La renaissance européenne - Académie de Clermont

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Laurys Le Marrec
La renaissance européenne
Peter Burke
L’âge de la redécouverte : la première Renaissance.
C’est la première phase de la Renaissance italienne entre 1300 et 1490 : celle de la
redécouverte de la culture de la Rome antique et de la culture Grecque dans une moindre
mesure. Il est inutile de tracer une limite entre un « moyen-âge » et une « Renaissance » car
ces deux cultures coexistent chez les réformateurs. Les trois formes médiévales du gothique,
de la chevalerie et de la philosophie scolastique ont toutes perduré jusqu’à la fin du XVème
voir jusqu’au XVIIème siècle . Ces trois formes de la culture médiévale avaient pour berceau
la France. Ce qui a changé à la Renaissance, c’est que ces formes médiévales de la culture
n’ont plus eu le monopole et ont été mises en rivalité avec des styles concurrents émanant du
monde antique. C’est en Italie que ces nouveaux principes sont apparus car la péninsule était
moins imprégnée de cette culture médiévale. La scolastique y était plus tardivement apparue
laissant une culture laïque et civile plus qu’ecclésiastique et militaire.
Quand la Renaissance a-t-elle eu lieu ?
Il est courant de choisir l’époque de Pétrarque vers 1330-1340 pour faire remonter cette
Renaissance. D’autres historiens la font remonter une génération avant avec le peintre Giotto
très inspiré des sculptures romaines découvertes à Pise, voir à Dante Mais si on situe la
Renaissance comme redécouverte de l’Antiquité, il ne faut pas oublier que les classiques
antiques ont toujours survécu pendant le moyen-âge. Ainsi les auteurs Horace et Virgile n’ont
jamais cessé d’être lus, le droit romain prévalait dans la péninsule et le midi de la France et la
rhétorique - art de la persuasion dans les discours et les lettres - constituait une formation
indispensable aux carrières de droit et de politique ; la tradition antique s’est aussi poursuivie
en architecture (art roman dérivé de romain) à travers la multitude de traces laissées par la
Rome antique.
La redécouverte des auteurs classiques a été facilité par les cultures byzantines et arabes qui
avaient accès et traduisaient les auteurs grecques. Ces versions arabes seront ensuite traduites
en latin au Moyen-Age.
Pétrarque et son cercle.
On peut dire que Pétrarque a été le premier humaniste. Se considérant comme le second
Virgile, il fut couronné de Laurier sur le Capitole de Rome en 1341. c’est à la fois un poète
épique et lyrique présentant des épopées comme celle de Scipion l’Africain dans Africa, mais
aussi les sentiments amoureux et les tourments dans le livre des chants. C’est aussi un
moraliste à travers triomphes puis remèdes. Il se fera aussi biographe de Romains antiques et
de personnages bibliques dans Les hommes illustres. Féru de Cicéron, sa vraie passion resta la
Rome antique. Il se lança à la recherches de manuscrits anciens pour les transcrire.
Pétrarque voyait le Moyen Age comme l’âge des ténèbres et il espère que les générations à
venir (in Africa) retrouveront la splendeur de l’Antiquité. Mais à bien des égards, il reste lui
même un personnage médiéval : Saint-Augustin, Saint-Bernard, Dante restaient des modèles.
Son cercle comprenait le peintre Simone Martini, le médecin et astronome Giovanni Dondi, le
politique cola Di Rienzo et Giovanni Boccace.
Boccace était un érudit, un auteur en langue vernaculaire. Grand chercheur de manuscrits, il a
découvert l’Ane d’Or d’Apulée. Il est l’auteur de la généalogie des Dieux, les femmes
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illustres et surtout du Décameron. Comme Pétrarque il reste un esprit médiéval, proche de
Dante et de la scolastique. Pourtant c’est à partir de ce cercle que l’idée de rénovation ou de
réforme, déjà employé dans le monde ecclésiastique, est désormais appliqué au monde laïque.
Pétrarque est le premier à employer ces termes en littérature et Cola Di Rienzo en politique
Cette rénovation de l’idéal classique va prendre de l’ampleur à la génération suivante.
Florence et la Toscane.
