C. Bessy, F. Chateauraynaud, Experts et faussaires. Pour une

Persée
http://www.persee.fr
C. Bessy, F. Chateauraynaud, Experts et faussaires. Pour une sociologie de la perception
C. Lemieux
Politix. Revue des sciences sociales du politique, Année 1995, Volume 8, Numéro 31
p. 228 - 232
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Lectures
BESSY (Christian), CIIATEAURAYNAUD (Francis), Experts et faussaires. Pour
une
sociologie de la perception, Paris, Métailié, 1995, 368 pages, index,
bibliographie.
LASOCIOLOGIE apris J'habitude soit
de
passer àcôté
de
la
question
de
la
perception
(en
l'abandonnant notamment aux sciences cognitives
ou
àla
phénoménologie), soit
de
la traiter comme le produit d'une construction sociale :
les
actes
de
perception
seraient conditionnés ou
surdétenninés
par
les
catégories
de
l'entendement
et
les
représentations
collectives
dont
sont
porteurs
les
agents
sociaux.
Dans
ce
genre
de
modèle,
ce
sont souvent des schèmes
de
perception
qui
sont
invoqués
JX>ur
assurer l'accord entre le niveau
des
perceptions
et
celui
des
jugements
(cf. par
exemple
Bourdieu (P.), Delsaut (Y.), -Pour
une
sociologie
de
la perception-,
Actes
de
la recherche
en
sciences sociales, 40,
1981
;Baxandall (M.), L
'œil
du
Quattrocento. L'usage de la
peinture
dans
l'Italie de la Renaissance, Paris, Gallimard,
1985). Ce
modèle,
en
ses
diverses variantes, al'avantage
de
fonder
l'idée
d'un
sens
commun
sur
lequel
le
sociologue
peut
faire
reposer
la
charge
du
consensus
entre
agents
sociaux. Car l'idée
de
sens
conunun
une
fois
posée,
il
-suffit. finalement
que
deux
individus aient incorporé les
mêmes
représentations, la
même
-vision
du
monde-,
pour
que
l'on
puisse expliquer
non
seulement qu'ils
émettent
régulièrement les
mêmes
jugements
de
valeur mais aussi (ce
qui
est nettement moins tautologique)
qu'ils
.voient.
(touchent,
sentent,
entendent,
etc.) les mêmes
choses
de
la
même
façon. Or, à
bien
y
réfléchir,
que
les
personnes
recourent
aux
mêmes
catégories
pour
-dire.
et
-penser.
le
monde,
signifie-t-il
qu'elles
soient -affectées-
par
lui
de
la
même
façon
et
qu'elles
y
-perçoivent- les
mêmes
choses
?Une autre
question
est
encore
de
savoir
comment,
à
partir
d'un
tel
modèle,
peut
être traitée la question
de
l'évidence
et
du
doute. Puisque
tout,
au
fond, tient à
des
dispositions socialement transmises, la
seule
option
cohérente
semble
être
de
traiter le surgissement
du
doute
ou
du
sentiment
d'étrangeté
comme
l'effet
d'un
désajustement
entre
les
représentations
intériorisées
par
les
agents
(Weltanschauung, culture, habitus, etc.)
et
le
monde
social
dans
lequel
ils
se trouvent
plongés. C'est ici la confonnité entre les structures sociales qui
nous
habitent et celles
du
monde
que
nous
habitons,
qui
est
réputée
fonder
notre
relative
quiétude
perceptuelle
et
l'entretien
de
nos
sentiments d'évidence,
et
c'est l'absence
d'une
telle
conformité
qui
est
désignée
comme
la cause
de
nos
troubles.
Dans
Experts
et
faussaires,
C.
Bessy
et
F.
Chateawaynaud
tentent
visiblement
de
se
dégager
de
l'orbite
de
ce
modèle dominant,
même
si (et
sans
doute
parce
que)
c'est
un
modèle
qui
afait ses preuves.
