Mémoire présenté à la Commission d`enquête sur l`octroi et la

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CONSULTATIONS
PUBLIQUES
Mémoire présenté à la Commission d’enquête
sur l’octroi et la gestion des contrats publics
dans l’industrie de la construction
Le vendredi 11 juillet 2014
Table des matières
Préambule | 3
Introduction | 4
Les systèmes de surveillance
et de contrôle | 6
Stratagèmes de collusion et de corruption | 6
Ouverture des marchés aux entrepreneurs | 7
Composition des comités de sélection | 7
Dépôt et analyse des soumissions | 7
Protection des dénonciateurs | 8
Imputabilité et éthique | 8
Sanctions | 9
Risque d’infiltration de l’industrie de la
construction par le crime organisé | 9
L’inspecteur général du Québec | 9
Le rôle du CPA dans la lutte contre la
corruption et la collusion | 11
Rôle et responsabilités des auditeurs en matière
de détection de la fraude | 12
Mission de compilation | 12
Mission d’examen | 12
Mission d’audit | 13
Autres types de missions | 14
Comment mettre à contribution l’expertise du CPA
dans la lutte contre la corruption et la collusion | 15
États financiers des entreprises de construction | 15
Transmission de lettres de confirmation | 15
Mise en place de contrôles | 16
Examens et analyses plus serrés | 16
Conclusion | 17
Préambule
L’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (Ordre des CPA) est un ordre
professionnel d’exercice exclusif au sens du Code des professions, c’est-à-dire un
organisme principalement voué à la protection du public. À cette fin et à l’instar des
autres ordres professionnels québécois, il doit exercer des fonctions précises en matière
de délivrance des permis d’exercice aux candidats à la profession, de tenue du tableau
de l’Ordre, de surveillance de l’exercice de la profession et de dépistage de la pratique
illégale, conformément au Code des professions.
L’Ordre des CPA a été créé en mai 2012 à la suite de l’unification de la profession
comptable au Québec, regroupant ainsi l’Ordre des comptables agréés (CA), l’Ordre des
comptables généraux accrédités (CGA) et l’Ordre des comptables en management
accrédités (CMA). Le nouvel ordre représente ainsi tous les champs d’expertise de la
profession – certification, comptabilité financière, management et comptabilité de
management, finance et fiscalité – mis au service des entreprises, des organisations et
du grand public.
L’Ordre des CPA regroupe plus de 36 000 membres et 7 000 futurs CPA, ce qui en fait
le troisième ordre professionnel en importance au Québec. En réunissant ses forces
vives au sein d’un seul ordre, la profession comptable québécoise a renforcé son
positionnement, tant sur la scène nationale qu’internationale.
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Introduction
La fraude sous toutes ses formes n’est pas un phénomène nouveau. Non seulement
n’est-elle pas associée à un continent ou à une culture en particulier, mais pire encore,
de nos jours, elle fait fi des frontières et fait des ravages partout, dans tous les types
d’organisations, peu importe leur taille, qu’elles soient publiques ou privées, et elle
cause des préjudices tant sur le plan financier, que sur le plan humain et psychologique.
Ce qui est nouveau, c’est qu’on en parle ouvertement, et plus particulièrement au
Québec, qui a le mérite de lever une partie du voile sur l’octroi et la gestion des contrats
publics dans l’industrie de la construction. Les travaux de la Commission sont
certainement au cœur de la vague de sensibilisation et de mobilisation de l’opinion
publique québécoise, qui s’attend à juste titre à ce qu’un sérieux coup de barre soit
donné.
Comment en sommes-nous arrivés là ? La question est légitime et trouve sans doute
une partie de sa réponse dans les profonds changements qui ont secoué les sociétés
occidentales au cours des dernières décennies. Ainsi, depuis le début de l’ère
industrielle, l’argent qui était d’abord un moyen est progressivement devenu une fin en
soi pour une proportion grandissante de la population. Ce glissement a en quelque sorte
cautionné, d’une part, la primauté de l’individu au détriment de la collectivité, et d’autre
part, le lent effritement du pouvoir de la morale et de l’éthique, qu’on donnait jusqu’alors
comme des valeurs sûres. Dans la foulée, la conscience qu’ont de leur rôle de gardiens
de ces valeurs certains titulaires de charges publiques et membres de certaines
professions s’est émoussée, nourrissant du même coup le cynisme et la suspicion de la
population.