A Florence l’œuvre de Pétrarque fut poursuivie par Salutati. Grand admirateur des héros de la
République, Il se joignit vers 1360 à un groupe d’intellectuels dont Léonardo Bruni et Poggio
Bracciolini dit le Pogge. Il fut chancelier de la République florentine lieu où les humanistes
pouvaient mettre en œuvre leurs idées à travers les lettres en Latin. La correspondance du
Pogge avec son ami Niccoli illustre merveilleusement cet enthousiasme pour le monde
Antique. Les deux amis inventent la cursive italienne. La recherche de manuscrits a toute leur
ferveur. Cicéron est leur héros par son élégance et son activité dans la vie républicaine. Le
Pogge a découvert dix-huit discours de Cicéron, les institutes de Quntilien et les dix livres
sur l’architecture de Vitruve. Pour cela ils parcouraient l’Europe. Vitruve commença à
influencer la Renaissance à cette époque. Ce cercle est aussi fortement tourné vers le Grec et
ses grands philosophes. Ce qui est innovant, c’est la traduction. En effet Bruni se concentre
plus sur le sens que sur les mots. Il traduisit Aristote, Platon, Démosthène et Plutarque, ce
dernier exerçant comme Platon, une influence massive sur la Renaissance. Bruni et Le Pogge
étaient aussi les historiens officiels de la République, histoire passée et présente mettant en
valeur la liberté florentine en la comparant à Athènes et Rome. L’intérêt des humanistes pour
l’analyse et l’élucidation rappelle les historiens antiques et rompt avec le récit et la description
des chroniques médiévales. Ce groupe est tourné vers les studias humanitas de Cicéron car
l’instruction est le propre de l’homme. L’éthique, la poésie, la grammaire, l’histoire et la
rhétorique fondaient ces humanités. Les langues étaient dominées par le Latin et le Grec Pour
avancer il fallait revenir en arrière vers les grands penseurs antiques d’où l’énergie donnée à
la recherche de manuscrits anciens. Si les Humanistes faisaient grand cas de la condition
humaine, il étaient en fait plus tournés vers la philologie ( critique des textes) que vers la
philosophie. Pourtant, ils restent des humanistes civiques impliqués dans leur société et ne
sont pas des contemplatifs. Dans cette société chrétienne, la compatibilité avec le monde
païen antique est un problème de taille. Les humanistes piochent dans chaque culture ce dont
ils ont besoin, des auteurs antiques aux Pères de l’Eglise. Ils forgèrent les termes d’Age des
Ténèbres et de Moyen-Age époque de laquelle ils veulent s’éloigner.
Les Arts plastiques
Vitruve montre le lien entre la Renaissance et les métiers. C’est le Pogge qui a retrouvé le
manuscrit antique en 1414, éloge d’une architecture fondée sur les mathématiques et d’un
exposé des méthodes de construction.
A Florence , au début du XVème, un cercle se forme autour de Filipino Brunelleschi avec
l’humaniste Léon Batista Alberti, les sculpteurs Donatello et Ghilberti, le peintre Masaccio.
Dans les ouvres de Brunelleschi, l’hospice des enfants trouvés, l’arc en plein cintre remplace
l’arc brisé, les dessus des portes et fenêtres sont plates et non courbes, il n’y a plus
d’ornements: pureté et simplicité. Le Dôme de la cathédrale de Florence est le plus grand
construit. Un intérêt croissant pour la construction à l’Antique naît dans l’esprit et non dans la
lettre ; le gothique et le classique ne sont pas encore opposés.
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L’intérêt de Donatello pour la sculpture romaine est manifeste notamment dans son David
premier nu depuis l’antiquité. Masaccio montre qu’il a appris la perspective dans sa fresque
la trinité.
Les valeurs et les thèmes civiques jalonnent ces oeuvres souvent issues d’un mécénat public
sauf pendant la période Médicis (1434-1494) privilégiant la vie contemplative et la sagesse
ésotérique autour de l’étude de leur philosophe favori : Platon. Trois humanistes de Florence ,
Landino, Marcile Ficin et Politien affirment que les auteurs grecs et notamment Platon
anticipent secrètement les doctrines chrétiennes . Pic de la Mirandole se joint au groupe en
s’intéressant lui-même au savoir occulte, partagé par les initiés et caché au peuple. Politien est
un poète et un critique des textes anciens.
En bref ce mouvement néoplatonicien était en quête de connaissances ésotériques destinées à
un public d’initiés.
Rome, Naples et Milan.
