8 THÉÂTRE MAI 2017 / N°254 la terrasse la terrasse MAI 2017 / N°254 THÉÂTRE 9
PARTENARIATS, CONTACTEZ-NOUS / 01 53 02 06 60 OU LA.TERRASSE@WANADOO.FRLA TERRASSE, PREMIER MÉDIA ARTS VIVANTS EN FRANCE
© Carole Parodi
Rhinocéros, par la compagnie des Hélices.
GROS PLAN
ILE-DE-FRANCE
BIENNALE / ARTS DE LA MARIONNETTE
NEUVIÈME BIENNALE
INTERNATIONALE DES
ARTS DE LA MARIONNETTE
Le Mouffetard, la Maison des Métallos et la Ville de Pantin s’associent
pour présenter la neuvième Biennale Internationale des Arts de la
Marionnette, vitrine et carrefour de la création contemporaine.
Organisée par le Mouffetard, théâtre des arts
de la marionnette, La Maison des Métallos
et la Ville de Pantin, la Biennale Internatio-
nale des Arts de la Marionnette s’installe en
Ile-de-France (Paris, Pantin, Aubervilliers,
Bagnolet, Boulogne-Billancourt, Choisy-
le-Roi, Gennevilliers, Les Lilas, Montreuil,
Noisy-le-Sec et Stains) pour présenter le
meilleur des propositions actuelles de cet
art protéiforme et inventif. Les spectacles,
qui s’adressent aux adultes et pas seule-
ment aux plus jeunes – contrairement à ce
que croient encore ceux qui enferment la
marionnette dans un castelet poussiéreux
et grotesque –, explorent les préoccupa-
tions d’actualité et sont l’occasion de ren-
contres artistiques originales et fécondes
entre les différents modes créatifs. Richesse
de la recherche plastique, ingéniosité de la
manipulation, recherches scénographiques
et sonores : la marionnette est en passe
de devenir l’outil syncrétique du dialogue
entre les arts. Le thème de cette neuvième
manifestation est celui de la place à trou-
ver : préoccupation essentielle de la société
contemporaine, où chacun cherche l’endroit
de sa réalisation et où tous sont confrontés
à la douleur de ceux qui, déracinés, exilés ou
réfugiés, cherchent leur place sous un soleil
pacifique.
TROUVER SA PLACE
Dans
J’y pense et puis, A, Unknown land,
Quelle tête ?
ou
Une poignée de gens
, les
artistes racontent cette difficulté de savoir
où et parmi qui poser ses valises.
Gunfactory
ou
Rhinocéros
interrogent la place que l’on
doit occuper en toute responsabilité, quand,
face aux ventes d’armes ou à la montée du
totalitarisme, on ne peut pas prétendre n’être
pas comptable de ce qu’on laisse faire. Place
que l’on usurpe (
Max Gericke ou pareille au
même
, nouvelle création de Jean-Louis Hec-
kel), place à laquelle on s’accroche (que méta-
phorise Agnès Limbos dans
Axe
), celle qu’on
se voit imposée (
Le Retour à la maison
de
CRITIQUE
ÉPÉE DE BOIS
DE TADEUSZ SLOBODZIANEK / MES JUSTINE WOJTYNIAK
NOTRE CLASSE
Justine Wojtyniak et son équipe déploient un poème choral cruel et
émouvant qui convoque la mémoire juive polonaise. Un monde anéanti
qui rappelle à chacun de nous la fragilité de nos communautés humaines.
Un village de Pologne semblable à une infinité
d’autres. Tel Jedwabne, où en 1941 environ 1 500
juifs furent brûlés vifs dans une grange par leurs
voisins catholiques. Pendant quelque soixante
ans, le massacre fut attribué aux soldats alle-
mands par l’histoire officielle, comme le stipula
une stèle érigée sous le régime communiste.
Notre Classe
(2009) de l’auteur polonais Tadeusz
Slobodzianek s’inspire des récits d’investigation
et travaux des historiens et journalistes Jann T.
Gross et Ana Bikont, de témoignages recueillis
dans les années 2000, et d’une photo de classe
du village. Autant d’éléments qui firent émerger
péniblement la vérité des faits de cette époque.
juifs. A travers cette mise en scène, elle a voulu
apaiser la blessure du silence, faire acte de répa-
ration contre l’effacement de la mémoire juive
polonaise. Ce qui la bouleverse dans ce texte,
c’est la convocation des vivants et des morts tra-
versés par la grande hache de l’Histoire.
