Laurys Le Marrec
La renaissance européenne
Peter Burke
L’âge de la redécouverte : la première Renaissance.
C’est la première phase de la Renaissance italienne entre 1300 et 1490 : celle de la
redécouverte de la culture de la Rome antique et de la culture Grecque dans une moindre
mesure. Il est inutile de tracer une limite entre un « moyen-âge » et une « Renaissance » car
ces deux cultures coexistent chez les réformateurs. Les trois formes médiévales du gothique,
de la chevalerie et de la philosophie scolastique ont toutes perduré jusqu’à la fin du XVème
voir jusqu’au XVIIème siècle . Ces trois formes de la culture médiévale avaient pour berceau
la France. Ce qui a changé à la Renaissance, c’est que ces formes médiévales de la culture
n’ont plus eu le monopole et ont été mises en rivalité avec des styles concurrents émanant du
monde antique. C’est en Italie que ces nouveaux principes sont apparus car la péninsule était
moins imprégnée de cette culture médiévale. La scolastique y était plus tardivement apparue
laissant une culture laïque et civile plus qu’ecclésiastique et militaire.
Quand la Renaissance a-t-elle eu lieu ?
Il est courant de choisir l’époque de Pétrarque vers 1330-1340 pour faire remonter cette
Renaissance. D’autres historiens la font remonter une génération avant avec le peintre Giotto
très inspiré des sculptures romaines découvertes à Pise, voir à Dante Mais si on situe la
Renaissance comme redécouverte de l’Antiquité, il ne faut pas oublier que les classiques
antiques ont toujours survécu pendant le moyen-âge. Ainsi les auteurs Horace et Virgile n’ont
jamais cessé d’être lus, le droit romain prévalait dans la péninsule et le midi de la France et la
rhétorique - art de la persuasion dans les discours et les lettres - constituait une formation
indispensable aux carrières de droit et de politique ; la tradition antique s’est aussi poursuivie
en architecture (art roman dérivé de romain) à travers la multitude de traces laissées par la
Rome antique.
La redécouverte des auteurs classiques a été facilité par les cultures byzantines et arabes qui
avaient accès et traduisaient les auteurs grecques. Ces versions arabes seront ensuite traduites
en latin au Moyen-Age.
Pétrarque et son cercle.
On peut dire que Pétrarque a été le premier humaniste. Se considérant comme le second
Virgile, il fut couronné de Laurier sur le Capitole de Rome en 1341. c’est à la fois un poète
épique et lyrique présentant des épopées comme celle de Scipion l’Africain dans Africa, mais
aussi les sentiments amoureux et les tourments dans le livre des chants. C’est aussi un
moraliste à travers triomphes puis remèdes. Il se fera aussi biographe de Romains antiques et
de personnages bibliques dans Les hommes illustres. Féru de Cicéron, sa vraie passion resta la
Rome antique. Il se lança à la recherches de manuscrits anciens pour les transcrire.
Pétrarque voyait le Moyen Age comme l’âge des ténèbres et il espère que les générations à
venir (in Africa) retrouveront la splendeur de l’Antiquité. Mais à bien des égards, il reste lui
même un personnage médiéval : Saint-Augustin, Saint-Bernard, Dante restaient des modèles.
Son cercle comprenait le peintre Simone Martini, le médecin et astronome Giovanni Dondi, le
politique cola Di Rienzo et Giovanni Boccace.
Boccace était un érudit, un auteur en langue vernaculaire. Grand chercheur de manuscrits, il a
découvert l’Ane d’Or d’Apulée. Il est l’auteur de la généalogie des Dieux, les femmes
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illustres et surtout du Décameron. Comme Pétrarque il reste un esprit médiéval, proche de
Dante et de la scolastique. Pourtant c’est à partir de ce cercle que l’idée de rénovation ou de
réforme, déjà employé dans le monde ecclésiastique, est désormais appliqué au monde laïque.
Pétrarque est le premier à employer ces termes en littérature et Cola Di Rienzo en politique
Cette rénovation de l’idéal classique va prendre de l’ampleur à la génération suivante.
Florence et la Toscane.
