Analyse et management stratégiques

publicité
Analyse et management stratégiques
Entreprises et Management
Collection dirigée par Ludovic François
La collection Entreprises et Management est destinée à accueillir des
travaux traitant des questions liées aux sciences de gestion et à l’entreprise.
Les ouvrages publiés ont pour la plupart une vocation pratique. Certains
d’entre eux sont issus de thèses professionnelles soutenues à HEC.
Dernières parutions
Frédéric ISELIN, Entrepreneurs, managers, vendez-vous assez cher ?, 2010.
Audrey BECUWE, Gestion des ressources humaines dans les municipalités
françaises. De l’expérimentation à l’institutionnalisation, 2010.
Gabriel GUERY, Droit du travail à l’intention des managers, 2010.
My-Lan CAO, Les vrais enjeux d’un projet de construction durable, 2009.
Alain COUGARD, Du gel des salaires à la débâcle des compétences.
Plaidoyer pour un nouveau regard sur la rémunération, 2009.
Sami BASLY, Le processus d’internationalisation de l’entreprise familiale,
2009.
Victoire de MARGERIE, Strategy and technology, 2009.
Emmanuelle WEILAND, Achats et développement durable : le cas du secteur
tertiaire, 2009.
Bruno OXIBAR, Communication sociétale, 2009.
François BESANCENOT, Territoire et développement durable. Diagnostic,
2009.
Aurélien PERRUCHET, Le doctorat : un investissement rentable ?
Approches économiques et sociologiques, 2008.
Yann RIVAL, Internet et performance de l’entreprise. Une analyse des
stratégies Internet appliquée au secteur du tourisme, 2008.
Carole LALONDE, Organiser la réponse à la crise. Études de neuf types de
réponses à la crise, de l’humaniste à l’aventurier, 2008.
Lys VITRAL, Pouvoir et influence des Organisations Non Gouvernementales
dans la régulation de l’économie mondiale, 2008.
Philippe POIRIER, Don et management. De la libre obligation de dialoguer,
2008.
Françoise DUPUICH-RABASSE, Management et gestion des compétences,
2008.
Jérémy MORVAN, L’investissement socialement responsable. Une nouvelle
gouvernance d’entreprise ?, 2008.
Jean-Charles Mathé
Analyse et management stratégiques
L’Harmattan
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
[email protected]
[email protected]
ISBN : 978-2-296-12303-8
EAN : 9782296123038
SOMMAIRE
INTRODUCTION
7
PARTIE 1. LE DIAGNOSTIC STRATEGIQUE
CHAPITRE 1- LE CONTEXTE EXTERNE
1 – L’environnement de l’entreprise
A – La diversité environnementale
B - La segmentation économique
2 – L’environnement concurrentiel
A- Les référentiels analytiques de la concurrence
B - Les frontières de la concurrence
C - La nature de la concurrence
23
23
23
26
28
28
34
40
Applications
Bibliographie
57
61
CHAPITRE 2 - LE CONTEXTE INTERNE
63
1 - La cohérence formelle entre la stratégie
et la structure
A- La structure des pouvoirs
B - La contingence structurelle
C – Les adaptations organisationnelles
2 - L’implication informelle des acteurs
de l’organisation
A – L’influence des comportements individuels
B- La construction de l'identité de l’entreprise
C - L'histoire et la culture d’entreprise
Applications
Bibliographie
63
64
69
72
78
78
86
88
91
97
PARTIE 2. LE CHOIX STRATEGIQUE
CHAPITRE 3 - LES STRATEGIES DE DOMAINE
1 - Les stratégies de positionnement
A - La stratégie de prix
B - La stratégie de différenciation
5
101
101
103
113
2 - Les stratégies de mouvement
A - La stratégie de rupture
B - Les stratégies d'adaptation
C – Les stratégies de protection
123
123
127
129
Applications
Bibliographie
131
135
CHAPITRE 4 - LES STRATEGIES DE PORTEFEUILLE
1 - Les logiques de croissance
A- Les modalités réelles
B - Les modalités financières
2 - Les outils de gestion du portefeuille
A - Les méthodes de classification hiérarchique
B - La méthode prospective
3 – Les trajectoires d’évolution
A – Les moteurs de l’évolution
B – Les rythmes d’évolution
C – Les résultats de l’évolution
137
137
137
154
164
164
179
181
181
187
189
Applications
Bibliographie
191
199
CONCLUSION
201
Listes des figures
Liste des tableaux
Bibliographie générale
203
204
205
Table des matières
207
6
INTRODUCTION
L’analyse et le management stratégiques sont deux aspects
complémentaires du comportement stratégique de l’entreprise. Même si le
vocable de stratégie d’entreprise est d’usage courant, il paraît néanmoins
souhaitable d’apporter en préalable quelques précisions sur la notion. Le
management stratégique n’existe pas en l’état dans la nature, comme cela peut
être le cas pour les sciences de la nature et de la vie, ce qui nécessite
d’évoquer la construction du champ scientifique qui lui est propre. En
revanche, comme dans les autres domaines du management, la recherche en
management stratégique a débouché sur des outils et des techniques utiles aux
praticiens. Des interactions existent entre recherche et pratique. Les pratiques
des entreprises exploitent les résultats de la recherche mais créent aussi leurs
propres outils de gestion stratégique. Il faut noter enfin l’obligation de tenir
compte de la spécificité de l’organisation concernée. Ces quatre points seront
abordés successivement dans cette introduction.