AU CŒUR DE L’HUMAIN
Lors de la poignante scène inaugurale, c’est sa
voix même qui égrène plusieurs fois les noms,
dates de naissance et mort des dix protago-
nistes. Ils sont tous là, sur le plateau, et chacun
à sa manière s’accroche et se relie au passé, à
de vieux vêtements disparates suspendus à des
cintres. Autant de fantômes disparus, de sou-
venirs perdus, de présences signifiant l’absence
béante des disparus. Dora (Zosia Sozanska),
Rachel (Julie Gozlan), Zocha (Fanny Azema),
Jacob (Serge Baudry), Rysiek (Tristan Le Doze),
Menahem (Zohar Wexler), Zygmunt (Georges
Le Moal), Heniek (Gerry Quévreux), Abraham
(Stefano Fogher), Vladek (Claude Attia) : des
copains de classe, des individualités uniques,
des destins différents où certains meurent
sous les coups des autres. Le texte comme la
mise en scène ne proposent pas une restitution
théâtrale confortable fondée sur un éclairage
chronologique, mais interrogent la survenue et
le prolongement de la folie meurtrière. Quelle
sorte de concours de circonstances peut donc
mener à une telle violence ? Nourrie de l’héri-
© Christophe Raynaud de Lage, collection Comédie-Française.
© Ania Winkler
CRITIQUE
COMÉDIE-FRANÇAISE
DE BERTOLT BRECHT / MES KATHARINA THALBACH
LA RÉSISTIBLE ASCENSION
D’ARTURO UI
Salle Richelieu, la metteure en scène allemande Katharina Thalbach
signe l’entrée au répertoire de la Comédie-Française de La Résistible
Ascension d’Arturo Ui. Un bel exercice de style qui peine à insuffler force
et vie à la pièce de Bertolt Brecht.
Dans l’époque incertaine qui est la nôtre, le
devoir de mémoire auquel nous engage Ber-
tolt Brecht à travers
La Résistible Ascension
d’Arturo Ui
nous parvient comme un précieux
signal du passé. Un signal d’alarme, venu
d’une des périodes les plus noires du XXe
siècle (l’œuvre date de 1941).
« Vous, appre-
nez à voir, plutôt que de rester les yeux ronds
,
nous adjure l’auteur allemand dans l’épi-
logue de sa pièce
. Agissez au lieu de bavar-
der. Voilà ce qui aurait pour un peu dominé le
monde ! Les peuples en ont eu raison, mais
il ne faut pas nous chanter victoire, il est
encore trop tôt : le ventre est encore fécond,
d’où a surgi la bête immonde. »
L’avertisse-
ment est clair. Car derrière l’histoire d’Arturo
Ui – petit malfrat parvenant à force de mal-
versations et de crimes à conquérir la ville
de Chicago, dans les années 1930 – Brecht
dissèque les différentes étapes ayant per-
mis à Adolf Hitler de prendre le pouvoir en
Allemagne pour instaurer le Troisième Reich.
Parodie du dictateur nazi, mais aussi d’Al
Capone, le personnage central de cette
parabole politique doublée d’une histoire
de gangsters est une vieille connaissance
de Katharina Thalbach.
LAURENT STOCKER,
ÉCLATANT ARTURO UI
Car la metteure en scène a grandi, en par-
tie, entre les murs du Berliner Ensemble,
où sa mère (la comédienne Sabine Thal-
bach) jouait dans la première version de la
pièce, créée deux ans après la mort du dra-
maturge, en 1958. Le spectacle aux forts
accents expressionnistes qu’elle présente
aujourd’hui Salle Richelieu paraît réinves-
tir, sans vraiment la réinventer, la tradition
de la prestigieuse institution berlinoise.
D’un classicisme qui flirte avec l’exercice de
style, cette vision de
La Résistible Ascension
d’Arturo Ui
a les qualités de ses défauts :
rigoureuse en tous points, impeccable-
ment maîtrisée, mais manquant de fulgu-
rances et de profondeur. Visages grimés à la
manière de clowns, les Comédiens-Français
se plient à un jeu volontariste, burlesque,
quasi marionnettique. Un jeu sur-codifié
qui se révèle incapable de faire résonner
la représentation dans le présent de notre
écoute. Seul Laurent Stocker, dans le rôle-
titre, parvient à sublimer le formalisme de
cette approche pour créer de la vie. Mais son
éclatante performance ne suffit pas à faire
la réussite du spectacle. Belle et savante
mécanique, cette
Résistible Ascension
d’Arturo Ui
avance d’un pas énergique. Sans
jamais réellement éclairer les ombres qui
pèsent sur notre temps.
