© RÉGIS DEBRAY, 2006-10-09. TOUS DROITS RÉSERVÉS.
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Publié dans Le Monde des religions, juillet-août 2006
Nos racines chrétiennes
À l’instar de l’agriculture, culte et culture procèdent d’un même
verbe latin, colere, développer avec soin, prendre souci, faire honneur. Et
une bonne définition de la culture serait : ce qui reste d’un culte quand nous
ne le pratiquons plus. C’est dire qu’il n’est point besoin d’aller chaque
Dimanche à la messe, ni de cultiver notre relation à Jésus-Christ-Notre-
Sauveur pour ouvrir les portes du christianisme. Elles débouchent sur notre
intimité collective, telle que l’histoire l’a faite. Nous ne vivons pas dans
l’instant. Nous ne sortons pas de nulle part. Pour rester libre d’assumer ou
non ce dont nous héritons, et garder intact notre droit d’inventaire, encore
faut-il savoir de quoi nous sommes pétris.
Notre souche est chrétienne. Le terme ne se réduit pas au catholique
romain : un voltairien autant qu’un luthérien, un cinéaste autant qu’un
architecte, un Russe orthodoxe autant qu’un copte éthiopien en témoignent
chaque jour. Pour ce qui nous concerne, renier cette ascendance est
toujours possible ; la dénier serait frivole. Ne parlons pas de nos jours
fériés, ni de nos édifices. D’où vient notre peinture, et toutes nos passions
optiques –sinon du Concile de Nicée II qui a, par une entorse inouïe à la loi
monothéiste, autorisé la figuration (787) ? D’où vient la place, voire la
prééminence du féminin dans notre imaginaire, et pourquoi pas quelque
jour sur la scène politique, sinon du culte marial ? D’où vient notre
protocole républicain, via le monarchique, sinon de l’échelle des anges
inventée au quatrième siècle par le pseudo Denys dit l’Aréopagite ? D’où
vient le mot de laïcité, sinon du vocabulaire ecclésiastique ? Et d’où vient
même la mort de Dieu, sinon de la « foi réfléchissante » prônée par le