Méningites tuberculeuses : difficultés diagnostiques et thérapeutiques

Méningites tuberculeuses :
difficultés diagnostiques et thérapeutiques
Tuberculous meningitis: diagnosis and therapeutic difficulties
Frédéric Janvier
1,2
Audrey Mérens
1
Michel Fabre
3
Hervé Delacour
1,2
Christophe Pelletier
4
Charles Soler
3
Christophe Rapp
2,5
Jean-Didier Cavallo
1,2
1
Service de biologie médicale,
Hôpital dinstruction des armées Bégin,
Saint Mandé
2
Ecole du Val-de-Grâce,
Paris
3
Service de biologie médicale,
Hôpital dinstruction des armées Percy,
Clamart
4
Service de réanimation,
Hôpital dinstruction des armées Bégin,
Saint Mandé
6
Service des maladies infectieuses
et tropicales,
Hôpital dinstruction des armées Bégin,
Saint Mandé
Article reçu le 13 novembre 2009,
accepté le 11 décembre 2009
Résumé. En 2010, la tberculose demeure un problème de santé publique avec
9,2 millions de nouveaux cas et 1,7 million de décès par an dans le monde.
La localisation méningée des infections à Mycobacterium du complexe tuber-
culosis est rare (0,5 à 1 % des cas), mais son pronostic est sévère. Tout retard
diagnostique est source déchec thérapeutique et de séquelles graves. Malgré
les techniques actuelles de biologie moléculaire, le diagnostic étiologique reste
un défi pour le biologiste. Nous rapportons deux observations de méningites
tuberculeuses avec des présentations cliniques et biologiques différentes, illus-
trant les difficultés diagnostiques et thérapeutiques. Le premier cas retrace une
co-infection tuberculose-virus de limmnunodéficience humaine (VIH) et le
deuxième une méningite tuberculeuse avec une souche multirésistante. Dans
les deux cas, lévolution a été péjorative avec lésions neurologiques majeures
et décès. Les moyens diagnostiques à la disposition du biologiste sont exposés
dans cet article.
Mots clés : tuberculose méningée, diagnostic, traitement
Abstract. Tuberculosis remains a public-health problem in 2010 with 9 mil-
lions cases and 1,7 million deaths worldwide each year. Tuberculosis menin-
gitis is rare (0.5 to 1%) but is associated with high mortality and disability
among survivors. An early starting of treatment is crucial. Despite molecular
biology methods, microbiological diagnosis remains a challenge for the biolo-
gist. We report here 2 cases of tuberculous meningitis with different clinical
and biological presentations, which underline diagnosis and therapeutic diffi-
culties encountered in the management of this disease. The first one occurred
in an HIV infected patient and the second one was caused by a multidrug-
resistant strain. Clinical issues were severe with important neurological residual
disability and death. Biological methods available for tuberculous meningitis
diagnosis are exposed.
Key words: tuberculosis, meningitis, diagnosis, treatment
En 2010, la tuberculose demeure un problème de santé
publique avec 9,2 millions de nouveaux cas et 1,7 million
de décès par an dans le monde. Cette maladie bactérienne,
endémique dans les pays en développement fortement
touchés par le virus de limmunodéficience humaine
(VIH), népargne pas la France avec environ 5 500 cas
déclarés par an, soit une incidence globale de 8,9 cas
pour 100 000 habitants [1]. Il existe de fortes disparités
avec des incidences élevées chez les migrants et les
personnes résidant en Ile de France ou en Guyane.
