subordination du salarié ») représente 11 % des contrats, qui sont caractérisés par une
structure contractuelle plus complexe que les précédentes : des clauses précisent les
conditions temporelles du travail (horaires flexibles…), le contenu du travail, etc., ce qui
révèle une démarche de « responsabilisation » des salariés et de « contractualisation de
l’implication du salarié dans son travail », ce qui va de pair avec un contrôle très étroit exercé
par l’employeur (p. 183). Dans ce contexte, l’usage du droit en révèle une
« instrumentalisation » par l’employeur qui lui permet d’accroître son pouvoir (p. 193). Enfin,
la classe 4 (« protection des actifs immatériels et contrats négociés par des professionnels »)
représente 13 % des contrats. Elle regroupe les contrats les plus complexes : les clauses
révèlent une volonté de l’employeur de protéger ses actifs immatériels (capital humain,
clientèle, technologie), une pratique de compléments de salaires basés sur la performance du
salarié. Cette classe concerne, on l’aura compris, des pratiques de contractualisation du
comportement de salariés hautement qualifiés, de cadres ayant une position de professionnel
dans leur activité.
La fréquence et la récurrence des termes « usages », « instrumentalisation »,
« contractualisation » dans l’ouvrage donnent l’opportunité d’une première observation. Ces
expressions convergent vers l’idée centrale défendue par C. Bessy : la prégnance d’une
tendance à l’intégration dans le contrat de travail d’une gestion individualisée de l’emploi.
Toutefois, l’utilisation des termes « usages » et « instrumentalisation » révèle elle-même une
conception implicite de la vocation et des finalités du droit, qu’il est important de rendre
explicites. Les usages, souvent qualifiés de « stratégiques », renvoient à deux idées : la
première est que les employeurs contourneraient les garanties que le principe d’intangibilité
du contrat affirmée par la Cour de cassation, via la pratique d’une individualisation
contractualisée renforcée. La deuxième est que le droit porte des règles et des repères formels
dont la mise en œuvre ne saurait se passer de règles informelles « qui permettent de stabiliser
la coopération, de réguler les litiges et arbitrer les conflits » (p. 21-22). La première idée est
une modalité d’une préoccupation pour la compréhension de « ce qu’il en advient dans la
communauté » quant aux rapports des règles juridiques et des actions, pour reprendre
l’expression de Max Weber. La deuxième idée révèle l’attachement de l’auteur au cadre
théorique de la théorie des conventions, dont les principes sont réaffirmés tout au long de
l’ouvrage sans que l’on n’en perçoive la portée pratique dans l’étude empirique qui constitue
l’essentiel de l’ouvrage. Et ce d’autant plus que C. Bessy déclare également adhérer, dans une
mesure qui n’est pas définie avec précision, au cadre théorique du courant institutionnaliste en
économie du droit (celui proposé par Nicholas Mercuro et Steven Medema) qui n’est pas, lui,
porteur d’une théorie des usages du droit. Quant au lexique de l’instrumentalisation, il peut
être interprété comme l’expression d’une théorisation implicite du droit : celle de la vocation
formelle et normative du droit. Une théorisation alternative, en l’occurrence celle dont est
porteuse la méthode réaliste/pragmatiste de l’économie du droit institutionnaliste, considère le
droit comme un outil d’ingénierie sociale. Dans cette perspective, il est naturellement
considéré que le droit constitue un instrument de la régulation sociale, instrument non neutre
qui révèle en quelque sorte une balance des intérêts. Or, dans le domaine qui occupe C. Bessy,
la chambre sociale de la Cour de cassation est un opérateur de cette balance des intérêts.
Le fait que le contrat de travail demeure une forme juridique encadrée par la législation et la
jurisprudence, mais aussi par des accords conventionnels fussent-ils d’entreprise, conduit à
penser que la contractualisation au sens où C. Bessy l’entend n’est pas synonyme de
« dépublicisation » du contrat. C’est pourtant ce que peut laisser entendre le terme
« contractualisation », qui est nettement connoté « regain de l’accord de volonté individuelle »
et « déclin des cadres statutaires ». Le contrat reste une institution sous la couverture de l’Etat