence sur la demande.
1.3- L'imperfection des marchés financiers
La critique keynésienne, qui met en avant l’hétérogénéité des préférences et des profils
de risque et l’existence des contraintes de liquidité, peut mettre en échec le principe
d’équivalence établit par Barro.
Nous prenons le cas d’une population composée de deux catégories d’agents : ceux
appartenant au groupe A, qui ont le même taux d’actualisation que l’Etat (la même préférence
pour le présent) et qui empruntent au taux de la dette publique rA, et ceux appartenant au groupe
B, qui n'ont pas d'accès au marché du crédit ou bien qui empruntent à un taux plus élevé rB. Les
membres de ce dernier groupe ont également une plus forte préférence pour le présent.
Dans ce cas, une politique budgétaire expansionniste n’exerce aucun effet sur la
consommation du groupe A, tandis qu’elle stimule la consommation des membres du groupe B.
La réaction de cette catégorie d’agents s'explique par leur plus grande préférence pour le
présent, qui les conduit à sous-évaluer les prélèvements futurs qu’ils estiment inférieurs aux
ressources offertes par la politique budgétaire. Ils consacrent ainsi une partie de cette richesse
supplémentaire à leurs consommations et n’augmentent que partiellement leurs épargnes.
Barro (1989) reconnaît que dans un tel contexte, l'intervention de l'Etat améliore le bienêtre de la population et permet une meilleure allocation des ressources au sein de l'économie. En
effet, la politique budgétaire s’apparente à une intermédiation financière entre les membres de
groupe A, qui ont une épargne excédentaire, et ceux du groupe B qui ont un besoin de liquidité.
Nous rappelons que les agents appartenant à ce dernier subissent des contraintes financières. Or,
la politique budgétaire consiste à augmenter les revenus actuels et à prélever le principal et les
intérêts de cette somme dans le futur. Elle est assimilable à un crédit au taux rA pour les agents
qui en bénéficient. L'Etat permet ainsi aux agents contraints d'emprunter à un taux plus bas et de
profiter de ses propres garanties de remboursement auprès des membres du groupe A. Son
action conduit également à une allocation plus efficace des ressources, dans la mesure où elle
achemine une plus grande partie du revenu actuel vers les agents qui ont la plus grande
préférence pour le présent.
Barro (1989) développe deux arguments face à cette critique. Il considère d’abord que
l'émission d'une nouvelle dette entraîne une augmentation du taux d'intérêt pour les membres du
83
groupe A et conduit à une éviction des investissements au sein de ce groupe. Ainsi, le sens de
variation de l'investissement reste indéterminé, entre la baisse enregistrée au sein du groupe A et
la hausse constatée parmi les membres du groupe B. D’autre part, l'augmentation des ressources
dont bénéficient les membres du groupe B entraîne une baisse de leur préférence pour le
présent. La politique budgétaire perd donc son efficacité au bout d’une courte période car les
agents contraints deviennent rapidement aussi sensibles que le reste de la population aux
augmentations futures des prélèvements.
Le deuxième argument s’appuie sur les asymétries d'information qui caractérisent le
marché du crédit. Les emprunteurs sont les seuls à disposer d’une information parfaite
concernant leurs probabilités de défaut. Dans ce contexte, aucun groupe ne peut bénéficier d'un
avantage de taux par rapport à l'autre, car les offreurs ne peuvent distinguer les bons payeurs des
mauvais payeurs. Les deux groupes seront donc alignés au taux de la dette publique. La
politique budgétaire n'aura aucune conséquence et le principe d'équivalence sera de nouveau
respecté.
Nous pensons que le problème de sélection adverse ne peut qu'amplifier l'impact de la
politique budgétaire sur la consommation. En effet, dans un contexte d’asymétrie d’information,
ce sont les membres du groupe A qui n'arrivent plus à se distinguer des mauvais payeurs.
L’aversion envers le risque conduit les offreurs à considérer que la population entière est du
type B. Les taux s'alignent donc à celui du groupe B et non à celui de l'Etat. Dans ce cas, les
membres du groupe A vont subir des contraintes de liquidité au même titre que les membres du
groupe B et une politique de déficit permettra de desserrer ces contraintes pour l’ensemble de la
population. Elle exercera ainsi un effet plus important sur la demande.
1.4- La stabilité du taux d'intérêt
La stabilité du taux d'intérêt a été la cible de critiques sévères de la part des nouveaux
classiques qui considèrent l’éviction du capital privé comme l’une des conséquences les plus
néfastes de la politique budgétaire. Le principe d’équivalence représente donc une forte remise
en question de leur doctrine.
Bernheim (1989) considère que Barro propose une nouvelle "loi de Say", qui stipule que
toute offre supplémentaire de titres (tout déficit budgétaire), créera sa propre demande (créera sa
propre source de financement). Cependant, cette loi n’explicite pas les raisons qui poussent les
84
agents à accroître leur demande à chaque nouvelle émission de dette, quelle que soit son
ampleur, et sans qu'une augmentation du taux de rendement ne la rende plus attractive. Ce
comportement contredit l’un des principes élémentaires de la théorie financière qui stipule que
la demande d’un actif est croissante par rapport à sa rémunération. De plus, une telle conclusion
suppose implicitement que la prime de risque est indépendante du volume de la dette publique,
ce qui revient à considérer que le risque d’insolvabilité de l'Etat est indépendant de sa situation
financière. Les constats empiriques démentent formellement cette idée et révèlent un lien positif
assez significatif entre le coût et le volume de la dette publique. Pour toutes ces considérations,
les nouveaux classiques considèrent la stabilité du taux d’intérêt comme un résultat non fondé et
contraire à toute logique économique.
2- Quelques problèmes techniques
2.1- Les solutions en coin
Pour que les transferts intergénérationnels soient opérationnels dans l’un des deux sens, il
faut que certaines variables du modèle prennent des valeurs extrêmes. Les préférences des
agents doivent également satisfaire certaines conditions.
Ainsi, le taux de croissance doit être très faible, voire négatif, pour motiver un transfert
d’argent des parents vers les enfants. La condition inverse est requise pour constater un transfert
dans le sens contraire. Dans la réalité, les taux de croissance sont souvent contenus dans des
fourchettes de valeurs intermédiaires, ce qui ne favorise les transferts ni dans un sens ni dans
l’autre. De même, le volume et le taux de rendement de la dette doivent être particulièrement
élevés pour que les difficultés financières futures incitent les parents à transférer une partie de
leurs richesses vers leurs enfants. Dans la réalité, ces variables ne sont pas toujours à des
niveaux aussi élevés et ne permettent donc pas le déclenchement des transferts entre les
générations.
De plus, les contraintes sur les variables peuvent s'avérer insuffisantes si les parents
accordent peu d’importance au bien-être de leurs enfants. Dans ce cas, l’anticipation d’une
dégradation de la situation financière ne pousse pas les parents à venir en aide à leurs
descendants. Par ailleurs, nous avons souligné que certaines catégories d’agents souffrent de
contraintes de liquidités qui les empêchent d’atteindre leurs niveaux de consommation désirés.
Il est donc peu probable que ces agents veillent sur la consommation future de leurs enfants
85
alors qu’ils sont incapables de satisfaire leurs besoins immédiats.
Ces critiques mettent en avant l’ensemble des difficultés réelles susceptibles de bloquer
les transferts entre les générations. Il semble que la probabilité d'observer des solutions en coins
(une absence totale de transferts) est assez importante pour une partie significative de la
population.
2.2- Les complications du cadre dynastique
Barro identifie une dynastie dont les générations successives sont liées par une chaîne de
transferts altruistes à un individu à durée de vie infinie. Sa définition de la dynastie suppose que
chaque individu donne naissance à un seul enfant. Or, cette condition n’est satisfaite que par
une faible proportion de la population. Une analyse plus réaliste qui n’impose aucune contrainte
sur le nombre d’enfants conduit à une division de la dynastie en plusieurs branches. Dès lors,
son identification à un seul agent à durée de vie infinie devient insensée.
Lorsque le nombre d'enfants est très élevé, les parents sont devant l'impossibilité de doter
chacun d’entre eux du montant nécessaire pour faire face à une éventuelle augmentation des
prélèvements. Buiter et Tobin (1980) attirent également l’attention sur l’existence d'une fraction
de la population qui n'a pas d'enfants. Sa consommation sera donc sensible aux expansions
budgétaires. En conclusion, le cadre dynastique tel qu’il est définit par Barro se base sur une
structure familiale tronquée, ce qui limite la fiabilité des résultats qui en découle.
Par ailleurs, Bagwell et Bernheim (1988) démontrent que même en acceptant la
définition contraignante proposée par Barro, un modèle de dynastie représentative ne peut servir
de base à l’étude des problèmes relatifs à la politique budgétaire. En effet, les dynasties sont
liées entre elles par des liens de mariage et de parenté et ne constituent donc pas des entités
indépendantes. Bagwell et Bernheim démontrent que s'il existe un réseau relationnel assez
complexe entre les différentes dynasties, alors le modèle proposé par Barro conduit à un résultat
qu'ils qualifient de "super neutralité". Ce résultat stipule que toutes les politiques économiques
quels que soient leurs instruments, leurs ampleurs et leurs formes sont neutres. Vu l’irréalisme
d’une telle conclusion, les auteurs concluent à l’inadéquation du cadre d'analyse proposé par
Barro.
En outre, Bagwell et Bernheim soulignent que les relations entre les dynasties peuvent
décourager les parents à transférer une partie de leurs richesses vers leurs enfants. En effet, la
86
complexité du réseau relationnel fait que la plupart des personnes sont indirectement liées entre
elles. Ainsi, chaque personne ne profitera que d'une partie négligeable du transfert qu'il reçoit de
ses parents, à cause des liens altruistes qui le relient au reste de la population. Or, les parents ne
s’intéressent qu’au bien-être de leurs descendants. Le fait que d’autres personnes puissent
profiter des transferts peut les dissuader de prendre une telle initiative.
Concernant le problème relatif au nombre d'enfants, Barro (1989) pense que l'acte de
procréation peut devenir endogène. Le nombre d’enfants choisi par les parents dépendra ainsi
de la situation financière du ménage. Si les parents sont altruistes, alors ils décideront
naturellement d’avoir le nombre d’enfants dont ils pourront satisfaire les besoins et assurer le
bien-être.
3- Un désaveu empirique
3.1- La stabilité de l’épargne nationale
Les travaux empiriques se sont intéressés en grande partie à la stabilité de l'épargne
nationale, qui joue un rôle central dans l’approche néoricardienne. L’ajustement de l’épargne
privée aux variations de l’épargne publique représente d’abord la manifestation des transferts
entre générations. Elle est par ailleurs une condition nécessaire à la stabilité du taux d’intérêt et
à l’absence de l’effet d’éviction. Elle implique enfin la stabilité de la consommation privée et
donc la neutralité de la politique budgétaire.
Burda et Wyplosz (1993) passent en revue la littérature empirique qui s'est intéressée à la
stabilité de l’épargne nationale. Ils affirment que les déficits budgétaires s’accompagnent d’une
façon générale d’une augmentation de l'épargne privée. Elle est néanmoins loin d'être suffisante
pour compenser les variations de l’épargne publique et garantir la stabilité de l'épargne
nationale.
Barro (1989) remet en question la fiabilité de ces résultats en soulignant la multiplicité
des facteurs susceptibles d’influencer l'épargne privée. De son point de vue, il est impossible
d’identifier toutes les relations causales et de les modéliser avec précisions. Il considère donc
que les approches économétriques standards ne permettent pas une bonne appréciation de la
relation entre les agrégats budgétaires et l'épargne privée. Il propose une nouvelle méthode
d’évaluation basée sur ce qu'il qualifie "d'expériences naturelles".
Son premier exemple porte sur les taux d'épargne privée au Canada et aux Etats-Unis. Ce
87
choix est justifié par une évolution quasi-identique des taux d'épargne privée de ces deux pays
depuis le dix-neuvième siècle et jusqu'au début des années 70, date à partir de laquelle le taux
d'épargne canadien a largement dépassé celui des Etats Unis. Un examen des événements
survenus à partir de cette date permet donc d’identifier l’origine de cette divergence. En
éliminant l'impact des principaux facteurs susceptibles d’influencer les taux d'épargne privée
des deux pays, Barro trouve qu'une augmentation de 1% du déficit canadien par rapport au
déficit américain explique une augmentation de 1% du taux d'épargne privée canadien par
rapport à celui des Etats-Unis.
Comme deuxième exemple Barro cite le cas israélien. Cette fois son choix s'explique par
les variations considérables qu'a connu le déficit budgétaire de ce pays. Le passage d'un déficit
de 4% à un déficit de 11% du PNB a été accompagné par une augmentation du taux d'épargne
privée de 17% à 26%. Ensuite, lors d'une réduction du déficit de 11% à 2%, le taux d'épargne
privée a dégringolé de 26% à 19%. Durant ces deux épisodes, l'épargne nationale a été
relativement stable passant de 15% à 14% et de 14% à 12%.
Pour Barro ces deux cas particuliers lèvent l’ambiguïté quant à la relation entre le déficit
budgétaire et le taux d'épargne privée et confirment les résultats de son modèle.
3.2- Les évaluations globales
Pour un bilan empirique complet de l'approche néoricardienne, nous mentionnons les
résultats obtenus par Jaeger d'une part et Perelman et Pestieau de l’autre18. Ces trois auteurs ont
tenté de procéder à une évaluation globale de cette approche.
Jaeger (1993) simule une baisse des impôts financée par emprunt et trouve que la part de
la dette publique considérée comme une richesse nette par les agents est très significative. Elle
varie entre 15.8% et 48.7% selon les paramètres du modèle. Il constate également un effet
d'éviction assez significatif. Ainsi, lorsque le rapport dette publique/travail augmente d’une
unité, le rapport capital/travail d'équilibre enregistre une baisse qui varie entre 0.44 et 0.92 selon
les paramètres du modèle. Jaeger a également estimé la réaction de l'épargne privée aux
variations de l'épargne publique aux Etats-unis et au Royaume-Unis pour les périodes
respectives allant de 1897 à 1989 et de 1900 à 1986. Il trouve que l'épargne privée américaine
couvre entre 51 et 74% de la variation de l'épargne publique, alors que la variation de l'épargne
privée britannique est comprise entre 64 et 69%. Lorsque les années de guerre sont exclues, les
18
Voir Verbon et Van Winden (1993) chapitre 8 et 9 pour ces deux études.
88
réactions des épargnes privées aux variations des épargnes publiques des deux pays sont
comprises respectivement entre 1 à 23% et 17 à 31%.
Perelman et Pestieau (1993) se sont d’abord intéressés à la réaction de la consommation
aux variations du revenu disponible issues d’une augmentation de la dette publique. Ils ont
réalisé des estimations pour six scénarios d’expansions budgétaires, et pour un échantillon de 18
pays de l'OCDE entre 1972 et 1983. Ils trouvent que dans tous les cas, plus de 50% d'une
augmentation du revenu courant est consacrée à la consommation. L'originalité du travail de
Perelman et Pestieau réside dans la construction d'un indice d'équivalence qui tient compte des
principales caractéristiques et conclusions de l'analyse néoricardienne. En se basant sur cet
indicateur, les auteurs proposent un test qui permet de vérifier la validité du théorème
d’équivalence. L'application de ce test aux pays de l'OCDE témoigne de la faiblesse de cette
approche : l'hypothèse d'équivalence est rejetée pour tous les pays sauf pour l'Espagne.
Le bilan des investigations empiriques n’est donc pas favorable à l'approche
néoricardienne. La consommation réagit aux variations du revenu courant, tandis que
l'augmentation de l'épargne privée est souvent insuffisante pour garantir la stabilité de l'épargne
publique. La faible corrélation entre le taux d'intérêt et le rapport de la dette ne peut donc
plaider en faveur de cette approche, car la condition garantissant la stabilité des taux dans un
contexte ricardien n'est pas vérifiée.
En effet, seul l'approche keynésienne est capable de rationaliser l'ensemble des constats
empiriques : la consommation réagit aux tentatives de relance conformément à la théorie du
multiplicateur; le taux d'intérêt est une variable monétaire qui réagit peu aux variations du
stock de la dette; et enfin, en vertu de la loi psychologique seulement une proportion du
revenu supplémentaire est consacrée l'épargne privée. Si les grandeurs macroéconomiques
s'écartent parfois des prévisions du modèle, cela s'explique essentiellement par l'interférence
des politiques monétaire et budgétaire et par d'autres facteurs exogènes. Ainsi, Eisner (1989)
explique la chute de l'épargne privée aux Etats Unis au cours des années 80 par deux facteurs.
Le premier est l'augmentation des sommes allouées à la consommation du capital. L'auteur
explique cette augmentation par le passage dans une première étape des investissements en
infrastructure aux investissements en équipements ferroviaires qui ont une durée de vie
d'environ 30 ans, puis par le passage aux investissements industriels d’une durée de vie de 10
ans. Le délai de remplacement de plus en plus court a augmenté le montant des fonds
89
consacrés à la consommation du capital sans influencer le montant des investissements nets.
Le deuxième facteur avancé par Eisner est la baisse de la valeur réelle des investissements
américains à l'étranger. La principale cause de cette baisse est la légère augmentation du taux
de change réel du dollar qui a déprécié la valeur des placements extérieurs. Il est donc
possible d'ajuster l'épargne nationale au niveau désiré par le biais de la politique monétaire en
dévaluant le dollar.
Section 2 : La politique budgétaire dans une optique d’offre
La politique budgétaire peut générer des effets d’incitation assez importants. Dans un
monde où l’allocation des ressources est animée par des considérations de rentabilité, une
pression fiscale exagérée peut s’avérer pénalisante pour l’activité et pour les comptes publics.
Une hausse des prélèvements limite les opportunités de profit, décourage les investisseurs et se
répercute négativement sur la production. Cet effet d’offre limite les recettes fiscales de l’Etat et
exerce un effet de retour négatif sur le solde budgétaire. Ainsi, l’augmentation des recettes
recherchée par l’Etat est contrecarrée par la démotivation fiscale qui limite la base imposable. A
partir d’un certain seuil, le taux d’imposition moyen peut conduire à une contraction des
recettes, d’où l’expression « trop d’impôt tue l’impôt ». Dans ce cas, la démotivation est
tellement forte qu’elle induit une forte contraction de la base fiscale et contraint les recettes à la
baisse.
La courbe de Laffer est la formalisation la plus célèbre de cette idée. Elle précise que les
recettes fiscales augmentent moins fortement que les taux de prélèvement et définit un seuil à
partir duquel toute croissance des impôts se traduit par une baisse des recettes fiscales. Lorsque
l’économie dépasse ce seuil, alors les baisses des impôts peuvent s’autofinancer.
A un moment où les taux d’imposition moyens ont atteint des niveaux très élevés dans
un grand nombre pays, certains économistes se sont appuyés sur cet ensemble d’arguments pour
revendiquer un allègement des contraintes fiscales19. Lucas (1990) fournit un fondement
théorique à cette revendication, en mettant en avant le bien-être social qu’une baisse des impôts
est susceptible de générer.
Le scénario décrit par ces « économistes de l’offre » semble néanmoins un cas d’école.
En effet, les expériences réelles révèlent une influence marginale des effets incitatifs mis en
19
Masson Mussa (1995) propose une excélente analyse descriptive de l’évolution des agrégats budgétaires et
fiscaux au sein des pays du G7 sur la longue période.
90
avant par ce courant. Le bilan de la réforme entreprise par le gouvernement Reagan a été
particulièrement révélateur de l’échec de cette thèse.
Toutefois, les idées défendues par ce courant ont connu un récent regain d’intérêt qui
s’explique par la recrudescence des taux d’imposition dans certains pays et par quelques
constats empiriques issus de récentes expériences européennes. Des pays comme le Danemark
et l’Irlande ont enregistré une reprise de l’activité à la suite de la mise en place d’importantes
réformes fiscales. Ces résultats représentent le soutien empirique tant attendu par les
économistes de l’offre qui se sont penchés sur ces deux expériences afin de déceler les
spécificités qui ont permis d’aboutir à ce résultat.
I- Une méthode d'analyse innovante
Les économistes de l’offre remettent en question le caractère contra-cyclique de la politique
budgétaire présenté comme un fait stylisé par la littérature. Ils mettent en avant de récentes
expériences européennes au cours desquelles des redressements budgétaires ont eu des
conséquences positives sur l’économie. Toujours sur le plan empirique, ils recensent quelques
exemples de politiques expansives qui se sont soldées par un ralentissement de la croissance. Ils
concluent qu'aucune relation systématique ne peut être établie entre les agrégats budgétaires et
les indicateurs de croissance.
Pour rationaliser des résultats qui semblent contre-intuitifs au premier abord, ces auteurs mènent
une analyse minutieuse des redressements en question. Ils rejettent l’approche standard qui
consiste à évaluer la politique budgétaire au travers du déficit budgétaire ou du rapport de la
dette, considérant que deux politiques peuvent avoir des répercussions identiques sur ces
agrégats tout en ayant des conséquences nettement différentes sur l’offre, la demande et
l’équilibre macroéconomique. Ils revendiquent ainsi une analyse approfondie qui s'intéresse de
plus près aux différentes mesures qui composent la politique budgétaire.
1- Les enseignements de l’expérience européenne
Au début des années 80, les volumes et les rapports de la dette ont atteint leurs niveaux les
plus élevés en Europe depuis la seconde guerre mondiale. Nombres de gouvernements ont réagit
d’urgence afin de prévenir le déclenchement des spirales d’endettement. Dès lors, l'Europe a
connu une vague de redressements budgétaires sans précédent.
Cette expérience a débouché sur des résultats mitigés. Tandis que certains gouvernements
91
ont réussi à contenir durablement leurs déficits, les difficultés financières ont vite resurgi dans
certains autres pays. Par ailleurs, le bilan économique des redressements comprend des résultats
totalement inattendus. Ainsi, des pays qui ont mené des contractions budgétaires de taille
comparable ont occasionné des coûts très disproportionnés en termes de croissance et de
chômage. Plus étonnant encore, certains redressements se sont accompagnés d'une reprise de
l'activité et d'une baisse du taux de chômage.
L'expérience européenne était un terrain fertile à l’étude des problèmes relatifs à la
politique budgétaire. Les réformes entreprises avaient des structures très variées. Elles offraient
donc aux économistes la possibilité d'étudier la relation entre la composition d'un redressement
budgétaire, son succès et ses répercussions sur la croissance et le chômage. Cette analyse
comparative peut élucider les résultats peu conventionnels issus des redressements irlandais et
danois par exemple.
1.1- La composition, un facteur déterminant du succès ?
Un assainissement des comptes publics nécessite une augmentation des prélèvements, une
baisse des dépenses ou une combinaison de ces deux mesures. Le gouvernement doit néanmoins
choisir la stratégie la moins coûteuse en termes de croissance et de chômage.
Les économistes de l’offre constatent que la plupart des ajustements réussis retiennent la
baisse des dépenses comme principale mesure. Lorsque l’Etat s’appuie sur l’appareil fiscal, le
déficit budgétaire se creuse progressivement durant les années qui suivent le redressement et la
situation financière se détériore de nouveau. L’expérience européenne suggère également que
les ajustements réussis sont ceux qui passent par une contraction des dépenses de transfert et de
la masse salariale. Ces restrictions budgétaires s’accompagnent par une légère augmentation des
impôts qui touchent essentiellement l’activité de production. Les impôts indirects ainsi que les
impôts qui touchent la consommation des ménages enregistrent par contre une très légère
baisse. Lors des ajustements non réussis, la baisse des dépenses concerne principalement les
dépenses d'investissement. Les remaniements fiscaux menés en parallèle augmentent
principalement les impôts qui touchent directement ou indirectement le revenu des ménages.
Alesina et Perotti (1995) ont essayé de mettre en évidence les facteurs qui déterminent la
réussite d'un redressement budgétaire. Ils définissent un ajustement réussi comme celui qui
diminue le rapport de la dette de 5% dans un délai de trois ans. Ils appliquent cette définition
92
aux pays de l'OCDE. Ils recensent 14 ajustements réussis et 38 ajustements qui se sont soldés
par un échec. En analysant la structure des 52 ajustements, Alesina et Perotti arrivent aux
résultats suivants :
•
Lors des ajustements réussis, la baisse moyenne des dépenses était de 2.19% du PIB, alors
que l'augmentation des prélèvements n'a pas dépassé 0.5% du PIB. Lors des ajustements
non-réussis, l'augmentation des impôts était environ trois fois plus importante que la baisse
des dépenses (1.28% contre 0.49% du PIB).
•
La baisse des dépenses durant les ajustements réussis touche essentiellement les dépenses de
transfert et les dépenses salariales qui enregistrent des chutes respectives de 0.54% et 0.58%
du PIB. Lors des ajustements non-réussis, la restriction la plus importante concerne les
dépenses d'investissements qui baisse de 0.26% du PIB. La plus grande partie du
redressement est réalisée grâce à l’augmentation des impôts qui frappent les ménages et des
impôts indirects qui augmentent de 1% du PIB.
•
Lors des ajustements réussis, la part de la force de travail employée par l'Etat reste quasistationnaire en enregistrant une très légère hausse de 0.009%. Cette même part augmente de
0.25% durant les ajustements non-réussis.
1.2- La composition et les conséquences macroéconomiques
Alesina et Perotti (1996) ont essayé de déceler les conséquences économiques communes
aux
redressements
réussis.
Ils
ont observé
l'évolution
des
principales
grandeurs
macroéconomiques avant, pendant et après la mise en place des redressements en question au
sein des pays de l’OCDE20. Les faits récurrents recensés par les auteurs concernent la
croissance, l’emploi et les investissements :
•
Au cours des ajustements réussis, les taux de croissance des pays concernés sont supérieurs
au taux moyen du G7 de 1.05% en moyenne. Pendant les deux ans qui suivent le
redressement, les taux de croissance restent toujours supérieurs à la moyenne du G7, tout en
enregistrant une légère baisse : l'écart moyen passe de 1.05% à 0.28%. Quant aux
ajustements non-réussis, les auteurs remarquent que les taux de croissance sont inférieurs à
la moyenne du G7 pendant et après les ajustements. Les écarts moyens s’élèvent
respectivement à –0.29% et –0.23% pendant et après la mise en place des mesures
budgétaires.
20
93
La période d'observation débute deux ans avant la mise en place d’un redressement et se termine deux ans après
•
Avant les redressements réussis, les taux de croissance étaient en dessous du taux moyen du
G7 de 0.08%. Les périodes qui précèdent les ajustements non-réussis étaient par contre
caractérisées par des taux de croissance supérieurs de 0.27% au taux moyen du G7. Les
auteurs concluent donc que le succès des ajustements ne s’explique pas par le contexte
conjoncturel, mais plutôt par une combinaison de mesures budgétaires adaptée aux besoins
économiques du pays.
•
A la suite des redressements réussis, les taux de chômage sont passés de 1.20% à 1.08% en
dessus du taux moyen du G7. Un mouvement contraire s'est produit à la suite des
ajustements non réussis. Les taux de chômage ont passé de 0.82% à 1.74% en dessus du
taux moyen du G7.
•
Les investissements privés ont enregistré une hausse remarquable pendant et après les
ajustements réussis. Ainsi, le taux de croissance moyen des investissements est passé de
–1.05% avant les ajustements, à 4.93% et 9.14% pendant et après les ajustements. Les
investissements ont emprunté le chemin inverse à la suite des redressements non-réussis.
Leur taux de croissance passe de 2.58% à 2.04% pour se stabiliser enfin à 1.35%.
Ces résultats révèlent que les ajustements réussis sont également ceux qui engendrent les
coûts les plus faibles en matière de croissance et de chômage. En limitant certaines catégories
de dépenses, les redressements peuvent dans certains cas promouvoir la production et l'emploi
comme le démontrent les exemples danois et irlandais.
1.3- Les canaux de transmission
Pour comprendre les résultats inhabituels obtenus par l’Irlande et le Danemark, il faut
examiner les redressements menés par ces pays à la recherche des mesures susceptibles d’inciter
les agents à consommer et à produire. Elles contrarient ainsi l’effet de richesse négatif que
mettent en avant les approches standards de la politique budgétaire. Les économistes de l’offre
relèvent deux types d'incitations : les incitations réelles immédiates et les incitations réelles
anticipées.
1.3.1- Les incitations immédiates
i- Le canal de la demande
94
Un redressement budgétaire génère un effet de richesse et un effet de substitution qui
peuvent être tous les deux à l’origine d’une relance de la demande globale.
D’après la théorie classique, une réduction du déficit budgétaire s’accompagne d’une
baisse du taux d'intérêt. Elle peut ainsi relancer la demande globale en stimulant les dépenses
d'investissement. Elle sera également à l’origine d’une appréciation de la richesse financière des
ménages, en vertu de la corrélation négative entre le taux d'intérêt et le rendement des actifs
financiers. La revalorisation des portefeuilles accroît le pouvoir d’achat des agents et stimule
leur consommation.
La baisse de certaines catégories de dépenses constitue également une incitation
immédiate à la consommation. Si l’Etat réduit ses dépenses dans des domaines sociaux tels que
l'enseignement ou de la santé, les agents seront obligés d'augmenter leurs dépenses en
contrepartie. La substitution de la demande privée à la demande publique permet donc d’éviter
une contraction de la demande globale. On peut même assister à une progression de la demande
globale, car l’augmentation de la demande privée doit logiquement dépasser la baisse des
dépenses publiques dans les domaines concernées. En effet, l'Etat facture les services publics à
des prix inférieurs à leurs valeurs de marché. L'ouverture de ces marchés à la concurrence et la
disparition des subventions étatiques se traduisent donc par une augmentation des prix des
services en question. Les agents seront donc obligés de dépenser davantage s’ils veulent
préserver leurs niveaux de consommation. Ainsi, l’augmentation de la demande privée sera plus
forte que le désengagement étatique dans ces secteurs.
Dans ce sens, Giavazzi et Pagano (1990) affirment que 14.9% de l'augmentation de la
consommation danoise enregistrée entre 1983 et 1984 s’explique par la substitution des
dépenses privées aux dépenses publiques. Au cours de l'ajustement budgétaire, les sommes
allouées à l'éducation, à la santé, aux services culturels et au transport ont enregistré des baisses
respectives de 0.4%, 0.6%, 2.5% et 6.4%. Les ménages ont sur-réagit à toutes ces contractions
des dépenses publiques sauf dans le domaine du transport. Ainsi, les dépenses privées ont
augmenté de 3.4% dans le domaine de l'éducation, de 8.3% dans le domaine de la santé, de
4.8% dans le domaine des services culturels et de 3.1% dans le domaine du transport.
En définitive, l'imbrication de la baisse du taux d'intérêt et de l'effet de substitution peut
expliquer en partie l'augmentation de la demande au cours des ajustements budgétaires.
95
ii- Le canal de l’offre
Alesina et Perotti (1996) mettent l'accent sur les mécanismes de l’offre et notamment
sur les variations du coût du facteur travail. Ainsi, ils affirment que le coût d'une unité du
facteur travail décroît sensiblement avant et durant les ajustements réussis, alors qu'il reste
stable au cours des ajustements non-réussis. Ils soulignent par ailleurs que le solde de la balance
courante enregistre une hausse de 1.72% durant les ajustements réussis, alors que sa croissance
se limite à 0.21% durant les ajustements qui se soldent par des échecs. Les auteurs admettent
que la politique de change constitue une explication alternative aux succès des redressements.
Cependant, ils soulignent que les ajustements non-réussis étaient également accompagnés par
des mesures monétaires identiques, sans qu'ils parviennent à exercer le même effet sur l’activité.
Ils concluent donc que la contribution de la politique de change reste marginale et que la
politique budgétaire exerce par le biais de sa composition l’impact le plus déterminant sur
l'activité.
Alesina et Perotti considèrent que la récession qui a frappé le Danemark entre 1987 et
1988 constitue une preuve du rôle déterminant des mécanismes de l'offre. Durant ces deux
années, les taux de croissance étaient respectivement de –0.6% et –0.2%, enregistrant un écart
moyen de -3% par rapport aux pays du G7. Le taux de chômage avait atteint 7.9% en 1987 et
8.7% en 1988. Les auteurs expliquent cette récession soudaine par une perte de compétitivité
des produits danois qu’ils expliquent en grande partie par l’augmentation du coût du facteur
travail. En effet, au début de l'année 1987, le gouvernement danois a conclu un accord
d’augmentation des salaires avec les syndicats, alors que le pays connaissait un net
ralentissement de l’inflation. Ainsi, le coût réel du facteur travail a fortement augmenté ce qui a
nuit à la compétitivité des entreprises danoises. D’autre part, la stabilité du taux de change
nominal dans un contexte de faible inflation a conduit à un renforcement de la parité réelle de la
monnaie danoise qui s’est appréciée de 8% en 1986 et de 11% en 1987. Le déficit de la balance
courante, qui a atteint 6% du PIB en 1986, est une conséquence directe de ces appréciations
successives du taux de change réel. L’augmentation du coût du facteur travail associée à une
monnaie plus forte constitue pour Alesina et Perotti les principales causes de la récession
danoise.
1.3.2- Les incitations anticipées
Les redressements budgétaires influencent également les anticipations des agents et les
96
poussent à réviser leurs plans de consommation et de production. Giavazzi et Pagano (1990)
fournissent deux preuves empiriques qui témoignent de l’importance du rôle joué par les
anticipations. Ils ont d’abord vérifié si la réaction de la consommation au Danemark peut être
entièrement expliquée par l'effet de substitution et l'effet de richesse mentionnés précédemment.
Les prévisions qu’ils ont réalisés à l’aide de leur modèle sous-estiment l'augmentation de la
consommation par habitant à partir de 1985. En 1986 par exemple, le modèle prévoit une
augmentation de 1.8% alors que l'augmentation réelle de la consommation était de 4.1%. Plus
de la moitié de la croissance de la consommation demeure inexpliquée par le modèle. La même
remarque est valable pour les investissements : la baisse du taux d'intérêt réel n'arrive pas à
expliquer pleinement l'augmentation des investissements. Leur modèle sous-estime la
croissance des investissements de 0.83% en 1983, de 1.1% en 1987 et de 3.5% en 1988. Les
auteurs concluent qu'il n'est pas possible d'expliquer les résultats des redressements uniquement
en ayant recours aux mécanismes habituels. Les anticipations constituent une explication
alternative notamment au paradoxe de la consommation. Elles sont susceptibles d’influencer
l’offre et la demande à travers une multitude de canaux.
Nous rappelons que les nouveaux classiques considèrent que les déficits courants sont
synonymes d’une augmentation future des prélèvements. Ils signalent ainsi une future baisse de
la richesse nette des agents et une restriction de leur potentiel de consommation et
d’investissement. La même logique veut que la baisse des dépenses publiques et la réduction du
déficit soient interprété comme les signes d’une baisse des impôts futurs. Le redressement
n’aura par conséquent aucun effet sur la richesse nette à long terme et n’induit donc aucune
baisse de la consommation.
Les restrictions budgétaires peuvent également induire les anticipations inflationnistes à
la baisse. La théorie budgétaire de l’inflation propose à la fois des arguments théoriques et des
preuves empiriques en faveur d’une relation croissante entre le déficit budgétaire et le taux
d’inflation. La baisse du taux d’inflation accroît le pouvoir d’achat des agents et stimule leurs
consommations.
Enfin, les anticipations contribuent à expliquer la baisse du taux d'intérêt. Si
l'assainissement budgétaire est crédible (donc considéré comme permanent par les agents), alors
il conduit à une réduction de la prime exigée par les agents en contrepartie du risque
inflationniste et du risque de défaut. Une baisse du volume de la dette publique améliore la
97
situation financière de l’Etat et réduit son risque de défaut. La prime de risque d'inflation évolue
également à la baisse, car l'Etat n'a plus besoin de recourir à la taxe inflationniste pour diminuer
la valeur réelle de sa dette. La prime de risque globale enregistre donc une baisse significative
qui se ressent au niveau du taux d’intérêt.
Du côté de l'offre, les entreprises endettées constatent un allègement de leurs charges
financières. Si une impulsion de la demande globale s’amorce grâce à un sur-justement des
dépenses privées, alors de nouvelles perspectives de profits s’offrent aux entreprises. Dans ce
cas, la baisse du coût du capital leur offre la possibilité de mettre en place les investissements
nécessaires. Nous avons souligné par ailleurs que les restrictions des dépenses entraîne une
baisse des prélèvements anticipés. La disparition de ces contraintes fiscales futures améliorent
les situations financières des entreprises et leurs résultats nets. Les entreprises cotées en bourse
constatent ainsi une progression des cours de leurs actions, ce qui élargit leurs possibilités de
financement et d’investissement.
2- La crédibilité et la composition des redressements
Nous venons de passer en revue les mécanismes qui permettent aux redressements
budgétaires d’exercer une influence positive sur l’activité. Nous avons mis l’accent sur le rôle
des anticipations et nous avons précisé que la crédibilité d’un redressement est une condition
nécessaire pour orienter les anticipations dans un sens favorable à la croissance. Nous devons
néanmoins préciser les facteurs qui permettent aux agents de différencier les redressements
durables, et donc crédibles, de ceux qui sont temporaires et donc sans effet sur les anticipations.
Lorsque les ajustements sont réalisés grâce à une augmentation des prélèvements, le
remaniement fiscal en question doit être permanent pour pouvoir préserver l'équilibre
budgétaire. Ce durcissement de la fiscalité pousse les agents à réviser leurs plans de
consommation à la baisse. L'augmentation des prélèvements génère des anticipations
semblables chez les producteurs, qui adoptent des plans d'investissement et de recrutement
moins ambitieux. En choisissant la solution de facilité, l'Etat génère donc des anticipations
défavorables à la croissance et à la consommation. De plus, l'augmentation des prélèvements
témoigne d'un interventionnisme accru. Les agents peuvent en déduire la volonté de l’Etat de
jouer un rôle de plus en plus important dans la vie économique et son refus de laisser la place à
l'initiative privée.
98
Un ajustement budgétaire a plus de chance d’avoir des répercussions positives sur
l’activité lorsqu’il passe par une restriction des dépenses de transfert ou de la masse salariale.
L’adoption de ces mesures signale aux agents la détermination des autorités et leur volonté de
mener un assainissement définitif et durable des comptes publics. Les études empiriques
confirment le capital de crédibilité dont bénéficient les ajustements axés sur la baisse des
dépenses. Ainsi, Alesina et Perotti (1995) s’arrêtent sur une symétrie frappante entre les
épisodes de fortes restrictions budgétaires et les épisodes de forts déficits au sein des pays de
l’OCDE. En moyenne, le déficit corrigé enregistre une baisse de l'ordre de 2.81% du PIB durant
les périodes d'ajustement, alors qu’il augmente de 2.61% du PIB pendant les phases d'expansion
budgétaire. Cette symétrie indique que tout accroissement temporaire des dépenses risque de
devenir permanent, obligeant l'Etat à augmenter les prélèvements, d’où les tailles comparables
des ajustements et des déficits.
L'examen de la composition des redressements et des expansions budgétaires renforce
cette intuition. Durant les périodes de forte expansion, les dépenses augmentent en moyenne de
2.25% du PIB alors que la baisse des impôts est seulement de 0.17% du PIB. Quant aux
périodes de fort redressement, les prélèvements augmentent de 1.2% du PIB et les dépenses
diminuent de 0.79% du PIB. Ses statistiques révèlent que les agents ont pris l'habitude de voir
les dépenses croître et les déficits se creuser pendant les récessions pour être financés ensuite
par une augmentation des prélèvements. La même logique devrait donc les conduire à
interpréter une forte baisse des dépenses comme l’annonce d’une baisse future des prélèvements
et comme le signal d'un changement durable dans le mode de gestion de la politique budgétaire.
Les résultats obtenus par Giavazzi et Pagano (1990) peuvent être interprétés dans le même
sens. Ils constatent une corrélation négative entre les dépenses publiques et la consommation
dans la plus part des pays faisant partie de leur échantillon. Les rares corrélations positives
n'étaient guère significatives. Un examen détaillé de la structure des redressements montre que
les corrélations négatives sont significatives et particulièrement élevées pour les pays qui ont
procédé à une forte baisse de leurs dépenses publiques. Les auteurs interprètent l'ampleur d’un
redressement comme un signal de son caractère définitif ou permanent. Il oriente ainsi les
anticipations dans un sens favorable à la croissance en stimulant la consommation. En se basant
sur l'expérience européenne, Cour et Pisani-Ferry (1995) confirment également l'existence d'une
corrélation négative entre l'ampleur d'un redressement et son coût économique.
99
Toutefois, nous avons souligné que les redressements les plus efficaces sont ceux qui
touchent notamment aux dépenses de transferts et à la masse salariale. Pour comprendre les
particularités de ces mesures, nous comparons l’impact sur les anticipations d’une baisse des
dépenses d'investissement d’une part et des dépenses de transfert de l’autre.
D’abord, la baisse des transferts peut être maintenue beaucoup plus longtemps que celle
des investissements. Les dépenses d’investissement sont nécessaires à la fois au bon
fonctionnement du processus de production et au bien-être de la population. Il est donc peu
vraisemblable qu’elles soient maintenues éternellement à un niveau très bas. Par contre, lorsque
l’économie est à l’équilibre, rien n'oblige le gouvernement à augmenter les dépenses de
transferts une fois qu'elles ont été réduites. Ces deux mesures donnent donc des indications
différentes quant au caractère temporaire ou permanent des redressements.
En outre, la baisse des transferts est un indicateur de la détermination du gouvernement.
Les agents sont très hostiles à une baisse de cette catégorie de dépenses et le gouvernement
court un risque politique majeur en s’engageant dans cette voie. Il faut donc qu’il soit fort et
bien déterminé pour envisager une telle mesure. Les économistes de l’offre relèvent deux
constats empiriques qui confirment cette intuition. Le premier signale que les gouvernements de
coalition ont peu de chance de réussir des ajustements budgétaires. Le deuxième affirme que les
gouvernements composés d’un parti largement majoritaire de gauche ou de droite ont les
mêmes chances de réussir un redressement budgétaire. Ainsi, Alesina et Perotti (1996) trouvent
que seulement 2 ajustements parmi les 28 menés par des gouvernements de coalition (soit 8.7%)
ont atteint leurs objectifs. Par contre, les gouvernements composés d'un parti largement
majoritaire atteignent leurs objectifs dans 46.7% des cas.
Les gouvernements de coalition n'arrivent pas à réussir leurs redressements faute de
crédibilité. Les agents savent que le gouvernement en place est composé de partenaires de
même taille et que le redressement doit satisfaire la plupart des partenaires, ce qui risque de se
faire au détriment de son efficacité. Les initiatives de ce type de gouvernement sont donc
rarement crédibles aux yeux du public, ce qui les condamne souvent à l'échec.
Par contre, un gouvernement dominé par un parti largement majoritaire à une ligne de
conduite clairement définie. Le parti en question peut imposer ses préférences sans subir
beaucoup de pression. Les agents estiment qu'il est plus probable que ce type gouvernement
mène une politique cohérente et durable. Ainsi, les redressements menés par des gouvernements
100
forts et stables, ont plus de chance d'être crédibles et donc de réussir à atteindre leurs objectifs.
Le fait que les gouvernements de droite et de gauche aient les mêmes chances de réussite
montre que c'est la détermination d’un gouvernement et non ses préférences économiques qui
conditionne les anticipations des agents.
En conclusion, les économistes de l’offre considèrent que les augmentations des
prélèvements sont souvent définitives, c’est grâce à cette idée que leur approche a hérité du nom
de l’hypothèse "Tax and spend". Cette appellation insinue que toute augmentation des
prélèvements est à caractère définitif, même si elle est annoncée comme temporaire au départ.
En effet, les gouvernements subissent toujours des pressions et sont donc tentés de préserver ces
nouvelles recettes afin de satisfaire certaines revendications.
Le resserrement des contraintes fiscales signale une implication de plus en plus importante
de l'Etat dans la vie économique. Il génère des anticipations pessimistes qui se traduisent par un
infléchissement de la croissance et une montée du chômage. La baisse de certaines catégories de
dépenses, réputées pour être politiquement incompressibles, signale par contre une réelle
volonté de réduire durablement le déficit et la dette publique. Elle témoigne également du
désengagement de l’Etat de la vie économique.
II- Les failles de la théorie des multiplicateurs négatifs
1- Le rôle des politiques d'accompagnement
Les études empiriques révèlent que les ajustements réussis ont été toujours accompagnés
d’un ensemble de mesures monétaires. Pour les économistes de l’offre, ces politiques
d'accompagnement servent à renforcer la crédibilité des ajustements et à amplifier leurs effets.
Nous relevons néanmoins quelques remarques qui prônent une lecture totalement différente du
rôle des politiques d’accompagnement.
En effet, la plupart des mécanismes qui favorisent la croissance sont davantage liés aux
mesures monétaires qu’à la composition des redressements. Il est évident par exemple que les
politiques monétaires expansionnistes constituent une explication plus rigoureuse à la baisse du
taux d'intérêt. La baisse du taux de change améliore la compétitivité des biens nationaux et
fournit de son côté une explication plus solide à la relance de la production. Dans d’autres cas,
la libre circulation des capitaux et l'ancrage de la monnaie nationale à une devise à faible taux
101
d'inflation offrent un meilleur fondement à la baisse du taux d'intérêt et du taux d’inflation.
En définitive, les politiques d’accompagnement permettent de rationaliser la croissance de
la production et la baisse du taux de chômage qui ont accompagné certains redressements
budgétaires, sans avoir recours aux anticipations. D’un point de vue keynésien, les
redressements budgétaires auraient au contraire empêché ces politiques d'exercer pleinement
leur effet de relance.
2- La conjoncture et les caractéristiques structurelles de l'économie
Les études empiriques révèlent que les ajustements réussis ont été menés lors des périodes
d'expansion. Il est donc probable que le contexte conjoncturel explique en grande partie aussi
bien la réussite des redressements que leurs conséquences positives sur la production. Dans ce
cas, les ajustements considérés comme étant à l’origine des expansions ont peut être amorti une
forte reprise de l’activité. L'échec des redressements menés en périodes de récession ne peut que
renforcer cette conviction. Il témoigne au moins de l’influence partielle qu’exerce la
conjoncture sur les résultats de la politique budgétaire.
D’autre part, un même redressement peut avoir des conséquences différentes lorsqu’il est
appliqué dans des pays qui ont des structures économiques distinctes. Nous soulignons par
exemple que les coûts en matière de croissance sont particulièrement faibles pour un pays très
ouvert sur l'extérieur, car sa demande globale est moins dépendante de sa demande domestique.
Lorsque la mobilité des capitaux est forte, alors la baisse du taux d’intérêt induite par un
redressement budgétaire aura un impact peu significatif sur les investissements. En effet, la libre
circulation des capitaux offre aux investisseurs domestiques l'opportunité de se financer à
l'étranger à des taux plus faibles, bien avant la mise en place des mesures budgétaires. Ces deux
exemples montrent que les résultats de la politique budgétaire dépendent en grande partie de la
structure de l’économie. Il s’ensuit qu’aucune recette ne peut être préconisée indépendamment
de la conjoncture et des caractéristiques structurelles de l’économie.
3- Le désaccord sur le mode de fonctionnement de l'économie
Les économistes de l'offre supposent que l’Etat peut orienter les anticipations à travers la
composition de la politique budgétaire. Pour que les anticipations évoluent dans le sens désiré,
les agents doivent avoir la même vision de l'économie que les autorités. Ils doivent croire qu’un
redressement budgétaire aura des conséquences bénéfiques sur la croissance, l’inflation et
102
l’emploi. Or, rien ne garantit que les convictions économiques des agents sont conformes à cette
thèse.
Supposons que le public a plutôt une vision keynésienne de l’économie. Dans ce cas, les
signaux émis par le gouvernement généreront des anticipations contraires à ses attentes. En cas
de redressement budgétaire, les agents prévoient une baisse de leurs richesses nettes et révisent
leurs demandes à la baisse. De leur côté, les producteurs s'attendent à une demande plus faible
et diminuent leur taux d'utilisation des capacités de production. Le redressement se solde ainsi
par une régression de la croissance et l’emploi. Ainsi, les anticipations plongent l'économie dans
une récession, tandis que les autorités s'attendaient à ce qu'elles stimulent la demande et
réduisent le chômage.
Les anticipations du public dominent celles des autorités et déterminent l’équilibre
macroéconomique, car les décisions de consommation, d'investissement et de recrutement sont
prises par les agents et non par l'Etat. Tout conflit est donc perdu d’avance pour le
gouvernement. Au lieu d’émettre des signaux concernant sa propre vision de l'économie, il doit
plutôt chercher à cerner la vision du public pour entreprendre une politique cohérente avec ses
attentes. Ainsi, un redressement budgétaire constitue une politique adéquate seulement si les
agents pensent qu'il est préférable de retrouver une situation financière saine. Par contre, une
expansion budgétaire sera bénéfique lorsque les agents pensent que l'économie souffre d'une
insuffisance de la demande et qu'une intervention étatique la remettra sur le chemin de la
croissance.
D’après cette analyse, le canal des anticipations ne sert pas uniquement les thèses
classiques, mais peut parfaitement s’intégrer à l’analyse keynésienne. Il est donc totalement
inutile de cristalliser le débat autour de la rationalité des anticipations, en la présentant comme
la différence fondamentale entre les deux courants. Barro (1989), qui a exploité les anticipations
rationnelles pour démontrer la neutralité de la politique budgétaire, reconnaît que cette
hypothèse peut mener également à des résultats purement keynésiens. La même critique a été
formulée plutôt par Christ (1968) et Gale (1983) qui affirment qu'une politique de déficit réussit
à exercer un effet de relance si telle est la conviction des agents. Les anticipations se réalisent
expost et sont donc rationnelles.
4- Les difficultés posées par les anticipations
103
Les anticipations jouent un rôle important dans cette approche car elles déterminent à la
fois la crédibilité et les conséquences économiques des redressements budgétaires. Or, il s’agit
d’un élément qui est difficile à observer et à quantifier. Les défenseurs de cette approche
affirment qu'il est possible d'apprécier indirectement les anticipations à travers l'évolution des
variables auxquelles elles sont étroitement liées. Ainsi, une augmentation de la consommation
courante en l’absence d’une variation du revenu actuel révèle par exemple une augmentation
des revenus futurs anticipés.
Cette méthode pose néanmoins beaucoup de problèmes quant au choix des variables
susceptibles de signaler une évolution des anticipations. Pour reprendre l’exemple précédent,
une augmentation de la consommation actuelle peut s’expliquer également par le desserrement
d'une contrainte de liquidité. Elle serait ainsi le résultat d’un changement de la politique
monétaire. Dans un monde où les politiques économiques et les évolutions de la conjoncture
s’interfèrent en permanence, il est difficile d’identifier sans ambiguïté les variables qui
fournissent une information pertinente au sujet des anticipations. Il est encore moins évident
d’arriver à un consensus quant à la forme, au sens et à l’intensité des relations entre les variables
en question et les anticipations. Ces incertitudes rendent impossible toute vérification empirique
rigoureuse des fondements de cette approche.
Enfin, les anticipations peuvent toujours servir d’explication aux résultats non-conformes
aux attentes de la théorie. Il est toujours possible de proposer un argumentaire complexe qui
explique comment une politique économique ou un événement conjoncturel a orienté les
anticipations dans telle ou telle direction. Le canal des anticipations serait ainsi la façade qui
cache les lacunes de certaines approches théoriques.
5- Une lecture critique des résultats empiriques
Nous proposons une lecture différente des résultats empiriques qui sous-tendent la thèse
des économistes de l’offre. Nous montrons notamment qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours
aux anticipations pour rationaliser les résultats obtenus par des pays comme le Danemark et
l'Irlande. Vues sous un autre angle, les preuves empiriques sont parfaitement cohérentes avec
les mécanismes décris par la littérature standard.
5.1- L'effet crédibilité
Giavazzi et Pagano (1990) reconnaissent l'importance du soutien apporté par la politique
104
monétaire durant les périodes de redressement, mais considèrent que son rôle se limite à
crédibiliser les mesures budgétaires. A partir des mêmes faits empiriques, on peut néanmoins
arriver à une conclusion totalement différente.
En effet, la première mesure entreprise par les banques centrales danoise et irlandaise
était l'adoption d'une politique monétaire de rigueur, qui consiste à stabiliser la parité de leurs
monnaies respectives par rapport au Mark. L’ancrage des deux monnaies a entraîné une
désinflation soudaine dans les deux pays. Néanmoins, cette politique a eu des répercussions
négative sur l’activité et donc sur les recettes fiscales. Elle a également privé l’Etat d’une autre
source de financement en limitant les recettes du seigneuriage. Les deux pays ont donc connu
une détérioration de leurs soldes budgétaires, ce qui a accentué le besoin d'un redressement.
L'ordre chronologique des événements suggère donc que les redressements budgétaires
soient la conséquence de la politique monétaire. Cette idée sous-entend que les redressements
ont contribué à crédibiliser la politique monétaire, puisqu'ils ont permis de maintenir le taux
change fixe par rapport au Mark en éliminant le besoin d'une monétisation de la dette. Ainsi, ce
sont les redressements budgétaires qui représentent des mesures d'accompagnement et non
l’inverse. Il est toutefois plus judicieux de considérer que le "policy mix" dans son ensemble
était crédible, car il est difficile de préciser avec certitude laquelle des deux politiques a
crédibilisé l'autre. En d’autres termes, aucune des politiques monétaire et budgétaire n'aurait
conduit à elle seule à de telles performances macroéconomiques.
5.2- Les conséquences réelles de la politique monétaire
Nous venons de présenter quelques arguments contre le rôle de crédibilisation dans
lequel Giavazzi et Pagano (1990) confinent la politique monétaire. Nous avons souligné par
ailleurs que les conséquences réelles de la politique monétaire passent essentiellement par le
canal de la demande. Dans ce paragraphe, nous rapportons l’évidence empirique qui décrit ces
mécanismes de transmission.
En indexant leurs monnaies à celle d’un pays à faible inflation, l'Irlande et le Danemark
ont réussi à baisser leurs taux d'intérêt réels et nominaux. La convergence des taux de ces deux
pays vers les taux allemands21 a été particulièrement accélérée par la libéralisation des
mouvements des capitaux. Les données suivantes confirment ces idées.
21
La convergence s’explique par la baisse de la prime de risque du marché et de la prime de risque d'inflation. 105
Lors du réalignement général du SME en mars 1983, le gouvernement danois a renoncé
pour la première fois à dévaluer sa monnaie par rapport au Mark. A la suite de cette décision, le
taux d'intérêt de long terme a enregistré une baisse de 5.5% en deux mois. Les conséquences
réelles de cette baisse n’ont pas tardé à se manifester. Ainsi, entre 1983 et 1986 le taux de
croissance du PIB réel était de l'ordre de 3.6%, tandis que la consommation privée a augmenté
de 3.7% malgré la baisse du revenu disponible. Quant aux investissements, ils ont enregistré un
véritable boom en augmentant de 12.7%. La libéralisation des mouvements de capitaux
explique en grande partie cette croissance spectaculaire des investissements. Elle a permis aux
entrepreneurs danois de réduire le coût de leur investissement, en leur offrant la possibilité de se
financer à l'étranger. En effet, le taux d'intérêt danois est resté supérieur au taux allemand,
malgré l’importante baisse que nous avons souligné. Ainsi, au cours des années 1983 et 1984,
les capitaux étrangers ont satisfait respectivement 42 et 51% des besoins de financement des
investisseurs danois.
En Irlande, une dévaluation de la monnaie nationale a précédé l'ajustement budgétaire.
Les taux d'intérêt nominal et réel ont enregistré des baisses respectives de 5 et 3.4% à la suite de
cette décision. Giavazzi et Pagano (1990) insistent sur l’origine budgétaire de la baisse des taux
en soulignant que la politique monétaire n'a pas amélioré la compétitivité des biens nationaux,
puisque le taux de croissance des exportations est resté stable. Nous contestons cet argument et
nous considérons que la baisse des taux d'intérêt réel et nominal est bien le résultat de la
dévaluation et de la libéralisation des capitaux22. Quant à la stabilité des exportations, elle peut
être imputée à deux facteurs. D’une part, l'Irlande n'est pas un grand exportateur. Il est donc
logique que la demande étrangère contribue modestement à la reprise. D’autre part, la demande
intérieure s’est accrue au point où les producteurs étaient incapables de la satisfaire en même
temps que la demande étrangère. L’explosion de la demande interne s'explique par le
desserrement des contraintes de liquidité qui pesaient sur une grande partie des consommateurs
irlandais. Les consommateurs danois avaient un meilleur accès au marché du crédit, ce qui
explique la réaction moins forte de la demande privée dans ce pays. Ainsi, une étude publiée par
la Banque Centrale du Danemark affirme que seulement 2% des consommateurs danois
retardent leur consommation en pensant qu'ils ne peuvent bénéficier du financement nécessaire.
En Irlande, les ménages avaient un accès très limité au marché du crédit jusqu'au début des
années 80. Les statistiques révèlent que les crédits accordés aux ménages rapportés à la
consommation totale sont trois fois plus importants au Danemark qu'en Irlande (150% au
22
106
La dévaluation, résultat de l'encrage au Mark, a contribué notamment à la baisse de la prime de risque d'inflation.
Danemark contre 43% en Irlande). Il semble donc qu’une partie importante de la reprise est à
mettre à l’actif de la politique monétaire, qui a relancé la consommation en desserrant
partiellement les contraintes de liquidité. On peut se demander si le redressement budgétaire n’a
pas contrarié l'effet de relance en diminuant le revenu disponible des ménages et en accentuant
ainsi leurs besoins de liquidités. Dans ce cas, une intervention purement monétaire aurait eu un
effet plus important sur la production.
A travers une série de régression, Giavazzi et Pagano (1990) trouvent que la
consommation irlandaise réagit fortement aux variations anticipées du revenu disponible. Dans
le cas du Danemark, les résultats des régressions signalent une indépendance totale entre ces
deux variables. Les mêmes auteurs affirment par ailleurs que la consommation est négativement
corrélée aux annonces d'une baisse des dépenses au Danemark, tandis qu’aucune corrélation
significative n'existe entre les décisions en matière de dépenses publiques et la consommation
privée en Irlande. Ces résultats renforcent nos précédentes conclusions concernant l’efficacité
de la politique monétaire. Ainsi, les contraintes de liquidité empêchent les consommateurs
irlandais de réagir à ces annonces, tandis que les possibilités de financement dont bénéficient les
consommateurs danois leur permettent de profiter de cette décision budgétaire.
5.3- Une mauvaise appréciation de la conjoncture
En étudiant l'évolution des principales grandeurs macroéconomiques par rapport à leurs
moyennes au sein du G7, Alesina et Perotti (1996) excluent les explications conjoncturelles du
succès des redressements budgétaires.
Nous remettons en question la méthode utilisée par les deux auteurs, car nous
considérons qu’elle peut fournir des indications erronées concernant la conjoncture lors des
périodes de redressement. Un examen de l’évolution de ces grandeurs macroéconomique à
l'échelle nationale nous semble plus approprié, car un pays ne passe pas nécessairement par une
mauvaise conjoncture lorsque certains de ses agrégats sont inférieurs à la moyenne du G7. Une
économie peut être dans une dynamique de croissance malgré que sa performance est en
dessous de la moyenne du G7. Cette même remarque est valable pour le taux de chômage et le
taux d'intérêt. Ces variables doivent être considérées dans leurs contextes nationaux pour qu'ils
puissent fournir une information correcte concernant la conjoncture au moment du
redressement.
107
Par ailleurs, en minimisant les liens entre la conjoncture et le succès des redressements,
Alesina et Perotti contredisent un résultat qu'ils ont précédemment énoncé dans un article publié
en 1995. Dans cette étude, ils constatent que plupart des gouvernements mènent leurs
redressements durant des périodes d'expansion. Les auteurs trouvent ce choix judicieux et
affirment que les chances de réussite sont deux fois plus élevées lorsque la conjoncture est
bonne.
Deux conclusions complémentaires ressortent de ce bilan empirique. D’abord, les
approches keynésienne et néoclassique standards sont en mesure de rationaliser les
conséquences macroéconomiques des redressements menés en Europe. Il suffit de procéder à
une lecture plus réaliste de l'évidence empirique qui prend en compte l’influence de la politique
monétaire, de la conjoncture et des spécificités de chaque pays. Les résultats qui semblent
contraires à la logique économique deviennent ainsi parfaitement lisibles.
Ensuite, des explications différentes ont été avancées concernant les effets de relance qui
ont accompagné certains redressements. Nous avons précisé qu’Alesina et Pirotti se sont
concentrés sur les incitations qui passent par le canal de l'offre tandis que Giavazzi et Pagano se
sont intéressés aux rôles des anticipations et de la crédibilité. Cette divergence s’explique
naturellement par l’hétérogénéité des contextes nationaux qui s’avèrent un facteur déterminant
de la réussite de la politique budgétaire. Il est donc approprié de proposer une construction
théorique qui repose sur les résultats d’un pays et d’en faire une exploitation plus générale.
108
Chapitre 3
Le volet
empirique du
débat budgétaire
Des deux premiers chapitres ressortent de nombreux désaccords qui concernent à la fois
les conséquences et le rôle de la politique budgétaire. Ces conflits sont souvent motivés par des
visions économiques divergentes qui s’illustrent par un décalage au niveau des postulats et des
hypothèses qui régissent les modèles.
Conscients que la pertinence d’une théorie se mesure en partie par son réalisme, les
économistes sont devenus très soucieux d'apporter un soutien empirique aux idées qu’ils
défendent. La croissance exponentielle des travaux économétriques témoigne de cette prise de
conscience. Le progrès des techniques statistiques a également contribué au développement du
volet empirique du débat, sans réussir pour autant à offrir des réponses qui permettent d’enrayer
les principales dissensions entre les courants. Comme nous le verrons au long de ce chapitre, les
conflits théoriques se sont métamorphosées en confrontations empiriques, où chaque courant
s’appuie sur les expériences réelles et sur les techniques statistiques qui consolident sa vision du
problème.
109
Section 1 : Le bilan des études empiriques
I- Les relations fondamentales
Les conflits qui opposent les divers courants de pensée se résument essentiellement à
l’impact de la politique budgétaire sur deux variables clés de l’économie : la consommation et
le taux d’intérêt. La réaction de la consommation détermine en grande partie les conséquences
immédiates de la politique budgétaire. Elle permet également d’apprécier la pertinence du
modèle de cycle de vie et le réalisme des différentes hypothèses qui le sous-tendent. L’analyse
de l’évolution du taux d’intérêt s’inscrit dans un registre de long terme. Elle précise l’impact de
la politique budgétaire sur l’accumulation du capital privé et donc sur le potentiel de production
de l’économie. Elle permet également de prévenir d’éventuels problèmes d’endettement à long
terme.
1- La politique budgétaire et la consommation
1.1- Les principaux résultats
De nombreuses études empiriques ont tenté de déceler les facteurs susceptibles
d'influencer la décision de consommation. La plupart d’entre elles concluent à l’importance des
réactions de la consommation aux variations du revenu courant et notamment à celles induites
par des mesures budgétaires.
En étudiant certaines réformes fiscales menées aux Etats Unis, Poterba (1988) trouve que
la réaction de la consommation dépasse largement les prévisions du modèle de cycle de vie.
Ainsi, durant la baisse des prélèvements de 1975, il estime que 16.7 cents par dollar
supplémentaire ont été consacrés à la consommation. Quant à l’augmentation des impôts en
1968 (augmentation liée à la guerre du Vietnam) elle a évincé la consommation privée de 22.7
cents par dollar. En s'appuyant sur des données américaines, Boskin (1988) conclut que les
agents consacrent à la consommation 30 cents de chaque dollar perçu à la suite d’un
changement de politique budgétaire.
Seule une étude menées par Kormendi (1983) a apporté un soutien empirique au théorème
d'équivalence. Dans ce travail, l'auteur trouve qu'une augmentation de la dette publique génère
deux effets opposés sur la consommation : un effet direct qui se traduit par une baisse de 6% et
un effet indirect (effet de richesse) qui la stimule de 3%. Il conclut que l'impact total de la
110
politique budgétaire sur la consommation est non significatif.
Toutefois, les travaux de Modigliani et Sterling (1986) d'une part et de Barth, Iden et
Russek (1986) de l’autre ont montré que les résultats de Kormendi dépendent sensiblement de
sa définition des variables. Ainsi, en reprenant le même échantillon et en réestimant la même
équation à l’aide de nouvelles définitions, ces auteurs démontrent que la consommation retrouve
sa sensibilité aux mesures budgétaires.
Eisner (1989) formule la même critique et affirme qu'une bonne définition des variables
permet d'arriver à des résultats conformes aux pronostiques des modèles keynésiens. En se
basant sur des données américaines, il démontre qu'une augmentation de 1% du déficit réel du
plein emploi s’accompagne d’une augmentation de 0.642% de la consommation.
Une synthèse des travaux empiriques révèle un lien significatif entre la consommation et
le revenu courant. La propension à consommer une augmentation du revenu disponible est
souvent comprise entre 20 et 40%. Ces résultats démontrent l'impertinence de l'approche
néoricardienne, mais ne permettent pas de départager les thèses keynésienne et néoclassique. En
effet, les keynésiens s'attendent à ce que cette propension avoisine les 70%, tandis que les
néoclassiques considèrent qu'elle ne dépasse pas les 5%. Pour une meilleure compréhension de
ces résultats nous allons étudier les facteurs explicatifs de la réaction de la consommation aux
variations du revenu courant.
1.2- Une analyse explicative
Il convient d’abord de vérifier si les agents sont capables de prendre des décisions de
consommation de long terme conformément aux postulats du modèle de cycle de vie. Il faut
examiner également s’ils sont en mesure de mettre leurs plans en application.
1.2.1- La myopie des agents
Kotlikoff, Samuelson et Johnson (1988) ont mené une expérience qui vise à tester la
capacité des agents à choisir des profils de consommation de long terme en fonction de leurs
richesses totales. Ils ont placé un échantillon de 49 personnes dans 17 situations différentes où
la richesse totale était invariable mais répartie différemment entre le revenu humain (salarial) et
le revenu financier. Le taux d'erreur a dépassé les 20% dans 14 des 17 cas. Les auteurs affirment
également que 37 parmi les 49 sujets ont commis plus que 5 erreurs d’une forte ampleur. Si
l’échantillon en question est représentatif, ces résultats signifient alors qu'une proportion
111
importante de la population est incapable d'effectuer des choix intertemporels rationnels comme
le suggère le modèle de cycle de vie.
Les résultats obtenus Kotlikoff, Samuelson et Johnson ne constituent pas une remise en
question des compétences comptables des agents, mais plutôt de leur capacité à tenir compte
des revenus de long terme dans leur comportement de consommation. En effet, les résultats
confirment que les agents sous-estiment souvent les revenus futurs, notamment lorsqu'ils
surviennent à des dates assez éloignées. Dans cette expérience, la principale différence entre la
richesse humaine et la richesse financière est que la première est répartie sur toute la durée de
vie alors que la seconde est disponible immédiatement. Or, les auteurs remarquent que les
personnes âgées de moins de 35 ans réalisent la plus grande partie de leur consommation en
s’appuyant sur leurs richesses financières. Par contre, les personnes âgées de 46 à 55 ans
consomment les deux formes de richesse dans les mêmes proportions. Ils concluent que les
personnes relativement âgées arrivent à mieux anticiper les flux salariaux futurs, car ils vont les
encaisser à des dates assez proches. Par contre, les personnes âgées de moins de 35 ans
n’internalisent pas ces flux de revenu, car ils ne surviendront que dans un futur lointain. Ainsi,
ils réalisent la part la plus importante de leurs consommations immédiates grâce aux ressources
courantes composées en grande partie des placements financiers.
Les résultats obtenus par Katona et Mueller (1968) vont également dans le même sens.
Ces auteurs concluent qu'à un mois de la réforme fiscale de 1964 aux Etats unis, 40% des agents
ne l'ont pas encore anticipé. En 1963 moins d'un tiers de la population s'attendait à cette
réforme. Il semble donc qu’une fraction assez importante de la population souffre d’un
problème de myopie, d’où une forte dépendance entre sa consommation et son revenu courant.
1.2.2- Les contraintes de liquidité
Les contraintes de liquidité constituent une explication alternative de la sensibilité de la
consommation aux variations du revenu courant. Les résultats suivants confirment l’ampleur de
ce problème.
A partir d’un panel de l'Université de Michigan, Hall et Mishkin (1982) ont étudié le
lien entre les dépenses hebdomadaires d'alimentation et le revenu des ménages. Ils constatent
que le coefficient du revenu courant dépasse de loin sa valeur théorique et concluent que 20%
des ménages sont susceptibles de souffrir d’une contrainte de liquidité.
112
Le même test appliqué à l’achat d’automobiles par les ménages américains a conduit
Bernanke (1984) à conclure que cette catégorie de dépenses est indépendante du revenu courant.
L’auteur explique ce résultat par le fait que les consommateurs obtiennent facilement les crédits
qui servent à financer ce type de consommation. Ainsi, il conclut que la dépendance entre les
autres catégories de dépenses et le revenu courant s’explique probablement par l’existence des
contraintes de liquidité.
En se basant sur le même panel, Zeldes (1985) décèle une corrélation significative entre
les ressources courantes et la consommation des ménages à faibles revenus23. Ce résultat révèle
intuitivement l’existence des contraintes de liquidité, car cette catégorie de ménage est
logiquement la plus confrontée à ce phénomène. Les résultats de Altonji et Siow (1986) vont
dans le même sens. Ils affirment qu'en excluant les ménages à forts revenus et les ménages à
faibles revenus de l'échantillon, aucune relation significative ne peut être détectée entre la
consommation et le revenu courant. C’est donc le niveau de richesse qui est vraisemblablement
à l'origine de la dépendance entre ces deux variables. Si on admet l’hypothèse logique que
l'intensité des contraintes de liquidité est négativement liée à la richesse (les ménages les moins
riches sont les plus exposés à ces contraintes), alors ce résultat indique que la réaction excessive
de la consommation s'explique essentiellement par le manque de liquidité dont souffrent les
ménages à faibles revenus. Hayashi (1985a) arrive à une conclusion similaire, en répartissant un
échantillon de ménages en deux groupes en fonction du montant de leurs épargnes. Il confirme
que la relation entre la consommation et le revenu est nettement plus intense chez les ménages à
faibles épargnes. Si on admet que la faiblesse de l'épargne signale la présence d’une contrainte
de liquidité, alors la relation entre la consommation et le revenu courant est largement expliquée
par ce facteur. Ainsi, l’auteur estime à 20% la proportion des ménages américains qui subissent
des contraintes de liquidité. Pour le Japon, Hayashi (1985c) estime que la proportion de la
population qui consomme en fonction de son revenu courant s'élève à 15%.
Dans une étude intéressante Hubbard et Judd (1986) fournissent des preuves
supplémentaires de l’existence et du pouvoir explicatif des contraintes de liquidité. D’abord, ils
rappellent que les prêts accordés à la consommation des biens garantis24 dépassent de loin tous
les autres crédits à la consommation aux Etats Unis. En 1985 par exemple, le montant des
crédits non garantis était de 21.9 milliards de dollars, tandis que les prêts accordés pour l'achat
23
Résultat rapporté dans Hubburd et Judd (1986)
24
Les maisons et les voitures par exemple constituent en elles-mêmes des garanties pour les prêteurs car elles sont
récupérables en cas de non-paiement.
113
des voitures et la construction des maisons s’élevaient respectivement à 37.8 et 152.8 milliards
de dollars. D’autre part, les auteurs soulignent qu'en 1983 une proportion significative des
ménages américains avait des placements financiers très modestes, avec un montant moyen de
3500 dollars. Les jeunes et les personnes à faibles revenus détenaient les placements les moins
importants. Ces chiffres tiennent compte de l'intégralité des fonds susceptibles d’être affectés à
la consommation à court et à long terme, y compris les placements pour la retraite. La situation
financière des ménages américains telle qu’elle est décrite par Hubbard et Judd, suggère qu’une
partie importante de la population est probablement confrontée à des problèmes de liquidité.
En s’appuyant sur un modèle dynamique à générations imbriquées, Hubbard et Judd
(1986) ont mené des exercices de simulation afin de comparer les pouvoirs explicatifs de la
myopie et des contraintes de liquidité. Pour une baisse d’impôts d’une durée de cinq ans, dont le
financement est programmé dans vingt ans, les auteurs trouvent que la propension marginale à
consommer le surplus de revenu s’élève à 0.05 pour des agents à durée de vie finie. Cette
propension surprend par sa faiblesse dans la mesure où la baisse des impôts s’étale sur une assez
longue période, alors que le redressement fiscal n’intervient qu’à une date suffisamment
éloignée. Ils simulent par la suite la même relance fiscale pour des agents à durée de vie infinie,
dont 20% subissent des contraintes de liquidité. Ils constatent que la propension à consommer le
revenu offert par la réforme fiscale passe de 0.05 à 0.25. La réaction de la consommation
s’intensifie malgré que les agents sont conscients qu'ils vont subir une baisse équivalente de leur
richesse dans le futur25. D’après ces résultats, les contraintes de liquidité offrent une explication
plus réaliste de la sensibilité de la consommation aux mesures budgétaires. A travers ces
exercices de simulation, les auteurs ont voulu minimiser le débat au tour de l'horizon de
planification des agents, lancé par le théorème d'équivalence de Barro. De leur point de vue,
l'imperfection des marchés financiers représente la plus forte remise en question du modèle
néoclassique.
Flavin (1984) a conduit des estimations économétriques afin de comparer les pouvoirs
explicatifs des contraintes de liquidité et de la myopie. Elle a instrumenté certaines variables
(telles que le taux de chômage) qui sont susceptibles d’avoir des liens assez étroits avec les
contraintes de liquidité. Elle conclut que presque la totalité des variations de la consommation
peut être imputée aux variables qui représentent les contraintes de liquidité.
25
Dans cette version du modèle les agents ont des durées de vie infinies et supportent donc la totalité du
financement de la politique budgétaire.
114
En conclusion, les contraintes de liquidités semblent fournir une explication assez forte
du lien entre la consommation et le revenu courant. Ce pouvoir explicatif est d’autant plus
important que la réaction de la consommation ne reflète qu'une partie des contraintes dont
souffrent les agents. En effet, la réaction de la consommation dépend du revenu tiré par chaque
catégorie d’agents des réformes fiscales. Si les ménages à faibles revenus sont ceux qui
profitent le moins de la baisse des impôts, alors l’effet de relance sera marginal. La réaction de
la consommation aux mesures fiscales n'est donc pas un bon indicateur de l’intensité des
contraintes de liquidité dans une société. Dans ce sens, une politique de dépense semble plus
appropriée qu'une politique fiscale, car elle permet de cibler les agents qui manifestent un
besoin de liquidité. Ainsi, elle assure que les fonds redistribués seront employés d'une façon qui
favorise la production et la croissance.
2- La politique budgétaire et le taux d'intérêt
La plupart des travaux empiriques discréditent les craintes de la nouvelle école classique
concernant l’éviction du capital privé. Certaines études concluent néanmoins à l'existence d'une
corrélation positive assez forte entre la dette publique et le taux d'intérêt.
Parmi les rares travaux favorables à la doctrine classique, on retient celui de Wyplosz
(1990) qui recense une corrélation de 0.68 entre le taux d'intérêt et la variation de la dette nette.
En considérant le stock de la dette, la corrélation tombe à 0.42, mais reste largement
significative. Edey, Kennedy et Orr (1995) ont étudié pour le compte de l'OCDE les facteurs qui
déterminent le taux d'intérêt réel du long terme. Ils concluent qu’un accroissement d'un point du
rapport du déficit au PNB provoque une hausse de 16.67% du taux d'intérêt, en cas de
financement interne de la dette.
Les méthodes empruntées par ces auteurs ont été critiquées sur plusieurs plans. Ainsi,
Landais (1998) reprend les calculs de Wylopsz (1990) et démontre que la corrélation entre la
variation de la dette brute et celle du taux d'intérêt réel est de –0.52. Landais explique le
changement radical du sens de la corrélation par l’impact de l’inflation sur le taux d’intérêt
nominal durant la période étudiée. En effet, les augmentations successives du taux d’intérêt
nominal ne répondaient pas à une croissance du déficit budgétaire, mais plutôt à une inflation de
plus en plus forte. En s’appuyant sur le taux réel au lieu du taux nominal, Landais élimine la
variation du taux expliquée par l’inflation et corrige ainsi le résultat biaisé proposé par
Wylopsz.
115
Eisner (1989) ne décèle aucun lien significatif entre le taux d’intérêt et certaines mesures
corrigées du déficit fédéral américain. Par ailleurs, il procède à des estimations économétriques
qui l’amènent à conclure que la politique budgétaire stimule les investissements au lieu de les
évincer. Ainsi, il affirme qu'une augmentation de 1% du déficit réel du plein emploi
s’accompagne d’une augmentation de 0.642% de la consommation et d'un accroissement de
1.383% des investissements. Eisner considère que ces résultats sont parfaitement cohérents avec
le modèle néoclassique du cycle de vie. En effet, le lissage de la consommation prévu par ce
modèle implique que la croissance de la demande sera progressive et s’étalera sur une longue
période. Les producteurs rationnels anticipent l’impact total de la politique budgétaire et
acquièrent d’avance le capital nécessaire pour faire face à la demande future. Ainsi, la réaction
de l'investissement est plus importante que celle de la consommation, car elle dépend de
l'augmentation totale de la demande et non seulement de sa réaction de court terme.
Malgré que les résultats d'Eisner sont souvent considérés comme excessifs, la plupart des
économistes admettent que la corrélation entre les agrégats budgétaires et le taux d'intérêt n'est
pas forte au point d’induire une éviction conséquente des investissements. Les nouveaux
classiques expliquent ce résultat par la mobilité croissante des capitaux à l’échelle
internationale. Depuis le début des années 80 le paradoxe souligné par Feldstein et Horioka
(1980) s'est progressivement dissipé et on assiste à une croissance exponentielle des flux de
capitaux entre les pays. Les investissements sont donc de moins en moins dépendants des
épargnes nationales, ce qui explique la faiblesse de l'effet d'éviction généré par la politique
budgétaire. Dans ce sens, Friedman B. (1992) affirme que le déclin des investissements
américains aurait été plus important si les capitaux étrangers n'ont pas comblé l'insuffisance de
l'épargne nationale lors des augmentations successives du déficit durant la présidence de
Reagan.
Tanzi et Lutz (1993)26 ont tenté d’évaluer l’impact de la politique budgétaire sur le taux
d'intérêt réel à l’échelle mondiale. Pour des groupes composés respectivement de 3, 7 et 13
pays, ils ont étudié la relation entre le taux d'intérêt mondial et un certain nombre de variables
dont la dette publique. Ils concluent qu’une augmentation de 1% du rapport de la dette accroît le
taux d'intérêt réel de 20 points de base en moyenne.
II- Les origines des divergences empiriques
26
Voir Verbon et Van Winden (1993) chapitre 11.
116
Il est intéressant de comprendre comment les mêmes expériences réelles offrent un soutien
empirique à des approches théoriques complètement contradictoires. Nous pensons que les
conflits empiriques sont aussi bien d’ordre technique que d’ordre conceptuel. Les problèmes
techniques les plus communs concernent le choix des quantités réelles qui représentent les
variables théoriques, la spécification des équations ainsi que les problèmes relatifs aux
techniques d'estimation, à la conception et au choix des tests statistiques. Hayashi (1995)
propose un excellent résumé de ces problèmes. Nous laissons de côté le volet technique du
débat pour nous intéresser aux problèmes d'ordre conceptuel et aux différentes propositions qui
permettent de les dépasser.
1- Les conflits d'ordre conceptuel
Le déficit budgétaire est l'indicateur par excellence de la politique budgétaire. Il signale le
degré de laxisme ou de rigueur de la politique mise en place par le gouvernement. Certains
économistes s’en servent également pour apprécier les conséquences macroéconomiques des
mesures budgétaires. D’autres contestent cette surexploitation du déficit et préconisent certaines
transformations de ce résultat comptable afin qu’il puisse assurer convenablement son rôle
d'indicateur. Ils avancent trois arguments dans ce sens.
Premièrement, le déficit nominal n'est pas le produit de la seule politique gouvernementale.
Il dépend également du contexte économique. Ainsi, un déficit budgétaire élevé peut résulter
d'une mauvaise conjoncture plutôt que d’une entreprise délibérée de l’Etat. Le terme
"conjoncture" regroupe également les variations des prix et du taux d'intérêt qui influencent la
valeur réelle des différentes composantes du budget. Il faut également tenir compte de la charge
de la dette passée, car elle est prise en compte dans le calcul des soldes courants. Ces charges
accentuent le déficit sans qu’elles soient pour autant le fruit d’une mesure de stabilisation ou de
relance. En conclusion, il est nécessaire de différentier la part volontaire de la part
conjoncturelle du déficit, afin d'apprécier correctement le caractère expansif ou restrictif de la
politique budgétaire.
Deuxièmement, le déficit nominal ne permet pas d’aborder les divers problèmes relatifs à la
politique budgétaire. Il est par exemple incapable de fournir une évaluation précise des
répercussions immédiates, des conséquences futures et des effets de redistribution d’une
politique de relance. L’accomplissement de ses tâches nécessite la conception d’une gamme
d’indicateurs spécialisés dans ces différents domaines. La limitation du champ d’utilisation d’un
117
indicateur améliore ses performances, car la polyvalence se fait souvent au détriment de
l’efficacité et de la précision.
Finalement, certains économistes considèrent que le déficit budgétaire est un chiffre
dépourvu de toute pertinence économique, car il est issu d’une procédure comptable qui ne
reflète pas toujours les véritables fonctions économiques des transactions. Prenons l’exemple
des cotisations à la sécurité sociale et des pensions de retraite. Elles sont comptabilisées
respectivement en tant que recettes fiscales et dépenses de transferts. Or, ces opérations sont
perçues différemment par les agents : les cotisations à la sécurité sociale sont considérées
comme une dette publique dont le remboursement prendra la forme d’une pension de retraite.
Les soldes publics seront totalement bouleversés si l’Etat adopte une telle définition comptable
de ces variables. Les auteurs à l’origine de cette critique revendiquent donc l’abandon des
normes comptables actuelles et la construction de nouveaux comptes publics qui reflètent le
caractère économique des opérations comptabilisées. Les soldes de ces nouveaux comptes
permettraient une vision plus précise et plus pertinente des retombés économiques de la
politique budgétaire.
2- Une illustration de l'importance des corrections
Deux corrections apportées par Eisner (1989) au déficit fédéral américain débouchent sur
des résultats assez intéressants. La première consiste à exclure les opérations d’achat et de vente
d’actifs réels et financiers par l’Etat. Les sommes liées à la gestion du patrimoine de l’Etat
masquent la véritable orientation budgétaire du gouvernement. Les calculs menés par Eisner
révèlent des écarts importants entre le montant officiel et le montant corrigé du déficit fédéral.
Cet écart s'élève à 28 milliards de dollars pour l'année 1985, 7 milliards de dollars pour l'année
1986, 1 milliard de dollars en 1987 et 11.7 milliards de dollars en 1988.
Eisner propose ensuite de passer du déficit nominal au déficit réel en éliminant l’effet de
l’inflation. Il corrige également la valeur nominale du portefeuille de l’Etat de l’impact des
variations du taux d’intérêt. Un résultat important ressort de cette correction : les 153 milliards
de dollars de déficit enregistrés durant la présidence de Carter (de 1977 à 1980) passent à 72
milliards de dollars. Le déficit du plein emploi évalué à 0.53% du PNB pour la période allant de
1977 à 1981, correspond en effet à un surplus réel moyen de 1.76% du PNB. En s'appuyant sur
ces résultats, Eisner remet en question l’explication avancée par les nouveaux classiques à la
crise des années soixante dix. Nous rappelons que ces derniers désignent le laxisme budgétaire
118
comme le principal responsable de la stagnation de l’activité. Or, l’existence d’un surplus réel
montre que la politique budgétaire était plutôt restrictive durant cette période. Pour Eisner la
crise a été provoquée par le choc pétrolier qui était à l’origine de la flambée de l’inflation et de
l’augmentation des taux d'intérêt. La richesse financière des ménages s’est fortement dépréciée
en conséquence et le pouvoir d'achat a enregistré une baisse sensible. De plus, l’adoption de
politiques monétaire et budgétaire de rigueur par les gouvernements et les banques centrales de
l’époque a retardé la sortie de la crise jusqu'à 1982.
Eisner (1989) a tenté d’apprécier l’impact de la politique budgétaire sur activité, en
s’appuyant sur sa définition du déficit fédéral réel. Pour la période allant de 1956 à 1983, il
constate que l’économie enregistre un accroissement sensible du PNB et une forte réduction du
taux de chômage durant les années qui suivent l'apparition de forts déficits budgétaires. Le
contraire est vrai pour les années marquées par une réduction du déficit réel. Il a décomposé par
la suite la période étudiée en deux sous-périodes, à partir desquelles il a mené une série
d’estimations économétriques visant à évaluer l’influence du déficit réel sur la croissance et le
chômage. Pour la période allant de 1956 à 1966, il trouve qu’un accroissement de 1% du déficit
réel du plein emploi s’accompagne d’une augmentation de 1.731% du PNB et d’une baisse de
0.566% du taux de chômage. Entre les années 1967 et 1984 une augmentation de 1% du déficit
réel du plein emploi provoque une croissance de 2.491% du PNB réel et une diminution de
1.087% du taux de chômage.
Gramlich (1989) corrige le déficit fédéral américain de l'impact de la conjoncture et des
variations de la valeur réelle de la dette. En recalculant les soldes budgétaires entre les années
1955 et 1979, il constate que le déficit moyen qui s’élève à 0.9% du PNN sur l’ensemble de la
période se transforme en un surplus moyen de 0.6% du PNN. Pour la période allant de1982 à
1987, le déficit moyen enregistre une baisse significative en passant de 5.2% à 2.3% du PNN.
Ces résultats vont dans le même sens que ceux obtenus par Eisner. Ils confirment notamment le
caractère restrictif de la politique budgétaire durant les années 70.
Creel et Sterdyniak (1995) proposent d’exclure les mesures temporaires de stabilisation
et les charges de la dette du déficit structurel. Ils comparent l'orientation budgétaire en Europe
telle qu’elle est décrite par le déficit structurel définit par l'OCDE, à celle issue de leur propre
définition du déficit.
D’après la définition de l’OCDE, le déficit structurel de la communauté européenne a
119
passé de 5% du PIB entre 1977 et 1979, à 5.2% en 1981. Il a ensuite diminué jusqu'à 3% du PIB
en 1989, avant d'enregistrer une nouvelle augmentation à 4.8% entre 1991 et 1992. D’après ces
statistiques, la politique budgétaire a été souvent expansive en Europe, notamment vers la fin
des années 70 et le début des années 80, mais également à partir du début des années 90.
En s'appuyant sur leur définition du déficit structurel, Creel et Sterdyniak remarquent
que les pays européens étaient fortement déficitaires seulement entre 1975 et 1981. A partir de
cette date, le déficit moyen enregistre une très légère variation centrée au voisinage de zéro.
Contrairement aux chiffres de l'OCDE qui signalent un regain de laxisme budgétaire à partir des
années 90, les calculs de Creel et Sterdyniak démontrent que la politique budgétaire européenne
est restrictive depuis le début des années 80. Les auteurs expliquent cette divergence par
l’exclusion des charges de la dette de leurs calculs. Ces charges constituent selon eux la
principale cause de la croissance du rapport de la dette dans les pays européens à partir du début
des années 80. Elles ont évolué de 1.2% du PIB européen en 1970, à 2.2% en 1980, 4% en 1986
pour atteindre enfin les 5% du PIB en 1990. Cette augmentation s’explique essentiellement par
une forte croissance du taux d'intérêt.
Section 2 : Les indicateurs de la politique budgétaire
On vient de souligner la nécessité de construire une gamme d'indicateurs adaptés aux
problèmes liés à la politique budgétaire. La diversité des indicateurs permet de profiter
pleinement des informations offertes par les expériences réelles. Les sujets qui préoccupent les
économistes tournent généralement autour des trois axes suivants : distinguer les politiques
restrictives des politiques expansives, estimer l’impact de la politique budgétaire sur l’activité et
anticiper les problèmes qu’elle est susceptible de générer à long terme. Les indicateurs de la
politique budgétaire se sont donc développés dans ces trois directions.
I- Les indicateurs d'action délibérée
Le déficit budgétaire est le fruit de la conjoncture et des initiatives délibérées du
gouvernement. Les exemples suivants rappellent les liens puissants entre le contexte
conjoncturel et le solde budgétaire :
•
Tout événement qui dévie l’économie de son équilibre naturel influence indirectement les
recettes et les dépenses de l'Etat. Une baisse de la production par exemple s’accompagne
d’une chute des recettes fiscales et se répercute négativement sur le solde public. Le taux de
120
chômage s’accroît à la suite du ralentissement de l’activité et on constatera également une
augmentation des dépenses de transferts qui détériore davantage les comptes publics. Un
choc favorable à la croissance déclencherait les mécanismes inverses et aurait comme
conséquence une réduction du déficit budgétaire. Cette évolution contracyclique du solde
budgétaire est connue sous le nom de "la stabilisation automatique".
•
Une augmentation des prix réduit la valeur réelle de certaines catégories de dépenses et de
recettes, dont la dette publique. La prise en compte de l’effet de l’inflation permet d’éviter
une sur-estimation ou une sous-estimation de la valeur réelle du déficit. La baisse de la
valeur réelle de la dette publique provoquée par l’inflation est qualifiée de "taxe
inflationniste". La comptabilisation de cette taxe fictive parmi les recettes débouche sur
"le déficit opérationnel".
•
Le solde courant tient compte du paiement des intérêts de la dette passée. De plus, les
variations du taux d'intérêt peuvent altérer les charges nominales et réelles de la dette sans
refléter pour autant un laxisme de la part de l'Etat. Pour cette raison plusieurs économistes
s'intéressent uniquement au "déficit primaire", qui exclut le service de la dette.
•
Les chocs extérieurs peuvent avoir une influence considérable sur le solde budgétaire de
certains pays. Lorsqu’une grande partie des recettes de l'Etat provient des exportations, alors
une baisse des prix des biens exportés peut détériorer considérablement les comptes publics.
La même remarque est vraie pour les pays qui subventionnent des biens importés de
première nécessité. Une augmentation des prix de ces biens sur les marchés internationaux
use les comptes de l’Etat.
Ces exemples illustrent l’influence que la conjoncture est susceptible d’exercer sur le solde
budgétaire. Pour reconnaître les orientations du gouvernement en matière de politique
budgétaire, il est donc nécessaire d’écarter les variations des recettes et des dépenses induites
par les revirements conjoncturels.
1- Une analyse théorique des stabilisateurs automatiques
On peut éliminer assez facilement les effets de l'inflation et des charges de la dette en
passant du déficit nominal au déficit primaire réel. L'impact des stabilisateurs automatiques est
plus délicat à cerner. La difficulté provient du fait que les stabilisateurs et les politiques
délibérées produisent des effets similaires sur les composantes du budget. Par conséquent, leurs
121
traces peuvent être facilement confondues.
1.1-
Comment
reconnaître
l'orientation
budgétaire
en
présence
des
stabilisateurs ?
La réponse à cette question nécessite une étude théorique détaillée des stabilisateurs
automatiques afin de déceler les caractéristiques qui les différencient des politiques délibérées.
Considérons cette expression simplifiée du solde budgétaire27 :
S = τ ( y ) − G  y 
 yn 
(1)
où y représente le produit effectif et yn le produit naturel ou du plein emploi. τ est une fonction
qui représente la structure fiscale. Elle est croissante par rapport à y. G est une fonction qui
représente l’adaptation des dépenses publiques au contexte économique. Elle est décroissante
par rapport à y/yn. Ces propriétés reflètent le caractère contracyclique des dépenses publiques et
le caractère procyclique des recettes fiscales.
Cette équation recense trois facteurs susceptibles d’influencer le solde budgétaire : une
variation du produit effectif y, due à un changement de conjoncture, une variation de τ ou une
modification de la forme de la fonction G, qui reflètent une politique délibérée de l’Etat ,et les
variations de long terme de yn.
A court terme, le produit potentiel, yn , est constant et les politiques fiscales et de dépenses
sont stables. Ainsi, le solde budgétaire, S, dépendent uniquement des variations du produit
effectif. Par hypothèse, nous savons que G est une fonction décroissante de y, ce qui implique
une relation croissante entre S et y :
∂S ∂τ 1 ∂G
=
−
> 0.
∂y ∂y yn ∂y
Ainsi, une bonne conjoncture (une augmentation de y) contribue à améliorer le solde
budgétaire tandis qu'une mauvaise conjoncture le détériore.
Pour reconnaître le caractère expansif ou restrictif de la politique il faut éliminer la
composante conjoncturelle du solde budgétaire. Cette procédure se fait en trois étapes. Il faut
d’abord définir une situation de référence dans laquelle la politique budgétaire est neutre et
calculer le solde budgétaire qui lui correspond. La deuxième étape consiste à calculer le solde
27
Cette présentation théorique est inspirée de Gordon (1980).
122
budgétaire actuel, en supposant que la production est au niveau de référence précédemment
définit. Enfin, il faut comparer le solde budgétaire issu de la deuxième étape au solde de
référence définit dans la première. La politique serait expansionniste si le solde calculé est
supérieur au solde de référence et restrictive dans le cas contraire.
D’un point de vue théorique, l’équilibre du plein emploi constitue la meilleure référence.
Au plein emploi, l’économie exploite au mieux son potentiel de production et les autorités
n’éprouvent aucun besoin de lui venir en aide par des mesures budgétaires. La politique neutre
doit par conséquent se traduire par un équilibre budgétaire. La procédure que nous venons de
définir nous conduit à conclure que la politique budgétaire actuelle est expansionniste si elle
conduit à un déficit au plein emploi et restrictive si elle génère un surplus. Seul l’équilibre
budgétaire authentifierait la neutralité de la politique budgétaire.
1.2- La nécessité des stabilisateurs automatiques
Les avis sont partagés quant à la nécessité de la stabilisation automatique28. Les
keynésiens montrent un soutien inconditionné aux évolutions contracycliques des dépenses,
tandis que les néoricardiens exigent la réalisation de surplus durant les périodes d'expansion.
Les deux courants apprécient l’effet des stabilisateurs automatiques sur la demande globale et
les considèrent comme un moyen efficace de lutte contre les récessions. Ils peuvent également
exercer une influence positive sur les anticipations ce qui renforce leur pouvoir de relance.
Barro (1989) s’associe aux keynésiens pour mettre en garde contre toute tentative de
contrecarrer la stabilisation automatique. Une telle initiative ne fera qu'aggraver la situation
financière de l'Etat. Lorsque l’économie est en phase de récession, les redressements
budgétaires risquent de coûter cher en termes de croissance et de chômage. A terme le
gouvernement sera devant l'obligation de concéder un déficit encore plus important pour
relancer l'activité et sortir de la crise. Ainsi, la rigueur budgétaire du départ débouchera sur un
déficit plus important. Ces considérations ont conduit un grand nombre d'économistes à
s’opposer aux critères de Maastricht, en considérant que les ajustements auxquels devaient se
livrer les pays européens en pleine récession vont dégrader davantage la situation sans parvenir
pour autant à améliorer les soldes budgétaires29.
28
Voir Artus (1993) pour uns discussion de cette question.
29
Artus (1995) propose une critique plus complète des critères de Maastricht.
123
Les nouveaux classiques sont hostiles à la stabilisation automatique. Ils mettent en
gardent notamment contre ses conséquences de long terme. Dans ce sens, nous rappelons que
les défenseurs de l'hypothèse "Tax and Spend" considèrent que rien ne garantit la compensation
des déficits encourus durant les périodes de récession par des surplus lorsque la conjoncture sera
favorable. Les gouvernements subissent des pressions régulières et sont donc tentés d’affecter
les excédents de recettes durant les périodes de croissance à des dépenses autres que celle du
rachat d’une partie de la dette. Si les déficits contractés durant les récessions se transforment en
déficits permanents, alors on peut assister à une accumulation progressive de la dette qui
débouche sur un problème de soutenabilité à terme.
Les ultraclassiques plaident en faveur d'une politique budgétaire procyclique, en
proposant un raisonnement original qu’ils qualifient de "logique budgétaire". Pour lutter contre
les déficits durant les périodes de récession, ils conseillent une politique mixte qui consiste à
augmenter les prélèvements d’une part et à réduire les dépenses de l’autre. Ils recommandent
une baisse des dépenses discrétionnaires et notamment des investissements, car les dépenses de
transfert et de fonctionnement sont difficiles à réduire en période de récession. Lorsque la
reprise s'amorce, l'Etat doit relancer ses dépenses d'investissement pour combler le retard et le
manque d'infrastructure de tout genre. L’augmentation des dépenses sera entièrement financée
par les recettes fiscales supplémentaires offertes par la croissance et par les taux de prélèvement
élevés hérités du redressement. Les dépenses publiques suivront ainsi un schéma procyclique,
en se contractant pendant les récessions et en augmentant pendant les expansions.
Ce raisonnement néglige néanmoins un détail particulièrement important : il ne donne
aucune idée sur les facteurs qui permettent d'amorcer la reprise, surtout lorsque la récession est
renforcée par une augmentation des prélèvements ou une baisse des dépenses. Cette « logique
budgétaire » assimile les récessions et les expansions à des phénomènes exogènes qui sont
indépendants des choix économiques de l'Etat.
1.3- L'ampleur de la stabilisation
L’efficacité des stabilisateurs automatiques dépend de leur impact sur l'activité
économique et donc sur le solde budgétaire. Leur utilité sera fortement remise en question, s'il
s’avère qu’ils aggravent considérablement le déficit budgétaire sans permettre une relance
conséquente de l'activité. Ils seront un outil de stabilisation privilégié dans le cas contraire.
S'agissant de leur impact sur le solde budgétaire, il dépend de la sensibilité des recettes
124
fiscales et des dépenses publiques aux évolutions de la conjoncture. La dérivée de l’équation (1)
permet de distinguer ces deux facteurs :
dS
dy
( dy) − ( dG dy) .
= dτ
Nous reformulons ces deux expressions pour mettre en avant les élasticités des dépenses
et des recettes fiscales à la production :
dτ
 dτ 
 τ
τ
=
dy
y  dy 
( )