Linfection, causée par une mycobactérie du complexe
tuberculosis, touche tous les organes richement vasculari-
sés et principalement les poumons, le foie, la rate, les
reins et les méninges. Latteinte du système nerveux
central (SNC) est une des expressions les plus sévères
de la maladie pour laquelle le retard diagnostique est
biologie au quotidien
Ann Biol Clin 2010 ; 68 (3) : 355-61
doi: 10.1684/abc.2010.0438
Ann Biol Clin, vol. 68, n
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source déchec thérapeutique et de séquelles graves. En
France, les formes méningées nont représenté que
85 cas en 2007, soit 1,5 % [1]. Du fait de leur rareté, de
leur insidiosité et de leur polymorphisme clinique, le diag-
nostic de certitude demeure un défi pour le biologiste et le
clinicien. Dans cet article, nous illustrerons ces difficultés
à travers deux cas de méningites tuberculeuses et nous
évaluerons les moyens diagnostiques disponibles pour le
clinicien et le biologiste en 2009.
Première observation
Madame D., âgée de 36 ans, dorigine camerounaise, sans
antécédent, réside en France depuis 2 ans. Elle est rapa-
triée du Cameroun, où elle était en voyage, pour un coma
fébrile dinstallation progressive. À ladmission, elle pré-
sente un score de Glasgow à 10, une raideur de la nuque,
des pupilles réactives, symétriques et une hyperthermie à
38 °C. Les examens cardiovasculaire, pulmonaire, digestif
ne sont pas contributifs et il nexiste pas de purpura.
Les bilans hématologique et biochimique objectivent une
lymphopénie (0,79 G/L) et un état inflammatoire (CRP :
60 mg/L). La recherche de Plasmodium (frottis sanguin,
goutte épaisse, technique immunochromatographique) est
négative. La ponction lombaire réalisée en urgence met en
évidence un liquide céphalorachidien (LCR) trouble,
hypercelluaire (1 750/mm
3
) avec une formule panachée
(66 % de lymphocytes et 34 % de polynucléaires neutro-
philes [PNN]), une hyperprotéinorachie (7,2 g/L), une
hypoglycorachie (2,3 mmol/L) pour une glycémie
(7,2 mmol/L) et une hypochlorurorachie (102 mmol/L).
Les examens directs après coloration de Gram et à lencre
de Chine sont négatifs. La recherche de virus Herpes
Simplex (HSV) de type 1 et 2 par PCR en temps réel
est négative (LC HSV 1/2 Qual Kit
®
, Roche) ; la sérolo-
gie VIH est positive.
LIRM cérébrale montre une prise de contraste leptoménin-
gée associée à une hydrocéphalie majeure sans lésion focale
intracérébrale. Chez cette patiente infectée par le VIH, ori-
ginaire dAfrique subsaharienne, la découverte dune
méningite à formule panachée nous incite à rechercher une
méningoencéphalite tuberculeuse. Lexamen direct pro-
longé (30 minutes) après coloration de Ziehl-Neelsen révèle
la présence de très rares bacilles acido-alcoolo résistants
(BAAR) (1 pour 100 champs). Ladénosine désaminase
(ADA) est élevée : 30 U/L (N < 1,5 U/L). La PCR en
temps réel sur LCR est positive et confirme lappartenance
au complexe tuberculosis (Artus
®
Mycobac. diff. LC PCR
kit). Les cultures sur milieu de Löwenstein-Jensen (positives
à J25) ont permis didentifier Mycobacterium africanum.
Lantibiogramme retrouve une souche sensible aux antitu-
berculeux de première ligne.
Il sagit donc dune méningoencéphalite tuberculeuse révé-
latrice dune infection par le VIH au stade C3 (sida), avec
des lymphocytes T CD4
+
à68/mm
3
. La charge virale VIH-1
sérique est mesurée à 22 400 copies/mL (4,35 log 10).
En dépit de linstauration dune quadrithérapie anti-
tuberculeuse par isoniazide (INH), rifampicine (RMP),
éthambutol (EMB) et pyrazinamide (PZA) associée à une
trithérapie antirétrovirale (emtricitabine, ténofovir, éfavi-
renz) bien conduite, lévolution à 1 an est péjorative avec
la persistance dune tétraparésie, dune hydrocéphalie
nécessitant une dérivation, dun état pauci-relationnel et
de complications liées à lalitement prolongé. La patiente
décède un an et demi plus tard de sepsis.
