Les antalgiques peuvent-ils contrôler toutes les douleurs ?
Docteur R. HERMET – Centre de Soins Palliatifs – Hôpital Nord – C.H.U. de CLERMONT-FERRAND
A cette question, la première réponse est bien entendu négative puisque l'on admet qu'un
faible pourcentage de patients douloureux sont encore aujourd'hui confrontés à des douleurs
incontrôlables, sauf à prendre des risques thérapeutiques très importants que nous demande de
prendre la loi du 22 avril 2005 (article 2 de la loi Léonetti), loi sur le droit des malades et la fin de la
vie. L'existence des Centres de la douleur témoigne également qu'un certain nombre de patients
sont confrontés à des douleurs chroniques dont le traitement médicamenteux a souvent échoué d'où
la prise en charge que leur propose ces Centres.
En Gériatrie, un certain nombre d'éléments caractérise la problématique de la prise en
charge de la douleur :
oLes pathologies réputées habituellement douloureuses telles que cancer, pathologie
discale… existent mais elles ne sont pas en cause dans la très grande majorité des cas
chez les grands vieillards douloureux.
oLes pathologies douloureuses sont habituellement des pathologies dégénératives et
chroniques (arthrose, pathologies digestives, neuropathies périphériques…).
oLa personne âgée caractérise difficilement sa douleur. Il est souvent impossible de décrire
avec précisions ce qu'elle ressent.
oDes douleurs de mécanisme mixte, mécanique et neuropathique, sont très fréquentes.
oLe diagnostic de douleur neuropathique, qui reste actuellement encore insuffisamment
évoqué, y compris chez les adultes plus jeunes, aboutit à l'inverse aujourd'hui à des excès
thérapeutiques avec les conséquences iatrogènes qui en résultent.
oL'évaluation de la douleur reste complexe en gériatrie car la plainte douloureuse est de
décodage très difficile :
*S'agit-il de douleurs puisque le patient déclare "j'ai mal" ou bien, par exemple, de
faiblesse. Beaucoup de patients âgés peuvent déclarer qu'ils ne marchent pas à
cause de jambes douloureuses avant de convenir, après une analyse sémiologique
soigneuse, qu'il s'agit en fait d'une perte de force musculaire, donc de faiblesse et
non de douleurs.
*S'agit-il de douleurs ou bien la douleur mise en avant n'est-elle que le leurre qui
cache la "douloureuse situation psycho-sociale" du patient qui est confronté à un
handicap croissant et insupportable, mais aussi à un isolement social et souvent un
isolement affectif.
oLa situation particulièrement complexe du patient âgé non communicant, qu'il soit
aphasique, dépressif chronique, dément…Tous les travaux témoignent, y compris les plus
récents, que l'on sous-estime de façon importante encore, l'importance de la douleur de
ces patients. On en sous-estime probablement la fréquence mais aussi l'intensité. On est
également très désarmé pour en analyser les mécanismes et les composantes.
oLes outils d'évaluation de la douleur sont nombreux. Pour autant, chez le patient non
communicant, ils nécessitent beaucoup de présence lorsqu'il s'agit d'interpréter les
résultats de cette évaluation.
*S'agit-il de douleurs ? ; s'agit-il d'un soin qui dérange parce qu'il n'est pas compris ?
*Il n'est pas compris parce qu'insuffisamment expliqué ou bien parce que la
communication est difficile ? Il dérange parce qu'il intervient "au mauvais
moment" ?... S'agit-il d'un trouble du comportement réactivé par le soin ?...
*La crispation du visage ou les cris observés traduisent-ils une douleur provoquée ou
permanente, mécanique ou neuropathique, une opposition à l'acte en cours, une
incompréhension vis-à-vis du soin, une réaction anxieuse ?....