Cahier-théâtre
En Coulisse...
Volume 3, no 2
Hiver-printemps 2009
2 $
présente
Une production de :
La Comédie Humaine
Mise en scène de :
Yvon Bilodeau
Maxime Allard
Yves Bélanger
Pierre-Yves Cardinal
Yves Corbeil
Isabelle Drainville
Xavier Dupont
Pierre Lafontaine
Agathe Lanctôt
Marc Legault
Julie Pelletier
Béatrice Picard
Pierre Potvin
Luc Prairie
Claire Rufiange
Andréanne Simard
Molière
L’Avare
L’Avare, page 2
Sommaire
Mot du metteur en scène 3
Le siècle de Molière 4
Littérature et théâtre au XVIIesiècle 6
Molière 9
Molière et ses écrits polémiques 12
L’Avare de Molière 14
Comédiens et concepteurs 16
Repères bibliographiques 18
Équipe de conception
Mise en scène : Yvon Bilodeau
Co-mise en scène : Pierre Potvin
Assistante à la mise en scène et régie : Andréanne Simard
Conception des décors : Claire Rufiange
Conception des costumes : Julie Pelletier
Conception des éclairages : Luc Prairie
Musique originale : Pierre Potvin
Maquillage et coiffure : Pierre Lafontaine
Directeur technique et de production
et manipulateur des éclairages : Xavier Dupont
Auteur de la courte pièce La Condition Humaine :Gilbert Dupuis
Vidéaste : Érik Johnson, Les Productions Satellite (www.satelliteproductions.ca)
Conceptrice graphique : Anne-Marie Charest
Rédacteur en chef : Pascal Grégoire
Correcteurs : Pascal Grégoire et Thérèse Bélanger
Photographe de production : Pierre Longtin
J’aimerais vous dire merci! Merci, tout d’abord à vous, chères spectatrices et chers spectateurs, d’être venus au
théâtre. Le but d’un directeur de troupe de théâtre, à mon avis, est de vous rassembler et de vous fournir une expéri-
ence théâtrale enrichissante et révélatrice de la passion qui nous habite. Pour vous présenter ce qui va être joué
devant vous, il a fallu ouvrir notre cœur et oser être ce que nous sommes.
Comme le décrit si bien le rédacteur en chef du cahier-théâtre En Coulisse, Pascal Grégoire :
« La présentation des personnages laisse voir deux grands thèmes dans L’Avare. Évidemment, l’œuvre parle de
l’avarice : l’obsession d’Harpagon débouche à une violence et à une folie dont les suites ne peuvent qu’être
funestes. Toutefois, Molière, plus que l’avarice, critique la tendance humaine à ramener tout à soi et à assouvir ses
désirs au détriment des autres. » …
L’Avare développe également un second thème : le mariage et la condition des femmes. Ce n’est pas le propos principal de la pièce, mais
Molière rappelle une fois encore le révoltant asservissement que subissent les femmes au XVIIesiècle. Élise et Mariane ont deux destins scel-
lés par la soif de pouvoir et d’argent des hommes, décidant pour elles sans même les consulter. Comme il l’avait fait dans Les Précieuses
ridicules, L’École des femmes et Les Femmes savantes, Molière suggère de traiter les femmes comme des personnes, non comme des objets. Au
XVIIesiècle, c’est là une chose fort audacieuse… (…)
L’Avare : une pièce comique, malgré tout!
Molière aborde des thèmes graves et peint des personnages parfois sombres dans L’Avare : n’a-t-il pas voulu aborder des thèmes sérieux avec
ses grandes comédies? Malgré ces apparences dramatiques, il ne faut pas perdre de vue que L’Avare est d’abord et avant tout, une comédie!
Ainsi, Molière déploie plusieurs procédés comiques dans lesquels il excelle. Les accumulations rendent presque ridicules les situations les plus
tristes ou les plus fâcheuses : ainsi, l’interminable énumération des objets prêtés à Cléante dans l’acte II a de quoi faire rire! Les nombreux
quiproquos, dont celui où Harpagon et Valère parlent d’un vol, sont fort comiques. Puisqu’ils poussent le malentendu jusqu’à un sommet, ils
provoquent souvent la colère incontrôlée des protagonistes. Aussi, les symétries montrent deux interlocuteurs en pleine dispute verbale, l’un
employant avec ironie des formules calquées sur l’autre. Ces réparties, rapidement exécutées, font ressortir la vivacité des personnages, le
ridicule de leur entêtement ou de leur asservissement, selon le cas.