Mais une autre partie de la réponse réside sans aucun doute dans l’inefficacité voire
dans l’absence de mécanismes de surveillance et de contrôle pour faire échec de
manière rigoureuse aux stratagèmes de collusion et de corruption mis au jour et
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documentés par la Commission et par ricochet, à la déresponsabilisation des
gestionnaires et dirigeants.
C’est sous cet angle que l’Ordre des CPA s’est penché sur certaines questions
soulevées par la Commission dans le Document d’information sur les consultations
publiques. Soucieux de mettre au service de la société l’expertise reconnue des
comptables professionnels agréés en matière de saine gouvernance et de reddition de
compte, nous présentons dans les pages qui suivent des moyens concrets pour
améliorer la situation de façon significative.
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Les systèmes de surveillance et de contrôle
Stratagèmes de collusion et de corruption
Outre les facteurs déjà exposés en introduction, l’Ordre des CPA en a retenu plusieurs
autres qui laissent la porte grande ouverte aux stratagèmes de collusion et de
corruption :
•
L’apparente perte d’expertise au ministère des Transports au profit du secteur
privé, ce qui se traduit notamment par l’érosion des compétences et le manque
de ressources aux points de contrôle importants.
•
L’absence de règle imposant un délai de transition aux fonctionnaires qui quittent
la fonction publique provinciale ou municipale pour se joindre au secteur privé
dans des fonctions similaires ou liées à celles qu’ils occupaient.
•
L’utilisation de méthodes qui ne répondent pas aux plus hauts standards de
rigueur, de telle sorte que les projets sont évalués sur la base des coûts
historiques plutôt qu’en fonction des prix réels observés sur le marché et que
l’analyse des écarts entre les coûts estimés des projets et les prix soumis par les
entrepreneurs est incomplète.
•
La défaillance des modes de transmission des règles d’éthique, de morale et de
déontologie dans les organisations et l’absence de contrainte imposée aux
professionnels au chapitre de la formation continue en déontologie.
Ces constats ont amené l’Ordre des CPA à réfléchir à des processus de surveillance et
de contrôle efficaces qui permettraient de désamorcer les stratagèmes de collusion et
de corruption en faisant en sorte que le jeu n’en vaudrait plus nécessairement la
chandelle comme c’est le cas actuellement. Toutefois, il est important de mentionner et
même d’insister sur le fait que l’instauration de nouveaux processus de reddition de
compte ne saurait pallier au manque de connaissances, de compétence et d’éthique de
certains individus. Bien que louable, nous sommes conscients que l’assurance absolue
soit un objectif difficilement atteignable.
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Ouverture des marchés aux entrepreneurs
Cela dit, l’Ordre croit important de rétablir la libre concurrence et d’ouvrir les marchés
aux entrepreneurs de toutes les régions. Si cette ouverture devait permettre de réduire
les risques de collusion entre les entreprises d’une même région, ce serait cependant
une grave erreur de nuire du même coup à l’économie régionale en permettant aux
entreprises de réaliser des projets en faisant appel uniquement à de la main-d’œuvre
étrangère à la région concernée. Le Québec a besoin de ses régions et les projets qui y
sont réalisés doivent être l’occasion de dynamiser l’économie locale en permettant à la
main-d’œuvre de la région d’avoir accès à des emplois bien rémunérés. Il faut par
conséquent obliger les entrepreneurs à employer la main-d’œuvre locale dans une
certaine proportion définie dans le devis même des travaux.
Composition des comités de sélection
Le processus de nomination des membres des comités de sélection doit être revu de
fond en comble afin d’assurer la transparence la plus complète. Ainsi, le mode de
nomination doit garantir l’indépendance et l’absence d’intérêts des membres d’un comité
de sélection dans le projet examiné. De plus, le comité de sélection doit être formé de
personnes qui peuvent faire bénéficier la collectivité d’expériences et de compétences
diversifiées et compter au moins un membre indépendant.