Pour
commencer, ils
nous
proJX>sent
de
déserrer
la
mâchoire
du
schématisme
(post)
kantien
qui
emprisonnait
perception
et
jugement
:
pour
s'accorder,
nous
disent-ils,
les
acteurs
n'ont
pas
seulement
ni
même
essentiellement
besoin
d'accéder
à
des
représentations
communes
(ce qu'ils
appellent
pour
leur
pan
des -espaces
de
calcul- conununs).
Us
doivent encore
et
même
d'abord,
à
un
niveau
pré-réflexif, (X)uvoir
partager
des perceptions. Or,
selon
nos
auteurs,
ces
deux
niveaux,
perception
et
jugement, sont a
priori
distincts -
autrement
dit:
doivent
être apriori distingués
sur
le
plan
analytique. En effet, percevoir
et
juger -ne sont
pas
deux
actes
de
même
nature
même
s'ils
peuvent
être simultanés- (p. 262).
11
faut
considérer
qu'il y a
entre
eux
du
jeu,
que
leur corresJX>ndance
n'est
pas
absolument
automatique
ni -réglée-
une
fois
pour
toutes -
puisque
dans
les
cas
de
trouble,
le
-dérèglement- est manifeste.
Le
partage d'une représentation
ne
garantit
en
rien l'accord
perceptuel
car -on
ne
peut
jamais réduire l'un
sur
l'autre affects,
percepts
el
concepts-
(p.
304). En dissociant le
plus
possible
perception
et jugement, les
auteurs
veulent
finalement
se
donner
les
moyens
d'identifier
les
différentes
modalités
de
leur
connexion
et,
éventuellement,
en
situation de trouble extrême,
de
leur
déconnexion
-
228
Lectures
ce
sont
ces
différentes
modalités
qu'ils
désigneront,
comme
on
va
le
voir,
sous
le
nom
de
-prises-.
Mais
nos
auteurs vont plus loin encore -
et
c'est sans
doute
que
réside la
plus
grande
hardiesse
de
leur
ouvrage. Àtitre
de
politique
de
recherche, ils
n'hésitent
pas à
adopter
un
postulat résolument anti-kantien :.Rien
ne
prédispose
naturellement
(les
agents) àpercevoir les mêmes choses dans le monde- (p.
229.
souligné
par
nous). Ce
principe
qu'on
pourrait
appeler
d'hétérogénéité des percepts va les
conduire
à
reconsidérer
radicalement
la question
de
ce
que
percevoir
veut
dire.
Posée
l'hétérogénéi.é
des
percepts.
la
tâche
du
sociologue
ne
peUl
plus
consister,
en
effet, à
montrer
comment
des
concepts
ou
des
catégories
informent
nos
percepts
(en
s'autorisant;}
décréter
communs
ces
derniers
au
motif
que
les
premiers
sont
reconnus
partagés).
Elle
consistera
plutôt
à
déterminer
<l
quelles
conditions
les
expériences
sensorielles
peuvent
devenir
COfIUDunes-
(p.
288,
souligné
par
nous)
et
en
quoi
ces
expériences,
dans
la
mesure
elles peuvent avoir
quelque
chose
de
commun,
rendent
possible
l'ancrage
dans
Je
monde
physique
de
nos
représentations
coUectives
et
de
nos
catégorisations.
De
ce
fait,
l'accord
entre
les
agents
sociaux
s'avérera
moins
immédiatement
dépendant
du
fait
de
panager
ou
non
cenaines
représentations
ou
d'avoir
accês
ou
non
à
cenaines
catégories
:il
sera
d'abord
lié
àla
possibilité
de
partager
des
perceptions
suffisamment
claires
et
distinctes
pour
entrer
durablement
dans
le
monde
de
telles représentations
et
de
telles catégories.
La
sociologie
qui
correspond
au
déplacement
ainsi
opéré
ne
saurait
sans
se
contredire
pan.ir
du
niveau
des
représentations
sont
activées
et
des
espaces
de
calcul
sont
investis -
du
niveau,
autrement
dit,
les
agents
en
sont
(déjà)
à
argumenter,
à
critiquer, à
rassembler
des
preuves
et
à
désigner
à
l'attention
publique
la
transgression
de
conventions
panagées.