Cosme et Laurent de Médicis s’efforcèrent d’introduire des artistes dans les cours à Rome,
Naples, Mantoue, Ferrare. Pourtant, pendant quelques années au milieu du XIVème, Rome a
été un centre humaniste plus important que Florence avec Nicolas IV et Pie II. La chancellerie
pontificale assurait un emploi à un groupe d’éminents humanistes (Bruni, Le Pogge). Flavio
Bondio de Forli y rédigea sa Rome restaurée où il fait revivre tous les bâtiments antiques et
son Italie illustrée. Lorenzo Valla y critiqua Aristote et le jargon de l’école. Sa parfaite
connaissance du Latin lui permit de découvrir que la donation de Constantin était un faux et
que les textes du droit romain avaient été corrompus. Il vécut aussi à Naples à la cour
d’Alphonse V d’Aragon entouré d’humanistes doués comme le sicilien Beccadelli ou le ligure
Fazzio, historien de la cour.
La chancellerie de Milan sous les Viscomti et les Sforza fut un foyer de culture humaniste
L’architecte florentin Antonio Averlino dit le Filarete arriva en 1451 et construit l’Ospedale
Maggiore sur le style antique. Comme nombre de Florentin il permet l’extension du style
classique à toute l’Italie.
Ferrare, Mantoue Venise
A Ferrare dés 1429, Guarino de Verone est invité par les Este à créer une école où l’on
s’efforce de former les caractères autant que les intelligences en recourant aux devoirs de
Cicéron et de Plutarque Sous les Gonzague à Mantoue, Vittorino encourageait ses élèves à
certains jeux pour rendre l’acquisition des connaissances agréables. Grâce à ces deux
professeurs l’humanisme devient très familier aux princes et change leur comportement au
niveau artistique même s’ils restent attirés par la chevalerie et les tournois.
Andrea Mantegna fut le peintre de la cour des Gonzague. Son œuvre est impressionnante par
sa maîtrise de la perspective et sa majesté
Venise fut relativement lente à accepter ce changement, et y entra surtout dans la seconde
partie du XVème. Ermolao Barbaro, ami de Politien et grand philologue s’efforça d’établir
les véritables textes d’Aristote en les dépouillant de leurs commentaires. Les arts plastiques y
sont influencés par l’Orient et s’y développe les arabesques. Codducci dessine des églises sur
le plan byzantin. Venise retourne à l’Antiquité par une autre voie que Florence en se tournant
vers Constantinople.
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Réception et Résistance
Au XIV ème et XVème siècle la culture médiévale continue à prospérer en Europe :
l’architecture gothique y trouve son style flamboyant et perpendiculaire, la philosophie
scolastique se développe avec Duns Scott et Guillaume d’Ockham, les romans de chevalerie
fleurissent toujours( la morte d’Arthur en Angleterre)
Une Renaissance ou deux ?
La créativité de la cour de Bourgogne était un modèle au XVème siècle. La peinture à l’huile
et sur toile plutôt que sur bois est une invention flamande du quinzième attribuée à Jan Van
Eyck. Dés les années 1320, les contemporains parlent d’art nouveau en musique. Cela amène
les spécialistes à parler de deux Renaissances, l’une située en Europe du Nord et l’autre dans
la péninsule italienne. Pourtant les artistes bourguignons n’ont procédé à aucune rupture
brutale avec le passé Ainsi le sculpteur hollandais Claud Sluter auteur du tombeau de Philippe
le Hardi a su exprimer les émotions mais son œuvre ne s’est pas inspirée des statuts antiques.
Les historiens comme Georges Chastellain nommé en 1455 se sont concentrés sur les récits et
les descriptions plutôt que sur les analyses et les conséquences comme Léonardo Bruni
Dans le domaine de l’éducation, les Frères de la vie commune, organisation laïque du
XIVème établirent tout un réseau d’école au Pays-Bas. Par leur refus de la scolastique et leur
insistance sur la littérature latine, on peut les assimiler aux humanistes : Erasme en sortira.
L’intérêt pour la tradition classique n’était donc pas un monopole italien au XVème siècle. De
plus les échanges culturels entre ces deux pôles est important. Ainsi l’art de la peinture sur
toile est introduite en Italie en 1470 en provenance des Pays-Bas et les voyages des
humanistes se font de part et d’autre de l’Europe.
Premières réactions
Les érudits d’Aragon et de Catalogne sont les premiers à s’intéresser aux cultures antiques et
italiennes comme Joan Fernandez de Héredia qui fit traduire Thucydide et Plutarque.
Avignon, grâce à la présence du pape entre 1309 et 1377 devient une ville de première
grandeur où Pétrarque grandit. Vers 1380, l’intérêt pour le monde antique gagne Paris autour
du cercle de Jean Gerson, Nicolas de Clamange et Jean de Montreuil Jean de Berry frère de
Charles V encouragea les traductions de Boccace et Christine de Pisan ; Il possédait de
nombreux manuscrits et maintes œuvres d’art
Les contacts avec l’Italie
De 1420 à 1450 les contacts entre les Humanistes italiens et européens se multiplièrent.
