DIX ANS
DU PROTOCOLE DE KYOTO
BILAN ET PERSPECTIVES
POUR LES NEGOCIATIONS
DE L’APRES-2012
Novembre 2007
Réseau Action Climat France
2B, rue Jules Ferry - 93100 Montreuil
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
1. De l’alerte des scientifiques à la mise en place d’une action concertée de la Communauté
internationale pour lutter contre le changement climatique
A. L’émergence d’un cadre international de lutte contre le changement climatique ….
La Convention Cadre Climat : le cadre général d’intervention de la Communauté internationale en matière de
changement climatique
Le Protocole de Kyoto : la consécration d’objectifs absolus de réduction des émissions de gaz à effet de serre
Les voies d’atteinte des objectifs de réduction de Kyoto : les politiques et mesures (PAM) et, en complément, les
mécanismes de flexibilité
Le Protocole de Kyoto : premier instrument juridiquement contraignant en faveur de la lutte contre le changement
climatique
B. …au prix d’un certain nombre d’échappatoires.
Des objectifs revus à la baisse.
Les modalités de mise en œuvre : la flexibilité au cœur du Protocole.
Une « supplémentarité » non définie.
La prise en compte des puits de carbone.
L’absence de prise en compte des émissions des soutes maritimes et aériennes
Les concessions face au chantage à la ratification du Protocole : la création « d’air chaud »
2. En 10 ans, les avancées minimes de la Communauté internationale pour lutter contre le
dérèglement climatique
A. Quelle progression dans l’atteinte des objectifs chiffrés de réduction des émissions!des pays de l’Annexe 1!?
B. L’Adaptation!: parent pauvre de la lutte contre les changements climatiques
C. Quid de la déforestation!?
D. Le Mécanisme de Développement Propre a t’il répondu à son double objectif de réduction des émissions et de
développement durable!?
E. Toujours pas de régulation des émissions croissantes issues des soutes maritimes et de l’aviation
internationale!
3. Pour l’établissement d’un mandat de Bali devant conduire à l’adoption d’un «!Kyoto plus!»
A. Un contexte radicalement éloigné de celui de 1997!
B. Un objectif de réduction des émissions des pays industrialisés de 30% pour 2020!: passage obligé
C. L’élargissement du Protocole de Kyoto!grâce à des actions différenciées
D. Une réponse appropriée au problème de l’adaptation
E. Mettre en place un mécanisme de compensation des politiques de lutte contre la déforestation
F. L’inclusion des émissions des soutes maritimes et aériennes dans le nouvel accord post-2012
CONCLUSION
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INTRODUCTION
Le 11 décembre, le Protocole de Kyoto soufflera ses 10 bougies. A l’heure actuelle, 175
pays l’ont ratifié mais toujours pas les Etats-Unis ni l’Australie.
Cet anniversaire nous offre l’occasion de dresser un premier bilan de l’efficacité de l’action
internationale de lutte contre le changement climatique.
Après 10 ans d’existence, le Protocole de Kyoto a-t-il permis de réduire à un niveau
souhaitable les émissions mondiales de gaz à effet de serre ? A-t-il été, aux côtés de la
Convention Cadre Climat, à la hauteur pour permettre aux pays les plus vulnérables de
s’adapter aux effets néfastes du changement climatique ?
Rien n’est moins sûr. Et ce, alors que les impacts du changement climatique sont de plus en
plus prégnants, comme en témoigne le 4ème rapport du GIEC1 publié cette année.
Toutefois, ce traité a permis de valider, au niveau international, des objectifs chiffrés de
réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il a également favorisé une conscience
croissante du phénomène du dérèglement climatique et de ses impacts au sein de la
Communauté internationale ainsi que de la société civile. En témoignent les nombreux
rapports publiés sur le sujet (rapports successifs du GIEC, inventaires nationaux des gaz à
effet de serre, rapport Stern etc.). Aujourd’hui, plus personne ne peut ignorer le problème du
changement climatique. Par ailleurs, pour l’application du Protocole, plusieurs
réglementations ont vu le jour, certes plus ou moins allantes, mais qui témoignent d’un
changement de cap dans la bonne direction.