Or,
c'est à
ce
niveau
que
pour
l'essentiel
avaient
oeuvré
C.
Bessy
et
f.
Chateauraynaud
dans
leurs travaux
précédents
menés
respectivement
sur
Les
licenciements
économiques
(Paris,
CNRS
Editions, 1993)
et
La
faute
professionnelle
(paris, Métailié, 1991). Cette fois,
le
parti
pris
des
auteurs
les a
conduits
àse (X>ster -au
ras
des
corps-
(p.
319), à
un
niveau
intennédiaire
entre
perception
et
jugement,
au
moment
même
ou
juste
avant
que
ne
surviennent
la mise
en
langage
et
la
production
des
comptes.rendus
sur
la
-réalité-.
Sous
ce
rapport,
l'examen
de
jugements
d'authenticité
concernant
des
faux
et
des
contrefaçons
leur
a
semblé
une
entrée
privilégiée
dans
la
question
de
la
perception
:
pareils
cas
rédament
en
effet
de
la
pan
des
personnes
qui
y
sont
confronrés,
qu'il
s'agisse
de
professionnels,
de
faussaires
ou
de
personnes
ordinaires,
de
véritables actes d'expertise
sollicitant
le
dépLoiement
de
compétences
multiples,
dont
beaucoup
sont
directement
liées
à
des
épreuves
de
corps-
à<orps
avec
les
objets
et
ne
nécessitent
pas
le
détour
par
des
représentations.
C'est
ainsi
qu'Experts
etfaussaires
se
présente
conune
un
livre
qui
traite,
pour
ce
qui
est
du
matériel
empirique,
de
scênes
de
la vie
ordinaire
et
pcofessionneUe
la
queslion
de
l'authenti<:ité
des
choses
vient à
être
fK)Sée
à
des
fms
pratiques
et
par
les
agents
sociaux
eux-mêmes.
Il
n'est
pas
lieu
ici
de
rendre
compte
en
détail
des
nombreuses
études
de
terrain
présentées
dans
l'ouvrage.
On
peut
signaJer
cependant
que
l'itinéraire
auquel
est
convié
le
lecteur, est aussi hétéroclite
que
dislrayant.
Il
l'amêne
à
explorer
des
contrées
l'alignement
de
l'objet
troublant
par
rappon
à
des
réseaux
de
circulaHon.
des
standardisations
et
des
conventions
joue
un
rôle
cenrral (ainsi,
lorsque
les
auteurs
nous
font suivre
les
enquêtes
d'un
inspecteur
du
service
des
Douanes
spécialisé
dans
la
répression
des
contrefaçons)
vers
des
univers
cette
dimension
est
redoublée
par
la
mise
à
l'épreuve
sensorielle
et/ou
instrumentée
de
l'objet
(interactions
entre
les
commissaires-priseurs
de
Drouot-Estimation
et
les
personnes
venues
faire
expeniser
leurs
objets,
analyse
des
querelles
d'attribution
autour
de
tableaux
de
maiue,
procédures
d'authentification
de
reliques
pieuses,
etc.).
Au
terme
du
périple,
se
dégage
un
modêle
analytique
et
descriptif
de
l'expenise
qui
se
caractérise
par
la três
grande
diversité
des
compétences
qu'il intêgre :
aux
capacités
qui
229
Lectures
sont
les
plus
classiquement
reconnues
par
la
sociologie
(aptllude
au
codage,
fonctionnement
en
réseau,
jeu
des
relations professionnelles,
compétition
dans
un
champ,
etc.)
s'ajoutent
en
particuHer
les
capacités
perceptuelles
directement
développées
au
contact
des
choses.