A Florence l’œuvre de Pétrarque fut poursuivie par Salutati. Grand admirateur des héros de la
République, Il se joignit vers 1360 à un groupe d’intellectuels dont Léonardo Bruni et Poggio
Bracciolini dit le Pogge. Il fut chancelier de la République florentine lieu les humanistes
pouvaient mettre en œuvre leurs idées à travers les lettres en Latin. La correspondance du
Pogge avec son ami Niccoli illustre merveilleusement cet enthousiasme pour le monde
Antique. Les deux amis inventent la cursive italienne. La recherche de manuscrits a toute leur
ferveur. Cicéron est leur héros par son élégance et son activité dans la vie républicaine. Le
Pogge a découvert dix-huit discours de Cicéron, les institutes de Quntilien et les dix livres
sur l’architecture de Vitruve. Pour cela ils parcouraient l’Europe. Vitruve commença à
influencer la Renaissance à cette époque. Ce cercle est aussi fortement tourné vers le Grec et
ses grands philosophes. Ce qui est innovant, c’est la traduction. En effet Bruni se concentre
plus sur le sens que sur les mots. Il traduisit Aristote, Platon, Démosthène et Plutarque, ce
dernier exerçant comme Platon, une influence massive sur la Renaissance. Bruni et Le Pogge
étaient aussi les historiens officiels de la République, histoire passée et présente mettant en
valeur la liberté florentine en la comparant à Athènes et Rome. L’intérêt des humanistes pour
l’analyse et l’élucidation rappelle les historiens antiques et rompt avec le récit et la description
des chroniques médiévales. Ce groupe est tourné vers les studias humanitas de Cicéron car
l’instruction est le propre de l’homme. L’éthique, la poésie, la grammaire, l’histoire et la
rhétorique fondaient ces humanités. Les langues étaient dominées par le Latin et le Grec Pour
avancer il fallait revenir en arrière vers les grands penseurs antiques d’où l’énergie donnée à
la recherche de manuscrits anciens. Si les Humanistes faisaient grand cas de la condition
humaine, il étaient en fait plus tournés vers la philologie ( critique des textes) que vers la
philosophie. Pourtant, ils restent des humanistes civiques impliqués dans leur société et ne
sont pas des contemplatifs. Dans cette société chrétienne, la compatibilité avec le monde
païen antique est un problème de taille. Les humanistes piochent dans chaque culture ce dont
ils ont besoin, des auteurs antiques aux Pères de l’Eglise. Ils forgèrent les termes d’Age des
Ténèbres et de Moyen-Age époque de laquelle ils veulent s’éloigner.
Les Arts plastiques
Vitruve montre le lien entre la Renaissance et les métiers. C’est le Pogge qui a retrouvé le
manuscrit antique en 1414, éloge d’une architecture fondée sur les mathématiques et d’un
exposé des méthodes de construction.
A Florence , au début du XVème, un cercle se forme autour de Filipino Brunelleschi avec
l’humaniste Léon Batista Alberti, les sculpteurs Donatello et Ghilberti, le peintre Masaccio.
Dans les ouvres de Brunelleschi, l’hospice des enfants trouvés, l’arc en plein cintre remplace
l’arc brisé, les dessus des portes et fenêtres sont plates et non courbes, il n’y a plus
d’ornements: pureté et simplicité. Le Dôme de la cathédrale de Florence est le plus grand
construit. Un intérêt croissant pour la construction à l’Antique naît dans l’esprit et non dans la
lettre ; le gothique et le classique ne sont pas encore opposés.
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L’intérêt de Donatello pour la sculpture romaine est manifeste notamment dans son David
premier nu depuis l’antiquité. Masaccio montre qu’il a appris la perspective dans sa fresque
la trinité.
Les valeurs et les thèmes civiques jalonnent ces oeuvres souvent issues d’un mécénat public
sauf pendant la période Médicis (1434-1494) privilégiant la vie contemplative et la sagesse
ésotérique autour de l’étude de leur philosophe favori : Platon. Trois humanistes de Florence ,
Landino, Marcile Ficin et Politien affirment que les auteurs grecs et notamment Platon
anticipent secrètement les doctrines chrétiennes . Pic de la Mirandole se joint au groupe en
s’intéressant lui-même au savoir occulte, partagé par les initiés et caché au peuple. Politien est
un poète et un critique des textes anciens.
En bref ce mouvement néoplatonicien était en quête de connaissances ésotériques destinées à
un public d’initiés.
Rome, Naples et Milan.