Dépôt et analyse des soumissions
Afin d’assurer le meilleur ratio qualité/prix d’un projet, la remise en question du principe
du plus bas soumissionnaire s’impose. Nous insistons sur l’importance d’analyser les
soumissions selon une grille de pondération et d’évaluation axée non seulement sur le
prix, mais aussi sur d’autres critères, notamment le respect de l’environnement, la
réputation, les antécédents et la solidité financière des soumissionnaires. Le jugement et
l’expérience des membres du comité de sélection seront ainsi mis véritablement au
service de la collectivité.
Du même souffle, il est fondamental que l’analyse des dossiers soit parfaitement
transparente. C’est pourquoi l’Ordre des CPA propose qu’au terme du processus
d’adjudication, le nom des membres du comité de sélection qui a procédé à l’analyse
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ainsi que l’intégralité des procès-verbaux et des grilles de pondération soient rendus
publics.
Protection des dénonciateurs
Il est également primordial de protéger adéquatement les dénonciateurs de tout risque
pour leur emploi ou leur employabilité et de toute perte financière, sans toutefois leur
accorder une « prime de dénonciation ». L’acte de délation ne doit pas être vu comme
un moyen de s’enrichir, mais plutôt comme une marque de respect envers la société.
Parallèlement, la direction des institutions et des entreprises doit envoyer un message
de tolérance zéro face aux comportements frauduleux. Les mesures prises par une
organisation victime de fraude envoient un signal clair aux autres employés. En
revanche, le fait de taire une affaire a des répercussions néfastes évidentes sur les
employés actuels et futurs et sur leur perception des valeurs de l’organisation et de la
société en général.
Imputabilité et éthique
Autant il faut valoriser la dénonciation des actes frauduleux au sein des organisations
publiques et privées, autant l’instauration ou le renforcement d’un code de conduite et
de règles d’éthique dont on fait la promotion auprès de l’ensemble du personnel est
nécessaire. Ces outils peuvent être combinés à des séances de formation spécifique ou
à une supervision plus étroite du personnel clé ou plus à risque, y compris la haute
direction. Les règles éthiques, morales et déontologiques doivent constamment être
rappelées, non pas dans un but de contrôle, mais bien de transmission et d’éducation.
Il est également essentiel que la haute direction donne le ton afin que la culture de
l’organisation soit imprégnée de ces valeurs. Dans le même ordre d’idées, les membres
de tous les ordres professionnels devraient être assujettis à une formation continue
obligatoire en éthique.
L’imputabilité et l’éthique des élus est aussi primordiale. Les pouvoirs que leur confère
leur fonction peuvent être un facteur qui facilite et entraîne la collusion et la corruption.
Par conséquent, en plus de la formation obligatoire sur l’éthique et la déontologie que
les élus municipaux doivent suivre au plus tard six mois après le début de leur mandat,
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conformément à la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale, un meilleur
contrôle doit être exercé sur la gestion des organismes paramunicipaux afin d’assurer
une plus grande imputabilité des élus au chapitre des délégations de pouvoirs.
Sanctions
Rouage important d’un cadre solide de surveillance et de contrôle, le renforcement des
sanctions réglementaires et pénales lance un message clair d’exemplarité et de
dissuasion. Les sanctions et les peines actuelles sont peu contraignantes par rapport
aux avantages que peut procurer la participation à un stratagème de collusion et de
corruption. Non seulement les sanctions doivent être plus sévères, mais on doit aussi
imposer la saisie des biens illégalement acquis avec l’argent détourné et lancer des
poursuites civiles contre les contrevenants.