C’est un peu pour tout ceci, que nous avons décidé de vous présenter notre vision de L’Avare.
En espérant vous faire redécouvrir ou découvrir Molière et vous le faire aimer comme nous l’aimons.
Martin Lavigne, directeur artistique
L’Avare
de MOLIÈRE
L’Avare, page 3
YVON BILODEAU : Metteur en scène
Comédien de formation, il a étudié à l’École nationale de théâtre du Canada. Depuis plusieurs années, il se consacre
à la mise en scène. Félix du metteur en scène de l’année 1997 pour le spectacle Vous attendez Bori.
Voici un bref résumé des productions auxquelles il a participé : Dieu Merci, AO La fantastique légende, Dix-huit trous
pour quatre, Vertige de bureau, Amadeus, Le Malade imaginaire, Les Fourberies de Scapin, La Tempête, Arlecchino, valet de
deux maîtres, Cyrano, Juliette et les autres, Les Nonnes… En plus, il est co-auteur-compositeur et concepteur des albums
d’Edgar Bori, Vire et valse la vie et Bori.
Monter L’Avare, c’est choisir de parler d’argent, de cupidité. Il est totalement inutile d’actualiser cette pièce : elle est
moderne et indémodable. Comme l’est la cupidité ; l’amour irraisonné de l’argent. Molière lui-même a dû pondre cette
comédie en 48 heures pour obtenir une commandite du Roi-Soleil !
Il est agréable de rire de l’avaricieux Harpagon en autant que nous ne soyons pas concernés. Il en va tout autrement pour
ses proches : son fils Cléante et sa fille Élise, pris entre quatre murs d’une maison qui ressemble plutôt à une prison ; les
valets de cette maison austère : Maître Jacques le cuisinier, forcé de nourrir la maisonnée avec trop peu de moyens, Maître
Jacques le cocher, qui doit s’enlever le peu de nourriture de la bouche pour le donner à ses chevaux. Tout ce beau monde
est contraint, pour survivre, de mener une double vie. Mentir ou dire la vérité peut mener à de fâcheux coups de bâton.
L’avarice aveugle Harpagon. Il ne se soucie pas de ce qu’il inflige aux autres : il ne songe qu’à l’argent et au confort
qu’il peut en obtenir.
Si les grandes œuvres traversent les siècles c’est qu’elles sont un miroir de l’humanité. Nous en contemplons les per-
sonnages comme nous regardons les voisins par la fenêtre. Il est agréable de rire d’eux en autant que nous ne soyons
pas concernés. Mais nous sommes tous le voisin de quelqu’un …
Yvon Bilodeau
GILBERT DUPUIS : Auteur de La Condition Humaine, courte pièce préparatoire.
Comédien, auteur dramatique et romancier, Gilbert Dupuis a travaillé dans le théâtre pour l'enfance et la jeunesse
après de compagnies comme Le Théâtre de Quartier et Dynamo Théâtre. Ses oeuvres dramatiques publiées chez
VLB éditeur et à L'Hexagone se sont mérités le prix du Signe d'or de Radio Québec (Kushapatshikan ou La tente
tremblante) et le Prix du Gouverneur général du Canada (Mon oncle Marcel qui vague vague près du métro Berri).
Sa trilogie romanesque autour de la geste automatiste (L'Étoile noire, Les Cendres de Correlieu et La Chambre morte)
est publié chez VLB.
Molière. Le nom, encore aujourd’hui, fait rêver tous ceux qui pensent au théâtre de près ou de loin. Pourquoi?
Probablement parce qu’au départ, il était rebelle. Son père lui offre sur un plateau d’argent un confortable travail de
tapissier à la cour. Il refuse. On l’oblige à faire des études. Il les fait. Puis abandonne tout pour le théâtre, l’amour et la
rue. Le jeune Molière part sur les routes de France jouer la comédie. Il bégaie. Qu’à cela ne tienne. L’aventure est trop
belle pour ne pas la vivre pleinement. Comédien errant, crevant de faim plus souvent qu’à son tour, il forge ses textes à
même les réactions du public. Des textes qui exploseront à Paris, sous la protection du roy. Puis, plus tard, dans le monde
entier. Parce que Molière révèle au grand jour les monstres qui nous habitent, il est l’auteur français le plus joué sur la
planète. Que révèle l’Avare, sinon notre immense désir de vaincre la mort par l’accumulation de richesses? Nous con-
sommons sans vergogne tout ce qui nous tombe sous la patte. Cela nous donne l’illusion d’être. Nous sommes des con-
formistes. Nous avons peur de l’aventure, de l’amour, de la vie. Puisse cet avare vous donner le goût d’être, à l’instar de
son auteur, un rebelle, préférant la beauté réelle des rues à celle, toute aseptisée, des XBox et autres Nintendo du monde!