Cosme et Laurent de Médicis s’efforcèrent d’introduire des artistes dans les cours à Rome,
Naples, Mantoue, Ferrare. Pourtant, pendant quelques années au milieu du XIVème, Rome a
été un centre humaniste plus important que Florence avec Nicolas IV et Pie II. La chancellerie
pontificale assurait un emploi à un groupe d’éminents humanistes (Bruni, Le Pogge). Flavio
Bondio de Forli y rédigea sa Rome restaurée il fait revivre tous les bâtiments antiques et
son Italie illustrée. Lorenzo Valla y critiqua Aristote et le jargon de l’école. Sa parfaite
connaissance du Latin lui permit de découvrir que la donation de Constantin était un faux et
que les textes du droit romain avaient été corrompus. Il vécut aussi à Naples à la cour
d’Alphonse V d’Aragon entouré d’humanistes doués comme le sicilien Beccadelli ou le ligure
Fazzio, historien de la cour.
La chancellerie de Milan sous les Viscomti et les Sforza fut un foyer de culture humaniste
L’architecte florentin Antonio Averlino dit le Filarete arriva en 1451 et construit l’Ospedale
Maggiore sur le style antique. Comme nombre de Florentin il permet l’extension du style
classique à toute l’Italie.
Ferrare, Mantoue Venise
A Ferrare dés 1429, Guarino de Verone est invité par les Este à créer une école l’on
s’efforce de former les caractères autant que les intelligences en recourant aux devoirs de
Cicéron et de Plutarque Sous les Gonzague à Mantoue, Vittorino encourageait ses élèves à
certains jeux pour rendre l’acquisition des connaissances agréables. Grâce à ces deux
professeurs l’humanisme devient très familier aux princes et change leur comportement au
niveau artistique même s’ils restent attirés par la chevalerie et les tournois.
Andrea Mantegna fut le peintre de la cour des Gonzague. Son œuvre est impressionnante par
sa maîtrise de la perspective et sa majesté
Venise fut relativement lente à accepter ce changement, et y entra surtout dans la seconde
partie du XVème. Ermolao Barbaro, ami de Politien et grand philologue s’efforça d’établir
les véritables textes d’Aristote en les dépouillant de leurs commentaires. Les arts plastiques y
sont influencés par l’Orient et s’y développe les arabesques. Codducci dessine des églises sur
le plan byzantin. Venise retourne à l’Antiquité par une autre voie que Florence en se tournant
vers Constantinople.
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Réception et Résistance
Au XIV ème et XVème siècle la culture médiévale continue à prospérer en Europe :
l’architecture gothique y trouve son style flamboyant et perpendiculaire, la philosophie
scolastique se développe avec Duns Scott et Guillaume d’Ockham, les romans de chevalerie
fleurissent toujours( la morte d’Arthur en Angleterre)
Une Renaissance ou deux ?
La créativité de la cour de Bourgogne était un modèle au XVème siècle. La peinture à l’huile
et sur toile plutôt que sur bois est une invention flamande du quinzième attribuée à Jan Van
Eyck. Dés les années 1320, les contemporains parlent d’art nouveau en musique. Cela amène
les spécialistes à parler de deux Renaissances, l’une située en Europe du Nord et l’autre dans
la péninsule italienne. Pourtant les artistes bourguignons n’ont procédé à aucune rupture
brutale avec le passé Ainsi le sculpteur hollandais Claud Sluter auteur du tombeau de Philippe
le Hardi a su exprimer les émotions mais son œuvre ne s’est pas inspirée des statuts antiques.
Les historiens comme Georges Chastellain nommé en 1455 se sont concentrés sur les récits et
les descriptions plutôt que sur les analyses et les conséquences comme Léonardo Bruni
Dans le domaine de l’éducation, les Frères de la vie commune, organisation laïque du
XIVème établirent tout un réseau d’école au Pays-Bas. Par leur refus de la scolastique et leur
insistance sur la littérature latine, on peut les assimiler aux humanistes : Erasme en sortira.
L’intérêt pour la tradition classique n’était donc pas un monopole italien au XVème siècle. De
plus les échanges culturels entre ces deux pôles est important. Ainsi l’art de la peinture sur
toile est introduite en Italie en 1470 en provenance des Pays-Bas et les voyages des
humanistes se font de part et d’autre de l’Europe.
Premières réactions
Les érudits d’Aragon et de Catalogne sont les premiers à s’intéresser aux cultures antiques et
italiennes comme Joan Fernandez de Héredia qui fit traduire Thucydide et Plutarque.