Risque d’infiltration de l’industrie de la construction par le crime
organisé
En plus des systèmes de contrôle et de surveillance, l’Ordre des CPA s’est également
penché sur l’infiltration de l’industrie de la construction par le crime organisé. La
possibilité de blanchir de l’argent en payant des travailleurs au noir, le troc, la fragilité
financière des entrepreneurs et sous-traitants ainsi qu’une certaine perméabilité des
syndicats à l’infiltration ne sont qu’une faible illustration des facteurs qui rendent
l’industrie de la construction attrayante aux yeux du crime organisé. Mais peu importe
les raisons qui l’expliquent, ce qui compte, ce sont les modifications qu’on doit apporter
à certaines règles et pratiques qui encadrent l’industrie de la construction au Québec
pour fermer la porte à l’infiltration du crime organisé.
L’inspecteur général du Québec
À l’instar de la Ville de Montréal où cette fonction a été créée récemment, l’Ordre des
CPA propose la création d’un bureau de l’inspecteur général du Québec qui aurait par
exemple le mandat de vérifier l’environnement de contrôle lié au processus d’octroi des
contrats publics (travaux publics, contrats informatiques, etc.) et disposerait de moyens
d’enquête élargis sur ce processus dans tous les ministères et les municipalités.
Indépendant et nommé directement par l’Assemblée nationale à laquelle il devrait rendre
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compte, l’inspecteur général du Québec pourrait également avoir la responsabilité de
nommer les membres indépendants au sein des comités de sélection de tous les projets
publics. Ce faisant, le gouvernement s’assurerait de la cohérence et de l’efficacité des
organismes de surveillance et d’enquête.
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Le rôle du CPA dans la lutte contre la
corruption et la collusion
Les nombreux scandales financiers qui nous ont été révélés ces dernières années ont
entraîné le renforcement des normes d’audit. Bien que leur objectif premier ne consiste
pas à détecter les fraudes mais à certifier que des informations financières historiques
sont conformes à des référentiels donnés, elles permettent dans certaines situations de
détecter des fraudes en lien avec les systèmes comptables plus efficacement
qu’auparavant. Les normes d’audit ne sont donc pas la panacée universelle et ne
peuvent à elles seules déjouer les stratagèmes de collusion.
Prenons l’exemple du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). Dans cette affaire,
les règles entourant l’élaboration et l’évaluation des projets gérés par le PPP étaient
nombreuses et strictes. Le modèle employé prévoyait même la présence d’un tiers
indépendant qui devait s’assurer du suivi des règles.
Or, en dépit de ces mesures, un système de collusion impliquant plusieurs acteurs
provenant
de
différents
milieux
a
vraisemblablement
été
mis
au
point.
Malheureusement, en l’absence de délation, de tels systèmes de collusion échappent
aux procédés utilisés par les auditeurs externes conformément aux normes canadiennes
d’audit.
Avant de formuler nos recommandations quant à la mise à contribution des comptables
professionnels agréés dans la lutte contre la corruption et la collusion, voici brièvement
en quoi consistent la responsabilité professionnelle des CPA auditeurs et les missions
qu’ils sont en mesure de réaliser, plus particulièrement la mission d’audit d’états
financiers et certains autres types de mission qui pourraient contribuer à réduire les
risques non détectés et les pertes financières liés à la corruption et à la collusion.
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Rôle et responsabilités des auditeurs en matière de détection de la
fraude
Les actes professionnels des CPA sont notamment encadrés par le Code de
déontologie des comptables professionnels agréés, le Manuel de CPA Canada –
Certification qui inclut notamment les Normes canadiennes d’audit ainsi que les Autres
Normes Canadiennes (applicables aux missions autres que les audits d’états financiers).
Afin de mieux comprendre la nature de la mission d’audit, il est pertinent de rappeler
brièvement ce que sont les deux autres formes de missions réalisées sur des états
financiers, soit la mission de compilation et la mission d’examen.
Mission de compilation
La mission de compilation consiste à préparer des états financiers. Lorsqu’un CPA
procède à une mission de compilation, il ne fournit aucune assurance à l’égard de ces
états; il reçoit des informations de la part d’un client et les présente sous forme d’états
financiers. Le Code de déontologie interdit toutefois au CPA de s’associer à des états
financiers dont il sait ou devrait savoir qu’ils sont erronés ou trompeurs, que l’association
de son nom soit couverte ou non par un déni de responsabilité.