Le nouveau traité "Kyoto Plus" devra intégrer des réductions beaucoup plus importantes
pour tenir compte des avertissements de plus en plus sérieux de la communauté
scientifique. Il devra réparer les problèmes sérieux posés par les textes présents, qui, sinon,
ne pourront que s'aggraver. Et enfin, plusieurs caractéristiques nouvelles doivent être
intégrées à grande échelle, comme l'adaptation des pays vulnérables, la mise en place d'un
régime élargi du Mécanisme de Développement Propre, des systèmes permettant de
stopper d'urgence la déforestation tropicale, et enfin et surtout d'intégrer les grands pays en
croissance forte dans une trajectoire d'émissions compatible avec la protection du climat. Il
ne s'agit donc pas de revenir sur les acquis souvent complexes obtenus dans le cycle de
négociation allant de Kyoto à Montréal, ou même de remettre en cause les grands principes
énoncés dans la Convention sur les Changements Climatiques signée à Rio. Mais l’heure
est venue de passer à la vitesse supérieure. La négociation d’une deuxième période
d’application du Protocole de Kyoto, qui devra débuter en 2012, nous en offre l’occasion.
L’urgence de la situation fait que le climat et les populations les plus pauvres qui subissent
de plein fouet les impacts de son dérèglement ne peuvent plus se contenter d’une politique
des petits pas.
Le RAC-F et ses associations membres souhaitent ainsi revenir sur l’adoption de la
Convention Cadre sur les changements climatiques et de son Protocole, qui représente à
l’heure actuelle l’unique cadre international de lutte contre le changement climatique.
Dans un second temps, il dressera le bilan des 10 premières années d’existence du
Protocole de Kyoto.
Enfin, il proposera un certain nombre d’améliorations qui s’imposent pour le futur régime
« post-2012 ».
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1. DE L’ALERTE DES SCIENTIFIQUES A LA MISE EN PLACE D’UNE ACTION CONCERTEE DE LA
COMMUNAUTE INTERNATIONALE POUR LUTTER CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE
Une étroite corrélation existe entre les données collectées par les scientifiques sur le phénomène du
réchauffement de la planète et la prise de conscience des Etats de la nécessité d’agir.
En effet, suite à l’alerte donnée dans les années 1970 par la communauté scientifique, l’ensemble des
pays de la planète a accepté le principe d’une réaction internationale. Une série de conférences
environnementales ont eu lieu dans les années 1980, composées de représentants
gouvernementaux et de scientifiques. L’apparition d’éléments, de plus en plus nombreux, révélant un
réchauffement climatique appelait une réponse politique internationale. La rencontre de Toronto de
1988 recommanda une réduction de 20% des émissions mondiales de CO2 pour 2005 et promut
l’idée de l’imposition d’une taxe sur les combustibles fossiles. La même année, la création du Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) fut l’étape décisive marquant la
reconnaissance politique et internationale du changement climatique. Il fallut néanmoins la publication
du 1er rapport du GIEC en 1990 récapitulant l’état de la science climatique, pour que les Etats se
mobilisent activement. Ce rapport a servi de base à l’établissement de la Convention cadre sur les
changements climatiques de 1992.
A. L’émergence d’un cadre international de lutte contre le changement climatique ….
La Convention Cadre Climat : le cadre général d’intervention de la Communauté internationale
en matière de changement climatique
Le premier engagement politique pour contrer l’évolution préoccupante des émissions de gaz à effet
de serre dans l’atmosphère est l’adoption, en juin 1992 à Rio lors du Sommet mondial de la Terre, de
la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (ci-après, « Convention »). Elle
établit, d’une part, un objectif général et, d’autre part, des principes devant guider l’action
internationale en ce domaine.
L’établissement d’un objectif général : la stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans
l’atmosphère
L’objectif de la Convention est évoqué à son article 2, comme suit : « stabiliser (…) les concentrations
de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation
anthropique dangereuse du système climatique… ».
La Convention prescrit donc une simple stabilisation des émissions de gaz à effet de serre et n’impose
aucune contrainte en cas de non-respect de cet engagement. Une précision est toutefois apportée en
terme de délai pour respecter cet objectif. La stabilisation des concentrations devra se faire
La consécration de principes directeurs de l’action internationale de lutte contre le changement
climatique
Les principes destinés à sous-tendre la stratégie de la Communauté internationale en matière de lutte
contre le changement climatique concernent le principe de précaution, celui de développement
durable et surtout, celui de responsabilités communes mais différenciées. Ce dernier commande que
si le réchauffement de la planète affecte tous les pays, les responsabilités, elles, diffèrent selon les
Etats. Dès lors, il appartient aux pays industrialisés, historiquement responsables, de fournir les
premiers les efforts pour lutter contre le changement climatique. Il est énoncé au sein de la
Convention de la manière suivante : « il incombe aux Parties de préserver le système climatique (…)
sur la base de l’équité et en fonction de leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs
capacités respectives. Il appartient, en conséquence, aux pays développés Parties d’être à l’avant-
garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes ».
