L'Étranger de Camus en classe de FLE: l’expérience jordanienne
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très jeune, et il me semble que c’est une vie qui doit vous plaire » (Camus, Albert, 1942, p. 66), il
répond : « que oui mais que dans le fond cela m’était égal. Il m’a demandé alors si je n’étais pas intéressé
par un changement de vie. J’ai répondu qu’on ne changeait jamais de vie, qu’en tout cas toutes se valaient
et que la mienne ici ne me déplaisait pas du tout » (Id.). Même Marie, sa copine, le trouve bizarre et froid.
Première rencontre avec le récit :
Il s'agit d'une focalisation interne dans ce récit de Camus ; le narrateur raconte ce que voit
Meursault. Le roman est constitué de deux parties dont la première s’ouvre sur la mort de la mère de
Meursault ; ici, l’étudiant est exposé à l’attitude étrange d'un personnage qui n'éprouve aucun sentiment
au décès de sa mère : «Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas » (Ibid., p. 9). Bien
au contraire, le personnage affiche une grande envie de terminer avec l’enterrement:
-Le ciel était déjà plein de soleil. Il commençait à peser sur la terre et la chaleur
augmentait rapidement. Je ne sais pas pourquoi nous avons attendu assez longtemps avant de nous mettre
en marche. J'avais chaud sous mes vêtements sombres (Ibid., p. 26).
-Pour le moment, c'est un peu comme si maman n'était pas morte. Après
l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure
plus officielle (Ibid., p. 10).
L'étudiant pourrait ressentir alors une froideur de la part de ce personnage, une relation distante et
presque coupée avec sa mère : « C'était une belle journée qui se préparait. Il y avait longtemps que j'étais
allé à la campagne et je sentais quel plaisir j'aurais pris à me promener s'il n'y avait pas eu maman »
(Ibid., p. 22). Il a même sommeil presque tout au long de la cérémonie: « Je sentais le sommeil me gagner
» (Ibid., p. 15), « Je crois que j'ai somnolé un peu » (Ibid., p. 18). C'est pourquoi c'est la joie pour lui
quand : « l'autobus est entré dans le nid des lumières d'Alger et qu'[il a pensé] qu'[il allait se ] coucher et
dormir pendant douze heures » (Ibid., p. 30), après les funérailles. De même, ce personnage justifie
pourquoi il n'allait pas souvent chez sa mère quand elle était à l'asile et surtout pourquoi il n'y est pas allé
du tout l’année précédente ainsi : « parce que cela me prenait mon dimanche – sans compter l'effort pour
aller à l'autobus, prendre des tickets et faire deux heures de route » (Ibid., p. 12).
La liaison du personnage avec Marie est un autre signe d’étrangeté : « Un moment après, elle m'a
demandé si je l'aimais. Je lui ai répondu que cela ne voulait rien dire, mais qu'il me semblait que non »
(Ibid., p. 57). Meursault a envie d'elle juste quand elle rit ou quand elle « avait une belle robe à raies
rouges et blanches et des sandales de cuir » (Ibid., p.55). Puis, quand Marie vient lui demander s'il voulait
se marier avec elle, il lui dit que cela lui était égal et qu'ils pourraient le faire si elle le voulait. Pour lui,
l'amour ne veut rien dire et aimer « n'a aucune importance » (Ibid., p.67). En outre, le meurtre de l’arabe
est, selon ce personnage à cause du soleil. Même avant le procès, l’un des gendarmes lui a demandé s'il
avait le trac. Meursault répond que non et que cela l'avait intéressé de voir un procès : « Je n'en avais
jamais eu l'occasion dans ma vie» (Ibid., p. 126).
Par ailleurs, la deuxième partie s’ouvre sur l’emprisonnement du héros et dépeint son procès au
cours duquel on le juge sur son attitude vis-à-vis de la vie en général, et vis-à-vis de la mort de sa mère,