En raison du caractère très limité de son intervention, le CPA ne peut généralement pas
savoir si les états financiers sont erronés. On ne s’attend donc pas à ce qu’il soit en
mesure de détecter les fraudes lorsque les états financiers ont fait l’objet d’une mission
de compilation.
Mission d’examen
Quant à la mission d’examen, sa portée et donc, son niveau d’assurance, sont moindres
que ceux d’un audit, décrit un peu plus loin. L’examen consiste essentiellement en
demandes d’informations, procédures analytiques et entretiens portant sur les
informations fournies au CPA par l’entité en cause; son objectif se limite à évaluer dans
quelle mesure les informations devant faire l’objet du rapport sont plausibles. Ces
procédures ne sont pas suffisantes pour procurer l’assurance raisonnable qu’aucune
erreur ou fraude n’est passée inaperçue.
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Mission d’audit
L’audit a pour but d’augmenter le niveau de confiance que les états financiers inspirent
aux utilisateurs visés. Pour que ce but soit atteint, l’auditeur exprime une opinion
indiquant si les états financiers ont été préparés, dans tous leurs aspects significatifs,
conformément au référentiel d’information financière applicable. Dans le contexte de la
plupart des référentiels à usage général, cette opinion consiste à indiquer si les états
financiers donnent, dans tous leurs aspects significatifs, une image fidèle conformément
au référentiel. Un audit réalisé conformément aux normes canadiennes d’audit (NCA) et
aux règles de déontologie pertinentes permet à l’auditeur de se former une telle opinion.
Les NCA traitent de façon plus approfondie de la fraude et des responsabilités de
l’auditeur en la matière. Entre autres, la NCA 240 intitulée Responsabilités de l’auditeur
concernant les fraudes dans un audit d’états financiers décrit les responsabilités de
l’auditeur, mais également certaines caractéristiques des fraudes qui sont d’intérêt pour
lui dans le cadre de sa mission d’audit. On y explique notamment que « bien que la
notion juridique de fraude soit très large, aux fins des NCA, l’auditeur n’est concerné que
par les fraudes entraînant des anomalies significatives dans les états financiers.
L’auditeur s’intéresse à deux catégories d’anomalies intentionnelles : celles résultant
d’informations financières mensongères et celles résultant d’un détournement d’actifs.
Même si l’auditeur peut suspecter ou, dans de rares cas, détecter l’existence d’une
fraude, il ne lui appartient pas de déterminer si, sur le plan juridique, une fraude a été ou
non perpétrée ». Ce rôle est assuré par les tribunaux.
La NCA précise également que l’auditeur qui réalise un audit doit obtenir l’assurance
raisonnable que les états financiers pris dans leur ensemble ne comportent pas
d’anomalies significatives, que celles-ci résultent de fraudes ou d’erreurs, mais qu’en
raison des limites inhérentes à l’audit, il existe un risque qui ne peut être évité que des
anomalies significatives ne soient pas détectées, même si l’audit a été correctement
planifié et réalisé conformément aux NCA.
