Revue Française de Comptabilité // N°433 Juin 2010 //
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Synthèse // Réexion // Une entreprise/un homme // Références
Comptabilité
blées pour mesurer l’échec du plan
comptable 99-01. Il n’y a pas deux spé-
cialistes pour comprendre de la même
façon les “fonds dédiés“, les subven-
tions “renouvelables“ ou non, tel “droit
de reprise“. Autant d’experts, autant de
bilans d’association! Là où le sc a eu un
rôle de normalisateur par le format des
comptes annuels, il n’a pas d’équivalent
pour jouer les arbitres dans le formatage
des comptes des associations. Beaucoup
de professionnels n’ont pas investi dans
un logiciel spécique. Et les éditeurs ne
sont pas au diapasonsur la présenta-
tion du pied du compte de résultat ou
l’ordre des rubriques au passif ou parmi
les charges (selon l’interprétation donnée
au modèle trop succinct inclus dans le
règlement de 1999).
Certes, la plupart des associations n’ont
pas matière à renseigner les rubriques qui
font la saveur du “99-01“. Et chaque sec-
teur a édicté ses propres préconisations
pour optimiser sa lecture du texte, depuis
l’enseignement catholique jusqu’au sani-
taire et social. Il s’est créé alors autant de
spécialistes qui se sont arrogé la tunique
de Nessus.
Or les conseils d’administration des orga-
nismes à but non lucratif sont composés
bien souvent de personnes qui compren-
nent mieux les comptes des entreprises
dont elles sont salariées ou retraitées, que
les comptes de l’organisme auquel les lie
pourtant un lien d’affection très prégnant.
Certes, notre rôle de commissaire aux
comptes ou d’expert-comptable peut y
sembler valorisé. Mais fallait-il entraîner
des syndicalistes ou des chefs d’entre-
prise, tous plus familiers d’un bilan de
société, dans les méandres des “droits de
reprise“ et autres “fonds dédiés“? On a
beau rappeler que le principe reste celui
du PCG, dont le 99-01 ne traite que les
exceptions, le fait est que les formats des
bilans des associations constituent une
jungle sur laquelle on ne peut que sou-
haiter que l’ANC se penche rapidement 4.
Quand le CRC 2009-10 préconise la
prudence dans la constatation des coti-
sations, d’une part en privilégiant leur
encaissement, d’autre part en les incorpo-
rant en net selon que la part de cotisation
reversée à l’échelon d’afliation procède
d’un rôle de mandataire, le normalisateur
rappelle une règle de bon sens comme il
le ferait dans un avis relatif aux spécici-
tés d’un secteur économique auquel s’ap-
pliquerait le PCG. En édictant le tableau
sur les recettes qui déclenchent certaines
obligations, à incorporer en annexe, le
normalisateur est dans son rôle.
Quand il coupe court à toute velléité,
passablement naïve, d’une valorisation
des mises à disposition de personnel (on
sait que de nombreux fonctionnaires sont
mis à disposition des organisations syn-
dicales, plus de cinq mille pour la seule
fonction publique d’Etat s’est hasardé
à les chiffrer le rapport Hadas-Lebel), il
rejoint le 99-01 qui s’inscrivait en faux
par rapport au texte antérieur du CNVA
et préconisait plutôt une inscription en
pied de compte de résultat. Mais ici c’est
au sein de l’annexe que la valorisation de
cet avatar de bénévolat « fait l’objet d’une
information qualitative appropriée », ce
qui semble heureux pour purger ce “hors
résultat“ maltraité par trop de logiciels.
Un provisionnement défaillant
des événements pluriannuels
Faut-il alors préconiser le retour du même
pied de compte de résultat pour y glis-
ser les congrès que l’orthodoxie a voulu
chasser des provisions? Au nom d’une
dénition des passifs plus conforme aux
IFRS, on veut prohiber le provisionnement
des charges de congrès quand ceux-ci
ne sont pas annuels. Pourtant quand une
organisation syndicale ne peut s’offrir un
congrès chaque année mais se réunit tous
les deux ou trois ans, n’y a-t-il pas quelque
logique à anticiper cette “sortie de res-
sources“ sans contrepartie, sauf morale?