y 
 dG 
dG = G  G 
dy
y  dy 
 y 


( )
(2)
(3)
En vertu de la contrainte budgétaire intertemporelle de l'Etat, les rapports τ/y et G/y
doivent être égaux à long terme30. D'après les équations (2) et (3), ce sont donc les élasticités
respectives des impôts et des dépenses à la production qui déterminent l'impact des
stabilisateurs automatiques sur le solde budgétaire. La première élasticité dépend de la
sensibilité de l’assiette fiscale au niveau de la production, ainsi que de la progressivité des taux
d'imposition. L'élasticité des dépenses publiques dépend de l’intensité des liens entre le taux de
chômage et le taux de croissance et de la générosité du système d'indemnisation.
Les études empiriques aboutissent à trois principales conclusions concernant l'impact des
stabilisateurs automatiques sur l’activité. D'abord, la part de l'Etat dans le PNB est un facteur
déterminant de la réussite de la stabilisation. Les stabilisateurs automatiques sont d’autant plus
efficaces que la part de l’Etat dans le PNB est importante. Ensuite, les recettes fiscales ont un
effet stabilisateur beaucoup plus important que les dépenses. Ainsi, l'augmentation du déficit
lors d’une mauvaise conjoncture s’explique par la baisse des recettes fiscales plutôt que par
l’augmentation des dépenses de transfert. Enfin, la taille de l'économie et son degré d'ouverture
sur l’extérieur ont un impact important sur l'ampleur de la stabilisation. Les pays les plus
ouverts semblent bénéficier de la stabilisation la plus importante.
30
Cette hypothèse se base sur une représentation simplifiée de la contrainte budgétaire de l’Etat qui suppose que la
dette publique est nulle à long terme. Par conséquent les dépenses sont égales aux recettes fiscales.
125
2- Quelques exemples d'indicateurs d'action délibérée
La plupart des indicateurs d'action délibérée s'inspirent de la procédure à trois étapes que
nous avons décrit précédemment. Ils se différentient uniquement par le choix du solde
budgétaire de référence. Nous allons donc décrire les indicateurs les plus utilisés en prêtant une
attention particulière aux arguments qui appuient le choix de la référence.
2.1- Le surplus du taux naturel
C'est l’indicateur le plus utilisé aux Etats Unis. Il est construit autour de deux grandeurs
de référence : le produit potentiel (ou naturel) et le chômage naturel. La produit potentiel
correspond à une pleine exploitation des capacités de production. Une estimation de la
population active nécessaire à la réalisation de ce niveau de production permet de déduire le
taux de chômage naturel. Les revenus générés par cette production sont distribués entre les
différentes catégories d’agent (salaires, profits, …) selon le schéma de répartition actuel. Les
recettes fiscales qui correspondent au plein emploi sont calculées en se basant sur les élasticités
des différentes catégories de revenus aux impôts. L’estimation du montant des transferts
sociaux compatible avec le taux de chômage naturel permet de déduire les dépenses publiques
du plein emploi. Il suffit enfin de calculer l’écart entre les recettes fiscales et les dépenses
publiques estimées pour déduire le solde budgétaire de référence.
2.2- Le «Cyclically Adjusted Budget (CAB)»
C'est l'indicateur utilisé par l'OCDE. Il prend pour référence la situation moyenne de
l'économie au cours du cycle actuel. L'identification de la croissance moyenne du cycle permet
d'estimer la production moyenne et le taux de chômage moyen pour l’exercice en question et
d'en déduire les recettes fiscales et les dépenses publiques qui leurs correspondent.
En retenant une référence autre que le plein emploi, cet indicateur permet d’éviter des
hypothèses discutables concernant le taux de chômage naturel et le produit potentiel. Il introduit
par contre une nouvelle difficulté qui consiste à identifier les caractéristiques du cycle
économique.
2.3- L'indicateur proposé par De Boissieu et Gubian
De Boissieu et Gubian (1984) prennent l'exercice budgétaire précédent pour référence. Ils
reprennent les diverses catégories de recettes et de dépenses de l'exercice antérieur et estiment
126
les valeurs qu'elles doivent prendre au cours de l’exercice courant si le gouvernement maintient
la même politique budgétaire. Les estimations tiennent compte des évolutions de la conjoncture
et des prix. Les écarts entre les valeurs estimées et les valeurs effectives des recettes et des
dépenses représentent des variations discrétionnaires qui signalent un changement délibéré de
politique.
Pour obtenir un indicateur de l'orientation budgétaire globale du gouvernement, il suffit
d'additionner les écarts entre les valeurs estimées et les valeurs effectives en les pondérant par
leurs degrés d'influence sur le solde budgétaire. L'influence de chaque écart discrétionnaire ne
se limite pas à sa contribution directe (son poids dans le solde budgétaire), mais doit également
tenir compte de ses répercussions sur le reste des dépenses et des recettes. Une augmentation
des investissements publics par exemple relance l’activité et accroît par conséquent les recettes
fiscales. Il faut donc tenir compte à la fois des effets directs et indirects des écarts constatés afin
de cerner correctement leurs impacts sur le solde budgétaire.
2.4- L'indicateur de Blanchard
Cet indicateur prend également les résultats de l'exercice précédent comme référence.
Toutefois, au lieu de projeter les valeurs antérieures des recettes et des dépenses en tenant
compte de l'évolution de la conjoncture, Blanchard (1993) calcule le solde de l'exercice courant
en supposant que la conjoncture est restée la même. Si l'Etat n'a pas changé de politique, les
soldes budgétaires actuel et passé doivent être identiques. Toute différence révèle donc un
changement discrétionnaire de la politique budgétaire.
En plus de leur simplicité, les deux derniers indicateurs se dissocient des courants de
pensée et évitent ainsi une grande partie des controverses théoriques. L'indicateur de Blanchard
est encore plus simple dans sa conception que celui de De Boissieu et Gubian, car il évite
également les conflits théoriques concernant les effets indirects des écarts discrétionnaires.
Les deux premiers indicateurs se basent sur des hypothèses théoriques assez controversées
qui portent respectivement sur le plein emploi et les caractéristiques du cycle économique. Il est
difficile d’accréditer des indicateurs déduits à partir d’un concept comme celui du cycle
économique, alors que l’existence même des cycles est réfutée par un grand nombre de
macroéconomistes. Par ailleurs, en se référant à des situations fictives, ces indicateurs
impliquent des estimations empiriques dont la fiabilité est loin d'être garantie.
127
Nous soulignons toutefois que les indicateurs d’action délibérée permettent seulement
de juger du caractère expansionniste ou restrictif de la politique budgétaire. Ils ne permettent en
aucun cas de juger de l’optimalité de la politique budgétaire, car le solde de référence n’est pas
nécessairement le solde optimal. Prenons l’exemple du surplus du taux naturel. Nous avons
précisé dans le premier chapitre que le solde budgétaire optimal n'est pas nécessairement nul au
plein emploi. La valeur optimale est celle qui permet une meilleure accumulation du capital et
qui offre par conséquent un maximum de bien-être social. Cette même remarque est également
valable pour le CAB, car le déficit de la production moyenne ne représente pas nécessairement
le déficit optimal d'un point de vue théorique.
Si les seuils de référence des indicateurs sont souvent utilisés pour discuter de
l’optimalité de la politique budgétaire, c’est parce que les déficits optimaux sont quasiimpossibles à estimer. Ils dépendent de certains facteurs difficiles à quantifier tels que les
préférences des agents par exemple. En outre, les nouveaux classiques plaident en faveur d’une
proximité entre les soldes optimaux et les soldes de neutralité, ce qui justifie de leur point de
vue le recours aux indicateurs d’action délibérée pour aborder le problème de l’optimalité.
II- Les indicateurs de soutenabilité
Tous les courants de pensée sont unanimes quant aux conséquences néfastes des spirales
d’endettement. Cependant, les défenseurs des politiques de relance tendent à minimiser les
chances d'apparition de ces spirales, tandis que ceux qui prônent la rigueur budgétaire les
présentent comme un danger qui guette en permanence les économies endettées. La gravité de
ce problème rend toutefois indispensable le développement de techniques qui permettent de
prévoir son apparition.
1- Définition du problème
Nous commençons par définir la dynamique de la dette publique. La contrainte budgétaire
intertemporelle de l'Etat nous enseigne que l’émission d’une nouvelle dette est motivée par
l'écart entre l’ensemble des dépenses, charges de la dette passée inclues, et les recettes fiscales :
∆Bt = Gt + Ht + it Bt −1 − Tt
(4)
où Bt est la dette publique, Gt les dépenses de fonctionnement et d'investissement, Ht les
128
dépenses de transfert, Tt les recettes fiscales et it le taux de rendement de la dette. Toutes ces
variables sont exprimées en nominal.
Une première lecture de cette équation nous permet de définir la dynamique de la dette
publique comme le résultat du déficit primaire (Dt = Gt + Ht - Tt) et les charges de l’ancienne
dette (itBt-1). Une conclusion particulièrement intéressante ressort de cette lecture : si l’Etat
n’arrive pas à dégager un surplus primaire suffisant pour financer les charges de sa dette passée,
alors il sera obligé de s’endetter davantage.
En rapportant toutes les variables de l'équation (4) au PIB et en procédant à quelques
approximations algébriques, on peut réécrire la contrainte budgétaire sous une forme plus
intuitive :
∆bt = gt + ht + (rt − xt )bt −1 − tt = dt + ( rt − xt ) bt −1
(5)
où rt est le taux de rendement de la dette, xt est le taux de croissance de la production et dt est le
déficit primaire rapporté au PIB.
Cette dernière version de la contrainte budgétaire débouche sur un résultat central : si le
taux d'intérêt réel est supérieur taux de croissance de la production, alors l’Etat doit dégager
un surplus primaire pour stabiliser le rapport de la dette. Dans le cas contraire, le rapport de la
dette augmentera d’une façon continue d'une période à l'autre. A terme, cette spirale
d’endettement remettra en question la solvabilité de l'Etat, c'est à dire sa capacité à rembourser
ses dettes. Si l’Etat n’est plus en mesure de retrouver son équilibre budgétaire à long terme,
alors la dette publique est dite insoutenable.
Afin de dériver une condition qui garantit la soutenabilité de la politique budgétaire,
nous supposons que l’économie a atteint sa dynamique de long terme avec un taux d’intérêt et
un taux de croissance stationnaires. Soit b0 le rapport initial de la dette. En procédant par
récurrence, l’équation (5) nous définit la condition requise pour que le budget soit équilibré à
long terme31 :
t


1
dt 
 = −b0
∑

t =0
 1 + ( r − x) 
+∞
31
(6)
Cette condition est obtenue en supposant qu'à l'infini le stock de la dette publique s'annule, ce qui signifie que
l'Etat finit par rembourser toutes ses dettes.
129
Cette équation nous informe qu’une politique budgétaire est soutenable si l’ensemble
des surplus primaires qu’elle générera permet de racheter la dette qui à servit à son financement
et de payer les charges qui en découlent. Cette condition financière est satisfaite lorsque le taux
de croissance de la production est égal au taux de rendement de la dette :
+∞
r = x ⇒ ∑ dt = −b0 .
t =0
La politique budgétaire parvient également à s’autofinancer si la croissance qu’elle
génère est supérieure à son coût :
t


1
1 

32
r < x ⇒ ∑ dt 
 = d 1 +
 < −b0 .

r
x
r
x
+
−
−
1
(
)


t =0


+∞
Lorsque le coût de la dette est supérieur au taux de croissance de la production, l’Etat ne
peut dégager les surplus primaires nécessaires au paiement du principal et des intérêts de sa
dette.
L'exploitation de cette condition rencontre plusieurs difficultés d’ordre pratique. Certains
problèmes de prévision sont particulièrement délicats à résoudre : comment apprécier les
trajectoires de long terme des variables du modèle ? A partir de quel seuil le rapport de la dette
peut-il constituer un danger à terme ? D’autres interrogations concernent la stratégie retenue par
les autorités : quels sont les critères de choix du rapport optimal de la dette ? L’Etat peut-il
tolérer des écarts temporaires par rapport à cette cible ? Si oui, alors quelle doit être l’ampleur
de ces variations et comment peut-on les distinguer des variations permanentes ? Enfin,
certaines questions portent sur l'horizon de planification : l'Etat peut-il retarder sans cesse les
surplus primaires nécessaires à la stabilisation du rapport de la dette ? Doit-il attendre une
conjoncture favorable ou bien doit-il entreprendre rapidement des mesures de redressements?
Ces interrogations conduisent à des lectures variées de la condition de soutenabilité et
annoncent une panoplie d'indicateurs. Les conditions peuvent se distinguer par l'horizon
temporel qu’elles retiennent ou par le rapport de la dette qu’elles ciblent. La condition (6)
demeure cependant une base théorique solide à la conception des indicateurs de soutenabilité
malgré leur diversité, car elle présente l'avantage d'être souple. Elle permet de préciser la
condition de soutenabilité pour différents horizons de planification et différents rapports de
32
Cette condition est valable pour un déficit primaire constant d’une période à l’autre : dt = d ∀t.
130
dette. Elle peut également s’adapter pour tenir compte des hypothèses particulières qui
concernent l'évolution du taux d'intérêt ou du taux de croissance.
2- Présentation des indicateurs
Pour un gouvernement qui souhaite stabiliser le rapport de sa dette à un seuil optimal b*, à
une échéance t, Blanchard (1993) propose trois indicateurs de soutenabilité qui s’inspirent de la
condition (6). Le premier indicateur est calculé en trois étapes :
(i) Le gouvernement estime ses dépenses et ses transferts futurs jusqu'à l’échéance t.
(ii) Il déduit le taux d'imposition qui permet de satisfaire la condition de soutenabilité pour le
rapport de dette ciblé. Blanchard qualifie ce taux de "taux d'imposition soutenable".
(iii) La différence entre le taux soutenable et le taux effectif représente "l'écart de
soutenabilité". Il renseigne le gouvernement sur les mesures fiscales à entreprendre dans
l'immédiat pour que le rapport de la dette soit stabilisé au niveau ciblé, à la date voulue.
Les deux autres indicateurs appliquent cette même logique aux dépenses de fonctionnement
et d'investissement d'une part, et aux dépenses de transferts de l’autre. Blanchard les qualifie de
"taux de dépenses soutenable" et de "taux de transferts soutenable". Ces indicateurs sont fiables
seulement à court et à moyen terme, car la prévision des recettes fiscales et des différentes
catégories de dépenses devient peu précise au-delà d’un certain horizon.
Par ailleurs, ils permettent au gouvernement d’adapter sa stratégie à la conjoncture et
aux préférences des agents, en lui offrant des plans d’action variés par la fiscalité, par les
dépenses ou par une combinaison des ces deux options.
Nous précisons enfin que ces indicateurs ne dictent pas une politique précise au
gouvernement pour atteindre les taux d’imposition, de dépenses ou de transferts soutenables. Ils
indiquent les taux moyens qui garantissent la soutenabilité de la politique budgétaire, mais
laissent aux autorités le soin de choisir la combinaison convenable pour les atteindre. Ainsi, le
taux d'imposition soutenable peut être atteint par plusieurs combinaisons des impôts directs et
indirects. Les gouvernements sont donc en mesure de déterminer la structure d’ajustement la
moins préjudiciable à l’activité.
La valeur des indicateurs dépend de l’échéance et du rapport de dette retenus par le
gouvernement. Il faut donc étudier le degré de liberté dont disposent les autorités dans le choix
131
de ces deux variables, et notamment de celui du rapport de la dette. Nous avons déjà précisé que
l'existence d'un stock de dette publique ne remet pas en question systématiquement la solvabilité
de l'Etat. Cela n’implique pas pour autant une totale liberté dans le choix du rapport de la dette,
car il est évident qu'au-delà d'un certain seuil l’Etat ne sera plus mesure d'assurer sa stabilité. En
effet, le surplus primaire a un seuil maximal qu'il ne peut dépasser. Il est donc impératif de
définir un plafond de dette au-delà duquel il serait impossible de générer les excédents qui
garantissent la soutenabilité de la politique budgétaire.
Appelons T0 les recettes fiscales maximales réalisables et G0 les dépenses publiques
minimales envisageables sous les mêmes conditions. Le surplus primaire maximal que le
gouvernement peut atteindre est : D0 = T0 – G0. D’après le raisonnement précédent, si le service
de la dette rB est supérieur à D0, alors la politique budgétaire est certainement insoutenable.
Ainsi, la dette maximale soutenable est celle définie par l'équation suivante :
B* =
D0 T0 − G0
.
=
r
r
Le calcul les indicateurs de soutenabilité pour une dette publique supérieure à seuil B*,
conduit nécessairement à un taux d’imposition supérieur au taux maximal T0 ou bien à un taux
de dépense inférieur au taux minimal G0. Ces résultats révèlent au gouvernement que sa
politique budgétaire est insoutenable, car les mesures qui permettent de stabiliser le rapport de
la dette sont impossibles à mettre en place.
III- Les indicateurs d'impact
Les analyses macroéconomiques standards considèrent que les politiques budgétaires
expansives stimulent l’activité plus ou moins fortement, tandis que les politiques restrictives
génère des effets récessifs. Dans ce sens, le solde budgétaire semble un indicateur d'impact
assez fiable.
Cette approche superficielle néglige néanmoins quelques éléments assez importants.
D'abord, le théorème de Haavelmo (1945) démontre qu'une augmentation des dépenses à budget
équilibré (entièrement financée par impôt) peut avoir un effet expansif. Ce résultat s'explique
simplement par la supériorité de l'effet de relance exercé par les dépenses au freinage dû à
l'augmentation des prélèvements. Ensuite, les approches théoriques divergent quant à l’ampleur
du multiplicateur de la demande. Nous avons vu au cours des deux premiers chapitres que les
132
conclusions vont d’un effet intense à une parfaite neutralité. Les économistes de l'offre
envisagent même la possibilité d'un effet multiplicateur négatif. Ces remarques montrent les
limites du déficit budgétaire en tant qu’indicateur d’impact. Certains économistes ont formulé
des propositions qui permettent de dépasser certains de ces inconvénients. Nous exposons
notamment le travail de Blanchard qui s’est distingué à la fois par la variété et la flexibilité des
indicateurs qu’il a proposés.
1- Le solde budgétaire pondéré
Cet indicateur répond à la première critique qui souligne que certaines catégories de
dépenses ont des effets multiplicateurs plus importants que d'autres. La même remarque est
valable pour le freinage exercé par les impôts.
Pour remédier à ces problèmes Blanchard (1993) propose de recalculer le solde budgétaire
en pondérant les différentes catégories de dépenses et de recettes par leurs effets multiplicateurs.
Le nouveau solde qui résulte de ces calculs donne une mesure plus précise de l'effet
multiplicateur global de la politique budgétaire. Le principal inconvénient de cet indicateur
réside dans la difficulté d’apprécier l'effet multiplicateur de chaque composante du budget.
Aussi, cet indicateur s’inscrit dans la tradition keynésienne et ne rend pas compte de certains
mécanismes défendus par les économistes de l’offre et les néoricardiens.
2- L’indice d’impact budgétaire
L'originalité de cet indicateur est qu'il peut s'adapter aux approches keynésienne,
néoclassique et néoricardienne. La principale différence entre les trois courants concerne les
effets indirects de la politique budgétaire. Les néoricardiens pensent que les agents ont des
durées de vie infinies33 et qu’ils anticipent parfaitement l'augmentation future des prélèvements.
Toute expansion budgétaire sera par conséquent sans effet sur la consommation. Les keynésiens
sont convaincus que les agents sont myopes et qu'une augmentation des dépenses publiques sera
certainement à l’origine d’une augmentation de la consommation privée. Les nouveaux
classiques adoptent une position intermédiaire : les agents ont des durées de vie finies et
peuvent manifester un faible degré de myopie.
Malgré leurs divergences, les trois approches s’accordent sur le fait que les conséquences
de la politique budgétaire dépendent du degré de myopie des agents et de leurs horizons de
planification. A partir de cette idée, Blanchard (1985) a conçu un indicateur d’impact qui prend
33
Grâce aux transferts entre générations qui transforment chaque dynastie en un agent à durée de vie infinie.
133
la thèse classique pour point de départ pour s'adapter ensuite aux thèses des deux autres
courants. Cet indicateur, qu’il a appelé "L'indice d'impact budgétaire (IIB)", est définit par
l'équation suivante :
θ
IIB1 = G + rcB − c(r + p ) ∫ Te −( r + p )t dt (7)
0
où "c" est la propension marginale à consommer le revenu, r le taux de rendement de la dette et
p est le degré de myopie (compris entre 0 et 1-r). Le paramètre θ représente l'horizon de
planification des agents et la variable t le temps.
D’après l’équation (7), la réaction de la consommation dépend d’un effet de richesse
positif (crB) et d’un effet de richesse négatif expliqué par l'augmentation des impôts présents et
θ
futurs ( c(r + p) ∫ Te −( r + p )t dt ). Le deuxième effet est décroissant par rapport à la myopie des
0
agents et croissant par rapport à leurs horizons de planifications.
Pour se placer dans un contexte néoricardien, il suffit de supposer une absence totale de
myopie (p=0) et un horizon de planification infini (θ =+∞). L'indicateur prend alors la forme
suivante :
+∞
IIB2 = G + crB − cr ∫ Te − rt dt = G + crB − crT .
0
Ainsi, si l’augmentation future des impôts couvre exactement le montant et les charges
de la dette actuelle (rB=rT), alors l’effet de la politique budgétaire se limite à sa contribution
directe comme le revendique Barro.
Dans le cas keynésien, où la myopie est totale (p=1-r) et l’horizon de planification est
nul, l'indicateur devient :
IIB3 = G + rcB .
D’après cette équation, la dette publique est considérée comme une richesse nette par les
agents. Elle contribue ainsi à relancer les dépenses privées.
Si l'indicateur proposé par Blanchard a le mérite de pouvoir s'adapter aux trois principales
approches de la politique budgétaire, il comporte néanmoins deux inconvénients de taille.
Premièrement, il néglige un argument central de l'analyse classique, à savoir l'effet d'éviction.
Deuxièmement, l'utilisation de ces indicateurs demande une estimation de la propension à
134
consommer et surtout du degré de myopie. Or, ces paramètres sont très difficiles à estimer. Les
auteurs leur attribuent souvent des valeurs arbitraires qui n'ont aucun appui théorique ou
empirique.
3- Les indicateurs basés sur la comparaison des déficits
Blanchard (1985) admet que les choix arbitraires de p et de c limitent considérablement la
fiabilité de l'indice d’impact budgétaire. Il formule ainsi deux propositions à travers lesquelles il
essaye de remédier à ce problème.
Il propose le déficit courant (DC) corrigé de l'inflation et rapporté au PNB comme
indicateur d’impact conforme à la vision keynésienne :
( )
DC = G + r B − T
Y
Y
Y
Selon cet indicateur, les consommateurs considèrent les titres publics comme une richesse nette
et consomment la totalité des intérêts qu'ils leur procurent. Seule l'augmentation immédiate des
prélèvements limite l'effet positif de la politique budgétaire.
L'indicateur inspiré des idées néoclassiques se distingue du premier, en intégrant un taux
d'imposition moyen calculé sur une période de quelques années. Il permet ainsi de tenir compte
des baisses futures de la richesse que génère la politique budgétaire actuelle. Sa formule ne
diffère de l’équation précédente que par la variable qui représente les prélèvements fiscaux :
DCi = G
Y
( Y ) −T Y
+r B
i
où Ti représente la moyenne des prélèvements fiscaux sur les i prochaines années.
Section 3 : Les effets de redistribution
Beaucoup d’économistes considèrent les effets de redistribution générés par la politique
budgétaire comme un problème intrinsèquement différent de celui de la stabilisation
macroéconomique. De nouvelles directions de recherche essayent toutefois de bouleverser cet
ordre établi, en mettant en avant les liens entre le volet redistributif et les conséquences
macroéconomiques des politiques budgétaires. Le passage d’une évaluation positive des
politiques économiques à une évaluation normative a contribué à rapprocher ses deux facettes
de la politique budgétaire. Grâce à son impact sur le bien-être des agents, la redistribution est
135
devenue l’un des déterminants de l’efficacité de la politique budgétaire.
Ce problème touche des domaines variés tels que l’affectation des revenus entre les
groupes sociaux, entre les régions et entre les générations. Il concerne également l'allocation des
facteurs de production dans le temps. Chacun des domaines mentionnés ci-dessus nécessite
l'élaboration d'un ou plusieurs indicateurs qui tiennent compte de ses spécificités. Un axe de
recherche particulièrement intéressant concerne la répartition des ressources entre les
générations. Son importance se justifie en grande partie par les indications précieuses qu’il
fournit quant aux conséquences de long terme de la politique budgétaire. Les travaux menés
dans ce sens ont débouché sur les "comptes générationnels".
I- Présentation des comptes générationnels
Les comptes par génération ont été conçus par Auerbach, Gokhale et Kotlikoff (1991). A
travers une série d'article, ces auteurs ont expliqué les fondements théoriques de cette nouvelle
approche et explicité les avantages qu'elle offre par rapport aux comptes publics standards.
1- Pourquoi les comptes par génération ?
Les concepteurs de cette technique considèrent que le déficit budgétaire est une mesure
arbitraire qui ne reflète pas le sens économique des opérations comptables. L'illustration la plus
importante et la pertinente de cette critique est celle que nous avons mentionnée au début de ce
chapitre et qui concerne les pensions de retraite et les cotisations à la sécurité sociale. Dans les
comptes publics, ces deux opérations sont assimilées respectivement à des dépenses de transfert
et à des prélèvements définitifs. Economiquement les cotisations à la sécurité sociale ne
diffèrent en rien d'une obligation qui arrive à maturité à une échéance bien précise. Kotlikoff
(1989) affirme que si les soldes budgétaires sont recalculés en s'appuyant sur cette définition
des cotisations sociales, alors les déficits d'un grand nombre de pays augmenteront dans des
proportions faramineuses. Cet exemple montre que le déficit budgétaire est un résultat qui
dépend des définitions comptables des recettes et dépenses. Si les définitions retenues sont
incohérentes avec les fonctions économiques des opérations, alors le solde budgétaire donnera
une mauvaise appréciation de la situation financière présente et future de l’Etat.
La meilleure solution consiste à redéfinir les recettes et les dépenses d’une façon qui
redonne au solde budgétaire sa pertinence économique. Cependant, la difficulté d'arriver à un
consensus concernant ces définitions rend cette solution difficile à mettre en œuvre. Une
136
alternative plus réaliste consiste à développer une nouvelle technique qui exploite les données
comptables du budget sans susciter de conflit concernant leurs définitions économiques. C’est
dans cette optique qu’Auerbach, Gokhale et Kotlikoff proposent "les comptes par génération".
L’utilité des comptes par génération dépasse la réponse qu’ils apportent à cette première
critique. Ils permettent également une meilleure appréciation de l'impact de la politique
budgétaire en précisant la distribution du revenu national parmi les différentes classes d'âge.
Deux politiques qui se traduisent par un même déficit budgétaire, mais qui empruntent des
schémas redistributifs différents, ont généralement des répercussions différentes sur l'activité.
Une grandeur agrégée comme le déficit budgétaire ne rend pas compte de ces détails, qui jouent
pourtant un rôle déterminant dans la réussite des politiques de relance.
2- La conception des comptes par génération
Un compte générationnel est un tableau comptable qui, pour un exercice budgétaire donné,
précise un solde à chacune des générations en vie ainsi qu’aux générations futures. Ce solde
représente l’écart entre les paiements actualisés que les membres d'une génération doivent
verser à l'Etat depuis l’exercice budgétaire en question et jusqu'à la fin de leurs vies, et les
transferts qu'ils vont encaisser au cours de cette même période. L’équation suivante définit cet
écart :
k +D
Nt ,k =
∑
i = max ( t , k )
i
1
j = t +1 (1 + rj )
T i , k Pi ,k ∏
où Nt,k est le solde à la date t de la génération née à l'année k, T i , k est la contribution nette reçue
par l'Etat à l'année t de chaque membre de la génération k34, Pt,k est le nombre d’individus
appartenant à la génération k (le nombre de personnes nées à l'année k et qui sont encore en vie
à l'année t), rj est le taux d'intérêt à la date j et D est la durée de vie moyenne des membres des
différentes générations.
Les impôts versés, les transferts reçus et la durée de vie sont des moyennes estimées à
partir des statistiques disponibles pour chaque génération. Le taux d'intérêt est supposé constant.
Pour réduire la taille de ces comptes et faciliter leur lecture, les différentes générations sont
souvent regroupées dans des classes d'âge. L'amplitude de ces classes est habituellement de cinq
ans, mais peut varier selon la finalité du tableau.
34
La contribution nette est égale à l’écart entre tous les impôts directs et indirects supportés par les membres de la
génération en question et les transferts reçus par ces mêmes agents à la date t.
137
Une fois que les soldes de toutes les générations en vie ont été calculés, la contribution
nette des générations futures sera déduite à partir de l'équation suivante :
D
∞
∞
i =0
i =1
i =t
i
1
j = t +1 (1 + rj )
∑ Nt ,t −i + ∑ Nt ,t +i = Wt g + ∑ Gi ∏
où Wgt représente la richesse nette de l'Etat (son patrimoine financier et réel) à la date t et Gi ses
dépenses durant l'année i.
Cette équation n’est qu’une reformulation de la contrainte budgétaire intertemporelle de
l'Etat. Elle précise que l’équilibre budgétaire impose aux générations actuelles et futures de
fournir des contributions nettes qui permettent de financer les dépenses publiques35, tout en
garantissant la stabilité de la richesse de l’Etat. La contribution nette des générations futures
représente le solde de cette équation. Il est calculé en supposant que l’Etat maintiendra ses
dépenses et sa richesse au même niveau durant toutes les périodes à venir. Les charges sont
ensuite réparties uniformément entre les membres de toutes les générations futures, supposant
ainsi que l’Etat leur réservera un traitement équitable.
La principale implication de cette équation est que toute baisse de la contribution nette
des générations actuellement en vie se traduit nécessairement par une augmentation de la
contribution nette des générations futures, toutes choses égales par ailleurs. Ainsi, si l'Etat
décide d'augmenter les transferts vers les générations actuelles, tout en maintenant ses dépenses
et sa richesse stables au cours du temps, alors il sera contraint d’augmenter les prélèvements ou
de réduire les transferts vers les générations futures de façon à augmenter leur contribution
nette. Toute politique de transfert équivaut donc à une réallocation des ressources dans le temps
et parmi les différentes générations.
3- Les avantages de cette technique
Les comptes générationnels peuvent être exploités dans trois directions. Ils permettrent
d’abord de résoudre certains problèmes qui concernent l'impact et l’orientation de la politique
budgétaire. Ils offrent également des éclaircissements au sujet des problèmes de long terme à
travers la comparaison des charges qui pèsent sur les générations actuelles et sur les générations
futures. L’ampleur des déséquilibres générationnels donne une idée sur l’ampleur des réformes
budgétaires qu’il faut entreprendre pour les réduire. Enfin, ils représentent un outil d’aide à la
35
Cette définition des dépenses publique ne tient pas compte des dépenses de transferts.
138
décision, puisqu’ils permettent une meilleure évaluation des différentes alternatives budgétaires
en précisant le schéma de redistribution que génère chacune d’entre-elle.
3.1- Des résultats moins conflictuels
Les comptes par génération résolvent les problèmes relatifs au sens économique des
opérations comptables. Qu’elles soient considérées comme un transfert ou comme le
remboursement d’une dette, les pensions de retraite représentent toujours une ressource
supplémentaire pour les membres de chaque génération. De même, les cotisations à la sécurité
sociale constituent des charges pour les agents, indépendamment du fait qu'elles soient perçues
comme un impôt ou comme un placement de long terme. La caractéristique essentielle de
chaque opération comptable est son appartenance aux dépenses ou aux ressources.
Par ailleurs, nous avons mentionné que l'inflation, les charges de la dette et la gestion du
patrimoine public biaisent le solde budgétaire et conduisent à une mauvaise appréciation des
mesures discrétionnaires entreprises par le gouvernement. Les comptes par génération
proposent des solutions à ces problèmes. Ainsi, la contribution nette de chaque génération est
calculée à prix constants36. La valeur réelle du patrimoine de l'Etat est évaluée pour l'exercice
budgétaire en cours, puis elle est supposée constante au fils des périodes. La croissance est prise
en compte dans l’évaluation des transferts futurs et des charges fiscales futures. Le taux de
croissance est supposé stable et les fruits de la croissance sont répartis équitablement entre les
différentes générations.
3.2- Une meilleure appréciation des conséquences futures de la politique
budgétaire
La comparaison des charges nettes assumées par les générations actuelles à celles qui
seront supportées par les générations futures permet de voir si le fardeau des dépenses publiques
est équitablement réparti entre les générations. Pour l'année 1989 par exemple, Auerbach,
Gokhale et Kotlikoff (1991) estiment que chacune des générations futures aux Etats Unis
supportera une contribution nette supérieure de 20% à celle de la génération née durant la même
année.
En cas d'une répartition inégale des charges, les comptes générationnels donnent des
indications quant aux mesures à entreprendre pour réduire ces inégalités. Pour les résultats de
l’année 1989, Auerbach, Gokhale et Kotlikoff signalent que si le gouvernement américain
36
L’indice des prix retenu correspond à l’exercice budgétaire au cours duquel les comptes sont élaborés.
139
décide d’engager une action immédiate, alors une hausse de 5.3% du taux d'imposition moyen
sera nécessaire pour éliminer la disparité des charges entre les générations.
Les comptes donnent également une idée sur les coûts que génère le retardement des
redressements. Ainsi, Auerbach, Gokhale et Kotlikoff soulignent que si le gouvernement retarde
la hausse des prélèvements de dix ans, alors l’écart entre les charges nettes qui seront supportées
par la génération 1989 et par les générations futures passera de 20 à 35%. Si la hausse des
prélèvements est retardée de vingt ans, l'écart atteindra 57%.
En conclusion, les comptes par génération offrent de précieuses informations concernant
les conséquences futures des politiques budgétaires actuelles. Moyennant quelques hypothèses,
ils indiquent aux autorités les mesures à entreprendre pour éviter les difficultés budgétaires dans
le futur. Ils précisent également les coûts des retards et permettent ainsi aux autorités de
sélectionner le meilleur timing pour le redressement.
3.3- Une mesure des effets allocatifs de la politique budgétaire
Ayant une structure moins agrégée que les tableaux de synthèse de la comptabilité
nationale, les comptes générationnels permettent une meilleure appréciation de l'allocation des
ressources au sein d'une économie. Ils décrivent les conséquences de toute mesure budgétaire
sur la richesse nette de chaque génération, sur la composition de cette richesse et sur sa
répartition entre les différentes catégories de dépenses. Cet ensemble d'information permet aux
autorités de différentier entre des politiques qui semblent identiques du point de vue du déficit
budgétaire.
Dans leur article de 1991, Auerbach, Golkhale et Kotlikoff fournissent quelques exemples
qui illustrent les avantages offerts par la comptabilité par génération. L’un de ces exemples
consiste à simuler trois politiques budgétaires et à étudier leurs impacts sur la répartition de la
richesse entre les générations. La première mesure est une augmentation permanente de 20%
des allocations sociales de retraite et d'invalidité, financée par une augmentation des impôts sur
les salaires. La deuxième consiste à baisser les prélèvements salariaux de 30% et de les
compenser par une augmentation des impôts sur la consommation. Enfin, la troisième mesure
consiste à supprimer les aides aux investissements afin d’alléger le taux d'imposition sur le
revenu du capital qui sert à financer ces transferts. Bien qu’elles n'exercent aucune influence sur
le solde budgétaire, ces trois politiques auront des répercussions très différentes sur les
140
contributions nettes des différentes générations.
La première politique est favorable aux vieilles générations et défavorable aux actuels et
futurs salariés. Les personnes appartenant à la classe d'âge [70ans -80ans] bénéficient de la
baisse la plus importante des contributions nettes, soit un montant de 11900 dollars. Cette baisse
se fait principalement au détriment des personnes ayant entre 20 et 30 ans et entre 30 et 40 ans
qui voient leurs contributions nettes s’accroître respectivement de 5500 et 5200 dollars. Les
générations futures doivent également débourser 3100 dollars supplémentaires.
La suppression des aides aux investissements constitue également un transfert des jeunes
vers les vieux. L'ampleur de ce transfert est toutefois moins spectaculaire que celui provoqué
par l'augmentation des pensions de retraites. Les 70-80 ans tirent toujours le plus grand bénéfice
de cette opération : la baisse de leur contribution nette s’élève à 5500 dollars. Les 20-30 ans
supportent la part la plus importante de l'augmentation des charges, soit 2300 dollars. Il est
également intéressant de noter que cette politique n'exerce qu'une influence mineure sur le solde
des générations futures qui enregistre une hausse de 200 dollars.
Enfin, la troisième mesure génère un schéma de répartition inverse. Elle amplifie les
charges des vieilles générations et réduit celles des jeunes, tout en ayant une influence
négligeable sur les comptes des générations à venir.
Les résultats de ces simulations montrent l’étendu des informations que les comptes par
génération sont capables de fournir et le rôle capital qu’ils peuvent jouer en tant qu’outil d’aide
à la décision.
II- Les principales lacunes
1- Un bouclage macroéconomique incomplet
Les comptes par génération prévoient l'évolution des recettes et des dépenses publiques en
s’appuyant sur le même scénario de croissance. Les corrections apportées à ces flux de revenu
sont toujours identiques, puisque le taux d'intérêt et le taux d'inflation sont supposés stables au
fil des périodes, même en cas de changement de politique budgétaire.
1.1- Les problèmes posés par ces simplifications
Les hypothèses que nous venons d’énumérer sont irréalistes, car des grandeurs tels que
141
l'inflation, le taux de croissance et le taux d'intérêt subissent l’influence de la politique
budgétaire. Du point de vue keynésien, une expansion budgétaire stimule la consommation et
l'investissement et se répercute positivement sur la production. Le nouvel équilibre sera
caractérisé par une croissance renforcée mais également par une inflation plus importante. Selon
la doctrine classique, l'expansion budgétaire s'accompagne d'une augmentation du taux d'intérêt
qui évince les investissements et limite la croissance. Ces deux exemples montrent qu’on ne
peut apprécier les conséquences d'une politique budgétaire sans tenir compte des mécanismes
économiques qu'elle déclenche.
L’intégration de ces mécanismes dans les comptes générationnels reste problématique, car
les relations entre les agrégats sont loin d'être stables. Leurs influences sur les recettes et les
dépenses de l'Etat sont également assez imprévisibles. Nous avons vu qu'un redressement
budgétaire qui est sensé exercer un effet récessif sur l'économie, peut contre toute attente
relancer la croissance. Le sort du redressement dépend de sa composition, de la conjoncture
économique, mais également des anticipations, des politiques d'accompagnement et de
nombreux autres facteurs. Or, comme toute approche comptable, les comptes par générations
sont construits à partir d’identités stables caractérisées par la régularité de leurs
fonctionnements. Ils ne peuvent donc appréhender un bouclage macroéconomique incertain.
1.2- Les répercussions sur la fiabilité des résultats
L’irréalisme du bouclage macroéconomique limite sensiblement l'apport des comptes par
génération. L’une des originalités de cette approche est qu'elle permet de cerner les
conséquences immédiates et futures de la politique budgétaire. Sans un bouclage
macroéconomique approprié, elle devient inapte à accomplir ces deux missions.
Le calcul des contributions nettes des générations futures surestime ces charges d'un point
de vue keynésien et les sous-estime d'un point de vue néoclassique. Dans la logique
keynésienne, une politique budgétaire expansive s'autofinancera au moins partiellement en
générant un surplus de recettes fiscales grâce à son impact sur la demande. Ainsi, les
générations futures ne supportent qu'une très légère augmentation de leurs contributions nettes.
Du point de vue néoclassique, les comptes générationnels négligent l'impact de l'augmentation
du taux d'intérêt sur les investissements et sous-évaluent l'augmentation des charges qui
résultera de l’expansion budgétaire. En définitive, la démarche retenue par Auerbach, Gokhale
et Kotlikoff ne correspond à aucun des scénarios prônés par les différents courants de pensée.
142
Nous avons souligné que cette technique peut aider les autorités à acheminer les
ressources vers les personnes qui consomment le plus, de façon à maximiser le multiplicateur
budgétaire. Toutefois, les indications fournies par les comptes générationnels souffrent de
deux problèmes.
Le premier est qu'elles supposent que les propensions moyennes à consommer sont
insensibles à la politique budgétaire. Plusieurs arguments vont dans le sens contraire. D'abord,
les incitations générées par certaines mesures fiscales poussent les agents à modifier la
répartition de leurs revenus entre la consommation et l’épargne. En outre, la propension
moyenne à consommer des agents qui subissent des contraintes de liquidité est sensible aux
politiques de redistribution. En augmentant les revenus des agents concernés par ce problème,
la politique budgétaire accroîtra également leurs propensions moyennes à consommer37.
Enfin, le même résultat se produit lorsqu’une forte incertitude pèse sur les revenus futurs. En
transférant une partie des revenus futurs vers le présent, l'Etat limite cette source
d’incertitude, réduit l'épargne de précaution et stimule la consommation.
Les remarques que nous venons de souligner concernent certaines générations plus que
d’autres. Les générations les plus âgées réagiront davantage à une taxe sur la consommation
qu’à un impôt sur les revenus salariaux. Les générations encore actives seront plus affectées
par la seconde mesure. Les vieilles générations souffrent peu de l’incertitude et subissent
moins les contraintes de liquidité, alors que les jeunes générations sont beaucoup plus
touchées par ces deux phénomènes.
Deuxièmement, les comptes par générations négligent les variations des prix relatifs et les
effets de substitution qui en découlent. Le partage du temps entre le travail et le loisir est un
exemple de décision qui dépend de la structure des prix relatifs. Une politique budgétaire qui
consiste à baisser l’impôt sur les salaires augmentera le coût d'opportunité du loisir et stimulera
l’offre de travail. L'augmentation du nombre d'heures travaillées accroît le potentiel de
consommation des ménages. Par ailleurs l’augmentation de l’offre de travail peut également se
traduire par une baisse du salaire réel, ce qui risque de limiter la consommation. La variation
des prix relatifs peut donc générer des effets contradictoires, ce qui rend difficile une bonne
appréciation de ses conséquences finales.
37
Nous avons précisé dans le premier chapitre que ce résultat est valable même lorsque l'accroissement du revenu
actuel sera compensé par une augmentation des prélèvements futurs.
143
En conclusion, on peut dire que les comptes par génération décrivent les conséquences de
la politique budgétaire lorsque les agents continuent à consommer, à épargner et à travailler de
la même façon avant et après la mise en place de la politique en question. Ces hypothèses
limitent la fiabilité des résultats fournis par cette approche.
2- Une vision incomplète de la politique budgétaire
Auerbach, Gokhale et Kotlikoff (1991) négligent toutes les catégories de dépenses qui ne
prennent pas la forme d’un transfert d’argent de l’Etat vers les agents. Il s’agit, à notre sens,
d’une erreur méthodologique qui biaise les résultats des comptes et conduit à des conclusions
trompeuses, comme nous allons le démontrer.
2.1- Faut-il se limiter aux dépenses de transfert ?
Nous pensons que les écarts entre les contributions nettes des différentes générations
s’expliquent essentiellement par l’existence de dépenses autres que les transferts, dont
l’exclusion rend la comparaison entre les soldes des différentes générations totalement obsolète.
Avant d’expliciter notre point de vue, nous rappelons qu’Auerbach, Gokhale et kotlikoff
arrivent à deux principales conclusions : (i) la contribution nette de chaque génération est
toujours positive ; (ii) il y a un déséquilibre au niveau des contributions nettes qui profitent aux
vieux. Les générations les plus âgées ont supporté des charges réduites et bénéficient
actuellement d'importants transferts, tandis que le contraire est vrai pour les jeunes générations
et pour les générations futures. Nous proposons les explications suivantes à ces résultats.
D'abord, il est tout à fait logique que les soldes de toutes les générations soient positifs si
on tient compte de l'intégralité des impôts qu'elles payent, tout en comptabilisant seulement une
partie des dépenses dont elles bénéficient. Les recettes fiscales servent en partie à financer des
services vitaux tels que l'enseignement, la santé et la sécurité qui profitent aux différentes
générations, même s’ils ne prennent pas la forme d’un transfert d’argent. En évaluant
correctement ces services et en les intégrant dans le calcul des comptes, on se rapprochera
certainement d'un solde équilibré pour chaque génération.
D'autre part, les services publics se sont diversifiés et leur qualité s’est améliorée
sensiblement au cours des dernières décennies. Les jeunes générations jouissent ainsi de
meilleures prestations et de certains services publics qui étaient quasi-inexistants jusqu'à un
passé récent. Les vieilles générations ont certes supporté moins de charges que leurs
144
homologues plus jeunes, mais elles avaient par contre un accès très réduit à des services tels que
l'enseignement et la santé. Dans ce cas, la disparité entre les charges assumées par les jeunes et
les vieux contribuables n’est pas la preuve d'une répartition inéquitable du fardeau des dépenses
publiques entre les générations, mais reflète plutôt l'écart entre les services publics dont elles
ont bénéficié.
Il est donc possible que le bien-être des générations actuelles soit plus élevé que celui
des générations passées, malgré que les résultats des comptes générationnels favorisent une
conclusion totalement opposée. En effet, si on tient compte de l'intégralité des services perçus,
ont peut ramener les charges nettes supportées par les jeunes générations au même niveau que
celles supportées par les vieilles générations, sauf que ces dernières n'ont pas bénéficié d'autant
de services publics. A charges égales, les générations actuelles bénéficient donc d'une gamme
de service plus étendue et ont plus de chance d’atteindre un niveau de satisfaction plus élevée.
L'augmentation du bien-être est d'autant plus importante, que ces générations auraient payé ces
services beaucoup plus cher s'ils n'étaient pas assurés par le secteur public.
En définitive, les charges supportées par les jeunes générations, permettent en effet de
garantir des services vitaux à des moindres coûts et contribuent ainsi à améliorer le bien-être des
agents en question.
2.2- La solution proposée
La prise en compte des dépenses autres que les transferts est une opération très délicate.
En effet, les services financés par ces dépenses sont difficiles à évaluer, car ils ne sont pas
échangés sur des marchés régis par les lois de l’offre et de la demande. Le prix proposé au
public ne reflète donc pas la vraie valeur marchande du service offert.
Face à ce problème, Vasseur (1995) propose une solution simple et pertinente, qui
consiste à comptabiliser les services en question à leurs coûts de production.
Cette solution est facile à intégrer au niveau des comptes par générations. Toutes les
statistiques nécessaires à l’appréciation des coûts des services publics sont disponibles dans les
comptes nationaux. Il suffit ainsi de ventiler ces coûts entre les générations en fonction de
l'intensité de leurs utilisations des services en question. Les dépenses non ventilables sont
réparties d’une façon égale entre les générations. A l’instar des autres catégories de recettes et
de dépenses, ces chiffres seront corrigés de l'impact de la croissance et de l'inflation.
145
III- Pour une meilleure exploitation des comptes par génération
Dans la continuité des critiques que nous venons de développer, nous proposons quelques
idées qui permettent de parfaire les résultats des comptes par générations et d’en tirer davantage
d’enseignements.
1- Une endogénéisation de certains paramètres et variables
Nous avons souligné que les comptes par générations sont incapables d’intégrer certains
mécanismes endogènes de l’économie. Nous proposons deux solutions à ce problème.
La première solution consiste à tenir compte de l’impact des mesures budgétaires sur le
comportement des différentes générations. Ainsi, nous proposons d’estimer pour chaque
génération les élasticités de la consommation et de l'offre de travail aux dépenses de transfert et
aux taux d'imposition. La méthode utilisée par Auerbach, Gokhale et kotlikoff pour le calcul des
prélèvements moyens et des transferts moyens par génération, permet également de calculer les
élasticités moyennes de la consommation et de l'offre de travail aux transferts et aux principaux
taux d’imposition. Ces élasticités permettent notamment de prévoir l’évolution de la propension
à consommer et de l'offre de travail de chaque génération à la suite d’un changement de la
politique budgétaire. Elles garantissent donc une meilleure appréciation de l’évolution de la
contribution nette de chaque génération une fois la politique est mise en place.
Pour exploiter les élasticités estimées nous préconisons une procédure en quatre étapes.
Elle débute par une évaluation des conséquences de la politique budgétaire étudiée sur les
transferts moyens et les taux de prélèvement moyens de chaque génération. Les élasticités
estimées permettent ensuite d’anticiper les variations de la proportion moyenne à consommer et
du nombre moyen d'heures de travail offertes par chaque génération. La troisième étape consiste
à prévoir les variations des recettes fiscales et des dépenses de transferts induites par les
variations de l’offre de travail et de la consommation. Une fois les variations des recettes et des
dépenses estimées, on reprend la démarche d’Auerbach, Gokhale et kotlikoff pour calculer le
solde de chaque génération.
La deuxième proposition consiste à calculer les contributions des différentes générations en
s’appuyant sur plusieurs scénarios de croissance, qui s’inspirent des différentes approches
théoriques. Nous avons vu que les modèles peuvent être conçus de façon à s’adapter à plusieurs
doctrines. On peut passer d’une vision de l’économie à l’autre en ajustant les valeurs de certains
146
paramètres du modèle, tels que ceux qui reflètent le degré de myopie ou l’horizon de
planification des agents. Dans un contexte keynésien, les générations sont totalement myopes et
consomment en fonction de leurs revenus courants. Dans un monde néoricardien, la décision de
consommation est indépendante des variations du revenu courant. Le modèle peut également
refléter les points de vue des divers courants quant aux conséquences inflationnistes de la
politique budgétaire et ses répercussions sur le taux d’intérêt.
Les différents scénarios offrent une information précieuse aux autorités concernant les
conséquences possibles de leurs interventions, en leur décrivant les meilleures perspectives
comme les pires.
2- Une exploitation moins ambitieuse et plus réaliste des résultats
Prétendre que cette technique permet une évaluation exhaustive des conséquences de la
politique budgétaire relève d'un excès d'optimisme de la part de ses concepteurs. Nous avons
soulevé dans les paragraphes précédents des problèmes aussi bien techniques que théoriques liés
à cette approche. Il est donc plus lucide de profiter de la complémentarité entre cette technique
et le reste des indicateurs, que de s'accrocher à un objectif d'exhaustivité qu'aucun indicateur ne
peut remplir.
L'imbrication des informations fournies par les différents indicateurs permet aux autorités
de porter un jugement plus précis quant aux conséquences de leurs interventions. Les
indicateurs de soutenabilité renseignent les autorités sur les difficultés financières futures, mais
surtout sur l’ampleur de l’action à entreprendre pour les éviter. De leur côté, les comptes par
générations permettent de distinguer l’ensemble de mesures qui satisfait le critère de
soutenabilité précisé par le premier indicateur, tout en garantissant la meilleure répartition des
charges entre les générations. Cet exemple illustre l’usage complémentaire que peuvent faire les
autorités des divers outils d’aide à la décision dont elles disposent.
147
Chapitre 4
Réputation et
crédibilité :
les nouveaux
déterminants de
la politique
monétaire
La nouvelle école classique assimile le choix de la politique monétaire à un jeu qui
oppose la banque centrale aux travailleurs. En information parfaite, cette approche conclut à
la neutralité de la politique monétaire. Ses effets réels de court terme sont rationalisés par
l’existence des asymétries d’information. Il s’agit néanmoins d’effets transitoires qui se
convertissent rapidement en inflation. Devant l’inefficacité des tentatives de relance, les
nouveaux classiques recommandent l’abandon des objectifs réels et l’affectation de la
politique monétaire à la lutte contre l’inflation.
Une telle conduite de la politique monétaire doit être crédible auprès du public afin
d'atteindre le résultat escompté. Les autorités monétaires doivent donc entreprendre les
mesures susceptibles de convaincre le public de l’abandon de l’activisme monétaire au profit
148
d'une gestion purement anti-inflationniste.
Dans la première section nous analyserons les fondements de l’approche proposée par
la nouvelle école classique. Nous commençons par identifier les mécanismes qui assurent le
lien entre les sphères monétaire et réelle. Nous aborderons également la question du choix de
l’instrument de la politique monétaire et nous étudierons les motivations qui animent les
différentes catégories d’agents. Nous démontrerons que le jeu qui oppose les autorités
monétaires aux travailleurs se solde par un fort taux d’inflation sans contrepartie réelle.
La deuxième section sera consacrée à l’étude des asymétries d’information et de leurs
conséquences sur les résultats du modèle. Nous démontrerons que l’avantage d’information
dont bénéficie la banque centrale lui permet de stimuler l’activité à court terme.
Dans la troisième section nous passerons en revue les solutions qui permettent de
résorber le biais inflationniste. La littérature présente les règles monétaires et l’indépendance
de la banque centrale comme les principaux remèdes à ce problème. Nous démontrerons
l’efficacité de ces solutions à l’aide des modèles appropriés, puis nous analyserons leurs
degrés de réalisme.
La quatrième et dernière section sera consacrée aux critiques formulées à l’encontre de
l’approche classique. Nous nous arrêterons sur ses principaux disfonctionnements et nous
proposerons quelques idées qui permettent de les dépasser.
149
Section 1 : Les objectifs réels et le biais inflationniste
Kydland et Prescott (1977) constatent que la théorie du choix optimal souffre d’un
problème de cohérence temporelle, qu’ils expliquent par la restriction de l’ensemble
d’information qui sous-tend les anticipations aux seuls événements passés. En effet, une
décision optimale exante peut devenir sous-optimal expost lorsque de nouveaux événements
surviennent entre le moment de la prise de décision et le moment de sa mise en application.
Kydland et Prescott (1977) apportent quelques modifications à la théorie du choix
optimal afin d’écarter le problème d’incohérence temporelle. En étudiant le problème de
décision de la banque centrale à l’aide de cette nouvelle technique, ils constatent que la
politique temporellement cohérente conduit à un taux d'inflation excessif sans réussir pour
autant à réduire le taux de chômage. Une telle stratégie est sous optimale, dans la mesure où
un taux d'inflation plus faible pouvait être atteint sans détériorer le volume de l'emploi. Pour
permettre la transition vers un équilibre plus satisfaisant, les auteurs recommandent l’abandon
du mode de décision discrétionnaire en faveur d'un régime plus transparent.
Les idées de Kydland et Prescott ont été reprises et approfondies par Barro et Gordon
(1983a et b) qui démontrent l'inefficacité de la politique monétaire dans un univers
d'information parfaite. En s’appuyant sur la fonction d’offre proposée par Lucas (1973), ils
démontrent que des travailleurs rationnels sont en mesure de neutraliser les tentatives de
relance de la banque centrale en procédant à des ajustements adéquats de leurs salaires
nominaux. Dans ce cas, les politiques expansionnistess se traduisent ainsi entièrement en
inflation. Ce résultat, qualifié dans la littérature de "biais inflationniste", est inévitable tant
que le public est convaincu que les autorités monétaires sont animées par des tentations
inflationnistes.
I- Les fondements de l’analyse classique
La nouvelle école classique propose une version moderne de la théorie quantitative de la
monnaie, basée sur la rationalité des anticipations et la flexibilité des prix d’un côté et sur les
techniques de la théorie des jeux de l’autre.
150
1- Le choix de l’instrument
Dans les modèles keynésiens, l’équilibre du marché monétaire définit une relation
bijective entre le taux d’intérêt et l'offre de monnaie. Lorsque cette relation est satisfaite, la
banque centrale est indifférente quant au choix de l'instrument : à chaque trajectoire du taux
d'intérêt correspond une trajectoire de la masse monétaire et vice versa.
L'équilibre LM a connu néanmoins de sérieuses remises en question. Nous rappelons
que la volatilité accrue de la demande de monnaie a déstabilisé la relation entre le taux
d'intérêt et la masse monétaire38. Nous soulignons également l’instabilité des relations entre
les instruments de la politique monétaire et les agrégats macroéconomiques tant au niveau de
l’ampleur qu’au niveau des délais de réaction. Nous signalons enfin que les banques centrales
rencontrent de plus en plus de difficultés pour contrôler les trajectoires de leurs instruments,
car les innovations financières ont profondément modifié les canaux de transmission habituels
de la politique monétaire. En présence de ces imperfections, les nouveaux classiques
considèrent que le contrôle de l'offre de monnaie garantit une meilleure gestion de la politique
monétaire.
Les monétaristes s’appuient sur les résultats du modèle de Poole (1970) pour justifier
l’adoption d’objectifs en termes de masse monétaire. Bien qu’ils préconisent un mode de
gestion similaire, les nouveaux classiques rejettent les arguments monétaristes en considérant
que le raisonnement qui les sous-tend demeure d’inspiration keynésienne. Le modèle de Poole
admet l’existence d’un lien entre les sphères réelles et monétaires par le biais du taux
d’intérêt, ce que réfutent les nouveaux classiques. Grâce à la flexibilité des prix ils
généralisent le processus du "market clearing" et considèrent que le recours à la politique
monétaire pour des fins de stabilisation est totalement inutile. En l’absence des objectifs réels,
le contrôle de l'inflation s’impose comme l’unique préoccupation des autorités monétaires.
L’accomplissement de cette tâche nécessite la spécification d’objectifs intermédiaires en
termes de masse monétaire. En effet, les modèles théoriques avec masse monétaire sont les
seuls à offrir une théorie robuste de l’inflation à long terme. De plus, les études empiriques
confirment l’existence d’une relation suffisamment stable entre le taux d'inflation et l'offre de
monnaie à long terme.
38
Voir la deuxième section du premier chapitre.
151
Bien qu’ils se différentient par leurs fondements théoriques, les nouveaux classiques
s’associent aux monétaristes en revendiquant des règles transparentes qui permettent de
dissiper l’incertitude et de limiter les tensions inflationnistes. Quant aux problèmes liés à
l’instabilité de la demande de monnaie, ils peuvent être résolus en ayant recours à des règles
flexibles, à l’instar de celle spécifiée par MacCallum.
2- La transmission des mesures monétaires
Les auteurs classiques minimisent la portée d’une transmission par le canal de la
demande, car la flexibilité des prix assure un retour rapide au plein emploi à la suite d’un
choc. Ainsi, les mesures qui visent à stimuler les composantes de la demande ont des
conséquences purement inflationnistes, car l’offre est incapable de fournir le surcroît de
produits souhaité.
La seule rigidité reconnue par la nouvelle école classique concerne les salaires nominaux.
Elle s’explique par l’existence des coalitions de travailleurs qui sont hostiles à toute
dépréciation du pouvoir d'achat. A la suite d’un choc, le taux de salaire réel peut donc
s’écarter de son niveau d’équilibre pendant une longue période.
En dehors des chocs macroéconomiques, plusieurs autres facteurs peuvent conduire à une
surévaluation du taux de salaire réel par rapport à sa valeur d'équilibre. La théorie du salaire
d’efficience met en avant la volonté des entrepreneurs de stimuler l’effort de leurs salariés. La
relation croissante entre l'effort et la rémunération réelle leur permet d’accroître la
productivité des employés en les rémunérant au-dessus du salaire réel de marché. Barro et
Gordon (1983b) proposent une approche alternative qui désigne les distorsions générées par
les impôts comme responsables de la divergence du salaire réel d’équilibre de son niveau
optimal. Dans les deux cas, les représentations syndicales bloquent le salaire réel à un niveau
assez élevé, et contraint le marché du travail à un équilibre de rationnement (l'offre est
toujours supérieure à la demande).
Le chômage généré par la rigidité des salaires réels place l’emploi en tête des objectifs
réels des banques centrales. Les mécanismes qui permettent de résoudre ce problème passent
par le canal de l’offre. La solution consiste à mettre en place des politiques inflationnistes qui
stimulent la demande de travail en induisant le taux de salaire réel à la baisse.
152
3- Le comportement de la banque centrale
Les banques centrales sont animées en permanence par deux tentations contradictoires :
une aversion envers l'inflation qui les pousse à pratiquer une politique restrictive, et des
objectifs réels qui les incitent à entreprendre les mesures expansionnistess. Dans ce
paragraphe, nous passons en revue les idées qui sous-tendent cette approche comportementale
des banques centrales.
3.1- L'aversion envers l'inflation
L'idée selon laquelle la banque centrale est hostile à une augmentation du taux
d'inflation est largement admise parmi les économistes, bien qu'elle ne dispose pas de
fondement théorique solide comme le soulignent Barro et Gordon (1983a). Deux principaux
arguments peuvent justifier l'aversion des autorités monétaires envers l'inflation. Le premier
est qu’elle se répercute négativement sur le pouvoir d'achat des agents. La transmission de
cette aversion à la banque centrale peut être interprétée comme une pression de la part des
agents concernés, comme elle peut refléter tout simplement l'intérêt spontané qu'accorde la
banque centrale aux bien-être de la société. Les autorités monétaires peuvent également
s'inquiéter de l'impact d'une baisse du pouvoir d'achat sur l'activité39.
Le deuxième argument met l'accent sur l'interdépendance entre l'inflation présente et
l'inflation future. Le processus générateur des anticipations établit souvent un lien
intertemporel entre les taux d'inflation : les anticipations inflationnistes sont positivement
corrélées au taux d'inflation actuel. Ainsi, une augmentation excessive du taux présent peut
alimenter les taux futurs et affecter les performances de l'économie à moyen et long terme.
Pour éviter les coûts de cette inflation future, les autorités monétaires ont intérêt à contenir le
taux d'inflation dans des limites raisonnables. L’aversion des autorités envers l’augmentation
des prix se traduit donc par l’adoption de cibles inflationnistes (un taux d’inflation ou bien
d’une fourchette de taux) assez faibles.
3.2- Les tentations inflationnistes
Les objectifs d’emploi et de revenu sont désignés comme les facteurs à l’origine des
tentations inflationnistes qui animent les autorités.
39
Voir Okun (1975) pour une discussion des effets de l’inflation sur le bien être des agents.
153
3.2.1- Le motif d'emploi
Nous venons de mentionner que le taux de chômage naturel peut être différent du taux
de chômage optimal lorsque les coalitions des travailleurs bloquent le taux de salaire réel à un
niveau élevé. L'insatisfaction que génère cet écart auprès de la banque centrale peut être
interprétée de deux façons différentes. La première consiste à considérer qu'une fraction
importante de la population est concernée par ce problème, ce qui implique qu'une pression
importante sera exercée directement ou indirectement sur la banque centrale afin que la lutte
contre le chômage soit l'une de ses priorités. Dans ce cas, l'intérêt accordé à l'emploi sera
périodique, puisqu’il prend de l’ampleur uniquement pendant les périodes de forte pression
populaire.
Le second argument, avancé par Barro et Gordon (1983b), présente les autorités
monétaires comme des planificateurs sociaux (elles essayent de maximiser une fonction de
bien-être sociale). Soucieuses du bien-être de la société, elles essayent de réduire l'écart entre
le volume naturel de l'emploi et son volume socialement optimal. De ce point de vue, les
autorités peuvent également tirer une certaine satisfaction de la baisse des dépenses de
transfert qui accompagne le recul du taux de chômage. En effet, une amélioration de la
situation financière de l’Etat peut contribuer à relancer l’activité et à augmenter ainsi le bienêtre social.
3.2.2- Le motif de revenu
Les politiques monétaires expansionnistes génèrent des revenus qui profitent à la fois à
la banque centrale et au gouvernement.
D’abord, une grande partie des dépenses de fonctionnement des banques centrales est
financée grâce aux intérêts qu’elles perçoivent en contrepartie du financement qu’elles offrent
aux organismes de crédit. Les autorités sont donc tentées d'augmenter l’offre de monnaie afin
d'accroître leurs revenus. Ainsi, Rogoff (1985) souligne que ce n'est sans doute pas un hasard
si les immeubles de la FED ont fleuri partout aux Etats Unis au cours des années 70
caractérisées par une forte inflation et une forte croissance de la masse monétaire.
Les revenus que tirent les gouvernements des politiques expansionnistess peuvent
prendre plusieurs formes. Ils bénéficient en premier lieu "des revenus du seigneuriage" qui
représentent une partie des intérêts perçus par les banques centrales. En effet, c’est
154
l’autorisation du gouvernement qui habilite la banque centrale à émettre la monnaie. En
contrepartie, la banque est tenue de verser au gouvernement une partie des revenus que génère
cette activité. En second lieu, les gouvernements peuvent faire recours à la monnaie centrale
pour reconduire leurs dettes ou pour financer une partie de leurs déficits. La première pratique
concerne les pays fortement endettés, alors que la seconde concerne les pays qui ont des
marchés financiers trop étroits qui ne permettent pas aux gouvernements de se financer à
travers l'émission des titres publics. Enfin, l’augmentation du taux d'inflation réduit la valeur
réelle de la dette publique ce qui représente une source de revenu indirecte pour l'Etat. Si les
politiques expansionnistes permettent de relancer l'activité, alors l'Etat bénéficie également
d'une augmentation des recettes fiscales et d'une baisse des dépenses.
En conclusion, on peut dire que la monétisation du déficit et de la dette publique, le
revenu du seigneuriage et la taxe inflationniste poussent les gouvernements à exercer une
forte pression sur les banques centrales afin qu'elles poursuivent des politiques inflationnistes.
4- La fixation du salaire nominal : un choix stratégique
La relance de l'emploi passe nécessairement par une baisse des rémunérations réelles. Or,
le salaire réel est le produit de deux variables distinctes, le salaire nominal et le niveau des
prix, fixés par deux agents différents, les travailleurs et la banque centrale. Les autorités
monétaires contrôlent le taux d'inflation et peuvent le fixer de façon à ramener le salaire réel à
un niveau compatible avec un taux de chômage plus faible. Les travailleurs négocient le taux
de salaire nominal et peuvent le fixer de façon à stabiliser leur pouvoir d'achat. Le sort de la
politique monétaire dépendra donc de l'utilisation que fera chacun des deux joueurs de son
instrument.
L’adoption d’un objectif d’emploi suppose l'existence d'un arbitrage entre l'inflation et le
chômage qui offre à la banque centrale une possibilité de relance. L'innovation introduite par
la nouvelle école classique dans ce domaine consiste à substituer les anticipations rationnelles
aux anticipations adaptatives utilisées jusqu'à lors pour étudier les conséquences de la
politique monétaire. Cette hypothèse débouche sur une nouvelle version de la courbe de
Phillips, qui change la structure du jeu qui oppose la banque centrale aux travailleurs et
compromet la réussite systématique des politiques inflationnistes, même à court terme. Nous
commençons par une analyse de la nouvelle courbe de Phillips, avant d’étudier ses
155
répercussions sur l'efficacité de la politique monétaire.
4.1- Les anticipations et l'arbitrage entre l'inflation et le chômage
La courbe de Phillips proposée par Lucas (1973) stipule que l'écart entre les niveaux
effectif et naturel de l'emploi est proportionnel à l'écart entre le taux d'inflation effectif et le
taux d'inflation anticipé. Ainsi, seule les surprises inflationnistes permettent de stimuler
l'emploi. L’inflation anticipée génère une augmentation parallèle du salaire nominal et
n’exerce donc aucun effet sur le salaire réel et l’emploi.
L’hypothèse de rationalité restreint davantage les possibilités d'arbitrage entre l'inflation
et le chômage en excluant les erreurs systématiques d'anticipation. Elle élargit l’ensemble
d’information des agents aux observations actuelles et notamment à celles qui concernent les
motivations de la banque centrale. Lorsque les agents connaissent les préférences et les
objectifs des autorités, ils sont en mesure d’anticiper leur stratégie optimale. Dans un univers
d'information parfaite, ils parviennent à anticiper avec précision le taux d'inflation qui sera
fixé par la banque centrale. Dans ce cas, la courbe de Phillips indique que la politique
monétaire n'aura aucun effet sur l'emploi. La neutralité de la politique monétaire s’explique
par les ajustements des salaires nominaux induits par les anticipations rationnelles.
4.2- Les conséquences inflationnistes du jeu
Dans leur article précurseur, Kydland et Prescott (1977) concluent que le jeu qui oppose
les travailleurs à la banque centrale se solde par une inflation excessive sans contrepartie
réelle. Ils expliquent ce résultat par le fait que les autorités monétaires peuvent profiter de
l'ordre chronologique des décisions pour stimuler l'emploi en imposant un taux d'inflation
plus important que celui annoncé aux travailleurs. Pour comprendre le résultat de ce jeu, nous
commençons par rappeler l'ordre des événements.
Au début de chaque période, la banque centrale étudie la situation économique et
annonce au public un objectif d'inflation. Les travailleurs évaluent à leur tour la conjoncture,
forment leurs anticipations pour la période et négocient les salaires nominaux en fonction de
ces anticipations. Enfin, et après la conclusion des accords salariaux, la banque centrale
choisit le taux d'inflation qu'elle juge optimal pour la période. Les autorités monétaires se
livrent donc à deux optimisations : une première qui précède la décision des travailleurs et qui
débouche sur le taux d'inflation annoncé et une deuxième après avoir observé le choix des
156
travailleurs et qui conduit au taux d'inflation effectif.
Supposons maintenant que le taux de chômage est au-dessus de son niveau optimal.
Les autorités monétaires ont donc intérêt à mettre en place une politique inflationniste afin de
rapprocher le volume de l’emploi de son niveau désiré. Elles estiment le taux d'inflation qui
concorde avec cet objectif et le portent à la connaissance du public.
Les travailleurs négocient leurs rémunérations nominales en tenant compte de
l'inflation future anticipée. Leur objectif est de garantir la stabilité de leur pouvoir d'achat. Si
au cours du processus de négociation les travailleurs revendiquent une augmentation du taux
de salaire nominal équivalente à l’inflation annoncée par les autorités monétaires, alors ces
dernières ont intérêt à ne pas respecter leur engagement expost. En effet, l'augmentation du
taux de salaire nominal rend leur tentative de relance totalement inefficace. Une fois que les
salaires nominaux sont fixés pour la période, les autorités monétaires trouvent que la solution
optimale consiste à produire une inflation supérieure à celle annoncée au public, car cette
alternative leur permet de rapprocher l'emploi de son niveau optimal. Ainsi, la politique
monétaire souffre d'un problème de cohérence temporelle : le choix optimal n’est pas le même
avant et après l'ajustement des salaires nominaux.
Toutefois, les travailleurs rationnels sont conscients que la banque centrale sera tentée
de tricher en les surprenant par une inflation plus forte que celle qu'elle a annoncé. Ils
essayent donc d'adopter une stratégie qui les protège contre de telles surprises. Connaissant
les préférences des autorités, ils sont en mesure d'estimer le taux d'inflation au-dessus duquel
la banque centrale serait totalement hostile à une nouvelle augmentation des prix : il s'agit du
seuil à partir duquel la satisfaction que procure une baisse du chômage est dominée par la
désutilité que génère une augmentation du taux d’inflation. Ainsi, les travailleurs peuvent se
mettre à l’abri des surprises inflationnistes en indexant les salaires nominaux à ce taux
d’inflation de référence. Expost, la banque centrale se comporte conformément à leurs
anticipations, car elle trouve que le taux d’inflation anticipé est celui qui lui procure le niveau
de satisfaction maximal.
Ce taux d'inflation, qualifié souvent de taux discrétionnaire, est le seul à être crédible
auprès du public car il est le seul qui écarte totalement le risque de tricherie. Ainsi, la seule
politique cohérente dans le temps est celle qui consiste à annoncer au public le taux
discrétionnaire. Cependant, cette politique est sous-optimale dans la mesure où il est possible
157
de réduire le taux d'inflation sans porter préjudice à l'emploi.
En conclusion, Le jeu entre la banque centrale et les travailleurs conduit à un équilibre
caractérisé par un fort taux d'inflation et un volume d'emploi stable. Les travailleurs se
protègent contre les surprises monétaires en imposant un fort taux d'inflation. Un tel équilibre
est évidemment insatisfaisant pour les autorités, qui auraient préféré une faible inflation du
moment qu'aucune réduction du chômage ne peut être obtenue. La nouvelle école classique
qualifie ce résultat de biais inflationniste et le présente comme la conséquence directe des
politiques monétaires activistes.
II- Un modèle illustratif
Considérons la fonction objectif suivante de la banque centrale :
2
U ( N t , π t ) = − A ( N t − N * ) − (π * − π t )
2
(1)
où N* et π* représentent respectivement le volume d’emploi et le taux d’inflation désirés par la
banque centrale. Le paramètre A témoigne de l’importance qu’accordent les autorités à
l’objectif d’emploi relativement à l’objectif d’inflation. Le niveau de satisfaction des autorités
s’accroît à mesure que l’écart entre les niveaux effectifs et les niveaux désirés des variables
s’affaibli, et vice versa. Cette fonction reflète donc les motivations opposées que nous avons
décrites précédemment.
La banque centrale profite d’une relation croissante et stable entre l’offre de monnaie
et le taux d’inflation pour contrôler ce dernier. Pour simplifier les calculs nous supposons que
le taux d’inflation correspond exactement au taux de croissance de la masse monétaire :
πt=mt. Le taux d’inflation devient donc l’instrument de la politique monétaire.
Au cours du processus de négociation, les syndicats réussissent toujours à imposer le
taux de salaire nominal désiré. Leurs revendications dépendent du taux d’inflation anticipé.
L’arbitrage entre l’inflation et l’emploi est donc décrit par l’équation suivante :
N t − N n = α (π t − π ta )
(2)
où Nn et πta représentent respectivement le volume naturel de l’emploi et l’inflation anticipée
par les travailleurs pour la période t. Le paramètre α témoigne de la sensibilité de la demande
de travail aux variations du taux de salaire réel.
158
Les travailleurs sont parfaitement informés des préférences et des objectifs des
autorités monétaires, ainsi que des caractéristiques de l’économie et de la conjoncture. En se
basant sur cet ensemble d’information, It, ils forment des anticipations rationnelles :
π ta = E (π t / I t )
(3)
La politique monétaire optimale du point de vue de la banque centrale, est celle qui
permet de maximiser la fonction objectif (1), en tenant compte à la fois de la courbe de
Phillips (2) et de la rationalité des anticipations des agents (3) :
2
maximiser U ( N t , π t ) = − A ( N t − N * ) − (π * − π t )
2
 Nt − N n = α (π t − π ta )
s/c 
a
 π t = E (π t / I t )
En substituant l’équation (2) dans la fonction objectif et en dérivant par rapport πt on
obtient la fonction de réaction de la banque centrale :
π t = π (π ta ) =
π * − αA(N n − N * ) + α 2 Aπ ta
.
1+α 2 A
Cette fonction associe un taux d’inflation effectif à chaque taux d’inflation anticipé par
les travailleurs. Elle fait partie de l’ensemble d’information de ces derniers qui cherchent à
égaliser entre le taux anticipé et le taux effectif.
En appliquant l’espérance mathématique des deux côtés de la fonction de réaction on
arrive à l’expression suivante du taux d’inflation optimal :
π ta = E (π t / I t ) = π * + α A ( N * − N n ) .
En substituant cette expression dans la fonction de réaction de la banque centrale, on
trouve que le taux d’inflation d’équilibre correspond à celui anticipé par les travailleurs.
Le volume d’emploi ciblé par la banque centrale étant supérieur au volume naturel, le
taux d’inflation d’équilibre est donc supérieur au taux d’inflation désiré. On peut facilement
constater que l’écart entre l’inflation désirée et l’inflation effective est croissant par rapport à
l’importance relative accordée à l’emploi, A, et par rapport à l’impact des surprises
inflationnistes sur l’emploi, α.
159
La courbe de Phillips (2) associée à la rationalité des anticipations (3) nous indique
qu’à l’équilibre le volume effectif de l’emploi est égal au volume naturel :
E  N t − N n  = α E π t − π ta  = α π t − E (π ta )  = 0 ⇒ N t = N n .
A partir de ces résultats, on peut calculer le niveau de satisfaction des autorités à l’équilibre :
2
U ( N n , π t ) = − A ( N * − N n ) (1 + α 2 A )
On peut facilement démontrer qu’un équilibre avec le même volume d'emploi et une
inflation plus faible est plus satisfaisant pour les autorités monétaires. Lorsque l'inflation
d’équilibre correspond à l’inflation ciblée par exemple, la fonction objectif prend la valeur
suivante :
2
U ( N n ,π * ) = − A ( N * − N n ) > U ( N n ,π t ) .
La stratégie temporellement cohérente s’avère donc sous-optimale dans la mesure où il
est possible d’atteindre un équilibre plus satisfaisant sans détériorer le volume d’emploi.
Section 2 : Les asymétries d'information et les conséquences de court terme de la politique
monétaire
De nombreuses études empiriques confirment l'existence d'un lien significatif entre les
agrégats monétaires et réels à court terme. Barro (1977) et Froyen et Wand (1980) proposent
de nombreux résultats qui illustrent l’intensité de ces liens. Ces résultats remettent en question
la conclusion centrale de la nouvelle école classique, à savoir la neutralité de la politique
monétaire. Elles sèment ainsi les doutes quant à la pertinence de cette approche dans son
ensemble.
Les nouveaux classiques rationalisent ces constats empiriques par l’existence des
asymétries d’information. En effet, la neutralité de la politique monétaire n’est valable que
dans un univers d'information parfaite. Lorsque cette hypothèse n’est pas respectée, la
dichotomie entre les sphères réelles et monétaires peut être rompue. Sur le plan pratique, les
autorités monétaires sont souvent mieux informées que les travailleurs. Elles ont un accès plus
rapide aux informations et disposent d'un réseau informationnel plus étendu. De plus, elles ont
les compétences requises pour une exploitation optimale de cette information. Dans cette
section, nous étudions les conséquences de la politique monétaire en présence de diverses
160
formes d’asymétrie d’information.
I- L'information relative aux préférences de la banque centrale
Pour que les anticipations s’orientent dans la bonne direction, il faut que les agents
disposent d’une information de qualité concernant les préférences des autorités. Dans la
réalité, le public ne dispose que de signaux assez vagues à ce sujet. Les banques centrales
demeurent attachées à la discrétion, car elles sont conscientes du profit qu’elles peuvent tirer
de tout avantage d'information. Le public essaye donc d'inférer les valeurs des paramètres qui
caractérisent les préférences des autorités monétaires à partir de son ensemble d’information.
Le résultat de cet exercice reste néanmoins approximatif, et les préférences des autorités l'un
des domaines où l'asymétrie d'information est la plus frappante.
1- L'importance accordée à l'emploi
Nous recensons deux modélisations différentes de ce type d'asymétrie. Cukierman (1992)
contient un exposé détaillé des modélisations possibles de ce genre d’imperfection.
La première approche considère qu’il y a plusieurs types de banquiers centraux qui se
distinguent par l’importance relative qu’ils accordent à l’emploi. Le public connaît les
préférences de chacun d’entre eux, mais dispose d’une information peu précise concernant le
type du banquier central en exercice. Cette présentation du problème est particulièrement
intéressante lorsqu'il s’agit d’étudier les problèmes qui accompagnent la nomination d'un
nouveau gouverneur à la tête de la banque centrale. Elle permet notamment d'étudier
comment les banquiers centraux hostiles à l'inflation parviennent à signaler leur
conservatisme au public. Backus et Driffill (1985b) débattent des problèmes de crédibilité qui
suivent un changement de régime.
La deuxième catégorie regroupe les modèles dans lesquelles l'importance accordée à
l'emploi varie d’une période à l’autre autour d’une valeur moyenne connue par le public.
L’asymétrie d’information est due au fait que les agents n’observent pas les déviations par
rapport à la moyenne. Cette modélisation des asymétries est également très pertinente, car elle
permet d’apprécier l’impact d’un changement de préférence de la part des autorités
monétaires.
1.1- L’incertitude concernant le banquier central en exercice ?
161
Nous distinguons deux types de banques centrales : celles qui accordent une grande
importance à l'emploi et celles qui s’intéressent davantage à l'inflation. Conformément à la
littérature nous qualifions de "dure" une banque centrale qui accorde une faible importance à
l'emploi relativement à l'inflation, et de "faible" celle qui a le comportement opposé. Soient Ad
et Af les poids accordés respectivement par ces deux banques centrales à l'emploi par rapport à
l'inflation. Ad est évidemment inférieur à Af.
En se basant sur son ensemble d’information, le public affecte une probabilité p à
l’événement « le banquier central en place est du type dur » :
 Ad
A=
 Af
avec
probabilité
p
avec
probabilité 1 − p
.
Le problème de décision est identique à celui que nous avons décrit dans la première
section, sauf que les autorités cherchent à maximiser la valeur espérée de sa fonction d’utilité
que nous appelons (1’) (respectivement minimiser sa perte espérée). Les contraintes sont
toujours l'arbitrage entre l'inflation et l'emploi, décrit par la courbe de Phillips (2), et les
anticipations rationnelles définit par l’équation (3) :
maximiser
{
2
EIt U ( N t , π t )  = EIt − A ( N t − N * ) − (π * − π t )
2
}
(1')
 N t − N n = α (π t − π ta )
s/c 
a
 π t = E (π t / I t )
La résolution de ce programme d’optimisation débouche donc sur la même fonction de
réaction :
π * − αA(N n − N * ) + α 2 Aπ ta
.
π t = π (π ) =
1+α 2 A
a
t
En calculant l’espérance mathématique de cette égalité on dérive l’expression du taux
d’inflation anticipé :
π ta ,ai = π * + α ( pAd + (1 − p ) Af
)( N
*
− Nn )
où l'indice "ai" fait référence au contexte d’asymétrie d'information. En substituant cette
équation dans la fonction de réaction on obtient l’expression du taux d'inflation d’équilibre :
162
π
ai
t
= π + α Aeff ( N − N
*
*
n
)
1 + α 2 ( pAd + (1 − p ) Af
)
2
1 + α Aeff
où l'indice Aeff représente le poids effectif accordé par les autorités en place à l'emploi. Les
deux dernières équations montrent que les taux d’inflation anticipé et effectif peuvent être
différents. La politique monétaire est donc capable d’influencer le volume de l’emploi.
1.1.1- La banque centrale en place est du type "dur" : Aeff = Ad
Dans ce cas, l'écart entre les taux d'inflation effectif et anticipé est le suivant40 :
π tai − π ta ,ai =
α (1 − p ) *
N − N n ) ( Ad − Af ) < 0 .
(
2
1 + α Ad
Lorsque la banque centrale en place est du type "dur", l’inflation anticipée est
supérieure à l'inflation effective. La courbe de Phillips nous enseigne qu'un tel résultat se
répercute négativement sur l'emploi.
Si l’information était parfaite, le jeu aurait débouché sur le taux d’inflation suivant :
π tip = π * + α Ad ( N * − N n ) .
Ce taux est évidemment inférieur au taux obtenu en asymétrie d’information :
π tip − π tai =
α 3 (1 − p ) Ad
( N * − N n ) ( Ad − Af ) < 0 .
1 + α 2 Ad
En information parfaite, la banque centrale aurait donc atteint un niveau de satisfaction
plus important, avec un volume d'emploi plus élevé et une inflation plus faible.
1.1.2- La banque centrale en place est du type "faible" : Aeff = Af
L'écart entre les taux effectif et anticipé en asymétrie d’information devient :
π tai − π ta ,ai =
α (1 − p ) *
N − N n ) ( Af − Ad ) > 0
(
2
1 + α Af
Dans ce cas, le taux d'inflation effectif est supérieur au taux anticipé. D’après la
courbe de Phillips cette surprise aura des conséquences positives sur l'emploi. On remarque
également que le taux d'inflation d’équilibre est inférieur à celui qui aurait prévalu en
information parfaite :
40
L’écart est de signe négatif car Ad < Af.
163
ai
t
ip
t
π −π =
α 3 pAf
2
1 + α Af
(N
*
− N n ) ( Ad − Af ) < 0 .
Les autorités monétaires faibles gagnent donc sur tous les fronts : elles bénéficient
d'une croissance du volume de l'emploi tout en pratiquant un taux d'inflation plus faible que le
taux discrétionnaire. L'avantage d'information dont elles bénéficient leur a permis de
surprendre le public avec une inflation imprévue.
1.2- Les variations de l'importance relative accordée à l'emploi
L’importance relative accordée à l’emploi est susceptible de varier avec la conjoncture.
Nous supposons qu’elle évolue conformément à l’équation suivante :
At = A + ε t
iid
(
)
avec ε t ~ N 0, σ ε2 .
Les agents ne disposent d'aucune information concernant le signe et l'ampleur de εt,
qu’ils se contentent d’estimer par sa moyenne. La valeur anticipée de At correspond donc à sa
valeur moyenne A. En tenant compte de ce résultat au niveau de la fonction de réaction de la
banque centrale, on peut déterminer le taux d'inflation anticipé :
π ta ,ai = π * + α A ( N * − N n ) .
La substitution de cette expression dans la fonction de réaction nous conduit à celle du
taux d’inflation effectif :
π tai = π * + ( N * − N n )(1 + α 2 A )
α At
.
1 + α 2 At
L’écart entre les taux effectif et anticipé détermine l'impact de la politique monétaire
sur l'emploi :
π tai − π ta ,ai = ( N * − N n )
αε t
.
1 + α 2 At
Etant donnée que N* est supérieur à Nn, l’écart entre les deux taux prend le signe de la
perturbation εt. Ainsi, une baisse de l’importance relative accordée à l’emploi (εt<0) se traduit
par une inflation moins forte que prévue, ce qui provoque une augmentation du taux de
chômage. Une augmentation de A (εt>0) génère les conséquences inverses.
164
De même, le taux d’inflation optimal en asymétrie d’information peut être supérieur
ou inférieur au taux qui aurait prévalu en information parfaite, selon que εt est positif ou
négatif :
π tai − π tip = −α At ( N * − N n )
α 2ε t
.
1 + α 2 At
Quant à la satisfaction de la banque centrale, elle augmentera ou diminuera par rapport
à son niveau en information parfaite, selon que le public sous-estime ou surestime
l'importance relative qu'elle accorde à l'emploi.
2- Les asymétries concernant les objectifs de la banque centrale
La plupart des banques centrales sont discrètes au sujet de leurs objectifs. Cette remarque
concerne notamment le volume d'emploi, car à notre connaissance aucune banque centrale ne
formule des annonces à ce sujet. Nous allons étudier les conséquences d’une telle asymétrie
d’information, en supposant que le volume d’emploi ciblé par la banque centrale varie autour
de sa moyenne en fonction de la conjoncture :
N t* = N * + η t
iid
(
)
avec η t ~ N 0, σ η2 .
Les agents estiment le volume ciblé par les autorités par sa valeur moyenne N*. Le taux
d’inflation anticipé sera donc identique à celui formé en information parfaite.
En tenant compte des anticipations, les autorités choisissent le taux d’inflation optimal :
π tai = π * + α A ( N * + ηt − N n ) .
L'impact de la politique monétaire sur l'emploi dépend de l'écart entre le taux effectif et le
taux anticipé :
π tai − π ta ,ai = α Aηt .
Là encore, les conséquences de l’asymétrie d’information dépendent du signe de la
perturbation ηt. Ainsi, l’emploi sera au-dessus de son volume naturel lorsque Nt* est supérieur
à sa valeur moyenne (ηt >0), et vice versa.
II- L'information relative à la situation économique
165
Faute d’informations ou de compétences, les travailleurs sont incapables d'apprécier les
évolutions de la conjoncture avec la même précision que les autorités monétaires.
1- Un avantage d'information concernant les chocs réels
Nous considérons le cas où le taux de chômage naturel connaît des variations
transitoires :
Ntn = N n + ηt
avec ηt ~ N ( 0, σ η2 ) .
Nous supposons également que la banque centrale ne contrôle pas parfaitement l’offre de
monnaie :
mt = mtc + ε t
iid
avec ε t ~ N ( 0, σ ε2 )
où mt et mtc représente respectivement les taux de croissance effectif et ciblé de la masse
monétaire. εt est une erreur de contrôle de l’offre de monnaie qu’on peut interpréter comme
une erreur de transmission.
La banque centrale exerce donc un contrôle imparfait sur l’inflation41 :
π t = π tc + ε t
iid
avec ε t ~ N ( 0, σ ε2 )
où πtc représente le taux d’inflation ciblé.
Nous supposons que les autorités monétaires disposent de l’information et des
compétences nécessaires pour inférer la valeur exacte de ηt. Elles connaissent donc avec
précision le volume naturel de l’emploi pour la période. Les travailleurs évaluent ηt à sa
moyenne, Nn. Quant aux erreurs de contrôle de l’offre de monnaie, elles sont inconnues pour
les deux parties.
Les travailleurs n’observent ni les erreurs de contrôle, ni les variations du volume
naturel de l’emploi. ils continuent donc à anticiper le taux d’inflation qui résulte du jeu en
information parfaite :
π ta = mta = π * + α A ( N * − N n ) .
41
Nous rappelons que nous avons identifié le taux d’inflation au taux de croissance de la masse monétaire pour
simplifier les calculs
166
Les autorités observent les anticipations et choisissent la cible inflationniste optimale,
celle qui maximise la fonction (1’) :
π tc = mtc = π * + α A ( N * − N n ) −
αA
ηt .
1 + α A2
Le taux d’inflation effectif diffèrera du taux ciblé par l’erreur de contrôle εt :
π t = mt = π * + α A ( N * − N n ) −
αA
ηt + ε t .
1 + α A2
L’asymétrie d’information et les erreurs de contrôle de l’offre de monnaie sont à
l’origine de l’écart entre l’inflation effective et l’inflation anticipée :
π t − π ta = −
αA
ηt + ε t .
1 + α A2
On constate qu’une progression du volume naturel de l’emploi (ηt>0) affaibli les
tentations inflationnistes de la banque centrale et réduit l’écart entre les deux taux, tandis
qu’une erreur de contrôle positive (εt >0) creuse l’écart entre les deux taux.
Le taux d’inflation sera plus important que le taux discrétionnaire en information parfaite
lorsque
αA
ηt < ε t . Dans ce cas, la politique monétaire exercera un effet positif sur
1 + α A2
l’emploi.
2- Un avantage d'information concernant les chocs nominaux
La dernière asymétrie d'information concerne les chocs de demande de monnaie. Grâce à
sa présence sur le marché monétaire, la banque centrale est capable d'apprécier rapidement
toute évolution de la demande de monnaie. Les travailleurs sont incontestablement moins
performants que la banque centrale dans ce domaine.
La volatilité de la demande de monnaie modifie la relation entre le taux d’inflation et
le taux de croissance de la masse monétaire :
π t = mt + µt
iid
avec µ ~ N ( 0, σ µ2 )
où µt correspond à un choc de demande de monnaie. Selon cette équation, une valeur négative
de µt correspond à une augmentation de la demande de monnaie. Lorsque µt est négatif, une
167
augmentation de mt est nécessaire pour garantir la stabilité du taux d’inflation. Augmenter la
masse monétaire sans créer de l’inflation signifie que la demande de monnaie s’est accrue
parallèlement à l’offre.
La banque centrale exerce un contrôle imparfait sur l’offre de monnaie :
mt = mtc + ε t
( respectivement
iid
π t = π tc + ε t ) avec ε t ~ N ( 0, σ ε2 )
où mtc et εt représentent le taux de croissance de la masse monétaire ciblé et l’erreur de
contrôle de l'offre de monnaie.
Le public ne peut observer la variation de la demande de monnaie et l’erreur de
contrôle commise par les autorités. Ces dernières ne sont pas en mesure de prévoir leur erreur
de contrôle, mais sont par contre capables d’inférer la variation de la demande de monnaie à
partir de l’ensemble d’information dont elles disposent. Elles parviennent à extraire un signal
qui, en moyenne, décrit correctement les chocs de demande de monnaie :
iid
St = µt + ψ t avec ψ t ~ N ( 0, σ ψ2 )
où ψt représente une erreur d’estimation du choc de demande.
Dans ce cas, le programme d’optimisation des autorités prend la forme suivante :
max imiser
2
2
EIt U ( N t , π t )  = EIt  − A ( N t − N * ) − (π * − π t ) 