1-La polysémie de la notion de stratégie
Le terme de stratégie est très couramment utilisé dans le langage des
affaires. Il fait aussi partie des notions académiques dans le domaine du
management des entreprises. Le terme présente souvent des connotations
implicites et recouvre des aspects différents. Pour clarifier la suite du propos,
on distinguera ici quatre notions voisines. La stratégie de l’entreprise peut
être envisagée sous l’angle de la politique générale, de la stratégie globale,
de la stratégie concurrentielle ou encore de la stratégie fonctionnelle.
• La politique générale se conçoit comme la projection de l’entreprise
dans l’avenir selon le point de vue des dirigeants ou celui des propriétaires de
l’entreprise. Elle est à la fois le reflet du projet d’entreprise et la conséquence
d’une confrontation de deux logiques, d’un côté une logique de moyens
correspondant aux ressources mobilisables pour répondre aux attentes
économiques et de l’autre côté une logique d’acteurs tenant aux jeux de
pouvoir entre actionnaires, dirigeants, salariés, pouvoirs publics et groupes
sociaux.
• La stratégie globale se réfère à la partie instrumentale de la politique
générale. C’est à la fois la science et l’art de doter l’entreprise du potentiel de
ressources nécessaire à la réalisation du projet stratégique. Parmi les très
nombreuses définitions qui en ont été données, on peut dire que la stratégie
globale réside dans une allocation de ressources dans un périmètre d’activités
qui engage l’entreprise pour l’avenir et dans la durée. La stratégie configure
le système d'offres de manière à créer suffisamment de richesse
pour rémunérer les investisseurs. Rajoutons que H. Mintzberg (2005) définit
la stratégie par 5P en clin d’œil aux 4P définissant le marketing :
7
- une Perspective : une intention stratégique et une représentation de
l’organisation dans le futur ;
- un Positionnement : la recherche d’une position concurrentielle efficace
et défendable ;
- un Planning : un processus organisé de réflexion et de mise en œuvre de
décisions relativement irréversibles ;
- un Parangon : un modèle de sens et de culture spécifique à l’organisation ;
- un Piège : une méthode permettant d’éliminer ou d’éviter les concurrents.
• La stratégie concurrentielle est un aspect particulier de la stratégie
globale puisqu’elle est limitée à un domaine d’activité spécifique de
l’entreprise. Les Anglo-Saxons opposent la business strategy à la corporate
strategy, c’est-à-dire la stratégie d’activité à la stratégie globale. La stratégie
concurrentielle suppose de définir précisément le contour du domaine
d’activité avec pour objectif la recherche d’un avantage concurrentiel. On
peut noter ici que la position concurrentielle d'une entreprise souvent évoquée
n'est en réalité que la somme des avantages concurrentiels de chacune de ses
activités.
• On peut parler enfin de stratégies fonctionnelles telles que la
stratégie financière ou la stratégie commerciale. Dans ce cas le terme de
stratégie semble un peu abusif. En effet, les décisions fonctionnelles font
partie de la stratégie concurrentielle et de la stratégie globale. Elles n’ont pas
d’autonomie réelle ; la liberté de choix est très réduite alors qu’elle est une des
bases de la décision stratégique.
Finalement ces conceptions assez différentes de la stratégie d’entreprise
posent la question de savoir si l’on peut délimiter un champ d’étude
spécifique au même titre que ceux dédiés aux autres domaines de gestion
comme la finance, le marketing ou les ressources humaines. En gestion, la
définition d’un tel champ d’étude est légitime s’il permet d’améliorer les
pratiques de management.
2 – Le champ du management stratégique
Le management stratégique est né il y a environ un siècle à la Business
School de l’Université de Harvard. Il était initialement qualifié de Business
Policy et il deviendra Strategic Management dans les années 1970 après la
conférence de Pittsburgh. L’appellation a changé mais son objet reste toujours
la recherche de moyens permettant à l’organisation d’assurer son
développement et sa pérennité. Cet objet a été nourri par de très nombreuses
recherches et publications. Des associations académiques et professionnelles
se sont constituées dans le monde (Strategic Management Society aux USA,
Association Internationale de Management Stratégique pour la francophonie,
European Strategic Panning Forum pour l’espace professionnel européen).
Des entreprises ont participé à son développement ainsi que de grands
8
cabinets de conseils (Boston Consulting Group, McKinsey, Mercer
Managment Consulting, Cap Gemini). Le chemin parcouru depuis l’origine
est relativement long en termes de connaissances mais il est aussi relativement
court dans l’histoire des sciences. Avec un peu de recul, on peut dire
aujourd’hui que l’on est passé de l’heure des grandes certitudes des années
1970 à celle du tâtonnement des années 2000. Cette évolution est la
conséquence d’importantes avancées théoriques mais aussi d’un contexte
environnemental plus complexe.
Si l’on reconnaît aujourd’hui une spécificité scientifique au management
stratégique, la construction a nécessité de nombreux emprunts à des
disciplines variées. Cela fait sa richesse mais aussi sa relative hétérogénéité.