L’orthodoxie du PCG s’y refuse, donc le
CRC 2009-10 aussi 5, tout en y voyant
néanmoins un engagement ferme du
syndicat à l’égard de ses mandants. Mais
la même orthodoxie sourcilleuse tolère à
nouveau un «pied du compte de résul-
tat» qui reètera une affectation du résultat
excédentaire qui sera dédiée au congrès
de l’année suivante. Et le professionnel
comptable n’aura plus qu’à commander
à son éditeur une mise à jour du logiciel
pour créer cette ligne nouvelle au bas de
ce tableau!
Comme les syndicats passeront probable-
ment outre, le commissaire aux comptes
affrontera une créativité comptable des-
tinée à minorer le résultat de l’année pré-
cédant le congrès: majoration de provi-
sions libres, amplication des charges à
payer, paiement anticipé de commandes
liées au congrès à venir… Au regard des
exigences de contrôle interne, n’y aurait-
il pas eu une sécurité plus grande à se
rendre à l’évidence qu’une provision sin-
cère en prévision d’un congrès vaudra
toujours mieux que les biais qui seront
pris à notre insu?
D’ailleurs, précisément pour éviter les scan-
dales du type de celui de la caisse de soli-
darité de l’Union des industries métallur-
giques et minières, le normalisateur n’est-il
pas prêt à mettre un peu d’eau dans son
vin? Ici la provision est jugée préférable à
la dissimulation de ressources. Malgré la
même dénition d’un passif, à laquelle il
faut supposer que «les obligations contrac-
tuelles envers les adhérents ou bénéfi-
ciaires» répondront, on tolèrera ces caisses
de soutien et ces aides sociales à provision-
ner. Derrière la rigueur de la formulation,
on pressent la souplesse de l’application.
Comme les autres, le droit comptable a sa
part de exibilité.
Au représentant de l’Ordre des experts-
comptables qui s’inquiétait des consé-
quences de cet alignement des syn-
dicats sur les dispositions les plus
abstruses du plan comptable des asso-
ciations, le président du Comité de la
réglementation comptable, dans sa réu-
nion du 3 décembre 2009, a rappelé que
le normalisateur ferait le point d’ici deux
ou trois ans sur l’application effective de
cette législation comptable. C’est heureux,
même si on peut craindre que, au nom
même de la permanence des méthodes,
il sera passablement difcile de modier
les rubriques les plus insolites des bilans
de type associatif (dont on attend avec
curiosité la capacité à ingérer, en consoli-
dation mais aussi en comptes combinés,
des entités lucratives).
Au moment où la normalisation française
a besoin de sortir des sentiers battus,
au moment où les sirènes européennes
chantent les mérites d’un référentiel uni-
versel, une nouvelle Autorité de normali-
sation doit pouvoir poser les bases d’un
cadre de référence qui permette à plus
d’un million de syndicats et d’associa-
tions de sortir du désordre des présenta-
tions de leurs états comptables.
Conseil national de la comptabilité, Avis 2009-07
du 3 septembre 2009 relatif aux modalités d’établis-
sement des comptes annuels des organisations syndi-
cales, 10 p., sur www.anc.gouv.fr
Bref social: «Les nouvelles règles en matière d’éta-
blissement, de certification et de publicité des
comptes des syndicats professionnels de salariés ou
d’employeurs et de leurs unions et des associations
de salariés ou d’employeurs», n° 15518, 31 décembre
2009, Liaisons sociales.
“Les comptes des syndicats“, janvier 2010, www.
liberte-cherie.com
Décret n° 2009-1665 du 28 décembre 2009 relatif
à l’établissement, à la certification et à la publicité
des comptes des syndicats professionnels de sala-
riés ou d’employeurs et de leurs unions et des
associations de salariés ou d’employeurs mention-
nés à l’article L. 2135-1 du code du travail.
Références
4. Tout comme la démarche du langage
XBRL va structurer la communication des
comptes des entreprises, la publication sur
internet des comptes des associations (en
cours depuis juillet 2009) devrait nourrir
un constat salutaire sur ces disparités de
présentation et annoncer une normalisation
souhaitable des formats : pourquoi pas
demain un EDI-TDFC des associations ?
5. C’est aussi pour couper court à ces
provisionnements de congrès que le tout
premier avis du CNC, de février 2009 (qui
ne s’intéressait pas à ces « événements
récurrents pluriannuels ») a été abrogé
quelques mois plus tard.