N t − N n = α (π t − π ta )

s / c π ta = E (π t / I t )

c
π t = π t + µ t = π t + St + ψ t + ε t
La fonction de réaction issue de ce programme conduit à l’expression suivante du taux
d’inflation anticipé :
π ta = mta = π * + α A ( N * − N n ) .
En tenant compte des anticipations, les autorités choisissent la cible optimale
suivante :
π tc = mtc = π * + α A ( N * − N n ) − St .
168
On remarque que le taux d’inflation anticipé par les agents est identique à celui obtenu
en information parfaite. En effet, les agents ne peuvent utiliser que les moyennes des
perturbations µ et ε pour améliorer leurs anticipations. Ces moyennes étant nulles, les
anticipations demeurent inchangées. Quant aux autorités, elles profitent des informations dont
elles disposent concernant le choc de demande de monnaie.
A partir de l’expression du taux d’inflation ciblé on peut déduire celle du taux
d’inflation effectif :
π t = π * + α A ( N * − N n ) + εt + ψ t .
Il diffère du taux anticipé par les erreurs de contrôle de l’offre de monnaie, εt, et les
erreurs de prévision ψt. La somme de ces perturbations détermine donc l’effet de la politique
monétaire sur l’emploi.
Section 3 : Comment résorber une inflation inutile ?
Les asymétries d’information apportent une explication théorique satisfaisante aux
conséquences réelles de la politique monétaire. Toutefois, la confusion générée par ces
asymétries se dissipe rapidement, ce qui offre aux travailleurs l’opportunité de réajuster leurs
salaires nominaux et de ramener le marché du travail à son équilibre initial. Ainsi, les effets
réels de la politique monétaire disparaissent rapidement et seules que les conséquences
inflationnistes persistent à long terme. Les auteurs classiques s'opposent donc à l'activisme
monétaire et se concentrent sur les solutions qui permettent de lutter contre le biais
inflationniste.
De nombreuses propositions ont été formulées dans ce sens. Elles se distinguent par leurs
degrés de flexibilité, allant des plus contraignantes à celles qui laissent une certaine marge de
manœuvre aux autorités.
I- Les règles monétaires
La première solution consiste à abandonner le mode de décision discrétionnaire au profit
d’une gestion par des règles prédéfinies. La règle proposée par Friedman (1968) est souvent
citée comme exemple d’un tel mode de gestion. Elle préconise un accroissement constant de
la masse monétaire d’une période à l’autre. Elle permet ainsi au public d’anticiper avec
169
précision l'inflation future. Elle permettrait également aux autorités de contenir l’inflation en
augmentant la masse monétaire à un taux plus faible que celui imposé par les agents dans le
cadre d’un équilibre discrétionnaire. Cette solution pose néanmoins deux types de problèmes :
ceux qui concernent le choix de la règle et ceux relatifs à sa crédibilité.
1- Le choix de la règle
Au cours du premier chapitre nous avons passé en revue les problèmes que pose
l’adoption de la règle proposée par Friedmann. Nous avons notamment souligné sa rigidité et
son incapacité à tenir compte des chocs de demande de monnaie et de l’évolution de la
conjoncture. Nous avons vu qu’une gestion alternée par le taux d’intérêt et la masse monétaire
permet d’optimiser les performances de la politique monétaire. Nous avons également fait
référence à certaines règles flexibles, à l’exemple de celle proposée par MacCallum, qui
tiennent compte de l’évolution du contexte dans lequel agissent les autorités monétaires.
La spécification de la règle dépend également de l’instrument retenu par les autorités
monétaires. Nous avons déjà souligné que les keynésiens privilégient une gestion par le taux
d’intérêt. Leur point de vue trouve un fort soutien empirique, dans la mesure où une grande
partie des banques centrales adopte ce mode de gestion. Les règles de taux d’intérêt ont donc
un pouvoir descriptif plus fort que les règles monétaristes. La règle proposée par Taylor
(1993) excelle dans cet exercice, car elle retrace avec une grande précision le comportement
de nombreuses banques centrales en exercice, à l’exemple de la FED, de la BCE et du
Banque d’Angleterre.
Enfin, le choix de la règle se heurte à des problèmes de crédibilité : les travailleurs
doivent être convaincus que la décision de la banque centrale sera conforme son annonce. Or,
les règles qui permettent de réduire le taux d’inflation souffrent toutes d’un problème de
crédibilité, car seule celle qui retient le taux discrétionnaire pour cible est temporellement
cohérente. Deux propositions ont été formulées afin de résoudre ce problème. La première
exploite le concept de réputation tandis que la seconde regroupe des mesures concrètes qui
sont souvent d'ordre institutionnel.
2- La réputation : une garante de la crédibilité
Nous définissons d'abord le concept de réputation dans le domaine de la politique
monétaire. Nous décrirons par la suite les modèles qui l’exploitent pour des fins de
170
crédibilisation.
2.1- La réputation et le choix de la politique monétaire
Nous nous sommes contentés jusqu’à présent d’étudier le problème de décision de la
banque centrale pour une seule période. Or, il est évident que les autorités monétaires
s’intéressent non seulement aux conséquences de court terme de leurs décisions, mais
également à leurs répercussions futures sur l’activité. La fonction objectif doit donc refléter
cet intérêt de long terme, en comptabilisant les écarts futurs des variables par rapport à leurs
cibles.
Toutefois, s’il n’y a aucun lien entre les décisions actuelles et futures des deux joueurs,
alors la structure et le résultat du jeu seront identiques d’une période à l’autre. Seule une
interdépendance entre les périodes permet d’introduire des changements au niveau des
problèmes de décision et offre la possibilité d’aboutir à un nouvel équilibre. Une forme de
dépendance temporelle assez intéressante découle du lien entre la politique monétaire actuelle
et les anticipations futures. Nous avons déjà précisé qu’une augmentation de l’inflation à la
date t est susceptible d’alimenter les anticipations inflationnistes à la date t+1. L’activisme
monétaire actuel peut donc être à l’origine de l’inflation future.
Lorsqu’il n’y a aucun lien entre les périodes, la banque centrale n’hésite pas à
surprendre le public avec une inflation plus importante que prévue. Lorsqu’un lien positif
s’établit entre sa politique actuelle et l’inflation future, alors elle doit également tenir compte
des pertes qu’elle peut occasionner au cours des périodes à venir. En tentant de stimuler
l'emploi, la banque ternira sa réputation puisque les agents s'attendent à ce que sa politique
future soit guidée par les mêmes pulsions inflationnistes. La réputation ainsi définie
correspond aux convictions des agents quant au comportement futur de la banque centrale42.
Les anticipations traduisent parfaitement les attentes des agents et nous renseignent sur la
réputation dont bénéficie la banque centrale. Une banque centrale réputée pour son
conservatisme bénéficiera de faibles anticipations inflationnistes. Le contraire est vrai pour
une banque centrale réputée pour son activisme. Les anticipations s'imposent donc comme le
baromètre de la réputation.
Le lien entre la politique actuelle et les anticipations futures peut se révéler un atout de
taille dans la lutte contre l'inflation. La banque centrale peut se servir de cette relation afin
42
Voir Backus et Driffill (1985a) pour exposé des liens entre l’inflation et la réputation.
171
d’orienter les anticipations vers la baisse. Elle se construit une réputation anti-inflationniste en
poursuivant des politiques restrictives, ce qui lui vaudra de faibles anticipations durant les
périodes à venir. Elle réussit ainsi à réduire le taux d'inflation, en présentant la perte de
réputation comme une garantie contre les surprises inflationnistes. Le pouvoir dissuasif de la
perte de réputation assure la crédibilité de la politique annoncée.
Il faut néanmoins justifier le lien entre les décisions actuelles et les anticipations futures
afin qu’on puisse se servir du concept de réputation pour des fins de crédibilité. Une première
réponse est apportée par Barro et Gordon (1983a) qui proposent une stratégie de punition pour
justifier une telle relation. La seconde décrit un processus d’apprentissage selon lequel le
public améliore ses connaissances à propos de la situation économique et des préférences des
autorités en observant l'évolution de leur comportement dans le temps. Nous analyserons
chacune des ces deux propositions.
2.2- La stratégie punitive : Une solution au problème de crédibilité
Considérons la version suivante de la fonction objectif de la banque centrale :
+∞
2
2
U ( N t , π t ) = ∑ β t −i  − A ( N t − N * ) − (π * − π t ) 


t =i
où β témoigne de la préférence des autorités pour le présent.
L’impact de la politique monétaire sur l’emploi est décrit par la courbe de Phillips (2).
Nous considérons que les anticipations sont issues de la fonction suivante :
π ia = π iann
à la date i
π ann si π t −1 = π tann
−1
π ta =  t d
ann
≠
si
π
π
π
t −1
t −1

∀t > i
où πiann est le taux d’inflation annoncé par la banque centrale au début de la période i, et πd est
le taux d’inflation discrétionnaire en information parfaite ( π d = π * + α A ( N * − N n ) ).
D’après cette fonction, les agents accordent un capital de crédibilité à la banque
centrale au début de la période i, puisqu’ils anticipent une inflation conforme à son annonce.
Au début de la période suivante, la banque centrale continue à être crédibilité si elle a respecté
son engagement au cours de l’exercice précédent. Dans le cas contraire, les agents imposent le
taux discrétionnaire qui les protège contre les surprises inflationnistes au cours de la période
172
i+1. Ils infligent ainsi une punition à la banque centrale pour le non-respect de son annonce.
La stratégie des travailleurs permet à la banque centrale de réduire le biais inflationniste en
annonçant un faible taux d’inflation et en respectant cette annonce.
La banque centrale choisit la stratégie qui lui procure un maximum de satisfaction.
Ainsi, elle ne décide de respecter son engagement que lorsque la perte générée par la punition
future est plus importante que le gain obtenu grâce à la surprise inflationniste immédiate.
Notons par G le gain de satisfaction réalisé à la date i, lorsque les autorités profitent de
l’effet d’annonce pour surprendre le public avec un taux d’inflation élevé :
G = U (π d , N s ) − U (π ann , N n ) = (1 − α 2 A)(π d − π ann )
2
où Ns est le volume d’emploi atteint à la suite de la surprise inflationniste.
La perte consécutive à l'augmentation des anticipations pour la période i+1 est la
suivante :
(
)
(
)
(
)(
)
P = U π ann , N n − U π d , N n = β π d − π ann π d + π ann − 2π * .
La banque centrale respectera son annonce lorsque la perte s’avère supérieure au gain :
π ann > π = π * + α A ( N * − N n )
1−α 2 A − β
.
1−α2 A + β
Le taux d’inflation π représente le seuil en dessous duquel la banque centrale ne
respectera pas son annonce. Toute annonce inférieure à ce taux ne sera pas crédible auprès du
public. Il représente donc le taux crédible le moins élevé. Il est décroissant par rapport à β :
plus la préférence pour le présent est forte (plus β est proche de 0), plus le taux minimal est
élevé.
Le principal résultat du modèle est que le taux d’inflation d’équilibre, π , est
inférieur au taux discrétionnaire43 :
π = π * + α A( N* − N n )
1−α2 A − β
≤ π d = π * + α A( N* − N n ) .
2
1−α A + β
La stratégie adoptée par les agents permet donc de réduire le biais inflationniste sans
détériorer le volume de l’emploi.
43
Ce résultat découle de l’inégalité suivante : 1 − α 2 − β ≤ 1 − α 2 + β .
173
2.3- Les limites du modèle Barro-Gordon
Cette stratégie ingénieuse sur le plan théorique est peu pertinente d’un point de vu
pratique. Nous mentionnons quelques critiques qui mettent en avant son manque de réalisme.
•
L’absence de coordination : Barro et Gordon ne proposent aucun processus de
coordination qui garantit une réaction unanime de la part des travailleurs. Leur approche
correspond plutôt à une négociation salariale parfaitement centralisée, où un seul syndicat
décide de la stratégie de tous les travailleurs. Dans la réalité, il existe une multitude de
représentations syndicales et le processus de négociation s’opère au niveau sectoriel voir à
l’échelle des firmes. Les auteurs n’évoquent aucun processus de coordination crédible qui
garantit une réaction cohérente des travailleurs qui appartiennent à des entreprises
différentes, à des secteurs différents et à des syndicats différents.
•
La multiplicité des équilibres : Les travailleurs peuvent adopter d’autres stratégies qui
aboutissent à un taux d’inflation encore plus faible. En effet, il suffit d’étendre la durée de
la punition à deux ou plusieurs périodes pour limiter davantage la valeur du taux crédible
π . Le même résultat peut être atteint en accentuant la punition sans accroître sa durée.
Dans les deux cas, le coût d’une détérioration de la réputation s’accentue, ce qui permet de
crédibiliser des règles plus efficaces en matière de lutte contre l’inflation. L’approche de
Barro et Gordon (1983a) ne proposent aucun critère qui permet de sélectionner l’une des
nombreuses règles que les travailleurs sont en mesure d’imposer.
•
Une stratégie difficile à appliquer dans un contexte d’asymétrie d’information : L’écart
entre le taux annoncé et le taux effectif peut s’expliquer par une erreur de contrôle de
l’offre de monnaie, par une erreur d’appréciation de la conjoncture ou par une surprise
volontaire de la part de la banque centrale. Les travailleurs peuvent avoir des opinions
divergentes quant à l’origine de cet écart, ce qui conduit à des réactions différentes de leur
part. En cas de consensus, les travailleurs risquent de punir à tort la banque centrale en
croyant qu’elle a tenté de tricher alors qu’il s’agit simplement d’une erreur de
transmission. Le scénario contraire peut également se produire : ils peuvent accommoder
sa politique alors qu’elle était volontaire.
•
Des résultats peu réalistes : d’après les résultats du modèle, le taux d’inflation doit
correspondre soit au taux annoncé, soit au taux discrétionnaire. Dans la réalité, les taux
174
d’inflation sont nettement plus volatiles. On note également que la réputation est un
phénomène soudain et rapide qui s’acquiert et se perd d’un seul coût. Les constats
empiriques suggèrent un tout autre scénario, dans lequel les banques centrales gagnent
progressivement la confiance du public. D’autre part, Barro et Gordon supposent que les
travailleurs considèrent comme crédible la première annonce faite par la banque centrale,
sans apporter un argument de rigueur qui sous-tend une telle proposition. Enfin, il est
difficile de justifier le fait que la banque centrale parvienne à restaurer aussi rapidement sa
crédibilité une fois qu’elle a triché. Le public est-il disposé à redonner confiance aussi
rapidement ? Cela nous semble peu vraisemblable. Si la confiance du public était aussi
facile à conquérir, les problèmes de crédibilité et de réputation n’aurait pas suscité autant
d’intérêt dans la littérature contemporaine.
3- Des solutions institutionnelles au problème de crédibilité
La deuxième vague de propositions prône l’instauration de mesures concrètes afin
d’assurer la crédibilité des règles monétaires. Les mesures proposées s’articulent autour de
deux idées.
Pour crédibiliser une règle, il faut d’abord éliminer la tentation de tricher. Les banques
centrales ou les gouvernements doivent donc prendre des dispositions qui garantissent une
politique conforme aux annonces. Par ailleurs, les asymétries d’information peuvent
décrédibiliser les règles car en leur présence le public est incapable de distinguer les parts
volontaires et involontaires de l’inflation. Les autorités monétaires peuvent profiter de cette
confusion pour dissimuler leurs politiques inflationnistes sous la forme d’erreurs de contrôle
de l’offre de monnaie. Il faut donc adopter des mesures qui limitent les asymétries
d’information et qui minimisent les risques de dissimulation.
Les propositions qui répondent à ces deux critères sont d’ordres institutionnels. Il s’agit
de lois ou de directives qui régissent la politique monétaire. Une mesure fréquente consiste à
écarter les objectifs réels de la charte de la banque centrale et de préciser que la stabilité des
prix constitue sa principale préoccupation. Une deuxième mesure consiste à obliger la banque
centrale à annoncer des objectifs pour des échéances précises. Les économistes les plus
radicaux proposent de lier le maintient du gouverneur de la banque centrale dans ses fonctions
à sa capacité à atteindre avec un maximum de précision les objectifs rendus publics. Une
version plus modérée de cette proposition consiste à exiger du directoire de la banque des
175
explications précises à chaque fois que les variables objectifs s’écartent sensiblement de leurs
cibles. Une mesure alternative consiste à exiger de la banque centrale la publication des
comptes rendus des réunions de son directoire. Il est clair que ces propositions visent à rendre
plus transparente la prise de décision au sein de la banque et à apporter au public les
informations qui lui permettent de minimiser le risque de confusion.
Beaucoup de pays ont adopté des certaines mesures que nous venons de décrire. Ainsi, aux
Etats Unis la loi oblige la FED à publier avec six semaines de retard des notes qui rendent
public le contenu des réunions de son staff. En Europe, les objectifs réels sont exclus de la
charte de la BCE et la stabilité des prix est annoncée comme son premier objectif. Dans des
pays comme l’Australie, le Canada, la Grande Bretagne et le Japon les banques centrales
annoncent au public des cibles en termes de masse monétaire.
II- Des solutions plus réalistes
Il suffit de constater qu'aucun pays n'a abandonné la discrétion au profit des règles pour se
rendre compte de l’irréalisme de ce régime. L’attachement à la discrétion s’explique d’abord
par la complexité du processus de prise de décision. En effet, il est impossible de proposer
une règle contingente à tous les états de la nature. Par ailleurs, nous avons vu que la discrétion
garantit à la politique monétaire une certaine efficacité dans un contexte d’asymétrie
d’information.
Le véritable problème des banques centrales serait donc de résorber le biais inflationniste
tout en préservant le caractère discrétionnaire de leurs décisions. Dans la littérature, nous
recensons deux principales propositions qui permettent d'atteindre un tel compromis.
1- L’affectation d’un banquier central conservateur
Cette solution a été proposée par Rogoff (1987), qui souligne que l’importance relative
accordée à l’emploi (Ai) exerce une influence positive sur le taux d’inflation. Il est donc
possible de contenir le biais inflationniste en réduisant la valeur de ce paramètre. Une façon
d’atteindre cet objectif est de nommer à la tête de la banque centrale une personnalité dont
l’aversion envers l’inflation est assez forte. Le fait que le banquier choisi soit publiquement
connu par son conservatisme, crédibilisera progressivement la volonté de la banque centrale à
lutter contre l’inflation et conduira l’économie à terme vers un meilleur équilibre.
176
Le modèle d’apprentissage, que nous allons présenter, décrit la façon dont la réputation
anti-inflationniste se met en place. En effet, même si l’hostilité du nouveau gouverneur à
l’inflation est connue, le public ne dispose d’aucune information précise quant à la valeur
exacte de l’importance relative qu’il accorde à l’emploi. En d’autres termes, le public sait que
la valeur de Ai va évoluer à la baisse sans connaître l’ampleur exacte de cette baisse. Ainsi, il
observe le comportement du nouveau banquier central et affine son estimation de Ai au fils
des périodes. A terme, le public reconnaîtra la nouvelle valeur de Ai ce qui se traduit par une
stabilisation du taux d’inflation. Selon cette analyse, on devrait assister à une baisse
progressive du taux d'inflation à la suite de la nomination d’un nouveau gouverneur à la tête
de la banque centrale. La vitesse avec laquelle le taux d'inflation convergera vers sa nouvelle
valeur d'équilibre dépendra de la vitesse du processus d'apprentissage. Contrairement au
modèle de Barro et Gordon, la réputation et la crédibilité ne s'acquièrent pas instantanément
mais se mettent en place progressivement.
2- L’indépendance de la banque centrale
L'indépendance de la banque centrale peut être considérée comme un moyen de réduire
l’importance accordée à l’emploi relativement à l’inflation. Elle peut être interprétée
également comme une baisse de l’objectif d’emploi (N*). Chacune de ces deux variations
permet de réduire le taux d’inflation d’équilibre.
2.1- Pourquoi l'indépendance ?
L'emploi et la croissance sont au centre des préoccupations des gouvernements. Il faut
néanmoins compter sur la coordination de la banque centrale pour que la politique monétaire
soit cohérente avec ces objectifs réels. Cette coordination n’est possible que lorsque la banque
centrale est sous le contrôle du gouvernement ou bien lorsque les deux autorités ont des
préférences et des objectifs complémentaires. Or, plusieurs arguments suggèrent des
divergences notables aux niveaux des préférences et des objectifs.
A cause des cycles électoraux, les gouvernements ont souvent une forte préférence pour
le présent. Ils ont des soucis de performance, puisqu’ils sont confrontés directement aux
jugements du public. Les mandats dont bénéficient les banquiers centraux sont souvent plus
longs et leur nominations sont dissociées des échéances électorales. Ils peuvent donc adopter
177
des horizons de planification plus étendus que les gouvernements. L’intérêt qu’ils accordent à
la situation économique à moyen et à long terme les pousse à modérer leurs interventions par
craintes d’alimenter les anticipations inflationnistes futures. Ainsi, ils sont plus hostiles aux
tentatives de relance et leurs objectifs d’emploi sont plus modestes que ceux des
gouvernements.
En présence d’un conflit d’objectifs, le gouvernement peut exercer une pression sur la
banque centrale pour qu’elle aligne une politique compatible avec ses objectifs. Lorsque la
banque centrale est fortement dépendante du gouvernement, ce dernier est en mesure
d’exercer de telles pressions. Dans certains pays, la banque centrale ne constitue pas une
institution autonome au regard de loi. Elle représente simplement la branche gouvernementale
chargée de la mise en place de la politique monétaire. Dans d’autre cas, la loi impose une
concertation entre la banque centrale et le gouvernement avant la mise en place de la politique
monétaire. Ces exemples illustrent les contraintes légales qui permettent au gouvernement
d’influencer le choix de la politique monétaire. Dans ce cas, l'intérêt qu'accorde la banque
centrale à l'emploi traduit en grande partie l'attachement du gouvernement à cet objectif.
En disposant d'un statut plus indépendant, la banque centrale peut se dissocier au moins
partiellement des objectifs réels et se consacrer au contrôle de l'inflation qui constitue sa
véritable priorité. Ce désintéressement des objectifs gouvernementaux se traduit par une
baisse de l’importance relative accordée à l’emploi, Ai, ou par une diminution du volume
d’emploi ciblé, N*. Cette dernière alternative nous semble plus réaliste, car l’importance
accordée à l’emploi évolue avec la conjoncture et ne peut prendre en permanence une faible
valeur. Les deux propositions permettent néanmoins de réduire le biais inflationniste.
2.2- L’ambiguïté autour du concept d'indépendance
Cette solution pose néanmoins un sérieux problème : les variables qui permettent
d'apprécier le degré d'indépendance sont difficiles à quantifier. Il s'agit souvent de lois ou
d'amendements apportés à la charte de la banque centrale. Les convictions du gouverneur de
la banque centrale ainsi que son aptitude à faire face aux pressions des divers groupes
d’intérêt, détermine également le degré l’indépendance de cette institution. L’indépendance se
présente donc comme un concept particulièrement délicat à définir, car il dépend à la fois de
variables qualitatives et de critères subjectifs.
178
L’incertitude que nous venons de souligner peut poser un problème de crédibilité : une
indépendance apparente peut dissimuler des pressions discrètes. En effet, il est étonnant de
constater que de nombreux gouvernements se sont privés d’un outil de relance précieux en
concédant l’indépendance à leurs banques centrales. Ce constat peut être rationalisé par deux
arguments. Le premier met en avant les gains politiques que les gouvernements peuvent tirer
d’une telle mesure : ils profitent de la bonne conduite de la politique monétaire lorsque la
banque centrale accomplit sa mission avec succès, et ils rejettent sur elle la responsabilité
lorsque ses performances sont insatisfaisantes. Le gouvernement peut ainsi justifier les
mauvaises prestations économiques par un manque de coordination de la part de la banque
centrale. Deuxièmement, seuls les hauts responsables de la banque centrale et du
gouvernement savent si les lois votées ou les réformes apportées à la charte de la banque sont
véritablement respectées. Une banque centrale indépendante peut négocier discrètement sa
politique avec le gouvernement. Dans ce cas, l’indépendance apparente offre un mauvais
signal au public qui ignore l’existence des pressions gouvernementales.
Cette confusion risque de limiter la portée de l'indépendance en tant qu’outil de lutte
contre l’inflation. Elle peut pousser les travailleurs à indexer les salaires nominaux au taux
d’inflation discrétionnaire qui les protège contre d’éventuelles surprises monétaires. Pour
dissiper cette incertitude, les banques centrale doivent s’engager dans la voie de la
transparence. Elles doivent convaincre le public que les écarts par rapport aux cibles sont dus
à des erreurs de contrôle ou d’appréciation et non à des pressions gouvernementales ou à des
choix délibérés.
3- Le modèle d’apprentissage : Un fondement théorique pour des
solutions réalistes
Ce modèle décrit un jeu dynamique dans un contexte d’asymétrie d’information44. Il
explique comment la banque centrale peut réduire durablement le taux d’inflation en
l’absence d’une mesure exacte de son indépendance ou de ses préférences.
3.1- Présentation du modèle
Au début de chaque période, la banque centrale essaye de déterminer la stratégie qui lui
permet de maximiser sa fonction objectif intertemporelle, en tenant compte de la réaction des
travailleurs et des caractéristiques de l’économie. Nous retenons l’hypothèse simplificatrice
44
Ce modèle est inspiré de Cukierman (1992).
179
qui consiste à identifier le taux d’inflation au taux de croissance de la masse monétaire. Nous
supposons toutefois que la banque centrale ne contrôle pas parfaitement l’offre de monnaie.
Le taux d’inflation effectif peut donc diverger du taux ciblé :
π t = π tc + ψ t
iid
(resptivement mt = mtc + ψ t ) avec ψ t ~ N ( 0, σ ψ2 )
(4)
Considérons la fonction objectif suivante de la banque centrale :
∞
2
1

U ( N t , π t ) = ∑ β t −i EIt  − At ( N t − N * ) − (π * − π t ) 
2


t =i
(1bis)
D’après cette fonction, le volume de l’emploi génère de la désutilité seulement
lorsqu’il est inférieur à son niveau optimal. Les écarts positifs son une source de satisfaction
pour la banque centrale. Les écarts du taux d’inflation par rapport à sa valeur désirée sont
toujours sources de désutilité. Les autorités monétaires considèrent comme nuisible aussi bien
une inflation excessive qu’une inflation faible. En effet, un ralentissement marqué de la
croissance des prix peut conduire à une appréciation des salaires réels qui se répercute
négativement sur l’emploi. Il peut être également le signe d’un ralentissement de la demande.
L’importance relative accordée à l’emploi évolue d’une période à l’autre en
empruntant la dynamique suivante :
At = A + θ t
où θ t = ρθ t −1 + ε t
 iid
ε : N ( 0, σ ε2 )
avec  t
 0 ≤ ρ ≤ 1
(5)
D’après cette équation, les chocs de préférence θt sont persistants puisqu’ils continuent
à influencer le paramètre At au-delà de la première période. Le paramètre ρ représente le
degré de persistance : les changements sont permanents lorsque ρ est égal à 1, et sont
totalement transitoires lorsque ρ est nul. A chaque période, la trajectoire de At peut s’inverser
si l’innovation actuelle (εt ) s’oppose et domine l’influence des perturbations passées (ρθt-1).
L’objectif des autorités monétaires est de déterminer le taux d’inflation qui maximise la
fonction (1bis) en tenant de la courbe de Phillips (2), de la rationalité des anticipations (3) et
de la relation entre les taux effectif et ciblé (4) :
180
∞
2
1

max imiser U ( Nt , π t ) = ∑ β t −i EIt  − At ( N * − N t ) − (π * − π tc ) 
2


t =i
 N t − N n = α (π tc − π ta )

s / c  π ta = E (π t / I t )

c
 π t = π t + ψ t
En information parfaite, ce programme d’optimisation conduit les autorités à cibler le
taux d’inflation suivant :
π tc = mtc = π * + α ( A + θ t ) .
(6)
Le taux d’inflation d’équilibre sera donc :
π tip = mt = π * + α ( A + θ t ) + ψ t
(6’)
3.2- Le comportement des travailleurs
De leur côté, les travailleurs essayent d’anticiper le taux d’inflation afin de procéder aux
ajustements adéquats de leurs salaires nominaux. Ils disposent néanmoins d’un ensemble
d’information plus restreint que celui de la banque centrale, dans la mesure où ils n’observent
pas l’innovation εt. De plus, ils sont incapables de reconnaître la valeur exacte de la
précédente innovation εt-1, car son effet est combiné à celui de l’erreur de contrôle de l’offre
de monnaie, ψt-2. Les travailleurs sont donc obligés d’estimer les paramètres qui témoignent
des préférences de la banque centrale en s’appuyant sur l’ensemble des observations passées.
La règle de décision en information parfaite (6) permet aux travailleurs d’identifier les
facteurs qui déterminent le choix de la banque centrale : le taux d’inflation ciblé, π*,
l’importance relative accordée à l’emploi, At, et l’impact des surprises inflationnistes sur
l’emploi α. Ces mêmes facteurs motiveront le choix de la politique monétaire en asymétrie
d’information, sauf que le poids accordé à chacun d’entre eux risque d’être différent. La règle
de décision prendra donc la forme suivante :
π tc = mtc = a0π * + a1α A + a2αθ t .
En se basant sur cette règle, les travailleurs anticipent le taux d’inflation de la période :
181
π ta = mta = a0π * + a1α A + a2α EI [θ t ] . (7)
t
D’après cette équation, l’exercice d’anticipation nécessite l’estimation des valeurs
respectives de θt et des coefficients a0, a1 et a2. L’équation (5) permet d’exprimer θt en
fonction des chocs passés :
i
θ t = ρ kθ t − K + ∑ ρ i − j ε t −i + j
j =1
où t-k correspond à la date du premier changement de préférence chez les autorités
monétaires. L'estimateur de θi prend donc la forme suivante :
i
EIt [θ t ] = ρ k EIt [θ t − K ] + ∑ ρ i − j EIt ε t −i + j  .
j =1
L’estimation de θi nécessite donc l’information relative à toutes les périodes depuis le
premier changement préférence de la banque centrale. Cette définition est peu réaliste car
toutes les banques centrales ont connu à des moments de leurs histoires des changements
radicaux dans leurs modes de gestion de la politique monétaire. Les observations qui
correspondent à ces anciens régimes fournissent certainement des indications erronées
concernant les préférences actuelles des banques centrales. Elles doivent être exclues de
l’ensemble d’information car elles contribuent à biaiser les anticipations. En outre, nous avons
souligné que de nombreuses banques centrales rendent publiques après un certain retard des
informations précises concernant leurs décisions passées. Lorsque les agents disposent des
informations exactes pour une période, ils n'ont plus besoin des observations antérieures à
cette date pour leurs estimations.
En nous appuyant sur ces arguments, nous supposons que la banque centrale révèle
avec un certain retard J l'ampleur exacte du changement de préférence survenu à la date t-k.
Pour simplifier l’exposé nous fixons ce retard à deux périodes. L'estimateur de θt devient :
EIt [θ t ] = ρ 2θ t − 2 + ρ EIt [ε t −1 ] + EIt [ε t ] .
Les agents connaissent parfaitement la valeur de θt-2 (qui est communiquée par la
banque centrale) et leur tâche consiste donc à estimer les innovations εt et εt-1. L’innovation εt
étant nulle en moyenne, l’estimateur de θt devient :
182
EIt [θ t ] = ρ 2θt − 2 + ρ EIt [ε t −1 ] .
(8)
L’innovation εt-1 représente donc la seule quantité que les travailleurs doivent estimer à
partir des observations passées. La procédure d’estimation se décompose en quatre étapes :
(i) A la fin de la période t-1 les travailleurs constatent l'écart entre les taux d'accroissement
effectif et anticipé de la masse monétaire. Cet écart est dû à deux facteurs : l'erreur
d'estimation de θt-1 et l'erreur de contrôle de l'offre de monnaie ψt-1. Sachant que
θ t −1 = ρθ t − 2 + ε t −1 , les travailleurs distinguent trois sources d'erreur relatives aux
estimations des paramètres θt-2, εt-1 et ψt-1.
(ii) Au début de la période t, la banque centrale révèle au public la valeur de θt-2. les
travailleurs observent également la valeur passée du taux d’inflation. Ils sont donc en
mesure de déduire une quantité, ∆t, qui regroupe les effets des perturbations εt-1 et ψt-1 :
π t −1 = π tc−1 + ψ t −1
= a0π * + a1α A + a2αθ t −1 + ψ t −1
= a0π * + a1α A + a2α ( ρθ t − 2 + ε t −1 ) + ψ t −1
⇒ ∆ t −1 = a2αε t −1 + ψ t −1 = π t −1 − a0π * − a1α A − a2αρθ t − 2
(iii) Les travailleurs doivent maintenant déduire la part de εt-1 dans la quantité ∆t-1. Cet
exercice revient à estimer le coefficient a de l'équation suivante :
ε t = a∆t + ϑt
iid
avec ϑt ~ N ( 0, σ ϑ2 ) .
Le meilleur estimateur est celui issu de la méthode des moindres carrées ordinaires45 :
â=
a 2ασ ε2
(a 2α )2 σ ε2 + σ ψ2
.
(iv) En substituant â dans l'équation (8), les travailleurs peuvent dériver une expression de
l’estimateur de θt en fonction des paramètres et des variables exogènes du modèle :
EIt [θ t ] = ρ 2θ t − 2 + ρ â ∆t −1
= ρ 2θ t − 2 + ρ â {π t −1 − a0π * − a1α A − a2αρθ t − 2 }
.
(9)
A l’aide des équations (7) et (9) on dérive l’expression du taux d’inflation anticipé :
45
Ce résultat suppose que εt et ψt sont indépendants.
183
π ta = mta = a0π * + a1α A
+ a2α  ρ 2θ t − 2 + ρ â {π t −1 − a0π * − a1α A − a2αρθ t − 2 }
. (10)
3.3- Le problème de décision de la banque centrale
L’équation (10) révèle l’existence d’un lien positif entre l’inflation anticipée à la date t
et l’inflation ciblée à la date t-146. Ainsi, le public croit que l’importance accordée par la
banque centrale à l’emploi est d’autant plus importante que sa politique passée est
expansionniste, ce qui alimente les anticipations inflationnistes courantes. Le processus
d’apprentissage introduit donc une relation croissante entre les politiques passées et les
anticipations actuelles.
Cette relation modifie profondément le problème de décision des autorités. La variable
de commande n’est plus indépendante d’une période à l’autre, car les anticipations
introduisent un lien implicite entre la politique de la date t et celle de la date t+1. Une
conséquence importante de cette interdépendance est qu’elle permet à la banque centrale
d’orienter les anticipations futures vers la baisse en pratiquant une politique restrictive. Le
processus d’apprentissage lui permet de signaler au public son changement de préférence, de
pousser les anticipations à la baisse et de réduire le biais inflationniste.
Le programme d’optimisation de la banque centrale est résolu en poursuivant la
démarche habituelle. La courbe de Phillips permet d’exprimer le volume d’emploi en fonction
des taux d’inflation ciblé et anticipé. En substituant cette expression dans la fonction objectif
et en dérivant par rapport à πtc on obtient la fonction de réaction de la banque centrale. Enfin,
on substitue l’expression de πta dans cette fonction pour dériver le taux d’inflation ciblé :
π tc = mtc = π * + Aα (1 − a2αρ â ) + θ tα (1 − a2αρ 2 â ) . (11)
On peut facilement remarquer que la règle de décision prend la forme anticipée par les
travailleurs. Pour que les anticipations soient rationnelles, il faut néanmoins que le système
suivant admette une solution :
 a1 = 1 − a2αρ â
.

