L’Avare, page 5
VERSAILLES :
L’ÉPICENTRE DU RÈGNE DE LOUIS XIV
Si tout gravite maintenant autour de Louis XIV, tout converge
vers un seul lieu : Versailles. Bien que le souverain possède plusieurs
palais, dont celui du Louvre, à Paris, il a préféré bâtir de toutes pièces
sa résidence. La démesure de cette habitation n’est pas pur orgueil :
elle constitue un véritable outil politique. En mettant en branle un tel
chantier, le Roi Soleil montre clairement à ses adversaires, français ou
étrangers, la grandeur de son règne, malgré les échecs militaires, les
querelles et les guerres intestines.
Versailles sous Louis XIII
Construit sous Louis XIII, Versailles n’a rien du fastueux et splen-
dide château que nous connaissons aujourd’hui. En 1623, ce n’est qu’un
petit pavillon de chasse de 25 mètres par 23 au cœur d’une forêt riche en
gibier. Homme rustique et peu enclin aux plaisirs de la cour, le père de
Louis XIV s’y rend fréquemment, mais n’y exerce pas ses fonctions offi-
cielles, sauf une fois. En effet, c’est à Versailles que Louis XIII reçoit le
cardinal de Richelieu, évincé du pouvoir, et lui réitère sa confiance. Il
s’agit là de la première utilisation du château à des fins politiques. Ce
Versailles rustique, retiré et quasi sauvage, Louis XIV enfant le visite
lorsqu’il accompagne sporadiquement son père à la chasse.
Versailles sous Louis XIV
Le 10 mars 1661, à l’âge de 23 ans, Louis XIV annonce qu’il
prend personnellement les rênes de la France. Le château nouvellement
bâti de Fouquet1, par son caractère innovateur et somptueux, surclasse
alors toutes les résidences royales : cela heurte le jeune souverain.
Rapidement, Louis XIV ordonne la rénovation du petit pavillon de
Versailles : on y crée trois cours et on y dessine de somptueux jardins
où trône, entre autres, une volière peuplée de pélicans, d’autruches et
de cigognes.
Du 6 au 14 mai 1664, Louis XIV convoque la cour dans les jardins de
Versailles pour une fête d’envergure : Les Plaisirs de l’île enchantée.
Pendant cette semaine grandiose, Molière et Jean-Baptiste Lully
créent plusieurs œuvres théâtrales et musicales. Les défilés se suc-
cèdent, colorés par d’innombrables costumes ornés de pierreries,
éclairés par nombre de flambeaux. On sert des collations fines, vérita-
bles festins exotiques. Les chevaux, les animaux les plus rares, mais
aussi des artisans et des artistes paradent, divertissent, étonnent.
Environ 600 nobles prennent part à ces fêtes qui laissent déjà entrevoir
la grandeur du règne de Louis XIV.
Après ce coup d’éclat, la rénovation de Versailles se poursuit. En
1666, on assèche les marais entourant le château. On pompe l’eau de
la Seine à l’aide de la machine de Marly, on l’accumule dans d’im-
menses réservoirs et on la canalise pour alimenter un complexe et
vaste réseau de fontaines, disposées dans les jardins. Louis XIV veut
mettre la nature à sa main : après avoir domestiqué et maîtrisé la
végétation, il dompte l’eau, la contraignant à couler par les fontaines.
En 1668, le souverain donne le Grand Divertissement, une autre fête
grandiose qui permet d’apprécier les changements opérés à Versailles.
Onze ans plus tard, Louis XIV rend publique une grande décision : il
fait de Versailles son unique résidence royale. La décision surprend et
choque! On dit que le roi a choisi «le plus triste et le plus ingrat de
tous les lieux», un endroit «sans vue, sans bois, sans eau, sans terre,
parce que tout y est sable mouvant ou marécage, sans air par con-
séquent qui n’y peut être bon». Néanmoins, le Roi Soleil a tranché! Si
le lieu est austère, il est doté d’un atout que les autres emplacements
ne possèdent pas : il est la création du monarque régnant…
Des travaux d’envergure sont alors engagés et se poursuivent jusqu’en
1682, date à laquelle la cour s’établit définitivement à Versailles. Le
château, entièrement redessiné, agrandi, repensé et redécoré prend
l’aspect que nous lui connaissons maintenant et devient le centre de la
vie politique, sociale, artistique et religieuse : c’est l’apothéose du
règne de Louis XIV.
La vie au château
Le quotidien à Versailles est rythmé par un horaire ferme et une éti-
quette rigide. Ainsi, à chaque matin, assister à un des deux levers du roi
constitue un grand privilège. Au terme d’une nuit de sommeil d’environ
neuf heures, sous l’œil vigilant d’un valet, on réveille Louis XIV.
Louis XIV, roi de France par Hyacinthe Rigaud (1659-1743), musée du Louvre, Paris.