De plus, on y explique que le risque de ne pas détecter une anomalie résultant d’une
fraude est plus élevé que celui d’une anomalie résultant d’une erreur, « car la fraude
peut impliquer des stratagèmes complexes et soigneusement orchestrés destinés à
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dissimuler les faits, comme la falsification de documents, l’absence délibérée de
comptabilisation d’opérations, ou des déclarations volontairement erronées faites à
l’auditeur. De tels agissements sont d’autant plus difficiles à détecter qu’ils
s’accompagnent de collusion. La collusion peut amener l’auditeur à considérer qu’un
élément probant est valide alors même qu’il s’agit d’un faux. La capacité de l’auditeur de
détecter une fraude dépend de facteurs tels que l’habileté du fraudeur, la fréquence et
l’ampleur des manœuvres frauduleuses, le degré de collusion entourant la fraude,
l’importance relative des montants en cause et le niveau hiérarchique des personnes
impliquées. En outre, le risque pour l’auditeur de ne pas détecter une anomalie
significative résultant d’une fraude commise par la direction est plus élevé qu’en cas de
fraude commise par les employés, car les dirigeants sont fréquemment à même de
manipuler directement ou indirectement les documents comptables, de présenter des
informations financières mensongères ou de contourner les procédures de contrôle
conçues pour prévenir la perpétration de fraudes semblables par les employés. »
Autres types de missions
Le risque que des anomalies significatives résultant d’une fraude ne soient pas
détectées peut être réduit par la réalisation d’autres types de mission en fonction de la
nature du mandat confié à l’auditeur. Ainsi, il peut être appelé à appliquer des
procédures d’audit spécifiques à des informations autres que des états financiers ou
encore au contrôle interne de l’information financière. Il peut également avoir à faire
rapport sur l’efficacité de certains contrôles internes. Aussi, l’auditeur est à même
d’exprimer une opinion sur la conformité, de la part d’un client, à des critères définis
dans des dispositions contractuelles, législatives ou réglementaires. Après avoir réalisé
une mission d’examen ou une mission d’audit sur des états financiers, le CPA auditeur
pourrait faire rapport sur des informations supplémentaires, remplir des questionnaires,
signaler des cas de non-conformité aux dispositions législatives ou réglementaires,
formuler des observations à des tiers ou encore des recommandations.
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Comment mettre à contribution l’expertise du CPA dans la lutte
contre la corruption et la collusion
La diversité des actes professionnels des CPA peut sans nul doute être mise à profit afin
de lutter contre la corruption et la collusion dans l’octroi et la gestion des contrats publics
dans l’industrie de la construction. Pour ce faire, des changements devront être apportés
à la réglementation actuelle afin de maximiser sa contribution.
États financiers des entreprises de construction
L’Ordre des CPA est d’avis que lorsque les fonds publics sont en cause, il est tout à fait
légitime d’exiger que les entreprises ou organismes qui en bénéficient présentent des
états financiers audités, comme c’est déjà le cas pour les OSBL. Par conséquent, selon
l’importance et la nature des contrats obtenus et sur lesquelles un comité de travail
pourra se pencher, les entreprises de construction qui obtiennent des contrats publics
devraient être assujetties à cette exigence. Pour réduire encore davantage le risque de
fraude, les entreprises de construction pourraient même être tenues de confier à leurs
auditeurs le mandat de présenter des rapports spéciaux, par exemple sur le respect des
clauses contractuelles et les coûts additionnels.
Transmission de lettres de confirmation
L’Ordre des CPA juge essentiel d’instaurer des mécanismes de collaboration entre les
auditeurs et les éventuels inspecteurs généraux des municipalités. Ainsi, ces derniers
devraient être tenus d’informer chaque année l’auditeur d’une entreprise de construction
participant à un contrat public de la tenue ou non d’une enquête visant cette entreprise.
Dans le cas où il y a eu enquête, les résultats de celle-ci devraient être transmis à
l’auditeur.
Le même type de collaboration doit être instauré entre les auditeurs et l’Autorité des
marchés financiers. Cette dernière pourrait ainsi confirmer que les entreprises qui
souhaitent conclure un contrat public ont reçu les attestations d’intégrité délivrées en
vertu de la Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics et informer l’auditeur si
l’entreprise fait ou non l’objet d’une enquête. Pour protéger le secret professionnel, le
protocole de coopération pourrait s’inspirer de celui qui existe entre le Bureau du
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surintendant des institutions financières et les auditeurs dans le cadre de l’audit des
institutions financières.
Mise en place de contrôles
De nombreux contrôles devraient être mis en place par les intervenants concernés afin
de réduire au minimum les risques d’écarts de conduite, de malversation et de fraude.