2
a2 = 1 − a2αρ â
46
On sait que :
π t −1 = π tc−1 + ψ t −1
184
Nous savons que â dépend uniquement du paramètre a2. Il suffit donc que la deuxième
équation du système admette une solution pour que les anticipations soient rationnelles. A
l’aide de l’expression de â, on peut réécrire cette équation sous la forme suivante :
f ( a2 ) = g ( a2 )
 f ( a2 ) = a2

où 
a2ασ ε2
2
αρ
g
a
=
1
−
a
(
)
2
2
2

( a2α ) σ ε2 + σ ψ2

(12)
Il faut donc démontrer qu’il existe une valeur unique de a2 qui égalise entre les
fonctions f et g. Pour cela, il suffit de remarquer que ces deux fonctions varient d’une façon
strictement monotone dans deux sens opposés : f est strictement croissante avec f(0)=0 ,
tandis que g est strictement décroissante avec g(0)=147. Il s’ensuit que l’équation (12) admet
toujours une solution unique.
On peut donc affirmer que les anticipations des agents sont rationnelles, avec les
paramètres a0 , a1 et a2 qui ont des valeurs uniques.
3.4- Une analyse des résultats
L’erreur de contrôle ψt différentie le taux d’inflation effectif du taux d’inflation ciblé :
π tai = π * + Aα (1 − a2αρ â ) + θ tα (1 − a2αρ 2 â ) + ψ t .
En information parfaite, ce même jeu aurait conduit au taux d’inflation suivant :
π tip = π * + α ( A + θ t ) + ψ t
L’asymétrie d’information induit donc l’écart suivant entre les deux taux :
π tip − π tai = α 2 a2 ρ â ( A + ρθ t ) > 0 .
Cette inégalité énonce l’un des principaux résultats du modèle : en asymétrie
d’information, le processus d’apprentissage permet à la banque centrale de signaler son
conservatisme au public et de réduire ainsi le biais inflationniste.
47
∂g
= − a2αρ 2
∂a2
2ασ ε2σ ψ2
(( a α ) σ
2
2
2
ε
+ σ ψ2
)
2
< 0 et
∂f
=1> 0
∂a2
185
Sur le plan théorique, ce modèle résout le problème de la multiplicité des équilibres
qui se pose avec le modèle de Barro-Gordon (1983a). En présence du processus
d’apprentissage, c’est la banque centrale qui impose le taux d’inflation d’équilibre. Le
contrôle indirect qu’elle exerce sur les anticipations lui permet de ramener l’inflation au
niveau qu’elle souhaite. Ses préférences constituent donc le principal déterminant du nouvel
équilibre.
Sur le plan pratique, le modèle peut servir de fondement à diverses mesures de lutte
contre l’inflation. Il peut rationaliser la nomination d’un dirigeant conservateur à la tête de la
banque centrale, aussi bien que l’octroie d’un statut indépendant à cette institution. Grâce au
processus d’apprentissage, le public reconnaît le changement de préférence chez les autorités
quel que soit son origine.
Enfin, le modèle reste assez réaliste puisqu’il préserve à la banque centrale la
possibilité d’influencer l’emploi en cas de nécessité. La banque peut profiter de l’incapacité
du public à estimer avec précision ses préférences actuelles pour le surprendre avec une
inflation plus forte que prévue. Elle subira en contrepartie une détérioration de sa réputation,
qui se manifeste par une augmentation du taux d’inflation lors de la prochaine période.
Toutefois, elle peut toujours reconquérir la confiance du public en durcissant sa lutte contre
l’inflation dans le futur. Le processus d’apprentissage offre donc à la banque centrale
l’avantage de distribuer les gains et les pertes en matière d’emploi dans le temps : elle profite
des gains lorsque l’emploi constitue l’une de ses priorités et elle se permet d’occasionner les
pertes lorsqu’elle juge que le volume d’emploi est satisfaisant. Les périodes durant lesquelles
elle subit des pertes lui servent à soigner sa réputation afin que l’inflation converge vers un
niveau plus faible.
Les erreurs de contrôle de l’offre de monnaie jouent un rôle déterminant dans ce
modèle. La confusion qu’elles génèrent est à la fois un avantage et un inconvénient : d’une
part, elle empêche le public d’estimer l’ampleur exacte des variations de At, ce qui permet à la
banque centrale de stimuler l’emploi. D’autre part, elle empêche la banque centrale de
restaurer sa réputation rapidement en ralentissant la reconnaissance du public de la baisse de
At.
3.5- Conclusion
186
L’introduction du concept de réputation dans ce modèle ne soulève aucune ambiguïté.
Il trouve son origine dans les asymétries d'information qui établissent un lien entre les
décisions passées des autorités et les anticipations actuelles des agents. Le modèle de BarroGordon (1983a) introduit le concept de réputation par le biais d'une stratégie punitive
injustifiée qui pose de nombreux problèmes.
Nous soulignons par ailleurs le réalisme des conclusions qui découlent du modèle.
Premièrement, il est cohérent avec les stratégies mises en place pour lutter contre l’inflation, à
l’instar de l’indépendance et la nomination d’une personnalité conservatrice à la tête de la
banque centrale. Deuxièmement, il décrit une construction progressive de la réputation et une
baisse graduelle de l’inflation, ce qui correspond à ce qui se passe dans la réalité. Les
asymétries d’information expliquent l’inertie du processus d’apprentissage. Elles empêchent
les agents de s'apercevoir rapidement des changements de préférence chez les autorités et
ralentissent ainsi la baisse du taux d'inflation. Nous rappelons que le modèle de Barro-Gordon
propose une acquisition subite de la réputation et une convergence instantanée de l’inflation à
son niveau désiré. Troisièmement, le modèle permet de rationaliser les dispositions
complémentaires adoptées par certains pays et qui ont pour objectif de rendre plus
transparente la gestion de la politique monétaire. Cette transparence sert à dissiper la
confusion et à accélérer la convergence du taux d'inflation vers son nouvel équilibre.
Section 4 : Critiques et perspectives
Dans cette section nous soulignons les faiblesses de l’approche classique. Nous proposons
quelques solutions à ces problèmes et nous distinguons quelques axes de recherche qui nous
semblent assez intéressantes à explorer.
I- La simplicité du cadre macroéconomique
Les modèles se résument souvent à deux équations : la fonction objectif des autorités et
la courbe de Phillips. L’inflation est un phénomène purement nominal qui s’explique par
la croissance de la quantité de monnaie en circulation. Ce cadre d’analyse présente deux
inconvénients : il néglige des enchaînements économiques très importants et il se base sur
des hypothèses assez contestables.
Nous développons ces deux critiques en commençant par un exposé des points négligés par
187
l’analyse classique.
1- La théorie de l’inflation
Nous distinguons deux contradictions majeures au niveau de la théorie monétaire de
l’inflation proposée par la nouvelle école classique. Elles concernent respectivement les
déterminants de l’inflation et ses conséquences sur l’équilibre macroéconomique.
1.1- Les origines réelles de l’inflation
Il est vrai que les études empiriques révèlent une relation de long terme assez forte et
suffisamment stable entre le taux d’inflation et le taux de croissance de la masse monétaire.
Ce lien est nettement moins significatif à court terme. En effet, les certains facteurs réels
peuvent avoir un fort pouvoir explicatif des tensions inflationnistes sur les courtes échéances.
Gali et Gertler (1999) offrent des résultats empiriques allant dans ce sens.
Nous avons également souligné que les banques centrales préfèrent une gestion par le
taux d’intérêt à court et moyen terme. Ce choix reflète leurs volontés d’agir sur les
composantes de la demande qui sont sensibles aux variations du taux. Il suggère donc que les
autorités monétaires considèrent que l’inflation admet une composante réelle au moins sur la
courte période.
La théorie classique est incapable d’illustrer l’articulation entre les fondements
théorique de long terme de l’inflation et le comportement court termiste des banques
centrales. Cette critique est d’autant plus importante que l’inflation est exploitée pour des fins
de court terme dans le modèle classique : ce sont les conséquences inflationnistes immédiates
de la politique monétaire qui permettent de stimuler l’emploi. A notre sens, c’est l’une des
incohérences majeures de cette approche qui propose un fondement théorique de long terme à
l’inflation, tout en lui associant une mission de court terme.
1.2- Les conséquences de l’inflation
Le modèle classique conclut que dans un régime discrétionnaire la stratégie optimale
consiste à fixer le taux d’inflation conformément aux anticipations des travailleurs. Cet
188
équilibre est imposé par les salariés qui cherchent à stabiliser leurs rémunérations réelles. Ce
résultat assimile implicitement le pouvoir d’achat des agents à leurs salaires réels. Or, les
ressources salariales ne représentent qu'une partie de la richesse totale des agents. La politique
inflationniste dépréciera par exemple leurs placements financiers et limitera leur pouvoir
d’achat malgré la stabilité des rémunérations réelles. La politique se répercuterait ainsi
négativement sur l'activité et sur l’emploi.
Cette critique remet en question l'optimalité de la stratégie qui consiste à se plier aux
anticipations des travailleurs. La banque centrale doit avoir une vue globale qui prend en
compte l’effet de sa politique sur toutes les composantes de la richesse.
2- L’interaction entre les politiques monétaire et budgétaire
Les modèles que nous avons exposés supposent que la politique monétaire assure à elle
seule les missions de stabilisation et de relance. Or, la politique budgétaire est également un
intervenant de taille dans ces domaines. L’action simultanée des autorités monétaires et
budgétaires introduit des changements profonds au niveau des problèmes de décisions des
différents joueurs et influence ainsi l’équilibre du modèle.
Le premier changement découle de l’impact de la politique budgétaire sur l’emploi et
l’inflation. Nous avons longuement exposé les fondements théoriques de la politique
budgétaire au cours des trois premiers chapitres. Nous avons passé en revue les résultats
empiriques qui illustrent son impact sur l’activité et sur l’emploi.
La politique budgétaire peut également génératrices de tensions inflationnistes. Sargent et
Wallace (1981) démontrent que dans une économie monétariste, la politique budgétaire peut
induire une politique monétaire inflationniste. Creel et Sterdyniak (2001) proposent une revue
des apports théoriques récents qui établissent des liens entre les variations des prix et ceux de
la politique budgétaire. Ils regroupent ces contributions sous le nom de « la théorie budgétaire
du niveau des prix » (the Fiscal Theory of the Price Level). Ainsi, l’entrée en jeu de la
politique budgétaire nécessite une redéfinition des équations caractéristiques du taux
d’inflation et du volume d’emploi.
Le deuxième point concerne l’impact de la politique budgétaire sur les préférences et les
décisions de la banque centrale. En effet, l’activisme budgétaire est susceptible d’atténuer les
tentations inflationnistes de la banque centrale. Lorsque le gouvernement entreprend une
189
politique de lutte contre le chômage, cela remet en question l’utilité d’une intervention
monétaire dans ce même domaine. La banque centrale peut certes venir en aide au
gouvernement, mais sa contribution sera moins forte étant donné qu’une partie du travail sera
prise en charge par le gouvernement. On peut donc imaginer que la prise en compte des
relances budgétaires par la banque centrale atténue l’importance qu’elle accorde à l’emploi et
la conduit à se concentrer davantage sur le contrôle de l’inflation.
Le dernier problème concerne la coordination entre les deux autorités. La banque centrale
et le gouvernement ne se fixent pas nécessairement les mêmes objectifs. Ils peuvent ainsi
adopter des politiques incohérentes qui se répercutent négativement sur l’activité.
En conclusion, l’action simultanée des autorités monétaires et budgétaires nécessite une
redéfinition du modèle qui conduit vraisemblablement à des résultats différents de ceux issus
de la modélisation classique standard.
3- Des objectifs conflictuels
Les objectifs réels de la banque centrale sont tenues pour responsables des politiques
monétaires expansionnistes. Nous recensons néanmoins certains objectifs qui nécessitent la
mise en place de politiques restrictives et qui contribuent à atténuer les tentations
inflationnistes.
La stabilité du secteur financier et la lutte contre le chômage représentent deux objectifs
qui poussent la banque centrale à agir dans deux sens opposés. L’objectif d’emploi nécessite
une baisse du taux d'intérêt (ou une augmentation de la masse monétaire). Une telle mesure
peut mettre le secteur bancaire en difficulté. En effet, le passif des organismes bancaires est
composé en grande partie d'emprunts de long terme, alors que leur actif est majoritairement
constitué d'emprunts de court terme. Ainsi, une baisse du taux court diminue les revenus de ce
secteur sans pour autant limiter ses charges. Les coûts sont peu sensibles à la politique
monétaire, car les propriétés théoriques de la structure par termes des taux d’intérêt sont
souvent violées, et les variations des taux courts ne s’accompagnent pas nécessairement par
une évolution dans le même sens des taux longs. La stabilité du secteur financier nécessite par
conséquent une certaine stabilité du taux d'intérêt qui est incompatible avec l'objectif
d'emploi.
Dans une optique classique la promotion de l’emploi peut contrecarrer la capitalisation
190
boursière. La fin des années 90 a connu des vagues de licenciements sous la pression des
actionnaires. Les entreprises étaient devant l’obligation de réduire leurs effectifs afin de
signaler aux marchés financiers la mise en place des réformes structurelles qui garantissent
une gestion financière saine et rigoureuse dans le futur. Dans ce cas, le développement de la
capitalisation boursière peut être contradictoire avec la volonté de promouvoir l'emploi, ce qui
rend le choix de la politique monétaire un exercice assez délicat.
Les deux précédents objectifs sont complémentaires d’un point de vue keynésien.
Comme la croissance de la production est à l'origine de la baisse du chômage, les profits des
entreprises et le volume de la main d'œuvre évoluent dans le même sens. Dans ce cas,
l'augmentation de l'emploi reflète la bonne santé des entreprises et attire les capitaux vers le
marché boursier.
4- Une remise en question de quelques postulats
Les principales critiques concernent les ajustements nominaux et leurs conséquences sur
l’équilibre du modèle. Même si les faits réels remettent en question les hypothèses de rigidité,
celles de parfaite flexibilité ne sont pas épargnées pour autant.
Fischer(1977) puis Taylor(1979) ont proposé des fondements théoriques à la rigidité des
salaires nominaux. Ils soulignent l'existence de contrats de long terme qui empêchent une
révision rapide des rémunérations nominales. Nous soulignons également que les négociations
salariales ne débouchent pas nécessairement sur une pleine satisfaction des revendications
salariales des travailleurs. Ainsi, ces derniers ne sont pas toujours en mesure de ramener les
salaires nominaux aux niveaux désirés. Par ailleurs, la stabilité du pouvoir d'achat ne constitue
pas l'unique préoccupation des travailleurs. La multiplicité des objectifs peut les conduire à
modérer leurs revendications salariales. Ces arguments offrent des fondements à l’inertie des
salaires nominaux et constituent une alternative aux explications basées sur les asymétries
d'information.
En outre, nous rappelons que dans le modèle classique les ajustements des salaires
nominaux s'effectuent d'une façon prématurée. La politique inflationniste vient en effet en
réponse aux ajustements salariaux. Dans la réalité, nous constatons une chronologie inverse des
événements : les salariés ne réclament une appréciation de leurs rémunérations nominales que
lorsqu'ils constatent que leur pouvoir d'achat s'est détérioré. L'ajustement des salaires nominaux
191
est donc le résultat et non l'instigateur de l'inflation. Ce constat demande une nouvelle
explication de la lenteur des ajustements des salaires nominaux. Plus important encore, il
implique que la banque centrale peut limiter le biais inflationniste sans qu’elle soit confrontée
aux problèmes de crédibilité et de réputation que nous avons exposés précédemment.
Comme nous l’avons souligné dans le premier chapitre, les néokeynésiens ont proposé
des fondements microéconomiques à la viscosité des prix, tels que les coûts étiquetage et la
structure imparfaite de l’information. Ils présentent également l’écart par rapport au plein
emploi comme une preuve de l’existence des rigidités nominales. Les hypothèses de parfaite
flexibilité implique une proximité permanente du plein emploi. Or, dans la plupart des pays
occidentaux le produit naturel est distant du produit potentiel et le taux d'utilisation des
capacités de production est nettement inférieur à 1. La persistance d'un tel équilibre montre
que les ajustements rapides et spontanés prônés par les nouveaux classiques ne sont pas
fonctionnels dans la réalité.
Nous avons également signalé que la gestion de la politique monétaire est cohérente avec
l’approche keynésienne, car elle révèle implicitement le déficit de demande dont souffre
l’économie et l’inefficacité des ajustements nominaux supposés garantir un retour rapide vers
le plein emploi.
II- Le comportement des joueurs
1- Les motivations de la banque centrale
La littérature propose deux interprétations différentes du comportement de la banque
centrale. La première présente la politique monétaire comme le résultat des pressions exercées
par les divers groupes d’intérêt. Naudhaus (1975 et 1979) et Persson et Tabellini (1990)
proposent une formalisation de cette approche. La seconde considère que les autorités
monétaires maximisent délibérément une fonction de bien-être social.
1.1- La banque centrale est les pressions externes
Sans renier totalement l’existence de certaines pressions sur la banque centrale, nous
considérons que l’influence qu’elles exercent sur le choix de la politique monétaire reste
marginale. Nous développons trois critiques qui remettent en question le pouvoir explicatif de
cette approche.
192
D'abord, aucune pression directe ne peut être exercée sur la banque centrale. Les
revendications des divers groupes peuvent toutefois être transmises aux autorités monétaires
par le biais du gouvernement qui, pour des raisons électorales, subit directement les pressions
des groupes en question. L'indépendance dont jouissent la plupart des banques centrales
affaiblit néanmoins l’efficacité de ce canal de transmission.
D’autre part, la banque centrale n’a pas les moyens de satisfaire les exigences des
divers groupes de pression. Son champs d’action est assez restreint et de nombreux domaines
qui intéressent le public sont en dehors de sa portée. En outre, les conséquences de la
politique monétaire sont d’ordre macroéconomique et influencent le bien-être de toutes les
catégories d'agents. La banque centrale ne peut conduire des réglages fins qui répondent aux
attentes de certains groupes sans affecter le bien-être de la population dans son ensemble.
Enfin, les conséquences de la politique monétaire sont à la fois lentes et incertaines. Elles sont
donc incompatibles avec les revendications des groupes de pressions qui sont souvent précises
et urgentes.
On conclut donc que la banque centrale ne constitue pas le meilleur interlocuteur pour
les groupes de pression. Les répercussions globales de ses politiques et l'incertitude quant aux
conséquences de ses interventions les découragent de lui faire appel, d'autant plus que le
gouvernement dispose des compétences et des instruments qui lui permettent d’assurer cette
mission. Moyennant la politique de dépense et les mesures fiscales, le gouvernement est
capable de répondre rapidement et avec une grande précision aux intérêts des divers groupes
de pression.
Nous soulignons enfin que cette approche politique pose certains problèmes tant sur le
plan empirique que sur le plan théorique. D’abord, les pressions exercées sur la banque
centrale sont difficiles à apprécier, car les poids accordés aux différents groupes de pression
relèvent de critères totalement subjectifs. Ce problème d’appréciation est d’autant plus
important que l’évolution du rapport de force entre les groupes en question devient un facteur
explicatif important de l’évolution de la politique monétaire. Enfin, dans cette optique les
problèmes de crédibilité et de réputation deviennent aberrants, puisque la politique monétaire
répond à la volonté d’une partie du public.
1.2- La banque centrale et le bien-être social
193
Les précédentes critiques démontrent la faiblesse l’approche politique et son incapacité
à offrir une explication satisfaisante du comportement des autorités monétaires. Notre analyse
converge vers un comportement délibéré qui s’explique par le désir des banques centrales
d’atteindre un équilibre macroéconomique plus satisfaisant. Cette deuxième approche a été
néanmoins la cible de plusieurs critiques que nous analysons dans ce paragraphe.
1.2.1- Une alternative keynésienne aux arguments de Barro et Gordon
Barro et Gordon (1983a) pensent que l'intérêt qu’accorde par la banque centrale à
l'emploi émane de sa volonté d’atteindre un bien-être social maximal. Elle est ainsi amenée à
intervenir pour combler l’écart entre les taux de chômage naturel et optimal, généré par les
distorsions fiscales. Nous rejetons cette explication car nous considérons que la baisse de
bien-être que provoquent les impôts peut être compensée par la satisfaction que procurent les
biens et services publics qu’ils servent à financer. Nous avons longuement argumenté ce point
de vue au cours du premier chapitre. Cela ne nous conduit pas pour autant à rejeter
l’hypothèse de départ qui met en avant l’intérêt qu’accordent les autorités au bien-être social.
Nous pensons en effet que le déficit de demande constitue une explication alternative très
réaliste de la divergence du taux chômage de son niveau optimal. Du point de vue keynésien,
les rigidités nominales conduisent à une situation de sous-emploi, qui explique l’écart entre
les taux de chômage optimal et naturel.
1.2.2- La coordination n'est pas nécessairement imposée
Le gouvernement est également bien placé pour assurer des missions de relance. Il est
donc capable de veiller sur le bien-être de la société, d’autant plus que sa représentativité
l’habilite naturellement à assurer cette tâche. L’action gouvernementale dans ce domaine ne
se traduit pas par une éviction de l’intérêt qu’accordent les autorités monétaires au bien-être
social. Les deux autorités peuvent agir dans le même sens et assurer conjointement cette
tâche.
Un minimum de coordination est toutefois nécessaire pour que les interventions
simultanées des deux autorités aboutissent aux résultats espérés. Nous ne voyons aucune
contradiction entre la volonté de la banque centrale de maximiser le bien-être de la société et
le fait qu'elle tienne compte des choix économiques faits par le gouvernement. Nous
considérons qu'il y a une complémentarité certaine entre les deux idées, car il est impossible
194
d'atteindre un équilibre optimal sans que chaque autorité ne tienne compte de l'action de son
vis-à-vis. Capoën, Sterdyniak et Villa (1994) étudient différents scénarios d’un jeu qui
opposent la banque centrale au gouvernement. Ils définissent l’équilibre conjoncturel cohérent
comme le résultat du jeu lorsque chaque autorité tient compte de la stratégie de l’autre en
choisissant sa politique. Ils démontrent que lorsque les autorités choisissent les bonnes
conjectures cet équilibre leur garantit des niveaux de satisfaction plus élevés qu'un équilibre
de Nash.
1.2.3- L’évolution des objectifs
La dernière critique souligne la contradiction entre la volatilité des objectifs déclarés
par les banques centrales et la stabilité des objectifs optimaux qu’elles sont sensées adopter.
Les défenseurs de l’approche politique mettent en avant sa capacité à rationaliser cette
variabilité des objectifs à travers les pressions externes.
Nous pensons que la variation des objectifs de court terme traduit simplement
l’adaptation de la stratégie de la banque centrale aux évolutions de la conjoncture. Pour
atteindre leurs objectifs finaux avec succès, les autorités doivent tenir compte de l’évolution
de la situation économique et adapter leur stratégie en conséquence. Ainsi, l’évolution des
objectifs intermédiaires n’est pas synonyme d’un changement des objectifs finaux, au même
titre qu’un changement de chemin au cours d’un voyage n’est pas nécessairement synonyme
d’un changement de la destination finale.
La conjoncture peut même amener la banque centrale à entreprendre des mesures
contraires à ses préférences. Ce genre de comportement est assez facile à observer chez le
gouvernement dont les préférences et les décisions sont beaucoup plus transparentes. En
France par exemple, des augmentations d'impôts et des aggravations des déficits budgétaires
ont été constatées avec des gouvernements connus pour leur conservatisme. Par contre, des
baisses de dépenses et des vagues de privatisation ont été enregistrées avec des
gouvernements connus pour leur hostilité à ce type de mesures. Les comportements des
gouvernements montrent que le contexte économique prend souvent le dessus sur les
convictions et les préférences des hommes. De même, les banques centrales peuvent être
amenées à varier leurs stratégies à court terme. La stabilité des objectifs de long terme peut
donc être cohérente avec une politique assez variable à court terme imposée par la
195
conjoncture.
2- Quelques commentaires concernant la fonction objectif
2.1- Objectif de production ou objectif d’emploi ?
Nous pensons qu’un objectif de production est préférable à l’objectif d’emploi retenu
par les classiques. Cette idée s’appuie sur les arguments suivants.
Selon l’approche classique, la baisse du taux de chômage ne s'accompagne par aucune
augmentation de la production. La politique monétaire assure donc une sorte de redistribution
qui consiste à transférer une partie de la masse salariale réelle des travailleurs vers les
chômeurs. Nous pensons que la baisse des salaires réels ne peut inciter les entrepreneurs à
recruter si aucune croissance future n’est en perspective. Quelle est la motivation derrière un
nouveau recrutement, si la production désirée peut être réalisée avec la main d’œuvre déjà en
place ?
Sur le plan théorique, la promotion de l'emploi peut s’expliquer par la substituabilité
entre les facteurs travail et capital. Un entrepreneur qui constate une baisse du coût relatif du
travail diminue son intensité capitalistique en substituant la main d’œuvre au capital. Sur le
plan pratique, de nombreuses imperfections empêchent les entrepreneurs d’ajuster leurs
demandes de facteurs conformément à l’hypothèse de substituabilité. Les coûts et les délais
d’ajustement sont les arguments qui vont dans ce sens. Par ailleurs, les entrepreneurs ne vont
pas varier sans cesse leurs stratégies de production aux grès des décisions de la banque
centrale, d’autant plus que les variations des coûts relatifs qui en découlent peuvent être
transitoires. Enfin, la substitution est quasi-impossible dans certains domaines. En effet,
beaucoup de tâches réalisées par les machines ne peuvent être accomplies par le facteur
humain ou bien nécessite une quantité de travail qui revient beaucoup plus cher aux
entrepreneurs. Ces arguments suggèrent une faible substitution entre les facteurs capital, ce
qui réduit sensiblement les chances de la politique monétaire de stimuler l’emploi en agissant
seulement sur le salaire réel.
La croissance de la production constitue donc une condition nécessaire à la baisse du
taux de chômage. Cette idée est compatible avec l’approche keynésienne qui rationalise
l’impact de la politique monétaire sur l’emploi par son effet de relance sur la demande. Nous
avons également souligné que les règles monétaires d’inspiration keynésienne, comme la
196
règle de Taylor, ont un pouvoir descriptif plus fort des comportements effectifs des banques
centrales. Ces règles considèrent que les autorités monétaires réagissent aux variations du taux
de croissance et non du taux de chômage. Elles soutiennent donc une causalité allant de la
production vers l’emploi. Dans cette optique, l'inflation n’est plus à l’origine de la relance,
elle en est plutôt la conséquence. Ainsi, l’objectif réel de la banque centrale doit être exprimé
en termes de production, même si l'emploi constitue sa véritable préoccupation.
Par ailleurs, la banque centrale peut avoir d’autres centres d’intérêt, comme celui de
réduire le déficit de la balance commerciale. Dans ce cas, elle entreprend des mesures qui
visent à accroître la compétitivité des biens nationaux et à promouvoir les exportations. La
baisse de la balance commerciale s’accompagne d’une augmentation du volume de la
production en réponse à l’expansion de la demande étrangère. Le volume de la production
s’avère donc un agrégat assez représentatif des multiples objectifs réels susceptibles
d’intéresser les autorités à court ou à long terme. Pour cette raison, nous le préférons à
l’objectif d'emploi qui représente une seule facette parmi les multiples préoccupations des
autorités.
2.2- Une réinterprétation de l’objectif d’inflation
L'aversion des autorités envers l'inflation s’explique par son impact négatif sur le
pouvoir d’achat et par ses conséquences sur les anticipations. Vus sous un autre angle, ces
deux arguments nous signalent que l’intérêt accordé à l’inflation est indirectement lié aux
objectifs de production de court et de long terme. En dépréciant le pouvoir d’achat des agents,
l’inflation limite la demande privée et se répercute négativement sur la production actuelle.
Par ailleurs, elle alimente les anticipations inflationnistes, réduit la demande future et
compromet les perspectives de croissance. Dans ce sens, l'inflation n’est pas une finalité en
soi, mais reflète plutôt l’attachement des autorités à leurs objectifs réels de court et de long
terme.
Cette lecture offre peut expliquer le fait que les banques centrales ne cherchent pas à
éradiquer totalement l’inflation et se contentent de la contenir dans une fourchette
raisonnable. Les autorités tolèrent la partie réelle de l'inflation qui résulte de la croissance (et
échappe à leurs contrôles) et affichent leurs hostilités envers la partie nominale qui est
préjudiciable à l’activité.
197
Il faut néanmoins répondre à une dernière question : pourquoi les banques centrales
n'affichent-elles pas directement leur intérêt à la production au lieu d’annoncer des cibles
d’inflation ? Nous pensons que les autorités monétaires ne sont pas les véritables instigateurs
de la croissance. La politique budgétaire joue un rôle plus important dans ce domaine et
l’annonce des scénarios de croissance relèverait ainsi de la compétence du gouvernement.
Cependant, la banque centrale peut servir la croissance dans le domaine monétaire où elle est
la plus compétente.
3- Le comportement des travailleurs
L’approche classique considère que les travailleurs s’opposent à toute baisse de leur
pouvoir d’achat et revendiquent systématiquement une indexation parfaite des salaires
nominaux à l’inflation. Dans ce paragraphe, nous proposons quelques arguments qui plaident
en faveur d’une stratégie plus flexible de la part des travailleurs.
3.1- Le risque de licenciement
En cas de récession, certains facteurs peuvent conduire les travailleurs à réagir
différemment aux politiques inflationnistes.
Supposons que l'économie est frappée par un choc récessif qui provoque une
augmentation du taux de chômage. La banque centrale réagit par une politique de relance qui
vise à stabiliser l'emploi. Les travailleurs savent qu’une partie de la main d’œuvre sera
licenciée s’ils refusent de concéder une baisse du taux de salaire réel. Ils sont donc conscients
qu’ils courent le risque de se retrouver au chômage en revendiquant une indexation parfaite
du taux de salaire nominal à l’inflation. Ce risque peut les convaincre de tolérer une baisse des
salaires réels si cette stratégie leur garantit de préserver leurs emplois. Une telle décision est
d’autant plus probable que l’impact du choc sur l’activité est important. Le risque de
licenciement pousse ainsi les travailleurs à supporter en partie le coût du choc.
3.2- Une variété d’objectifs
La stabilité du pouvoir d’achat revête certainement une importance particulière pour les
travailleurs. Lors du processus de négociation, d’autres objectifs peuvent néanmoins prévaloir
momentanément sur les revendications salariales. On peut même constater des accords de gels
des salaires en contrepartie de la satisfaction d’autres revendications. L’existence d’une
multitude d’objectifs peut ainsi conduire à un sous-ajustement des rémunérations nominales à
198
l'inflation même en dehors des périodes de choc.
En dehors du volet salarial, les négociations peuvent porter sur tous les facteurs qui
touchent aux conditions de travail. En effet, les salariées sont de plus en plus soucieux d’exercer
leurs activités dans de bonnes conditions. Ils s’intéressent donc à tout facteur susceptible
d’améliorer leur bien-être au travail. Dans ce sens, nous pensons que l'effort fournit pendant les
heures de travail est un facteur déterminant de leur bien-être. Les travailleurs peuvent tolérer
une baisse des salaires réels si elle incite les entrepreneurs à recruter et à alléger l'intensité de
l'effort fourni par chacun d’entre eux. Dans ce cas, la banque centrale parvient à stimuler
l’emploi avec la coopération des travailleurs. Lors du processus de négociation, ces derniers
acceptent un faible ajustement des salaires en contrepartie d’une politique de recrutement plus
active.
3.3- Une approche plus complète du bien-être social
Dans le modèle classique, l’influence de la politique monétaire sur le bien-être social se
résume à son impact sur le salaire réel d’une part et sur le volume de l’emploi de l’autre. Dans
une optique keynésienne, les relances monétaires déclenchent une multitude de mécanismes et
leurs conséquences sur le bien-être de la société sont plus ambiguës à apprécier.
Soulignons d’abord que la politique monétaire accroît le niveau de satisfaction d’une
partie significative des agents en relâchant leurs contraintes de liquidité. La croissance qui en
découle se répercute positivement sur la situation financière des entreprises. Ces dernières
profitent d’une demande plus forte d’une part, et d’une diminution des charges de leurs dettes
grâce à la baisse du taux d'intérêt de l’autre. Cette amélioration se répercute positivement sur
les résultats des entreprises et donc sur leurs cours boursiers. D'autre part, la baisse du
chômage réduit les dépenses de transfert du gouvernement et augmente les recettes fiscales.
Elle limite ainsi les prélèvements fiscaux futurs. Les agents constatent donc une augmentation
de leurs richesses nettes grâce l’augmentation des dividendes distribués, à la revalorisation de
leurs actifs financiers et à la baisse de leurs redevances fiscales. Ainsi, leur jugement de
l'efficacité de la politique monétaire ne se limite pas à l'examen de ses répercussions sur les
salaires réels.
199
Chapitre 5
La coordination
dans une
optique
stratégique
L’exclusion de la politique budgétaire est l’une des principales lacunes de l’approche
stratégique proposée par la nouvelle école classique. Grâce à son impact sur l’inflation et sur
l’activité, la politique budgétaire peut bouleverser la structure du jeu et contraindre la banque
centrale et les travailleurs à réviser leurs stratégies.
Dans ce chapitre nous complétons le paysage économique en supposant que le
gouvernement prend part au jeu qui oppose les travailleurs à la banque centrale. Nous
examinerons l’impact de la présence de ce troisième joueur sur les problèmes de décision et
sur l’équilibre du modèle. Nous aborderons de nouveau le problème de la crédibilité, afin de
vérifier si la réputation de la banque centrale permet à elle seule d’orienter les anticipations
200
vers la baisse. Nous verrons que la politique budgétaire nourrit les anticipations inflationnistes
et empêche l’économie de converger vers un meilleur équilibre. Nous réintroduirons enfin la
nation de coordination dans ce contexte stratégique. Nous démontrerons qu’elle réduit les
pertes des autorités monétaires et budgétaires et qu’elle garantit l’aboutissement à un équilibre
lorsque les politiques non-coordonnées ne le permettent pas.
201
Section 1 : Performance, crédibilité et coordination dans un jeu à
trois joueurs
Dans cette section, nous reconsidérons le problème de crédibilité dans un jeu à trois
joueurs. Nous examinerons également l’influence qu’exerce la chronologie des décisions sur
l’équilibre du modèle. Nous nous arrêterons enfin sur les problèmes relatifs à la coordination.
I- Présentation du modèle
1- Les fondements théoriques
Notre approche s’inspire du travail de Dixit et Lambertini (2001) qui s’intéresse aux
problèmes de coordination et de crédibilité dans le cadre d'une union monétaire48. Une
caractéristique majeure du modèle que nous présentons est son ouverture aux visions
classique et néokeynésienne de l’économie.
La première équation recense les facteurs qui influencent la production :
yt = yn + σ Gt + γ (πt − πta )
(1)
où Gt, yt et yn représentent respectivement l'instrument de la politique budgétaire, la
production effective et la production compatible avec le taux de chômage naturel. πt et πat
représentent les taux d'inflation effectif et anticipé. σ et γ sont des paramètres positifs qui
mesurent l'effet de la politique budgétaire et des surprises monétaires sur la production.
Les politiques budgétaires expansionnistes peuvent influencer le niveau de la production
en stimulant la demande. Elles peuvent également avoir des effets positifs sur l’offre, à travers
une augmentation des dépenses d’infrastructure ou une baisse de l’impôt sur le capital par
exemple. Les surprises inflationnistes déprécient le taux de salaire réel, relance l'emploi et
peuvent se répercuter positivement sur la production. D’un point de vue keynésien, on peut
considérer que l’inflation non anticipée réduit le taux d’intérêt réel, stimule les
investissements et la consommation, ce qui explique son impact positif sur la production.
Comme nous l’avons souligné, le modèle permet différentes lectures de l’impact des
politiques économiques sur la production.
La deuxième équation définit le taux d'inflation de la période :
48
Anderson et Schneider (1986) et Dixit (2001) proposent également des analyses théoriques de ces problèmes.
202
πt = πt0 + αGt
(2)
où π0t est la part de l'inflation déterminée par les autorités monétaires. Le paramètre α mesure
les conséquences inflationnistes de la politique budgétaire. Nous supposons que la banque
centrale contrôle parfaitement π0t, en manipulant soit la masse monétaire soit le taux d'intérêt.
Le modèle reste ouvert aux modes de gestion défendus respectivement par la nouvelle école
classique et par les néokeynésiens. Pour simplifier les calculs nous supposons que π0t est la
variable de décision de la politique monétaire.
Le modèle est compatible avec des mécanismes de transmission par l’offre et par la
demande. Lorsque γ est nul et π0t est constant on retrouve un cas keynésien extrême : la
demande détermine à la fois la production et l'inflation. Lorsque σ et α sont nuls on retrouve
une vision purement classique de l'économie, où la politique monétaire détermine à la fois
l'inflation et le niveau de la production.
Nous proposons les définitions suivantes des fonctions de perte respectives des autorités
budgétaires et monétaires :
2
et
LG = θ G ( yt − yG ) + (πt − π G )
2
2
LM = θ M ( yt − yM ) + (πt − π M )
2
où yG et yM représentent les volumes de production ciblés respectivement par le gouvernement
et de la banque centrale. πG et πM représentent les taux d'inflation désirés par ces mêmes
autorités. Enfin, θG et θM sont des paramètres positifs qui témoignent de l’importance que le
gouvernement et la banque centrale accordent à la production par rapport à l'inflation.
Nous complétons notre description en précisant quelques hypothèses concernant certains
paramètres et variables du modèle :
(i)
Le volume de production ciblé par les autorités budgétaires est supérieur au volume
naturel :
yG > yn .
Plusieurs explications peuvent justifier cette hypothèse. On peut par exemple supposer que
certaines distorsions, induites par des rigidités nominales ou par des taxations
inappropriées, empêchent l'économie de converger vers un équilibre optimal.
203
(ii)
La banque centrale est plus conservatrice que le gouvernement dans le sens où elle
cible un taux d'inflation et un volume de production moins élevés :
G
yM < yG et π M < π .
Le fait que yM soit inférieur à yG témoigne du faible intérêt qu’accorde la banque centrale
aux objectifs réels. Cette hypothèse peut s’interpréter également comme un conflit sur le
modèle, dans le sens où le taux de chômage naturel est plus élevé pour la banque centrale
que pour le gouvernement.
(iii)
Les agents forment des anticipations rationnelles en se basant sur l'ensemble
d'information dont ils disposent en début de période :
πta = E (πt / It ) .
(3)
L’ensemble It regroupe les informations qui concernent la structure de l’économie,
résumée par les équations (1) et (2), et les préférences des autorités, dont témoignent les
fonctions de perte LG et LM.
2- L'ordre des événements
Les événements se déroulent dans l'ordre suivant :
(i) Si les annonces des autorités monétaires sont crédibles (il existe un mécanisme qui les
contraint à respecter leurs engagements), alors elles rendent publique leur règle de
décision pour la période en cours. Cette règle définit leur réaction aux chocs susceptibles
d'affecter la production.
(ii) Les agents privés forment leurs anticipations en tenant compte des comportements des
deux autorités. La politique budgétaire est toujours discrétionnaire. La politique
monétaire peut prendre deux formes différentes selon que la banque centrale est crédible
ou pas.
(iii) Les chocs surviennent. Ils se manifestent par une variation du volume naturel de la
production ou des paramètres structurels du modèle (σ,α et γ).
(iv) Les autorités fixent les niveaux de leurs instruments. Si la politique monétaire est
crédible, alors la banque centrale se comporte conformément à son annonce, tandis que le
gouvernement choisit la politique qui minimise sa fonction de perte. Dans ce cas, l'ordre
204
de la prise de décision n'est pas important puisque la banque centrale respecte son
annonce indépendamment du moment de son intervention. Si les deux politiques sont
discrétionnaires, alors la prise de décision peut être simultanée ou séquentielle.
II- Le cas de deux politiques discrétionnaires non coordonnées
Nous dérivons l'équilibre du modèle en envisageant différents scénarios de prise décision,
puis nous comparons la production et l'inflation d’équilibre afin d'identifier le meilleur
régime.
1- L'équilibre de Nash
Les travailleurs essayent d'anticiper les fonctions de réaction des deux autorités afin de
prévoir le taux d'inflation futur. Ces fonctions sont issues des programmes d'optimisation qui
reflètent les problèmes de décision du gouvernement et de la banque centrale.
1.1- Le comportement du gouvernement
Pour des anticipations et une politique monétaire données, les autorités budgétaires
essayent de résoudre le programme d'optimisation suivant:
Minimiser
S /C
2
LG = θ G ( yt − yG ) + (πt − π G )
2
 yt = yn + σ Gt + γ (πt − πta ) (1)
système(I )

0
=
+
G
(2)
π
π
α

t
t
t

(3)
πta = E (πt / It )

En dérivant la fonction de perte par rapport à Gt on obtient l’expression de la fonction
de réaction du gouvernement :
θ G (σ + αγ ) ( yt − yG ) + α (πt − π G ) = 0 (4)
A l'équilibre le gouvernement ne peut limiter davantage ses pertes. Les équations (1) et
(2) nous enseignent que toute variation d'une unité de Gt provoque une variation dans le
même sens de (σ+γα) unités de yt, et de α unités de πt. En termes de bien-être, cela
correspond à un gain marginal de θG(σ+γα) et une perte marginale de α. A l’équilibre le coût
marginal d'une réduction d'un point de l'écart entre l'inflation et sa valeur désirée s'élève donc
à θG(σ+γα)/α points d'écart supplémentaire entre la production et sa valeur désirée, comme
205
l’indique l’équation (4).
En substituant les contraintes dans l’équation (4) on obtient une seconde version de la
fonction de réaction du gouvernement :
Gt =
α (π G − πt0 ) +θ G (σ + αγ ) ( yG − yn ) − γ (πt0 − E (πt / It ) ) 
α 2 +θ G (σ + αγ )
2
. (4’)
On peut facilement remarquer que le choix de Gt dépend des objectifs et des préférences
du gouvernement, de la politique monétaire et des anticipations des agents :
(i)
On remarque d'abord que Gt s'accroît avec l'écart entre le volume naturel de la
production et celui ciblé par le gouvernement :
∂Gt
=
θ G (σ + αγ )
∂ ( yG − yn ) α2 +θ G (σ + αγ )
(ii)
2
> 0.
On constate également que la politique est d'autant plus expansionniste que le
gouvernement est indulgent vis à vis de l’inflation :
∂Gt
α
= 2 G
> 0.
G
2
∂π
α +θ (σ + αγ )
(iii)
Les politiques monétaires expansionnistes poussent le gouvernement à modérer ses
interventions :
α +θ Gγ (σ + αγ )
∂Gt
=
−
< 0.
2
∂πt0
α2 +θ G (σ +αγ )
La politique monétaire peut en effet stimuler la production en créant des surprises
inflationnistes, ce qui limite la nécessite d'une relance budgétaire. De plus, les expansions
monétaires dissuadent le gouvernement d'entreprendre des mesures susceptibles
d'accentuer les tentions inflationnistes. Bien que la banque centrale soit plus conservatrice
que le gouvernement, l’inflation demeure une source de désutilité pour ce dernier.
(iv)
Les anticipations accentuent le caractère expansionniste de la politique budgétaire :
θ γ (σ + αγ )
∂Gt
=
> 0.
2
∂E (πt ) α +θ G (σ + αγ )2
G
206
Une augmentation des anticipations inflationnistes provoquera, toute choses égales par
ailleurs, une baisse de la production. Elle contraint ainsi le gouvernement à accroître ses
dépenses afin d’éviter une baisse de l’activité. En plus de son effet direct sur la demande,
la politique budgétaire limite l’écart entre l’inflation effective et l’inflation anticipée, ce
qui contribue également à atténuer la baisse de l’activité.
1.2- Le comportement de la banque centrale
Pour une politique budgétaire et des anticipations données, les autorités monétaires
minimisent leur fonction de perte sous les mêmes contraintes :
2
Minimiser LM = θ M ( yt − yM ) + (πt − π M )
S /C
2
 yt = yn + σ Gt + γ (πt − πta ) (1)
système(II )

0
G
(2)
=
+
π
π
α

t
t
t

(3)
πta = E (πt / It )

En dérivant la fonction de perte par rapport à l’instrument monétaire π0t , on arrive à
une expression simplifiée de la fonction de réaction de la banque centrale :
θ M γ ( yt − yM ) + (πt − π M ) = 0 .
(5)
A l’équilibre toute réduction d'une unité de l'écart entre les taux d'inflation effectif et
désiré entraîne une perte marginale qui s'élève à θMγ unités d'écart entre les productions
effective et ciblée. Ainsi, tout gain de bien-être tiré d’une croissance de la production est
compensé par une perte de même taille due à une augmentation de l’inflation et vice versa.
En substituant les contraintes dans l’équation (5) on arrive à la version complète de la
fonction de réaction de la banque centrale :
0
t
π =
θ M γ 2 E (πt ) + π M − (α +θ M γ (σ + αγ ) ) Gt +θ M γ ( yM − yn )
1 +θ M γ 2
(5’)
A partir de l'équation (5’), nous déduisons les propriétés suivantes :
(i)
La réaction monétaire est d'autant plus forte que l’objectif d'inflation de la banque
centrale est élevé :
207
∂πt0
1
=
> 0.
M
∂π
1+θ M γ 2
(ii)
Plus l’écart entre les volumes naturel et ciblé de la production est élevé, plus la banque
centrale est tentée de générer des surprises monétaires :
∂πt0
∂ ( yM − yn )
(iii)
=
θ Mγ
> 0.
1+θ M γ 2
La banque centrale est obligée de pratiquer une politique au moins aussi
expansionniste que celle attendue par les agents si elle veut éviter une baisse de la
production. Sa réaction est donc nécessairement croissante par rapport aux anticipations :
∂πt0
θ Mγ 2
=
> 0.
∂EIt (πt ) 1+θ Mγ 2
(iv)
Les relances budgétaires modèrent le caractère expansionniste de la politique
monétaire, car elles stimulent la production d'une part et génèrent de l'inflation de l'autre.
Ainsi, la banque centrale n'a pas besoin d'intervenir fortement pour atteindre son objectif
de production, et doit adopter une politique passive si elle veut respecter son objectif
d'inflation :
α +θ γ (σ + αγ )
∂πt0
=−
< 0.
∂Gt
1+θ M γ 2
M
1.3- Les propriétés de l'équilibre
L'équation (5) nous permet d’exprimer le taux d'inflation en fonction de la production :
πt = π M −θ M γ ( yt − yM ) . (6)
A l’aide des équations (4) et (6) on dérive l'expression de la production d'équilibre :
yt =
α (π G − π M ) +θ G (σ + αγ ) yG −θ Mαγ yM
θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ
(7)
En remplaçant yt par son expression dans l’équation (6) on peut exprimer le taux
d'inflation d'équilibre en fonction des paramètres et des variables exogènes du modèle.
A partir de l'équation (7) on constate que les propriétés de l'équilibre dépendent de la
208
valeur "θG(σ+γα)-θMα γ " au dénominateur. On distingue les trois cas suivants :
Cas 1 : θG(σ+γα)>θMαγ.
A partir de l’équation (7), et sachant que yG est supérieur à yM, on peut écrire :
yt =
α (π G − π M ) +θ G (σ +αγ ) yG −θ Mαγ yM
θ (σ + αγ ) −θ αγ
G
M
> yG +
α (π G − π M )
θ (σ + αγ ) −θ
G
M
(π
αγ
G
−π M ) .
Or, on sait par hypothèse que πM est inférieure à πG et que α est positif. Il s'ensuit que
le terme à droite de yG dans l'inégalité précédente est positif. La production d'équilibre est
donc supérieure à celle désirée par les autorités budgétaires.
En tenant compte de ce résultat au niveau de l'équation (6), on peut facilement voir
que le taux d'inflation d'équilibre est plus faible que celui ciblé par les autorités monétaires :
yt > yG ⇒ yt > yM ⇒πt − π M = θ M γ ( yt − yM ) < 0 .
Le jeu entre le gouvernement, la banque centrale et les travailleurs conduit donc à un
excès de production et à une faible inflation. Dixit et Lambertini (2001) considèrent qu'un tel
équilibre est indésirable pour les trois joueurs essentiellement pour des considérations de long
terme. En effet, le niveau élevé de la production est obtenu moyennant une forte expansion
budgétaire. A terme, une telle politique entraîne une forte croissance de la dette publique, une
hausse du taux d'intérêt et se traduit par conséquent par un ralentissement de l'activité. Dans
l'immédiat, la dynamique d’emploi instaurée par la forte croissance se traduit par une
augmentation du temps de travail au détriment du loisir, ce qui peut détériorer le bien-être des
travailleurs.
Ces mécanismes n'apparaissent pas d'une façon explicite dans le modèle, mais peuvent
être perçus à travers le fait que les écarts par rapport aux cibles sont considérés comme
indésirables, qu'il s'agisse d'écarts positifs ou négatifs49.
Cas 2 : θG(σ+γα)<θMαγ.
A partir de l'équation (7), et sachant que yG est supérieur à yM, on peut écrire :
yt =
49
α (π G − π M ) +θ G (σ + αγ ) yG −θ Mαγ yM
θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ
M
<y +
α (π G − π M )
θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ
(π
G
−π M ) .
Les fonctions de perte sont quadratiques.
209
Or, on sait par hypothèse que πM est inférieur à πG et que α est positif. Il s'ensuit que le
terme à droite de yM dans l'inégalité précédente est négatif. La production d'équilibre est donc
inférieure à celle désirée par la banque centrale.
En tenant compte de ce résultat au niveau de l'équation (4), on peut facilement voir
que le taux d'inflation d'équilibre est plus fort que celui désiré par les autorités budgétaires :
θ G (σ + αγ )
πt = π −
( yt − yG ) > π G .
α
G
Dans ce cas, l'équilibre est sous-optimal essentiellement pour des considérations de
court terme. La forte inflation et le faible revenu se répercutent négativement sur le bien-être
des trois joueurs.
Cas 3 : θG(σ+γα)=θMαγ.
Aucun équilibre n'est possible dans ce cas, car les deux autorités tirent des gains
marginaux identiques de leurs politiques, tout en générant des pertes identiques chez leur visà-vis : la perte que subit le gouvernement à la suite d'une baisse d'une unité de π0t est
équivalente à celle supportée par la banque centrale à la suite d'une augmentation d'une unité
de Gt.
Prenons l'exemple d'une politique monétaire qui vise à réduire le taux d'inflation. Le
gouvernement réagit à une telle initiative par une augmentation de Gt, ce qui génère chez la
banque centrale un coût équivalent au gain qu'elle a tiré de sa politique restrictive. Les deux
politiques se neutralisent mutuellement en termes de bien-être (ou en termes de réduction de
la perte). Dans une telle configuration, les deux autorités continuent à faire des usages
symétriques de leurs instruments sans qu'aucune d'entre elles ne parvienne à imposer sa
politique.
1.4- Une interprétation des résultats
Pour arriver à une lecture pertinente des résultats, il faut attribuer un sens économique à
la valeur [θG(σ+γα)-θMαγ] et à son signe.
Prenons l’exemple d’une politique de désinflation. Les pertes marginales subies par le
gouvernement et par la banque centrale s'élèvent respectivement à θG(σ+γα)/α et θMγ par
unité d'inflation. En calculant l'écart entre ses pertes on remarque qu'il a le même signe que la
210
valeur en question :
θ G (σ + αγ ) M θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ
−θ γ =
α
α
G
 θ (σ +αγ ) M 
⇒ Signe 
−θ γ  = signe (θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ )


α


Ainsi, le premier équilibre (lorsque θG(σ+γα) est supérieur à θMαγ) correspond au cas
où le gouvernement occasionnerait une perte marginale supérieure à celle subie par la banque
centrale contre chaque baisse de l’inflation.
Le contraire est vrai dans le cas d'une politique de relance. Les pertes marginales
occasionnées par le gouvernement et par la banque centrale pour chaque unité de production
gagnée s'élèvent à respectivement à α/[θG(σ+γα)] et 1/(θMγ). On peut facilement voir que
l’écart entre ses pertes prend le signe inverse de la quantité [θG(σ+γα)-θMαγ] :
M
G
α
1 θ αγ −θ (σ + αγ )
−
=
.
θ G (σ + αγ ) θ M γ θ Mθ Gαγ (σ + αγ )
Ainsi, le deuxième équilibre correspond aux cas où la banque centrale occasionne plus
de perte que le gouvernement par unité de production gagnée.
Les deux propositions suivantes récapitulent ces idées :
•
Lorsque θG(σ+γα) est supérieur à θMαγ, le gouvernement tire plus de satisfaction que la
banque centrale d'un accroissement de la production, et subit une perte plus importante à
la suite d'une baisse du taux d'inflation.
•
Lorsque θG(σ+γα) est inférieur àθMαγ, la banque centrale tire plus de satisfaction que le
gouvernement des politiques de relance, et subit une perte plus importante à la suite des
politiques restrictives.
Ces deux propositions nous permettent de comprendre la logique qui sous-tend les
propriétés symétriques des deux équilibres.
Ainsi, lorsque le gouvernement tire une forte satisfaction de la croissance de la
production, tandis que la banque centrale tire plus de bien-être d’une baisse de l'inflation, le
jeu débouche sur un équilibre caractérisé par une politique budgétaire fortement
expansionniste et une politique monétaire très restrictive. Les préférences symétriques des
211
deux autorités les conduisent à renforcer leurs politiques respectives : les expansions
budgétaires génèrent de l'inflation et poussent la banque centrale à pratiquer une politique
d'autant plus restrictive, tandis que les restrictions monétaires risquent de créer des surprises
négatives et encouragent le gouvernement à stimuler davantage la production. On arrive donc
à un équilibre caractérisé par une faible inflation et une forte production. Le niveau de
l’activité s’explique par la valeur élevée de l’instrument budgétaire, tandis que la rigueur
monétaire est à l’origine du faible taux d’inflation.
Lorsque θG(σ+γα) est inférieur à θMαγ, on retrouve la configuration inverse : la banque
centrale tire plus de satisfaction d'une croissance de la production, tandis que le gouvernement
tire davantage de bien-être d'une baisse de l'inflation. La banque centrale poursuit donc une
politique laxiste et contraint le gouvernement à adopter des mesures restrictives afin
d’atténuer les tensions inflationnistes. Cependant, la banque centrale ne réussira pas à
atteindre son objectif, car les travailleurs anticipent ses intentions et l'empêchent de stimuler
l'activité. On arrive donc à un équilibre caractérisé par une faible production et une forte
inflation. Le laxisme de la banque centrale et la rigueur affichée par le gouvernement se
traduisent par une valeur élevée pour l’instrument monétaire et une faible valeur pour
l’instrument de la politique budgétaire.
Enfin, lorsque la satisfaction que tire chaque autorité de sa propre politique est
totalement évincée par la perte que génère l’intervention de son homologue, le jeu ne peut
aboutir à un équilibre. Géométriquement, ce cas correspond à des fonctions de réaction
parallèles, ce qui exclut toute possibilité d'équilibre. Du point de vue pratique, la banque
centrale répond à toute variation de Gt par une variation de la même ampleur de π0t. Les deux
politiques produisent des effets symétriques de même taille chez les deux autorités et
n'exercent donc aucun effet sur leurs fonctions de perte.
Nous proposons une analyse graphique des différentes possibilités d’équilibre dans
l'annexe 5.1. Nous démontrons que l’absence d’équilibre correspond au cas où les fonctions
de réaction sont parallèles.
2- L'équilibre de Stackelberg
Nous étudions maintenant l’impact du timing des décisions sur l’équilibre du modèle, en
supposant que les autorités prennent leurs décisions à deux instants différents. Nous
212
envisageons le cas d’un leadership monétaire, où les décisions de la banque centrale précèdent
celles du gouvernement.
2.1- La résolution du modèle
Le gouvernement observe le choix de la banque centrale avant de mettre en place sa
politique. Son problème de décision consiste à déterminer la valeur optimale de l’instrument
budgétaire pour une politique monétaire et des anticipations données, et en tenant compte des
caractéristiques de l'économie. Son programme d’optimisation correspond toujours au
système (I), et les équations (4) et (4’) offrent donc une description de sa fonction de réaction.
Les autorités monétaires tiennent compte de la future réaction du gouvernement en
choisissant leur politique. Elles minimisent toujours la même fonction de perte, mais rajoutent
une quatrième contrainte qui correspond à la fonction de réaction du gouvernement :
2
LM = θ M ( yt − yM ) + (πt −π M )
Minimiser
S /C
2

yt = yn + σ Gt + γ (πt − πta )

πt = πt0 + αGt


πta = E (πt / Ii )


G
0
G
0
 G n

G = α (π − πt ) +θ (σ + αγ ) ( y − y ) − γ (πt − E (πt ) )
2
 t
α 2 +θ G (σ + αγ )

(1)
(2)
système(III )
(3)
(4)
A l'équilibre, la dérivée de LM par rapport à π0t est nulle :
∂y
∂π
∂LM
= θ M ( yt − yM ) t0 + (πt − π M ) t0 = 0 .
0
∂πt
∂πt
∂πt
On peut déduire les premières versions des dérivées de yt et πt par rapport à π0t à partir
des contraintes (1) et (2) :
∂yt
∂G
= γ + (σ + αγ ) 0t
0
∂πt
∂πt
et
∂πt
∂G
= 1 + α 0t .
0
∂πt
∂πt
A partir de la contrainte (4) on obtient la dérivée de Gt par rapport à π0t :
α +θ Gγ (σ + αγ )
∂Gt
=
−
.
2
∂πt0
α2 +θ G (σ + αγ )
A l’aide de cette expression, on peut déduire les versions définitives des dérivées de yt
213
et πt par rapport à π0t :
θ σ (σ + αγ )
∂πt
=−
.
0
2
2
∂πt
α +θ G (σ + αγ )
G
∂yt
ασ
= 2 G
0
∂πt α +θ (σ + αγ )2
et
Ces deux équations permettent enfin de compléter l’expression de la fonction de
réaction de la banque centrale :
∂LM
= θ G (σ +αγ ) (πt − π M ) −θ Mα ( yt − yM ) = 0 . (8)
0
∂πt
En s’appuyant sur les équations (4) et (8), on peut calculer le volume de la production
à l'équilibre :
2
yt =
θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M ) +θ Mα2 yM + (θ G ) (σ + αγ ) yG
2
θ Mα2 + (θ G ) (σ + αγ )
2
2
.
(9)
En substituant cette expression dans l’équation (8), on obtient l’expression du taux
d’inflation d’équilibre.
2.2- Les propriétés de l’équilibre
En comparant les résultats de l’équilibre de Nash à ceux issus de l’équilibre de
Stackelberg avec leadership monétaire, on arrive aux conclusions suivantes :
•
Si θG(σ+γα) est supérieur à θMαγ, alors le volume de production est plus faible dans
le cas d’un équilibre de Stackelberg avec leadership monétaire (voir la première partie
de l'annexe 5.2 pour une démonstration de ce résultat).
•
On arrive à la conclusion inverse lorsque θG(σ+γα) est inférieur àθMαγ : la production
s'accroît en cas de leadership monétaire (voir le deuxième cas de l'annexe 5.2).
L’équation (4), qui est valable aussi bien pour l’équilibre de Nash que pour l’équilibre
de Stackelberg50, nous enseigne que le taux d'inflation d’équilibre est négativement corrélé au
volume de production :
πt = π G −
50
θ G (σ + αγ )
( yt − yG ) .
α
La fonction de réaction du gouvernement est la même dans les deux cas.
214
D’après cette équation, l’équilibre qui offre la production la plus forte aboutit au taux
d’inflation le moins élevé. Ainsi, dans le premier cas l’équilibre de Stackelberg doit conduire
à un taux d’inflation plus fort que celui issu de l’équilibre de Nash. Dans le second cas, le
taux d'inflation sera plus faible dans le cas d’un jeu séquentiel avec un leadership monétaire
que dans le cas d'un jeu simultané.
Ces résultats montrent que l'équilibre de Stackelberg avec leadership monétaire est
toujours plus satisfaisant que l'équilibre de Nash. Dans le premier cas il permet de contenir
l’expansionnisme budgétaire et de limiter l’excès de rigueur de la part de la banque centrale.
La production sera donc plus faible et l’inflation plus forte51. Il rapproche la production et
l’inflation de leurs niveaux désirés et accroît ainsi le niveau de satisfaction des autorités
budgétaires et monétaires. Dans le deuxième cas, le jeu séquentiel génère un surplus de bienêtre en relançant la production et en atténuant l’inflation.
L’ordre de la prise de décision offre à la banque centrale la possibilité d’orienter la
politique budgétaire dans un sens qui garantit un meilleur équilibre. La banque fixe une
politique modérée est obtient une réaction modérée de la part du gouvernement, ce qui
explique l’aboutissement à un équilibre plus satisfaisant. Ce résultat aurait pu être atteint dans
le cas du jeu simultané, si chaque autorité avait la garantie d’une attitude coopérative de la
part de son homologue. Le manque de crédibilité poussait néanmoins les autorités à choisir
des stratégies qui les protègent contre le risque de tricherie. Elles adoptent ainsi un
comportement analogue à celui des travailleurs, qui imposent un équilibre à forte inflation
pour se protéger contre les surprises inflationnistes.
Le leadership monétaire conduit donc à un meilleur équilibre parce qu’il élimine le risque
de tricherie et résout le problème de crédibilité qui se pose lorsque les décisions sont prises
simultanément. Etant le dernier joueur à dévoiler son choix, le gouvernement ne cours plus
aucun risque. De son côté, la banque centrale est consciente que le décalage au niveau des
prises de décision élimine le risque de tricherie et offre des possibilités d’équilibre plus
satisfaisantes. Elle choisit donc la politique qui lui garantit la meilleure réaction de la part du
gouvernement. Le jeu se solde ainsi par un équilibre plus satisfaisant pour les deux autorités.
Nous rappelons toutefois que cet équilibre reste sous-optimal, dans la mesure où il ne permet
ni à la banque centrale ni au gouvernement d'atteindre leurs objectifs.
51
Nous rappelons que l’équilibre caractérisé par un excès de production et une trop faible inflation est considéré
comme sous-optimal pour des raisons de long terme.
215
Outre le conflit d'objectif, nous savons que les anticipations des travailleurs contribuent à
expliquer l'inefficacité de l'équilibre. Dans le chapitre précédent, nous avons vu qu’un
meilleur résultat peut être atteint lorsque la banque centrale jouit d'une certaine crédibilité
auprès des agents. Nous allons vérifier si ce résultat tient toujours lorsqu’un troisième
partenaire, à savoir le gouvernement, fait partie du jeu.
III- Le cas d'une banque centrale crédible
Nous allons considérer le cas où les annonces de la banque centrale sont parfaitement
crédibles. Les travailleurs et le gouvernement prennent donc leurs décisions en parfaite
connaissance de la politique monétaire. Les annonces faites par la banque centrale peuvent
avoir une influence déterminante sur l'équilibre du modèle, dans la mesure où sa crédibilité lui
permet d'orienter à la fois les anticipations des travailleurs et la politique gouvernementale.
Nous allons donc réétudier son problème de décision afin de dériver les équations d'équilibre.
Le gouvernement prend sa décision pour une politique monétaire et des anticipations
données. Sa fonction de réaction est donc toujours la même (les équations (4) et (4’)). Pour les
autorités monétaires, les anticipations des agents ne sont plus connues mais sont une fonction
de leur politique annoncée exante. La représentation mathématique de leur problème de
décision est donc toujours la même, sauf que πa devient une variable dépendante de π0t. Pour
pouvoir dériver l’expression de la politique monétaire optimale il faut donc exprimer les
anticipations en fonction de la politique annoncée.
A partir des équations (2) et (3) du système (III) on peut écrire :
πta = E (πt / It ) = πt0 + α E ( Gt / It ) .
On a considéré que E (πt0 ) = πt0 , car une banque centrale crédible est contrainte par son
annonce. L’inflation anticipée dépend donc de la réaction budgétaire anticipée. En appliquant
l'espérance mathématique des deux côtés de la contrainte (4) du système (III), et en s'appuyant
sur la définition de l'inflation anticipée qu'on vient de proposer, on dérive l'expression
suivante de la réaction budgétaire anticipée :
E ( Gt ) = −
α (πt0 − π G ) +θ G (σ + αγ ) ( yn − yG )
α2 +θ Gσ (σ + αγ )
. (10)
216
L'expression complète de l'inflation anticipée est donc la suivante :
πta = πt0 −
α2 (πt0 − π G ) +θ Gα (σ + αγ ) ( yn − yG )
α2 +θ Gσ (σ + αγ )
. (11)
L'équation (11) nous enseigne que les anticipations sont d'autant plus forte que l'écart
entre la production naturelle et la production ciblée par le gouvernement est fort. L'importance
relative accordée à l'emploi et le taux d'inflation ciblé par le gouvernement ont également des
effets positifs sur les anticipations. Quant à la politique monétaire, elle génère deux effets
contraires : l'activisme monétaire alimente les anticipations inflationnistes d’un côté et
contribue à stimuler l'activité à travers son impact sur la demande de l’autre. Il limite ainsi le
caractère expansionniste de la politique budgétaire et contribue indirectement à contenir les
tensions inflationnistes. Toutefois, le premier effet l’emporte puisque la dérivée de πat par
rapport à π0t est positive :
∂πta
α2
=
1
−
> 0.
∂πt0
α 2 +θ Gσ (σ + αγ )
D'après les contraintes (1) et (2) du système (III), les dérivées de l'inflation et de la
production par rapport à π0t prennent les formes suivantes:
∂πt
∂G
= 1 + α 0t
0
∂πt
∂πt
et
(12)
∂yt
∂πta
∂G
γ
=
+ (σ + αγ ) 0t . (13)
0
0
∂πt
∂πt
∂πt
Les équations (10) et (11) permettent de calculer les dérivées de Gt et πat par rapport à
π0t :
α ( A1 +θ γα (σ + αγ ) )
∂Gt
=−
et
0
A1 A2
∂πt
G
∂πta
α2
=
1
−
A2
∂πt0
2
où A1 = α2 +θ G (σ + γα ) et A2 = α 2 +θ Gσ (σ + γα ) .
En substituant ces dérivées dans les équations (12) et (13), et en procédant à quelques
manipulations algébriques, on obtient les expressions suivantes des dérivées de πt et de yt par
217
rapport à π0t :
∂yt
ασ
=−
et
0
A2
∂πt
G
∂πt θ σ (σ + αγ )
=
.
A2
∂πt0
On peut maintenant déduire une expression simplifiée de la fonction de réaction de la
banque centrale :
∂LM
= θ Gσ (σ + αγ ) (πt − π M ) −θ Mσα ( yt − yM ) = 0
0
∂πt
On constate que cette équation est identique à la condition du premier ordre dérivée
dans le cas d’un équilibre de Stackelberg avec leadership monétaire. On rappelle que la
fonction de réaction du gouvernement est également la même dans les deux cas. Les deux
modèles débouchent donc sur les mêmes valeurs d’équilibre pour la production et pour
l’inflation :
2
yt =
et
θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M ) + (θ G ) (σ + αγ ) yG +θ Mα 2 yM
G 2
(θ ) (σ +αγ )
2
2
+ θ Mα 2
.
θ Mσα
πt = π M + G
( yt − yM )
θ σ (σ + αγ )
La crédibilité dont bénéficie la banque centrale ne lui permet donc pas d'atteindre un
meilleur équilibre. En effet, le caractère discrétionnaire de la politique budgétaire l'empêche
d’orienter les anticipations inflationnistes à la baisse. Les agents savent que même si les
autorités monétaires respectent leurs annonces, une politique budgétaire expansionniste peut
également générer de l’inflation. En l’absence d’une contrainte qui garantit une politique
coopérative de la part du gouvernement, ils ancrent leurs anticipations au taux d'inflation
temporellement cohérent : celui qui les met à l'abri des surprises inflationnistes quel que soit
leur origine.
Le problème de crédibilité prend donc une nouvelle dimension avec l’introduction du
gouvernement dans le jeu. Une politique monétaire crédible ne suffit plus à elle seule pour
lutter efficacement contre l’inflation. Pour atteindre un équilibre plus satisfaisant il faut
également imposer des contraintes budgétaires crédibles. Seule la crédibilité des deux
autorités met les travailleurs à l’abri des surprises inflationnistes et oriente ainsi les
218
anticipations vers la baisse. Certains économistes voient en ces résultats un soutien théorique
aux critères budgétaires adoptés par l’union européenne. Ces critères imposent implicitement
un seuil maximal à l’instrument budgétaire et contiennent donc l’inflation qu’il est susceptible
de générer. Associées à une banque centrale européenne crédible, ces contraintes budgétaires
permettent de lutter plus efficacement contre l’inflation.
IV- L'équilibre en cas de politiques coordonnées
Nous supposons que le gouvernement et la banque centrale adoptent les mêmes objectifs
de production de d'inflation : y* et π*.
L’adoption d’objectifs communs peut être issue d'un processus de négociation du type
Nash-Bargaining entre les deux autorités. Dans ce cas, les valeurs ciblées seront des
moyennes pondérées des valeurs désirées par la banque centrale d’un côté et par le
gouvernement de l’autre :
y* = λ yG + (1− λ) yM et π * = λπ G + (1− λ) π M
où λ et (1-λ) représentent respectivement les poids du gouvernement et de la banque centrale
dans le processus de négociation.
L'importance relative accordée à la production demeure différente d'une autorité à
l'autre. Ainsi, le gouvernement minimise la fonction de perte suivante :
2
2
Minimiser
LG = θ G ( yt − y* ) + (πt − π * )
S /C
 yt = yn + σ Gt + γ (πt − πta ) (1)

πt = πt0 + αGt
(2)

a

πt = E (πt / It )
(3)

Le programme d'optimisation de la banque centrale ne diffère de celui du
gouvernement que par la fonction de perte qui se distingue cette fois uniquement par
l'importance relative accordée à l'emploi θM.
En substituant les contraintes (1) et (2) dans la fonction objectif du gouvernement, et
en la dérivant par rapport à Gt on obtient la condition du premier ordre :
219
∂LG
= θ G (σ + αγ ) ( yt − y* ) + α (πt − π * ) = 0 .
∂Gt
(14)
La condition du premier ordre issue du programme d'optimisation de la banque
centrale est la suivante :
∂LM
= θ M γ ( yt − y* ) + (πt − π * ) = 0 .
0
∂πt
(15)
A partir de l’équation (15), on dérive une expression de πt en fonction de yt, qu’on
substitue dans (14) pour obtenir l’expression de la production d’équilibre:
(θ (σ +αγ ) −θ
G
M
γα )( yt − y* ) = 0 .
Nous distinguons les deux cas suivants :
Cas 1 :
θG(σ+γα) ≠ θMαγ.
L’équation d’équilibre implique que yt est nécessairement égal à y*. A l’aide de ce résultat,
l’équation (15) nous enseigne que le taux d’inflation d'équilibre correspond également à
au taux d'inflation ciblé par les deux autorités : πt = π*.
Cas 2 :
θG(σ+γα) = θMαγ.
Les équations (14) et (15) nous enseignent que les fonctions de réaction de la banque
centrale et du gouvernement sont identiques, ce qui signifie que le jeu admet une infinité
de solutions. En effet, plusieurs valeurs des instruments budgétaires et monétaires
permettent d’atteindre l’équilibre ciblé par les deux autorités. Aucune autorité ne peut donc
prévoir avec certitude le choix de l’autre lorsque les décisions sont prises simultanément.
Le jeu peut donc aboutir à autant d’équilibre que de combinaison entre les instruments
monétaire et budgétaire. quant aux travailleurs ils ne disposent d’aucune base pour former
leurs anticipations.
Deux solutions permettent de résoudre ce problème. La première solution consiste à
introduire un décalage entre les décisions de la banque centrale et du gouvernement. Le
passage d’un jeu simultané à un jeu séquentiel offre à l’autorité qui décide en dernier la
possibilité de choisir la politique qui conduit à l’équilibre optimal. Cette solution est
difficile à mettre en place car l’autorité qui décide en premier est celle qui détermine
220
indirectement les valeurs des instruments à l’équilibre. Sa décision impose en effet une
solution unique au dernier joueur. Dans ce cas, les deux autorités peuvent se disputer le
privilège de fixer leur politique en premier, ce qui peut les empêcher d’arriver à un accord.
La deuxième solution consiste à négocier l’importance relative accordée à la production.
Le processus de négociation débouche sur un compromis caractérisé par une moyenne
pondérée des préférences respectives du gouvernement et de la banque centrale à ce sujet :
θ * = λ1θ G + (1 − λ1 )θ M .
A l’aide de la valeur négociée de θ, la condition d’équilibre devient :
θ *σ ( yt − y* ) = 0
ce qui signifie que la production d’équilibre correspond impérativement à sa valeur
désirée. Le même résultat est également valable pour le taux d’inflation.
En conclusion, on peut dire que la coordination permet d’atteindre un équilibre plus
satisfaisant, dans le sens où elle garantit aux deux autorités la réalisation des objectifs qu’elles
se sont fixés. Ce résultat peut être atteint par la seule négociation des objectifs. Il est
néanmoins préférable que les deux autorités s’accordent sur l’importance relative de l’emploi
pour écarter définitivement le risque d’une indétermination de l’équilibre.
Nous soulignons enfin deux remarques importantes. D'abord, la négociation des cibles et
des poids relatifs qui leur sont accordés ne constitue pas l'unique forme de coordination. Des
désaccords plus fondamentaux peuvent en effet opposer la banque centrale au gouvernement.
Ces conflits peuvent porter sur la structure du modèle et les valeurs des paramètres par
exemple. Dans ce cas la coordination doit prendre une forme différente.
Nous rappelons ensuite que la réussite du processus de coordination dépend de sa
crédibilité. Il faut qu'il soit accompagné de quelques réformes institutionnelles qui le rendent
crédible, car la négociation en soi n'apporte aucune garantie d'un respect des engagements de
la part du gouvernement et de la banque centrale.
Section 2 : Critiques et extensions du modèle
Au cours de notre exposé, nous avons recensé deux inconvénients de taille concernant
l’approche proposée par Dixit et Lambertini (2001) : d’une part elle aboutit à certains résultats
221
contre-intuitifs et d’autre part elle conduit à une indétermination de l'équilibre pour certaines
valeurs des paramètres. Dans la suite de ce chapitre, nous essayons d’identifier les origines de
ces problèmes et de leur proposer quelques solutions.
I- Des résultats et des hypothèses non conventionnelles
En étudiant les propriétés de l'équilibre de Nash nous relevons deux principales
incohérences. La première concerne l'équilibre caractérisé par une faible inflation et une forte
production. Alors qu’une telle performance est l’objectif déclaré de la plupart des
gouvernements et des banques centrales, Dixit et Lambertini (2001) la qualifient d'indésirable
pour des raisons de long terme non apparentes dans le modèle. La deuxième concerne les
hypothèses qui sous-tendent l’équilibre à forte production et à faible inflation : il suppose que
la banque centrale est plus conservatrice que le gouvernement (yM < yG et πM<πG), tout en
considérant qu'elle accorde plus d’importance à la production que le gouvernement
(θM>θG(1+σ /αγ) ).
Nous pensons que ces incohérences s’expliquent essentiellement par la modélisation des
conséquences réelles de la politique monétaire et par la forme des fonctions de perte.
1- Les canaux de transmission de la politique monétaire
La modélisation des liens entre les sphères réelle et monétaire est proche de la doctrine
classique. Seule l’inflation surprise permet à la politique monétaire de produire des effets
réels, ce qui privilégie une transmission par le canal de l'offre. Cette approche nous semble
assez restrictive, car elle exclut une multitude de mécanismes susceptibles d’expliquer les
conséquences réelles de la politique monétaire, et notamment ceux qui passent par le canal de
la demande. Les variations du taux d'intérêt par exemple exercent une influence directe sur
des composantes de la demande telles que la consommation et l'investissement. Les variations
du taux d'inflation induite par les mesures monétaires affectent la richesse réelle des agents et
se ressentent également au niveau de la demande privée.
Nous illustrons l'apport de ces canaux de transmission, en proposant une approche
alternative dans laquelle la politique monétaire exerce une influence certaine sur la demande52
à travers les variations du taux d'intérêt réel. La nouvelle dynamique de la demande est décrite
par l’équation suivante :
52
L'influence est certaine parce qu'elle ne dépend pas des anticipations des agents.
222
yt = yn + σ Gt − γ ( rt − πt ) . (16)
La production réagit positivement à toute baisse du taux d’intérêt réel.
Le taux d'inflation est toujours le produit des politiques budgétaire et monétaire :
πt = −µrt + αGt
(17)
où µ est paramètre positif. D’un point de vue keynésien, l’inflation serait le résultat des
tensions qui apparaissent sur le marché des biens à la suite des relances monétaires. Une
lecture classique consiste à considérer l’inflation comme le produit d’une augmentation la
quantité de monnaie induite par la baisse du taux d’intérêt nominal.
Nous réétudions les problèmes de décisions des deux autorités sous ces nouvelles
contraintes économiques. Le gouvernement résout le programme d’optimisation suivant :
2
Minimiser LG = θ G ( yt − yG ) + (πt − π G )
S /C
2
 yt = yn + σ Gt − γ ( rt − πt ) .