Seconde observation
Monsieur K., âgé de 32 ans, originaire du Mali et résidant
en France depuis 1999, consulte pour des céphalées fronto-
occipitales, une insomnie et de la fièvre, évoluant depuis
7 jours. Il ne rapporte aucun antécédent médical particulier.
Lexamen clinique retrouve une fièvre associée à une agi-
tation et une désorientation temporospatiale. Il ny a pas de
raideur méningée ni de signes neurologiques focaux.
Le reste de lexamen clinique est sans particularité. Sur le
plan biologique, on note une hyponatrémie (127 mmol/L).
Lexamen du LCR révèle une hypercellularité avec une
formule panachée à prédominance lymphocytaire (610
éléments/mm
3
, 77 % de lymphocytes, 23 % de PNN),
une hyperprotéinorachie (1,81 g/L), une hypoglycorachie
(1,4 mmol/L pour une glycémie à 2,2 mmol/L) et une
hypochlorurorachie (112 mmol/L). Lexamen direct des
colorations de Gram, à lauramine et de Ziehl-Neelsen est
négatif ainsi que les PCR « mycobactéries » (Artus
®
Mycobac. diff. LC PCR kit). Lapparition de convulsions
justifie la mise sous ventilation mécanique associée à un
traitement probabiliste par aciclovir. LIRM cérébrale
confirme la présence de multiples lésions punctiformes
corticales et sous-corticales se rehaussant en T1 après
injection de gadolinium. La PCR à la recherche des virus
HSV1 et HSV2 est négative. Le bilan dextension révèle
un infiltrat micronodulaire et des nodules excavés sur le
scanner thoracique. La sérologie VIH est négative.
LADA dans le LCR est élevée : 11 UI/L, ainsi que la
concentration de linterféron gamma 4,1 UI/mL (N < 0,35,
QuantiFERON-TB Gold In Tube
®
). Lensemble de ces
données est fortement évocateur dinfection tuberculeuse
et motive la mise en place rapide dune quadrithérapie
anti-tuberculeuse.
Les cultures se positivent au 30
e
jour (6 colonies/tube).
Les techniques de biologie moléculaire confirment la
présence de Mycobacterium du complexe tuberculosis
biologie au quotidien
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(AccuProbe
®
,Gen-probe,bioMérieux).Lanalyse des
mutations des gènes rpoB et katG (Genotype MTDRplus
®
,
Hain-diagnostika) permet de classer cette souche en
multirésistante (résistance RMP et INH). Le schéma
thérapeutique est alors modifié avec un arrêt de lINH et
de la RMP. Le PZA est poursuivi en association avec la
lévofloxacine, léthionamide, le linézolide et lamikacine.
Lévolution initiale du patient est marquée par la persistance
dun syndrome confusionnel, dune comitialité, de troubles
de déglutition et de lésions nodulaires sur lIRM cérébrale.
Le patient décède au 3
e
mois dans les suites dune hémorra-
gie cérébrale.
Le point de vue du biologiste
Le diagnostic de tuberculose neuroméningée (TNM) est
complexe et le biologiste joue un rôle central dans la
confirmation diagnostique et dans ladaptation du proto-
cole thérapeutique.
Diagnostic initial
La ponction lombaire est lexamen de choix qui permettra
la réalisation dexamens cytologiques, bactériologiques et
biochimiques. Lexamen initial du LCR retrouve classi-
quement un liquide hypercellulaire (300 éléments/mm
3
)
à prédominance lymphocytaire (lymphocytes 64 %, poly-
nucléaires 36 %) [2], une hypoglycorachie (< glycémie/2),
une hypochlorurorachie (< 110 mmol/L) et une protéino-
rachie supérieure à 1,0 g/L, comme observée chez ces
deux patients (tableau 1).