Six principaux domaines d'emprunt ont participé à sa construction et nous
dirons quelques mots sur chacun. Il s’agit des domaines militaire, biologique,
économique, psychosociologique, mathématique et linguistique.
Le domaine militaire est le domaine fondateur. Il rassemble les
premiers écrits sur la stratégie avec des auteurs dont la pensée alimente le
management stratégique. En retenant l’ordre chronologique, nous rappellerons
très brièvement les grands principes stratégiques de trois auteurs
fondamentaux qui sont Sun Tzu, Machiavel et Von Clausewitz.
- Sun Tzu (L’art de la Guerre) est un philosophe chinois du 4ème siècle
avant J.C. qui montre toute l’importance du contexte de la guerre. La
philosophie stratégique de Sun Tzu est empreinte de finesse. L’astuce, la
créativité, l’empathie, le décryptage sont autant de moyens de rendre efficace
la stratégie. Sa pensée se développe autour des stratagèmes qui sont autant de
moyens pour dérouter l’adversaire et amener celui qui sait les utiliser à la
victoire. La stratégie se pense dans l’action.
On note quelques
recommandations pratiques : un grand général doit connaître l’art du
changement, un ennemi surpris est à demi vaincu, quand j’ai remporté une
bataille je ne répète pas ma tactique mais je réponds aux circonstances selon
une variété infinie de voies. L’affrontement direct n’est pas forcément la
meilleure solution pour remporter une victoire et il faut utiliser parfois le
contournement et l’alliance.
- Beaucoup plus tard, au 16ème siècle, Machiavel (Discours sur l’art de la
guerre) va donner naissance à une pensée stratégique plus académique. Dans
son œuvre il développe trois thématiques : les principes de la guerre, les
relations entre le politique et le militaire et l’analyse de la bataille. C’est dans
cette dernière thématique que l’on trouve des techniques stratégiques décrites
à partir des batailles romaines de l’Antiquité.
- C’est au 19ème siècle avec Von Clausewitz (De la Guerre) que la pensée
stratégique va prendre une réelle ampleur. Pour cet auteur, il faut replacer la
guerre dans le contexte politique. Elle est le prolongement de l’action
politique par des moyens particuliers. Pour argumenter sa démonstration, il
s’appuie sur l’analyse des campagnes napoléoniennes. Dans la partie de
9
l’ouvrage consacrée à la stratégie opérationnelle, il place l’affrontement au
centre de l’analyse. Il met particulièrement en lumière l’importance de
l’objectif, de la concentration des forces, du choix du terrain d’affrontement et
de la connaissance de l’adversaire. Il souligne l’importance de l’objectif sur
lequel les efforts doivent être concentrés et en particulier les faiblesses de
l’ennemi (le point lourd) ainsi que l’importance de la dynamique de l’attaque
- défense (point culminant). Dans la dialectique de l’attaque et de la défense,
l’attaque est la forme la plus faible avec un but positif et la défense la forme la
plus forte avec un but négatif. En effet l’agressé bénéficie de la sympathie
politique et des avantages moraux du peuple qui se défend. Pour l’attaquant, il
importera d’être rapide pour ne pas s’épuiser et de faire appel à des forces
morales comme les talents du chef militaire, les vertus guerrières de l’armée
et l’enthousiasme patriotique. On remarquera alors que la pensée de Von
Clausewitz s’inscrit directement dans une perspective d’affrontement organisé
assez différente de celle de Sun Tzu qui correspond davantage à une
perspective d’évitement.
Cet aperçu sur quelques grandes réflexions de la stratégie militaire montre
que la notion de stratégie reste une des composantes de l’art de la guerre. Les
principes stratégiques découlent de l’observation des affrontements des
forces armées et soulignent à la fois l’importance des positions et celle du
mouvement. En dehors des grandes stratégies d’affrontement, la stratégie de
guérilla qui donne la préférence au mouvement est peu étudiée. .
Le domaine biologique est mobilisé dans l’esprit des travaux de Ch.
Darwin. Les stratèges d’entreprise montrent qu’il existe dans le monde des
affaires, comme dans la nature, des formes de sélection naturelle. De ce point
de vue, le contexte concurrentiel évolue à travers une succession d’équilibres
ou chaque organisation exploite à un moment donné un avantage particulier.
La stratégie devient l’outil qui permet à l’entreprise de survivre dans un
environnement hostile grâce aux avantages concurrentiels possibles. La
pensée de Ch. Darwin n’est pas la seule utilisable. Inspirés des travaux sur
l’hérédité de J.-B. Lamarck, certains travaux de management stratégique
accordent une attention particulière aux ressources dont l’entreprise a
« hérité », qu’elle a su conserver et développer. Notons enfin que les travaux
biologiques modernes s’appuient sur la notion d’écosystème. Ils mettent en
avant une coévolution entre espèces interdépendantes. Il s’agit pour une unité,
un organisme ou une cellule d’évoluer avec les organismes ou les cellules
auxquels ils sont reliés. L’adaptation à l’environnement est complétée dans ce
cas par un mouvement relationnel. Cette optique éclaire le développement de
certaines formes d'organisations en réseau.