πt = −µrt + αGt

Sa fonction de réaction prend la forme suivante :
θ G (σ + γα ) ( yt − yG ) + α (πt − π M ) = 0 .
La banque centrale minimise sa fonction de perte sous les mêmes contraintes.
L’équation suivante nous décrit sa fonction de réaction :
θ M γ (1 + µ ) ( yt − yM ) + µ (πt − π M ) = 0 .
A partir des fonctions de réaction, on peut facilement dériver l’expression du volume
de la production à l’équilibre :
yt =
αµ (π G − π M ) +θ G µ (σ + γα ) yG +θ Mαγ (1− µ ) yM
θ G µ (σ + αγ ) +θ Mαγ (1− µ )
. (18)
Le taux d'inflation d'équilibre peut être obtenu en substituant l’expression de yt dans
l’une des fonctions de réaction.
Là encore les propriétés de l’équilibre de Nash dépendent du signe du terme au
dénominateur. Une simple manipulation algébrique, identique à celle décrite au cours de la
223
première section (page 9 et 10), nous permet d’énoncer les résultats suivants :
Cas 1 :
θGµ(σ +αγ) + θMαγ(1-µ)>0.
A l’équilibre, la production atteint un volume supérieur à celui désirés par le
gouvernement et par la banque centrale (yt>yG>yM), tandis que le taux d'inflation est plus
faible que celui désiré par chacune des deux autorités (πt<πM<πG).
Cas 2 :
θGµ(σ +αγ) +θMαγ(1-µ)<0.
La production est en dessous des espérances des deux autorités (yt<yM<yG), tandis que le
taux d'inflation est supérieur à ses deux valeurs ciblées (πt>πG>πM).
Notre intérêt porte sur ce deuxième cas. Nous écrivons sous une forme différente la
condition qui détermine les caractéristiques de cet équilibre :
µ<
θ Mαγ
. (19)
θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ
On peut spécifier des conditions similaires pour les paramètres σ , α et γ. Ces contraintes
signifient que l’équilibre dépend de l'impact qu'exercent les politiques monétaire et budgétaire
sur la production et sur l'inflation (des valeurs des paramètres µ,σ, α et γ ). L’équation (19)
nous enseigne que ce résultat peut être atteint pour n’importe quelles valeurs de θM et θG, si µ
satisfait la condition spécifiée. Ainsi, les propriétés de cet équilibre peuvent être satisfaites
même lorsque la banque centrale accorde moins d'importance à la production que le
gouvernement (la condition d’équilibre peut être vérifiée lorsque θM est inférieur à θG).
On peut donc affirmer que pour certaines valeurs des paramètres, il est possible d’obtenir
des résultats standards qui ne reposent pas sur des hypothèses contradictoires : la banque
centrale accorde moins d’importance à la production, ce qui est cohérent avec l’hypothèse du
départ qui stipule qu’elle est plus conservatrice que le gouvernement. Ce résultat est obtenu
grâce à une modélisation plus réaliste des effets de court terme de la politique monétaire.
Cependant, le modèle ne permet pas d'écarter le premier équilibre que nous considérons
également comme peu réaliste. Nous pensons que la forme quadratique des fonctions de perte
constitue une éventuelle explication de ce résultat. Dans le paragraphe suivant, nous montrons
qu’il est possible d’aboutir à un équilibre plus conventionnel à l'aide d'une spécification
différente de ces fonctions.
224
2- Les préférences des autorités
Les fonctions de perte quadratiques recensent à la fois les écarts positifs et négatifs des
variables par rapport à leurs cibles. Or, il nous semble peu probable qu'un infléchissement de
l'inflation inquiète la banque centrale autant qu'une flambée des prix. De même, il serait
étonnant qu'une croissance plus forte que prévue génère autant d'insatisfaction chez le
gouvernement qu'un ralentissement de l'activité.
Nous proposons de nouvelles fonctions de perte qui remédie à ce problème :
LG = −θ G ( yt − yG ) +
et
M
L =
θM
2
2
1
πt − π G )
(
2
.
M 2
( y − y ) + (π − π )
M
t
t
D’après ces fonctions, un accroissement de la production et une baisse de l’inflation
réduisent les pertes respectives du gouvernement et de la banque centrale, même lorsque les
variables en question dépassent leurs cibles.
Une inflation inférieure à son niveau désiré et une production supérieure à son volume
ciblé accentue les pertes respectives du gouvernement et de la banque centrale. Une inflation
trop faible est indésirable pour le gouvernement car elle peut être à l’origine d’un
ralentissement de l’activité. La banque centrale est hostile à une trop forte production car elle
est susceptible de générer de l’inflation. Ainsi, les termes quadratiques au niveau des
fonctions de perte signalent à leur tour l’intérêt particulier qu’accordent le gouvernement à
l’objectif de production et la banque centrale à l’objectif d’inflation. Le traitement
asymétrique des cibles a également une utilité mathématique : pour des raisons de convexité,
on est obligé de maintenir un terme quadratique dans les fonctions de perte.
En minimisant ces nouvelles fonctions de perte sous les contraintes (1), (2) et (3), on
dérive les expressions d’équilibre du volume de la production et du taux d’inflation :
θ G (σ + γα )
yt = y − M et πt = π +
.
α
θ γ
M
1
G
Ces équations montrent que le conflit entre la banque centrale et le gouvernement
débouche toujours sur un équilibre caractérisé par une forte inflation et une faible production :
225
yt = yM −
1
θ Mγ
< yM et πt = π G +
θ G (σ + γα ) G
>π .
α
Les nouvelles fonctions de perte aboutissent donc à des résultats standards et montrent
que le manque de coordination conduit toujours à un équilibre non satisfaisant à court terme.
II- D’autres motifs de coordination
Nous avons vu que la coordination permet aux deux autorités d’atteindre les objectifs
négociés. Elle constitue également un moyen d’éviter les situations conflictuelles qui
conduisent à une absence d’équilibre. Dans les paragraphes suivants, nous développons de
nouvelles critiques qui insistent davantage sur la nécessité d’une coordination des politiques
monétaire et budgétaire.
1- Les anticipations et l'efficacité de la politique budgétaire
Dans les modèles exposés précédemment la politique budgétaire exerce une influence
systématique sur la demande. De nombreux arguments théoriques suggèrent toutefois des
liens étroits entre les anticipations et l’impact de la politique budgétaire sur l’activité. Ainsi,
dans le modèle de cycle de vie les agents se basent sur leurs anticipations pour élaborer des
plans de consommation de long terme. Le lissage de la consommation induit par ses plans
réduit nettement l’impact immédiat de la politique budgétaire. En s’appuyant sur la rationalité
des anticipations, Barro (1974) démontre que l’altruisme des agents conduit à la neutralité de
la politique budgétaire. Selon lui, les agents transfèrent vers leurs descendants la richesse
nécessaire pour faire face aux augmentations futures des prélèvements et neutralisent ainsi
toute tentative de relance de la part du gouvernement.
Pour rendre compte de ces mécanismes, nous proposons une équation de demande où
les anticipations déterminent à la fois l’impact des politiques budgétaire et monétaire :
yt = yn + σ ( Gt − Gta ) + γ (πt − πta ) (20)
où Gat représente la valeur anticipée de l'instrument budgétaire.
Le programme d’optimisation suivant
résume le problème de décision du
gouvernement :
226
2
LG = θ G ( yt − yG ) + (πt − π G )
Minimiser
S /C
2
 yt = yn + σ ( Gt − Gta ) + γ (πt − πta )


πt = πt0 + αGt

πta = E (πt / Ii )


Gta = E ( Gt / Ii )

(1)
(2)
(3)
.
(4)
La résolution de ce programme débouche sur la fonction de réaction suivante :
θ G (σ + αγ ) ( yn − yG ) +α (πt − π G ) = 0 .
(21)
La banque centrale minimise sa fonction de perte sous les mêmes contraintes et arrive
à la fonction de réaction suivante :
θ M γ ( yn − yM ) + (πt − π M ) = 0 .
(22)
A partir des fonctions de réaction nous remarquons que les stratégies adoptées par le
gouvernement et par la banque centrale peuvent conduire à une absence d’équilibre.
L’équation (21) nous enseigne que le gouvernement cherche à imposer le taux d’inflation
suivant :
πt = π G +
θ G (σ + αγ ) G n
(y −y ).
α
La banque centrale souhaite un taux d’inflation différent comme le montre sa fonction
de réaction :
πt = π M +θ Mγ ( yM − yn ) .
Ainsi, le jeu ne peut aboutir à un équilibre qu’en cas d’égalité entre ces deux taux :
θ G (σ + αγ ) G n
y − y ) = π M +θ Mγ ( yM − yn )
π +
(
α
G
Selon toute vraisemblance, cette condition est difficile à satisfaire car elle impose un
nombre de contraintes sur les variables exogènes, les paramètres structurels et les préférences
des autorités.
Lorsque cette condition n’est pas satisfaite, aucun équilibre n’est possible. En effet, les
deux autorités sont conscientes que les anticipations neutralisent totalement l’impact de leurs
227
politiques sur la production. Le meilleur équilibre est donc celui qui rapproche le taux
d’inflation et sa valeur désirée. Or, les préférences sont différentes dans ce domaine et les
stratégies sont donc conflictuelles.
Considérons le cas où la banque centrale affiche une forte aversion envers l’inflation et
souhaite donc un équilibre à un taux inférieur à celui voulu par le gouvernement. La stratégie
de la banque centrale sera considérée comme trop restrictive par le gouvernement, qui adopte
à son tour une stratégie trop expansionniste au goût de la banque centrale. Le conflit
d’objectif conduit le gouvernement à augmenter d’une façon continue la valeur de Gt en
réponse aux baisses consécutives de π0t programmées par la banque centrale.
Dans ce cas, une politique coordonnée représente l’ultime solution pour atteindre un
équilibre. Les équations (21) et (22) précisent les critères d’une coordination réussie : il faut
que les deux parties délaissent les objectifs de production d’une part et à s’entendent sur une
cible inflationniste de l’autre.
La banque centrale et le gouvernement ont intérêt à abandonner leurs objectifs de
production, car l’équation (20) nous enseigne que lorsque les anticipations sont rationnelles la
production serait égale en moyenne à son volume naturel :
Gta = E ( Gt / It ) 
n
a
a
n
 ⇒ E ( yt / It ) = E ( y / It ) + σ ( E ( Gt / It ) − Gt ) + γ ( E (πt / It ) − πt ) = y .
a
πt = E (πt / It ) 
En dehors des périodes de choc, les agents anticipent parfaitement les politiques
monétaire et budgétaire et neutralisent totalement leurs impacts sur la production. Il est donc
inutile de mettre en place des politiques de relance qui sont condamnées à l’échec. Quant à la
cible inflationniste commune, elle peut émaner d’un processus de négociation entre la banque
centrale et le gouvernement.
Un sérieux problème reste néanmoins posé : l’équilibre négocié peut être atteint par une
infinité de combinaison de politiques monétaire et budgétaire. Nous avons précisé auparavant
qu’un jeu simultané ne peut aboutir à un équilibre dans ce cas. Pour dépasser ce handicap, il
faut que le problème des instruments soit également abordé au cours du processus de
négociation. Les deux parties doivent préciser le policy mix qui permet d’atteindre les
objectifs qu’elles se sont fixés. L’accord conclu entre la banque centrale et le gouvernement
doit être crédible pour qu’il puisse servir de base à la formation des anticipations et pour que
228
chaque autorité soit protégée contre une éventuelle tricherie de son partenaire.
2- L'absence d'équilibre
Jusqu’à ce stade de l’exposé, nous avons distingué plusieurs cas où la banque centrale et
le gouvernement s’engagent dans une confrontation et empêchent le jeu d’aboutir à un
équilibre. Dans ces cas, les variations continues des instruments budgétaires et monétaires ne
permettent pas aux travailleurs d'anticiper le taux d’inflation de la période.
Nous soulignons toutefois que ces situations conflictuelles ne sont envisageables que
sur le plan théorique. Dans la réalité, il est peu vraisemblable que la banque centrale et le
gouvernement s'engagent dans des confrontations qui entraînent des variations continues de
leurs instruments. Les deux autorités sont hostiles à l'instabilité économique qui découlerait
d’une telle situation. Elles s’inquiètent également des coûts qu’entraîneraient un usage
récurrent de leurs instruments, tels que la perte de crédibilité pour la banque centrale et
l’accumulation de la dette pour le gouvernement.
Capoën, Sterdyniak et Villa (1994) proposent des fonctions de perte qui tiennent compte
des coûts qu’engendrent les variations des instruments monétaire et budgétaire:
2
et
2
LG = θ G ( yt − yG ) + (πt −π G ) + φ G ( Gt )
2
2
2
LM = θ M ( yt − yM ) + (πt − π M ) + φ M (πt0 )
2
où φG et φM sont des paramètres positifs. Un pacte de stabilité semblable à celui adopté par
l’union européenne constitue une éventuelle explication du coût lié à la variation de
l’instrument budgétaire. Des variations à répétition de π0t peuvent dévier la politique
monétaire de son objectif annoncé, ce qui détériore la réputation de la banque centrale, d’où la
perte φM(π0t)².
L’introduction de ces coûts permet de résoudre le problème de l’absence d’équilibre.
Le jeu aboutit à un équilibre où la production et l’inflation sont plus proches des valeurs
désirées par l’autorité la moins réticente à une variation de son instrument. La faiblesse des
coûts qu’elle subit lui permet de faire un usage plus intensif de son instrument et d’imposer un
équilibre plus proche de ses préférences.
Nous soulignons toutefois que cette proposition ne résout pas définitivement le
problème, car l'équilibre demeure indéterminé lorsque les deux autorités subissent le même
229
coût à la suite d’une variation de leurs instruments. Cette solution ne fait donc qu'affaiblir la
probabilité de l'absence d'équilibre en imposant une nouvelle contrainte dans ce sens.
230
Deuxième partie
Quelques
propositions
personnelles.
Au cours des cinq premiers chapitres nous avons distingué les arguments théoriques et
empiriques susceptibles d’expliquer l’efficacité des politiques monétaires et budgétaires. Nous
avons recensé la myopie des agents, les contraintes de liquidité et les rigidités réelles et
nominales comme d’éventuelles explications du pouvoir de relance de la politique budgétaire.
Les asymétries d’information et les erreurs d’anticipations rationalisent de leur côté les effets
réels de la politique monétaire.
Nous avons également critiqué certains aspects standards de la littérature. Nos critiques
s’articulent au tour des points suivants :
(i)
Les modèles sont extrêmement simplifiés et ne peuvent illustrer les mécanismes
complexes qui accompagnent la mise en place des politiques économiques.
231
(ii)
L’approche classique du comportement des travailleurs ne reflète pas leurs multiples
préoccupations et ne rend pas compte de la complexité de leur problème de décision.
(iii) Les modèles proposent souvent un système financier très simple qui confond toutes les
catégories d’actifs et qui conduit ainsi à une vision erronée des problèmes de politiques
économiques.
Dans la deuxième partie de la thèse, nous allons développer quelques propositions
personnelles qui répondent à ces critiques.
232
Chapitre 6
Le comportement
stratégique des
travailleurs :
les fondements d’une
attitude coopérative
envers les politiques
de relance
Les nouveaux classiques expliquent l’inefficacité de la politique monétaire par
l’attachement des travailleurs à la stabilité de leurs pouvoirs d’achat. Ses effets de court terme
sont rationalisés par la présence de certaines asymétries d’information. Néanmoins, cette
confusion se dissipe assez rapidement permettant ainsi aux travailleurs de réajuster leurs
rémunérations nominales et de reconduire l’économie vers son équilibre initial. A long terme,
les tentatives de relance se convertissent totalement en inflation, sans aucun effet réel en retour.
Dans le quatrième chapitre, nous avons critiqué les postulats qui sous-tendent cette
approche. Nous avons remis en question les hypothèses du plein emploi et de la parfaite
233
flexibilité des prix. Nous avons également souligné que les nouveaux classiques privilégient le
canal de l’offre, négligeant ainsi l’impact des variations du taux d’intérêt sur la demande
globale.
Dans ce chapitre, nous nous intéressons à l’attitude des travailleurs envers les politiques
de relance. Leur comportement stratégique est l’un des fondements des résultats classiques. Les
analyses théoriques se contentent néanmoins d’une description sommaire de leur problème de
décision. Les travailleurs sont supposés être rationnels et attachés à la stabilité de leur pouvoir
d’achat. Dès lors, une conclusion évidente s’impose : ils ont intérêt à indexer parfaitement leurs
rémunérations nominales au taux d’inflation.
Nous contestons l’excès de simplicité de ce type d’analyse, car nous considérons que la
stabilité du pouvoir d’achat ne constitue pas l’unique préoccupation des travailleurs. Nous
pensons en effet qu’ils peuvent tirer profit d’une augmentation du volume de l’emploi. Dans ce
cas, l’hostilité systématique qu’ils affichent face aux politiques de relance peut être remise en
question. Nous proposons deux arguments qui justifient l’intérêt que les travailleurs peuvent
accorder à une promotion de l’emploi.
En cas de récession, le taux de chômage s’écarte de son niveau naturel ce qui génère un
risque de licenciement. Si les travailleurs sont convaincus qu’une baisse du taux de salaire réel
permet de préserver leurs emplois, alors ils peuvent accepter une sous-indexation des salaires
nominaux à l’inflation. Les politiques de stabilisation peuvent amortir l’impact du choc sur
l’emploi et parviennent ainsi à réduire le risque de licenciement.
Dans la deuxième section, nous démontrons que les travailleurs peuvent tolérer une
indexation partielle des salaires nominaux même lorsque l’économie est en situation d’équilibre.
Ceci est notamment le cas lorsqu’ils fournissent un effort intense durant les heures de travail.
Dans ce cas, ils sont plutôt intéressés par une augmentation des effectifs qui conduit à un
allègement de leurs charges de travail. Ils peuvent donc tolérer une baisse du salaire réel, si elle
permet de financer une telle politique de recrutement.
234
Section 1 : La stratégie des travailleurs en cas de récession
L’objectif de cette section est d’étudier la capacité des politiques de stabilisation à amortir
l’effet d’un choc récessif qui se traduit par une augmentation du taux de chômage. Notre
approche se distingue des modèles standards par l’introduction d’un objectif d’emploi à côté de
celui du salaire réel au niveau de la fonction objectif des travailleurs. Cet objectif est justifié par
le risque de licenciement généré par le choc et témoigne donc de la volonté des salariés de
préserver leurs emplois.
Nous commençons par une présentation des arguments théoriques qui justifient l’adoption
d’un objectif d’emploi par les travailleurs. Pour cela, nous étudions le problème de décision
d’un agent représentatif qui cherche à maximiser ses ressources salariales réelles sur sa période
d’activité. Cette analyse nous permettra d’introduire le risque de licenciement et de définir sa
relation avec le volume de l’emploi. Nous dériverons par la suite une fonction objectif qui
reflète l’ensemble des préoccupations des travailleurs. Nous verrons que ces derniers seront
amenés à faire un arbitrage entre les objectifs d’emploi et de revenu, ce qui peut les conduire à
modérer leurs revendications salariales. Nous intégrerons enfin la nouvelle fonction objectif
dans un jeu classique qui opposent les travailleurs à la banque centrale. Nous démontrerons que
le degré d’indexation des salaires nominaux à l’inflation peut être inférieur à 1, ce qui permet à
la politique monétaire de réduire le taux de salaire réel et de stimuler l’emploi53.
I- Un fondement microéconomique à l’objectif d’emploi
1- Description du problème de décision
Nous considérons le cas d'un agent représentatif qui cherche à maximiser le flux de ses
revenus salariaux réels sur l'ensemble de sa période d'activité. Cet objectif est cohérent avec
l’approche classique qui considère le pouvoir d’achat comme la seule et unique préoccupation
des travailleurs.
Au début de chaque période, l’agent renégocie son contrat avec son employeur. La
négociation porte sur le salaire nominal, bien que l’agent soit intéressé par le pouvoir d’achat
de cette somme. Sa décision sera donc conditionnée par ses anticipations inflationnistes. Les
hypothèses suivantes nous décrivent son comportement et ses préférences :
53
Beaucoup de travaux se sont intéressés au déterminant du degré d’ajustement (voir Gray (1976)). Notre approche
se distingue par le fait qu’elle aborde le problème en se basant sur la théorie des jeux.
235
(i)
Il est d’autant plus satisfait que son revenu réel est élevé. Toutefois, il sait qu’il ne
peut bénéficier d’une rémunération réelle supérieure à celle qui prévaut lorsque le
chômage est à son niveau naturel.
(ii)
Il n'est pas victime d'illusion monétaire, dans le sens où il se rend compte de l’impact
des variations du prix son revenu réel.
D’après ces hypothèses, rien ne semble inciter l’agent à accepter les répercussions d'une
relance monétaire sur son pouvoir d’achat. Une indexation parfaite de son salaire nominal à
l’inflation semble une stratégie dominante, puisqu’elle lui garantit le niveau de satisfaction le
plus élevé.
Cependant, cette conclusion suppose que l'agent est certain de garder son emploi tout en
exigeant la stabilité de son salaire réel, ce qui n’est pas vrai en cas de récession. Dans ce qui
suit, nous allons décrire la façon dont les chocs récessifs peuvent influencer sa décision.
Pour simplifier l’analyse nous supposons que l’économie se compose d’entreprises et de
travailleurs identiques. Ainsi, les conséquences économiques des chocs sont identiques pour
toutes les entreprises et pour tous les travailleurs. Nous adoptons la chronologie suivante des
événements :
(i)
Les chocs surviennent en début de période.
(ii)
Les agents observent le choc et évaluent ses conséquences sur la production et sur
l'emploi. Ils anticipent également l’effet d’une intervention de la banque centrale sur le
taux de salaire réel et il en déduisent son impact sur l'emploi. Ils fixent leurs exigences
salariales en se basant sur cet ensemble d’information.
(iii)
Les producteurs observent les revendications salariales formulées par les travailleurs
d’un côté et anticipent la politique de stabilisation de l’autre. Ils en déduisent le taux de
salaire réel de la période et prennent leurs décisions de recrutement ou de licenciement.
(iv)
Enfin, les autorités monétaires mettent en place la politique qu'elle juge optimale et qui
débouche sur le taux d’inflation de la période.
Un agent représentatif est conscient qu’en refusant de concéder une baisse de son salaire
réel il compromet ses chances de garder son emploi. Le risque de licenciement constitue donc
un facteur qui l’incite à tolérer l’effet inflationniste de la politique de relance. Le programme
236
d’optimisation suivant illustre son problème de décision54 :
Maximiser E {U (W )}
S /C :
W = (1 − ut )(ωt ) + ut ( vt ωt )

n
ωt ≤ ω
où U représente une fonction d’utilité croissante par rapport au revenu salarial total W. ωt est le
taux de salaire réel de la date t et ωn le taux de salaire réel qui correspond au taux de chômage
naturel.
Nous appelons ut la probabilité d’être licencié à la date t. Nous supposons qu’elle est nulle
lorsque l’économie est en situation d’équilibre. vt est la probabilité de trouver un nouvel emploi
pour chaque salarié licencié à la date t.
2- Le risque de licenciement : une externalité macroéconomique dans un
problème microéconomique
En cas de récession, les entreprises révisent leurs plans de production à la baisse et
réduisent leurs effectifs. Les chocs de demande se traduisent donc par une augmentation du taux
de chômage. Le risque de licenciement, ut, augmente à mesure que l’impact du choc sur
l’emploi s’accentue.
La probabilité de trouver du travail dépend également de la conjoncture. Elle plus élevée
durant les périodes de fortes croissances, quand les besoins des entreprises en main d’œuvre
s’accentuent. vt est donc une fonction croissante de la demande de travail.
Nous adoptons quelques hypothèses qui permettent de dériver des relations mathématiques
simples entre ces deux probabilités et la demande de travail. Ainsi, nous supposons que le taux
de chômage est nul à l’équilibre initial. Pour chaque salarié la probabilité d’être licencié est
donc égale au taux de chômage :
N n − Ntd
ut =
Nn
où Nn est le volume naturel de l’emploi et Ntd la demande de travail à la date t.
54
Le taux d’escompte est supposé égal à 1.
237
La probabilité de retrouver du travail est inversement proportionnelle au taux de
chômage :
 Nd 
vt = σ  tn 
N 
où σ est compris entre 0 et 1 et témoigne des difficultés que rencontre l’agent au cours de sa
prospection d’emploi (comme les frais de recherche).
Ces deux fonctions nous permettent d’illustrer l’impact du risque de licenciement sur la
stratégie de l’agent. A partir de son ensemble d’information, ce dernier est en mesure d’estimer
les deux probabilités en question avec précision. Ainsi, il observe l'ampleur du choc, estime ses
répercussions sur la demande, la production et l'emploi et déduit le risque de licenciement qu'il
encourt en s’opposant à une baisse de sa rémunération réelle.
On peut réécrire son revenu total sous une forme qui rend compte des liens entre les
probabilités ut et vt et le volume de l’emploi :
(
)
(
)
W = 1 − ut ( Ntd ) (ωt ) + ut ( Ntd ) vt ( Ntd ) ωt .
La dérivée de cette fonction par rapport à la demande de travail illustre le bien être que
l’agent peut tirer d’une augmentation du volume de l’emploi :
∂W ωt (1 + σ )
=
> 0.
∂N n
Nn
Pour un salaire réel donné, une augmentation du volume de l’emploi réduit la probabilité
de licenciement et augmente ses chances de trouver du travail en cas de licenciement.
La demande de travail dépend du taux de salaire réel. Le revenu total de l’agent, W,
peut donc s’écrire sous la forme suivante :
(
)
(
)
W = 1 − ut ( Ntd (ωt ) ) (ωt ) + ut ( Ntd (ωt ) ) vt ( Ntd (ωt ) ) ωt .
La dérivée de Wt par rapport à ωt illustre l’arbitrage auquel le travailleur est confronté
lorsque les probabilités ut et vt sont non nulles :
238
∂N d ∂ut
∂W
= 1 − ut + ut vt + vtωt t
∂ωt
∂ωt ∂Ntd
 ∂N d ∂ut
∂Ntd ∂vt 
−ωt  t
−
u

t
d
∂ωt ∂Ntd 
 ∂ωt ∂Nt
La première quantité, positive, montre qu’il est tenté d’exiger une rémunération réelle
55
élevée . La deuxième quantité, négative, le pousse à modérer ses exigences salariales afin de
minimiser le risque de licenciement et de maximiser ses chances de retrouver un emploi s’il se
trouve au chômage.
II- De la réaction individuelle à la stratégie globale
A la lumière de l’analyse microéconomique, nous proposons une fonction objectif qui
reflètent les intérêts et les préférences des travailleurs, que nous allons intégrer par la suite
dans le jeu qui les oppose à la banque centrale.
Nous considérons que les agents s’organisent dans des syndicats et désignent des délégués
ou des représentants qui négocient les rémunérations nominales avec les producteurs. Nous
supposons que les travailleurs ont les mêmes préférences et les mêmes objectifs, afin d’éviter
les problèmes relatifs au degré de représentativité.
Du point de vue de la nouvelle école classique, le salaire réel doit être le seul argument de
la fonction objectif des travailleurs. L’inconvénient de cette approche est qu'elle ne tient pas
compte de l’hostilité des travailleurs aux mouvements de licenciement. A l’échelle globale,
les syndicats défendent à la fois le pouvoir d'achat des salariées et la non-suppression de leurs
postes de travail. Les
mouvements de grève et les manifestations qui précèdent et
accompagnent souvent les plans de licenciement sont une preuve irréfutable de l'importance
qu'accordent les travailleurs et leurs représentants à la stabilité du volume de l’emploi. Il faut
que la fonction objectif reflète cette préoccupation pour qu’elle puisse offrir une description
réaliste de la réaction des travailleurs aux politiques de stabilisation.
1- La fonction objectif des travailleurs
55
Nous savons que
∂ut
< 0,
∂Ntd
∂vt
> 0 et
∂N td
∂N td
< 0,
∂ωt
239
L’analyse menée dans le premier paragraphe suggère une fonction objectif qui dépend à
la fois du taux de salaire réel et du volume d’emploi. Elle doit satisfaire deux propriétés
centrales :
(i)
S’il s’agit d’une fonction de perte elle doit être décroissante par rapport au taux de
salaire réel : une augmentation de la rémunération réelle réduit la perte des syndicats (le
contraire est vrai s’il s’agit d’une fonction d’utilité).
(ii)
Une baisse du volume de l’emploi réduit la satisfaction des syndicats (respectivement
accroît leur perte).
La fonction doit également tenir compte du fait que les travailleurs ne peuvent exiger une
rémunération supérieure à ωn. Elle doit également refléter le fait que la probabilité de
licenciement est nulle à lorsque l’économie est à son équilibre naturel. Les deux propriétés
associées aux deux hypothèses impliquent que les syndicats doivent prendre le volume naturel
de l’emploi et le taux de salaire naturel comme cibles respectives pour les deux variables
objectifs.
La fonction suivante satisfait les diverses propriétés et hypothèses que nous venons
d’énoncer56 :
LS (ωt , Nt ) = (ω n − ωt ) + θ S ( N n − Nt )
(1)
Le paramètre θS représente l'importance accordée par les syndicalistes au volume de
l’emploi relativement au salaire réel. Il reflète donc les préférences des travailleurs. S’ils ont
une faible aversion envers le risque, ils se concentreront davantage sur la stabilité de leur
pouvoir d’achat et accorderont peu d’importance à l’objectif d’emploi. La valeur de θS sera
donc faible. Le contraire est vrai lorsque les agents ont une forte aversion envers le risque :
même si la probabilité d’être licencié est faible, ils donneront la priorité à l’objectif d’emploi.
On peut donc déduire intuitivement que plus la valeur de ce paramètre est élevée, plus la
probabilité de voir les travailleurs opter pour une indexation partielle des salaires nominaux
est grande.
2- Les déterminants de la réaction des travailleurs
56
Il s’agit d’une fonction de perte et non d’une fonction d’utilité. L’objectif de l’agent serait donc de minimiser
cette fonction et non de la maximiser.
240
Grâce à la présence d’un objectif d’emploi, les intérêts des travailleurs et de la banque
centrale ne sont pas nécessairement conflictuels. Les syndicalistes peuvent apprécier une
politique monétaire expansionniste si elle permet de limiter l’ampleur des licenciements. Il
suffit que la satisfaction qu’ils tirent d'une baisse du taux de chômage soit plus importante que
le coût qu’elle génère en termes de perte de pouvoir d'achat. Dans ce cas, la parfaite
indexation des salaires nominaux à l’inflation ne représente plus une stratégie dominante.
Les syndicalistes choisiront parmi les différentes combinaisons de "baisse du chômage" et
de "baisse du pouvoir d'achat" celle qui minimise la fonction de perte. Les stratégies varient
donc d'une accommodation totale de l'inflation générée par la politique monétaire, à un refus
total de toute baisse du pouvoir d'achat.
Avant d’analyser l’impact du changement de la fonction objectif des travailleurs sur
l’équilibre macroéconomique, nous allons tenter de distinguer les déterminants de la réaction
des travailleurs. Ainsi, nous analysons la réaction des syndicats à une politique de
stabilisation, en supposant que l’ensemble de choix se limite à deux stratégies extrêmes : une
coopération totale, synonyme d’une stabilité des salaires nominaux, et une hostilité totale
synonyme d’une stabilité des salaires réels.
L’économie est frappée par un choc de demande qui se traduit par une augmentation du
taux de chômage. Avant le choc le taux de salaire réel est ωn et le volume naturel d’emploi Nn.
Seule la stabilité du taux de salaire nominal garantit la stabilité du volume de l’emploi.
Lorsque les syndicats renoncent à toute revalorisation du taux de salaire nominal en
contrepartie d’une stabilité du volume de la main d’œuvre, la fonction de perte prend la valeur
suivante :
LSc (ωt , Nt ) = − (ω n − ωt )
Lorsque les syndicats sacrifient l’emploi au dépend du salaire réel, la fonction objectif
prend la valeur suivante :
LSnc (ωt , Nt ) = −θ S ( N n − Nt )
La stratégie dominante est celle qui génère la perte la plus faible. La condition de
coopération peut être exprimée en fonction du paramètre θS :
241
L > L ⇒θ > θ
S
nc
S
c
S
*
(ω
=
(N
n
− ωt )
n
− Nt )
où θ* représente le seuil critique au-delà duquel les syndicats anticipent l’effet inflationniste de
la politique de stabilisation sans demander une réévaluation des salaires nominaux en
contrepartie. Dans ce cas, la satisfaction qu’ils obtiennent grâce à une baisse du chômage sera
supérieure à celle qu'elles auraient réalisée en maintenant la rémunération réelle à son niveau
initial.
Lorsque θS est inférieur à θ*, les travailleurs préfèrent la stratégie non coopérative et
exigent une augmentation des salaires nominaux équivalente à l’inflation anticipée. On retrouve
donc le résultat de l’approche classique, qui stipule que toute tentative de stabilisation aura des
conséquences purement inflationnistes. Dans ce cas, l'importance relative accordée par les
travailleurs à l'emploi n’est pas suffisamment forte pour les convaincre de sacrifier une partie de
leur pouvoir d'achat afin de résorber le chômage généré par le choc. Une baisse du salaire réel
est en effet plus coûteuse en termes de bien-être qu'une augmentation du nombre de licenciés.
Enfin, lorsque θS est égal à θ*, les salariés sont indifférents entre la stabilité de l’emploi et
la stabilité du pouvoir d’achat. Leur réaction à une relance monétaire ne peut être déterminée
avec certitude. C’est la raison pour laquelle nous avons exprimé la condition de coopération en
termes d’une inégalité stricte.
Deux propriétés découlent de la condition de coopération :
(i)
θ* est croissant par rapport (ωn - ωt). Ainsi, les travailleurs doivent accorder beaucoup
d’importance à la stabilité de l’emploi pour accepter une forte baisse de leur pouvoir
d'achat. Si on considère la baisse du taux de salaire réel comme un indicateur de l'ampleur
du choc57, alors on peut affirmer que plus le choc est important plus la probabilité
d’observer une attitude coopérative de la part des travailleurs est faible.
(ii)
θ* est décroissante par rapport (Nn - Nt). Ainsi, plus le chômage généré par le choc est
important, moins la condition de coopération est contraignante. Lorsque le taux de
chômage est élevé, la probabilité de voir les travailleurs accepter la politique de
stabilisation est élevée, même s’ils sont attachés à la stabilité de leur pouvoir d’achat. C'est
l'ampleur du chômage qui justifie leur réaction et non l'importance relative qu'ils accordent
57
Dans le sens où la baisse du salaire réel nécessaire à un retour à l'équilibre s’accentue avec l’ampleur du choc.
242
à l'emploi. Si on considère le chômage généré par le choc comme un indicateur de son
ampleur, alors on peut dire que les chances de réussite de la politique de stabilisation
augmentent avec l’ampleur du choc.
Les deux propriétés aboutissent à deux conclusions contradictoires. Ce paradoxe illustre les
motivations contradictoires qui animent les travailleurs. Une flambée du taux de chômage
accroît la perte des syndicats et les pousse en direction de la stratégie coopérative. Or, une forte
hausse du taux de chômage ne peut être contenue que moyennant une baisse significative du
salaire réel qui accentue la perte des syndicats et les décourage d’accepter la politique de
stabilisation mise en place par la banque centrale.
L'importance de l'effet accommodant d’une augmentation du chômage par rapport à l'effet
décourageant d’une baisse du salaire réel est l’un des déterminants du succès de la politique de
stabilisation. Cette importance relative dépend des caractéristiques structurelles de l'économie,
telles que l’élasticité de la demande de travail aux variations du salaire réel. Ainsi, le premier
effet a plus de chance de l’emporter lorsqu’une faible baisse du salaire réel permet une forte
relance de la demande de travail. Le contraire est vrai lorsque la demande de travail est peu
élastique aux variations du salaire réel.
III- L'impact de la politique monétaire en cas de choc
Nous reconsidérons maintenant le jeu qui oppose la banque centrale aux travailleurs,
lorsque ces derniers sont sensibles aux variations du volume d’emploi. Nous précisons
d’abord quelques hypothèses concernant le fonctionnement de l’économie :
•
La banque centrale n'a aucun avantage d'information par rapport aux travailleurs. Ces
derniers connaissent parfaitement sa fonction objectif et sont en mesure de déduire sa
fonction de réaction. Ils observent également les chocs macroéconomiques et évaluent
correctement leurs impacts sur l’activité. Leurs anticipations sont rationnelles.
•
L’économie est dans un état stationnaire avec des volumes de production et d’emploi
stables. L’inflation et le salaire nominal augmentent d’une période à l’autre à un taux de
croissance constant.
•
Le taux de salaire nominal est le résultat d’un processus de négociation entre les
représentants des travailleurs et les producteurs. Le processus de négociation est centralisé
et les délégués syndicaux représentent parfaitement les préoccupations et les préférences
243
des travailleurs. Ils obtiennent toujours pleine satisfaction de leurs revendications
salariales.
•
Les événements se déroulent dans l’ordre suivant. Au début de chaque période les
syndicats fixent le taux de salaire nominal. Les producteurs anticipent le taux d’inflation de
la période, déduisent le salaire réel et prennent les décisions de recrutement et de
licenciement. Enfin, les autorités monétaires choisissent le taux de croissance de la masse
monétaire et déterminent ainsi le taux d’inflation de la période.
•
Nous appelons une stratégie coopérative de la part des syndicats, celle qui consiste à
accommoder au moins une partie de l’inflation générée par la politique monétaire. Leur
stratégie est dite non-coopérative lorsqu’elle consiste à refuser totalement l’inflation mise
en place par la banque centrale et à exiger une indexation parfaite des salaires nominaux.
Plus le degré d’indexation est faible plus la coopération des syndicats est forte. Nous
parlons de coopération parce que les syndicats anticipent parfaitement les tentatives de
relance mais choisissent de ne pas les neutraliser. Ils affichent ainsi une attitude
coopérative envers la stratégie des autorités monétaires.
1- La stratégie des autorités monétaires
1.1- Le problème de décision
La maximisation du bien-être social conduit la banque centrale à adopter des objectifs
d’inflation et d’emploi. Toutefois, les valeurs naturelles58 de ces variables sont différentes de
leurs valeurs optimales, celles qui maximisent la fonction de bien-être social. Ces divergences
s’expliquent par l’existence de certaines distorsions sur les marchés du travail ou des biens.
L’objectif des autorités consiste donc à réduire l’écart entre les valeurs effectives de ces
variables et leurs valeurs optimales. La fonction de perte suivante illustre les préférences et les
objectifs de la banque centrale :
2
LM (π t , Nt ) = − (π t − π * ) − θ M ( Nt − N * )
2
où N* et π* représentent respectivement le volume d’emploi et le taux d'inflation désirés par la
banque centrale. θM représente l'importance qu'accorde la banque centrale à l’objectif
d’emploi relativement à celui de l'inflation.
58
Celles compatibles avec le taux de chômage naturel.
244
Nous supposons qu’il existe une relation stable entre le taux d’inflation et le taux de
croissance de la masse monétaire. Le contrôle de cet instrument permet à la banque centrale
de contrôler parfaitement le taux d’inflation. Pour simplifier les calculs nous identifions le
taux d'inflation au taux de croissance de la masse monétaire mt. La fonction objectif peut donc
s’écrire sous la forme suivante :
2
LM ( mt , Nt ) = − ( m* − mt ) − θ M ( N * − Nt )
2
(2)
où m* est le taux de croissance désiré de la masse monétaire (qui correspond au taux
d’inflation désiré π*).
L'objectif de la banque centrale est de déterminer la valeur de mt qui minimise la
fonction de perte. Cette valeur optimale dépendra de ses préférences et de ses objectifs, mais
également de l’influence qu’exerce la politique monétaire sur l’emploi.
Les modèles d’inspiration classique considèrent que les anticipations inflationnistes
s'autoréalisent : les travailleurs fixent leurs anticipations de façon à ce qu'elles correspondent
au choix optimal des autorités monétaires expost. Par ailleurs, les anticipations induisent un
ajustement systématique des salaires nominaux et condamnent les tentatives de relance à
l'échec. Dans ce modèle, les travailleurs continuent à former des anticipations rationnelles,
mais n'entreprennent pas systématiquement une indexation parfaite des salaires nominaux à
l’inflation anticipée. En s'appuyant sur leur fonction objectif, ils choisissent le degré
d'ajustement qui leur garantit un niveau de satisfaction maximal.
Soit mtaj le taux de croissance des salaires nominaux fixé par les syndicats pour la
période t. ce taux varie entre 0 et mta (entre un abandon total de l’indexation et une indexation
parfaite), où mta est le taux de croissance anticipé de la masse monétaire. Les deux équations
suivantes résument le comportement des travailleurs :
mta = E ( mt / It )

aj
a
 mt = ψ mt
avec ψ compris entre 0 et 1. It est l’ensemble d’information dont dispose les syndicats au
début de la période t.
La courbe de Phillips prend donc la forme suivante :
Nt − N n = µ ( mt − mtaj ) + εt
(3)
où εt est un choc aléatoire et Nn le volume naturel de l’emploi. D’après cette équation, toute
245
variation de Nt s’explique soit par une politique inflationniste, soit par l’avènement d’un choc.
Cependant, l'influence de la politique monétaire dépend du degré d'ajustement du taux de
salaire nominal.
1.2- La fonction de réaction de la banque centrale
Les autorités monétaires observent le degré d’ajustement des salaires nominaux avant
de fixer le taux de croissance de la masse monétaire. Leur problème de décision se résume au
programme d’optimisation suivant :
2
Minimiser LM ( mt , Nt ) = ( m* − mt ) + θ M ( N * − Nt )
2
S /C :
{N − N
t
n
= µ ( mt − mtaj ) + εt
En substituant la contrainte dans la fonction objectif et en dérivant par rapport à mt, on
obtient une expression de la fonction de réaction de la banque centrale :
mt =
θ M µ 2 mtaj + γµ ( N * − N n − εt ) + m*
1 + µ 2θ M
= φ ( mtaj ) .
Cette fonction définit la réponse monétaire optimale Pour chaque ajustement des
salaires nominaux.
Sachant que mtaj est égal à ψmt et que les anticipations sont rationnelles
( mta = E ( mt / It ) ), on peut redéfinir la réaction monétaire optimale en fonction de ψ , le degré
d’ajustement des salaires nominaux :
mt =
µθ M ( N * − N n − εt ) + m*
1 + µ 2θ M (1 −ψ )
= φ (ψ )
(4).
A partir de cette version de la fonction de réaction on peut établir les propriétés suivantes :
(i)
mt est croissant par rapport à (N*-Nn) :
∂mt
∂ ( N* − N n )
=
µθ M
> 0.
1 + µ 2θ M (1 −ψ )
La tentation d’augmenter la masse monétaire est plus grande lorsque l'écart entre les volumes
optimal et naturel de l’emploi est assez important.
246
(ii)
∂mt
1
=
> 0.
*
2 M
∂m 1 + µ θ (1 −ψ )
mt est croissant par rapport à m* :
Le taux de croissance de la masse monétaire est d’autant plus élevé que l’objectif d’inflation
de la banque centrale est élevé.
(iii)
Les dérivées de mt par rapport à θM et µ sont de signes indéterminés. Dans les deux cas,
deux effets contradictoires entrent en action : l'effet d’une augmentation la masse monétaire
sur l’emploi encourage les autorités à pratiquer une politique expansionniste, tandis que
l’ajustement des salaires nominaux affaiblit l'impact réel d'une telle politique et les
décourage d’entreprendre ce genre d’initiative.
(iv)
2 M
M
*
n
*
∂mt µ θ  µθ ( N − N − εt ) + m 
=
>0
2
∂ψ
(1 + µ 2θ M (1 −ψ ) )
mt est croissant par rapport à ψ :
Ainsi, la croissance de la masse monétaire, et donc l’inflation, est minimale lorsque les
travailleurs n'envisagent aucun ajustement du taux d salaire nominal (ψ=0) :
mt =
µθ M ( N * − N n − εt ) + m*
1 + µ 2θ M
Dans ce cas, la coopération des travailleurs permet à la banque centrale d’exercer une
influence maximale sur l’emploi avec un minimum de coût en terme d'inflation.
(v)
Enfin, mt est décroissant par rapport à εt :
∂mt
µθ M
=−
< 0.
∂εt
1 + µ 2θ M (1 −ψ )
Les chocs récessifs (εt<0) nécessitent un accroissement de la masse monétaire, et les chocs
positifs exigent des contractions monétaires.
Nous rappelons que le sous-ajustement du taux de salaire nominal est envisageable
seulement en cas de choc. En dehors des périodes de récession, le risque de licenciement est nul
et les travailleurs n'ont aucun intérêt à tolérer une baisse du taux de salaire réel. Le système
d’équations suivant distingue les réactions optimales en absence et en présence des chocs :
247
mt = md = µθ M ( N * − N n ) + m* si εt = 0


md − µθ M εt
si εt ≠ 0
mt =
1 + µ 2θ M (1 −ψ )

où md est le taux d’inflation discrétionnaire qui prévaut en dehors des périodes de récession.
1.3- La politique monétaire et l’emploi
A l’aide des équations (3) et (4), on peut déduire l'impact de la politique monétaire sur
l’emploi en cas de choc :
∆N = Nt − N n =
µ (1 −ψ ) md
εt
+
2 M
2 M
1 + µ θ (1 −ψ ) 1 + µ θ (1 −ψ )
Cette équation nous indique qu’une politique de stabilisation peut réduire l'impact du
choc sur l’emploi. Le premier terme à droite, de signe positif, représente l’effet stabilisateur de
d
la politique monétaire ( µ (12 −Mψ ) m
1+ µ θ
(1 − ψ )
). Il contrecarre le second terme qui représente l'impact
négatif du choc (εt<0).
L’efficacité de la politique de stabilisation dépend néanmoins du degré d’ajustement des
salaires nominaux à l’inflation : plus l'ajustement est faible, plus l'effet stabilisateur de la
politique monétaire est important. Lorsque ψ est nul, le chômage généré par le choc sera
minimal :
∆N =
µmd + εt
.
1 + µ 2θ M
Lorsque les travailleurs choisissent une indexation parfaite des salaires nominaux à
l’inflation (ψ=1), le choc se répercute pleinement sur l’emploi :
∆N = εt .
2- La réaction des travailleurs
Les syndicats connaissent la fonction objectif de la banque centrale et sont en mesure
d'anticiper parfaitement sa fonction de réaction. Ils observent les chocs et sont capables
d'estimer leurs conséquences sur l'emploi. En se basant sur cet ensemble d’information, ils
248
essayent de déterminer le degré d'ajustement du taux de salaire nominal qui leur permet de
minimiser la fonction de perte.
2.1- Description du problème de décision
Le programme d’optimisation suivant résume le problème de décision des syndicats :
Minimiser LS (ωt , Nt ) = (ω n − ωt ) + θ S ( N n − Nt )
S /C :

Nt − N n = µ ( mt −ψ mta ) + εt


µθ M ( N * − N n − εt ) + m*
mt =
= φ (ψ )
1 + µ 2θ M (1 −ψ )

 a
mt = E ( mt / It )
En substituant les contraintes dans la fonction objectif, on peut la réécrire sous la forme
suivante :
 µ (1 −ψ ) md + εt 
G (ψ ) = − (ω − ωt ) + θ 
 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) 


n
s
(5)
Le taux de salaire réel n’est autre que le rapport du taux de salaire nominal, wt, à l’indice
des prix, Pt : ωt =
wt
.
Pt
Par hypothèse le taux de chômage, et donc le salire réel, est à son niveau naturel à la
date t-1 avant l’avènement du choc : ω n =
wt −1
.
Pt −1
Le taux d’inflation correspond au taux de croissance de la masse monétaire : Pt=(1+mt) Pt+1 .
Le taux de salaire nominal de la date t dépend du degré d’indexation choisit par les syndicats :
wt = (1 +ψ mt ) wt −1 .
Le taux de salaire réel de la période t est donc le suivant :
ωt =
wt (1 +ψ mt ) wt −1
=
.
Pt
(1 + mt ) Pt −1
En substituant cette expression dans l’équation (5), ψ et mt deviennent les seules
249
variables endogènes de la fonction objectif :
 mt (1 −ψ ) wn  s  µ (1 −ψ ) md + εt 
G (ψ ) = − 
+θ 

2 M
 (1 + m ) Pn 

t


 1 + µ θ (1 −ψ ) 
(6)
L’objectif des syndicats consiste à déterminer la valeur de ψ qui leur permet de minimiser
cette fonction. Il s’agit du degré d’ajustement qui offre le meilleur compromis entre la stabilité
du pouvoir d’achat d’un côté et la minimisation du risque de licenciement de l’autre.
2.2- Le choix du degré d'ajustement optimal
La décision des syndicats dépend du taux de croissance de la masse monétaire comme le
montre l’équation (6). La dérivée de cette équation par rapport à ψ débouche sur la fonction
de réaction des syndicats59 :
ψi = 1 +
1
M
θ µ
2
−
(1 + mt )θ S
1
M
θ µ
2
mtω
n
( µm
d
− θ M µ 2εt )
(7)
Cette fonction définit un degré d'ajustement optimal du taux de salaire nominal à chaque
taux de croissance de la masse monétaire. Elle nous enseigne que la réaction optimale des
syndicats est croissante par rapport au taux de croissance de la masse monétaire :
(θ M µ 2εt − µmd )θ sω n ×
∂ψ
=−
2
∂mt
θ M µ 2 ( mtω n )
1
2 −
(1 + mt )θ s
mt ω n
(θ
> 0.
M
µ 2εt − µ md )
Comme les anticipations sont rationnelles, la banque centrale trouvera que sa stratégie
optimale consiste à choisir un taux de croissance de la masse monétaire identique à celui
anticipé par les travailleurs.
Géométriquement, le degré d'ajustement optimal correspond aux points d'intersection
des fonctions de réaction de la banque centrale et des syndicats. Ces points indiquent les
valeurs de ψ qui garantissent l'égalité entre le taux de croissance anticipé et le taux de
croissance effectif de la masse monétaire. Le graphique 6.1 illustre les possibilités
d’équilibre :
59
L’annexe 6.1 décrit le passage de la dérivée de l’équation (6) à la fonction de réaction (7).
250
Graphique 6.1 : Le degré d’ajustement optimal du taux
de salaire nominal.
ψ
2
1
ψ1
m*
m*
mt
ψ2 ne peut pas être retenue comme solution car il est toujours supérieur à 1. Cela
signifie que les syndicats imposent un taux de salaire réel supérieur à celui de l’équilibre
initial, ce qui contredit nos hypothèses de départ. Nous retiendrons donc ψ1 comme solution
au programme d’optimisation.
Les travailleurs peuvent concéder volontairement une baisse de leur pouvoir d’achat en
choisissant un taux d’ajustement inférieur à 1. Une telle stratégie sera adoptée lorsque la
condition suivante est satisfaite (condition dérivée à partir de l’équation (8)) :
εt <

ωn
1
−
2 
S
µ 2 (θ M )  µθ
md
 *
 =ε .

Cette condition signifie que le choc doit être d’une certaine ampleur pour convaincre les
travailleurs d'accepter une quelconque baisse du taux de salaire réel. Cette valeur critique est
d'autant plus élevée que l'importance accordée par les travailleurs à l'emploi est faible (θS est
251
proche de 0) :
∂ε *
md
ωn 1
> 0 60.
S
2
2
2
M
S
∂θ µ (θ ) µ (θ )
Cette condition peut être également exprimée en fonction de θM et de θS :
 S ωn
md
θ
>
= θ S*

d
M 2
2
µ
m − µ (θ ) εt


 M
ωn  M*
md 
θ
1
>
−


 =θ
µ 2εt  µθ S 

Les valeurs critiques de ces deux paramètres indiquent l’importance relative que la
banque centrale et les travailleurs doivent accorder à l'emploi pour que le jeu aboutisse à un
équilibre coopératif61.
En conclusion, l’hostilité des syndicats aux mouvements de licenciement peut les
conduire à modérer leurs revendications salariales et à accepter une baisse du pouvoir d’achat.
La sous-indexation du taux de salaire nominal limite l’impact du choc sur l’emploi et leur
permet d’atteindre un niveau de satisfaction plus élevé. La stratégie optimale dépend aussi bien
de l’ampleur du choc que des préférences des travailleurs et des autorités.
Section 2 : La réaction des travailleurs en dehors des périodes de
récession
Dans cette section, nous démontrons que les travailleurs peuvent adopter une attitude
coopérative envers les politiques inflationnistes même en dehors des périodes de récession.
Dans la première partie de ce chapitre, une telle réaction était justifiée par l’existence d’un
risque de licenciement. Dans cette deuxième partie, nous démontrons qu’une augmentation des
effectifs peut se répercuter positivement sur le bien-être des travailleurs en allégeant l’effort
qu’ils fournissent pendant les heures de travail. Lorsque la satisfaction qu’apporte la baisse de
60
On rappelle que le choc est négatif. Une augmentation de εt équivaut donc à une atténuation de l’ampleur du
choc et un affaiblissement de la valeur critique.
61
La valeur critique de θM est valable seulement lorsque le terme
md 
ωn
1
−

µ 2εt  µθ S

 est positif.

252
l'effort est supérieure à la désutilité induite par la baisse du taux de salaire réel, elle peut inciter
les travailleurs à coopérer avec les politiques de relance.
Pour démontrer ce résultat, nous allons procéder en deux étapes. D’abord, nous
introduisons la notion d’effort au niveau des problèmes de décision des travailleurs et des
producteurs et nous étudions les propriétés des fonctions d’offre et de demande qui en
découlent. Nous nous appuierons ensuite sur les conclusions de cette analyse pour montrer
que la maximisation du bien-être peut conduire les travailleurs à modérer leurs exigences
salariales en contrepartie d’une augmentation des effectifs et d’un allègement de la charge de
travail.
I- L'effort et l'équilibre du marché du travail
Notre approche se distingue des modélisations standards de l’effort par deux points :
(i)
Nous abordons le problème de la répartition de l’effort total nécessaire à la réalisation de
l’objectif de production sur le nombre d’heures de travail demandées. Nous illustrons
ainsi le passage du besoin véritable mais implicite de l’entreprise, qui est en termes
d’effort, à sa demande explicite observée sur le marché, qui est en termes d’heures de
travail. Pour cela, nous introduisons le concept d’effort horaire qui jouera un rôle
important au niveau des décisions d’offre et de demande de travail.
(ii)
Nous considérons que les producteurs fixent et contrôlent parfaitement l’effort fournit
pendant les heures de travail. Nous nous différencions ainsi de la théorie du salaire
d’efficience qui tient compte de la présence de certaines asymétries qui profitent aux
travailleurs. La principale source d’asymétrie relatée par les modèles d’efficience
concerne l’observation de l’effort fournit pendant les heures de travail. Ces modèles
supposent que les producteurs contrôlent imparfaitement cet effort, ce qui les contraints à
proposer des rémunérations réelles élevées afin de motiver leurs salariés. Une relation
croissante s’établit ainsi entre l’effort est le taux de salaire réel62. Dans ce cas, une partie
du chômage existant est involontaire et résulte simplement d'un salaire réel
anormalement élevé. Les motivations inflationnistes des banques centrales et des
gouvernements deviennent donc totalement justifiées, dans la mesure où elles visent à
résorber la partie involontaire du chômage en ramenant le taux de salaire réel à sa valeur
62
Voir Shapiro et Stiglitz (1984) pour une justification des liens entre l’effort et le salaire et Weiss (1991) pour un
résumé de la théorie du salaire d’efficience.
253
de marché. Toutefois, leurs initiatives se heurtent aux anticipations des travailleurs et
s'avèrent sans conséquence sur le volume de l’emploi.
Nous pensons que les asymétries prises en compte par les modèles d’efficience
concernent un segment assez restreint du marché du travail. En effet, de nombreux faits
réels suggèrent une remise en question de ces asymétries, et notamment de celle qui
concerne le contrôle de l’effort par les producteurs.
1- L'effort et la demande de travail
Nous définissons brièvement la notion d’effort avant de l’intégrer dans le problème de
décision des producteurs et des salariés.
1.1- L’effort dans le processus de production
Lorsqu'une entreprise demande des heures de travail rémunérées à un taux de salaire
donné, elle demande des travailleurs capables d'accomplir des tâches précises, pendant un
intervalle de temps déterminé. On peut dire qu'elle demande et rémunère à la fois la
compétence et l'effort.
Nous définissons la compétence d'un travailleur comme sa capacité à accomplir la tâche
demandée. Elle peut être appréciée à travers son expérience professionnelle, son diplôme ou
son niveau d'étude. On peut également y recenser d'autres facteurs tels que la faculté
d'adaptation, la facilité de communication…En définitive, tout facteur qui permet au
travailleur de remplir sa mission de la façon la plus efficace, peut être considéré comme
faisant partie de sa compétence.
Nous définissons l'effort fourni par un travailleur comme l'intensité d'utilisation des
compétences requises à la réalisation d’une tâche de production. Dans une chaîne
d'assemblage par exemple, l'effort d'un ouvrier peut être apprécié à travers le nombre de
pièces qu'il traite pendant un intervalle de temps.
Ces deux définitions montrent que l'entreprise a besoin à la fois de la compétence et de
l'effort des travailleurs. Ces deux facteurs exercent néanmoins des influences distinctes sur la
demande de travail.
D'abord, pour une tâche précise la compétence requise est connue ou fixe, alors que
l'effort est variable. L'entrepreneur connaît avec précision les compétences nécessaires à la
254
réalisation des diverses tâches de production, alors qu'il ignore l'effort qui lui permet de
maximiser son profit. La compétence est donc un paramètre exogène ou fixe, alors que l'effort
est une variable endogène qu'il faut fixer de façon à maximiser le profit.
Ensuite, il existe une relation croissante entre la compétence d’un travailleur et sa
rémunération. L’acquisition d’une compétence nécessite un investissement de la part des
travailleurs, ce qui peut justifier le sens d’une telle relation. En outre, plus la compétence
requise est élevée, moins les offreurs qui en disposent sont nombreux. La rareté constitue un
deuxième argument en faveur d’une relation croissante.
La relation entre l'effort et le salaire est assez ambiguë. Nous soulignons que l'accord
concernant le salaire est conclu avant que l'entrepreneur ne soit capable d'apprécier l'effort
que la nouvelle recrue est capable de fournir. Le travailleur de son côté n'a pas d'idée précise
concernant l'effort qu'il doit fournir pendant les heures de travail. La compétence semble donc
le facteur le plus déterminant de la négociation salariale, car l'entrepreneur est capable de
l'apprécier à travers la formation et l'expérience du candidat.
En outre, la plupart des candidats expriment une forte motivation au cours des
entretiens d’embauche. Le contrat est donc négocié en supposant implicitement que le
travailleur va s'employer au maximum au service de l'entreprise. Le futur salarié est par
ailleurs conscient que c'est l'entrepreneur qui fixe la cadence de travail en fonction de son
objectif de production, et qu'il entreprendra les dispositions nécessaires pour qu’elle soit
respectée. Dans ce sens nous rappelons que toute nouvelle recrue passe par une période
d'essai durant laquelle l'employeur se réserve le droit de rompre le contrat. Ceci témoigne des
exigences en termes d'effort auxquelles l'employé doit se plier.
Ces facteurs suggèrent que ça soit l’entrepreneur qui fixe la cadence de travail, et que le
salarié ne peut utiliser son effort comme une monnaie d’échange pour obtenir une
rémunération élevée. La relation croissante supposée par les modèles d’efficience nous
semble donc assez contestable.
1.2- Le problème de décision de l'entrepreneur
Nous considérons le cas d'une entreprise représentative qui produit un bien unique en
utilisant les facteurs capital et travail. Nous nous plaçons dans une optique de court terme.
Nous supposons ainsi que le stock de capital est fixe et que le travail est la seule variable de la
255
fonction de production. Cette fonction satisfait deux propriétés classiques : la productivité
marginale du travail est positive et décroissante.
Nous laissons de côté les problèmes relatifs à la compétence et nous centrons notre
analyse autour de la notion d'effort. Ainsi, nous supposons que l'entreprise en question
demande du travail pour la réalisation d'une tâche unique qui nécessite des compétences dont
disposent tous les travailleurs.
Sur le marché du travail, l’entreprise demande des heures d'effort. La somme de l’effort
fournis durant les heures demandées doit naturellement correspondre à l'effort total nécessaire
à la réalisation de son niveau de production désiré. Son programme peut donc s'écrire sous la
forme suivante :
Maximiser
S /C
Π = y − ωL
 y = F ( L)


e
 L=
e

(1)
( 2)
où y est le volume de la production, L le nombre d'heures de travail, ω le salaire réel horaire,
F la fonction de production, "e" est l'effort total et e l'effort horaire.
En substituant les deux contraintes dans la fonction objectif, on peut exprimer le
programme d’optimisation uniquement en fonction de l'effort :
e e
Maximiser : Π = F   − ω (Système I ) .
e e
Pour déterminer sa demande de travail, l’entrepreneur procède en trois étapes :
(i)
Pour un effort horaire donné, il détermine l'effort total qui lui permet de maximiser son
profit. Il obtient une fonction qui lui indique le profit maximal qui correspond à chaque
niveau de l'effort horaire.
(ii)
En s’appuyant sur cette fonction, il détermine le niveau de e qui lui procure un
maximum de profit.
(iii) Une fois les efforts horaire et total déterminés, il déduit grâce à la contrainte (2) le
nombre d'heures de travail nécessaires à la réalisation de son objectif de production.
256
En dérivant le système (I) par rapport à « e » on obtient la condition du premier ordre
suivante :
eFe ( e) = ω
(3)
D’après cette équation, le salaire réel d’équilibre est égal à la productivité marginale d’une
heure d’effort.
Il faut préciser l'expression de la fonction de production pour déduire la relation entre
l'effort total, l’effort horaire et le salaire réel. Toutefois, à partir de l’équation (3) nous somme
en mesure de déduire deux propriétés importantes concernant cette fonction :
(i) La demande d'effort est décroissante par rapport au salaire réel horaire63 :
∂e  1   1 
=  
 < 0.
∂ω  e   Fee ( e) 
(ii) La demande totale d'effort est croissante par rapport à l'effort horaire :
 ω  1 
∂e
= − 2  
 > 0 .
∂e
 e  Fee ( e) 
La deuxième étape consiste à déterminer l'effort horaire optimal. Pour cela on suppose
que e est toujours compris entre ses bornes minimale et maximale, qu’on appellera
respectivement emin et emax . Pour un effort total et un salaire réel donnés, on dérive le profit
par rapport à l’effort horaire :
∂Π e 
 e 
= 2 ω − Fe    > 0.
∂e e 
 e 
Le profit est donc strictement croissant par rapport à l'effort horaire64. Cette propriété
est d'une importance capitale, car elle nous permet de conclure qu’à l’équilibre l'entrepreneur
imposera toujours une cadence de travail maximale à ses ouvriers : e sera nécessairement
égal à emax .
63
Nous rappelons que la productivité marginale de l’effort est décroissance (Fee(e)<0).
64
Par hypothèse F est croissante par rapport à (e/ e ). Comme e est constant, elle est décroissante par rapport à
e:
e
Fe   < 0 .
e
257
1.3- Les caractéristiques de la demande de travail
D’après l’équation (3), l'effort total demandé est une fonction du salaire réel et de
l'effort horaire. La contrainte (2) implique que le nombre d’heure de travail demandé
dépendra également de ces deux facteurs :
( )
Ld = L ω, e
A partir des propriétés de e et de e , on peut déduire celles de Ld :
(i)
La demande de travail est décroissante par rapport au salaire réel :
∂Ld  1  ∂e 
=    < 0
∂ω  e  ∂ω 
La sensibilité de la demande de travail aux variations du taux de salaire réel est d'autant
plus faible que l'effort horaire est élevé. En effet, la productivité du travail s’accroît avec
l’effort horaire, ce qui rend sa demande moins sensible aux variations de son coût.
(ii)
L’évolution de la demande de travail à la suite d'une variation de l'effort horaire est
ambiguë :
1  ∂e e 
=  − .
∂e e  ∂e e 
∂Ld
Deux effets opposés entrent en action à la suite d’une variation de e . D'une part,
l'augmentation de l'effort horaire limite le besoin de l’entreprise en nombre d’heures
d’effort, pour un effort total donné. D'autre part, elle stimule la demande totale d'effort
(
∂e
> 0 ) et accroît indirectement le nombre d'heures demandées. Le sens de variation de
∂e
Ld dépendra donc de l'importance relative de ces deux effets.
1.4- Le cas d’une fonction Cobb-Douglas
Nous dérivons les demandes d’effort et d’heures de travail pour une fonction CobbDouglas qui satisfait les propriétés énoncées auparavant :
F ( L) = ALα avec 0<α < 1.
A l’aide de cette fonction, le système (I) débouche sur l’expression suivante de la
258
demande d’effort :
1
 ω  α −1
e = e

 Aα 
Cette fonction est croissante par rapport à l’effort horaire, e , et décroissante par rapport
au salaire réel :
1

α −1
∂
e
ω



=  >0

∂e  Aα 

2−α
 ∂e
1 e  ω α−1
 =
  <0
∂ω α −1 Aα  Aα 
Le nombre d’heures de travail demandé est indépendant de l’effort horaire :
1
 ω α−1
Ld = L(ω ) =   .
 Aα 
Les deux effets opposés que nous avons décrit précédemment se neutralisent totalement,
ce qui explique l’absence de l’effort horaire de cette fonction. La demande de travail est
décroissante par rapport au salaire réel :
2−α
∂L
1
 ω α−1
=
  < 0.
∂ω Aα (α −1)  Aα 
2- L'effort et l'offre de travail
Nous considérons le cas d'un agent représentatif dont l'objectif est de répartir son temps
entre le travail et le loisir. Sa décision est issue d’un programme d'optimisation dans lequel il
maximise une fonction d'utilité qui décrit ses préférences, en tenant compte de sa contrainte
budgétaire.
Le programme d'optimisation que nous proposons se distingue par l’intégration de l'effort
horaire comme une variable exogène au niveau de la fonction d'utilité. La présence de l’effort
dans la fonction d’utilité est justifiée par l’influence qu’il exerce sur le bien-être des
travailleurs. Nous pensons en effet que la désutilité du travail s’accentue avec l’effort horaire.
Une fonction d’utilité qui reflète fidèlement les préférences des agents doit rendre compte de
259
cet effet. L’intensité de l’effort fournit pendant les heures de travail et la désutilité qui en
découle peuvent également accentuer la satisfaction que tire le travailleur de son temps de
loisir. Les relations que nous venons de décrire sont particulièrement importantes, car elles
influencent directement la décision d’offre de travail.
Le caractère exogène de l’effort horaire signifie que l'agent est conscient que c’est
l'entrepreneur qui fixe la valeur de cette variable selon les critères de maximisation du profit.
Cette hypothèse garantit ainsi la cohérence entre les programmes de décisions des travailleurs
et des producteurs.
A partir de ces idées, nous proposons une fonction d'utilité croissante par rapport à la
consommation et décroissante par rapport au temps de travail, où la désutilité du travail
s’accroît avec l’effort horaire. L'utilité marginale de la consommation est décroissante, tandis
que la désutilité marginale du travail est croissante. Cela veut dire que chaque nouvelle
augmentation du temps de travail s’accompagne d’une dégradation encore plus sensible du
bien-être du travailleur.
Le programme d’optimisation suivant reflète cette vision du problème de décision du
travailleur :
(
S /C
)
U ( C, L) = Cγ L0 − eL
Maximiser
C + ω ( L0 − L) < R0 + ωL0
β
système(II )
où U est la fonction d’utilité, C la consommation, L0 la dotation en heures, L le nombre
d’heures consacrées au travail, et R0 le revenu non salarial. γ et β sont des paramètres positifs
compris entre 0 et 1.
Le système (II) préserve les principales caractéristiques des programmes
d’optimisation standards : (i) il rend compte de l’utilité que tire l’agent de sa consommation
et de son temps de loisir d’une part et de la désutilité que génère le temps de travail de l’autre
; (ii) le temps de loisir est facturé à son coût d'opportunité dans la contrainte budgétaire.
Il se différencie par la présence de l’effort horaire au côté des heures de travail dans la
fonction d’utilité (le bien-être procuré par le loisir dépend de (L0- e L) au lieu de (L0-L)). Cette
modification rend compte du fait que la désutilité du travail et l’utilité du loisir sont
croissantes par rapport à l’effort horaire.
260
En dérivant la fonction de Lagrange65 par rapport à C, L et λ, on arrive aux conditions
d’équilibre suivantes :
(
)
U ( C, h) γ L0 − eL
ω
 h
=
=
βC
Uc ( C, h)
e