Manuel Piolat Soleymat
Comédie-Française, Salle Richelieu, place
Colette, 75001 Paris.
Du 1er avril au 30 juin 2017.
En alternance. Matinées à 14h, soirées à
20h30. Durée de la représentation : 2h05.
Tél. 01 44 58 15 15. www.comedie-francaise.fr
Réagissez sur www.journal-laterrasse.fr
La Résistible Ascension d’Arturo Ui, dans une mise en scène de Katharina Thalbach.
01 46 97 98 10 — theatre-suresnes.fr
Navettes depuis Paris et parkings gratuits
Adeline Goyet conception graphique 2017
Les Leçons de jazz
d’Antoine Hervé
Le jazz fait son cinéma
Piano Antoine Hervé
2 mai 21 h
Il était une fois… Toots Thielemans
& l’harmonica jazz
Piano Antoine Hervé
Harmonica Olivier Ker Ourio
9 mai 21 h
Stabat Mater
Gioacchino Rossini
Orchestre national d’Île-de-France
Direction Enrique Mazzola
14 mai 17 h
Le Chant des Balles
Luthiste Eric Bellocq
Jonglerie et conception Vincent de Lavenère
21 mai 17 h
Mai
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Yannick Pasgrimaud) ou celle qu’on apprend
à se faire (
à2pas2laPorte
par Label Brut) :
voici quelques propositions parmi les trente
spectacles qui composent ce programme, à
découvrir dans son ensemble dans les douze
lieux partenaires de la manifestation.
Catherine Robert
Neuvième Biennale Internationale des Arts
de la Marionnette. Du 9 mai au 2 juin 2017.
Réservations dans les théâtres associés à la
BIAM. Renseignements sur
www.theatredelamarionnette.com
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tage de Tadeusz Kantor, Justine Wojtyniak
choisit une forme onirique où l’importance du
contexte historique se met en retrait par rapport
à l’expression des relations sociales et intimes,
relations totalement perverties et assujetties
à la violence idéologique – celle par exemple
d’un antisémitisme tenace encouragé par
l’Eglise. Quelle ironie et quelle cruauté lorsque
résonne un joyeux
Lehaïm
lors du mariage de
Vladek et Rachel, devenue Marianna car bapti-
sée. Le spectacle déploie un poème choral qui
se brise et se recompose, une forme d’orato-
rio tragique qui unit les victimes et les bour-
reaux dans l’horreur funeste. Sans dichotomie
facile entre le bien et le mal, parfois même de
manière plus dérangeante qu’édifiante, lorsque
la victime d’un viol avoue son plaisir. Avec une
volonté et un engagement impressionnants, la
metteure en scène et son équipe s’attachent à
raviver la mémoire pour faire communauté avec
les morts. Et pour faire communauté avec les
vivants, ici et maintenant. Un maelström dont
l’issue implacable tonne comme une alerte.
Agnès Santi
Théâtre de l’Épée de Bois, Cartoucherie, route
du Champ-de-Manœuvre, 75012 Paris.
Du 24 avril au 10 mai, lundi, mardi et mercredi
à 20h30. Tél. 01 48 08 39 74. Durée : 2h10.
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LES IMPROMPTUS • 9
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Festival des arts du cirque
© Pascal Colrat
Les œuvres théâtrales d’Ingmar Bergman sont représentées en
France par l’agence Drama Suzanne Sarquier www.dramaparis.com
en accord avec la Fondation Bergman www.ingmarbergman.se et
l’agence Josef Weinberger Limited à Londres.
INGMAR BERGMAN
SANDY BOIZARD, NICOLAS LIAUTARD, CAROLE MAURICE
27.04.17 > 28.05.17 | THÉÂTRE DE LA TEMPÊTE | PARIS
APRÈS LA RÉPÉTITION
Interprétée et primée dans divers pays mais
encore jamais montée en France, la pièce évoque
le parcours de dix camarades de classe juifs et
catholiques, depuis l’enfance sur les bancs de
l’école au début des années 1930 jusqu’aux
années 2000. Ce qui intéresse l’auteur Tadeusz
Slobodzianek, c’est pourtant moins la réalité his-
torique que le basculement de la communauté
dans l’horreur, les conditions qui rendent pos-
sible les mécanismes de haine et le déploiement
de la tragédie. Jeune metteure en scène polo-
naise installée en France, Justine Wojtyniak a
elle-même grandi dans une petite ville de l’Est
de la Pologne où n’existe plus aucune trace des
Notre Classe, dans la mise en scène
de Justine Wojtyniak.