Dans le cadre du domaine économique, l'entreprise a longtemps été
ignorée comme objet d'étude spécifique. Néanmoins, trois branches de
l’économie permettent d'intégrer des réflexions qui concernent le management
stratégique :
10
- l’économie institutionnelle (Coase, Williamson, Alchian…) qui reconnaît
l’entreprise comme une forme d’organisation spécifique alternative au
marché ;
- l’économie industrielle (Bain, Mason,
Scherer …) qui accepte
l’imperfection des marchés et la possibilité pour les firmes d’agir sur leurs
structures ;
- la finance de marché qui suppose l’existence de relations entre les stratégies
industrielles et la valeur financière des entreprises.
Ces trois branches de l’économie vont servir de référentiels théoriques dans la
construction d’outils de management stratégiques.
Le domaine psychosociologique intéresse un aspect du management
stratégique qui est celui de la décision stratégique. Les concepts et les
méthodes de la psychosociologie permettent d’aborder les formes de
rationalités qui se développent à l’intérieur de l’organisation. On y trouve la
rationalité individuelle, la rationalité de groupe, la rationalité collective, mais
aussi la rationalité substantive, la rationalité comportementale ou émergente et
la rationalité mimétique. Ces mélanges de rationalités permettent de mieux
comprendre la réalité des décisions stratégiques.
Dans le domaine mathématique, la théorie des jeux peut être exploitée
pour étudier l’évolution des équilibres sur un marché via les actions-réactions
des concurrents. Deux jeux célèbres sont exploités : le dilemme du prisonnier
et la poule mouillée.
Plutôt que de présenter le jeu du dilemme du prisonnier en général, on
l’illustrera par une application aux stratégies d’entrée sur un marché. On
considère deux entreprises : A, l’entreprise historique du marché et B, une
entreprise qui souhaite entrer sur ce marché. On suppose pour simplifier un
impact symétrique des stratégies sur les résultats de A et B, une information
totale et un ordre indéterminé des actions. Le tableau ci-après résume les
stratégies possibles. La stratégie de B se résume dans une alternative :
chercher à évincer A ou coopérer avec elle. La réaction de A peut être de
verrouiller le marché ou de coopérer. La dernière ligne du tableau indique les
résultats des stratégies respectivement pour A et B.
Stratégie de B
Evincer A
Verrouiller
10 - 10
Coopérer avec A
Réaction de A
Coopérer
Verrouiller
Coopérer
0-40
40-0
30-30
11
- Quelle peut être la stratégie de B ?
Si B veut coopérer, A a intérêt à verrouiller le marché car 40 >30 ; si B
cherche à évincer A, elle a intérêt à verrouiller le marché car 10 > 0.
Finalement, quelle que soit la stratégie de B, A a intérêt à verrouiller le
marché.
- Quelle peut être la réponse de A ?
Si A verrouille le marché, B a intérêt à l’évincer car 10 > 0 ; si A veut
coopérer, B a intérêt à l’évincer car 40>30. Quelle que soit la stratégie de A,
B à intérêt à évincer A.
La situation finale se traduit par un affrontement (10 – 10). B a intérêt à
évincer A et celle-ci à verrouiller. La situation de coopération entre A et B
(30 – 30) est écartée alors qu’elles auraient chacune intérêt à le faire 30 > 10.
Cette solution logique mais surprenante peut être discutée en prolongeant le
jeu et en introduisant une asymétrie des résultats et une séquence temporelle
des actions.
Un second jeu intéresse le management stratégique. Il s’agit du jeu de la
poule mouillée. Les règles du jeu sont simples. Deux automobilistes A et B se
foncent dessus et le premier qui dévie a perdu. Plusieurs solutions sont
possibles. Si A et B dévient ensemble, ils ont perdu tous les deux. Si A et B
ne devient pas, c’est l’accident et ils ont tout de même perdu tous les deux
puisque leur situation s’est détériorée. Pour éviter l’échec, la seule solution
qui reste est la coopération ; il faut négocier les règles du jeu.
Ceci montre que l'équilibre du marché se traduit en définitive par l'acceptation
de règles concurrentielles. Les concurrents doivent comprendre les règles du
jeu tout en sachant que celles-ci peuvent se négocier. Cela passe par la
connaissance des attitudes et de la réputation concurrentielle des
protagonistes. On observe souvent que les leaders définissent les règles, que
les suiveurs les adoptent et que les révolutionnaires les contournent. Dans le
cas des communications, on peut penser à Orange comme leader, SFR comme
suiveur et Bouygues comme révolutionnaire.
Enfin, le domaine linguistique propose des outils pour interpréter le
discours des dirigeants, des actionnaires, des partenaires … Cela permet de
faire ressortir les concepts et les thèmes qui sont utilisés dans le vocabulaire
stratégique des professionnels. La stratégie est traduite en sens par les acteurs
avec une perception qui leur est propre. La stratégie délibérée ne se confond
pas obligatoirement avec la stratégie perçue.
Cette présentation très succincte des six domaines d'emprunt doit attirer
l’attention sur le fait que le management stratégique de l'entreprise n'est pas
une création ex nihilo. Il a des racines variées dont le mélange fait sa richesse
mais aussi sa complexité puisque les méthodologies scientifiques sont
souvent différentes. Le management stratégique n'est pas seulement
académique, il se traduit aussi en pratiques.