C = R0 + ωL

( 4)
( 5)
Par le biais d’un simple exercice de substitution, on dérive à partir des équations (4) et
(5) l’expression de la fonction d’offre de travail :
( )
Lo = L ω, e =
γ L0
β R0
.
−
(γ + β ) e (γ + β ) ω
Deux propriétés découlent de cette fonction :
(i)
L’offre de travail est croissante par rapport au salaire réel :
β R0
∂L
=
> 0.
∂ω (γ + β ) ω2
Une augmentation du taux de salaire réel est sensée générée deux effets opposés. D’une
part, elle encourage l’agent à allouer davantage de temps au travail (effet de substitution),
qui est devenu plus rémunérateur et donc porteur de plus de bien-être. D’autre part, elle lui
offre l’opportunité d’accorder davantage de temps au loisir tout en gagnant autant (effet de
revenu). Ce deuxième effet n’apparaît pas dans ce modèle, car le salaire réel représente le
coût d’opportunité du loisir. L’effet de revenu est donc neutraliser par l’augmentation du
coût du loisir.
(ii)
L’offre de travail est décroissante par rapport à l’effort horaire :
γ L0
∂L
=−
< 0.
2
∂e
(γ + β ) e
Ce résultat s’explique par l’influence négative qu’exerce cette variable sur le bien-être de
l’agent.
3- L'équilibre du marché du travail
Nous rappelons d’abord les propriétés des fonctions d’offre et de demande de travail :
65
Pour ce programme d’optimisation la fonction de Lagrange est la suivante : L( C, L,λ) =U( C, L) +λ( C−ωL−R0 ) .
261
(i) La demande de travail est toujours décroissante par rapport au salaire réel.
(ii) La relation entre l’offre de travail et le salaire réel est ambiguë. Toutefois, la plupart des
travaux empiriques confirment la supériorité de l’effet de substitution à l’effet de revenu,
et concluent à une relation croissante entre l’offre et le salaire réel.
(iii) La réaction de la demande de travail à une baisse de l’effort horaire est ambiguë. Là
encore deux effets opposés entrent en action. Dans le cas d’une fonction Cobb-Douglas,
ces deux effets se neutralisent totalement et la demande de travail est insensible aux
variations de l’effort horaire.
(iv) L’offre de travail est toujours décroissante par rapport à l’effort horaire.
(v) Les entrepreneurs exigent toujours un effort horaire maximal.
Etant donné que l’effort horaire est à toujours à son maximum, c’est le taux de salaire réel
qui équilibre le marché du travail en égalisant entre l’offre et la demande.
Notre objectif est d’étudier l’impact d’une baisse de l’effort horaire sur l’équilibre du
marché. D’après les propriétés que nous venons de rappeler, la demande de travail issue d’une
Cobb-Dougls serait insensible à cette baisse, tandis que l’offre de travail réagirait
positivement. Le Graphique 2 illustre ce scénario.
Graphique 2 : L’impact d’une baisse de l’effort horaire sur
l’équilibre du marché du travail.
Ld,Lo
Lo(ω,emax)
Lmax
Lo(ω,emin)
Lmin
ωmin
ωmax
ω
262
L'intervalle [ω*min, ω*max] regroupe l'ensemble des salaires réels d'équilibre relatifs aux
différents niveaux d'effort horaire. L'intervalle [L*min,L*max] regroupe les volumes d'emploi qui
correspondent à ces différents salaires réels d'équilibre.
Ce graphique montre que la baisse de l’effort horaire s’accompagne d’un accroissement
du nombre d’heures de travail et d’une baisse du taux de salaire réel. Le volume de l’emploi
sera à son maximum, lorsque l’effort horaire est à son minimum. Pour un même salaire réel, la
baisse de l’effort horaire entraîne une augmentation de l’offre de travail qui se traduit par un
déplacement vers la droite de la courbe Lo.
Ce résultat peut être valable lorsque la demande de travail est sensible aux variations de
l’effort horaire (le cas général). L’annexe 6.3 illustre l’évolution du salaire réel et du volume de
l’emploi lorsque la fonction de demande est respectivement croissante et décroissante par
rapport à l’effort horaire. Dans les deux cas, une baisse de l’effort horaire peut conduire à une
augmentation du volume de l’emploi. Le résultat dépendra le l’ampleur de la réaction de l’offre
de travail par rapport à celle de la demande.
Sur le plan pratique, nous pensons qu'il est plus probable de constater une croissance de
la demande de travail à la suite d’une baisse de l’effort horaire. Nous rappelons que les deux
effets qui s’opposent sont un effet direct positif et un effet indirect négatif induit par une baisse
de la demande totale d’effort. Or, ce second effet risque d’être faible car la demande totale
d’effort dépend de beaucoup d’autres facteurs tels que l’objectif de production de l’entreprise, la
technique de production… Ainsi, il y a de fortes chances de voir l’effet direct positif dominer le
second effet négatif. Dans ce cas, la baisse de l’effort horaire se traduit par une forte promotion
de l’emploi, contre une faible dépréciation du salaire réel. Nous soulignons que dans le
Graphique 1, la rigidité de la demande de travail accentue la hausse du salaire réel et limite
l’augmentation de l’offre de travail.
II- L'impact d'une politique de relance sur l'emploi
On vient de montrer qu’une baisse de l’effort horaire peut conduire à une augmentation du
volume de l’emploi, accompagnée d’une baisse du taux de salaire réel. Il faut néanmoins
rationaliser ces résultats d’un point de vue stratégique. On devra notamment répondre aux
questions suivantes : pourquoi les travailleurs tolèreront-ils une baisse de leurs pouvoirs
d’achat ? Pour quelles raisons les producteurs baisseront-ils l’effort horaire, alors que les
263
critères d’optimalité suggèrent de le fixer à son niveau maximal ? Enfin, quelles sont les
conditions requises pour qu’une politique de relance aboutisse aux résultats espérés ?
1-Le comportement stratégique des trois joueurs
1.1- La réaction des travailleurs
Supposons que l'équilibre du marché du travail est insatisfaisant du point de vue de la
banque centrale, qui cible un taux de chômage plus faible. Elle décide donc d'entreprendre
une politique inflationniste afin de réduire le salaire réel et d’inciter les entrepreneurs à
augmenter leurs demandes de travail. Quelle sera la réaction des travailleurs à une telle
politique ?
Dans notre modèle, l’hostilité systématique aux politiques inflationnistes disparaît grâce
à la satisfaction que tirent les travailleurs d’une baisse de l’effort horaire. Nous rappelons que
pour un effort total constant, une augmentation des effectifs permet une réduction de l’effort
horaire ( e =e/L). Ainsi, la désutilité du travail s’atténue et la satisfaction des salariés
augmente. Ces derniers ont donc intérêt à tolérer une augmentation du taux d'inflation tant
que l'utilité qu'elle leur procure en réduisant l’effort horaire dépasse la désutilité qu'elle génère
en diminuant leur pouvoir d’achat.
La stratégie des travailleurs peut varier de la coopération totale à l'opposition totale. S’ils
trouvent que le gain d’utilité que leur procure la baisse de l'effort horaire est supérieure à la
désutilité liée à la baisse du salaire réel, alors ils n’exigeront aucune revalorisation de leurs
rémunérations nominales. Par contre, si la moindre baisse du salaire réel s'avère plus coûteuse
en termes de bien-être que la baisse de l'effort horaire qu’elle génère, alors les travailleurs
exigeront une indexation parfaite des salaires nominaux à l’inflation. Enfin, ils peuvent adopter
une stratégie intermédiaire qui consiste à accepter une partie de la baisse du pouvoir d'achat
induite par la politique de relance afin d'amener l'effort horaire à un niveau plus satisfaisant.
Dans ce cas, l’équilibre est atteint lorsque l'utilité qu'apporte une baisse de l'effort horaire est
totalement compensée par la désutilité qu’elle génère en dépréciant le salaire réel :
( (
∂U C* , L0 − eL*
∂e
))
=
( (
∂U C* , L0 − eL*
∂ω
))
.
Nous tirons les conclusions suivantes de cette condition d’équilibre :
264
(i) Plus l'utilité marginale d’une baisse de l'effort horaire est importante, plus la probabilité
que les travailleurs acceptent une baisse du taux de salaire réel est élevée. Inversement,
plus l'utilité marginale du salaire réel est importante, moins les travailleurs seront disposer
à accepter sa baisse et donc à coopérer avec la tentative de relance.
(ii) Plus la demande de travail est sensible aux variations du salaire réel, moins la condition
de coopération sera contraignante. Dans ce cas, il suffit d'une faible augmentation du taux
d'inflation (respectivement une faible baisse du salaire réel) pour aboutir à une forte
augmentation de la demande de travail et une forte baisse de l'effort horaire.
Les travailleurs peuvent donc trouver qu'il est dans leur intérêt d'accepter une baisse de
leur pouvoir d'achat en contrepartie d’une baisse de l'effort horaire. Dans ce cas, le processus
de négociation portera sur la question des salaires mais également sur la politique de
recrutement de
l’entreprise.
Les
représentants
syndicaux peuvent
modérer
leurs
revendications salariales en échange d’une augmentation des effectifs.
1.2- La réaction des producteurs
Si les travailleurs sont intéressés par une baisse de l’effort horaire, les producteurs sont
plutôt tentés de le fixer à son niveau maximal. Cette décision satisfait les critères d’optimalité
en réduisant au maximum la masse salariale réelle. Nous recensons toutefois quelques
arguments susceptibles de convaincre les entrepreneurs d’accepter une augmentation des
effectifs et une baisse de l’effort horaire.
D’abord, l’augmentation du nombre d’heures de travail induite par la baisse de l’effort
horaire ne représente aucun coût supplémentaire pour les producteurs, car elle sera
entièrement financée par la baisse du salaire réel horaire. Les travailleurs sont en effet
disposés à renoncer à une indexation parfaite des salaires nominaux à l’inflation en
contrepartie d’une augmentation des effectifs. La politique de recrutement n’aura donc aucun
effet sur la performance de l’entreprise, puisqu’elle est conduite à masse salariale réelle
stable. Si la baisse de l’effort horaire n’a aucun coût réel, alors rien ne justifie une opposition
des producteurs à une telle revendication. Un refus non justifié risque de créer une situation
conflictuelle au sein de l’entreprise, ce qui peut nuire au bon déroulement du processus de
production.
Par ailleurs, les approches récentes de la gestion des ressources humaines présentent la
265
relation entre l’entreprise et ses employés comme un partenariat dans laquelle chacune des
deux parties est soucieuse de l’intérêt de l’autre. Les salariés se sentent impliqués dans la vie
de l’entreprise et tirent une certaine satisfaction d’une amélioration de ses résultats, tandis que
les entrepreneurs sont soucieux du bien-être de leurs salariés et s’emploient à améliorer leurs
conditions de travail. De ce point de vue, les producteurs adoptent spontanément les
dispositions qui portent satisfaction aux travailleurs, notamment lorsqu’elles ne génèrent
aucun coût réel.
Enfin, lorsque les salariés fournissent un effort très intense au cours des heures de travail,
cela peut se répercuter négativement sur la qualité de leur prestation. Notre modèle ne rend
pas compte de cet effet qualité qui existe dans la réalité. A terme, la mauvaise prestation des
travailleurs détériore la qualité des produits offerts par l’entreprise et se répercute
négativement sur ses résultats. Dans ce cas, le producteur tire profit d’une augmentation du
nombre de travailleurs, car cela leur garantit que ces derniers vont accomplirent parfaitement
leurs tâches.
En définitive, il existe quelques facteurs susceptibles de convaincre les producteurs de
donner suite aux revendications syndicales en matière de recrutement. Une politique
monétaire expansionniste peut donc réussir à stimuler l’emploi et à accroître le niveau de
satisfaction des travailleurs, sans qu’elle ne se traduise par une augmentation des charges
réelles des entreprises.
1.3- La banque centrale et la mise en place des politiques inflationnistes
La banque centrale doit intervenir au moment opportun pour garantir la réussite de sa
politique. Il faut notamment que les travailleurs ressentent une surcharge de travail qui les
incitent à coopérer avec la politique de relance. La banque centrale doit donc entreprendre ce
genre de politique seulement lorsque les travailleurs expriment un tel besoin. Dans le cas
contraire, son intervention se traduira entièrement en inflation et n’aura aucun effet réel.
Les autorités monétaires doivent donc recenser les facteurs qui signalent un tel besoin. Dans
un système de représentation assez centralisé, il leur suffit d’être attentives aux revendications
des responsables syndicaux et d’évaluer leur insistance sur le problème des effectifs. Elles
266
peuvent également encourager le déclenchement d’un processus de négociation et s’entretenir
avec les deux parties pour que la négociation s’engage sur cette voie66.
Nous soulignons enfin que la politique monétaire reste efficace même si seulement une
partie des offreurs et des demandeurs présents sur le marché se comportent conformément à
notre modèle.
Supposons que les travailleurs sont partagés en deux groupes : ceux qui sont en mesure
d'ajuster leurs efforts en fonction du salaire réel conformément au modèle de Solow (1979), et
ceux qui subissent le niveau d'effort fixé par les entrepreneurs. Lorsque la politique monétaire
est mise en place, les membres du premier groupe exigeront une réévaluation des salaires
nominaux pour continuer à fournir le même niveau d'effort, tandis que les membres du
deuxième groupe accepteront une certaine baisse de leur pouvoir d'achat accompagnée d’une
augmentation des effectifs. Ainsi, le bilan de la politique de relance sera toujours positif,
même si l'hétérogénéité des travailleurs limite son ampleur. Son impact final dépendra des
poids relatifs des deux groupes. Nos conclusions demeurent valables tant qu'une proportion
significative de travailleurs et de producteurs se comportent conformément à notre modèle.
2- Le réalisme des hypothèses
Notre modèle se différencie de la littérature standard par l'abandon de la relation
croissante entre le salaire réel et l'effort horaire. Nous considérons que l'entrepreneur demande
l’effort total compatible avec son objectif de production et fixe la contribution horaire de
chaque travailleur de façon à minimiser ses coûts. Les modèles du salaire d'efficience
supposent que le contrôle exercé par les entrepreneurs est imparfait. Les travailleurs sont donc
en mesure de diminuer sensiblement leurs efforts lorsqu'ils ne sont pas contrôlés.
La remise en question de cette hypothèse ne signifie pas que les travailleurs ne sont
jamais tentés de diminuer leurs efforts ou bien qu'une augmentation du salaire réel ne les
encourage pas à être plus productifs. Nous considérons simplement qu’il existe beaucoup de
facteurs qui peuvent se substituer au contrôle patronal et qui obligent les travailleurs à fournir
un maximum d'effort.
66
Cette intermédiation relève du rôle du gouvernement et non de celui de la banque centrale. Cette procédure
suppose donc un certain degré de coordination entre les deux autorités. Toutefois, Cette coordination est quasi
garantie car le gouvernement est aussi intéressé que la banque centrale par une augmentation des effectifs.
267
D’abord, dans beaucoup de domaines la cadence de travail est imposée par les
producteurs. Dans une usine les travailleurs ne choisissent pas la vitesse de la chaîne
d'assemblage. De même, un infirmier ne fixe pas le nombre de malades à soigner par jour. Un
maître d’hôtel ne choisit pas le nombre de clients qu’il va servir. Un employé dans une
administration publique ou dans une entreprise ne connaît pas à l’avance le nombre de client
qu’il va accueillir. En citant autant d'exemples, nous voulions montrer que cette remarque est
valable pour une fraction assez importante de travailleurs et qu'elle concerne aussi bien le
personnel qualifié que le personnel non qualifié.
A première vue, ces exemples relèvent d'une incompréhension de la notion d'effort, car
bien qu’une certaine cadence soit imposée par les producteurs, les travailleurs sont en mesure
de contrôler la qualité de leurs prestations. Face à cette critique, nous rappelons qu’une grande
partie des travailleurs sont obligés de fournir des prestations de qualité, car ils subissent
souvent un contrôle quasi-permanent sans que les employeurs n'entreprennent des mesures
particulières dans ce sens.
En effet, les clients des entreprises obligent souvent les employés à fournir l'effort
nécessaire et exercent donc un contrôle involontaire qui bénéficie aux employeurs. Ainsi, les
personnes qui attendent devant un guichet font pression sur l'employé en question pour qu'il
offre une prestation efficace et rapide. Dans un hôpital, les malades sont souvent exigeants
concernant la qualité des soins offerts par le corps médical. D'une façon générale, les clients
sont assez soucieux de la qualité des services qui leur sont offerts et poussent les travailleurs à
fournir un maximum d'effort.
D'autre part, les producteurs peuvent contrôler indirectement l'effort en fixant des
échéances précises pour les tâches que les travailleurs doivent accomplir. Dans ce sens, on
rappelle qu'une partie significative des cadres des entreprises passent des heures
supplémentaires à travailler sur des dossiers afin de respecter les échéances fixées par leurs
directions. La qualité de leur travail est systématiquement contrôlée par la hiérarchie.
Par ailleurs, la concurrence entre les travailleurs les pousse à s'investir au maximum dans
leurs tâches respectives. L'existence d'un système de promotion qui récompense les
travailleurs les plus productifs est à l’origine d'une telle concurrence.
En outre, l'organisation du processus de production peut amener les travailleurs à se
268
contrôler mutuellement. Dans la plupart des cas, le bien ou le service produit par l'entreprise
nécessite l'apport et la contribution de plusieurs personnes. Ainsi, aucun travailleur ne peut
bien remplir sa mission si ses collègues n’ont pas accomplit convenablement leurs tâches
respectives.
Si on rajoute à tous ces facteurs l'existence d'un service de control qui veille de près sur
les performances des travailleurs, il devient peu probable que ces derniers soient en mesure de
fournir un effort en dessous des attentes de leurs patrons.
En se basant sur ces arguments, on peut affirmer qu’une proportion importante de
travailleurs subit l’effort fixé par l'employeur. Dans ce cas, notre modélisation de l'effort est
plus appropriée pour l’étude de l'équilibre du marché du travail et pour l’évaluation des
conséquences d'une politique de lutte contre le chômage.
Nous soulignons enfin que dans notre modèle c’est le taux de salaire réel qui égalise entre
l’offre et la demande. Dans les modèles d'efficience le salaire réel dépend uniquement des
caractéristiques de la fonction d'effort. Notre approche permet ainsi une intégration de la
notion d'effort au niveau des problèmes de décision, tout en préservant au salaire réel son rôle
économique, celui d'équilibrer le marché du travail.
La deuxième innovation introduite par notre modèle concerne l'impact de l'effort horaire
sur le bien-être des travailleurs. Dans les modèles standards, l'effort n’intervient pas au niveau
de la fonction d'utilité. Ainsi, les travailleurs tirent la même satisfaction de leurs heures de loisir
et subissent la même désutilité pendant les heures de travail, quelle que soit l’intensité de l'effort
qu’ils fournissent. De notre point de vue, cette approche est totalement irréaliste. Il nous semble
peu contestable qu’une augmentation de l’effort accentue la désutilité du travail et accroît la
satisfaction tirée des heures de loisirs. Nous avons donc introduit l’effort horaire au niveau de la
fonction d’utilité. Les conclusions de notre analyse sont valables pour toute fonction positive,
f( e ), croissante par rapport à l'effort horaire.
3- Les conclusions macroéconomiques
3.1- L’évidence concernant les besoins d’une baisse de l’effort
Nous venons de souligner que le besoin d'une baisse de l'effort peut être ressenti à
travers les revendications des travailleurs.
269
En France, et rien qu'au cours de l'année 1999, nous avons relevé un grand nombre des
revendications qui vont dans ce sens. Nous citons ainsi, des entreprises comme Air France, la
SNCF, la RATP… Dans le secteur public, le personnel infirmier et hospitalier, le personnel de
la sécurité sociale, de la Caisse d'allocations familiales, les enseignants du primaire et du
secondaire ont tous exprimés un besoin urgent d’une augmentation des effectifs, faisant valoir
leur surcharge de travail. Ces exemples montrent que dans des domaines variés, les
travailleurs ressentent le besoin d'une augmentation des effectifs afin de réduire l'effort fournit
pendant les heures de travail. Les hypothèses et les conclusions de notre modèle
correspondent donc une situation réelle vécue par une grande partie de travailleurs en France.
Le modèle offre par ailleurs un fondement théorique aux revendications syndicales
concernant les effectifs. Les travailleurs s’intéressent à tous les facteurs susceptibles
d’améliorer leur bien-être pendant les heures de travail. La diversité des points sur lesquels
portent les processus de négociation témoigne de l’attachement des travailleurs à une
multitude d’objectifs. Ainsi, une étude menée par un groupe d’économiste de l’OCDE
souligne « qu’il est important de noter que les conventions collectives ne portent pas
seulement sur les salaires, mais également sur les conditions de travail, de licenciement, la
formation professionnelle, les systèmes de retraites d'entreprise, l'introduction de nouvelles
technologies, les procédures de règlement des conflits, certains groupes de travailleurs
(femmes, handicapés, etc...). Il arrive même que les conventions collectives ne traitent que
partiellement la question des salaires, le plus souvent en instituant des règles ou
augmentations minimales, ou des augmentations moyennes à répartir entre les secteurs ou les
catégories de salariés ».67
Ce passage confirme le réalisme de notre approche. La littérature continue néanmoins à
tenir compte d’une seul objectif, celui de la stabilité du pouvoir d’achat. Nous ne contestons
pas le fait que les considérations salariales représentent l’une des principales préoccupations
des travailleurs. Nous rappelons tout simplement que ce n’est pas leur unique préoccupation.
La présence d’autres objectifs redonne à la politique économique son efficacité en matière de
lutte contre le chômage.
3.2- La réduction du temps de travail : une solution alternative
67
BIT, "Le travail dans le monde", 1997-97, OCDE (1994)
270
La politique de réduction du temps de travail mise en place dans un grand nombre de
pays, et plus récemment en France, constitue une solution alternative pour réduire l’intensité
de l’effort fournit par les salariés.
Elle consiste à maintenir l’effort horaire constant, mais à réduire le temps consacré au
travail, tout en maintenant le salaire réel fixe. La satisfaction supplémentaire que tire le
travailleur d’une telle alternative, provient essentiellement de l’augmentation du temps de
loisir. Ceci confirme notre deuxième hypothèse qui suppose que l’effort accentue non
seulement la désutilité du travail, mais également l’utilité du loisir.
A travers cet ensemble de constats et d’exemples, nous avons voulu montrer le réalisme
des hypothèses qui sous-tendent notre approche. Nous rappelons encore une fois que notre
modélisation de l'effort ne s'applique pas nécessairement à toutes les catégories de
travailleurs. Le fait qu’elle reflète la situation d'une partie significative des offreurs et
demandeurs de travail garantit néanmoins la pertinence des conclusions microéconomiques et
macroéconomiques qui en découlent.
271
Chapitre 7
Les marchés
financiers et la
nécessité des
politiques de
stabilisation
Introduction
Au cours de la première partie, nous nous sommes arrêté sur les principales lacunes des
analyses théoriques contemporaines. Dans ce chapitre, nous proposons quelques solutions à
certaines de ces critiques68, que nous commençons d'abord par rappeler :
(i) De nombreuses conclusions sont issues d'une vision très simplifiée de l’économie. Les
68
La critique concernant l'attitude des travailleurs envers les politiques inflationnistes a été traitée dans le chapitre
précédent.
272
nouveaux classiques par exemple, abordent les problèmes de politique monétaire en se basant
sur une fonction de réaction de la banque centrale, issue d'un programme d'optimisation, et
une courbe de Phillips augmentée des anticipations rationnelles. L'analyse néokeynésienne se
contente d'intégrer une équation de demande à côté de celle décrivant l'arbitrage entre
l'inflation et le chômage (voir Clarida Gali et Gertler (2000)).
(ii) Le débat est alimenté par des convictions économiques divergentes : les nouveaux
classiques se focalisent sur le canal de l'offre, tandis que les néokeynésiens demeurent
attachés à la demande considérant qu'elle est le véritable instigateur de la croissance et de
l'emploi. Or, les deux approches peuvent être pertinentes selon la proximité de l'économie du
plein emploi. Elles sont également complémentaires dans la mesure où, même en situation de
sous-emploi, l'efficacité d'une relance par la demande dépend souvent des conditions de
l'offre.
(iii) Les analyses théoriques et les exercices de simulation se focalisent souvent sur un seul
instrument de politique économique. Ils négligent ainsi les problèmes relatifs à la coordination
entre les politiques monétaire et budgétaire.
Nous allons tenter de remédier à ces problèmes en proposant une modélisation plus
complète de l'économie, qui essaye de concilier entre les optiques de l'offre et de la demande,
tout en tenant compte de la multiplicité des instruments de la politique économique.
La maquette que nous proposons se distingue des modèles standards sur un certain nombre
de points. Dans la suite de cette introduction nous montrons que les principales innovations
qui la caractérisent contribuent à répondre aux critiques que nous venons d’énoncer.
i- Les spécificités du modèle
Le paysage financier que nous proposons constitue la principale originalité de la
maquette. En effet, la plupart des modèles adoptent l'hypothèse simplificatrice selon laquelle
tous les actifs financiers sont rémunérés à un même taux fixé par la banque centrale. Cette
hypothèse reflète une vision particulière de l’économie qui s'articule au tour des points
suivants.
273
D’abord, le taux de rendement d'un investissement réel ne peut être différent du taux
d'intérêt rapporté par un placement financier pour une même échéance. Sur un marché
caractérisé par une information et une concurrence parfaites, un tel écart de rendement ne peut
persister, car il acheminera la totalité des capitaux vers le placement le plus rentable69. La
règle d'or constitue l'aboutissement macroéconomique de ce raisonnement. Elle énonce une
égalité entre le taux de croissance de la production et le taux d'intérêt réel. C'est la croissance
qui détermine les profits des entreprises et par conséquent le taux de rendement des actions.
La règle d'or établit ainsi un lien direct entre le taux d'intérêt et le taux de rendement du
capital productif. En fixant le taux d'intérêt de court terme, les autorités monétaires fixent
indirectement les divers taux longs ainsi que le taux de rendement des actions.
Dans un contexte d'incertitude, les placements à long terme présentent des risques
potentiels plus importants. Leurs détenteurs exigent donc une prime de risque. Pour la dette
publique, il s'agit notamment du risque inflationniste. Pour les actions s'ajoute l'incertitude
quant à la croissance de l'activité des entreprises. Les relations entre le taux d'intérêt et les
taux de rendement des diverses catégories d'actifs doivent donc intégrer les primes de risque.
Or, les primes en question dépendent des préférences des agents et notamment de leur attitude
envers le risque. Si on suppose que les préférences des agents sont stables dans le temps, alors
les primes le seront également. On retrouve donc des relations certaines entre le taux d'intérêt
et les taux de rendements des autres actifs. Même dans un contexte d'incertitude, la banque
centrale continue donc à déterminer indirectement les taux de rendement de tous les titres
échangés sur le marché.
Enfin, la structure par terme des taux d'intérêt résout le problème de la diversité des
échéances des placements en définissant une relation précise entre les taux de court et de long
terme.
Cette simplification, et les hypothèses qui la sous-tendent, sont contestables à
plusieurs égards. En effet, les préférences des agents ainsi que les facteurs réels qui
déterminent le rendements des actifs financiers évoluent au fil des périodes. L’influence qu’ils
exercent sur les rendements des titres n'est donc pas stable. La prime de risque est donc
69
La théorie du taux naturel de wicksell (1907) expose des mécanismes d'ajustement qui conduisent à moyen terme
à une égalité entre le taux de rendement des actifs financiers et le taux de rendement du capital réel.
274
volatile. Par ailleurs, les rendements des titres sont sous l’influence par de différents facteurs
et n'évoluent pas nécessairement dans le même sens. Ainsi, chaque actif présente un profil de
risque distinct, ce qui rend toute sa pertinence à la diversification de portefeuille. En effet, le
principal attrait de la présence d'une multitude d'actifs dans un portefeuille est qu'elle permet
une couverture contre le risque grâce aux corrélations négatives entre leurs rendements. En
définitive, l'identification d'une relation précise et stable entre les rendement des divers actifs
s'avèrent une entreprise fortement compromise.
Comme alternative à ce cadre simplifié, nous proposons un modèle qui distingue entre
trois catégories d'actifs : les actions, la dette de court terme et la dette de long terme70. Nous
distinguons également entre la dette privée de la dette publique. Nous supposons que la
première porte sur le court terme et la seconde porte sur le long terme. Le taux de rendement
de la dette publique est issu d'une confrontation entre l'offre et la demande. Il comporte un
risque inflationniste, car la dette assure le transfert de richesse d’une période à l’autre. Le taux
de rendement de la dette privée est fixé par la banque centrale. En distinguant le public du
privée et le court du long terme, nous cherchons à illustrer la variabilité des primes de risque
d’un côté et la diversité de leurs déterminants de l’autre.
Une telle modélisation du système financier présente les avantages suivants :
(i) Elle constitue un cadre propice à l'étude de l'interaction entre les sphères réelles et
financières. Dans un contexte simplifié, les actifs financiers évoluent de concert et exercent
ainsi les mêmes effets sur le secteur réel71. La prise en compte de l'hétérogénéité des profils de
risque différentie les réactions des marchés financiers aux chocs les prix et les rendements des
titres réagissent de façons différentes aux événements perturbateurs et exercent ainsi des
influences hétérogènes sur le secteur réel.
(ii) Elle offre une image plus réaliste du choix des politiques monétaire et budgétaire. En effet,
la vision simplifiée du système financier suppose que les autorités monétaires imposent à l'Etat
le taux auquel il doit emprunter. Les décisions de la banque centrale exercent ainsi une
influence directe sur la politique budgétaire. Notre modèle remédie à ce problème en distinguant
entre le taux court et le taux long : le premier est fixé par la banque centrale, alors que le second
70
Dans ce modèle, la dette de court terme est celle contractée et remboursée durant la même période, alors que la
dette de long terme est remboursée durant la période suivante.
71
Comme les rendements des actifs évoluent de façons identiques, les volumes de transactions sur les différents
marchés varient dans le même sens et dans les mêmes proportions.
275
résulte de l'équilibre du marché obligataire. Les deux actifs assurent des rôles différents : alors
que la dette de court terme sert à satisfaire des besoins urgents de liquidité, la dette de long
terme sert à redistribuer la richesse sur le cycle de vie conformément au besoin de
consommation. Les deux taux ont donc des interprétations économiques différentes : le taux
court représente le prix de la liquidité, alors que le taux long est le prix d'une unité de
consommation retardée dans le temps.
Grâce à la distinction entre le taux d'intérêt de court terme et le taux de rendement de la dette
publique, chacune des deux autorités dispose de ses propres instruments et jouit d'une parfaite
autonomie de décision. Toutefois, le modèle reste propice à l'étude de l'interaction entre les
deux politiques et à l'analyse des problèmes de coordination.
(iii) La distinction entre trois catégories d'actifs permet également de définir une palette
d'objectif plus large pour les deux autorités. On a déjà souligné l'importance qu'accordent les
autorités monétaires à la stabilité des marchés boursiers. Un tel objectif devient complètement
aberrant si on admet que ce sont les autorités monétaires elles mêmes qui fixent le rendement
des actifs financiers. De même, le gouvernement se fixe un objectif d'endettement. Or,
l'efficacité de cette stratégie ne peut être correctement appréciée dans un modèle qui assimile la
dette publique, à la dette privée et aux actions. La différentiation entre les actifs financiers
s'avère donc nécessaire pour une bonne appréhension des problèmes de décision et de choix des
objectifs de politique économique.
La deuxième particularité du modèle est qu'il rend compte des interactions entre les
canaux de l'offre et de la demande. Les entrepreneurs fixent leurs niveaux de production en
fonction de la demande anticipée, puis déterminent les quantités optimales des facteurs. Ces
quantités dépendent des coûts réels respectifs des facteurs. Or, les demandes de capital et de
travail pèsent sur la demande globale : le capital demandé détermine le volume des
investissements, tandis que le volume de la main d'œuvre détermine la masse salariale et
exerce une influence prépondérante sur la consommation. Les contraintes de l'offre exercent
ainsi une influence significative sur la demande et jouent un rôle central dans la détermination
du produit national.
276
Les canaux de l'offre et de la demande interviennent également au niveau de la
dynamique des prix. Les variations de la demande ainsi que celles des coûts des facteurs de
production peuvent être toutes les deux génératrices de tensions inflationnistes.
ii- L'organisation du chapitre
Nous consacrerons la première partie de ce chapitre au développement des fondements
microéconomiques du modèle. Nous dérivons les équations de comportement à l'échelle
individuelle, puis nous déduisons par agrégation les versions globales qui composeront la
maquette.
Dans la deuxième partie nous exploiterons le modèle afin d'étudier l'efficacité des
politiques monétaire et budgétaire en matière de stabilisation. L'exercice consiste à simuler des
chocs macroéconomiques, à analyser leurs impacts sur l'économie et à discerner les mesures de
stabilisation convenables. Nous vérifierons d’abord la capacité de l'économie à s'auto-stabiliser
à la suite d'un choc et nous essayerons d’apprécier l’impact de certaines rigidités nominales et
réelles sur l’équilibre du modèle. Nous nous intéresserons également aux comportements des
travailleurs, en distinguant deux formes d’équilibre sur le marché du travail : un équilibre
concurrentiel et un équilibre négocié.
277
Section 1 : La construction de la maquette
I- Les fondements microéconomiques
Au début de chaque période les entreprises fixent leurs niveaux de production désirés et
demandent la main d'œuvre et le capital nécessaires à leurs réalisations. Sur le marché du
travail, elles négocient avec les offreurs le salaire nominal de la période. Sur le marché du
crédit elles se procurent les capitaux nécessaires aux financement de leurs investissements.
Les entreprises s'engagent cependant à rembourser le principal et les intérêts des sommes
empruntées avant la fin de la période sur laquelle s'étale le processus de production.
A la fin de la période, les entreprises écoulent leurs marchandises sur les marchés,
rémunèrent leurs salariés et remboursent leurs dettes. Après le paiement des impôts, elles
distribuent aux actionnaires les dividendes de l'exercice en cours. L'Etat perçoit les recettes
fiscales, décide du montant de ses dépenses et émet les titres nécessaires au financement de
son déficit. Chaque ménage évalue sa richesse totale et la répartit entre la consommation et les
placements. Les parts des titres dans le portefeuille sont déterminées en fonction de leurs
rendements réels anticipés.
1- Le comportement des consommateurs
Notre économie compte N consommateurs dont l'objectif commun est de déterminer un
profil de consommation qui leur permet d'atteindre un niveau de satisfaction optimal. Chacun
d'entre eux maximise une fonction d'utilité qui décrit ses préférences, compte tenu de sa
contrainte financière. Les plans de consommation qui découlent de ces programmes
d'optimisation nécessitent une répartition précise de la richesse totale sur le cycle de vie. Les
marchés financiers permettent aux agents d'assurer cette redistribution. Lorsque leurs revenus
courants dépassent leurs besoins de consommation, ils placent leurs surplus de ressources sur
les marchés financiers. Lorsque la consommation désirée ne peut être financée dans sa totalité
par les revenus courants, les agents puisent dans leurs richesses financières pour combler ce
déficit de financement. Le recours aux placements financiers génère un second problème de
décision : les agents doivent déterminer la composition du portefeuille qui leur permet
278
d’assurer le transfert de la richesse avec un minimum de risque et un maximum de rentabilité.
Au début de chaque période, les consommateurs disposent d'un ensemble d'information
It, qui regroupe les observations actuelles et passées de toutes les variables économiques, ainsi
que les préférences des différents acteurs de l'économie. Les agents prennent leurs décisions
de consommation et d’investissement en se basant sur ces informations. Cependant, leurs
choix peuvent également dépendre des valeurs futures de certaines variables. Dans ce cas,
l’ensemble It orientera leurs anticipations. Ainsi, toute espérance mathématique comprenant
l'indice It est une espérance conditionnelle à cet ensemble d'information72.
On suppose que les agents ont les mêmes préférences et les mêmes contraintes
financières de façon à ce que leurs décisions soient identiques. On peut donc dériver les
équations de comportement pour un agent représentatif i et les généraliser par agrégation à
l'ensemble des consommateurs.
1.1- Définition des variables
A la date t, le patrimoine d’un consommateur i se compose de la richesse financière
qu'il a accumulé au fil des périodes et de son revenu salarial net d’impôt. On définit la valeur
réelle à la date t d'un portefeuille constitué en t-1 comme la valeur actuelle réelle des actifs
qui le compose, augmentée de leurs rendements réels respectifs nets d'impôts. Dans ce
modèle on distingue deux types de placements : les actions et la dette publique. La dette a un
rendement nominal fixé à la date d'acquisition, alors que les actions donnent droit à une partie
des bénéfices réalisés par l’entreprise émettrice. Le profit distribué aux actionnaires et les
intérêts rapportés par les placements obligataires sont imposés aux taux τ.73
Soit Bti la valeur réelle des obligations émises à la date t et détenues par l’agent i, et ℜt
leur taux de rendement nominal. Notons par qt et Kti respectivement le prix réel d’une action
et le stock d'actions74 détenus par l'agent i à la date t. La valeur réelle de son portefeuille
d'actions est donc : Qti = qt K ti .
72
EIt (Xt)=E(Xt/ It).
73
Si les agents réalisent des plus-values sur les prix des actions, elles sont également sujettes au taux τ.
74
Le stock d’actions correspond à Kt unités du capital physique détenu par les entreprises.
279
On appellera ρ t le taux de profit nominal sur les fonds propres75. Il représente le taux
de rendement d'une unité monétaire investie en actions. La plus-value nominale sur le prix
∧
d’une action, qt , se définit comme suit :
∧
qt =
Pt qt − Pt −1qt −1
Pt −1 qt −1
où Pt est le prix effectif à la date t.
A l’aide de ces définitions on peut dériver l'expression de la valeur réelle à la date t du
portefeuille formé à la période t-1 :
i
t ,t −1
WF
=
1 + (1 − τ ) ℜt −1
1+ πt
∧
i
t −1
B
+
1 + (1 − τ ) qt + ρt
1+ πt
Qti−1
où πt est le taux d’inflation à la date t.
Le revenu réel courant du consommateur, constitué entièrement des rémunérations
salariales, s’écrit : Yt i = (1 − τ ) ωt , où ωt est le salaire réel à la date t et τ le taux d'imposition.
La richesse totale réelle de l’agent i à la date t regroupe les deux formes de richesse,
financière et humaine :
WTt i = WFt i,t −1 + Yt i .
1.2- Le problème de décision
A la fin de la période t, l’agent perçoit son revenu salarial ainsi que les rendements des
actifs financiers qui composent son portefeuille. Son objectif est de répartir cette richesse
entre la consommation et les placements financiers. Il doit également déterminer la part de
chaque actif dans le portefeuille. Sa contrainte budgétaire prend donc la forme suivante :
WFt i + Cti = WTt i
avec WFt i = Bti + qt K ti .
Le programme d’optimisation suivant décrit le problème de décision auquel il est
75
Une définition de cette variable sera proposée lorsqu'on étudiera le comportement des producteurs.
280
confronté à la fin de chaque période t :
{
}
Max U (Cti , Qti , Bti ) = EIt U1i ( Cti ) + β U 2i (WFt i+1,t )
S /C
∧

a
a
1
+
1
−
q
1 + (1 − τ ) ℜt i
τ
(
)
t +1 + ρt +1
WF i =
Qti +
Bt
t +1,t
a

1 + π t +1
1 + π ta+1

Bti + Qti + Cti = WFt i,t −1 + Yt i = WTt i

(I )
Au regard de la première contrainte, la décision de consommation et la composition du
portefeuille dépendront des rendements anticipés des actifs financiers.
On rappelle que ce programme est motivé par un plan de long terme qui vise à
atteindre un profil de consommation optimal. Ce plan nécessite une répartition particulière de
la richesse sur le cycle de vie. C'est dans ce sens que le consommateur se dote d’un
patrimoine financier qui lui permet de transférer ses ressources dans le temps de façon à
disposer à chaque période d'un budget cohérent avec son plan de consommation. La présence
de la richesse financière future au niveau de la fonction d'utilité témoigne donc de l'intérêt
qu'accorde l'agent à sa consommation future.
1.2.1- La répartition de la richesse entre les placements et la consommation
Nous spécifions les expressions des fonctions d'utilité afin de dériver les équations de
comportement :
U1i ( Cti ) = − ( Cti − a )
2
2
et U 2i (WFt i+1 ) = − (WFt i+1 − b ) .
Les fonctions quadratiques offrent des propriétés cohérentes avec les principes de la
théorie du choix de portefeuille76. A l'aide de ces fonctions, on peut résoudre le système (I) et
dériver ainsi l'expression de la consommation désirée :
76
Les principales propriétés de cette fonction est qu'elle est croissante par rapport au rendement (moment du
premier ordre) et décroissante par rapport au risque (moment de second ordre).
281
 E ∆2 E ∆2 − E ∆ ∆ 2 
( 1 ) ( 2 ) ( 1 2 )  a − bβ  E ∆ + E ( ∆1 − ∆2 ) E ( ∆2 ( ∆2 − ∆1 ) ) 
β
( 2)
2
2




E
E ( ∆1 − ∆ 2 )
∆
−
∆
(
)
1
2







id
i
Ct = WTt
+
2
2
 E ∆2 E ∆2 − E ( ∆ ∆ ) 
 E ∆2 E ∆2 − E ( ∆ ∆ ) 
( 1) ( 2)
1 2
1 2

 ( 1) ( 2)

β
1+ β 
1
+
2
2




E ( ∆1 − ∆ 2 )
E ( ∆1 − ∆ 2 )




(
)
(
(
)
∧
où
∆1 =
1 + (1 − τ ) qta+1 + ρta+1
1+ π
a
t +1
et ∆ 2 =
(
1 + (1 − τ ) ℜt
1 + π ta+1
représentent
)
(1)
)
respectivement
les
rendements réels anticipés des obligations et des actions.
Nous tirons les enseignements suivants de l’équation (1) :
•
La consommation est croissante par rapport à la richesse totale réelle77. Toutefois, seule
une partie de tout accroissement de la richesse sera consacrée à la consommation
immédiate. L'intérêt que l'agent accorde à son bien-être futur le conduit à lisser son profil
de consommation.
•
La consommation peut être croissante ou décroissante par rapport aux rendements réels
des titres, selon l'importance relative des effets de revenu et de substitution. En effet, une
augmentation des rendements anticipés pousse l’agent à diminuer sa consommation et à
accroître le montant de ses placements. En même temps, il est incité à augmenter
prématurément sa consommation actuelle en réponse à la croissance anticipée de sa
richesse totale. Le surplus de rendement induit donc un effet de revenu qui contrecarre
l'effet de substitution.
A l'aide de la contrainte budgétaire on peut aisément passer de l'expression de la
consommation désirée à celle de la richesse financière désirée :
77
Voir l'annexe 7.1.1 pour les dérivées de la consommation désirée par rapport ses différents arguments.
282
WFt id

E ( ∆1 − ∆ 2 ) E ( ∆ 2 ( ∆ 2 − ∆1 ) ) 
a − bβ  E ( ∆2 ) +
2


E ( ∆1 − ∆ 2 )
WTt i

 .
=
−
2
2
 E ∆2 E ∆2 − E ( ∆ ∆ ) 
 E ∆2 E ∆2 − E ( ∆ ∆ ) 
( 1) ( 2)
1 2
1 2

 ( 1) ( 2)

β
1+ β 
1
+
2
2




E ( ∆1 − ∆ 2 )
E ( ∆1 − ∆ 2 )




(
(
)
(
)
(1')
)
On remarque que la richesse financière désirée réagit positivement à toute
augmentation de la richesse totale. A l'instar de la consommation, la relation aux rendements
anticipés des actifs financiers est ambiguë78.
1.2.2- La composition du portefeuille
La résolution du système (I) permet également de préciser le montant optimal alloué à
l'achat des actions :
Qtid = ( E ( ∆1 ) − E ( ∆ 2 ) )
b
(
E ( ∆1 − ∆ 2 )
2
)
+ WFt id
E ( ∆ 2 ( ∆ 2 − ∆1 ) )
(
E ( ∆1 − ∆ 2 )
2
)
. (2)
L'équation (2) nous révèle les déterminants de la demande d'actions :
•
La demande d'actions et leur part dans le portefeuille sont positivement corrélées à leur
rendement réel espéré, EIt ( ∆1 ) , et négativement corrélée au rendement réel espéré de la
dette, EIt ( ∆ 2 ) 79. Ces résultats sont cohérents avec ceux de la théorie du choix de
portefeuille qui stipule que la part de chaque actif est croissante par rapport à son
rendement relatif espéré.
•
La part des actions peut croître ou décroître à la suite d’une augmentation de la richesse
financière. Elle augmentera si le rendement réel espéré des actions est inférieur à celui de
la dette, et elle se restreindra autrement. Ce résultat s’explique par le fait que l’agent à une
aversion relative croissante envers le risque, ce qui le pousse à réduire le risque total de
son portefeuille à mesure que sa richesse augmente. Comme l'actif le plus risqué est celui
dont le rendement espéré est le plus élevé, sa part dans le portefeuille décroît à la suite
78
Les dérivées de la richesse financière désirée sont présentées dans l'annexe 7.1.2.
79
Les dérivées de la demande d'actions et de leur part dans le portefeuille sont présentées dans l'annexe 7.1.3.
283
d’une augmentation du montant total des placements.
La dette publique désirée peut être déduite à partir de sa contrainte budgétaire :
Btid = WTt i − Ctid − Qtid
ou
Btid = WFt id − Qtid
(3)
On peut évidemment obtenir une version qui exprime la demande de dette uniquement
en fonction des paramètres et des variables exogènes du modèle en remplaçant Ctid et Qtid par
leurs expressions.
2- Le comportement des entrepreneurs
L'économie est composée de J entreprises identiques qui produisent le même bien en
utilisant la même technique de production. On suppose que le marché des biens est en
situation de concurrence pure et parfaite. Par conséquent, les entreprises vendent leurs
produits au même prix. Puisqu'on propose un modèle à un seul bien, les prix à
l'investissement et à la consommation sont identiques. Durant sa première période d’activité
chaque entreprise émet des actions afin de financer l’achat de son capital. Etant identiques sur
tous les plans, les entreprises présentent les mêmes perspectives de profit. Ainsi, les actions
émises par chacune d'entre elles se vendent au même prix80. Ces actions sont vendus aux
ménages qui se partagent ainsi la propriété des entreprises. Le capital de chaque entreprise
varie d’une période à l’autre selon son plan de production. Les investissements qui
s’ensuivent sont entièrement financés par emprunt. Cette dette est contractée en début de
période et doit être remboursée, avec un intérêt rt , avant la fin de la période.
Les entrepreneurs disposent du même ensemble d'information que les ménages. On
rappelle que cet ensemble, It, contient les observations présentes et passées de toutes les
variables économiques. En s'appuyant sur ces informations et en tenant compte des évolutions
conjoncturelles, les entrepreneurs sont en mesure d'anticiper les décisions de tous les acteurs
de l'économie81. Ils sont notamment capable d'anticiper le volume la demande future.
80
Selon la théorie financière, le prix d’une action représente la somme actualisée des profit futures auxquelles elle
donnera droit.
81
Les producteurs sont conscients des conséquences macroéconomiques de leurs propres décisions (demandes de
capital et de travail).
284
Nous allons analyser le problème de décision d’une entreprise représentative j. Le
comportement identique des entrepreneurs permet de généraliser aisément les résultats
obtenus à l'ensemble du secteur productif.
2.1- Les demandes de capital et de travail
Pour un niveau de production donné, l'objectif d'une entreprise j est de maximiser son
profit compte tenu des coûts des facteurs et de la technique de production. Ce processus
d'optimisation débouche sur les fonctions de demande de capital et de travail. Il aura
également un impact déterminant sur la dynamique des prix. Il faut néanmoins préciser
l'expression de la fonction de production pour pouvoir dériver cet ensemble d'équation. Nous
proposons une fonction Cobb-Douglas standard, qui a pour inputs les facteurs capital et
travail :
1−α
F ( K , N ) = A( K j )
j α
(N )
.
où A est un paramètre qui témoigne du progrès technique, et α représente la part du chiffre
d'affaire qui revient au facteur travail à l’équilibre.
La demande d'investissement dépend de la demande de capital et du taux de
déclassement :
Itj = Ktj − (1− δ ) Ktj−1 .
Toutefois, nous considérons que les décisions d'investissement n'ont pas de
répercussions immédiates sur le volume de la production. Les délais de livraison et
d'installation justifient l'existence d'un tel décalage entre la décision d'achat et le début d'une
exploitation effective du capital. Pour tenir compte de ce retard nous supposons que le capital
ne devient productif qu'au bout d'une période. Ainsi, les entrepreneurs demandent dès la date t
le capital nécessaire à la production de la date t+1. Quant aux travailleurs, ils contribuent
instantanément au processus de production sans passer par des phases de formation ou
d'intégration. Ainsi, à la date t la production est réalisée avec la main d'œuvre recrutée au
cours de la même période.
285
Comme les biens d'équipement doivent être commandés une période à l'avance,
chaque producteur doit prendre la décision d'investissement en se basant sur ses anticipations.
Ainsi, à la date t il maximise le profit anticipé de la période t+1 afin d'apprécier le capital
nécessaire à sa réalisation.
A la fin de la période t+1, l'entreprise encaisse la recette de ses ventes, soit : Pt +1Yt +j1 .
Cependant, la réalisation de cette production lui coûtera une masse salariale (on appellera wt+1
le taux de salaire nominal de la période t+1), le montant de l'investissement (réalisé à la date
t) et le déclassement d'une partie de son capital, soit un coût total égal à
: wt +1 N t j+1 + (1 + rt ) Pt I t j + δ Pt +1 K t j .
Le programme d'optimisation qui reflète le problème de décision de l’entreprise j
prend donc la forme suivante :
a
a
a
Max Π tj+1 = Pt +1Yt +j1 − wt +1 Nt j+1 − (1 + rt ) Pt I t j − δ Pt +a1 K t j .
Y j = F ( K , N ) = A ( K j )1−α ( N j )α
t
t −1
t

j
j
j
I t = K t − (1 − δ ) Kt −1

S /C
La résolution de ce programme débouche sur les expressions des fonctions de
demande de capital et de travail :
K t jd =
a
1
Yt +j 1 )
(
A
 1 + rt
+δ
α −1 
a
 1 − α   1 + π t +1


ω ta+1
 α  


α −1






(4)
α
Nt jd
 1 + rt −1

+δ 
α 
1 1−α   1+ πt
 .
= Yt j 

ωt
A  α  





(5)
Deux conclusions évidentes ressortent de ces fonctions : la demande de chaque facteur
est décroissante par rapport à son coût relatif et croissante par rapport au volume de la
286
production.
La demande de capital dépend des valeurs anticipées des variables car la décision est prise
une période à l’avance par rapport au processus de production. Toutefois, le coût de
financement est celui de la période d’achat (le taux d’intérêt est celui de la période t). La
production est réalisé avec le travailleurs recrutés au début de la période. La demande de travail
dépend donc des valeurs courantes des variables.
2.2- Le prix désiré
Chaque entreprise analyse la situation sur le marché et essaye de déterminer le prix qui
lui permet de maximiser son profit. En élaborant sa stratégie, elle est amenée à tenir compte
de la présence de J-1 concurrents sur le marché. Dans un univers d'information parfaite,
chaque entreprise peut attirer la totalité des clients en leur proposant un prix inférieur à celui
demandé par ses concurrents. En concurrence pure et parfaite ce jeu aboutit donc à
l'alignement des prix désirés à un même niveau, celui qui permet à chaque entreprise de
couvrir ses charges de production. Nous retiendrons cette hypothèse pour le calcul du prix
désiré.
Pour chaque entreprise j, le coût total de la production de la période t est :
CTt j = wt N t j + ( (1 + rt −t ) Pt −1 + δ Pt ) K t j−1 .
Par conséquent, le coût unitaire du bien produit par cette entreprise s’élève à :
CU t j = Pt =
1
wt N t j + ( (1 + rt −t ) Pt −1 + δ Pt ) K t j−1 .
j
Yt
{
}
Or, on connaît les expressions des quantités optimales de travail et de capital nécessaires
à la réalisation d'un niveau de production Ytj (les équations (4) et (5)). En les substituant dans
l'équation précédente, et en procédant à quelques manipulations algébriques, on obtient
l'équation caractéristique du prix désiré :
287
 1 + rt −1
1
+δ

d
 1 α  ω t   1 + π t
d
Pt =    
 A   α  1−α








1−α
α
.
(6)
Deux propriétés assez logiques découlent de cette équation : (i) le prix désirée est
croissant par rapport aux coûts réels des facteurs ( ω t
et
1 + rt −1
+ δ ) ; (ii) le prix désiré est
1 + π td
décroissant par rapport au progrès technique (A).
2.3- Description du cadre comptable des entreprises
En l'absence de consommation intermédiaire, la valeur ajoutée englobe la totalité du
chiffre d’affaire. Comme charges d'exploitation, on retient uniquement les rémunérations
salariales. Le compte d'exploitation pour la période t se présente comme suit :
Emploi
Ressources
wt Nt
Pt Yt
EBEt
Les redevances fiscales ainsi que le remboursement du principal et des intérêts de la
dette seront assimilés à des transferts de revenu : on considère que l'Etat et les créanciers des
entreprises contribuent indirectement au processus de production ce qui leur vaut le droit à une
partie de l'excédent brut d'exploitation. La contribution des organismes financiers est d’avoir
fourni aux entreprises la liquidité nécessaire à la réalisation de leurs plans d'investissement. Les
intérêts versés à cet effet représentent la contrepartie de cette participation. L'Etat met à la
disposition des entreprises des biens et services publics indispensables au bon fonctionnement
du processus de production. En contrepartie, il prélève une partie du chiffre d'affaires. Après le
remboursement de la dette et le paiement des impôts, le montant restant sera transférer aux
actionnaires comme un accroissement de leurs propriétés de l'entreprise. Ainsi, on peut proposer
la définition suivante du taux de profit sur les fonds propres :
288
ρt =
(1−τ ) ( PY
t t − wt Nt − (1 + rt ) PI
t t)
Pt −1qt −1Kt −1
.
Le compte de revenu, corrigés des plus-values, illustre le partage de l'excédent brut
d'exploitation entre les créanciers, l’Etat et les actionnaires :
Emploi
Ressources
Le remboursement de la dette : Dt= Pt (1+rt)It
EBEt
L’impôt sur les sociétés : ISt=τ(Pt Yt - wt N t -Dt)
q t K t −1
∧
Rémunération des actionnaires : ρt Pt −1qt −1 K t −1
∧
Les plus-values sur les actions : q t K t −1
II- Le modèle macroéconomique
Nous commençons par une agrégation des équations de comportement issues des
programmes d'optimisation, avant de nous intéresser à la modélisation du comportement des
autorités monétaires et budgétaires et à l’étude sur les équilibres des différents marchés. Nous
arrivons ainsi à une version classique du modèle, où toutes la variables s’ajustent
instantanément à leurs valeurs désirées. Nous introduirons par la suite quelques hypothèses
qui justifient la lenteur d’ajustement de certaines variables. La prise en compte de ces
imperfections conduit à une version keynésienne du modèle.
1- La version classique du modèle
1.1- Des équations individuelles aux équations globales
Etant donné que les décisions prises par les agents sont identiques, le processus
d'agrégation consiste tout simplement à multiplier chacune des équations individuelles par le
nombre d'agents concernés (N pour les consommateurs et J pour les entrepreneurs). Pour des
raisons de simplicité, les variables agrégées préserveront leurs notations microéconomiques,
289
tout en abandonnant les indices i et j qui signalent leur caractère individuel.
La complexité des équations comportementales dérivées à partir des programmes
d'optimisation risque de voiler leurs contenus et d'empêcher une bonne lecture des résultats,
d'autant plus qu'elles seront regroupées dans un même modèle. Il convient donc d’apporter
quelques simplification à ces équations. Cette entreprise est d’autant plus pertinente qu’elle
n’affecte nullement le contenu économique des équations. En effet, on veillera à ce que les
versions macroéconomiques proposées respectent les propriétés établies à l'échelle
microéconomique.
La richesse financière désirée regroupe les portefeuilles détenus par l'ensemble des
consommateurs. L'expression dérivée à l'échelle individuelle conduit à la version globale
suivante :
∧


 1 + (1 − τ ) ℜt 
1 + (1 − τ ) qta+1 + ρta+1 

+ η3 
WFt = η1WTt + η2 
 + η0
a
a

1 + π t +1
 1 + π t +1 




d
où les paramètres η0, η1, η2 et η3 regroupe les termes composés de moments de second
ordre82. Ils témoignent de la sensibilité de la richesse financière à ces différents arguments.
L'analyse microéconomique a montré que η1 est compris entre 0 et 1. Les paramètres η2 et η3
peuvent prendre différents signes selon l'importance des effets de richesse et de substitution.
Les valeurs de ces paramètres pour un pays donné peuvent être estimées à partir des données
statistiques.
La consommation désirée représente le solde de la contrainte budgétaire :
Ctd = WTt − WFt d .
La demande globale d'actions dépend de la richesse financière désirée et des rendement
respectifs des actifs financiers. Les résultats microéconomiques suggèrent la fonction de
demande suivante :
82
Voir l'annexe 7.1.2.
290
∧
d
t
Qd = θ1
(1 − τ ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ ) ℜt
1+ π
a
t +1
+ θ 2WFt d + θ 0
où les paramètres θ0, θ1 et θ2 sont des fonctions des moments de second ordre83. Ainsi, on
peut les évaluer par estimation, à l'instar des paramètres présents dans l'équation de la richesse
financière.
Quant à la demande de dette publique, elle peut être déduite à partir de l'identité
comptable suivante :
Bd td = WFt d − Qdtd .
Nous notons par Ktd et Ndtd les niveaux désirés du capital et du travail à l'échelle
globale. Ces fonctions gardent leurs structures microéconomiques :
K td
 1 + rt
+δ
α −1 
1 a  1 − α   1 + π ta+1
= Yt +1 

A
ω ta+1
 α  


α −1






et
 1 + rt −1
+δ
α 
1
1
−
α

  1+ πt
d
Nd t = Yt 

A  α  
ωt








α
(7) et (8).
Quant au prix désiré, il est identique pour tous les entrepreneurs et préserve donc sa
formule microéconomique que décrit l’équation (6).
1.2- Le comportement des autorités
1.2.1- La fonction de réaction de la banque centrale
La première mission des autorités monétaires est d'alimenter l'économie avec la
liquidité nécessaire à son bon fonctionnement. Ainsi, les agents expriment leurs besoins de
monnaie aux organismes de crédit, qui se financent à leurs tours auprès de la banque centrale
au taux d’intérêt de court terme rt. En information et en concurrence parfaites les
intermédiaires financiers se contentent de couvrir leurs charges et exigent de leurs clients le
taux d’intérêt fixé par la banque centrale. Ils ne réalisent donc aucun profit. Nous retenons
cette hypothèse car elle permet une analyse beaucoup plus transparente des conséquences de
la politique monétaire, dans la mesure où les décisions de la banque centrale ne subissent
83
Voir l'annexe 7.1.3.
291
aucune déformation au cours du processus d’intermédiation84.
Leur deuxième mission consiste à entreprendre des mesures qui visent à atteindre un équilibre
macroéconomique satisfaisant. Elle se traduit par l'adoption d'une palette d'objectifs dont le
contrôle de l'inflation, le soutien de la demande, la lutte contre le chômage et la stabilité du
secteur financier et des marchés boursiers85. Les banquiers centraux réagissent aux écarts
entre les variables objectifs et leurs valeurs ciblées, profitant des effets directs et indirects
qu’exerce le taux d’intérêt de court terme sur les grandeurs en question.
Certaines préoccupations de long terme nécessitent néanmoins une politique différente de
celle dictée par la mission de stabilisation dont se charge la banque centrale. Elles poussent
ainsi les autorités monétaires à modérer leurs réactions aux évolutions de la conjoncture.
D’autre part, les variations du taux d’intérêt sont coûteuses en terme de crédibilité, ce qui
décourage la banque centrale de faire un usage fréquent de son instrument. Certains objectifs
réels, comme la stabilité du secteur financier, favorisent de leur côté un lissage du taux
d’intérêt. Les variations fréquente du taux peuvent fragiliser les organismes financiers en se
répercutant négativement sur leurs marges. Ces facteurs suggèrent une certaine inertie du taux
d’intérêt et donc une attitude peu réactive de la part des autorités monétaires aux revirements
de la conjoncture. Cette inertie résulterait de l’ancrage de l’instrument de la politique
monétaire à une valeur de référence qui traduit les préoccupations de long terme et les
considérations de crédibilité qui animent la banque centrale.
La fonction de réaction suivante résume les différentes considérations qui déterminent le
choix de la politique monétaire :
γ1
λ
1− λ
t −1
rt = r0 r
γ2
γ3
 Yt   Pt   Qd td 
 *  * 
* 
 Yt   Pt   Qd t 
où r0 est le taux d'intérêt de long terme. Pt*, yt* et Qdt* représentent respectivement le niveau
général des prix, le volume de production et la valeur boursière du capital ciblés par la banque
84
Pour que l'équilibre global des flux de revenu soit vérifié, nous supposons que les intérêts versées à la banque
centrale sont répartis entre l'Etat et les ménages. La part de l'Etat correspond aux recettes du seigneuriage, tandis
que la part des ménages correspond aux revenus des organismes financiers qui appartiennent au secteur privé.
85
Voir le chapitre 4 pour un exposé des fondements théoriques les divers objectifs.
292
centrale86. γ1, γ2 et γ3 sont des paramètres positifs qui témoignent de l’intensité de la réaction
monétaire. λ est un paramètre compris 0 et 1 qui témoigne de l’attachement de la banque
centrale au taux d’intérêt de référence r0.
Selon cette règle, la banque centrale réagit à tout ralentissement de la croissance par une
baisse du taux d'intérêt. Elle adopte une réaction similaire face aux chocs récessifs qui frappent
le marché des actions. Elle entreprend des mesures restrictives face à une augmentation du prix.
1.2.2- Les autorités budgétaires
En plus de ses dépenses courantes, l'Etat est tenu à rembourser le principal et les
intérêts de sa dette passée. Ces charges sont financées en grande partie par les recettes des
impôts sur les salaires, sur les profits et sur les rendements des actifs financiers. Le
gouvernement dispose également d’une partie des revenus perçus par la banque centrale.
Lorsque les dépenses sont supérieures aux ressources, l'Etat comble son déficit en ayant
recours à l’emprunt. La dette publique contractée à la date t sera remboursée à la période t+1
au taux ℜt. La contrainte budgétaire de l’Etat prend donc la forme suivante87 :
Bst =
1 + (1 − τ ) ℜt −1
1+ πt
∧


Πt
qt
d

Bst −1 + Gt − τ ωt Ndt + d +
Qdtd−1  − (1 − λ1 ) rt Itd .


Pt 1 + π t


Nous avons souligné que le gouvernement est plus attaché que la banque centrale aux
objectifs réels88. Il sera donc tenté de mettre en place des politiques expansionnistes en
s’appuyant sur les deux instruments qui sont sous son le contrôle : les dépenses et la fiscalité.
Nous allons considérer le cas où le gouvernement décide de fixer le taux d'imposition et
d'intervenir via les dépenses publiques. A l’instar de la banque centrale, le gouvernement peut
spécifier une cible de long terme, G0, pour son instrument. Cette cible peut être interprétée de
deux façons différentes. Dans une optique de dépense, le gouvernement s'intéresse à la
performance de l'économie. Ce sont donc les objectifs réels de long terme qui imposent les
dépenses de transferts et de fonctionnement et qui déterminent indirectement le montant total
86
Les cibles correspondent soit aux niveaux naturels (d'équilibre) des variables soit aux niveaux considérés comme
optimaux par la banque centrale.
87
« 1-λ1 » représente la part des revenus de seigneuriage versée par la banque centrale à l'Etat (la part restante
bénéficie aux ménages).
88
Voir le chapitre 4 pour un exposé des arguments qui soutiennent cette idée.
293
des dépenses ainsi que le volume de la dette publique. Dans une optique de dette, le
gouvernement cible un volume ou un rapport optimal de la dette et fixe le montant des dépenses
en conséquence.
Cependant, les dépenses publiques sont susceptibles de fluctuer autour de G0
essentiellement pour des raisons conjoncturelles. Une mauvaise conjoncture incite le
gouvernement à accroître ses dépenses afin de relancer l’activité. Elle provoque par ailleurs
une augmentation du volume et du rapport de la dette. Les contraintes d’endettement peuvent
inciter le gouvernement à réduire ses dépenses afin de résorber l’écart entre les agrégats de la
dette et leurs valeurs ciblées. Le contexte conjoncturel serait donc à l’origine d’une réaction
de la part du gouvernement quelle que soit le fondement économique de la cible G0.
En se basant sur ces arguments, on propose la fonction de réaction suivante :
σ1
λ
1− λ
t −1
Gt = G0 G
σ2
σ3
 Yt   Pt   Bt 
 *  *  *
 Yt   Pt   Bt 
  Bt
 
  Yt
* σ4
 Y 
 
  B t



où G0 est le niveau de dépense ciblé par le gouvernement. yt*, Pt*, Bt* et (B/y)t* représentent
respectivement le volume de production, le prix, le volume de la dette et le rapport de la dette
ciblés par les autorités. Les σi sont des paramètres négatifs. L'un des paramètres σ3 et σ4 est
nul selon que l'Etat cible le niveau de la dette, Bt*, ou son rapport au PIB. λ est un paramètre
compris 0 et 1 qui témoigne du degré d’indexation des dépenses publiques à leur cible de long
terme.
Les signes des paramètres indiquent que tout infléchissement de la croissance induit une
augmentation des dépenses publiques. Lorsque la règle porte sur le volume ou le rapport de la
dette, toute augmentation de l'une de ces variables se répercute négativement sur les dépenses.
Le gouvernement réagit à une augmentation du prix par une contraction des dépenses publiques.
Sa réaction vise à contenir les tensions inflationnistes sur le marché des biens en contrôlant la
croissance de la demande.
L'intensité de l'activisme budgétaire dépend des valeurs des paramètres σi , qui
indiquent la vitesse avec laquelle le gouvernement souhaite que les variables objectifs
294
convergent vers leurs valeurs désirées.
1.3- L'équilibre des marchés
1.3.1- Les marchés financiers
Sur le marché des actions, la demande globale, Qddt, regroupe les demandes de tous les
investisseurs individuels :
∧
Qdtd = θ1
(1 − τ ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ ) ℜt
1 + π ta+1
+ θ 2WFt d + θ 0 .
A travers l’acquisition de ces titres, les ménages s’approprient le stock de capital physique de
l’ensemble des entreprises : Qst = qtKdt.
Le prix d’équilibre égalise entre la demande exprimée par les ménages et le capital offert par
les entreprises :
Qdt = Qst .
Sur le marché de la dette, l'Etat rachète à la fin de la période t les titres émis au cours de
la période précédente et paye les charges qui leur correspondent au taux convenu ℜt-1. Il
propose par la suite de nouveaux titres à un nouveau taux ℜt. Les autorités budgétaires sont
conscientes que la part de la richesse totale qui sera consacrée à l'achat de la dette publique
dépend de son rendement relatif. Elles ajustent donc le taux de rendement de la dette afin
d’attirer les capitaux nécessaires au financement de leur déficit.
La condition d'équilibre est celle qui garantit l'égalité entre l'ensemble des demandes
individuelles, Bddt, et la dette offerte par l’Etat :
Bd td = Bst
d
d
t
⇔ WFt − Qd =
1 + (1 − τ ) ℜt −1
1+ πt
∧


Π
q
d
d 
t
t

Bst −1 + Gt − τ ωt Nd t + d +
Qdt −1 − (1 − λ1 ) rt I td


1+ πt
Pt


L'équilibre simultané le marché de la dette et celui des actions détermine le taux de rendement
295
de la dette publique, le prix des actions et le volume des transactions.
1.3.2- Le marché du travail
D’un point de vue classique, le comportement compétitif des travailleurs et des
producteurs garantit une parfaite flexibilité du taux de salaire réel. Les coalitions des travailleurs
peuvent néanmoins introduire une certaine rigidité sur ce marché en imposant une dynamique
salariale particulière89. Il convient donc d'analyser l'équilibre du marché du travail en présence
et en l'absence de telles coalitions.
i- La version "WS-PS" ou l'équilibre concurrentiel
Une augmentation du taux de salaire réel génère deux effets opposés. D’une part, elle
attire davantage de travailleurs sur le marché (effet de revenu). D’autre part, elle décourage
certains autres qui s’aperçoivent qu’ils peuvent gagner autant tout en travaillant moins (effet de
substitution). Nous supposons que le deuxième effet est dominé par le premier et que toute
augmentation du salaire réel stimule l’offre de travail :
Ns t = N 0 ω t
ϕ
où N0 est le volume de l'emploi à l'équilibre et ϕ un paramètre positif qui témoigne de
l’intensité de la réaction de l’offre de travail aux variations du taux de salaire réel.
La demande globale de travail, Ndtd, est décroissante par rapport au taux de salaire réel. Elle
recense les besoins de toutes les entreprises (voir l’équation (8)).
Le marché s’équilibre au taux de salaire réel qui égalise entre l'offre et la demande :
Nd td = Nst .
ii- La version "Phillips" ou l'équilibre négocié
Considérons maintenant le cas où les travailleurs se regroupent au sein d’organisations
syndicales afin d'accroître leur pouvoir de négociation face aux entrepreneurs. L'équilibre est
atteint en deux étapes. D’abord, le processus de négociation débouche sur le taux de salaire
nominal de la période. Ensuite, les entreprises fixent le volume de l'emploi en fonction du
89
Voir les chapitres 4 et 6 pour un commentaire des fondements d’un tel comportement.
296
coût relatif du facteur travail.
Nous avons analysé le comportement individuel des entreprises et dérivé la fonction de
demande globale de travail (équation (8)). Il faut donc définir une règle qui décrit la formation
du taux de salaire nominal. Il est évident que l’objectif des travailleurs consiste à éviter toute
baisse de leur pouvoir d'achat. Ainsi, ils essayent d'anticiper le taux d'inflation et exigent une
augmentation équivalente de la rémunération nominale. Une règle simple consiste donc à
indexer le salaire nominal au taux d'inflation. Il faut néanmoins tenir compte de certains
facteurs susceptibles d’influencer le degré d’indexation.
Ainsi, dans un contexte d'asymétrie d'information les anticipations manquent de
précision. Il est donc préférable de tenir compte d'une possible sous-indexation du salaire
nominal à l'inflation. Il faut également souligner que les processus de négociation ne
débouchent pas toujours sur une pleine satisfaction des revendications salariales.
Par ailleurs, le contexte économique peut influencer la stratégie des travailleurs. Une
augmentation du taux de chômage par exemple, peut les pousser à modérer leurs
revendications salariales par crainte de déclencher des mouvements de licenciement. La règle
de fixation du taux de salaire nominal obéit donc à des considérations conjoncturelles et en
particulier à celles qui affectent le marché du travail. Ces arguments nous conduisent à
proposer la règle suivante :
 Nd d 
wt = (1 + φπ t ) wt −1  t 
 N0 
µ
où φ et µ sont des paramètres positifs qui témoignent respectivement du degré
d'indexation à l'inflation et des répercussions de la conjoncture sur le taux de salaire nominal.
En définitive, l'équilibre du marché du travail est déterminé par le système d’équations
suivant :
297
µ

 Nd td 

wt = (1 + φπ t ) wt −1 


 N0 


 1 + rt −1

+δ
α 
 d 1 1−α  1+ πt
 Ndt = Yt 
 
α
ωt
A

 




α






1.3.3- Le marché des biens et services
En anticipant l’évolution de sa part de marché, chaque entreprise décide du volume de
biens qu’elle va écouler sur le marché pour la période en cours. La volonté de cibler la
demande avec un maximum de précision est compatible avec l'objectif de maximisation du
profit. Elle permet aux entreprises d'éviter les pertes consécutives à une production excessive
ou bien un manque à gagner si une partie de la demande reste insatisfaite. Ainsi, l'offre
globale sera une fonction de la demande globale anticipée.
Du côté de la demande, on recense les trois composantes habituelles : la
consommation, l'investissement et les dépenses publiques. Chacune de ces composantes
dépend directement ou indirectement du volume de la production90. La mission des
producteurs consiste donc à résoudre une équation de ce type :
Yt = Ct ( Yt ) + I t ( Yt ) + Gt ( Yt ) .
Nous supposons que les producteurs forment des anticipations parfaites, ce qui garantit
expost l’égalité entre l’offre et la demande.
Les entreprises demandent par la suite le capital et le travail nécessaires à la réalisation
de leurs plans de production. La banque centrale leur offre la liquidité nécessaire au taux rt91.
Les confrontations entre l'offre et la demande sur le marché du travail détermine le taux de
salaire réel92.
90
La consommation est une fonction des revenus salariaux qui dépendent de la production. La demande
d'investissement reflète la variation du stock de capital qui est directement liée au volume de la production. Les
dépenses publiques peuvent en dépendre en cas d’une stabilisation automatique ou délibérée.
91
Le taux d’intérêt de court terme est révélé aux entreprises avant que la décision de production ne soit prise.
92
En présence des syndicats les entreprises négocient le taux de salaire nominal avant de fixer leurs plans de
production et exprimer leurs demandes de travail.
298
Une fois le volume de production et les coûts des facteurs connus, le prix des biens est
fixé pour la période. Le gouvernement peut ainsi calculer les profits des entreprises, prévoir le
montant des recettes fiscales et déduire son solde primaire. Connaissant le taux de rendement
des actions, il déduit le taux de rendement qu’il doit offrir afin d’attirer suffisamment de
capitaux vers le marché de la dette.
Les ménages connaissent leur rémunérations salariales ainsi que les rendements réels de
leurs portefeuilles93. Ils peuvent ainsi évaluer leur richesse totale et la répartir entre la
consommation et les placements. Le montant alloué aux placements sera répartit entre les
actions et la dette publique en fonction de leurs rendements réels anticipées. Une fois que les
marchés des biens, du travail et des actions sont en équilibre, la loi de Walras garantit que le
dernier marché, celui de la dette publique, l’est également.
L’encadré suivant résume la version classique du modèle94.
Encadré 1 : La version classique de la maquette
Le comportement des consommateurs.
∧
WTt = Yt m +
La richesse financière désirée :
∧

a
a 
1
+
1
−
τ
q
 1+ (1−τ ) ℜt 
(
)
t +1 + ρt +1 

d
WFt = η1WTt +η2 
+
η

 +η0
3
a
a

1+ πt +1


 1+ πt +1 


1+ πt
Bdtd−1 +
1 + (1 − τ ) qt + ρt
La dynamique de la richesse :
La consommation désirée :
93
1 + (1 − τ ) ℜt −1
1+ πt
Qdtd−1
Ctd = WTt d − WFt d
Le rendement nominal de la dette est fixé à l’avance, tandis que le taux d’inflation et le profits des entreprises
peuvent être calculés à partir du le volume de production et des coûts des facteurs.
94
l’équilibre du marché du travail est un équilibre concurrentiel dans la version classique de la maquette.
L’équilibre négocié fera partie de la version keynésienne.
299
∧
d
t
(1 − τ ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ ) ℜt
La demande d'actions :
Qd = θ1
La demande de dette publique :
Bd td = WFt d − Qdtd
L'offre de travail :
Ns t = N 0ω t
1+π
a
t +1
+ θ 2WFt d + θ 0
ϕ
300
Le comportement des producteurs.
1 a 1−α 
Yt +1 

A
 α 
α −1
 1 + rt
 1+π a + δ
t +1


ω ta+1


Le capital désiré :
K td =
Les investissements :
I td = K td − (1 − δ ) K td−1
La demande de travail :
 1 + rt −1

+δ 
α 
1 1−α   1+ πt

Ndtd = Yt 

A  α  

ωt




Le prix désiré :
 1 + rt −1
1
+δ

d
 1 α  ω t   1 + π t
d
Pt =    
 A   α  1−α


L'offre d'actions :
Qst = qt K td






α −1
α






1−α
α
Le comportement des autorités budgétaires et monétaires.
La contrainte budgétaire :
Bst =
1+(1−τ ) ℜt−1
1+πt
∧


Π
q
d
Bst−1 +Gt −τ ωt Ndtd + t + t Qdtd−1  −(1− λ1 ) rI
t t


Pt 1+πt


σ1
Les fonctions de réaction budgétaires :
λ
1−λ
t −1
λ
1− λ
t −1
Gt = G0 G
σ2
γ1
Les fonctions de réaction monétaires :
rt = r0 r
σ3
 Yt   Pt   Bt 
 *  *  *
 Yt   Pt   Bt 
γ2
σ4
 Bt  Y * 
   
 Yt  B t 
γ3
 Yt   Pt   Qdtd 
 *  * 
* 
 Yt   Pt   Qdt 
Les équations d’équilibre.
301
Le marché de la dette :
Bdtd = Bst
Le marché des actions :
Qdtd = Qst
Le marché du travail :
Nd td = Nst
Le marché des biens :
Yt = Ctd + I td + Gt
2- La version keynésienne
L’encadré 1 présente un modèle dans lequel les variables s’ajustent instantanément à des
valeurs désirées qui sont dérivées à partir des programmes d’optimisation. Dans la réalité
certaines imperfections modifient la structure des problèmes de décision et conduisent les
agents à adopter des stratégie différentes de celles qu’il auraient choisies dans un contexte
d’information et de concurrence parfaite. Dans ce paragraphe, nous proposons une deuxième
version de la maquette qui tient compte de la présence de telles imperfections et qui illustre la
divergence entre les décisions prises dans les deux contextes.
Dans un univers d’information imparfaite, les consommateurs sont incapables d’estimer
parfaitement le montant de leurs ressources futures, notamment celles qui surviendront à des
échéances assez éloignées. Ils ne peuvent également distinguer la part transitoire de la part
permanente d’une variation du revenu courant. Dans ce contexte d’incertitude, il est possible
qu’ils affectent une partie plus importante de leur richesse totale à la consommation. Un tel
comportement leur garantit une satisfaction immédiate certaine qu’ils préfèrent à une
satisfaction future fortement compromise. Ces arguments plaident en faveur d'un ajustement
partiel de la richesse financière à son niveau désiré en information parfaite. L’équation
suivante décrit un tel processus :
WFt = (WFt d ) (WFt −1 )
ψ
1−ψ
où ψ est un paramètre compris entre 0 et 1 , qui témoigne de la vitesse avec laquelle la
richesse financière converge vers sa valeur désirée. Plus ψ est proche de 1 plus l'ajustement
est rapide.
La consommation effective est déduite à partir de la contrainte budgétaire :
Ct = WTt − WFt .
302
La demande globale effective d'actions dépend de la richesse financière effective et non
de la richesse désirée. Cependant, elle préserve les principales caractéristiques de la demande
désirée. Ainsi, elle est croissante par rapport au rendement des actions et décroissante par
rapport à celui de la dette :
∧
Qdt = θ1
(1 − τ 3 ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ 3 ) ℜt
1 + π ta+1
+ θ 2WFt + θ0 .
La demande de dette publique est déduite à partir de l’identité comptable suivante :
Bdt = WFt − Qdt .
Les demandes effectives de capital et de travail peuvent diverger de celles issues d’un
programme d’optimisation en information et en concurrence parfaites. Les coûts d’ajustement
peuvent expliquer l’écart entre les demandes désirée et effective du capital. Les coûts liés aux
recrutements et aux licenciements conduisent de leur côté à un sous-ajustement de la demande
de travail à son niveau désiré. Les deux facteurs de production s’ajustent donc partiellement à
leurs valeurs désirées :
K t = ( Ktd )
u
v
1− u
( Kt −1 )
N t = ( Ndtd ) ( Nt −1 )
1− v
où u et v sont des paramètres compris entre 0 et 1. Plus ces paramètres sont proches de 1, plus
l'ajustement vers les valeurs optimales est rapide.
Enfin, le prix peut s’écarter de son niveau désiré. Cette divergence s’explique d’abord par
l’évolution de la conjoncture. Les variations de la production se répercutent souvent sur le prix,
car un léger décalage sépare les variations de la demande des ajustements de l'offre. Même en
admettant que les producteurs ressentent immédiatement les variations de la demande et
révisent leurs plans de production en conséquence, un intervalle de temps s'écoule avant que les
nouvelles stratégies de production ne se font ressentir au niveau des quantités écoulées sur le
marché. Durant ce laps de temps, le marché des biens reste en déséquilibre ce qui provoque une
variation du prix.
L’inertie du prix peut s’expliquer également par l’existence de certaines imperfections.
Nous avons déjà mentionné les coûts d’étiquetage (menu costs) et la théorie des contrats
échelonnés comme des fondements potentiels à la viscosité des prix. En information imparfaite
303
les entrepreneurs peuvent également se livrer à processus de tâtonnement qui constitue une
explication alternative à un ajustement progressif des prix.
L’équation suivante tient compte de l’influence qu’exercent ces facteurs sur la dynamique
du prix :
Pt = ( Pt
d
Ω
 Yt 


 Yt −1 
) (P )
1−Ω
t −1
χ
où Ω est compris entre 0 et 1 et χ est positif.
Nous proposons un deuxième encadré qui regroupe les équations de la version
keynésienne de la maquette.
Encadré 2 : La version keynésienne.
Le comportement des consommateurs.
m
1 + (1 − τ ) ℜt −1
La dynamique de la richesse :
WTt = Yt +
La richesse financière désirée :
WFt = (WFt d ) (WFt −1 )
La consommation désirée :
C t = WTt − WFt
1+ πt
ψ
∧
Bd
d
t −1
+
1 + (1 − τ ) qt + ρt
1+ πt
Qdt −1
1−ψ
∧
(1 − τ ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ ) ℜt
La demande d'actions :
Qdt = θ1
La demande de dette publique :
Bdt = WFt − Qdt
L'offre de travail :
Ns t = N 0ω t
1 + π ta+1
+ θ 2WFt + θ 0
ϕ
Le comportement des producteurs.
u
Le capital désiré :
K t = ( K td )
Les investissements :
I t = K t − (1 − δ ) K t −1
La demande de travail :
N t = ( Ndtd ) ( Nt −1 )
1−u
( Kt −1 )
v
1− v
304
χ
Ω
Le dynamique du prix :
Pt = ( Pt
L'offre d'actions :
Qst = qt K t
d
) (P )
1−Ω
t −1
 Yt 