Gilbert Dupuis
L’Avare, page 4
LE GRAND SIÈCLE : UN TEMPS NOUVEAU
Que la Terre gravite autour du Soleil, aujourd’hui, nul n’en
doute. Pourtant, puisqu’il professe sa foi en cette hypothèse, Galilée
est pourchassé par l’Inquisition, menacé de torture par des proches du
pape Urbain VIII, puis condamné à prison à vie en 1633! Il faut dire
que depuis l’Antiquité grecque, on croit que les corps célestes tour-
nent autour de la Terre, immobile, suspendue dans un Univers aux
limites définies. Cette théorie, le géocentrisme, rejoint les dires de
l’Église : l’Homme, créé à l’image de Dieu, serait le centre de toutes
choses, la raison même de l’existence de l’univers.
Cette conception a des répercussions jusque dans la vie artistique. Les
créateurs admirent, vénèrent les splendeurs de la nature, qu’on dit le
reflet le plus fidèle du visage de Dieu. Ainsi, l’art sert à chanter les
louanges de cette création. En sculpture, en peinture ou en littérature,
les œuvres artistiques misent sur le foisonnement, sur la description
des détails et du caractère inconstant des choses: c’est le mouvement
baroque.
Graduellement, au fil des observations scientifiques, on invalide le
géocentrisme pour cautionner l’héliocentrisme, la théorie dont Galilée
s’est fait le défenseur. C’est une révolution : en plus de réaliser que la
Terre n’est pas le centre de l’Univers, on découvre qu’elle n’est qu’un
corps céleste parmi des milliers à flotter dans un cosmos sans limites!
«Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie» : la pensée 187
de Blaise Pascal résume bien l’angoisse que crée cette découverte.
L’art subit encore des mutations pour s’adapter aux idées du temps et,
peut-être, à la peur qu’elles génèrent. Les écrivains et les philosophes
se tournent alors davantage vers l’intérieur de l’humain, scrutant les
passions qui l’animent. La littérature se fait plus formelle et imite des
genres sûrs, ayant traversé le temps : là réside un trait important du
mouvement classique qui naît, succédant graduellement au baroque.
La société européenne de l’époque change au même rythme que l’art et
les idées. Pendant la première partie du siècle, alors que le mouvement
baroque atteint son apogée, le gouvernement de la France est instable :
Henri IV, Marie de Médicis, le cardinal de Richelieu, Louis XIII, Anne
d’Autriche et Mazarin se succèdent à la tête de l’État! Il faut attendre
l’avènement de Louis XIV pour que les divisions et l’insécurité
cessent. Le Roi Soleil réduit considérablement le pouvoir de la
noblesse et favorise la bourgeoisie, qui contribue davantage à la vita-
lité économique du royaume. Ce changement majeur élimine la multi-
tude de petits centres décisionnels provinciaux et concentre la vie de la
France autour d’un lieu : Paris. L’époque baroque s’éteint à petit feu :
c’est l’avènement de la monarchie absolue et de l’ère classique.
Désormais seul véritable décideur, le Roi Soleil a la liberté de façon-
ner le nouveau visage de son royaume en édictant la norme dans tous
les domaines. Il impose une certaine homogénéité en art, en architec-
ture, en danse, en théâtre, en littérature. Il gère même la vie religieuse
du royaume : quand il devient profondément croyant, il révoque
l’Édit de Nantes, qui conférait la liberté de culte aux protestants. En
France, on ne peut plus qu’être catholique. Cette homogénéité est
poussée à son paroxysme dans la vie politique : il est l’unique sou-
verain, celui qui décide de tout en tout. C’est ce qu’on appelle la
monarchie absolue, cœur même du XVIIesiècle en France. Toutefois,
un tel système politique ne saurait résister éternellement. Les dérives
du régime et l’incapacité des successeurs de Louis XIV à le perpétuer
mèneront tout droit à la grogne populaire et, ultimement, à la
Révolution de 1789.
Le procès de Galilée, XVIIesiècle, Coll. part.