Lexamen direct du LCR à la recherche de BAAR seffec-
tue en deux étapes avec une coloration à lauramine, puis
pour les lames positives, avec une coloration de Ziehl-
Neelsen. La coloration à lauramine nécessite un micro-
scope à fluorescence mais la lecture est plus aisée, plus
rapide et plus sensible quune coloration classique.
Le seuil de sensibilité microscopique est estimé à 10
4
BAAR/mL [3]. Cet examen direct est une méthode rapi-
dement disponible, mais sa sensibilité est faible, comme
pour lensemble des liquides de ponction. Elle varie de
10 à 91 % selon le volume de LCR prélevé et la durée
de lexamen microscopique (tableau 2). Les sensibilités
les plus élevées rapportées dans la littérature sont obte-
nues après centrifugation de volumes de LCR très impor-
tants (6 à 20 mL), rarement disponibles en pratique, et
après un examen direct de 30 minutes [4]. Ce volume
de LCR nous semble même impossible à obtenir en pra-
tique courante. Cependant, un des rôles du biologiste est
de préciser au clinicien la nécessité dun volume de LCR
correct. Afin de pouvoir pratiquer les examens cytologi-
ques, biochimiques, lensemencement bactériologique de
base, lexamen direct à la recherche de BAAR sur le
volume le plus important possible, lensemencement sur
milieux solides Lowenstein Jensen et sur milieu liquide, le
dosage de lADA et effectuer les PCR nécessaires (myco-
Difficulte
´s diagnostiques et the
´rapeutiques des me
´ningites tuberculeuses
Tableau 1. Données biologiques comparatives des patients
et de la littérature [2].
Patient
n˚ 1
Patient
n˚ 2
[2]
(n = 143)
Leucocytes (G/L) 5 570 7 480 9 800
– PNN (%) 89 75 80
– lymphocytes (%) 4 130 15 Nd
Natre
´mie (mmol/L) 60 127 135
CRP (mg/L) < 5 Nd
LCR
– cellularite
´(/mm
3
) 1 750 610 300
– lymphocytes (%) 66 77 64
– polynucle
´aires
neutrophiles (%)
32336
– glycorachie (mmol/L) 2,03 1,4 1,54
– chlorurorachie (mmol/L) 102 112 85-120
– prote
´inorachie (g/L) 7,2 1,81 1,91
– ade
´nosine de
´saminase
(U/L)
30 11 Nd
Interfe
´ron gamma (UI/L) Nd 4,1 Nd
Se
´rologie VIH Positive VIH-1 Ne
´gative Nd
Diagnostic mole
´culaire Nd
– sur LCR Positif Ne
´gatif
(AMTD
®
Gen-probe,
Artus
®
Mycobac. diff. LC
PCR kit)
– identification M. africanum M. tuberculosis
Antibiogramme Nd
– biologie mole
´culaire
(Genotype MTDR plus
®
,
HAIN-diagnostika)
Absence
de mutation
Mutations rpoB
et katG
– phe
´notypique Multisensible Re
´sistant INH,
RMP
Tableau 2. Sensibilité et spécificité des différentes techniques
diagnostiques de tuberculose sur le liquide céphalorachidien.
Sensibilite
´Spe
´cificite
´Re
´fe
´rence
Examen direct (Ziehl-Neelsen)
6 mL, 30 minutes de lecture 58 % [15]
10-20 mL, 30 minutes de lecture 91 % [4]
Culture (Lowenstein-Jensen) 71 % 100 % [15]
Biologie mole
´culaire
Gene-Probe AMTD 94 % 99 % [3]
Roche Amplicor MTB PCR 60 % 100 % [3]
PCR IS 6110 76 – 98 % 89 – 100 % [7, 8]
PCR niche
´eMPB 64 53 – 70 % 88 – 100 % [9, 10]
PCR niche
´e quantitative 56 % 100 % [11]
Ade
´nosine de
´saminase (7 U/L) 83 % 83 % [13]
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bactéries, HSV 1 et 2 +/- entérovirus), nous évaluons ce
volume à 2,8 à 3 mL soit un total de 90 à 100 gouttes. Un
volume de LCR insuffisant est un problème classique en
laboratoire dans ce contexte.