 .
 Yt −1 
Le comportement des autorités budgétaires et monétaires.
La contrainte budgétaire :
Bst =
1+(1−τ ) ℜt−1
1+πt
∧


Π
q
Bst−1 +Gt −τ ωt Ndtd + t + t Qdt−1  −(1−λ1 ) rI
t t


Pt 1+πt


σ1
Les fonctions de réaction budgétaires :
λ
1−λ
t −1
λ
1− λ
t −1
Gt = G0 G
σ2
γ1
Les fonctions de réaction monétaires :
rt = r0 r
σ3
 Yt   Pt   Bt 
 *  *  *
 Yt   Pt   Bt 
γ2
σ4
 Bt  Y * 
   
 Yt  B t 
γ3
 Yt   Pt   Qdt 
 *  * 
* 
 Yt   Pt   Qd t 
Les équations d’équilibre.
Le marché de la dette :
Bdt = Bst
Le marché des actions :
Qdt = Qst
Le marché du travail :
N t = N t (ωt ) et
Le marché des biens :
Yt = Ct + I t + Gt
N 
wt = (1 + φπ t ) wt −1  t 
 N0 
µ
305
Section 2 : L’économie face aux chocs d’offre et de demande
Nous allons étudier la réaction du modèle aux chocs exogènes lorsque les autorités
monétaires et budgétaires adoptent des attitudes passives. L’absence d’une intervention
publique nous permettra d’apprécier la capacité de l’économie à s’autostabiliser à la suite
d’un choc récessif. A travers les exercices de simulations, nous mettrons en avant les
mécanismes internes susceptibles d’amorcer une relance de l’activité. Cette analyse nous
permettra de répondre à une première question, celle relative à la nécessité des politiques de
stabilisation. Elle nous offre également la possibilité d’étudier les liens entre la structure de
l’économie et sa capacité à s’autoréguler. La comparaison entre les versions classique et
keynésienne du modèle nous renseignera sur les conséquences macroéconomiques des
rigidités nominales.
Les valeurs initiales des variables et des paramètres du modèle sont définies dans l’annexe
7.3. Il s’agit d’un équilibre stable sans inflation et sans croissance. Les résultats que nous
présenterons au cours de ce chapitre ainsi que dans le chapitre 8 sont issues des simulations
programmées et exécutées sous Dynare95. C’est un module du logiciel Gauss qui permet de
résoudre des modèles dynamiques non-linéaires avec anticipations parfaites.
I- La version classique
La théorie classique stipule que tout événement déstabilisateur est contrecarré par des
ajustements spontanés qui permettent à l’économie de retrouver rapidement une situation
d’équilibre. Un choc qui provoque une contraction de la demande par exemple, s’accompagne
d’une baisse des prix qui génère un effet de richesse et conduit à terme à une relance de la
demande. En général, on devrait assister à la suite des chocs à une forte réaction des
grandeurs nominales et à une variation assez limitée des grandeurs réelles.
A travers les exercices de simulation, nous vérifierons si les réactions de la version
classique de la maquette sont conformes au schéma théorique que nous venons d’énoncer.
Nous considérons d’abord le cas d’un choc de demande qui consiste en une augmentation
permanente de 1% de la richesse financière désirée (ce qui équivaut à une baisse permanente
d’une même ampleur de la consommation désirée). Ce choc correspond à un changement de
préférence chez les agents qui s’intéressent davantage à leur consommation future, d’où leur
plus forte demande de placements. Nous simulerons par la suite un choc d’offre qui consiste
95
Voir Juillard (1996) pour un exposé détaillé du module Dynare.
306
en une baisse de 1% du paramètre A de la fonction de production. Ce choc correspond à une
baisse permanente de la productivité des facteurs capital et travail.
Ces deux événements doivent avoir des effets récessifs sur la demande. Le premier à
travers son effet direct sur la consommation et le second par le biais de son impact sur le taux
de salaire réel et le volume de l’emploi.
1- La dynamique de long terme
Le choc de demande ne doit avoir aucune répercussion durable sur l’activité, car
l’augmentation des placements accroîtra les revenus financiers futurs des ménages et
stimulera leurs consommations. Théoriquement, cet effet de richesse doit reconduire
l’économie vers son équilibre initial. Le graphique 1 décrit l’évolution des principales
grandeurs macroéconomiques à la suite du choc.
Nous constatons que les marchés du travail et des biens convergent à long terme vers
leurs équilibres initiaux. Le volume de la production et les diverses composantes de la
demande retrouvent ainsi leurs valeurs de départ. Seuls les marchés financiers demeurent
instables avec une éviction permanente des placements en actions et une augmentation
continue de la dette publique. On note également le déclenchement d’une légère boucle prixsalaire qui conduit à un taux d’inflation peu significatif à long terme.
L’instabilité des marchés financiers s’explique essentiellement par une forte
augmentation de la dette publique à la suite du choc. En effet, la production enregistre une
baisse assez importante durant la phase d’ajustement, ce qui provoque une forte détérioration
du solde budgétaire. Le gouvernement émet de nouveaux titres pour combler son déficit. Il
sera contraint de proposer une rémunération plus forte afin d'attirer davantage de capitaux, ce
qui alourdit ses charges et accroît ses besoins de financement futurs. Lorsque la production
retrouve le chemin de la croissance, le surplus de recettes fiscales qu’elle offre sera insuffisant
pour financer les charges d’une dette publique déjà très lourde. On assiste ainsi à une
augmentation continue du taux de rendement de la dette publique qui attire les capitaux vers
le marché des obligations, entraînant ainsi une dépréciation continue de la valeur boursière du
capital. Avec un taux de rendement stable96, les actions deviennent moins attractives que la
dette publique qui offre un taux de plus en plus élevé.
96
A long terme, la production, les coûts des facteurs et donc les profits des entreprises sont stables.
307
L'acquisition prématurée du capital productif associée à la rationalité des anticipations
font que la dynamique des prix est dépendante de l'état futur de l'économie. Lorsqu'ils
anticipent une stabilisation de la demande, les producteurs se contentent de renouveler le
capital déjà en place, ce qui se traduit par une stabilisation des dépenses d'investissement.
Graphique 1 : Le modèle classique face au choc de demande
Demande de travail
Production
702
1004
1003
701
1002
700
1001
1000
699
999
698
998
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
Dette publique
15
20
25
30
35
40
45
50
35
40
45
50
35
40
45
50
Valeur boursière du capital
510
2020
508
2015
506
2010
504
2005
502
2000
500
498
1995
5
10
15
20
25
30
35
40
45
5
50
10
15
Taux de rendement de la dette publique
20
25
30
Prix des actions
0.026
1.005
0.024
1.004
0.022
1.003
0.020
1.002
0.018
1.001
0.016
1.000
0.014
0.999
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
25
30
308
Taux de salaire nominal
Prix
1.000
1.000
0.998
0.998
0.996
0.996
0.994
0.992
0.994
0.990
0.992
0.988
0.990
0.986
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
Or, la stabilité des investissements est synonyme d'une stationnarité de leur coût relatif
et donc du taux d'inflation. Avec le retour de la demande à son niveau d'équilibre, les
entrepreneurs anticipent donc une stabilisation de l'inflation et fixent leur stratégies de
production en conséquence. Expost, leurs anticipations s'autoréalisent et imposent une
augmentation constante du prix. Le taux de salaire nominal emprunte cette même trajectoire,
ce qui se traduit par une stabilisation du taux de salaire réel et du volume de l'emploi.
Le graphique 2 nous décrit également l’évolution des principales grandeurs
macroéconomiques à la suite du choc d’offre (baisse de la productivité du travail et du
capital). Les résultats confirment les conclusions auxquelles nous venons d’aboutir :
l’instabilité concerne principalement le prix, les salaires nominaux et les marchés financiers.
Les divergences sont toutefois plus marquées et les équilibres initiaux et finaux sont différents
pour un grand nombre de variables.
En diminuant la productivité du travail et du capital, le choc provoque une baisse
durable de leurs rémunérations réelles respectives. Les agents limitent leur offre de travail et
leur demande d’investissement en réaction à la baisse des rendements réels de ces deux
facteurs, ce qui se traduit par une baisse du volume de l’emploi et du stock de capital à long
terme. La production se stabilise donc à un niveau inférieur à celui de l’équilibre initial. Les
recettes fiscales enregistrent une baisse permanente, ce qui accroît les besoins de financement
de l’Etat et conduit à une accélération de la spirale d’endettement. La stabilisation du
rendement réel des actions en dessous de sa valeur de départ contribue à intensifier l’éviction
des placements de ce marché.
En définitive, le choc d’offre diminue la richesse réelle, réduit le volume de la
production et accentue l’inflation et l’instabilité financière. Le choc de demande représente
une simple redistribution des ressources dans le temps, ce qui permet à la plupart des
variables de regagner leurs valeurs initiales à long terme. Les déséquilibres budgétaires qui
marquent la phase d’ajustement conduisent néanmoins au déclenchement d’une spirale
309
d’endettement qui se traduit à son tour par une éviction des placements en actions. Par
ailleurs, la dynamique des investissements et la rationalité des anticipations déclenchent une
légère boucle prix-salaire à long terme. Dans les deux cas, les résultats convergent vers la
nécessité d’une intervention publique afin de stabiliser le prix et les marchés financiers.
Graphique 2 : Le modèle classique face au choc d’offre
Demande de travail
Production
705
1010
1000
700
990
695
980
970
690
960
685
950
680
940
5
10
15
20
25
30
35
40
45
5
50
10
Dette publique
15
20
25
30
35
40
45
50
35
40
45
50
35
40
45
50
Valeur boursière du capital
520
2020
2000
500
1980
480
1960
460
1940
440
1920
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
Taux de rendement de la dette publique
20
25
30
Prix des actions
0.06
1.06
0.04
1.05
0.02
1.04
0.00
1.03
-0.02
1.02
-0.04
1.01
-0.06
1.00
-0.08
0.99
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
25
30
310
Taux de salaire nominal
Prix
1.04
1.04
1.03
1.02
1.02
1.00
1.01
0.98
1.00
0.99
0.96
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
2- Les mécanismes d’ajustement
Les deux chocs ne génèrent pas que des ajustements nominaux mais s’accompagnent
également par des variations de fortes ampleurs de certaines grandeurs réelles. On vient de
souligner que les variations réelles constatées au cours de cette phase intermédiaire sont à
l’origine de l’instabilité des marchés financiers.
On note par ailleurs que la plupart des variables empruntent des trajectoires cycliques au
cours de la phase d’ajustement. Ces cycles s'expliquent par la présence de deux catégories de
variables : celle qui dépend de l’état actuel de l’économie d’un côté et de celle qui dépend des
anticipations et donc de l’état futur de l’économie de l’autre. On propose une analyse qui met
en avant les mécanismes qui sont à l’origine de ces mouvements cycliques à la suite du choc
de demande.
Le choc se traduit par un accroissement de la richesse financière au détriment de la
consommation. La première période enregistre donc une baisse de l’activité, qui contraint
l’état à augmenter son stock de dette afin de compenser la baisse des recettes fiscales. Par
ailleurs, les agents anticipent une reprise de l’activité au cours de la prochaine période, ce qui
attire davantage de capitaux vers le marché des actions. L’augmentation du taux de rendement
de la dette publique attire de son côté une partie des capitaux vers le marché des obligations.
Les anticipations renforcent ainsi la croissance des placements financiers et accentuent
l’éviction de la consommation et la chute de la production.
Au cours de la deuxième période, les ménages disposent d’un potentiel de
consommation assez important grâce aux placements effectués lors de la période précédente.
Les entreprises anticipent une reprise de la demande et augmentent leurs demandes de travail,
ce qui accroît davantage le potentiel de consommation des ménages. L’augmentation des
profits des entreprises agit également dans ce sens. Par ailleurs, les agents anticipent une
311
détérioration future de l’activité et une baisse des rendements des actifs financiers. Ils
réagissent en diminuant fortement leurs placements et en affectant une partie plus importante
de leurs richesses à la consommation actuelle. Ainsi, la demande progresse davantage
profitant de ce retrait massif des capitaux des marchés financiers. Cette dynamique de
croissance est néanmoins freinée par la très forte baisse des investissements par anticipation
du futur ralentissement de l’activité et de la future baisse des prix.
En conclusion, la demande actuelle progresse au détriment des placements financiers au
cours des phases d’expansion, ce qui limite la richesse future des ménages et conduit
l’économie vers une récession. Durant les phases récessives du cycle, la baisse de la demande
achemine les capitaux vers les marchés financiers, préparant ainsi une prochaine reprise de
l’activité grâce à une plus forte richesse future. Ce cycle s’amortit au fil des périodes jusqu’à
ce que les variables atteignent leurs dynamiques de long terme.
A la suite du choc d’offre, l’économie connaît des mouvements cycliques semblables à
ceux qu’on vient de décrire. On note cependant une nette disproportion dans l’amplitude des
fluctuations, les cycles étant plus forts à la suite de ce deuxième choc. On remarque également
que l’économie entame le cycle par une phase d’expansion et non par une récession. En effet,
les agents anticipent l’impact permanent du choc et les tensions inflationnistes qui
s’ensuivent. Ainsi, ils limitent leurs placements financiers dans la perspective d’un déclin de
l’activité et d’une augmentation du taux d’inflation au cours de la prochaine période. La part
de la richesse allouée à la consommation évolue donc à la hausse. La première période
connaît donc une nette croissance de la production, d’autant plus que la baisse de la
productivité des facteurs oblige les entreprises à recruter davantage et à proposer des
rémunérations plus élevées pour attirer la main d’œuvre nécessaire. L’augmentation de la
masse salariale réelle accroît le revenu disponible des ménages et renforce la croissance. La
réaction immédiate sera donc contraire à celle constatée à la suite du choc de demande, où
l’activité enregistre une nette baisse. Les deux chocs débouchent ainsi sur des mouvements
cycliques symétriques.
3- La structure de l’économie et sa réaction aux chocs
La réaction d’une économie aux chocs dépend également de ses caractéristiques
structurelles et de son équilibre initial. Nous allons illustrer l’importance de ces propriétés
dans le cas du choc de demande précédemment définit.
3.1- L’élasticité de l’offre de travail au salaire réel
312
Nous essayons de mettre en avant les conséquences de la rigidité de l’offre de travail en
étudiant la réaction de l’économie pour des valeurs différentes de l’élasticité de l’offre de
travail au salaire réel (ρ). Les valeurs que prennent les principales variables du modèle
immédiatement après le choc sont rapportées dans le Tableau 1.
Nous constatons qu’un affaiblissement de l’élasticité en question permet à l’économie
d’amortir l’impact immédiat du choc. En effet, lorsque l’offre de travail est peu sensible aux
variations du salaire réel on ne constate qu’une baisse modérée du volume de l’emploi car
moins d’offreurs se retirent du marché même en cas de forte baisse du salaire réel. La relative
stabilité du volume de l’emploi, préserve le potentiel de consommation des ménages, limite la
baisse de la demande et amortit ainsi l’impact du choc sur l’activité. Le tableau 1 nous
enseigne que la production et l’emploi enregistrent des baisses moins fortes lorsque ϕ prend
les valeurs les plus faibles.
En atténuant l’effet récessif du choc, la rigidité de l’offre de travail limite la contraction des
recettes fiscales de l’Etat et permet ainsi de contenir l’augmentation de la dette publique. Cet
effet stabilisateur ne permet pas d’éviter le déclenchement de la spirale d’endettement à long
terme, mais parvient néanmoins à l’amortir partiellement. On constate donc une moins forte
progression du volume et du rapport de la dette et un plus faible déclin de la valeur boursière
du capital à long terme.
La faible élasticité de l’offre de travail permet également d’amortir la boucle prix-salaire. En
effet, la relative stabilité du volume de l’emploi modère les variations du taux de salaire
nominal et atténue ainsi les variations du prix.
Enfin, on constate que la rigidité de l’offre de travail limite l’ampleur de la reprise
durant les phases d’expansion, car les entreprises sont obligées de supporter de fortes
augmentations des rémunérations réelles si elles veulent attirer davantage de main d’œuvre.
Une faible valeur de ϕ n’est donc bénéfique pour l’économie qu'en cas de récession, où elle
contribue à limiter la contraction de la demande.
Tableau 1 : La réaction immédiate du modèle et l’élasticité de l’offre de travail au salaire
réel.
313
Y
Ν
B
Q
P
ϕ=0
1000
700
506
2017
0.995
ϕ = 0.5
998
698
507
2018
0.990
ϕ=1
997
697
508
2019
0.980
3.2- Le coût initial de la dette publique
Nous allons étudier la réaction de l’économie au choc d’offre pour différentes valeurs du taux
de rendement de la dette publique. Les valeurs de long terme des variables financières et du
prix sont rapportés dans le Tableau 2.
Nous remarquons que la spirale d’endettement s’atténue à mesure que le taux rendement
initial de la dette est élevé. En effet, une baisse du rendement de la dette publique limite la
richesse des agents et leur pouvoir d’achat et accentue ainsi la baisse de la production et de
l’emploi. Les recettes fiscales de l’Etat enregistrent un net déclin, ce qui l’oblige à s’endetter
davantage. On constate ainsi une intensification de la spirale de dette publique et de la
dépréciation de la valeur boursière du capital. Ces résultats s’inscrivent dans une logique
keynésienne, puisqu’ils confirment que la dette publique est considérée comme une richesse
par ses détenteurs.
Tableau 2 : La réaction du modèle et le coût initial de la dette
B
∆ℜ
Q
q
P
ℜ=0.015
933
0.0327
1606
0.810
0.1244
ℜ=0.020
924
0.0323
1611
0.812
0.1240
ℜ=0.025
915
0.0318
1616
0.814
0.1236
Les résultats des simulations contredisent la thèse classique pour deux principales
raisons. La première est que les agents sont conscients du comportement passif des autorités
monétaires et budgétaires. Par conséquent, ils savent que la croissance de la dette publique ne
314
motivera aucune augmentation future des prélèvements, ce qui les conduit à considérer les
titres publics et leur rendement comme une richesse nette. La deuxième est que le modèle
tient compte des variations du risque inflationniste, mais exclut implicitement les liens entre
le volume de la dette et le risque de défaut97. Or, du point de vue classique, l’augmentation de
la dette accroît le risque de défaut et pousse les agents à exiger un taux de rendement plus
élevé, ce qui accentue la spirale d’endettement.
II- La version keynésienne
Les modèles keynésiens se distinguent par les rigidités nominales, dont la principale
conséquence est le prolongement du délai d’ajustement vers l’équilibre. Les lenteurs des
ajustements peuvent également générer des distorsions permanentes qui empêchent l’économie
d’aboutir à une dynamique stable à long terme.
Les rigidités en question concernent essentiellement les prix et les salaires. Nous allons
exploiter la version keynésienne de la maquette afin d’illustrer l’impact de ces imperfections sur
la dynamique macroéconomique à la suite d’un choc.
1- La rigidité des prix
Nous considérons que le prix s’ajuste lentement à sa valeur désirée tout en subissant
l’influence de la croissance de la production98 :
Pt = ( Pt
d
Ω
) (P )
1−Ω
t −1
 yt 


 yt −1 
χ
avec Ω = χ = 0.5. Examinons maintenant la réaction du modèle à un choc d’offre identique à
celui que nous avons étudié précédemment à l’aide de la version classique de la maquette.
Le graphique 3 décrit l’évolution des principales grandeurs macroéconomiques à la suite
du choc. Nous présentons également les résultats obtenus à l’aide du modèle classique, afin de
permettre une comparaison entre les réactions des deux versions de la maquette.
97
Le taux de rendement nominal de la dette publique est fixé à la date d’émission. La dette et son rendement sont
donc exposés seulement à un risque inflationniste.
98
Nous allons étudier séparément les conséquences des rigidité énoncé dans première section. Toutes les équations
du modèles préserve donc leurs formes initiales et le seul changement concerne la dynamique du prix. Les valeurs
initiales des variables et des paramètres du modèle correspondent toujours celles spécifiées dans l'annexe 7.3.
315
La version keynésienne conduit à une dynamique de long terme beaucoup plus
satisfaisante. On note d’abord un ralentissement de la spirale de dette publique et un recul de
l’éviction de la valeur boursière du capital. La boucle prix-salaire perd en intensité. Enfin, le
taux de salaire réel, le volume d’emploi et la production convergent vers des niveaux plus
élevés.
Graphique 3 : Les versions keynésienne et classique face au choc d’offre
Demande de travail
Production
1010
715
1000
710
990
705
980
700
970
695
960
690
950
685
680
940
5
10
15
20
25
30
35
40
45
5
50
10
Dette publique
15
20
25
30
35
40
45
50
35
40
45
50
35
40
45
50
Valeur boursière du capital
520
2040
2020
500
2000
480
1980
1960
460
1940
440
1920
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
Taux de rendement de la dette publique
20
25
30
Prix des actions
0.08
1.06
0.06
1.05
0.04
1.04
0.02
1.03
0.00
1.02
-0.02
1.01
-0.04
1.00
-0.06
-0.08
0.99
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
25
30
316
Taux de salaire nominal
Prix
1.06
1.04
1.03
1.04
1.02
1.02
1.01
1.00
1.00
0.98
0.99
0.96
0.98
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
version keynésienne
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
version classique
Les différences au niveau des dynamiques de long terme s’expliquent par l’effet
stabilisant de la rigidité du prix. Lorsque le prix internalisent totalement l’effet du choc, les
agents anticipent une flambée de l’inflation, ce qui les conduit à réduire fortement leurs
placements financiers. Au cours de la deuxième période, la hausse du prix conjuguée à une
faible richesse financière limite considérablement le pouvoir d’achat des agents et provoque un
net déclin de la production. Les recettes fiscales baissent fortement et le solde budgétaire
enregistre une importante détérioration. En maintenant les dépenses publiques à leur niveau
initial, l’Etat est obligé d’émettre davantage de titres afin de combler son déficit, ce qui explique
le déclenchement de la spirale d’endettement.
Lorsque le prix ne réagit que partiellement au choc, les agents anticipent une
atténuation de l’inflation et une dépréciation moins forte de leur richesse. Ils s’attendent ainsi
à un affaiblissement de l’effet récessif du choc. L’évolution de la richesse financière nous
renseigne toujours sur leurs attentes quant à l’état futur de l’économie. La baisse modérée de
l’activité limite le déficit budgétaire et débouche sur une spirale de dette publique nettement
moins intense. La boucle prix-salaire s'atténue grâce à des variations moins fortes de la
production et de l’emploi : lorsque les variations de la production sont d’une faible ampleur,
elles induisent de faibles variations des rémunérations réelles et nominales et se traduisent par
des variations modérées du prix.
Nous avons également étudié les conséquences d’une variation du degré d’ajustement
du prix à sa valeur désirée (Ω ) et de l’intensité de l’effet de la croissance sur le prix (χ). Nous
arrivons à deux principales conclusions.
Nous remarquons que tout affaiblissement du degré d’ajustement atténue la spirale
inflationniste et l’instabilité des marchés financiers, ce qui confirme nos précédentes
317
conclusions. Lorsque le prix est totalement rigide l’économie retrouve son équilibre initial à
long terme. La dette publique et la valeur boursière du capital seront donc stables. En effet, la
présence de la boucle prix-salaire déprécie la richesse des ménages et se traduit par une baisse
permanente de la production. La rigidité du prix préserve le potentiel de consommation des
ménages et épargne à l’économie cette baisse de la production. A long terme, les recettes
fiscales regagnent leur niveau initial et permettent à l’Etat de stabiliser le volume et le rapport
de sa dette.
Concernant la sensibilité du prix au taux de croissance, on constate que toute
augmentation du paramètre χ se traduit par une multiplication des mouvements cycliques et
par un ralentissement de la convergence des variables vers leurs trajectoires de long terme. En
effet, les variations de la production et du prix se renforcent mutuellement aussi bien durant
les phases expansionnistes qu’au cours des phases restrictives : les effets de richesse
transmettent la variabilité nominale au secteur réel, dont les fluctuations amplifient à leur tour
les mouvements du prix.
2- La rigidité des salaires
La dynamique du taux de salaire nominal imposée par les syndicats peut constituer un
obstacle face à un ajustement rapide du salaire réel. Pour illustrer les conséquences d’une telle
rigidité, nous allons étudier la réaction de l’économie au choc d’offre selon le degré
d’indexation des salaires à l’inflation. Nous étudierons par la suite l’influence de la
conjoncture sur la dynamique des salaires.
2.1- L’indexation du taux de salaire nominal à l’inflation
Nous considérons que l’équilibre du marché du travail est déterminé par le système
suivant :
wt = (1 + φπ t ) wt −1 et Nt = Nt (ωt ) .
Le graphique 4 nous rapporte les résultats des simulations pour différentes valeurs de
φ. Une première lecture de ces résultats conduit à deux principales conclusions : plus le degré
d’indexation est fort, plus les ajustements de court terme sont faibles et moins la dynamique
de long terme est satisfaisante.
Nous savons que le choc réduit la productivité du travail et doit donc se traduire par
une baisse de la rémunération réelle de ce facteur. Lorsque l’indexation du salaire nominal à
l’inflation est faible, une augmentation modérée du prix suffit pour ajuster le taux de salaire
318
réel à sa valeur d’équilibre. On constate ainsi une faible augmentation du taux de salaire
nominal et du prix et une convergence rapide du taux de salaire réel à son niveau d'équilibre.
Plus la valeur de φ est forte, plus les valeurs d’équilibre des prix et des salaires nominaux sont
élevées et plus l’ajustement du taux de salaire réel à sa nouvelle valeur d’équilibre est lent.
La dynamique des prix et des salaires détermine la réaction immédiate de l’économie et
se répercute sur les trajectoires de long terme de certaines variables. En effet, les agents savent
qu’une faible indexation atténue les tensions inflationnistes et accélère la convergence du salaire
réel à son niveau d’équilibre. Ils anticipent ainsi une reprise rapide de l’activité et investissent
davantage sur les marchés financiers. L’économie connaît donc une forte récession au cours de
la première période, mais la reprise sera d’une grande ampleur car les revenus financiers vont
fortement stimuler le pouvoir d’achat des ménages. La reprise peut être importante au point de
propulser la production au-dessus de son équilibre initial. Dans ce cas, elle offrira à l’Etat un
surplus permanent de recettes fiscales, ce qui lui permet de se désendetter au fil des périodes. A
long terme on peut donc assister à une baisse permanente du volume et du rapport de la dette
publique, sans constater d’éviction des placements en actions en contrepartie.
Les enchaînements que nous venons de décrire s’affaiblissent à mesure que l’indexation
des salaires nominaux à l’inflation s’accentue. L’économie connaît une baisse parallèle des
recettes fiscales qui finissent par atteindre un seuil qui permet seulement une stabilisation du
volume et du rapport de la dette au PIB99. Lorsque le degré d’indexation dépasse cette valeur
critique, la reprise s’affaiblit au point où les recettes fiscales qu’elle génère ne permettent plus
de stabiliser la dette. On assiste donc au déclenchement d’une spirale de dette publique à long
terme. Cette spirale atteint son maximum lorsque les salaires nominaux sont parfaitement
indexés à l’inflation. Dans ce cas, la production se stabilise à son niveau le plus faible à long
terme, ce qui limite au maximum les recettes fiscales.
En cas d’une indexation parfaite, les anticipations sont tellement pessimistes qu’elles
induisent une reprise de l’activité lors de la première période. Les agents savent que
l’indexation parfaite bloquera le salaire réel à son niveau initial et se traduira ainsi par une
baisse permanente des profits des entreprises. Ils sont également conscients qu’elle déclenchera
une boucle prix-salaire qui provoquera une dépréciation durable de leur pouvoir d’achat. Ils
anticipent donc une forte détérioration de l’activité qui les incite à restreindre leurs placements
financiers. Dans un premier temps, la baisse de la richesse financière profitera à la
99
Dans notre modèle cette valeur critique de φ s’élève à 0.85.
319
consommation et génère une relance momentanée de l’activité. Elle induit par la suite à une
forte baisse de l’activité et accentue la spirale d’endettement.
Graphique 4 : L’indexation du taux de salaire nominal à l’inflation
La dette publique
La valeur boursière du capital
700
2010
2000
600
1990
1980
500
1970
1960
400
1950
300
1940
5
10
15
20
25
30
35
5
10
15
20
25
30
35
25
30
35
30
35
Le prix des actions
Le taux de rendement de la dette publique
0.2
1.4
1.3
0.1
1.2
0.0
1.1
1.0
-0.1
0.9
-0.2
0.8
5
10
15
20
25
30
35
5
10
15
20
La demande de travail
Production
1600
1400
1400
1200
1200
1000
1000
800
800
600
600
400
400
200
200
0
5
10
15
20
25
30
35
5
10
15
20
25
320
Le taux de salaire nominal
Le prix
1.030
1.030
1.025
1.025
1.020
1.020
1.015
1.015
1.010
1.010
1.005
1.005
1.000
1.000
0.995
0.995
5
10
15
20
25
30
35
φ=0.65
5
φ=0.85
10
15
20
25
30
35
φ=0.95
2.2- L’impact de la conjoncture
Nous considérons maintenant le cas où la dynamique des salaires nominaux est sensible
aux variations du volume de l’emploi :
µ
N t = N t ( wt ) et
N 
wt = (1 + φπ t ) wt −1  t  .
 N0 
Nous avons étudié l’impact d’une variation du paramètre µ sur les ajustements de court
terme et les dynamiques de long terme des variables.
Nous constatons que les variations du volume de l’emploi amplifient les ajustements de
court terme sans exercer d’effet durable sur l’activité. Lorsque l’économie est en phase de
récession les prix évoluent généralement à la baisse, ce qui se traduit par une baisse du taux de
salaire nominal grâce à l’indexation à l’inflation. La demande de travail évolue également à la
baisse et accentue la dépréciation du taux de salaire nominal. Lors des phases d’expansion les
prix et le volume de l’emploi augmentent et poussent le taux de salaire nominal à la hausse. On
assiste donc à une intensification à la fois des phases haussières et baissières des cycles. Ces
variations se transmettent aux variables réelles à travers les divers effets de richesse que
génèrent les variations des salaires et des prix. L’équilibre de long terme reste identique vu le
caractère symétrique des variations : les fortes hausses sont compensées par les fortes baisses et
vice versa.
3- D’autres formes de rigidité
Afin d’apprécier l’impact d’un sous-ajustement de la richesse financière, du capital ou
du travail sur les dynamiques de court et de long terme du modèle, nous avons donné
différentes valeurs aux paramètres d’ajustement respectifs de ces variables (ψ, u et v).
321
Nous remarquons que l’association de ces rigidités réelles aux rigidités nominales (celle
du prix en particulier) accentue l’instabilité du modèle. La rigidité du capital semble produire
l’effet le plus important, car elle exerce une influence directe sur l’une des composantes de la
demande globale.
Dans le cas du choc d’offre, le sous-ajustement du capital modère la relance des
investissements et ralentit la progression de la demande. La croissance des recettes fiscales
sera donc atténuée, ce qui accentue la spirale d’endettement. A terme, l’augmentation du
volume et du taux de rendement de la dette génère un effet de richesse qui stimule la
consommation des ménages et relance la production. Pour satisfaire la nouvelle demande, les
entrepreneurs proposent de plus fortes rémunérations réelles et nominales afin d’attirer la
main d’œuvre nécessaire. L’augmentation du coût du travail se répercute positivement sur le
prix. A long terme, l’économie connaîtra une plus forte croissance de la dette publique, une
baisse plus marquée de la valeur boursière du capital et une plus forte inflation. Outre, son
impact sur la dynamique de la dette et du prix, la rigidité du capital conduit à long terme à une
croissance de la production et du volume de l’emploi. L’instabilité s’étend ainsi à tous les
marchés.
Dans le cas du choc de demande, le cumul des rigidités réelles (du capital) et nominales
(du prix) plonge l’économie dans une dynamique déflationniste. En effet, l’inertie des
investissements atténue dans un premier temps l’effet récessif du choc et limite la baisse des
recettes fiscales. Cette affaiblissement de la récession profite à l’Etat qui peut intensifier son
processus de désendettement. La baisse du volume la dette publique et de son taux de
rendement réduisent la richesse des ménages et contribue à terme à prolonger la récession.
L’Etat bénéficie néanmoins d’une baisse continue du coût de sa dette, ce qui lui permet de
poursuivre son processus de désendettement malgré la baisse des recettes fiscales. Par
ailleurs, la baisse de la production se traduit par une baisse des rémunérations réelles et
nominales ce qui induit le prix à la baisse. En définitive, les sous-ajustements du capital et du
prix débouchent sur une baisse continue de la dette publique, du prix et de la production.
322
Chapitre 8
L’organisation
du policy mix :
les
enseignements de
la maquette
Les résultats obtenus dans le chapitre précédent convergent vers la nécessité d’employer des
politiques de stabilisation face aux chocs macroéconomiques. Les simulations révèlent que
l’économie ne peut compter sur ses propres mécanismes afin de converger spontanément vers
un nouvel équilibre. Les divergences persistent même lorsque les grandeurs réelles et
nominales s’ajustent instantanément à leurs valeurs désirées. L’économie semble donc
intrinsèquement instable.
La distinction entre la dette publique, la dette privée et les actions est à l’origine de ces
résultats. Les déséquilibres budgétaires générées par les chocs déstabilisent le marché de la
dette publique. Les variations du volume et du rendement de la dette génèrent des effets de
richesse qui transmettent cette instabilité financière au secteur réel. Les variations des
grandeurs réelles influencent à leur tour les recettes fiscales et resurgissent sur le marché de la
dette publique. Elles influencent également les profits des entreprises et se manifestent ainsi
sur le marché des actions. Le cours des actions subit par ailleurs l’influence de la dynamique
323
de la dette publique à travers l’effet de substitution. En définitive, les instabilités financières
et réelles s’alimentent mutuellement et empêchent l’économie de regagner une situation stable
à long terme.
Pour remédier à ce problème, les autorités budgétaires peuvent ajuster les taux
d’imposition ou les dépenses publiques de façon à stabiliser le déficit primaire. La banque
centrale peut intervenir à son tour en apportant son soutien à l’activité. Elle peut également
concentrer son action sur la lutte contre l’inflation.
Dans ce chapitre, nous essayerons d’apprécier l’efficacité des différents scénarios de
stabilisation, à partir d’une version keynésienne de la maquette. Nous examinerons
notamment le bien fondé de l’affectation standard, qui consiste à charger la banque centrale
du contrôle de l’inflation et le gouvernement de la stabilisation du volume ou du rapport de la
dette.
Nous essayerons également de répondre à certaines questions relatives aux choix des
cibles pour les instruments et pour les variables objectifs. Nous étudierons enfin l’impact de
l’intensité des réactions monétaires et budgétaires sur l’équilibre macroéconomique. Nous
différentierons les régimes cohérents des régimes conflictuels et nous comparerons leurs
performances respectives.
Nous évaluerons également la performance des politiques de stabilisation en fonction
de l’équilibre sur le marché du travail. Ainsi, nous distinguerons en permanence entre les
résultats obtenus en cas d’un équilibre concurrentiel sur le marché du travail (que nous
appellerons le modèle WSPS) de ceux issus d’un équilibre négocié (que nous appellerons le
modèle Phillips).
324
Section 1 : La répartition des rôles
L’objectif de cette section est d’étudier les propriétés des fonctions de réaction
budgétaire et monétaire et d’apprécier leurs capacités à stabiliser l’économie à la suite d’un
choc. Nous verrons que seule la politique budgétaire est capable d’assurer cette tâche avec
succès. La politique monétaire produit des effets assez faibles et doit par conséquent se
contenter d’un rôle d’accompagnement.
I- L'apport d'une stabilisation budgétaire
Nous supposons que le gouvernement ajuste ses dépenses en réaction aux variations du
volume de la dette publique :
σ
B 
Gt = G0  t 
 B0 
où G0 et B0 représentent respectivement les valeurs d’équilibre des dépenses publiques et du
volume de la dette. σ est un paramètre négatif qui témoigne de l’intensité de la réaction
gouvernementale. Nous allons étudier la capacité de cette fonction de réaction à faire face aux
chocs d’offre et de demande, à partir d’une version keynésienne de la maquette100.
1- La réaction à un choc d’offre
Nous reprenons le choc étudié dans le chapitre précédent, qui consiste en une baisse
permanente de la productivité des facteurs101. ce choc doit se traduire par une baisse des
rémunérations réelles respectives du travail et du capital et par une augmentation du prix. Il
serait à l’origine d’une forte détérioration du pouvoir d’achat des ménages et d’une chute de la
100
Les valeurs d’équilibre des variables et des paramètres restes les mêmes (voir annexe 7.3). Les rigidités dont
tient compte cette maquette concernent le prix et le capital, qui mettent deux périodes pour s’uster à leurs valeurs
désirées. Le prix est également influencé par les varaitions de la production. Les équations suivantes décrivent ces
rigidités :
Pt = ( Pt
d
0.5
) (P )
t −1
0.5
 Yt 


 Yt − 1 
0.4
et
K t = ( K td )
0.5
( Kt −1 )
0.5
.
Pour le modèle Phillips la dynamqiue des prix est décrite par l’équation suivante :
wt =
101
(1
+ 0 .7 5π
t
) w t −1
 N

 N
t
0



0 .3
Une baisse de1% du paramètre A.
325
production. L’Etat constate donc un déséquilibre budgétaire dû à une baisse des recettes
fiscales.
La fonction de réaction que nous venons de définir permet au gouvernement d’ajuster ses
dépenses afin d’éviter le déclenchement d’une spirale d’endettement. Cependant, sa réaction
doit être suffisamment forte pour qu’elle se conclut par une stabilisation de la dette publique.
Il existe en effet une valeur critique de σ, en-dessous de laquelle les ajustements des dépenses
prescrits par la fonction de réaction ne font qu’atténuer la spirale d’endettement sans pouvoir
l’arrêter définitivement102.
Le graphique 1 décrit l’évolution des principales grandeurs macroéconomiques pour
différentes valeurs du paramètre σ. Il illustre l’impact de l’intensité de la réaction sur la
dynamique de long terme du modèle.
Lorsque la réaction budgétaire est faible (σ = –0.25), les variables empruntent des
trajectoires divergentes à de long terme. Cette remarque concerne surtout la dette publique, la
capitalisation boursière et le prix.
Lorsque la réaction du gouvernement est suffisamment forte pour stabiliser la dette
publique (σ = –0.5), le modèle converge vers un nouvel équilibre caractérisé par une plus
faible production, un taux de chômage plus fort et un rapport de dette plus élevé.
Une intensification de la réaction budgétaire (σ = –1) accroît son efficacité et accélère la
convergence vers l’équilibre de long terme. ainsi, les prix et le volume de la dette augmentent
dans de plus faibles proportions, tandis que la valeur boursière du capital enregistre une
moindre dépréciation. L’ampleur de la réaction initiale permet de contenir rapidement la
croissance du volume et du rendement de la dette publique, ce qui affaiblit les déficits à venir
et limite l’ampleur des futurs ajustements budgétaires. Les dépenses publiques se stabilisent
donc à un niveau plus élevé à long terme. Pour le gouvernement, le coût social initial
engendré par la forte baisse des dépenses publiques est compensée par les gains futurs offerts
par la stabilisation des dépenses à un niveau plus élevé.
102
Dans notre modèle cette valeur est au voisinage de –0.5.
326
Graphique 1 : Le choc d’offre et l’intensité de la réaction budgétaire
(le modèle WS-PS)
Dette publique
Production
620
1005
600
1000
580
995
560
990
540
985
520
980
500
975
480
970
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
Valeur boursière du capital
25
30
35
40
45
50
30
35
40
45
50
40
45
50
Prix
2020
1.06
2000
1.05
1980
1.04
1960
1.03
1940
1.02
1920
1.01
1900
1.00
1880
0.99
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
Demande de travail
20
25
Dépenses publiques
702
101
100
700
99
698
98
696
97
694
96
692
95
5
10
15
20
25
30
35
σ =-0.25
40
45
50
5
σ =-0.5
10
15
20
25
30
35
σ =-1
L’ampleur de la réaction budgétaire contribue également à contenir la progression du
prix. La forte baisse des dépenses publiques renforce l’effet récessif du choc et induit un fort
déclin de l’activité. Ainsi, la demande travail se contracte fortement entraînant une forte
baisse du taux de salaire nominal. La baisse de la demande d’une part et la chute des
rémunérations nominales de l’autre atténuent l’effet inflationniste du choc et expliquent la
convergence du prix vers un niveau moins élevé.
La stabilisation des dépenses publiques à un niveau plus élevée n’aura que de faibles
répercussions sur l’activité. La valeur de long terme des dépenses publiques s’explique
327
essentiellement par la baisse du volume et du taux de rendement de la dette publique. Elle
s’accompagne donc d’une baisse la richesse des ménages et d’un affaiblissement de leur
potentiel de consommation. Les dépenses publiques évincent ainsi une partie de la
consommation privée , ce qui explique leur faible impact sur la demande.
La performance de la politique budgétaire s'améliore nettement avec le modèle Phillips,
dans la mesure où l’emploi et l’ensemble des composantes de la demande se stabilisent à des
niveaux plus élevés tandis la dette publique et les prix convergent vers des valeurs plus
faibles. Le tableau 1 montre l’écart entre les valeurs d’équilibre issues des versions Phillips et
WSPS de la maquette.
Dans le modèle Phillips, la baisse du volume de l’emploi qui suit le choc prolonge et
accentue la baisse du taux de salaire nominal, ce qui conduit à terme à une baisse du prix. Il
s’ensuit une augmentation du pouvoir d’achat des ménages et une relance de la demande.
Tableau 1 : Les valeurs d’équilibre issus des modèles WSPS et Phillips
Y
N
P
B
Qd
Modèle WSPS
975
692
1,016
519
1967
Modèle Phillips
985
700
1,009
510
1981
La reprise de l’activité se répercute positivement sur les résultats des entreprises,
d’autant plus que l’inertie du taux de salaire nominal limite la progression du salaire réel et
leur permet de bénéficier de la main d’œuvre nécessaire à un faible coût. L’augmentation des
profits des entreprises élargit le potentiel de consommation des ménages et renforce la
dynamique de croissance.
Les retombées fiscales de la croissance sur les recettes fiscales permettent à l’Etat de
contenir plus rapidement la croissance du volume et du coût de sa dette. Durant les périodes à
venir, les autorités peuvent donc se contenter de faibles ajustements de leurs dépenses, ce qui
épargne à l’économie un essoufflement rapide de la reprise. Le prolongement de la
dynamique de croissance s’accompagne d’une lente progression du volume de l’emploi qui
finit par regagner son niveau initial.
En définitive, la dynamique du taux de salaire nominal conduit à une amorce rapide de
la reprise, permettant ainsi à l’économie de converger vers un équilibre plus satisfaisant. A
long terme, le modèle Phillips permet notamment une stabilisation de l’emploi à son niveau
initial. La richesse des ménages ainsi que les diverses composantes de la demande globale se
328
stabilisent à des niveaux supérieurs à ceux obtenus avec le modèle WSPS. La dette publique
et le taux d'intérêt de long terme se stabilisent à des niveaux plus faibles. Enfin, la valeur
boursière du capital et le taux de profit réel atteignent des niveaux plus élevés.
2- La politique budgétaire face à un choc de demande
Le choc de demande consiste en une augmentation permanente de 1% de la richesse
financière désirée. Il se traduit donc par une augmentation des placements au détriment de la
consommation, et se répercute négativement sur la production et sur les recettes fiscales. Il
conduit à long terme au déclenchement d’une spirale de dette publique et d’une boucle prixsalaire.
L’Etat peut remédier à ce problème en ajustant ses dépenses en réaction aux déviations
du volume de sa dette de son niveau d’équilibre103. En acheminant davantage de fond vers les
marchés financiers, le choc réduit le coût de la dette et allège les charges de l’Etat. Le
gouvernement peut éliminer le surplus primaire induit par le choc en augmentant ses
dépenses. Il compensera ainsi la baisse de la consommation privée par une augmentation de la
consommation publique, ce qui conduit à une stabilisation de la production. L’intervention
étatique permet ainsi à l’économie de converger vers un nouvel équilibre caractérisé par une
plus faible consommation, des dépenses publiques plus élevées et une richesse plus forte. Le
taux de rendement de la dette publique enregistre une baisse durable, ce qui conduit à une
augmentation de la part des actions dans les portefeuilles des agents.
Les propriétés du nouvel équilibre ainsi que la rapidité des ajustements dépendent de
l’intensité de la réaction budgétaire : plus la réaction est faible, plus l’éviction de la
consommation privée est forte et plus la baisse du volume et du rapport de la dette est
soutenue. On constate également un ralentissement de la convergence de l’économie vers son
nouvel équilibre.
Une faible réaction des dépenses publiques, prolonge la baisse du taux de rendement de la
dette et permet à l’Etat de se désendetter pendant plus longtemps et plus massivement. Elle
accentue ainsi la baisse de la richesse des ménages et intensifie l’éviction de la
consommation. La demande globale continue néanmoins sa progression profitant de la
dynamique positive des dépenses publiques, ce qui garantit à l’Etat les recettes fiscales
suffisantes pour continuer son processus de désendettement.
σ
103
 Bt 

 B0 
La fonction de réaction budgétaire prend toujours la forme suivante : Gt = G0 
329
En conclusion, les autorités budgétaires peuvent exploiter de deux façons différentes la
baisse des charges dont elles bénéficient à la suite du choc : réduire leur dette d’un côté et
augmenter leurs dépenses de l’autre. Plus la part accordée à l’augmentation des dépenses est
importante, plus la baisse du taux de rendement de la dette est faible et plus la convergence
vers l’équilibre est rapide. A mesure que l’ajustement des dépenses s’affaiblit, la converge
vers l’équilibre est ralentit et le processus de désendettement se prolonge.
Il existe néanmoins une valeur critique du paramètre σ, au-dessus de laquelle la réaction
budgétaire ne peut plus garantir la convergence vers un équilibre stable. Dans ce cas, la baisse
des charges sera toujours supérieure à l’augmentation des dépenses, offrant en permanence au
gouvernement la possibilité de réduire davantage son stock de dette. La réaction budgétaire
sera en effet trop faible pour amortir la baisse du taux de rendement et du volume de la dette.
On assiste donc à une baisse continue de la dette publique et de son taux de rendement contre
une augmentation continue de la valeur boursière du capital.
La baisse de la consommation s’intensifie avec l’accélération du processus de
désendettement, et ne peut plus être compensée par l’augmentation des dépenses publiques.
La récession se propage ainsi à toutes les composantes de la demande. Le déclin de l’activité
s’accompagne d’une baisse du taux de salaire nominal, qui provoque à son tour une baisse des
prix. L’économie plonge donc dans une dynamique déflationniste.
Le graphique 2 illustre la dynamique de long terme du modèle en fonction de l’intensité
de la réaction budgétaire. Nous constatons que la politique de stabilisation doit être
suffisamment puissante (σ est inférieure ou égale à –0.4) pour parvenir à stabiliser le modèle.
L’équilibre s’améliore à mesure que la réaction budgétaire s’intensifie. La valeur critique de σ
est toutefois supérieure à celle relevée dans le cas du choc d’offre (-0.4 pour le choc de
demande contre –0.5 pour le choc d’offre), signalant que ce dernier choc nécessite une
réaction plus intensive de la part des autorités.
Graphique 2 : Le choc de demande et l’intensité de la réaction budgétaire
(le modèle WSPS)
330
Dette publique
Production
504
1001
502
1000
500
999
498
496
998
494
997
492
490
996
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
Valeur boursière du capital
25
30
35
40
45
50
30
35
40
45
50
40
45
50
Prix
2020
1.000
2015
0.998
2010
0.996
2005
0.994
2000
0.992
0.990
1995
5
10
15
20
25
30
35
40
45
5
50
10
15
Demande de travail
20
25
Dépenses publiques
701
100.6
100.4
700
100.2
699
100.0
698
99.8
697
99.6
696
99.4
5
10
15
20
25
σ =-0.25
30
35
40
45
50
σ =-0.4
5
10
15
20
25
30
35
σ =-1
Nous retrouvons les mêmes résultats avec la version Phillips de la maquette. Nous
constatons toutefois une multiplication des mouvements cycliques et un ralentissement de la
convergence des variables réelles vers leurs valeurs d’équilibre.
Lors de notre analyse du choc d’offre, nous avons souligné que la courbe de Phillips
ralentit la dynamique du taux de salaire nominal et induit une certaine inertie du prix. La
rigidité de ces grandeurs nominales conduit à de plus forts ajustements par les quantités. On
assiste donc à une amplification des mouvements cycliques des grandeurs réelles (toutes les
composantes de la demande, l’emploi et la dette publique), contre des variations plus faibles
des variables nominales (salaire nominal et prix).
331
Quant à la multiplication des cycles, elle s’explique par la variation du volume de
l’emploi au tour de sa valeur d’équilibre. Elle serait à l’origine des mouvements cycliques du
taux de salaire nominal, qui se transmettent aux prix et se propagent aux variables réelles par
le biais de l’effet de richesse.
II- La stabilisation par la politique monétaire
Nous avons testé la capacité de la politique monétaire à faire face aux chocs d'offre et de
demande précédemment définis. Nous constatons qu'elle est incapable de ramener l'économie
à l'équilibre quel que soit l’objectif qu’elle adopte et quelle que soit l’intensité de la réaction.
Cette conclusion est valable aussi bien pour le modèle WSPS que pour le modèle Phillips.
Le Graphique 3 illustre les trajectoires de long terme des principales variables du modèle
WSPS à la suite d’un choc d’offre, lorsque les autorités monétaires ciblent respectivement le
niveau des prix et le volume de production :

 Yt 
règle 1 : it = i0  

 Y0 

règle 2 : i = i  Pt 

t
0

 P0 

L'inefficacité de la politique monétaire s'explique par son faible impact sur la demande
globale : seuls les investissements sont sensibles aux variations du taux d'intérêt. De plus, une
très forte élasticité est requise pour que les mesures monétaires aboutissent à des variations
conséquentes de l’investissement.
L’incapacité de la politique monétaire à contrôler le prix s’explique par les effets
contradictoires qu’elle exerce sur cette variable. Une politique restrictive permet de résorber
les tensions inflationnistes sur le marché des biens en atténuant la croissance de la demande.
Elle accroît par ailleurs le coût du capital et contribue à renforcer l’augmentation du prix.
Graphique 3 : L’inefficacité de la politique monétaire face au choc d’offre
(le modèle WSPS)
332
Dette publique
Production
620
1005
600
1000
580
995
560
990
540
985
520
980
500
480
975
5
10
15
20
25
30
35
5
10
15
Valeur boursière du capital
20
25
30
35
25
30
35
30
35
Prix
2040
1.08
2000
1.06
1960
1.04
1920
1.02
1880
1.00
1840
0.98
5
10
15
20
25
30
35
5
10
15
20
Demande de travail
Taux d intérêt nominal
702
0.0164
700
0.0160
698
0.0156
696
0.0152
694
0.0148
0.0144
692
5
10
15
20
25
30
5
35
règle 1
10
15
20
25
règle 2
La réaction monétaire permet néanmoins un recul de la récession durant la phase
intermédiaire et une reprise légèrement plus forte à long terme. Cependant, elle ne permet ni
d'empêcher le déclenchement de la spirale inflationniste, ni d’éviter l'instabilité des marchés
financiers. Sa performance face au choc de demande n'est guère plus satisfaisante. Bien
qu'elle parvient à atténuer légèrement la récession du long terme, elle demeure incapable
d'empêcher la dynamique déflationniste d'entrer en action.
A l’instar de la politique budgétaire, l'efficacité de la politique monétaire s'accroît à mesure
que l’intensité de la réaction du d’intérêt aux variations des variables objectifs s’intensifie.
Les gains en termes de production, d’emploi ou d’inflation sont toutefois très réduits. Pour
constater un gain de performance peu significatif, il faut que les autorités deviennent
extrêmement sensibles aux écarts entre la variable objectif et sa cible.
333
Section 2 : Le choix du régime
La politique budgétaire est la seule à pouvoir conduire l’économie vers un équilibre
stable à la suite d’un choc. Les autorités monétaires peuvent néanmoins mettre en place des
mesures d’accompagnement qui permettent d’améliorer la performance de la réaction
budgétaire. Cette répartition des rôles est une étape importante dans le choix du policy mix.
Cependant, beaucoup d’autres problèmes doivent être résolus afin d’identifier le meilleur
régime face à un événement déstabilisateur.
Le choix des objectifs est un domaine qui suscite de nombreuses interrogations. Outre
la production et l'inflation, les deux autorités peuvent s'intéresser au niveau de la dette
publique, à son rapport au PIB et aux cours de bourse. Par ailleurs, elles peuvent cibler aussi
bien les niveaux des variables que leurs taux de croissance. Nous venons également de voir
que l'intensité des réactions budgétaire et monétaire représente un facteur déterminant de leur
efficacité. Dans cette section, nous abordons cet ensemble de problèmes à travers des
exercices de simulation.
I- L’affectation des objectifs
1- Les objectifs budgétaires
En plus de la production, les gouvernements observent avec attention l'évolution du
volume de la dette et de son rapport au PIB. Des contraintes institutionnelles, à l’exemple des
critères de Maastricht, peuvent expliquer l'importance des objectifs d'endettement.
La nouvelle littérature classique considère que les gouvernements s’intéressent davantage
aux objectifs réels. L’objectif d’inflation est par conséquent rétrogradé au second plan. Dans
la zone Euro, les textes officiels considèrent que le contrôle de l'inflation est du ressort de la
banque centrale européenne. Il est intéressant d'examiner le bien fondé d'une telle affectation
des objectifs et d’étudier la capacité de la politique budgétaire à contribuer à la lutte contre
l’inflation.
Nous délaissons momentanément le problème des valeurs qu’il faut cibler, en supposant
que les autorités prennent les valeurs initiales des variables pour cibles. Nous nous intéressons
d’abord aux objectifs d’endettement en comparant les performances des fonctions de réaction
suivantes face à un choc d’offre104 :
104
Le choc consiste toujours en une baisse permanente de 1% de la productivité des facteurs.
334
σ

 Bt 
règle 1 : Gt = G0  

 B0 

σ
 Bt Y0 


règle 2 : Gt = G0 
 Yt B0 

où σ = -1.
Le graphique 4, illustre l’évolution des principales grandeurs macroéconomiques
lorsque chacune des ces deux règle est employée pour faire face au choc. La performance de
la première règle a été analysée au cours de la première section. Nous rappelons qu’elle
conduit à un équilibre caractérisé par une demande globale plus faible, une dette publique et
des prix plus élevés.
Ces résultats confirment la conclusion énoncée dans la première section, selon laquelle
l’intensité de la réaction constitue un facteur déterminant de son efficacité. Là encore la
performance de la deuxième règle s’explique essentiellement par le fait qu’elle accentue
l’ajustement des dépenses publiques à la suite du choc.
Graphique 4 : Comparaison entre les objectifs d’endettement
(modèle WSPS)
Dette publique
Production
520
1005
1000
515
995
510
990
985
505
980
500
975
495
970
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
40
45
50
Valeur boursière du capital
Prix
1.020
2010
1.015
2000
1.010
1990
1.005
1980
1.000
1970
0.995
1960
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
25
30
35
335
Demande de travail
Dépenses publiques
702
101
700
100
698
99
696
98
694
97
96
692
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
règle 1
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
règle 2
En ciblant le rapport de la dette les autorités budgétaires arrivent à de meilleurs
résultats : le prix, la dette publique et son rapport au PIB se stabilisent à des niveaux plus
faibles, tandis que la valeur boursière du capital converge vers un niveau plus élevé. Etant
sensible à la fois aux variations du volume de la dette et de la production, le rapport de la
dette s'écarte fortement de sa valeur d'équilibre à la suite du choc. L’ampleur de cette
déviation conduit à une forte baisse des dépenses publiques, qui limite la croissance des
charges réelles de la dette et permet ainsi à l'Etat de contenir plus rapidement la spirale
d’endettement. A terme, l’affaiblissement des déficits budgétaires limite ajustements des
dépenses publiques qui se stabilisent à un niveau plus élevé. L’ampleur de la réaction
budgétaire contribue par ailleurs à renforcer la baisse de la demande et du taux de salaire
nominal et à atténuer ainsi les tentions inflationnistes générées par le choc.Nous introduisons
maintenant des objectifs de production et de prix, à côté de l’objectif d’endettement:
σ1
σ2

 B  Y 
 règle 1 : Gt = G0  t   t 

 B0   Y0 

σ1
σ2
 Bt   Pt 

règle 2 : Gt = G0    
 B0   P0 

où σ1 = σ2 = -1.
La politique fiscale est souvent considérée comme plus efficace que la politique de
dépense en matière du contrôle des prix, car elle exerce une influence directe sur les coûts. La
relation entre les variations de la demande globale et celles du taux d’inflation justifie
néanmoins le recours à la politique de dépense pour le contrôle du prix.
Le graphique 5 nous décrit l’évolution des principales variables du modèle lorsque les
deux règles sont employées face au choc d’offre.
336
Quand le gouvernement réagit aux variations de la demande en plus de celles de la
dette publique (règle 1), sa politique conduit à une plus forte augmentation du prix et du
volume de la dette, sans qu’elle ne parvienne à limiter les pertes en matière de production et
d’emploi. En effet, le soutien qu'apporte le gouvernement à la demande, limite dans un
premier temps la baisse des dépenses publiques et accentue l’augmentation de la dette et de
son taux de rendement. Les agents constatent un accroissement de leurs richesses qui stimule
leurs consommations. Cependant, cette augmentation de la demande privée s'accompagne à
terme par une baisse de plus en plus forte de la demande publique. En effet, lorsque la dette
atteint un seuil élevé, l'objectif d'endettement domine largement celui de la production,
conduisant à des baisses de plus en plus fortes des dépenses publiques. Ainsi, l'effet de
richesse généré par la dette publique est contrecarré par l'éviction des dépenses publiques, ce
qui explique la stabilité de la production et de l’emploi. Quant à l'inflation, elle s'amplifie
immédiatement après le choc, car le soutien qu'apporte la politique budgétaire à la demande
limite l’ampleur de la récession et atténue la baisse du taux de salaire nominal.
Graphique 5 : Comparaison entre des règles budgétaires à objectifs multiples
(le modèle WSPS)
Dette publique
Production
540
1005
1000
530
995
520
990
985
510
980
500
975
490
970
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
40
45
50
Valeur boursière du capital
Prix
1.025
2010
1.020
2000
1.015
1990
1.010
1980
1.005
1970
1.000
1960
0.995
1950
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
25
30
35
337
Demande de travail
Dépenses publiques
702
540
700
530
698
520
696
510
694
500
490
692
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
règle 1
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
règle 2
On note enfin que la performance de cette règle se détériore à mesure que le soutien
qu’apporte l’Etat à la demande est fort ( σ 2 est plus élevée). La croissance de la dette
publique et l’éviction des placements en actions s’accentuent, tandis que le prix se stabilise à
un niveau plus élevé.
La deuxième règle permet une stabilisation du volume et du rapport de la dette à des
niveaux plus faibles. Elle limite également l'augmentation des prix et la dépréciation de la
valeur boursière du capital. En effet, les tentions inflationnistes générées par le choc incitent
les autorités à restreindre davantage leurs dépenses. La complémentarité entre les objectifs de
dette et de prix accentue ainsi le caractère restrictif de la politique budgétaire, ce qui lui
permet de freiner plus rapidement la spirale d'endettement et de conduire l’économie vers un
meilleur équilibre.
Nous avons associé à chacune des deux fonctions de réaction une fonction de perte
quadratique qui comptabilise l’écart entre les valeurs effectifs des variables objectifs et leurs
valeurs ciblées. Nous supposons que les autorités budgétaires accordent la même importance à
leurs objectifs. Les fonctions de pertes prennent les formes suivantes105 :
2
2
2
2
 B − B0   Yt − Y0 
L ( Bt , Yt ) =  t
 +

 B0   Y0 
1
 B − B0   Pt − P0 
L ( Bt , Pt ) =  t
 +

 B0   P0 
2
Ces fonctions nous permettent d’évaluer l’efficacité des fonction de réaction à partir
d’un critère de bien-être. Le tableau 2 résume les résultats des simulations.
105
Nous rapportons les variables à leurs valeurs initiales pour éliminer l’effet de la taille sur la fonction de perte.
338
On peut constater que l’adoption d’un objectif de prix à côté de celui de la dette limite
la perte des autorités. L’objectif de production accentue cette perte, car il agit dans le sens
contraire de l’objectif d’endettement. Il modère ainsi la réaction budgétaire et la rend moins
incisive, contrairement à l’objectif de prix qui l’accentue et accroît ainsi son efficacité. Ces
conclusions sont valables aussi bien pour le modèle WSPS que pour le modèle avec courbe de
Phillips.
Tableau 2 : les pertes engendrées par les fonctions de réaction budgétaire
Pertes des autorités
budgétaires
Règle 1
Régle 2
Modèle WSPS
0,006079
0,000596
Modèle Phillips
0,001875
0,000189
2- Les objectifs monétaires
Nous tentons maintenant d’identifier les objectifs qui permettent à la politique monétaire
d’apporter le meilleur soutien à la politique budgétaire face au choc d’offre. Le soutien à
l’activité et la lutte contre l’inflation sont les objectifs traditionnellement associés à la
politique monétaire. La stabilité des marchés financiers est devenue également l’une des
priorités des banques centrales.
Nous considérons ainsi les politiques mixtes suivantes, qui associent à une même réaction
budgétaire trois règles monétaires différentes :
σ
γ

 Bt 
 Yt 
règle mixte 1 : Gt = G0   et it = i0  

 B0 
 Y0 

σ
γ
 Bt 
 Pt 

règle mixte 2 : Gt = G0   et it = i0  
 B0 
 P0 

σ
γ

règle mixte 3 : G = G  Bt  et i = i  Qdt 


t
0 
t
0 

 B0 
 Qd 0 

où σ =-1 et γ = 1.
339
Le graphique 6 nous permet de comparer les trajectoires de long termes issues des
trois règles dans le cas du modèle WSPS.
La première règle induit une baisse du taux d’intérêt en réaction au déclin de la
production. La réaction de la banque centrale stimule les investissements et se répercute
positivement sur la production. L’effet de relance accroît les recettes fiscales de l’Etat et lui
permet de limiter la croissance du volume et du rapport de sa dette au PIB. La baisse du taux
d’intérêt réduit également le coût du capital des entreprises et contribue ainsi à limiter
l’augmentation du prix. En définitive, la réaction monétaire aboutit à un équilibre caractérisé
par une production et un volume d’emploi plus importants et une dette publique et un niveau
de prix moins élevés.
La deuxième règle accentue la baisse de la production sans réussir pour autant à
contenir la hausse des prix. Elle conduit les autorités monétaires à augmenter le taux d’intérêt
en réaction à l’inflation générée par le choc, ce qui limite les investissements et se répercute
négativement sur la production. L’impact d’une telle réaction sur le prix est peu significatif,
car les politiques restrictives génèrent deux effets qui se neutralisent mutuellement : une
contraction de la demande qui limite la hausse des prix et une augmentation du coût du capital
qui agit dans le sens contraire.
La troisième règle conduit à une politique monétaire expansionniste qui se répercute
positivement sur la production. En effet, les placements en actions dépendent des profits
anticipés et donc du niveau futur de l’activité. Un lien implicite existe donc entre la
production et la capitalisation boursière, ce qui explique les trajectoires semblables
empruntées par ces deux variables au cours de leurs ajustements vers leurs valeurs
d’équilibre. Ainsi, en réagissant aux déviations de la valeur boursière du capital de sa valeur
d’équilibre, la banque centrale pratique une politique analogue à celle induite par la première
règle et produit donc des effets semblables. Nous soulignons toutefois que l’effet de relance
exercé par cette fonction de réaction est légèrement inférieur à celui issu de la première
fonction. En effet, le volume de la production enregistre une forte baisse à la suite du choc,
puis entame une lente progression vers sa nouvelle valeur d’équilibre. Au cours de cette phase
d’ajustement, la première règle conduit à une plus forte baisse du taux d’intérêt, car elle réagit
à la valeur actuelle de l’output gap. La troisième fonction de réaction dépend de la valeur
future de l’output gap et conduit donc à une baisse moins importante du taux d’intérêt.
340
Graphique 6 : comparaison entre les objectifs monétaires
(le modèle WSPS)
Dette publique
Production
520
1005
1000
515
995
510
990
985
505
980
500
975
495
970
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
Demande de travail
Valeur boursière du capital
2010
702
2000
700
1990
698
1980
696
1970
694
692
1960
5
10
15
20
25
30
35
40
45
5
50
10
Prix
15
20
25
30
35
40
45
50
Taux d intérêt nominal
1.020
0.0154
1.015
0.0152
0.0150
1.010
0.0148
1.005
0.0146
1.000
0.0144
0.995
0.0142
5
10
15
20
25
30
règle 1
35
40
45
5
50
règle 2
10
15
20
25
30
35
40
45
50
règle 3
Nous considérons maintenant le cas où la banque centrale s’intéresse à plusieurs objectifs
en même temps :
σ
γ1
γ2

 Bt 
 Yt   Pt 
règle mixte 1 : Gt = G0   et it = i0    

 B0 
 Y0   P0 

σ
γ1
γ2
 Bt 
 Yt   Qdt 


règle mixte 2 : Gt = G0   et it = i0   
 B0 
 Y0   Qd0 

où σ =-1 et γ1 =γ2 = 1.
341
D’après nos précédents résultats, nous nous attendons que la première règle réduise
l’efficacité de la politique monétaire. L’adoption d’un objectif de prix modèrera la baisse du
taux d’intérêt et limitera l’effet de relance.
La politique monétaire gagne en efficacité en s’intéressant à la fois à la production et à la
valeur boursière du capital. La production et les placements en actions varient dans le même
sens et poussent les autorités monétaires à accentuer le caractère expansionniste de leur
politique. La complémentarité entre les deux objectifs conduit donc à une plus forte baisse du
taux d’intérêt, ce qui renforce l'effet de relance.
Nous tentons d’évaluer l’efficacité des deux policy mix en spécifiant une fonction de
perte à chacune d’entre elles. Les autorités budgétaires ont toujours la même fonction de
perte :
2
 B − B0 
L ( Bt ) =  t

 B0 
G
La fonction de perte de la banque centrale diffère selon qu’elle adopte la fonction
réaction 1 ou 2 :
2
2

 Bt − B0   Pt − P0 
M
L1 ( Bt , Pt ) = 
 +


 B0   P0 

2
2
 Bt − B0   Qdt − Qd0 
 M
 +

L2 ( Bt , Qdt ) = 
 B0   Qd0 

Le tableau 3 rapporte les pertes subies par les deux autorités, lorsque chacune des deux
règles est employée face au choc d’offre :
Tableau 3 : Les pertes engendrées par les policy mix
Règle 1
Règle 2
Modèle WSPS Modèle Phillips Modèle WSPS Modèle Phillips
Fonction de Gouvernement
perte
Banque centrale
0,001468
0,00046
0,001456
0,00046
0,002723
0,000894
0,002644
0,000881
342
Les résultats confirment que l’efficacité de la politique monétaire est réduite par
l’adoption d’un objectif de prix, tandis qu’elle s’améliore avec l’adoption d’un objectif
boursier. Cette conclusion est valable pour le versions WSPS et Phillips du modèle.
3- Les conclusions pour une coordination des objectifs
Les résultats des simulations nous conduisent aux conclusions suivantes :
(i) La rapidité et l'intensité d'une politique de stabilisation sont des facteurs déterminants de
sa réussite. Plus la réaction de l'Etat aux variations du volume de sa dette est forte, plus
l'équilibre de long terme est satisfaisant. Cette conclusion est également valable pour la
politique monétaire : une forte baisse du taux d’intérêt conduit à un meilleur équilibre.
(ii) Les autorités doivent adopter des objectifs cohérents. Les objectifs qui impliquent des
emplois contradictoires des instruments limitent l'efficacité des politiques de stabilisation.
Ainsi, la performance de la politique budgétaire se détériore lorsqu’elle assure la gestion
de la demande en plus de la stabilisation de la dette publique. L'adoption d'un objectif de
prix en plus de celui de la production limite également la portée de la politique monétaire.
Le contraire est vrai lorsque les objectifs sont complémentaires. La politique budgétaire
gagne en efficacité lorsqu'elle aligne un objectif de prix, qui va dans le même sens que
celui de la dette. De même, l'objectif boursier améliore la performance de la politique
monétaire. Cette deuxième remarque est cohérente avec la première, dans la mesure où les
objectifs contradictoires débouchent sur un équilibre moins satisfaisant essentiellement
parce qu'ils limitent l'intensité des réactions monétaires et budgétaires.
(iii) Chaque autorité doit intervenir dans le domaine où elle est relativement plus performante.
En maniant les dépenses publiques, le gouvernement est en mesure de maîtriser
parfaitement l'évolution de la dette. Il est moins performant dans la gestion de la demande,
car ses tentatives de relance s’accompagnent d’une éviction de la consommation. La
politique monétaire est plus efficace lorsqu’elle est affectée au contrôle des composantes
de la demande qui sont sensibles aux variations du taux d'intérêt. Le contrôle du prix est
un exercice plus délicat, car son intervention génère des effets contradictoires qui limitent
son efficacité. Chaque autorité doit donc adopter l’objectif qu'elle est en mesure d'atteindre
avec un maximum de précision.
Nous soulignons toutefois que ces conclusions dépendent à la fois de la nature du choc et de
la structure de l’économie.
Dans le cas du choc de demande définit dans la première section, la politique
monétaire est plus efficace lorsqu’elle cible le niveau du prix que lorsqu’elle réagit aux
343
variations du volume de la production. En effet, le choc provoque une baisse permanente du
prix, tandis qu’il exerce un effet transitoire sur la production. L’adoption d’un objectif de
production conduit donc à une stabilisation rapide du taux d’intérêt, tandis qu’un objectif de
prix accentue et prolonge l’activisme monétaire. ainsi, on peut dire que la politique
d’accompagnement gagne en efficacité en s’intéressant au problème le plus persistant, celui
de la baisse des prix.
La performance des règles monétaires dépend également de la structure de l’économie.
Dans le cas du choc d’offre, nous constatons que la version classique du modèle conduit à des
résultats différents de ceux issus de la version keynésienne. Ainsi, l’effet de relance de la
politique monétaire s’avère plus important lorsque la banque centrale réagit aux variations de
la valeur boursière du capital que lorsqu’elle adopte un objectif de production. Dans le modèle
classique, la production emprunte une trajectoire relativement stable à long terme, tandis que
le marché des actions enregistre une éviction continue des placements. La réaction à
l’instabilité du marché boursier entraînerait une politique monétaire plus expansionniste et
conduirait ainsi à une plus forte relance de l’activité.
Ces exemples illustrent que le choix des objectifs dépend de la structure de l’économie
et la nature de l’événement déstabilisateur. Les résultats des simulations démontrent
néanmoins que l’affectation standard défendue par la nouvelle école classique n’est pas
toujours pertinente. La banque centrale ne réussit pas à contrôler le prix à court terme, tandis
que la politique budgétaire s’avère efficace dans ce domaine grâce à son impact sur la
demande.
Par ailleurs, nous soulignons que la politique monétaire exerce des effets réels à court
et à long terme. Ce résultat est obtenu avec des anticipations parfaites et en présence des
syndicats qui veillent sur la stabilité du pouvoir d’achat (version Phillips de la maquette). En
effet, lorsque les agents croient à l’efficacité de la politique monétaire, la rationalité des
anticipations contribue à accroître l’efficacité de la relance et non à la neutraliser. Ce sont
donc les convictions des agents et non la structure de leurs anticipations qui déterminent
l’efficacité des politiques budgétaires et monétaires.
II- Le choix des cibles
Jusqu’à présent, nous avons supposé que les autorités prennent pour cibles les valeurs
initiales des variables objectifs. Dans ce paragraphe, nous étudions la possibilité d’adopter
d’autres cibles aussi bien pour les variables que pour les instruments.
344
1- Quelles cibles pour les objectifs ?
La banque centrale peut chercher à stabiliser le taux d’inflation et le taux de croissance de
la production, plutôt que le niveau des prix et le volume de la production. En absence d’une
contrainte explicite d’endettement, le gouvernement peut chercher à stabiliser le volume ou le
rapport de la dette publique à des seuils différents de leurs valeurs initiales. Ceci est
notamment le cas lorsque le volume de la dette s’écarte fortement de son niveau d’équilibre.
Dans ce cas, le retour à la situation initiale nécessite des redressements budgétaires drastiques
qui génèrent des coûts sociaux assez élevés.
Nous considérons d’abord le cas où le gouvernement relâche son objectif de long terme et
se contente de stabiliser le volume de sa dette à sa valeur retardée. Nous comparons
performances des deux règles suivantes face au choc d’offre :
σ
γ

B 
Y 
 règle mixte 1: Gt = G0  t  et it = i0  t 

 B0 
 Y0 

σ
γ
 Bt 
 Yt 

 et it = i0  
règle mixte 2: Gt = G0 
 Bt −1 
 Y0 

avec σ = -1 et γ = 1.
En l’absence d’une cible de long terme (Bt-1 est prise pour cible), le gouvernement ne
réussit pas à stabiliser la dette publique malgré le soutien apporté par la politique monétaire.
la réaction à l’écart entre le volume actuel et son volume retardé de la dette conduit à de
faibles ajustements des dépenses publiques et ne permet donc pas d’arrêter la spirale
d’endettement. une telle politique conduit plutôt à une stabilisation du taux de croissance de la
dette et non de son niveau.
L’adoption d’une cible de long terme permet de stabiliser le marché de la dette
publique. En effet, l'écart entre le volume effectif de la dette et sa valeur ciblée s'accroît au fils
des périodes, conduisant à des ajustements de plus en plus forts des dépenses publiques, ce
qui permet à terme de freiner la spirale d’endettement.
Le graphique 7, qui compare les trajectoires des dépenses publiques et du volume de la
dette dans les deux cas, confirme notre analyse.
345
Graphique 7 : La dette et les dépenses publiques avec et sans cible de long terme
(le modèle WSPS)
Dette publique
Dépenses publiques
600
101
580
100
560
99
540
98
520
97
500
480
96
5
10
15
20
25
30
35
règle 1
5
10
15
20
25
30
35
règle 2
Nous arrivons à des conclusions similaires en reprenant cette analyse dans le cas de la
politique monétaire : les fonctions de réaction avec des cibles en niveau sont plus efficaces
que celles qui adoptent des cibles en taux de croissance. Considérons le cas d’un choc d’offre,
où la banque centrale associe à la politique budgétaire l’une des deux règles suivantes :
σ
γ