LE SIÈCLE DE MOLIÈRE
L’Avare, page 5
VERSAILLES :
L’ÉPICENTRE DU RÈGNE DE LOUIS XIV
Si tout gravite maintenant autour de Louis XIV, tout converge
vers un seul lieu : Versailles. Bien que le souverain possède plusieurs
palais, dont celui du Louvre, à Paris, il a préféré bâtir de toutes pièces
sa résidence. La démesure de cette habitation n’est pas pur orgueil :
elle constitue un véritable outil politique. En mettant en branle un tel
chantier, le Roi Soleil montre clairement à ses adversaires, français ou
étrangers, la grandeur de son règne, malgré les échecs militaires, les
querelles et les guerres intestines.
Versailles sous Louis XIII
Construit sous Louis XIII, Versailles n’a rien du fastueux et splen-
dide château que nous connaissons aujourd’hui. En 1623, ce n’est qu’un
petit pavillon de chasse de 25 mètres par 23 au cœur d’une forêt riche en
gibier. Homme rustique et peu enclin aux plaisirs de la cour, le père de
Louis XIV s’y rend fréquemment, mais n’y exerce pas ses fonctions offi-
cielles, sauf une fois. En effet, c’est à Versailles que Louis XIII reçoit le
cardinal de Richelieu, évincé du pouvoir, et lui réitère sa confiance. Il
s’agit là de la première utilisation du château à des fins politiques. Ce
Versailles rustique, retiré et quasi sauvage, Louis XIV enfant le visite
lorsqu’il accompagne sporadiquement son père à la chasse.
Versailles sous Louis XIV
Le 10 mars 1661, à l’âge de 23 ans, Louis XIV annonce qu’il
prend personnellement les rênes de la France. Le château nouvellement
bâti de Fouquet1, par son caractère innovateur et somptueux, surclasse
alors toutes les résidences royales : cela heurte le jeune souverain.
Rapidement, Louis XIV ordonne la rénovation du petit pavillon de
Versailles : on y crée trois cours et on y dessine de somptueux jardins
où trône, entre autres, une volière peuplée de pélicans, d’autruches et
de cigognes.
Du 6 au 14 mai 1664, Louis XIV convoque la cour dans les jardins de
Versailles pour une fête d’envergure : Les Plaisirs de l’île enchantée.
Pendant cette semaine grandiose, Molière et Jean-Baptiste Lully
créent plusieurs œuvres théâtrales et musicales. Les défilés se suc-
cèdent, colorés par d’innombrables costumes ornés de pierreries,
éclairés par nombre de flambeaux. On sert des collations fines, vérita-
bles festins exotiques. Les chevaux, les animaux les plus rares, mais
aussi des artisans et des artistes paradent, divertissent, étonnent.
Environ 600 nobles prennent part à ces fêtes qui laissent déjà entrevoir
la grandeur du règne de Louis XIV.
Après ce coup d’éclat, la rénovation de Versailles se poursuit. En
1666, on assèche les marais entourant le château. On pompe l’eau de
la Seine à l’aide de la machine de Marly, on l’accumule dans d’im-
menses réservoirs et on la canalise pour alimenter un complexe et
vaste réseau de fontaines, disposées dans les jardins. Louis XIV veut
mettre la nature à sa main : après avoir domestiqué et maîtrisé la
végétation, il dompte l’eau, la contraignant à couler par les fontaines.
En 1668, le souverain donne le Grand Divertissement, une autre fête
grandiose qui permet d’apprécier les changements opérés à Versailles.
Onze ans plus tard, Louis XIV rend publique une grande décision : il
fait de Versailles son unique résidence royale. La décision surprend et
choque! On dit que le roi a choisi «le plus triste et le plus ingrat de
tous les lieux», un endroit «sans vue, sans bois, sans eau, sans terre,
parce que tout y est sable mouvant ou marécage, sans air par con-
séquent qui n’y peut être bon». Néanmoins, le Roi Soleil a tranché! Si
le lieu est austère, il est doté d’un atout que les autres emplacements
ne possèdent pas : il est la création du monarque régnant…
Des travaux d’envergure sont alors engagés et se poursuivent jusqu’en
1682, date à laquelle la cour s’établit définitivement à Versailles. Le
château, entièrement redessiné, agrandi, repensé et redécoré prend
l’aspect que nous lui connaissons maintenant et devient le centre de la
vie politique, sociale, artistique et religieuse : c’est l’apothéose du
règne de Louis XIV.
La vie au château
Le quotidien à Versailles est rythmé par un horaire ferme et une éti-
quette rigide. Ainsi, à chaque matin, assister à un des deux levers du roi
constitue un grand privilège. Au terme d’une nuit de sommeil d’environ
neuf heures, sous l’œil vigilant d’un valet, on réveille Louis XIV.
Louis XIV, roi de France par Hyacinthe Rigaud (1659-1743), musée du Louvre, Paris.
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