12
3 – Les pratiques du management stratégique
Une organisation dès sa création et au cours de son développement a
implicitement ou explicitement un projet stratégique, c’est-à-dire une
projection pour son futur. Nous rappellerons à ce propos quelques outils
stratégiques proposés aux managers pour organiser leur réflexion.
• Le premier outil spécifique de management stratégique apparaît avec
le modèle LCAG (E.P.Learned, C.R. Christensen, K.R Adrews et W.D. Guth)
de l’Université de Harvard. LCAG sont les premières lettres des noms des
quatre auteurs (1965). Ce modèle distingue deux grandes étapes de
management stratégique : la formulation de la stratégie et sa mise en œuvre.
Pour aider à la formulation, le modèle avance un outil de gestion qualifié de
méthode SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats). Il s’agit
d’une méthode simple de diagnostic global qui consiste à identifier en premier
lieu les Opportunités (Opportunities) et les Menaces (Threats) de
l'environnement. Le modèle LCAG accorde un rôle moteur à l’environnement
de l’entreprise. Les Opportunités s’identifient en termes commerciaux ou
technologiques. A l’inverse on pourra détecter une Menace d’arrivée de
nouveaux concurrents ou de nouvelle réglementation concurrentielle
réductrice des options de développement de l’entreprise. Du point de vue
interne, il s’agira d’évaluer les Forces (Strengths) et les Faiblesses
(Weaknesses). On pourra alors adapter la stratégie de l’entreprise aux
changements environnementaux en exploitant les forces et en réduisant ses
faiblesses. La mise en œuvre efficace de la méthode suppose à la fois des
outils de gestion capables d’identifier et de mesurer les quatre composantes de
SWOT mais aussi de les intégrer réellement dans la prise de décision
stratégique.
• En complément de la méthode SWOT, des auteurs comme
I. H. Ansoff (1989) vont impulser la mise en place d’une procédure de
planification stratégique dans les entreprises. L'hypothèse implicite de cette
procédure est que le management de l’entreprise peut contrôler son évolution.
Dès la fin des années 1970, la plupart des grands groupes américains et
européens vont mettre en place des procédures de planification stratégique
gérée par des directions spécialisées.
A l'origine, le système de planification stratégique simplifié proposé par I.H.
Ansoff comprend quatre étapes :
- le choix d’un système d’objectifs : l’objectif principal de la stratégie est
l’optimisation du rendement à long terme de l’entreprise, sa valeur. Pour
atteindre cet objectif, il importe de le décliner en objectifs-seuils à atteindre
nécessairement et en objectifs-cibles ;
- la construction d’une grille de compétence pour les activités et l’entreprise.
On peut dans cette étape avoir recours à la méthode SWOT;
- le choix d’un vecteur de croissance pour les activités en combinant produits
et marchés (Fig.1) ;
13
- le choix d’une structure d’organisation formelle adaptée au vecteur de
croissance choisi.
Fig. 1 – Le vecteur de croissance selon I.H. Ansoff
P
M
Produits actuels
Marchés
actuels
Confortement
Marchés
nouveaux
Expansion
verticale
Produits nouveaux
Expansion
horizontale
Diversification
Par la suite, I.H. Ansoff reste fidèle à l’idée de planification stratégique mais
son point de vue évolue. Il considère que le succès de la stratégie tient à la
cohérence du choix entre trois dimensions : la turbulence de l’environnement,
l’agressivité stratégique de l’entreprise et sa réactivité organisationnelle.
Chacune de ces dimensions est mesurée sur une échelle graduée. Partant d'une
turbulence environnementale prévisible et du profil actuel de l’entreprise, il
s’agit d’estimer le profil souhaité pour l’adapter à la turbulence
environnementale. Pratiquement, il faudra engager les actions nécessaires
pour réduire l’écart entre le profil actuel et le profil souhaité.
En pratique, les procédures de planification dans les entreprises ont
évolué. Dans les années 1970, la procédure est très centralisée et reste
l’apanage de la direction générale. Dans les années 1980, les cadres
opérationnels sont davantage impliqués et la procédure devient plus
interactive. Malgré cela, l’efficacité de la planification stratégique n’est
toujours pas démontrée à ce jour et les avis restent partagés. Ses partisans
estiment que la planification pallie l’absence de décision et permet de
réfléchir à l’avenir de l’entreprise. A l’inverse, ses adversaires considèrent que
la planification ne fait que donner une illusion de contrôle, alourdir la
structure et générer des coûts inutiles.
• En complément de la méthode SWOT et de la planification
stratégique, de grands cabinets de conseils ont développé des outils
stratégiques pour gérer les portefeuilles d’activités. Les méthodes proposées
émanent de la demande expresse des grandes entreprises américaines
engagées dans des stratégies de diversifications. Les méthodes de gestion de
portefeuille ont connu un grand succès pratique mais aussi de vives critiques
académiques. Le monde universitaire juge ces méthodes de gestion de
portefeuille très réductrices de la stratégie d’ensemble. Elles présentent
14
cependant le mérite d’obliger le management de l’entreprise à réfléchir à
l’allocation des ressources par nature limitées.