Dans certains laboratoires, des méthodes commerciales
damplification génique sont réalisées sur le LCR et ce
même en cas dexamen direct négatif. Ces techniques
utilisent :
une réaction de PCR dun fragment du gène codant
lARN 16S de M. tuberculosis (Amplicor Mycobacterium
Test
®
, Roche Diagnostic System) ;
une PCR en temps réel ciblant des séquences des com-
plexes tuberculosis et avium (Artus
®
Mycobac. diff. LC
PCR kit);
une amplification transcriptionelle spécifique de lARN
16S suivie dune hybridation (AMTD
®
, Gen-Probe bio-
Mérieux) ;
une méthode damplification-ligation (LCx MTB
®
,
Abbott) ;
une méthode damplification par déplacement de brin
(BD Probe Tec
®
, Becton Dickinson).
Ces techniques ne sont pas validées pour le LCR et expo-
sent à des faux négatifs en présence dinhibiteur, dun
faible volume ou dun faible nombre de BAAR. Une
méta-analyse a estimé leur sensibilité à environ 56 % et
leur spécificité à 98 %, leur conférant ainsi un rôle de
confirmation et ne permettant en aucun cas lexclusion
de tuberculose [5]. Les sensibilités obtenues pour les tech-
niques de biologie moléculaire diffèrent également selon
que les échantillons biologiques sont positifs ou négatifs à
lexamen microscopique : près de 100 % de sensibilité
pour les échantillons avec examen direct positif et 60 %
pour les échantillons avec examen direct négatif [6]. Nos
observations sont en accord avec ces données, avec une
PCR positive sur LCR uniquement chez la patiente avec
examen direct positif.
Dautres techniques de biologie moléculaire existent :
PCR de la séquence dinsertion IS 6110, qui est une
séquence répétée uniquement retrouvée chez les mycobac-
téries du complexe tuberculosis [7, 8] ;
PCR nichée de la région MPB64, région codant pour
une protéine retrouvée chez les mycobactéries du com-
plexe tuberculosis [9, 10] ;
PCR nichée quantitative en temps réel, méthode com-
plexe, longue et peu sensible (56 %) [11] ;
PCR de la région codant de lARN 16S ribosomal suivi
dun séquençage.
Ces dernières PCR ont une assez bonne spécificité (89-
100 %), mais présentent des sensibilités très variables
dune technique à lautre : 76 à 98 % pour la PCR IS
6110 [7, 8], 53 à 91 % pour la PCR nichée MPB64 [9].
Lutilisation de ces techniques est prometteuse, mais ne
remplace pas à lheure actuelle lexamen microscopique.
Le biologiste doit donc informer le clinicien sur la faible
valeur prédictive négative de ces techniques : une ampli-
fication négative nexclut pas une infection.