On
peut
voir
1:1
sans
doute
un
des résultats majeurs
de
cette
enquête:
dans
la perspective
des
auteurs, il
n'est
pas
convenable
de
réduire la
problématique
des
fondements
de
l'expenise à
une
sociologie
des
réseaux,
des
champs
ou
des
professions, même si les transformalions qui affectent les -configurations
professionnelles-
(p.
75)
ont
un
poids
certain dans les situations
d'expertise
-
ce
que
souligne
notamment,
dans
la troisième partie
de
l'ouvrage, l'analyse
de
la
controverse
sur
l'authentici(é
du
site
archéologique
de
Glozel.
On
ne
saurait
d'ailleurs
pas
davantage
réduire
une
telle
problématique
des
fondements
de
l'expertise
à
une
sociologie
de
la culNre.
Pourquoi?
Parce
que,
dans
de
très
nombreux
cas,
l'expert
(qu'il
s'agisse
d'un
professionnel
ou
d'une
personne
ordinaire)
ne
peut
se
comenter,
pour
traneher la
question
de
l'authenticité de l'objet qu'il a
en
mains,
de
s'en
remettre
aux
réseaux
qui
l'insêrent
ou
d'œuvrer
au seul niveau
des
représentations :
il
lui faut
d'abord
éprouver,
par
le corps
et/ou
les instruments
qui
le prolongent,
les
propriétés
matérieUes
de
l'objet
et
confronter
ces
propriétés aux réseaux
dans
lesquels l'objet est
susceptible
de
circuler
et
aux
représentations
qui
peuvent
lui être associées. C'est
pourquoi
savoir articuler
des
épreuves
sensorielles
qui
passent
par
des
corps-à-corps
(plus
ou
moins
instrumentés) avec les objets
avec
des
raisonnements
fondés
sur
des
indices
et
des
repères
dotés
de
significations
dans
un
espace
de
représentation
donné,
constinte, à
en
croire
nos
auteurs, le véritable fondement
des
compétences
àl'expertise.
Conune
ils le
montrent,
les
performances
des
faussaires
et
des
plagiaires
s'appuient
précisément
sur
la
tendance
des
non-spécialistes àfaire
comme
si les représentations,
les
conventions
ou
les
repères
utilisés dans leurs activités fournissaient
une
description
du
monde
adéquate
et
auto-suffisante :ne sachant
pas
clairement distinguer
un
vrai
polo
Lacoste
d'un
faux,
Je
non-spécialiste
s'en
tient
au
repère
le
plus
grossier
(le
crocodile
de
l'étiquette). Àl'inverse, le corps
expert
ne
se
cantOlUle
que
rarement àla
représentation,
ni
même
aux
repères les plus grossiers (c'est-à-dire les
mieux
partagés) :
il
file
plutôt
vers
les
caractéristiques
matérielles
de
l'objet
qui
sont
les
moins
fréquentées, avec
une
familiarité,
un
-savoir-prendre- qui résultent
de
l'expérience
et
de
la
manipulation
d'objets apparentés,
et/ou
réactive les propriétés
du
réseau
dans
lequel
l'objet a
pu
circuler (ou, encore, le
met
mentalement
ou
physiquement
en
regard avec la
collection qu'il
prétend
rejolndre).
Il
apparaît
ainsl clairement
que
dans
la
majorité des cas, l'authentification
ne
peut
se
faire
dans
le
seul
élément
de
la représentation, abstraction faite
des
corps
eux-mêmes.
Au
contraire, la
question
de
l'authenticité -est indissociable de
celle
de
la présence-
et
.toutes
deux
ont
:l voir avec les
corps
(et) leurs fonnes
d'engagement
dans
le
monde-
(p.
321). C'est d'ailleurs
pourquoi
le jugement d'authenticité doit gérer
en
permanence
.une
tension.
entre
l'évaJuaüon critique (la mise àdistance
des
corps
que
permettent
les
procédures,
souvent
violentes,
de
l'obieetivalion)
et
la mise
en
présence
(le
corps-à-
corps
avec
la
chose
qui
peut
aller jusqu'à l'instawation
d'un
rapport
d'emprise).