Notons enfin que la croissance constitue un impératif stratégique pour
l’entreprise pour deux raisons essentielles, à savoir les évolutions
technologiques et commerciales qui affectent l’ensemble des marchés et la
dynamique des positions concurrentielles qui reflètent les ambitions de leader
de beaucoup d’entreprises. Si la stratégie de croissance est une condition de
survie pour l’entreprise, le management peut utiliser les deux outils de gestion
que sont le modèle d’affaires (business model)) et le plan d’affaires
(business plan). Ces deux outils très utilisés en pratique méritent d’être
précisés pour éviter des confusions.
• Le modèle d’affaires (business model) est une notion transversale à la
stratégie et à l’organisation. Il s’articule autour de deux questions centrales :
Comment faire mieux ou différent des autres entreprises ? Quelles sont les
sources de revenus de l’entreprise ? En réponse à ces questions, on observe
plusieurs conceptions. Selon G.Hamel (1998), le concept de modèle d’affaire
comporte quatre composantes : l’axe stratégique, les ressources stratégiques,
l’interface avec le client et le réseau partenarial. Ces composantes sont
interdépendantes et leur interrelation définit un modèle spécifique d’entreprise
(Fig.2).
Fig. 2 – Les composantes du modèle d’entreprise
V a le u r c lie n ts
In te rfa c e
c lie n t
C o n fig u r a tio n
A x e
F r o n tiè r e s d e
l’e n tr e p r is e
R e s s o u rc e s
s tr a té g iq u e s
s tra té g iq u e
R é s e a u
p a rte n a ria l
- La configuration est la réunion de l’axe stratégique et des ressources
stratégiques. C’est la manière dont les ressources sont dédiées au service d’un
axe stratégique, la manière dont l’entreprise décide d’affronter la concurrence.
Cela concerne la mission de l’entreprise, sa légitimité relative, ses intentions
stratégiques mais aussi le portefeuille de produits et leur positionnement sur
les atouts de compétitivité. Les ressources stratégiques constituent les
ressources spécifiques exploitées par l’entreprise. Elles se déclinent en actifs
stratégiques (marques, brevets, informations spécifiques…), en compétences
de base et en processus-clés (savoir-faire, transformation des savoir-faire en
actifs).
- La valeur clients représente le lien entre l’axe stratégique et l’interface
client. L’interface client constitue la manière dont l’entreprise accède au
marché et à sa clientèle. Elle comprend différents aspects dont le traitement
des commandes et l’assistance client, l’exploitation des informations clients,
la politique tarifaire.
15
- Les frontières de l’entreprise se dessinent entre les ressources stratégiques et
le réseau partenarial. Le réseau partenarial est la manière dont l’entreprise
associe les partenaires qui participent à la création de valeur : fournisseurs,
prestataires, intermédiaires financiers, pouvoirs publics.
Sous une perspective assez voisine, le business model présente trois
composantes interactives : la proposition de valeur au client, l'architecture de
valeur (chaîne de valeur et réseau partenarial) et l'équation de profit (origine
des revenus et de la rentabilité). En résumé, il importe que le modèle
d’affaires soit clairement explicite dans l’esprit des dirigeants pour formuler
les options de croissance mais il n’est pas nécessaire qu’il soit communiqué et
formalisé.
• Le plan d’affaires (business plan) est la partie concrète du business
model. C’est le document de pilotage de l’entreprise ; il est indispensable lors
de sa création. Il présente deux volets : le positionnement économique du
projet et les arbitrages stratégiques.
- Le positionnement du projet stratégique est une étape essentielle. Pour
une création d’entreprise ou pour le lancement d’une nouvelle activité, le
projet doit présenter une légitimité économique permettant de créer de la
valeur financière. Il doit intégrer aussi des potentialités de croissance
permettant de pérenniser cette légitimité. Le positionnement stratégique va
mobiliser une analyse stratégique et une analyse financière. L’analyse
stratégique concerne la présentation de l’industrie, du marché, de sa situation
concurrentielle (géographie, taille, nombre de concurrents, structure…). Elle
doit mettre en avant le positionnement ambitionné par l’entreprise (leader,
challenger, focalisation), les mouvements et les réactions à prévoir de la part
des entreprises en place. L’analyse financière complète l’analyse stratégique
par une analyse de la structure financière (la structure du capital, les
ressources d’investissement, …) et une analyse de flux (la trésorerie et le
résultat).
- Les arbitrages stratégiques représentent le deuxième volet du plan
d’affaires. Ils indiquent les choix réels d’activité avec les options possibles,
l’ensemble des solutions envisageables et la justification d’un choix
spécifique. Les choix sont précisés à travers une analyse besoins- emplois qui
indique les investissements prioritaires et les ressources mobilisables.
Pour conclure cet aspect pratique, notons enfin que beaucoup d’analyses
stratégiques et de dirigeants considèrent la durée de manière implicite. Il est
souvent dit que la stratégie se construit dans le long terme mais sans pour
autant en préciser le sens. En réalité il s’agit moins de chiffrer la durée que
d’éviter un phénomène de dérive stratégique. La stratégie d'origine subit au
cours du temps des modifications pour s'adapter à l'environnement. Il arrive
parfois que ces adaptations soient insuffisantes. Il se crée alors un écart entre
16
les besoins du marché et les réponses de l'entreprise. Il se crée une dérive
stratégique. Il importe que le management de l’entreprise prenne conscience
de ce point d'inflexion stratégique et redéfinisse une nouvelle stratégie
efficace. Si ce n’est pas le cas, on assiste alors à une crise pouvant déboucher
sur l'échec de l'entreprise. Le risque stratégique majeur est de penser qu’un
succès stratégique est définitif ou qu’il peut se répéter à l’identique.