 Bt 
 Yt 
règle mixte 1 : Gt = G0   et it = i0  

 B0 
 Y0 

σ
γ
 Bt 
 Yt 


règle mixte 2 : Gt = G0   et it = i0 
 B0 
 Yt −1 

avec σ = -1 et γ = 1.
Lorsque la banque centrale s'intéresse aux taux de croissance de la production (Yt/Yt-1),
sa réaction devient très faible, ce qui limite l’impact de sa politique sur la demande.
L'adoption d'un objectif de long accentue l'activisme monétaire, en conduisant à de plus fortes
variations du taux d'intérêt. La politique d'accompagnement gagne ainsi en efficacité.
Le graphique 8, qui compare l’évolution du taux d’intérêt et du volume de la
production dans les deux cas, illustre ces conclusions.
Graphique 8 : La production et le taux d’intérêt avec et sans cible de long terme
(le modèle WSPS)
346
Production
Taux d intérêt nominal
1005
0.0151
1000
0.0150
995
0.0149
990
0.0148
985
0.0147
980
0.0146
975
5
10
15
20
25
30
5
35
règle 1
10
15
20
25
30
35
règle 2
2- Faut-il abandonner les cibles de long terme pour les instruments ?
Plusieurs hypothèses peuvent justifier l’adoption de cibles de long terme pour les
instruments budgétaire et monétaire. Les dépenses publiques ciblées par le gouvernement
peuvent être compatibles avec un optimum social, comme elles peuvent résulter d’une
contrainte d'endettement. La banque centrale peut cibler un taux d’intérêt qui garantit une
accumulation optimale du capital privé.
Toutefois, lorsque les instruments s’écartent de leurs valeurs d’équilibre, les autorités
peuvent afficher une certaine réticence à les reconduire vers leurs valeurs initiales. Les coûts
consécutives à une telle opération justifient l’aversion des autorités. A titre d’exemple, nous
mentionnons les coûts sociaux liées à une baisse des dépenses publiques et les coûts en termes
de crédibilité induits par les baisses du taux d’intérêt. L’importance qu’accordent les autorités
monétaires à la stabilité du système financier peut motiver à son tour un certain lissage du
taux d’intérêt.
Si de telles rigidités existent, il serait intéressant d’examiner leurs conséquences les
performances des politiques de stabilisation. Une façon de tenir compte de cette forme
d’inertie est de considérer que la valeur actuelle des instruments dépend non seulement de
leurs cibles de long terme, mais également de leurs valeurs retardées.
Nous proposons une réaction mixte avec la possibilité d’une sous-indexation de
l’instrument budgétaire à sa cible de long terme :
σ
λ
1−λ
t −1
Gt = G0 G
γ
 Bt Y0 
 Yt 

 et it = i0  
 Yt B0 
 Y0 
avec σ = -1 , γ = 1 et λ compris entre 0 et 1.
347
En étudiant la réaction de l’économie au choc d’offre pour différentes valeurs de λ,
nous remarquons que la performance des politiques de stabilisation s’améliore à mesure que
l’indexation à l’objectif de long terme s’affaiblit. Le graphique 9 montre l’évolution des
principales variables du modèle lorsque λ prend respectivement les valeurs 0, 0.5 et 1.
L’affaiblissement du degré d’indexation à G0 s’accompagne d’une baisse significative
du volume de la dette. On note également une moins forte dépréciation de la valeur boursière
du capital et une stabilisation du prix à un niveau moins élevé. Ces résultats sont obtenus sans
qu’aucune détérioration de la production où du volume de l’emploi ne soit constatée.
L'abandon progressif de l'objectif de long terme conduit à des ajustements plus incisifs
des dépenses publiques, qui permettent de freiner la spirale de la dette publique et la boucle
prix-salaire à des stades précoces. A partir de la deuxième période, Gt-1 prend toujours des
valeurs inférieures à G0 et l’écart entre ces deux références s’accentue d’une période à l’autre.
Il s’ensuit que l’ajustement des dépenses publiques s’accentue à mesure que λ s’approche de
1.
L’objectif de long terme s’apparente ainsi à une contrainte qui ralentit l’ajustement des
dépenses et limite l’efficacité de la politique budgétaire. L'abandon de cette cible aura donc
des conséquences bénéfiques pour l'économie.
Graphique 9 : L’indexation des dépenses publiques à leur cible de long terme
(le modèle WSPS)
Dette publique
Valeur boursière du capital
520
2010
515
2000
510
1990
505
1980
500
1970
495
1960
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
Production
25
30
35
40
45
50
30
35
40
45
50
Prix
1005
1.020
1000
1.015
995
1.010
990
1.005
985
1.000
980
0.995
975
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
5
10
15
20
25
348
Demande de travail
Dépenses publiques
702
101
700
100
698
99
696
98
694
97
96
692
5
10
15
20
25
30
35
40
45
λ=1
50
5
λ = 0.5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
λ=0
Nous considérons maintenant le cas d’un sous-ajustement du taux d’intérêt à sa cible de long
terme :
σ
γ
B Y 
Y 
Gt = G0  t 0  et it = i0λ it −11−λ  t 
 Yt B0 
 Y0 
avec σ = -1 , γ = 1 et λ compris entre 0 et 1.
Le tableau 5 nous décrit les valeurs d’équilibre des principales variables du modèle
lorsque λ prend respectivement ses valeurs maximale et minimale :
Tableau 4 : L’indexation du taux d’intérêt à sa cible de long terme
(le modèle WSPS)
Y
L'indexation à la
N
P
B
Qd
λ=1
975
692
1,016
518
1965
λ=0
983
694
1,014
516
1973
cible de long
terme
En prenant la valeur retardée du taux d’intérêt pour cible, la banque centrale apporte
un soutien plus fort à l’activité. Ainsi, l’emploi, la richesse réelle et les diverses composantes
de la demande se stabilisent à des niveaux plus élevés. Le prix, le volume de la dette et son
rapport au PIB se stabilisent à des niveaux plus faibles.
Là encore, la cible de long terme semble agir comme une contrainte qui limite le
caractère expansionniste de la politique monétaire. Son abandon progressif conduit à une plus
forte baisse du taux d’intérêt et intensifie ainsi l’effet de relance. L'inconvénient d’un abandon
total de la cible i0 est qu'il débouche sur un taux d'intérêt quasi-nul à long terme. La banque
349
centrale sera ainsi privée de toute marge de manœuvre pour faire face à une nouvelle
perturbation.
III- Le choix du régime
Au cours de la première section, nous avons étudié l’impact de l’intensité des réactions
budgétaires et monétaires sur l’efficacité respectives de ces deux politiques. Le choix de
l’intensité de la réaction peut obéir à plusieurs considérations. Dans le chapitre précédent,
nous avons précisé que le policy mix peut s’avérer plus efficace lorsque chaque autorité tient
compte de la stratégie de l’autre en choisissant sa propre politique. Il serait donc préférable
que chaque autorité prenne en considération l’intensité de la réaction de son homologue afin
d’aboutir au meilleur régime. De ce point de vue, la coordination entre les politiques
monétaires et budgétaires peut se ressentir au travers de l’ampleur des réactions des autorités
respectives.
Dans ce paragraphe nous proposons une comparaison entre plusieurs policy mix en
fonction de l’intensité des réactions monétaires et budgétaires. Nous essayons de cerner les
caractéristiques du régime le plus efficace.
1- Définition des régimes
Supposons que le gouvernement réagit à tout écart entre le volume de sa dette et sa valeur
ciblée, tandis que la banque centrale cherche à stabiliser le volume de la production :
σ
γ
B 
Y 
Gt = G0  t  et it = i0  t 
 B0t 
 Y0 
Afin de définir les différents régimes, nous étudions le choix de la politique monétaire
pour une politique budgétaire donnée. Nous distinguons les deux cas suivants :
(i) Le gouvernement adopte une politique peu restrictive en réagissant très faiblement aux
déviations du volume de la dette de sa cible. Il préfère soutenir la demande en tempérant la
baisse de ses dépenses. La banque centrale a le choix entre deux types de politique : une
politique expansionniste qui consiste à soutenir fortement l’activité et une politique restrictive
qui consiste à réagir faiblement aux variations de la production.
La mise en place d’une politique monétaire expansionniste peut être interprétée comme
une attitude coopérative de la part de la banque centrale. En agissant de la sorte, les autorités
monétaires renoncent à un éventuel objectif d’inflation pour renforcer l’action du
gouvernement. Par ailleurs, l’effet inflationniste de la politique monétaire contribue à réduire
350
les charges réelles de la dette. nous rappelons qu’une faible réaction de la part du
gouvernement conduit à une plus forte augmentation du volume de sa dette. Une politique
expansionniste lui apporte donc un soutien indirect en limitant le coût réel de sa dette. L’idée
selon laquelle le laxisme monétaire trouve son origine dans le laxisme budgétaire est défendue
par la théorie budgétaire du niveau des prix106.
Une politique restrictive signale une attitude non coopérative de la part de la banque
centrale, car elle témoigne de son indifférence vis-à-vis des objectifs gouvernementaux. C’est
le cas d’une banque centrale indépendante qui adopte une attitude anti-inflationniste rigide
quelle que soit les mesures entreprises par l’autorité en face.
(ii) Le gouvernement choisit une politique rigoureuse qui consiste à réagir fermement à toute
détérioration du volume de la dette. La banque centrale à toujours le choix entre une politique
restrictive et une politique expansionniste.
Compte tenu de la réaction gouvernementale, une politique monétaire expansionniste est
plus judicieuse pour deux raisons. D’abord, elle permet une relance de l’activité et procure au
gouvernement un surplus de recettes fiscales, ce qui permet une stabilisation plus rapide de la
dette publique. D’autre part, elles complètent l’action du gouvernement en intervenant dans le
domaine négligé par ce dernier.
Une politique restrictive est moins appropriée, car l’économie n’a nullement besoin de la
rigueur monétaire : la politique budgétaire stabilise la dette et permet de contenir l’inflation en
accentuant la baisse demande. En mettant en place une telle politique, la banque centrale
semble placer les soucis de réputation et de crédibilité au premier plan. Ainsi, elle à se confine
dans des objectifs prédéfinis sans tenir compte de la politique du gouvernement et des besoins
de l’économie.
2- Analyse des résultats
Nous considèrons que la politique budgétaire est peu restrictive lorsque le gouvernement
entreprend l’ajustement minimal des dépenses publiques qui permet de stabiliser le volume de
la dette. Un tel résultat est obtenu lorsque le paramètre σ de la fonction de réaction prend la
valeur -0.5. La politique budgétaire sera considérée comme fortement restrictive lorsque
l’ajustement des dépenses dépasse le seuil minimal que nous venons de définir (σ est donc
inférieur à -0.5).
106
Voir Creel et Sterdyniak (2001) pour un exposé détaillé de cette théorie.
351
De même, nous considérons que la politique monétaire est peu expansionniste lorsque le
taux d’intérêt varie moins proportionnellement que la production (γ est inférieur à 1). Elle
sera considéré comme fortement expansionniste lorsque la banque centrale varie le taux
d’intérêt dans une plus forte proportion que la production (γ est supérieur à 1).
Le tableau suivant résume les quatre régimes que nous venons de définir :
σ = − 0,
0,55
γ<1
γ>1
σ <− 0,5
Régime 1 :
Régime 2 :
Politique budgétaire peu restrictive et Politique budgétaire fortement restrictive
politique monétaire peu expansionniste et politique monétaire peu expansionniste
Régime 3 :
Régime 4 :
Politique budgétaire peu restrictive et Politique budgétaire fortement restrictive
politique monétaire fortement
et politique monétaire fortement
expansionniste
expansionniste
Nous étudions la performance de ces régimes face au choc d’offre pour les valeurs
suivantes du couple (σ ; γ ) : (-0.5 ;0.5) pour le régime 1, (-1.5 ;0.5) pour le régime 2, (0.5 ;1.5) pour le régime 3 et (-1.5 ;1.5) pour le régime 4.
Nous définissons une fonction objectif qui recense les pertes subies par les deux
autorités :
2
2
L ( Bt ,Yt ) = ( Bt − B0 ) + (Yt − Y0 ) .
Le tableau suivant rapporte les valeurs de la fonction de perte pour les quatre régimes :
Régime1
Régime2
Régime3
Régime4
4063
740
4021
727
1160
244
1158
241
Modèle
WSPS
Pertes des
autorités
Modèle Phillips
Le régime le plus efficace est celui qui associe la rigueur budgétaire à
l’expansionnisme monétaire. Ce résultat est valable pour les versions WSPS et Phillips de la
maquette.
Deux conclusions ressortent de ces résultats :
352
(i) La rigueur budgétaire conduit toujours à des résultats plus satisfaisants. Le gouvernement
ne peut compter sur le soutien de la politique monétaire pour lui offrir un surplus de recettes
fiscales et une réduction significative des charges réelles de sa dette. un écart considérable
sépare les valeurs des fonctions de perte des régimes 2 et 4, caractérisés par une politique
budgétaire rigoureuse, de celles des régimes 1 et 3 où la politique en question est plutôt
laxiste.
(ii) Une politique monétaire expansionniste représente toujours le meilleur accompagnement à
la politique budgétaire face à un choc de cette nature. Elle conduit à des volumes de
production et d’emploi plus satisfaisants. La capitalisation boursière sera plus forte et la dette
publique et le prix plus faibles. L’inefficacité de la politique monétaire à lutter contre
l’inflation rend les politiques de soutien à la demande plus efficaces.
353
Conclusion
Nous avons rempli notre objectif de départ qui consiste à offrir des explications et des
fondements à l’efficacité des politiques de stabilisation et de relance. Nous avons recensé les
arguments théoriques et empiriques évoqués par la littérature et nous avons formulé quelques
propositions personnelles qui vont dans le même sens.
L’efficacité de la politique budgétaire s’explique essentiellement par l’échec de
certaines hypothèses du modèle classique :
(i)
La myopie des agents affaiblit le lissage de la consommation et amplifie les
conséquences immédiates de la politique budgétaire.
(ii)
Les contraintes de liquidité empêchent une répartition optimale de la richesse sur le
cycle de vie et dévient la consommation de son niveau optimal. La politique budgétaire
peut desserrer ces contraintes en transférant une partie des revenus du futur vers le
présent. Elle parvient ainsi à stimuler la demande.
(iii) Le transfert de ressources vers le présent réduit également l’incertitude concernant les
revenus futurs. Elle limite ainsi l’épargne de précaution et stimule la consommation.
(iv) A la suite des chocs, certaines rigidités empêchent une relance rapide de l’économie.
Dans ce cas, la politique budgétaire permet d’amorcer la reprise ou d’accélérer le retour
vers le plein emploi.
Les nouveaux classiques s’appuient sur une vision erronée des problèmes de décision en
matière de politique monétaire, ce qui explique la discordance entre leurs conclusions
théoriques et les constats empiriques :
(i)
Ils considèrent qu’une indexation parfaite des salaires nominaux à l’inflation
représente toujours la meilleure stratégie pour les travailleurs. Nous avons démontré que
ces derniers peuvent se contenter d’une indexation partielle de leurs salaires. La
multiplicité des objectifs explique leur réaction. Sous certaines conditions, les
travailleurs peuvent en effet apprécier une augmentation du volume de l’emploi au
354
même titre qu’une revalorisation de leurs rémunérations. Ceci est notamment le cas en
période de récession, lorsque la baisse du taux de salaire réel permet de relancer l’emploi
et de limiter le risque de licenciement. Les travailleurs peuvent également tirer profit
d’une augmentation des effectifs au sein des entreprises, si un tel événement allège leur
charge de travail. Dans ce cas, ils peuvent sacrifier une partie de leur pouvoir d’achat en
contrepartie d’une baisse de l’effort qu’ils fournissent durant les heures de travail.
(ii)
La nouvelle école classique se focalise sur le canal de l’offre et néglige la transmission
par la demande. Dans la réalité, la politique monétaire est en mesure de stimuler
l’investissement et la consommation. Lorsque les producteurs et les consommateurs
subissent des contraintes de coût, son effet de relance peut être d’une très forte ampleur.
Les résultats des simulations confirment une partie de ces conclusions. D’abord,
l’économie est incapable de retrouver une situation d’équilibre à la suite d’un choc, même
lorsque les variables s’ajustent instantanément à leurs valeurs désirées. Les politiques de
stabilisations sont donc indispensables. Les divergences sont induites par les déséquilibres des
comptes publics qui déstabilisent les marchés financiers, puis se propagent aux composantes
réelles de l’économie107.
Ensuite, on constate que la politique monétaire est en mesure d’exercer des effets réels
à court et à long terme, malgré que les anticipations sont parfaites. Ce résultat confirme la
critique de Gale-Christ qui affirme que si les agents sont convaincus de la nécessité et des
bienfaits des politiques de relance (leurs anticipations sont keynésiennes), alors les
anticipations contribuent à renforcer les politiques en question et à accroître leur efficacité.
Nous soulignons par ailleurs que notre modèle sous-estime le pouvoir de relance de la
politique monétaire, dans la mesure où il néglige l’impact du taux d’intérêt sur la
consommation et il ne tient compte d’aucune contrainte de financement pour les
investissements.
Un autre résultat important est l’incapacité les autorités monétaires à contrôler les prix,
vu les effets opposés générés par leurs politiques. Une inflation par les coûts par exemple est
contrecarrée par une désinflation par la demande et vice versa. L’impact final de la politique
monétaire sur les prix sera donc assez marginal.
107
Cette propagation de l’instabilité financière n’est pas systématique et n’est opérationnelle que sous certaines
conditions.
355
Les résultats qui concernent la politique budgétaire s’inscrivent plutôt dans un registre
classique : la politique budgétaire doit être affectée au contrôle de la dette publique, car ses
tentatives de relance se traduisent par une éviction de la consommation et sont par conséquent
peu efficaces.
Ces résultats s’expliquent essentiellement par la structure de la maquette. Nous
rappelons que l’économie est au voisinage du plein emploi, que les anticipations sont parfaites
et que les contraintes de liquidité sont absentes. Les équations de comportement sont dérivées
à partir de programmes d’optimisation. Les variables empruntent donc leurs trajectoires
optimales.
Il est logique d’aboutir à des résultats classiques lorsqu’on prend une telle structure
macroéconomique pour point de départ. L’introduction de certaines imperfections aurait
permis d’obtenir des résultats plus proches du paradigme keynésien.
Les exercices de simulations aboutissent par ailleurs à quelques conclusions assez
intéressantes :
(i)
Les rigidités nominales à elles seules ne permettent pas d’exporter l’instabilité des
marchés financiers vers le marché des biens et le marché du travail. La réaction de la
version keynésienne de la maquette aux chocs d’offre et de demande illustre ce constat.
Toutefois, l’instabilité se propage à l’ensemble de l’économie lorsqu’une rigidité réelle
est associée aux rigidités nominales. Par exemple, un tel résultat est obtenu lorsque la
rigidité du capital vient s’ajouter à la rigidité des prix.
Ces résultats confirment les critiques de Mankiw et Romer (1988) et les conclusions
énoncées par Ball et Romer (1990) d’un côté et Mankiw et Romer (1991) de l’autre.
(ii)
Veiller sur la stabilité du marché boursier peut être une stratégie plus payante que
celle qui consiste à réagir aux perturbations qui surgissent sur le marché des biens. Le
marché des actions peut connaître une forte instabilité qui ne se répercute pas
nécessairement sur le secteur réel. Dans ce cas, les objectifs de production dictent une
politique passive et donc inefficace, tandis que les cibles boursières se traduisent par des
politiques activistes qui sont plus performantes.
(iii)
La dynamique des salaires exerce une influence déterminante aussi bien sur les
grandeurs nominales que sur les grandeurs réelles. La courbe de Phillips ralentit les
ajustements des salaires nominaux et introduit une certaine inertie au niveau des prix.
Une telle dynamique s’avère bénéfique en cas de choc inflationniste, car elle contient la
356
hausse des prix et limite la baisse du pouvoir d’achat des ménages. Elle exerce ainsi un
effet stabilisateur et permet à l’économie de converger vers un meilleur équilibre à long
terme.
(iv)
L’intensité d’une politique de stabilisation est un facteur déterminant de son succès.
Plus les ajustements qui suivent les chocs sont forts, plus l’équilibre de long terme est
satisfaisant. Un ajustement rapide permet de freiner les trajectoires divergentes à une
étape précoce et minimise ainsi les coûts générés par les chocs. Cette conclusion est
valable aussi bien pour la politique monétaire que pour la politique budgétaire. Le choix
du régime montre que la meilleure combinaison était celle composée de deux politiques
fortement réactives aux écarts des variables de leurs cibles. Une attitude passive à la
suite des chocs conduirait à une dégradation progressive de la situation et obligerait les
autorités à mettre en place des politiques encore plus fermes que celles qu’elles ont
voulu éviter au départ.
(v)
Lorsque les autorités spécifient des cibles de long terme à leurs instruments, leurs
interventions deviennent moins incisives. Les cibles agissent en effet comme des
contraintes qui limitent l’ampleur des ajustements et réduisent ainsi l’efficacité des
politiques de stabilisation. L’efficacité des politiques budgétaires et monétaires est donc
maximale lorsque les instruments sont totalement affranchis de ces contraintes. Une
telle politique poserait néanmoins d’importants problèmes à long terme. En effet, les
autorités épuisent rapidement leurs marges de manœuvre en délaissant les cibles de long
termes de leurs instruments et deviennent ainsi incapables de faire face à d’éventuels
chocs futurs.
En résumé, l’affectation keynésienne qui charge la politique budgétaire de la
stabilisation et la politique monétaire de l’accompagnement, semble plus judicieuse que le
schéma classique qui préconise des politiques de rigueur dans les deux domaines. Le débat
devrait donc porter sur les moyens qui permettent de profiter au maximum des vertus de ce
policy mix.
Pour la politique budgétaire, il s’agit d’identifier les catégories de dépenses qui ont les
effets multiplicateurs les plus importants et de les acheminer vers les agents qui en feront
l’usage le plus bénéfique pour la croissance.
357
Le gouvernement doit également veiller à ce que sa politique fiscale ne génère pas des
distorsions qui contrecarrent ses efforts de relance, et ce en pénalisant les consommateurs et
les investisseurs.
Les problèmes de la politique monétaires sont plus nombreux et plus ambigus. Avec le
remodelage permanent de la sphère financière, les banques centrales doivent réexaminer en
permanence l’efficacité de leurs canaux de transmission.
Tenter de contenir les crises financières est également une tâche ardue. Le
comportement des intervenants sur les marchés boursiers n’est pas toujours rationnel et
s’avère très difficile à prévoir. Les autorités doivent élaborer une stratégie de communication
efficace et être suffisamment pédagogues pour que leurs interventions soient bien interprétées
par traders.
Le timing des interventions est également assez problématique. Le rôle des banques
centrales serait-il d’émettre des signaux susceptibles d’orienter les anticipations dans telle ou
telle direction, au cas où leurs interventions devraient être préalables à la reprise. Ou bien
doivent-elles attendre l’amorce de la reprise pour mettre en place les mesures susceptibles de
la renforcer ?
358
Annexes.
Annexe 5.
5.1- Une analyse des différentes possibilités d'équilibre.
Appelons ℜG et ℜM les fonctions de réaction respectives du gouvernement et de la banque
centrale. Au niveaux des représentations graphiques, nous considérerons que π0t est la
variable explicative et que Gt est la variable dépendante.
La dérivée de Gt par rapport à π0t représente la pente de ℜG. Son expression peut être
déduite à partir de l'équation (4’) :
α + θ γ (σ + α )
∂Gt
=−
< 0.
0
2
∂πt
α2 +θ G (σ +αγ )
G
L’inverse de la dérivée de π0t par rapport à Gt représente la pente de ℜM. Nous dérivons
son expression à partir de l'équation (5’) :
1
 ∂πt0 


 ∂Gt 
=−
1+θ M γ 2
< 0.
α +θ Mγ (σ + αγ )
L’étape suivante consiste à calculer l’écart entre ces deux pentes :
α +θ Gγ (σ + αγ )
∂Gt
1
1+θ M γ 2
−
=
−
+
2
M
∂πt0  ∂πt0 
α2 +θ G (σ + αγ ) α +θ γ (σ + αγ )


 ∂Gt 
2
1 +θ M γ 2  α2 +θ G (σ + αγ )  − α +θ Gγ (σ + αγ )  α +θ M γ (σ + αγ ) 


=
α2 +θ G (σ +αγ )2  α +θ M γ (σ + αγ ) 



= θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ 
σ
α2 +θ G (σ + αγ )  α +θ Mγ (σ + αγ ) 



2
D’après ce calcul, l'écart entre les pentes des deux fonctions de réaction dépend du terme
" θG(σ+γα)-θMαγ ".
Lorsque ce terme est positif, la pente de la fonction de réaction budgétaire est la plus forte
que celle de la fonction de réaction monétaire. Ce résultat signifie que la réaction du
359
gouvernement à une variation de l'instrument monétaire est plus forte que celle de la banque
centrale à une variation de l'instrument budgétaire. A l'équilibre on doit donc constater une
forte valeur de Gt et une faible valeur de π0t.
Le contraire est vraie lorsque le terme en question est négatif : à l'équilibre l'instrument
monétaire connaît une variation plus forte que l'instrument budgétaire.
Lorsque les deux pentes sont égale, les fonctions de réaction sont parallèles et aucun
équilibre n’est envisageable. Les deux autorités varient leurs instrument sans cesse sans
qu'aucune d'entre elles ne parvient à imposer sa politique.
Le graphique 1 décrit les deux possibilité d’équilibre :
Graphique 1 : L’équilibre selon le signe de " θG(σ+γα)-θMαγ ".
Gt
G1
G2
π01
π02
ℜG
π0t
ℜM
Le couple (π01,G1) représente une situation d'équilibre où la pente de la réaction budgétaire est
supérieure à celle de la réaction monétaire (θG(σ+γα)>θMαγ ). Le couple (π02,G2) décrit
l'équilibre dans le cas contraire. On peut facilement voir que dans le premier cas c'est
360
l'autorité budgétaire qui fait l'usage le plus intensif de son instrument. Dans le deuxième cas,
c'est l'instrument monétaire qui connaît la plus grande variation.
5.2- Comparaison entre l'équilibre séquentiel et l'équilibre de Nash.
Cas 1: θG(σ+γα)>θMαγ.
On sait que l'équilibre de Nash aboutit à un production plus forte que celle désirée par les
deux autorités. On va appeler yNt la production qui correspond à cet équilibre :
N
t
y =
α (π G − π M ) +θ G (σ + αγ ) yG −θ Mαγ yM
θ (σ + αγ ) −θ αγ
G
M
> yG +
α
(π G − π M )
θ (σ + αγ ) −θ Mαγ
G
(i)
On appellera ySt la production qui correspond à l'équilibre de Stackelberg. On sait que :
2
S
t
y =
θ Gα (σ +αγ ) (π G − π M ) − (θ G ) (σ + αγ ) yG +θ Mα 2 yM
2
2
θ Mα 2 + (θ G ) (σ + αγ )
⇒ − ytS > − yG −
2
G
<y +
θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M )
2
θ Mα 2 + (θ G ) (σ + αγ )
2
θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M )
2
θ Mα 2 + (θ G ) (σ + αγ )
(ii)
2


θ Gα (σ + αγ )
α
 (π G − π M )
(i) + (ii) ⇒ ytN − ytS >  G
−
θ (σ + αγ ) −θ Mαγ θ Mα 2 + (θ G )2 (σ +αγ )2 


α θ Mα 2 − θ G 2 (σ + αγ )2  −θ Gα (σ +αγ ) θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ  
( )

 G M



⇒ ytN − ytS >  
 (π − π )
2
2
G
M
M 2
G




+
−
+
+
θ
σ
αγ
θ
αγ
θ
α
θ
σ
αγ
(
)
(
)
(
)



 





M 2
G




+
θ
α
θ
γ
σ
αγ
α
(
)

 G M




⇒ ytN − ytS > 
 (π − π )
2
2
G
M
M 2
G




+
−
+
+
θ
σ
αγ
θ
αγ
θ
α
θ
σ
αγ
(
)
(
)
(
)

 
 

Or, on sait que πM est inférieur à πG, que θG(σ+γα)>θMαγ et que tous des paramètres sont
positifs. On conclut donc que :


θ Mα2 
θGγ (σ +αγ )α

 G M

y −y >
(π −π ) > 0.
2
2
G
M
G
M 2



θ
σ
αγ
θ
αγ
θ
σ
αγ
θ
α
+
−
+
+
(
)
(
)

 ( )
 

N
t
S
t
Le volume de la production d’équilibre est donc plus faible dans le cas d’un équilibre de
Stackelberg.
361
Cas 2: θG(σ+γα)<θMαγ.
On sait que l'équilibre de Nash aboutit à un production plus faible que celle désirée par
les deux autorités. On va appeler yNt la production qui correspond à cet équilibre :
N
t
y =
α (π G − π M ) +θ G (σ + αγ ) yG −θ Mαγ yM
θ (σ + αγ ) −θ αγ
G
M
< yM +
α
(π G − π M )
θ (σ + αγ ) −θ Mαγ
G
(iii)
On appellera ySt la production qui correspond à l'équilibre de Stackelberg. On sait que :
2
S
t
y =
θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M ) + (θ G ) (σ + αγ ) yG +θ Mα 2 yM
2
(θ G ) (σ +αγ ) +θ Mα2
⇒ − ytS < − yM −
2
2
M
>y +
θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M )
G 2
(θ ) (σ +αγ )
2
+ θ Mα 2
θ Gα (σ + αγ ) (π G − π M )
G 2
(θ ) (σ +αγ )
2
(iv)
+ θ Mα 2


θ Gα (σ + αγ )
α
 (π G − π M )
(iii) + (iv) ⇒ ytN − ytS <  G
−
M
2
2
G
M
2
θ (σ + αγ ) −θ αγ (θ ) (σ + αγ ) +θ α 


2
α  θ G (σ +αγ )2 +θ Mα 2  −θ Gα (σ +αγ ) θ G (σ + αγ ) −θ Mαγ  

 G M
 ( )

N
S
⇒ yt − yt <  
 (π − π )
2
G
M
G 2
M 2

θ (σ + αγ ) −θ αγ  (θ ) (σ + αγ ) +θ α








θ Mα 2  θ Gγ (σ + αγ )α 

 G M
N
S
⇒ yt − yt < 
 (π − π )
2
2
M
G
M
2
G


 θ (σ + αγ ) −θ αγ  (θ ) (σ + αγ ) +θ α  


Or, on sait que πM est inférieure à πG, que θG(σ+γα)<θMαγ et que tous des paramètres
sont positifs. On conclut donc que :


θ Mα2 
θGγ (σ +αγ )α

 G M

y −y >
(π −π ) < 0.
2
2
G
M
G
M 2
 θ (σ +αγ ) −θ αγ  (θ ) (σ +αγ ) +θ α  


N
t
S
t
Ainsi, en équilibre de Stackelberg la production est supérieure à celle d’un équilibre de Nash.
362
Annexe 6.
6.1- La fonction de réaction des travailleurs.
La condition du premier ordre implique que la dérivée de la fonction de objectif (6) par
rapport à ψ est nulle :
d
2 M
2 M
d


∂G  mt wn  S  −µ m (1 + µ θ (1 −ψ ) ) + µ θ ( µ (1 −ψ ) m + εt ) 
=
+
θ

2
2 M


∂ψ  (1 + mt ) Pn 
1
+
1
−
µ
θ
ψ
(
)
(
)


 m ω n  S  −µ md + µ 2θ M εt 
=  t
 + θ
 1 + µ 2θ M (1 −ψ ) 2 
 (1 + mt ) 
)
(
2
=
mtω n (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) + θ S ( −µ md + µ 2θ M εt ) (1 + mt )
(1 + mt ) (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) )
2
= 0.
2
⇒ mtω n (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) + θ S ( −µ md + µ 2θ M εt ) (1 + mt ) = 0
2
⇒ (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) = −
⇒1+ µ θ
2
M
⇒ψ = 1+
⇒ψ = 1+
µ 2θ M
1
µ 2θ M
±
±
mt ω n
θ S ( µ md − µ 2θ M εt ) (1 + mt )
(1 −ψ ) = ±
1
θ S ( −µ me + µ 2θ M εt ) (1 + mt )
mtω n
1
θ S ( µ md − µ 2θ M εt ) (1 + mt )
µ 2θ M
mt ω n
1
(1 + mt )θ S
µ 2θ M
mt ω n
( µm
d
− µ 2θ M εt )
Nous retenons la version suivante de la fonction de réaction des travailleurs :
ψ = 1+
1
µ 2θ M
−
1
(1 + mt )θ S
µ 2θ M
mt ω n
(µm
d
− µ 2θ M ε t )
La version avec un signe positif implique que les travailleurs exigent toujours une surindexation du taux de salaire nominal à l’inflation, ce qui contredit nos hypothèse de départ.
6.2- Le degré d’ajustement optimal des salaires nominaux.
La précédente démonstration conduit à l’égalité suivante :
2
(1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) =
θ S ( µ md − µ 2θ M εt ) (1 + mt )
mtω n
.
363
En replaçant mt par la fonction de réaction de la banque centrale,
me − µθ M εt
,on
1 + µ 2θ M (1 −ψ )
obtient l’égalité suivante :
(1 + µ θ (1 −ψ ) )
2
M

md − µθ M εt 
1 +

1 + µ 2θ M (1 −ψ ) 

S
d
2 M
= θ ( µ m − µ θ εt )
md − µθ M εt
ωn
2 M
1 + µ θ (1 −ψ )
2
(1 + µ θ (1 −ψ ) + m − µθ ε )
ε)
( m − µθ ε ) ω
2
=θ
S
( µm
2
d
−µ θ
M
M
d
M
t
t
d
M
n
t
=
µθ S
1 + µ 2θ M (1 −ψ ) + md − µθ M εt )
n (
ω
Appelons x la quantité (1 + µ 2θ M (1 −ψ ) ) . On obtient une équation de second degré en x :
x2 −
µθ S
µθ S e
x
−
( m − µθ M εt ) = 0.
ωe
ωe
La résolution de cette équation débouche sur les solutions suivantes :
2
 µθ S 
µθ S
∆ = b2 − 4ac =  n  − 4 n ( md − µθ M εt ).
ω
ω 
2
 µθ S 
µθ S
µθ S d
4
±
−
m − µθ M εt )


n
n (
ωn
ω
ω


−b ± b2 − 4ac
=
2a
2

µθ S 
ωn
⇒ xi = n 1 ± 1 − 4 S ( md − µθ M εt ) 
θ µ
2ω 

⇒ xi =
En remplaçant x par son expression on obtient une solution en ψ :
ψi = 1 +
1
µ 2θ M
−
θS
θS
ωe
1
4
me − µθ M εt ) .
±
−
(
M e
M e
S
2µθ ω 2µθ ω
θ µ
6.3- L’impact d’une baisse de l’effort horaire sur l’équilibre du marché du travail.
Nous distinguons les cas d’une demande de travail croissante et décroissante par rapport à
l'effort horaire.
i- Le cas d'une demande croissante.
Dans ce cas, une baisse de l'effort horaire stimule en même temps l'offre et la demande de
travail. L'évolution du salaire réel qui en découle dépendra de l'ampleur des augmentations
364
respectives de l’offre et de la demande. Les figures 1 et 2 décrivent les différentes possibilités
d’équilibre. L'analyse de ces deux graphiques nous conduit à deux principales conclusions :
(i) Une baisse de l'effort horaire s'accompagne toujours par une augmentation du volume de
l'emploi. C'est une conséquence logique d'une augmentation simultanée de l'offre et de la
demande de travail. Le volume de l'emploi atteint donc son maximum, lorsque l'effort
horaire est à son minimum.
(ii) Le salaire réel peut évoluer dans les deux sens. Il s'appréciera lorsque l'augmentation de
la demande est plus importante que celle de l'offre et il baissera dans le cas contraire.
ii- Le cas d'une demande décroissante.
Dans ce cas, l'offre et la demande évoluent dans des sens opposés à la suite d'une baisse
de l'effort horaire. Les figures 3 et 4 considèrent le passage de emax à emin et illustrent les
différentes possibilités d'équilibre.
On remarque d'abord que le salaire réel évolue toujours le même sens. En effet, lorsqu'une
augmentation de l'offre s'accompagne d'une baisse de la demande, le salaire réel évoluera
nécessairement à la baisse. Ainsi, le salaire réel d'équilibre atteint sa valeur la moins élevée
lorsque l'effort horaire est à son niveau minimal.
Quant au volume de l'emploi, son évolution dépend de la sensibilité de l'offre et de la
demande à l'effort horaire. Lorsque le taux de croissance de l'offre dépasse en valeur absolue
celui de la demande, alors le volume de l'emploi peut augmenter. Dans ce cas, la baisse du
taux
365
Figure 1 : Une demande décroissante et moins sensible
que l’offre aux variations de e .
Ld,Lo
Lo(ω,emax)
Ld(ω,emin)
Lmax
Lo(ω,emin)
Lmin
ωmin
ω
ωmax
Figure 2 : Une demande décroissante et plus sensible
que l’offre aux variations de e .
Ld,Lo
Lo(ω,emax)
d
L L(max
ω,emin)
Lo(ω,emin)
Lmin
ωmin
ωmax
ω
366
Figure 3 : Une demande croissante et moins sensible
que l’offre aux variations de e .
Ld,Lo
Lo(ω,emin)
Ld(ω,emin)
Lmin
Lo(ω,emax)
Lmax
ωmin
ω
ωmax
Figure 4 : Une demande croissante et plus sensible
que l’offre aux variations de e .
Ld,Lo
Lo(ω,emin)
LdL(max
ω,emin)
Lo(ω,emax)
Lmin
ωmin
ωmax
ω
367
de salaire réel sera tellement forte, qu'elle encourage les entrepreneurs à demander plus
d'heures d'effort malgré la baisse de l’effort horaire. Dans le cas contraire, la baisse du salaire
réel ne sera pas suffisante pour inciter l'entrepreneur à recruter d'avantage. La baisse de
l'effort horaire s'accompagnera donc d'une détérioration du volume de l'emploi.
Conclusion : une baisse du taux d'effort horaire peut contribuer à promouvoir l'emploi. Cette
conclusion est toujours vraie lorsque la demande de travail est décroissante par rapport à
l'effort horaire, mais elle peut également l'être dans le cas contraire. Une politique expansive
est par conséquent capable de résorber une partie du chômage dans les deux cas.
368
Annexe 7
7.1- Les dérivées des équations de comportement
7.1.1- La consommation désirée
Nous déduisons l'expression de la dérivée de la consommation par rapport à la richesse
totale, à partir de l'équation (1) :
 E ∆2 E ∆2 − E ∆ ∆ 2 
( 1) ( 2) ( 1 2) 
β
2


E ( ∆1 − ∆ 2 )
∂Ctid


 .
=
∂WTt
 E ∆ 2 E ∆ 2 − E ( ∆ ∆ )2 
( 1) ( 2)
1 2

1+ β 
2


E ( ∆1 − ∆ 2 )


(
)
(
)
Cette dérivée peut être réécrite sous la forme suivante :
f (x ) =
 E ∆ 2 E ∆ 2 − E ( ∆ ∆ )2 
x
( 1 ) ( 2)
1 2
.
avec x = β 
2


1+ x
∆
−
∆
E
( 1 2)


(
)
Le tableau de variation de f nous indique qu'elle est positive si x est positif ou inférieur à
–1 et négatif si x est compris entre –1 et 0.
(
)
Or, le terme E ( ∆12 ) E ( ∆ 22 ) − E ( ∆1 ∆ 2 )2 est positif pour toutes variables aléatoires ∆1 et
∆2. β est positif par définition. x est donc toujours positif, ce qui implique que f l’est également.
De plus, f sera toujours comprise entre 0 et 1. En effet, lorsque x est positif 1/(1+x) est
toujours compris entre 0 et 1. On peut donc affirmer que seule une partie de tout accroissement
de la richesse totale sera consacrée à la consommation actuelle.
A partir de l'équation (1) on obtient les expressions des dérivées de la consommation par
rapport au rendements anticipés des actions, E(∆1), et de la dette publique, E(∆2) :
∂Ctid
∂E ( ∆1 )
E ∆ ∆ −∆ 
 E ∆ ∆ −∆ 
(
( 2 ( 2 1 )) 
2( 2
1 )) 

bβ
b β 1 −
2
 E ( ∆ − ∆ )2 

E ( ∆1 − ∆ 2 ) 
1
2
∂Ctid




et
=−
=−
∂E ( ∆ 2 )
 E ∆ 2 E ∆ 2 − E ( ∆ ∆ )2 
 E ∆ 2 E ∆ 2 − E ( ∆ ∆ )2 
( 1 ) ( 2)
( 1 ) ( 2)
1 2
1 2


1+ β 
1+ β 
2
2




E
∆
−
∆
E
∆
−
∆
( 1 2)
( 1 2)




(
)
(
)
(
)
(
)
369
(
2
)
Le signe de la première dérivée dépend de celui du terme suivant : E ( ∆1 ∆ 2 ) − E ( ∆ 2 ) .
(
) , et négative dans le cas contraire. La
deuxième dérivée prend le signe du terme suivant : E ( ∆ ∆ ) − E ( ( ∆ ) ) . Elle est donc
positive ou nulle si E ( ∆ ∆ ) ≥ E ( ( ∆ ) ) et négative par ailleurs.
Elle est donc positive ou nulle si E ( ∆1 ∆ 2 ) ≥ E ( ∆ 2 )
2
2
1
2
1
2
1
2
1
Les termes que nous venons de décrire illustre l’opposition entre les effets de
substitution et de revenu. Les travaux empiriques révèlent que l'augmentation des rendements
réels anticipés stimule les placements au détriment de la consommation. L'effet de
substitution semble donc l'emporter sur l'effet de revenu.
7.1.2- La richesse désirée
D'après la contrainte budgétaire, on sait que la richesse financière désirée est égale à
l'écart entre la richesse totale et la consommation : WFt id = WTt i − C tid . On peut donc écrire :
∂WFt id
∂C tid
=
1
−
∂WTt i
∂WTt i
Il en découle que la dérivée de la richesse désirée par rapport à la richesse totale est
comprise entre 0 et 1 puisque
∂C tid
l'est également (voir 7.1.1).
∂WTt i
A partir de la contrainte budgétaire on déduit également que les dérivées de la richesse
financière par rapport aux rendements anticipés des titres ont des signes contraires aux
dérivées de la consommation par rapport à ces mêmes variables :
∂WFt id
∂C id
∂WFt id
∂C id
= − t et
=− t .
∂∆ 1
∂∆1
∂∆ 2
∂∆ 2
Nous appelons η1, η2 et η3 les dérivées respectives de la richesse financière désirée par
rapport à la richesse totale, à E(∆1) et à E(∆2). Ces paramètres ont les expressions suivantes :
370
E ∆ ∆ −∆ 
 E ∆ ∆ −∆ 
(
( 2 ( 2 1)) 
2( 2
1)) 

bβ
bβ 1−
 E ( ∆ −∆ )2 
 E ( ∆ −∆ )2 
1
2
1
2



 .
1
,η =
et η =
η1 =
2
3
 E ∆2 E ∆2 − E ∆ ∆ 2 
E ∆2 E ∆2 − E( ∆∆ )2 
 E ∆2 E ∆2 − E( ∆ ∆ )2 
( 1 2) 
(
(
( 1 ) ( 2) 1 2 
1 ) ( 2)
1 ) ( 2)
1 2 


1+ β
1+ β
1+ β 
2
2
2






E ( ∆1 −∆2 )
E ( ∆1 −∆2 )
E ( ∆1 −∆2 )






(
(
)
)
(
)
(
)
(
)
Un dernier paramètres η0 regroupe les termes indépendants de E(∆1) et de E (∆2):
η0 = −
a
.
 E ∆2 E ∆2 − E ∆ ∆ 2 
( 1) ( 2) ( 1 2) 
1+ β 
2


E ( ∆1 − ∆ 2 )


(
)
Ces paramètres permettent de simplifier les équations. Nous supposons que les
moments mixtes et de second ordre sont stables dans le temps. Les paramètres η0, η1, η2 et η3
ont donc des valeurs constantes.
Nous avons précisé que l'effet de substitution est souvent plus puissant que l'effet de
revenu : une augmentation des rendements réels anticipés se traduit vraisemblablement par
une augmentation de la richesse financière et une baisse de la consommation. η2 et η3
prendront donc des valeurs positives. η1 sera compris entre 0 et 1.
7.1.3- La demande d'action
A partir de l'équation (2) on peut facilement déduire les expressions et les signes des
dérivées de la demande d'actions par rapport aux taux de rendements des deux actifs :
∂Qtid
∂Qtid
b
b
=
>
0
et
=−
< 0.
2
2
∂E ( ∆1 ) E ( ∆ − ∆ )
∂E ( ∆ 2 )
E ( ∆1 − ∆ 2 )
1
2
(
)
(
)
Une simple manipulation algébrique permet d'obtenir l'expression de la part des
actions dans le portefeuille :
id
Qt
WFt
id
=
( E ( ∆ ) − E ( ∆ ))
1
WFt
b
2
id
E
(( ∆
1
− ∆2 )
2
)
+
E ( ∆2 ( ∆2 − ∆1 ) )
E
(( ∆
1
− ∆2 )
2
)
.
Il est facile de voir que la dérivée de cette expression par rapport à la richesse financière
dépend de l'écart entre le taux de rendement des actions et celui de la dette publique :
371
 Qtid 
b
∂  id  ∂WFt id =
( E ( ∆1 ) − E ( ∆2 ) ) .
2
E ( ( ∆1 − ∆2 ) )
 WFt 
Nous allons regrouper les termes composés des moments mixtes et de second ordre
(en supposant que ces termes sont constants) sous les paramètres θ1 et θ2 :
θ1 =
b
(
E ( ∆1 − ∆ 2 )
2
)
et θ 2 =
E ( ∆ 2 ( ∆ 2 − ∆1 ) )
(
E ( ∆1 − ∆ 2 )
2
)
Cette modification permet une présentation plus simple et plus lisible des équations.
θ1 est toujours positif. θ2 peut prendre différents signes. Là encore on est en présence de deux
effets contradictoires. Les conditions qui déterminent le signe de θ2 sont identiques à celles
qui déterminent le signe de η2. Les deux paramètres sont donc de même signe. Conformément
aux constat empiriques, on va donc supposer que θ2 est positif et que toute augmentation de la
richesse se traduit par une croissance des placements en actions.
372
7.2- Présentation du modèle
7.2.1- Définition des variables
Ctd : la consommation réelle désirée à la date t.
Ct : la consommation réelle effective à la date t.
Ytm : le revenu salarial réel à la date t.
wt : le taux de salaire nominal à la date t.
ωt : le taux de salaire réel à la date t.
WFtd : la richesse financière réelle désirée à la date t.
WFt : la richesse financière réelle effective à la date t.
WTt : la richesse réelle totale à la date t.
qt : la prix réel d’une action à la date t.
∧
q t : la plus-value nominale sur le prix d’une action à la date t.
Yt : le volume de la production à la date t.
Ptd : le prix désiré à la date t.
Pt : le prix effectif à la date t.
πt : le taux d'inflation de la date t.
Ktd : le stock de capital désiré à la date t.
Kt : le stock de capital effectif à la date t.
Itd : la demande désirée d’investissement à la date t.
It : la demande effective d’investissement à la date t.
Ndtd : la demande désirée de travail à la date t.
Ndt : la demande effective de travail à la date t.
Nst : l’offre de travail à la date t.
Qst : l’offre d’actions à la date t.
Qdtd : la volume désirée d’actions désiré à la date t.
Qdt : la demande effective d’actions à la date t.
∏t : le profit nominal à la date t.
ρt : le taux de profit nominal sur fonds propres à la date t (net d'impôt).
Bst : l’offre de dette publique à la date t.
Bdt : la demande effective de dette publique à la date t.
ℜt : le taux de rendement nominal de la dette publique émise à la date t.
373
rt : le taux d'intérêt nominal de court terme à la date t.
Gt : les dépenses publiques réelle à la date t.
At : un indicateur du progrès technique.
τ : le taux d’imposition.
G0 , r0 et τ0 représentent les valeurs d’équilibre respectives de G , r et τ .
y* et B*, P* et Qd* représentent respectivement le volume de la production, le volume de la
dette publique, le niveau des prix et la valeur boursière du capital ciblés par les autorités
budgétaires ou monétaires.
7.2.2- Les équations du modèle
Les variables de passage
Les revenus salariaux :
Yt m = (1 − τ ) ωt N t
m
La dynamique de la richesse :
WTt = Yt +
Le taux de profit nominal :
ρt =
La plus-value nominal :
qt =
∧
1 + (1 − τ ) ℜt −1
1+ πt
∧
Bd t −1 +
1 + (1 − τ ) qt + ρt
1+ πt
Qd t −1
(1−τ ) Πt
pt −1qt −1Kt −1
pt qt − pt −1qt −1
pt −1 qt −1
Le comportement des consommateurs
La richesse financière désirée :
∧


1
+
1
−
τ
q
( ) ta+1 + ρta+1   1+ (1−τ ) ℜt 
WFt d = η1WTt +η2 
 +η0
a
 +η3  1+ π a
1
+
π
t
+
1
t
+
1






La richesse financière effective : WFt = (WFt d ) (WFt −1 )
ψ
La consommation effective :
1−ψ
C t = WTt − WFt
374
∧
(1 − τ ) qta+1 + ρta+1 − (1 − τ ) ℜt
La demande d'actions :
Qdt = θ1
La demande d'obligations :
Bdt = WFt − Qdt
L'offre de travail :
Ns t = N 0ω t
1 + π ta+1
+ θ 2WFt + θ 0
ϕ
Le comportement des producteurs
 1 + rt
+δ
α −1 
1 a  1 − α   1 + π ta+1
= Yt +1 

A
ω ta+1
 α  


Le capital désiré :
K td
Le capital effectif :
K t = ( Ktd )
La demande désirée de travail :
 1 + rt −1

+δ 
α 
1 1−α   1+ πt

Ndtd = Yt 

ωt
A  α  





La demande effective de travail :
Nt = ( Ndtd ) ( N t −1 )
Les investissements :
I t = K t − (1 − δ )K t −1
u






α −1
1− u
( Kt −1 )
α
v
1− v
 1 + rt −1
1
+δ

d
 1 α  ωt   1 + π t
d
Pt =    
 A   α  1−α


Πt = Pt Yt − wt Nt − (1+ rt )Pt I t
Qst = qt K t
Le prix désiré :
Le profit nominal :
L'offre d'actions :






1−α
α
La dynamique des prix
χ
Pt = ( Pt
d
Ω
) (P )
1−Ω
t −1
 Yt 

 .
 Yt −1 
Le comportement des autorités
La contrainte budgétaire : Bst =
1+(1−τ ) ℜt−1
1+πt
∧


Πt qt
d

Bst−1 +Gt −τ ωt Ndt + +
Qdt−1  −(1−λ1 ) rI
t t


Pt 1+πt


375
σ
Les fonctions de réaction budgétaire :
λ
1−λ
0
t −1
Gt = G G
γ1
La fonction de réaction monétaire :
λ
1− λ
t −1
rt = r0 r
σ
σ4
σ
1
2
3
*
 Yt   Pt   Bt   Bt  Y  

 *   *   *     
 Yt   Pt   Bt   Yt  B t 
γ2
γ3
 Yt   Pt   Qdt 
 *  *  *
 Yt   Pt   Qdt 
L’équilibre des marchés.
Le marché de la dette :
Bd t = Bst
Le marché des actions :
Qd t = Qs t
Le marché du travail :
N t = N t (ωt ) et
Le marché des biens :
Yt = C t + I t + G t
N 
wt = (1 + φπ t ) wt −1  t 
 N0 
µ
7.3- L'étalonnage
7.3.1- Définition de l'équilibre initial
Notre objectif n'est pas de construire un modèle calculable qui retrace avec précision les
caractéristiques d’une économie en particulier. Nous essayerons néanmoins de prendre des
valeurs proches de celles constatées dans les pays industrialisés et notamment en France.
•
Nous initialisons l'ensemble des prix à l'unité : p=q= ω = w=1, et la production à 1000.
•
La demande globale est répartie de la façon suivante : 70% de consommation, 20%
d'investissement et 10% de dépenses publiques. Ainsi, C=700, I=200 et G=100.
•
Le revenu du travail s'élève à 70% du PIB et le stock de capital à deux fois le PIB : N=700
et K=2000.
•
La taux d'imposition s’élève à 14% : τ = 0.14.
376
•
L’offre et la demande d’action correspondent au stock de capital physique des entreprises :
Qs = Qd = 2000.
•
La dette publique représente 50% du PIB : Bs = Bd=500.
•
A l'équilibre, tous les prix sont stables et l'ensemble des variables prennent leurs valeurs
∧
désirées. On ne constate donc ni inflation, ni plus-value sur le prix des actions : q t = π =0.
•
Le taux d'intérêt de court terme s'élève à 1,5 % : i = 0.015.
•
On rajoute une prime de risque pour obtenir le taux d'intérêt de long terme : R = 0.02.
•
Le taux de rendement sur les fonds propres est de 4,8 % : ρ = 0.048.
•
Le reste des variables prennent des valeurs dictées l’équilibre du modèle : Π=97,
WF=2500,WT=3200,Ym=700,Bs/Y=0,5.
7.3.2- L'initialisation des paramètres
Dans la version classique du modèle les paramètres prennent les valeurs suivantes108 :
•
La part du facteur travail dans le PIB s’élève à 70 % : α = 0.7.
•
Le capital est renouvelé en moyenne au bout de 10 périodes : δ =0.1.
•
La réaction de l’offre de travail aux variations du taux de salaire réel : ϕ =0.75.
•
La réaction de la consommation désirée aux variations de la richesse totale, du rendement
des actions et du rendement de la dette publique : η1 = 0.5, η2 = -2000 et η3 = -2000.
•
La réaction de la demande d'actions aux rendements des actifs et à la richesse financière : θ1
= 20000 et θ2 = 0.2.
•
Les agents ont une légère préférence pour le présent. Le taux d'actualisation prend donc une
valeur légèrement inférieure à 1 : β =0.9.
•
Une partie des intérêts versés par les entreprises revient aux ménages : λ =0.75. Dans la
réalité, cette partie revient aux organismes financiers qui servent d'intermédiaire entre les
autorités monétaires et les emprunteurs. Or, ces organismes sont la propriété des agents
108
Les valeurs des paramètres relatifs aux rigidités nominales et réelles sont données au sein des chapitres, lorsque
ces imperfections sont introduites dans la maquette.
377
privés. Il est donc logique de considérer qu'une partie des ces revenus est distribuée aux
ménages.
378
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389
Table des matières.
Introduction………...………….……………………………………………………………..1
Chapitre 1 : Une revue des anciens débats théoriques………..…………………………..12
Section 1 : La théorie keynésienne et l’essor
des politiques de relance……………………………………………………….13
I- Les fondements du paradigme keynésien…………………………………………………..13
1- Les rigidités nominales………………………………………………………………...13
2- La demande de monnaie et la rupture
de la dichotomie classique…………………………………………………………....14
3- La politique budgétaire : un moyen d’intervention privilégié………………………....15
4- Pourquoi pas la politique monétaire ?…………………………………………………16
II- Une interprétation des idées keynésiennes : Le modèle IS-LM…………………………...17
1- Présentation du modèle………………………………………………………………...17
2- Les multiplicateurs budgétaire et monétaire…………………………………………...18
III- Les premières critiques…………………………………………………………………...20
1- L’effet stabilisant de la flexibilité des prix…………………………………………….20
2- Un modèle à prix flexible……………………………………………………………...21
Section 2 : L’apport du courant monétariste…………..………………………………….23
I- Les critiques monétaristes et les répliques keynésiennes…………………………………..23
1- L'effet d'éviction……………………………………………………………………….23
1.1- Les arguments théoriques……………………………………………………………24
1.2- Les preuves empiriques……………………………………………………………...25
1.2.1- Les résultats de la simulation………………………………………………………25
1.2.2- Les critiques de la méthodologie monétariste……………………………………...26
2- La richesse et la demande de monnaie…………………………………………………27
3- La courbe de Phillips augmentée des anticipations……………………………………29
390
4- Quelques réflexions concernant le débat entre
monétaristes et keynésiens…………………………………………………………...31
II- Les propositions monétaristes……………………………………………………………..32
1- La théorie monétaire du revenu nominal………………………………………………32
2- La demande de monnaie et le revenu permanent………………………………………33
3- Une analyse critique des propositions monétaristes…………………………………...35
3.1- Multiplicateur ou diviseur de crédit ?………………………………………………..35
3.2- Les lacunes de la fonction de demande de monnaie…………………………………36
3.2.1- Les motifs d’instabilité…………………………………………………………….36
3.2.2- L’absence du taux d’intérêt………………………………………………………..38
3.3- Le choix de l’instrument monétaire :
l’approche de Poole (1970)…………………………………………………………39
3.3.1- Présentation du modèle…………………………………………………………….39
3.3.2- Discussion des résultats……………………………………………………………40
Section 3 : Les critiques fondamentales……………………………………………………43
I- Le renouveau des propositions classiques………………………………………………….43
1- Les principales critiques……………………………………………………………….43
1.1- Une analyse statique…………………………………………………………………43
1.2- Le manque de fondement microéconomique………………………………………...44
2- Un cadre théorique alternatif…………………………………………………………..45
3- L’hostilité envers les politiques de stabilisation……………………………………….46
3.1- Un impact négligeable sur la consommation………………………………………...46
3.2- Des conséquences futures dangereuses………………………………………………47
3.3- Le rôle de la politique budgétaire……………………………………………………49
II- Les faiblesses de la nouvelle construction classiques……………………………………..50
1- La myopie des agents…………………………………………………………………..50
2- L'imperfection des marchés financiers……………………………………………….. 51
2.1- Les contraintes de liquidité…………………………………………………………..51
2.2- Le financement de la retraite………………………………………………………...52
3- Une critique des postulats classiques…………………………………………………..53
4- Quelques problèmes de modélisation………………………………………………….55
5- Des explications keynésiennes à la crise des années70………………………………..57
391
Première partie : Un bilan de la littérature……..…………………………………………60
Chapitre 2 : Les approches théoriques contemporaines
de la politique budgétaire……………………………………………………61
Section 1 : Le principe néoricardien d'équivalence……………………………………….62
I- Les fondements théoriques………………………………………………………………..62
1- L'apport de Barro……………………………………………………………………..62
2- Le cadre théorique sous-jacent……………………………………………………….64
2.1- Description du modèle……………………………………………………………..64
2.2- Les principaux résultats……………………………………………………………65
II- Les conclusions et les recommandations………………………………………………..67
1- Le renouveau de l’équivalence ricardienne………………………………………….67
2- La stabilité du taux d’intérêt…………………………………………………………67
3- Les arguments en faveur d’une politique contracyclique……………………………68
4- Le lissage fiscal………………………………………………………………………69
III- Les faiblesses de l'approche néoricardienne……………………………………………69
1- Les critiques fondamentales…………………………………………………………70
1.1- Le caractère altruiste des transferts………………………………………………..70
1.2- L'équivalence en univers incertain………………………………………………...71
1.3- L'imperfection des marchés financiers……………………………………………72
1.4- La stabilité du taux d'intérêt………………………………………………………..73
2- Quelques problèmes techniques……………………………………………………...74
2.1- Les solutions en coin……………………………………………………………….74
2.2- Les complications du cadre dynastique…………………………………………….75
3- Un désaveu empirique……………………………….……………………………….76
3.1- La stabilité de l’épargne nationale………………………………………………….76
3.2- Les évaluations globales……………………………………………………………77
Section 2 : La politique budgétaire dans une optique d’offre…………………………….79
I- Une méthode d'analyse innovante…………………………………………………………80
392
1- Les enseignements de l’expérience européenne………………………………………80
1.1- La composition un facteur déterminant du succès ?………………………………...81
1.2- La composition et les conséquences macroéconomiques……………………………82
1.3- Les canaux de transmission………………………………………………………….83
1.3.1- Les incitations immédiates………………………………………………………...83
i- Le canal de la demande…...……………………………………………………………83
ii- Le canal de l’offre……………………………………………………………………..84
1.3.2- Les incitations anticipées…………………………………………………………..85
2- La crédibilité et la composition des redressements……………………………………87
II- Les failles de la théorie des multiplicateurs négatifs……………………………………...90
1- Le rôle des politiques d'accompagnement….………………………………………….90
2- La conjoncture et les caractéristiques structurelles de l'économie……………………91
3- Le désaccord sur le mode de fonctionnement de l'économie………………………….91
4- Les difficultés posées par les anticipations……………………………………………92
5- Une lecture critiques des résultats empiriques………………………………………..93
5.1- L'effet crédibilité…………………………………………………………………….93
5.2- Les conséquences réelles de la politique monétaire…………………………………94
5.3- Une mauvaise appréciation de la conjoncture……………………………………….96
Chapitre 3 : Le volet empirique du débat budgétaire….…………………………………98
Section 1 : Le bilan des études empiriques………………………………………………..99
I- Les relations fondamentales………………………………………………………………..99
1- La politique budgétaire et la consommation…………………………………………..99
1.1- Les principaux résultats……………………………………………………………..99
1.2- Une analyse explicative…………………………………………………………….100
1.2.1- La myopie des agents…………………………………………………………….100
1.2.2- Les contraintes de liquidité……………………………………………………….101
2- La politique budgétaire et le taux d'intérêt…………………………………………...104
II- Les origines des divergences empiriques………………………………………………...106
1- Les conflits d'ordre conceptuel……………………………………………………….106
2- Une illustration de l'importance des corrections……………………………………...108
393
Section 2 : Les indicateurs de la politique budgétaire…..……………………………….110
I- Les indicateurs d'action délibérée…………………………………………………………110
1- Une analyse théorique des stabilisateurs automatiques………………………………111
1.1- Comment reconnaître l'orientation budgétaire
en présence des stabilisateurs ?……………………………………………………111
1.2- La nécessité des stabilisateurs automatiques……………………………………….113
1.3- L'ampleur de la stabilisation………………………………………………………..114
2- Quelques exemples d'indicateurs d'action délibérée………………………………….116
2.1- Le surplus du taux naturel…………………………………………………………..116
2.2- Le «Cyclically Adjusted Budget (CAB)»…………………………………………..116
2.3- L'indicateur proposé par De Boissieu et Gubian…………………………………...117
2.4- L'indicateur de Blanchard…………………………………………………………..117
II- Les indicateurs de soutenabilité………………………………………………………….118
1- Définition du problème……………………………………………………………….119
2- Présentation des indicateurs…………………………………………………………..121
III- Les indicateurs d'impact………………………………………………………………...123
1- Le solde budgétaire pondéré…..……………………………………………………...123
2- L’indice d’impact budgétaire…………………………………………………………124
3- Les indicateurs basés sur la comparaison des déficits………………………………..125
Section 3 : Les effets de redistribution……………………………………………………126
I- Présentation des comptes générationnels…………………………………………………127
1- Pourquoi les comptes par génération ?……………………………………………….127
2- La conception des comptes par génération…………………………………………...128
3- Les avantages de cette technique……………………………………………………..129
3.1- Des résultats moins conflictuels……………………………………………………130
3.2- Une meilleure appréciation des conséquences
futures de la politique budgétaire………………………………………………….130
3.3- L'appréciation des effets allocatifs de la politique budgétaire. …………………….131
II- Les principales lacunes…………………………………………………………………..133
1- Un bouclage macroéconomique incomplet. …………………………………………133
1.1- Les problèmes posés par les simplifications……………………………………….133
394
1.2- Les répercussions sur la fiabilité des résultats…...………………………………...133
2- Une vision incomplète de la politique budgétaire…………………………………...135
2.1- Faut-il se limiter aux dépenses de transfert ?………………………………………135
2.2- La solution proposée………………………………………………………………..137
III- Pour une meilleure exploitation des comptes par génération…………………………...137
1- Une endogénéisation de certains paramètres et variables……………………………137
2- Une exploitation moins ambitieuse et plus réaliste des résultats…………………….139
Chapitre 4 : Réputation et crédibilité : les nouveaux
déterminants de la politique monétaire……..……………………………140
Section 1 : Les objectifs réels et le biais inflationniste………..………………………….142
I- Les fondements de l’analyse classique……….…………………………………………..142
1- Le choix de l’instrument…………………………………………………………….143
2- La transmission des mesures monétaires……………………………………………144
3- Le comportement de la banque centrale…………………………………………….145
3.1- L'aversion envers l'inflation……………………………………………………….145
3.2- Les tentations inflationnistes………………………………………………………145
3.2.1- Le motif d'emploi……………………….………………………………………..146
3.2.2- Le motif de revenu…………………….…………………………………………146
4- La fixation du salaire nominal : un choix stratégique…….………………………….147
4.1- Les anticipations et l'arbitrage entre l'inflation et le chômage………..…………….148
4.2- Les conséquences inflationnistes du jeu……………………………..……………..148
II- Un modèle illustratif……………………………………………………….…………….150
Section 2 : Les asymétries d'information et les conséquences
de court terme de la politique monétaire……….…………………………….152
I- L'information relative aux préférences de la banque centrale………….…………………153
1- L'importance accordée à l'emploi………………………………….…………………153
1.1- Incertitude sur le banquier central en exercice ?………………..…………………..154
1.1.1- La banque centrale en place est du type "dur"………………..…………………..155
1.1.2- La banque centrale en place est du type "faible"……………..…………………..155
395
1.2- Les variations de l'importance relative accordée à l'emploi……..…………………156
2- Les asymétries concernant les objectifs de la banque centrale…….…………………157
II- L'information relative à la situation économique…………………….………………….158
1- Un avantage d'information concernant les chocs réels…………..…………………...158
2- Un avantage d'information concernant les chocs nominaux…….…………………...159
Section 3 : Comment résorber une inflation inutile ?………..…….……………………162
I- Les règles monétaires……………………………………………….…………………….162
1- Le choix de la règle……………………………………………..…………………….162
2- La réputation : une garantie de crédibilité…………………….……………………...163
2.1- La réputation et le choix de la politique monétaire………….……………………..163
2.2- La stratégie punitive : Une solution au problème de crédibilité…….……………...164
2.3- Les limites du modèle Barro-Gordon……………………………….……………...166
3- Des solutions institutionnelles au problème de crédibilité…………….……………..168
II- Des solutions plus réalistes……………………………………………….……………...169
1- L’affectation d’un banquier central conservateur……………………..……………...169
2- L’indépendance de la banque centrale………………………………..………………170
2.1- Pourquoi l'indépendance ? ………………………………………….……………...170
2.2- L’ambiguïté autour du concept d'indépendance…………………….……………...171
3- Le modèle d’apprentissage : Un fondement théorique
pour des solutions réalistes……….…………………...172
3.1- Présentation du modèle……………………………………..………………………172
3.2- Le comportement des travailleurs…………………………..………………………174
3.3- Le problème de décision de la banque centrale……………..……………………...176
3.4- Analyse des résultats………………………………………..……………………....178
3.5- Conclusion………………………………………………….……………………....179
Section 4 : Critiques et perspectives……………….…………….………………………..180
I- Un bouclage macroéconomique incomplet…………………….…………………………180
1- La théorie de l’inflation……………………………………….……………………...181
1.1- Les origines réelles de l’inflation………………………….……………………….181
1.2- Les conséquences de l’inflation………………………….………………………...181
396
2- L’interaction entre les politiques
monétaire et budgétaire………..…………………………………………………….182
3- Des objectifs conflictuels……….……………………………………………………183
4- Des hypothèses irréalistes……….…………………………………………………...184
II- Le comportement des joueurs……….…………………………………………………...185
1- Les motivations de la banque centrale………..………………………………………185
1.1- La banque centrale est les pressions externes………..……………………………..185
1.2- La banque centrale et le bien-être social……………..……………………………..186
1.2.1- Une alternative keynésienne
aux arguments de Barro et Gordon………….…………………………………..186
1.2.2- La coordination n'est pas nécessairement imposée…………………..…………...187
1.2.3- La planification et l’évolution des objectifs…………………………..………….188
2- Quelques commentaires concernant la fonction objectif…………………..…………188
2.1- Objectif de production ou objectif d’emploi ?………………………….………….188
2.2- Une réinterprétation de l’objectif d’inflation……….……………………………...190
3- Le comportement des travailleurs…………………….……………………………...190
3.1- Le risque de licenciement………………………….………………………………191
3.2- Une variété d’objectifs…………………………….……………………………….191
3.3- Une approche plus complète du bien-être social…………………………………..192
Chapitre 5 : La coordination dans une optique stratégique……….……………………193
Section 1 : Performance, crédibilité et coordination
dans un jeu à trois joueurs………………………………………………….194
I- Présentation du modèle…………………………………………………………………...194
1- Les fondements théoriques…………………………………………………………194
2- L'ordre des événements……………………………………………………….……196
II- Le cas de deux politiques discrétionnaires non coordonnées…………………….………197
1- L'équilibre de Nash. ………………………………………………………….…….197
1.1- Le comportement du gouvernement………………………………………..…….197
1.2- Le comportement de la banque centrale………………………………………….199
1.3- Les propriétés de l'équilibre……………………………………………………....201
1.4- Une interprétation des résultats…………………………………………….……..203
397
2- L’équilibre de Stackelberg………………………………………………………….206
2.1- La résolution du modèle…………………………………………………………..206
2.2- Les propriétés de l’équilibre………………………………………………………207
III- Le cas d'une banque centrale crédible…………………………………………………..209
IV- L'équilibre en cas de politiques coordonnées…………………………………………..212
Section 2 : Critiques et extensions du modèle……………………………………………215
I- Des résultats et des hypothèses non conventionnelles……………………………………215
1- Les canaux de transmission de la politique monétaire……………………….………216
2- Les préférences des autorités…………………………………………………………219
II- D’autres motifs de coordination………………………………………………….………220
1- Les anticipations et l'efficacité de la politique budgétaire……………………………220
2- L'absence d'équilibre………………………………………………………….………223
Deuxième Partie : Quelques propositions personnelles…….……………………………225
Chapitre 6 : Le comportement stratégique des travailleurs : les fondements
d’une attitude coopérative envers les politiques de relance……….…………226
Section 1 : La stratégie des travailleurs en cas de récession………..……………………..228
I- Un fondement microéconomique à l’objectif d’emploi…………………………………….228
1- Description du problème de décision ……………………………………………….228
2- Le risque de licenciement : une externalité macroéconomique dans
un problème microéconomique…………………………………………………………230
II- De la réaction individuelle à la stratégie globale………...………………………………...232
1- La fonction objectif des travailleurs………………...………………………………..233
2- Les déterminants de la réaction des travailleurs……...………………………………234
III- L'impact de la politique monétaire en cas de choc……...………………………………237
1- La stratégie des autorités monétaires…………………………………………………238
1.1-Le problème de décision………………………………………………………………238
1.2-La fonction de réaction de la banque centrale……...…………………………………240
1.3-La politique monétaire et l’emploi……...…………………………………………….242
2- La réaction des travailleurs…...…………………...…………………………………243
2.1- Description du problème de décision…...……………………………………………243
2.2- LE CHOIX DU DEGRE D'AJUSTEMENT OPTIMAL
……..………………………………………244
398
Section 2 : La réaction des travailleurs en dehors des
périodes de récession………………………..………………………………..247
I- L'effort et l'équilibre du marché du travail………………………………………………247
1- L'effort et la demande de travail……………………………………..…………………248
1.1- L’effort dans le processus de production…………………………..…………………248
1.2- Le problème de décision de l'entrepreneur………………………..…………………250
1.3- Les caractéristiques de la demande de travail ……………………..…………………252
1.4-Le cas d’une fonction Cobb-Douglas……………………………….………………...253
2- L'effort et l'offre de travail……………..……………………………………………..254
3- L'équilibre du marché du travail ……..………………………………………………257
II- L'impact d'une politique de relance sur l'emploi……...………………………………….259
1-Le comportement stratégique des trois joueurs……...………………………………..259
1.1- La réaction des travailleurs…………………………………………………………259
1.2- La réaction des producteurs………………………………………………………...261
1.3- La banque centrale et la mise en place des politiques inflationnistes……………....262
2- Le réalisme des hypothèses ………………………………………………………….263
3- Les conclusions macroéconomiques…………………………………………………265
3.1- L’évidence concernant les besoins d’une baisse de l’effort………………………..265
3.2- La réduction du temps de travail : une solution alternative………………………...266
Chapitre 7 : Les marchés financiers et la nécessité
des politiques de stabilisation…………………………………………..….268
Introduction…………………………………………………………………………………268
i- Les spécificités du modèle……………………………………………………………..269
ii- L’organisation du chapitre…………………………………………………………….273
Section 1 : La construction de la maquette…………………………………….…………274
I- Les fondements microéconomiques………………………………………………………274
1- Le comportement des consommateurs………………………………………………..274
1.1- Définition des variables…………………………………………………………….275
1.2- Le problème de décision……………………………………………………………276
1.2.1- La répartition de la richesse entre les placements et la consommation…………..277
399
1.2.2- La composition du portefeuille…………………………………………………...278
2- Le comportement des entrepreneurs………………………………………………….279
2.1- Les demandes de capital et de travail………………………………………………280
2.2- Le prix désiré……………………………………………………………………….282
2.3- Description du cadre comptable des entreprises……………………………………283
II- Le modèle macroéconomique……………………………………………………………284
1- La version classique du modèle………………………………………………………284
1.1- Des équations individuelles aux équations globales…….………………………….284
1.2- Le comportement des autorités……………………………………………………..286
1.2.1- La fonction de réaction de la banque centrale……………………………………286
1.2.2- Les autorités budgétaires…………………………………………………………288
1.3- L'équilibre des marchés…………………………………………………………….290
1.3.1- Les marchés financiers…………………………………………………………...290
1.3.2- Le marché du travail……………………………………………………………...291
i- La version "WSPS" ou l'équilibre concurrentiel…………………………………...291
ii- La version "Phillips" ou l'équilibre négocié………………………………………..291
1.3.3- Le marché des biens et services…………………………………………………..293
2- La version keynésienne……………………………………………………………….296
Section 2 : L’économie face aux chocs d’offre et de demande……...…………………...299
I- La version classique………………………………………………………………………300
1- La dynamique de long terme…………………………………………………………301
2- Les mécanismes d’ajustement………………………………………………………..305
3- La structure de l’économie et sa réaction aux chocs…………………………………306
3.1- L’élasticité de l’offre de travail au salaire réel……………………………………..306
3.2- Le coût initial de la dette publique…………………………………………………308
II- La version keynésienne…………………………………………………………………..309
1- La rigidité des prix……………………………………………………………………309
2- La rigidité des salaires………………………………………………………………..312
2.1- L’indexation du taux de salaire nominal à l’inflation………………………………312
2.2- L’impact de la conjoncture…………………………………………………………315
3- D’autres formes de rigidité…………………………………………………………...315
400
Chapitre 8 : L’organisation du policy mix :
les enseignements de la maquette……..……………………………………317
Section 1 : La répartition des rôles………………..………………………………………319
I- L'apport d'une stabilisation budgétaire…………..………………………………………..319
1- La réaction à un choc d’offre………………..………………………………………..319
2- La politique budgétaire face à un choc de demande………..………………………...323
II- La stabilisation par la politique monétaire……………………..………………………...326
Section 2 : Le choix du régime…………..………………………..……………………….328
I- L’affectation des objectifs………………………………………..……………………….329
1- Les objectifs budgétaires……………………………………..………………………329
2- Les objectifs monétaires……………………………………..……………………….334
3- Les conclusions pour une coordination des objectifs………..……………………….338
II- Le choix des cibles……………………………………………..………………………...340
1- Quelles cibles pour les objectifs ?…………………………..………………………..340
2- Faut-il abandonner les cibles de long terme pour les instruments ?……….………...342
III- Le choix du régime…………………………………………………………..………….346
1- Définition des régimes……………………………………………………..………....346
2- Analyse des résultats……………………………………………………….………...347
Conclusion…………………………………………………………………………………..350
Annexes :……………………………………………………………………………………355
Annexe5 :……………………………………………………………………………………355
Annexe6 :……………………………………………………………………………………360
Annexe7 :……………………………………………………………………………………366
Bibliographie………………………………………..…………………………………...…376
401
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