Ainsi, la nomination des comités de sélection et leurs délibérations, les grilles
d’évaluation utilisées, l’estimation des contrats par les municipalités et l’analyse des
écarts entre les estimations et les prix soumis seraient visés. Pour l’Ordre des CPA, il
est également nécessaire de soumettre l’octroi des contrats en accord avec les grilles
d’évaluation pondérée à un contrôle, tout comme ce devrait être le cas pour les
quantités livrées sur les chantiers. Enfin, les chargés de projet des firmes d’ingénieurs
devraient aussi être soumis à des règles pour assurer la séparation des tâches
incompatibles, par exemple la gestion de projet proprement dite, d’une part, et
l’autorisation des dépenses et l’approbation des factures des fournisseurs, d’autre part.
Une fois en place, le CPA serait à même d’exprimer une opinion sur le respect de ces
règles et contrôles.
Examens et analyses plus serrés
En plus des contrôles instaurés en amont, l’Ordre des CPA est d’avis que des mandats
portant sur des procédés spécifiques devraient être confiés à des auditeurs afin de
mettre un frein au laxisme qui caractérise depuis de nombreuses années la gestion de
plusieurs entreprises de construction et firmes d’ingénierie. Par exemple, les procédés
pourraient porter sur des éléments jugés pertinents, par exemple les clauses du contrat,
le cahier des charges, les coûts de main-d’œuvre comptabilisés, les factures des soustraitants et des entrepreneurs, les extras réclamés, les volumes d’affaires conclues avec
un sous-traitant, les marges brutes par contrat, les relevés de dépenses des hauts
dirigeants, etc. La nature et l’étendue de ces procédés pourra faire l’objet d’une analyse
plus approfondie en comité.
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Conclusion
Les scandales financiers, fraudes et abus de toutes sortes dont la société est victime
nous poussent naturellement à multiplier les lois et les règlements. Certes, ces outils
sont indéniablement nécessaires. Mais il serait naïf d’y voir une panacée. En l’absence
de contrôles et de procédés efficaces, leur portée est singulièrement limitée. Or, la
surveillance et le contrôle sont le véritable nerf de la guerre contre le fléau de la fraude
et c’est pourquoi nous avons orienté notre réflexion dans cette direction.
Sans être exhaustives, nos recommandations sont représentatives de la voie qu’il faut à
notre avis emprunter pour colmater plusieurs brèches de notre système. Toutefois,
avant d’entreprendre la mise en œuvre de celles qui seront retenues par la Commission,
l’Ordre des CPA juge essentiel que le Vérificateur général du Québec et des
représentants des vérificateurs internes des ministères ainsi que des vérificateurs
généraux des municipalités du Québec discutent autour d’une même table du partage
optimal des nouvelles tâches proposées entre les différents intervenants. Il est évident
que les CPA jouent un rôle clé en termes de prévention et de détection de la fraude.
L’Ordre sera donc heureux de participer à ces travaux et, le cas échéant, de collaborer à
la création d’un comité sectoriel pour poursuivre la réflexion à cet égard.
L’Ordre croit également essentiel qu’une réflexion approfondie soit menée sur le
financement des partis politiques afin que les différents stratagèmes mis au jour ne se
répètent dans l’avenir. Il faut de tout évidence mettre de nouvelles balises en place pour
éviter le détournement de sens des règles de financement en vigueur et restaurer la
volonté initiale du législateur qui consistait à démocratiser la vie politique québécoise en
faisant en sorte que les partis politiques ne puissent être financés que par les individus.
Les révélations faites devant la Commission ont secoué le Québec tout entier et mis à
mal des valeurs chères à la grande majorité de nos concitoyens. Pour éviter qu’elles ne
soient davantage bafouées et surtout, assurer la transmission de principes élémentaires
dans une société comme la nôtre, l’Ordre des CPA invite tous les intervenants à placer
au rang de priorité la promotion de l’éthique. Les organismes publics provinciaux et
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municipaux, les entreprises et les professionnels doivent à la fois incarner les valeurs
éthiques, mais aussi en être les gardiens et s’en faire les promoteurs actifs et engagés.
Tant les CPA en entreprise que les CPA en cabinet et l’Ordre lui-même sont
parfaitement à même de contribuer positivement et efficacement à l’établissement d’un
sain environnement de contrôle dans l’industrie de la construction, comme la population
est en droit de s’y attendre, puis d’en confirmer l’efficacité sur une base régulière.
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