Avignon, grâce à la présence du pape entre 1309 et 1377 devient une ville de première
grandeur Pétrarque grandit. Vers 1380, l’intérêt pour le monde antique gagne Paris autour
du cercle de Jean Gerson, Nicolas de Clamange et Jean de Montreuil Jean de Berry frère de
Charles V encouragea les traductions de Boccace et Christine de Pisan ; Il possédait de
nombreux manuscrits et maintes œuvres d’art
Les contacts avec l’Italie
De 1420 à 1450 les contacts entre les Humanistes italiens et européens se multiplièrent.
D’Italie on revenait avec des manuscrits. Certains grands aristocrates importaient des livres
d’Italie comme le duc de Gloucester
Les universités, les chancelleries, les cours
A partit du milieu du XVème siècle les universités devinrent d’important lieux de réception
des idées venues d’Italie des italiens vinrent enseigner tels Tifernate, Beroaldo et Faustini
à Paris. Des humanistes locaux exercent à Cracovie, Heidelberg ou Salamanque.
Les chancelleries et les cours furent les autres lieux de réception de la Renaissance en
employant des humanistes pour écrire en Latin. René d’Anjou découvrit la culture italienne en
assiégeant Naples et fit la connaissance d’artistes et d’érudits italiens. Memhed le conquérant
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qui prit Constantinople ne rejetait pas la culture antique et invita Gentile Bellini à Istambul
pour faire peindre son portrait à contrario des principes de l’Islam. Mathias Corvin, roi de
Hongrie s’entoura de nombreux artistes et intellectuels italiens et s’inspira des traités
d’architecture d’Alberti et du Filarète pour agrandir son palais de Buda.
L’âge des incunables.
Le mouvement humaniste continua son expansion en Europe à la fin du XVème siècle grâce
aux imprimés. Les estampes qui précédèrent les caractères typographiques mobiles étaient
pratiquées par les plus grands artistes de Florence dont Botticelli. Peu coûteuses, elles
permettaient d’atteindre un public plus vaste.
Inventée par Gutemberg, l’imprimerie gagna rapidement toute l’Europe, Bâle puis Rome et
Paris en 1468 ; La multiplication des livres est très rapide et Venise en est la capitale grâce à
l’imprimeur Alde Manuce. Les éditions des classiques comme Cicéron mais aussi des
humanistes comme Pétrarque et Bruni (traité sur l’éducation) parurent. De nombreux
Humanistes érudits devinrent imprimeurs comme Guillaume Fichet qui créa la première
presse à la Sorbonne ; Cette diffusion des supports imprimés permit de développer l’esprit
critique en comparant différents textes et les différents arguments, bien plus que le permettait
l’oral.
Résistance.
Les formes et les idées nouvelles se heurtaient parfois à des Résistances tel qu’en Moscovie.
Ce pays regardait plus vers Constantinople que vers Rome. Le petit cercle de Serge de
Radonège, , Saint-Etienne de Perm et du peintre Andrei Roublev firent renaître une culture
slave du IX et Xème siècle. Aristotele Fiovaranti fut mis à contribution pour construire ponts
et ouvrages militaires. Dans les années 1480, les remparts et les tours du Kremlin furent
reconstruits dans le style italien alors que la cathédrale Saint-Michel y associe la tradition
russe (dômes bulbeux). Côté religieux, la résistance est plus grande. En Russie, il y a une
sorte de refus culturel comme pour l’imprimerie qui n’y parvient pas.
Ce que l’on peut noter à travers ce chapitre c’est la coexistence de la culture médiévale et
celle de la Renaissance
L’âge de l’émulation : la haute Renaissance
Entre 1490 et 1530, époque de Léonard de Vinci, Michel-Ange, l’Arioste, Dürer, Erasme a
lieu l’époque de l’émulation qui trace plus fermement les limites avec l’âge médiéval en
éliminant les ambiguïtés.
La centralité de Rome.
Cette période qui débute en 1494 avec l’invasion de l’Italie par les Français et finit par le sac
de Rome par les soudards de Charles Quint est ressenti comme un choc par les humanistes tel
Machiavel et François Guichardin. Le sac de Rome disperse les artistes en 1527 qui avaient
fait de cette ville le centre de l’humanisme.
Rome avait bien sûr des rivales comme à Ferrare l’Arioste écrivait son poème narratif,
Roland furieux, en 1516 , en associant épopée classique à la tradition médiévale du roman
courtois.
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