Pour
les
auteurs,
la -compréhension-
se
défInit corrune le régime
qui
pennet
aux
individus
d'opérer
une
.jonction-
harmonieuse
entre
ces
deux
approches
de
l'authenticité,
critique
et
présence,
en
échappant
àla violence
de
l'objectivation
comme
à
l'absorption
par
l'emprise
(p.
312).
SouhaÎlant
faire
la
promotion
de
tels
régimes
de
-compréhension-,
C.
Bessy
et
F.
Chateauraynaud vont jusqu'à plaider, àla fin
de
leur
ouvrage,
pour
un
équilibrage
du
modèle
de
la critique, qu'ils
estiment
largement
prédominant
en
Occident,
par
le
recours
à
un
modèle
alternatif, dit
de
-la fadeur-,
modèle
mis
en
lumière par
F.
Jullien
dans
ses analyses
de
la philosophie chinoise (cf.
nOlamment
lA
propension des choses, Paris, Seuil, 1992),
et
dans
lequel
nos
auteurs
voient
pour
leur
part
un
moyen
de
réinstaller
les
prérogatives
de
l'authenÜcité
par
la
présence
:
-lol.
l'épreuve
d'authentification critique exige
des
dispositifs clos,
penneuant
de
fixer
des
repères
et
d'installer
une
économie
par les
représentations,
l'authenticité
par
la
présence
maintient
un
perpétuelle ouverture
sur
le
monde.
(p.
316).
En
ce
sens,
nous
eS(-il
suggéré,
entretenir
la
fadeur (l'ouverture
au
monde
sans
détour
par
la
représentation)
pourrait
permettre
en
nombre
d'occasions
un
meilleur
230
lectures
apprentissage
et
une
meilleure
accessibilité
aux
choses
et
aux
êtres
(une
meilleure
-compréhension-)
que
l'inculcation
de
procédures
critiques
et
d'un
savoir formel
fondé
sur
la distinction
du
sUjet
et
de
l'objet.
On
retiendra
encore
d'Experts
et
faussaires
l'effon
de
théorisation
et
de
conceptualisation qu'engagent les auteurs
dans
la
dernière partie
du
livre et qui, à
bien
des
égards,
élargit
considérablement
l'horizon
de
leur
travail. Trois concept.s-elefs
sont
ici
soumis
à
l'appréciation
du
lecteur:
Je
pli,
nolion
tirée
d'une
releclUre
des
travaux
de
G.
Deleuze
(d.
en
particulier
Le
pli.
Leibniz
et
le baroque, Paris, Minuit, 1988),
désigne
.le
passage
des
corps
aux
dispositifs
comme
lorsqu'on
l'on
parle
de
choses
qui
se
plient
ou
ne
se
plient pas à
des
fonnes
d'action
ou
d'interprétation. (p. 245) ;
la
prise
est
la -rencontre
entre
un
dispositif rx>rté
par
la
ou
les
personnes
engagées
dans
l'épreuve
et
un
réseau
de
corps
fournissant
des
saillances,
des
plis,
des
interstices-
(p.
239) ;
enfin,
le repère
provient
.d'un
dépôt
d'information
dans
un
objet
qui
peut
être
facilement déchiffré
par
un
interprète
humain-
(p. 244). Àvrai dire, le
repère,
en
tant
qu'il est
une
marque
faisant acte
de
présence
dans
la matière, pourrait
sembler
suffisant
pour
décrire
les
procédures
d'authentification.
Pour
les
auteurs,
cette
notion
a
cependant
pour
inconvénient
de
faire
poner
la
tension
uniquement
sur
le
dispositif
cognitif
mis
en
oeuvre
par
les personnes. Elle
ne
peut
donc
pas
rendre
compte
de
la
dynamique
qui
fait
émerger
les prises àla jointure
entre
plis et repères. C'est
pourquoi,
des
trois
notions
proposées,
ce
n'est pas le
repère
mais la
prise
qui
s'avère
l'élément
central.