À côté de ces techniques visant à mettre directement en
évidence le bacille ou son génome, il existe actuellement
des techniques complémentaires étayant la suspicion de
tuberculose. La mesure dactivité de ladénosine désami-
nase (ADA) dans le LCR est une méthode simple et peu
coûteuse, permettant de conforter le clinicien dans la prise
en charge précoce des infections tuberculeuses du système
nerveux central (SNC). LADA est une enzyme ubiqui-
taire nécessaire à la prolifération et à la différenciation
lymphocytaire. Elle est très largement retrouvée dans les
lymphocytes T activés lors dun processus infectieux à
médiation cellulaire, ce qui explique laugmentation de
son activité dans les liquides de ponction infectés par
une mycobactérie. Cette analyse ne doit être réalisée
quaprès avoir éliminé une méningite purulente ou oppor-
tuniste (cryptococcose, toxoplasmose) qui sont des causes
daugmentation de lADA [12]. Après revue de la littéra-
ture, un seuil entre 5 et 9 UI/L permet dobtenir une
sensibilité entre 57 et 92 %. Une valeur de 7 UI/L semble
être le meilleur compromis sensibilité/spécificité (82 %/
83 %) [13]. Le dosage sérique de linterféron gamma par
technique Elisa ou Elispot peut également être utilisé
dans ce contexte (QuantiFERON-TB Gold In Tube
®
,
T-SPOT.TB
®
). Une des indications validée en France est
«laide au diagnostic de formes extrapulmonaires de
tuberculose maladie ». Cette technique reste cependant
limitée aux patients de plus de 15 ans non immunodépri-
més [14]. Sa place chez le sujet VIH reste à définir.
Culture, identification et antibiogramme
La culture sur milieu solide de Löwenstein-Jensen
demeure le « gold standard », avec une sensibilité de
71 % pour le LCR [15], mais doit être impérativement
associée à une culture en milieu liquide. La culture en
milieu liquide présente de nombreux avantages :
une précocité de positivité (gain de 1 à 2 semaines en
fonction de linoculum bactérien) ;
une lecture automatisée ;
la possibilité dhybridation moléculaire et bientôt de
diagnostic antigénique (SD Bioline
®
TB Ag MPT 64,
SD) à partir de ce milieu ;
la réalisation dantibiogramme en milieu liquide.
Lensemble des étapes didentification et dantibiogramme
seffectue en laboratoire de microbiologie avec un niveau
sécurité L3.
Lidentification de Mycobacterium tuberculosis repose sur
laspect macroscopique des colonies sur milieu solide
(aspect rugueux, blanchâtre), sur les caractères biochimi-
biologie au quotidien
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ques (accumulation de niacine, catalase thermosensible,
nitrate réductase) et surtout sur les techniques dhybridation
moléculaire. Ces dernières réalisées à partir de milieu solide
ou liquide, utilisent soit le principe dhybridation ARN/
ADN dont le gène cible est lARN 16S (AccuProbe
®
,
Gen-probe, bioMérieux), sans étape damplification
préalable et avec une lecture par chimiluminescence, soit
le principe dhybridation ADN/ADN ciblant la région inter-
génique 16S-23S (InnoLiPA
®
, Innogenetics) ou le gène gyr
B (Genotype Mycobacterium
®
, Hain-diagnostika). Ces deux
dernières méthodes nécessitent une amplification préalable
et une lecture de bandes spécificiques sur nitrocellulose.
Les autres méthodes didentifications génotypiques disponi-
bles reposent sur la détection du gène mpt40, de régions de
délétions (RD1, 4 ou 9), de séquences répétées (IS 6110),
sur la détection de mutations des gènes pncAetoxyR, sur
lanalyse du polymorphisme de restriction du gène hsp65 ou
sur le séquençage des gènes codant hsp65 ou lARN 16S.
Lantibiogramme utilisant la méthode des proportions
reste la méthode de référence. Il permet de caractériser
lantibiotype bactérien 3 à 6 semaines après la positivité
de la primoculture. Lantibiogramme en milieu liquide
permet de raccourcir ce délai de réponse à 1 à 2 semaines,
mais aussi délargir la gamme des antibiotiques testés
avec notamment des molécules de deuxième intention en
cas de souches résistantes. Enfin, des méthodes dhybri-
dation (Genotype MTDRplus
®
, Hain-diagnostika) qui
mettent en évidence des mutations conférant une résis-
tance à la rifampicine (gène rpoB)ouàlisoniazide
(katG et/ou inh A) peuvent être réalisées parallèlement à
lantibiogramme ou parfois directement sur le prélève-
ment si celui-ci est pluribacillaire, et permettent de rendre
un résultat en 24 heures [16].