4 - Les spécificités des comportements stratégiques
Le management stratégique concerne toute entité dotée d’une liberté
d’action et d’une relative autonomie de fonctionnement. L’entreprise n’est pas
la seule forme d’organisation concernée. Il est possible de distinguer deux
grandes catégories d’organisations pouvant mettre en œuvre une stratégie : les
organisations marchandes et les organisations non marchandes.
A - Spécificités stratégiques des organisations marchandes
Si les concepts et les méthodes du management stratégique concernent
globalement toutes les formes d’organisation marchandes, il est souvent
nécessaire de les adapter à l’organisation examinée et il est tentant de
rechercher des spécificités propres à certaines catégories d’organisations.
1) L’influence de la nature de l’entreprise
L’entreprise peut revêtir différents statuts juridiques et différentes formes
organisationnelles qui sont généralement associés à sa dimension. On
distingue d’une part les entreprises privées qui comprennent des entreprises de
personnes, des PME, les groupes et d’autre part les entreprises publiques.
a) Les stratégies des entreprises de personnes
S’il s’agit de formes juridiques traditionnelles (entreprise individuelle,
EURL, SARL), l’orientation stratégique et les choix sont dominés par les
préférences du propriétaire-dirigeant. Ces préférences s’organisent autour des
axes essentiels de croissance, de pérennité et d’indépendance. Parmi
différentes recherches, on note deux logiques de développement : le modèle
CAP (Croissance, Indépendance, Pérennité) et le modèle PIC (Pérennité,
Indépendance, Croissance). D’autres formes sociétales existent, avec des
systèmes de la valeur différents comme l’entrepreneuriat collectif et le partage
équitable de la valeur. On trouve dans ce cas les SCOP (sociétés coopératives
ouvrières de production) mais aussi les mutuelles et les coopératives
commerciales.
b) Les stratégies des PME
Beaucoup de travaux concernent les stratégies des PME et tous se
heurtent à une très forte hétérogénéité de la population étudiée. Il s’agit de
préciser en premier lieu la caractéristique fondamentale de la PME. Les
réponses à cette question sont multiples puisqu’il est possible de considérer la
17
taille (l’effectif, le chiffre d’affaires ou le capital…), le type de détenteurs du
capital (famille, société mère…), son mode de management ou la clientèle.
Deux thèmes semblent finalement présenter une spécificité stratégique : la
dépendance vis-à-vis de la clientèle, notamment par rapport au plus gros client
(sous-traitant, équipementier….) et la formation de groupes fédérateurs ou de
réseaux de PME.
c) Les stratégies de groupes
Les stratégies de groupes sont dominées par deux thèmes principaux : la
structuration du portefeuille d’activités et le choix des modalités de
croissance. A noter également que la stratégie des groupes fait ressortir une
forte interdépendance entre l’aspect financier et l’aspect concurrentiel. Très
présents sur le marché financier, il s’agit de savoir si les stratégies
concurrentielles sont traduites en valorisations financières.
d) Les stratégies d’entreprises publiques (SNCF, La Poste …)
Dans un contexte de dérégulation des marchés et de privatisation on peut
s’interroger sur la spécificité et la légitimité des entreprises publiques.
L’ouverture internationale pose également des questions de management
stratégique. La question principale est alors de savoir quel degré de liberté
stratégique ont ces entreprises vis-à-vis de l’Etat et de la réglementation
européenne ou internationale. La seconde question pose le problème de la
compatibilité du service public à faible prix et de l’efficacité stratégique,
c’est-à-dire la performance financière de l’entreprise.
2) L’influence de l’activité
On peut se demander si la nature de l’activité implique des spécificités
stratégiques. L’entreprise industrielle a très longtemps servi de référence
explicite à la réflexion stratégique. Le développement des activités de
services mais aussi la pérennité des entreprises agricoles posent aussi des
questions de nature stratégique.
a) Les entreprises de services
Là encore une forte hétérogénéité existe. L’entreprise de service se
caractérise néanmoins par des traits fondamentaux : la qualité du personnel,
ses compétences et la relation avec le client. A travers cette hétérogénéité, on
peut distinguer plusieurs types d’entreprises de services. Les sociétés de
conseil aux entreprises constituent une catégorie. On y trouve à la fois des
sociétés multinationales (Mc Kinsey, BCG, Mercer Consulting,…) plutôt
orientées vers le conseil en management et en stratégie. On trouve également
des sociétés plutôt orientées vers le conseil financier ou juridique telle KPMG.