La
particularité
de
ce
concept
est
en
effet
de
rendre
possible
une
description
symétrisée
des
facultés
d'action
que
développe
l'agent
humain
face
à
son
environnement
physique
et
des
JXluvoirs
de
résistance et
de
proposition
que
lui
offrent
en
retour
cet
environnement
physique:
l'agent
peut
ou
non
-avoir prise-
sur
l'objet,
de
même
que
l'objet
peut
ou
non
lui
-donner
prise
•.
Cene symétrie
est.
ce
qui
pennet
de
décrire avec précision la
dynamique
de
création
des
prises,
autrement
dit
la
façon
dont
des
plis (saillances
de
la
matière)
peuvent
se
daMer,
ou
être
saisis,
conune
repères
dans
le
cours
des
activités
humaines
(i.e.
peuvent
être
utilisés
comme
supports
pour
une
interprétation
panagée
et
points
d'ancrage
pour
des
représentations collectives). En
même
temps, la
notion
de
prise
permet
de
spécifier
des
différences
de
compétence
d'expenise
entre
acteurs,
en
attirant l'attention
par
exemple
sur
le fait
que
.le
profane,
en
dépit
de
son
intuition
des
plis, utilisera plus volontiers
des
repères
communs
l'expert
s'appuiera
sur
des
prises
capables
de
faire la relation
entre
repères
et
plis-
(p. 246). Cet
aspect
(J'asymétrie
des
compétences às'emparer
du
monde)
pourrait,
nous
semble-t-il,
déboucher
sur
un
renouvellement
intéressant
de
cenaines
problématiques
classiques
en
sociologie politique,
notamment
toules
ceUes
qui
tournent
autour
des
notions
de
.manipulation.
et
de
-domination- :
comment
cenaines
prises
sont-elles
masquées:
ou
interdites à
cenains
agents?
comment
des
différentiels
d'accessibilité
aux
prises
sont-ils
créés
et
entretenus
?
comment,
par
exemple,
parvient.on
à
rendre
la
'prise.
de
çx:>uvoir
ou
la .prise-
de
parole plus difficile
:\
cenains
?
comment
certains
agents sont-ils .pliés-
aux
dispositifs
et
comment
reconquièrent.ils prise
sur
eux
?etc.
Enfin, la prise, àtravers tout
ce
qui la lie
au
pli,
peut
permeure
de
comprendre
la
stabilité
de
certains
de nos
repères
et
donc,
de
certains
des
points
d'ancrage
sur
lesquels
reposent
nos représentations.
Il
ressort
en
effet
de
l'analyse
menée
par
C. Bessy
et
P.
Chateauraynaud
que
les
repères
collectifs
sont
d'autant
plus
stables
qu'ils
sont
déposés
dans
des
saillances matérieUes déjà
constituées
-
qu'ils
prennent
appui,
autrement dit,
sur
des
plis importants -
et
qu'ils
sont
réactivés
en
permanence
par
des
actes
de
prise -réactivés,
en
d'autres
teanes,
par
des
mouvements
du
corps
qui
ne
nécessitent
ni
l'intervention
d'un
calcul ni le passage
par
une
représentation
partagée.
On
en
arrive ainsi,
pas
àpas, àce qui constitue l'argument fmal
et
la cJef-de-voûte
du
livre :
la
critique
du
relativisme
en
sciences
sociales.
Pour
les auteurs, le
résultat
des
épreuves
d'authentification
n'est
jamais
un
pur
.artefact.,
une
'pure
construction
sociale.,
un
pur
'jeu
de
mots-. Car,
comme
les
nombreux
cas traités
dans
l'ouvrage
et
l'appareillage
conceptuel
mis
au
polnt
sont
censés
l'attester,
la
vie sociale
ne
se
déroule
pas
entièrement
au niveau langagier
et
représcntatioMei.
Si
tel était le
cas,
elle
aurait
effectivement
un
caractère
radicalement -conventionnel-
et
.arbitraire
•.
Mais
il
existe
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