En vertu de ce principe, l’Article 4.5 de cette même Convention oblige les pays développés Parties à
« encourager, faciliter et financer le transfert ou l’accès de technologies et de savoir-faire
écologiquement rationnels » aux pays en développement, et de soutenir « le développement et le
renforcement des capacités et technologies propres aux pays en développement Parties. » Enfin,
l’Article 4.8, incite les Parties à « étudier les mesures _ concernant notamment le financement,
l’assurance et le transfert de technologies _ visant à répondre aux besoins et aux préoccupations
spécifiques des pays en développement Parties devant les effets néfastes des changements
climatiques et l’impact des mesures de riposte ».
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La Convention est entrée en vigueur le 21 mars 1994. 189 pays, à la fois du Nord comme du Sud,
l’ont à ce jour ratifiée.
Cependant, un approfondissement de l’engagement de la Communauté internationale s’imposait pour
atteindre l’objectif ultime de la Convention.
Dès leur première réunion, à Berlin en avril 1995, les Parties contractantes se sont mises d’accord sur
la création d’un groupe de travail, « le Mandat de Berlin », chargé d’entamer des négociations pour
l’élaboration de mesures concrètes et l’établissement d’objectifs quantifiés de limitation et de réduction
des émissions de gaz à effet de serre. Ce groupe a pris, comme base de négociations, les
orientations du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’évolution du Climat (GIEC)1. Lors de la
seconde réunion, à Genève en juillet 1996, les Parties ont pris l’engagement de parvenir à l’adoption
d’un instrument contraignant lors de leur troisième réunion prévue à Kyoto en décembre 1997.2 C’est
ainsi qu’est né le 11 décembre 1997 le Protocole de Kyoto.
Le Protocole de Kyoto : la consécration d’objectifs absolus de réduction des émissions de gaz
à effet de serre
Ce dernier impose à 38 pays industrialisés, dits « de l’Annexe 1 », qui l’ont ratifié de réduire les
émissions globales de GES 3 de 5% par rapport au niveau de leurs émissions en 1990, et ceci, entre
2008 et 2012. Un quota d’émissions de GES à ne pas dépasser a ainsi été fixé pour chacun des pays
compris sous l’Annexe 1. Conformément au principe directeur de responsabilités communes mais
différenciées, les pays en développement, qui ne portent pas la responsabilité historique de l’effet de
serre additionnel, n’ont pas eu d’engagements chiffrés de réduction de leurs émissions. La priorité
pour eux était que la lutte contre le changement climatique ne constitue pas un frein supplémentaire à
leur développement.
Les objectifs de réduction des émissions fixés pour les pays de l’Annexe 1 sont repris dans le tableau
ci-dessous.
PAYS
OBJECTIF DE
KYOTO
UE-15
- 8%
Bulgarie, République Tchèque, Estonie, Lituanie, Lettonie, Monaco, Roumanie, Slovaquie,
Slovénie, Liechtenstein, Suisse
- 8%
Etats-Unis
- 7%
Canada, Japon, Pologne, Hongrie
- 6%
Croatie
- 5%
Russie, Nouvelle-Zélande et Ukraine
0 %
Australie
+ 8%
Norvège
+ 1%
Islande
+ 10%
Les émissions de gaz à effet de serre des Parties représentées à l’Annexe 1 contribuent pour 61,6 %
des émissions mondiales. Mais, puisque les Etats-Unis et l’Australie n’ont pas ratifié le Protocole de
Kyoto, ils ne sont pas tenus de respecter l’objectif de réduction qui leur avait été initialement fixé. Par
conséquence, les émissions réellement couvertes ne représentent que 45% environ des émissions
1 Créé, en 1988, sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et de l’Organisation
météorologique mondiale (OMM).
2 Déclaration ministérielle, FCCC/CP/1996/L.17,18 juillet 1996, connue sous le nom de la « Déclaration de Genève ».
3 Six gaz à effet de serre émis par l’homme sont couverts par ce Protocole : le dioxyde carbone, le méthane, le protoxyde
d’azote et la famille des gaz fluorés (les hydrofluorocarbones (HFC), les hydrocarbures perfluorés (PFC) et l’hexafluorure de
soufre (SF6)).
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