Le point de vue du clinicien
La localisation neuroméningée, de diagnostic difficile et
de mauvais pronostic, doit être évoquée sur un faisceau
darguments épidémiologiques, cliniques, biologiques et
radiologiques.
Les signes cliniques de tuberculose du SNC sont peu
spécifiques et ne permettent pas à eux seuls de porter le
diagnostic. Le mode de révélation le plus fréquent est une
altération de létat général accompagné dun état subfé-
brile et de céphalées persistantes depuis une dizaine de
jours. Les signes neuroméningés sont variables associant
ou non un syndrome méningé, une altération de la cons-
cience, des signes basilaires, des convulsions et parfois
des signes déficitaires focalisés. Le contexte épidémiolo-
gique est ici fondamental et recherchera les facteurs de
risque dinfection, à savoir une infection tuberculeuse
dans lentourage, un antécédent personnel de tuberculose,
la résidence en région francilienne ou guyanaise, un
voyage en zone de forte prévalence, une infection VIH
associée ou un traitement par corticoïdes, immunodépres-
seur ou anti-TNF.
En labsence de signes de focalisation, la ponction lom-
baire doit être réalisée et permet déliminer une méningite
purulente. Comme nous lavons vu précédemment, la
mise en évidence de BAAR dans le LCR est un élément
clé dans la prise en charge, mais est rarement positive.
Lhypercellularité avec prédominance de lymphocytes,
lhyperprotéinorachie, lhypoglycorachie et lhyponatré-
mie renforcent la suspicion diagnostique. Limagerie céré-
brale par résonance magnétique retrouve fréquemment
une hydrocéphalie, des lésions méningées, souvent de la
base du crâne, avec une prise de contraste en T1 après
injection de gadolinium, un (ou des) tuberculome(s) et
des signes dhypoxie ou dinfarctus cérébraux avec hyper-
signal en T2.
Le bilan étiologique doit également comporter une image-
rie thoracique à la recherche de lésions pulmonaires, pré-
sentes dans 50 % des cas, et dadénopathies profondes, un
fond dœil, une sérologie VIH systématique (après accord
du patient), une intradermoréaction à la tuberculine.
Linterprétation de cette dernière est souvent difficile,
compte tenu de labsence dinformation précise sur létat
de vaccination par le BCG. Chez le patient infecté par le
VIH, lIDR na de valeur que si elle est positive avec un
seuil à 5 mm. Le dosage de linterféron γnest intéressant
que pour rechercher la présence de formes extrapulmonai-
res chez limmunocompétent. Notons enfin que la tuber-
culose demeure la première infection opportuniste du
sujet VIH avec des formes multifocales dans 30 % des
co-infections VIH-tuberculose.
Dans ces deux observations, les patients présentaient un
état subfébrile, des céphalées depuis une semaine, asso-
ciés dans un cas à des troubles de conscience, et dans
lautre à une désorientation temporospatiale puis à des
convulsions.
Ces tableaux dencéphalites souvent subaiguës doivent
faire évoquer :
chez le sujet de retour dAfrique subsaharienne, un
paludisme ou une tuberculose neuroméningée (TNM)
chez le patient VIH ;
chez le migrant, une méningite purulente, une méningo-
encéphalite herpétique, une listériose chez le sujet VIH,
une trypanosomiase et une TNM surtout si le liquide est
lymphocytaire, avec hypoglycorachie, hyperprotéinora-
chie et hypochlorurorachie.
Les deux patients ont pu bénéficier dun traitement anti-
tuberculeux précoce. Pour la première patiente, la notion
de voyage en Afrique associé une séropositivité VIH a
incité à réaliser très précocement la recherche de BAAR
Difficulte
´s diagnostiques et the
´rapeutiques des me
´ningites tuberculeuses
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