Mais en dehors de ces grandes organisations, il existe aussi de petites
entreprises réglementées (ordre des experts-comptables, Syntec) ou non
réglementées. Hormis les sociétés de conseil, les sociétés de services se
18
présentent sous de nombreuses formes : services aux particuliers (transports,
jardinage, restauration …), services aux entreprises (maintenance, entretien,
restauration). A cela s’ajoute une dernière catégorie avec des produits plus ou
moins standardisés comme les sociétés de services financiers : banques,
sociétés de Bourses, assurances. Ces sociétés financières développent des
stratégies de portefeuilles d’actifs financiers en ciblant parfois leur action sur
des catégories de clients.
b) Les entreprises agricoles
Là encore la diversité des entreprises est forte. Il existe assez peu de
travaux de gestionnaires sur ce type d’organisation. Ce domaine intéresse
davantage l’économie agricole, les INRA, les écoles d’agriculture. Les
travaux en management stratégique se heurtent à l’accès au terrain, à
l’appréhension de l’agriculteur en tant que manager et aux problématiques
pouvant relever de ce domaine. On observe néanmoins des stratégies de
diversification qui peuvent s’étendre hors du champ agricole au sens strict et
intégrer le terrain du tourisme rural.
B - Spécificité stratégique des organisations non marchandes
D’une manière générale, ce type de questionnement relève du domaine du
management public. Il intéresse les organisations à but non lucratif (OBNL)
de services mais il peut aussi concerner les OBNL d’intérêt général comme
les collectivités locales ou l’Etat. Les OBNL de services recouvrent des
organisations comme l’hôpital mais aussi des fédérations telles que les
fédérations sportives. Les OBNL de services et d’intérêt général évoluent
naturellement dans des contextes économiques évolutifs et concurrentiels qui
les conduisent à développer des stratégies propres.
Pour conclure cette présentation du champ académique, des pratiques et
des spécificités du management stratégique, nous retiendrons finalement que
celui-ci s’est progressivement structuré autour de deux thèmes majeurs. Une
première thématique s’intéresse au contenu stratégique, c'est-à-dire la
formulation de la stratégie, les manœuvres et l’évolution de l’entreprise. Les
contributions à cette thématique retiennent une hypothèse de rationalité et
cherchent à déboucher sur des propositions normatives, voire des outils de
gestion. La seconde thématique est celle de la décision qui s’intéresse à la
mise en œuvre de la stratégie, aux initiatives, aux jeux de pouvoirs entre
participants, à la culture de l’entreprise. L’objet essentiel de la réflexion est de
mieux comprendre la rationalité collective à travers les rationalités
individuelles multiples. L'esprit reste plus analytique que normatif même si
certains résultats permettent d'améliorer les pratiques.
19
Le présent ouvrage accorde une place privilégiée à la thématique du
contenu, même si le processus décisionnel n'est pas absent. Il privilégie
l’aspect didactique de la stratégie en laissant une grande place aux questions
d’analyse stratégiques au détriment parfois des questions d’application
managériales. En d’autres termes, il adopte une attitude rationnelle qui
minimise les phénomènes de pouvoirs entre acteurs et les actions stratégiques
émergentes. Il peut se concevoir comme une réflexion préalable à la décision
stratégique réelle. Il tente de mettre en lumière la combinaison permanente et
indispensable de l’analyse et du management stratégiques. Pour caractériser la
nature stratégique d’une décision, F. Frery (2007) propose le modèle VIP
(Valeur, Imitation, Périmètre). Selon lui, une décision est stratégique si elle
influence simultanément la valeur (valeur pour l’actionnaire ou valeur pour le
client), l’imitation (protection de l’unicité du positionnement ou réplication
d’un succès) et le périmètre (frontières de l’organisation et du portefeuille). La
relation entre la valeur, l’imitation et le périmètre n’est pas linéaire et
séquentielle mais au contraire interactive et dynamique. Le point d’entrée de
la décision peut être la création de valeur qui impliquera ensuite un
positionnement spécifique et une redéfinition du périmètre. Cette interaction
dynamique se retrouve dans le plan de l’ouvrage et nous proposons une
démarche de type Analyse – choix ou Diagnostic - Stratégie. Le diagnostic de
la situation (1ère Partie) débouche naturellement sur les choix stratégiques
possibles et les manœuvres à opérer (2ème Partie). Une décision stratégique
s’inscrit dans une période donnée mais la vie de l’organisation est continue.
L’ensemble des décisions vise à assurer la croissance et la pérennité de
l’entreprise. Cette continuité et cette dynamique mêlent naturellement
l’analyse et le management stratégiques.
Bibliographie
Ansoff H.I. (1989) Stratégie de développement de l’entreprise, Editions
d’Organisation
Earle E.M. (1987), Les maîtres de la stratégie, t.1, Ed. Champs Flammarion
Frery F. (2007) «Valeur, imitation, périmètre : le modèle VIP » L’Expansion
Management Review, Printemps, pp. 80 – 87
Hamel G. (1998), « Strategy Innovation and the Quest for Value », Sloan
Management Review, Winter
Koenig G. coordinateur (1999), De nouvelles théories pour gérer l’entreprise
du XXIème siècle, Ed. Economica
Learned E.P.,Christensen C.R.,Andrews K.R.,Guth W.D. (1965)
Business Policy – Texts and Cases, R.D. Irwin., Nouvelle édition par
Christensen C.R., Andrews K.R., Bower J.L. , Hamermesh R.G. et Porter
M.E. (1982)
Mintzberg H. (2005) Safari en pays stratégie, Ed. Village Mondial
20
Téléchargement