D’Italie on revenait avec des manuscrits. Certains grands aristocrates importaient des livres
d’Italie comme le duc de Gloucester
Les universités, les chancelleries, les cours
A partit du milieu du XVème siècle les universités devinrent d’important lieux de réception
des idées venues d’Italie où des italiens vinrent enseigner tels Tifernate, Beroaldo et Faustini
à Paris. Des humanistes locaux exercent à Cracovie, Heidelberg ou Salamanque.
Les chancelleries et les cours furent les autres lieux de réception de la Renaissance en
employant des humanistes pour écrire en Latin. René d’Anjou découvrit la culture italienne en
assiégeant Naples et fit la connaissance d’artistes et d’érudits italiens. Memhed le conquérant
Laurys Le Marrec
qui prit Constantinople ne rejetait pas la culture antique et invita Gentile Bellini à Istambul
pour faire peindre son portrait à contrario des principes de l’Islam. Mathias Corvin, roi de
Hongrie s’entoura de nombreux artistes et intellectuels italiens et s’inspira des traités
d’architecture d’Alberti et du Filarète pour agrandir son palais de Buda.
L’âge des incunables.
Le mouvement humaniste continua son expansion en Europe à la fin du XVème siècle grâce
aux imprimés. Les estampes qui précédèrent les caractères typographiques mobiles étaient
pratiquées par les plus grands artistes de Florence dont Botticelli. Peu coûteuses, elles
permettaient d’atteindre un public plus vaste.
Inventée par Gutemberg, l’imprimerie gagna rapidement toute l’Europe, Bâle puis Rome et
Paris en 1468 ; La multiplication des livres est très rapide et Venise en est la capitale grâce à
l’imprimeur Alde Manuce. Les éditions des classiques comme Cicéron mais aussi des
humanistes comme Pétrarque et Bruni (traité sur l’éducation) parurent. De nombreux
Humanistes érudits devinrent imprimeurs comme Guillaume Fichet qui créa la première
presse à la Sorbonne ; Cette diffusion des supports imprimés permit de développer l’esprit
critique en comparant différents textes et les différents arguments, bien plus que le permettait
l’oral.
Résistance.
Les formes et les idées nouvelles se heurtaient parfois à des Résistances tel qu’en Moscovie.
Ce pays regardait plus vers Constantinople que vers Rome. Le petit cercle de Serge de
Radonège, , Saint-Etienne de Perm et du peintre Andrei Roublev firent renaître une culture
slave du IX et Xème siècle. Aristotele Fiovaranti fut mis à contribution pour construire ponts
et ouvrages militaires. Dans les années 1480, les remparts et les tours du Kremlin furent
reconstruits dans le style italien alors que la cathédrale Saint-Michel y associe la tradition
russe (dômes bulbeux). Côté religieux, la résistance est plus grande. En Russie, il y a une
sorte de refus culturel comme pour l’imprimerie qui n’y parvient pas.
Ce que l’on peut noter à travers ce chapitre c’est la coexistence de la culture médiévale et
celle de la Renaissance
L’âge de l’émulation : la haute Renaissance
Entre 1490 et 1530, époque de Léonard de Vinci, Michel-Ange, l’Arioste, Dürer, Erasme a
lieu l’époque de l’émulation qui trace plus fermement les limites avec l’âge médiéval en
éliminant les ambiguïtés.
La centralité de Rome.
Cette période qui débute en 1494 avec l’invasion de l’Italie par les Français et finit par le sac
de Rome par les soudards de Charles Quint est ressenti comme un choc par les humanistes tel
Machiavel et François Guichardin. Le sac de Rome disperse les artistes en 1527 qui avaient
fait de cette ville le centre de l’humanisme.
Rome avait bien sûr des rivales comme à Ferrare où l’Arioste écrivait son poème narratif,
Roland furieux, en 1516 , en associant épopée classique à la tradition médiévale du roman
courtois.
Laurys Le Marrec
A Florence les Médicis sont expulsés de 1494 à 1512 et de 1527 à 1530 et la République
restaurée. Machiavel, l’historien Guichardin,Vettori, Gianotti se réunissaient pour discuter de
la meilleure forme de gouvernement. Ils montrent tous le choc de l’invasion et leur intérêt de
prendre l’exemple de l’antiquité.
La restauration républicaine entraîne un retour aux commandes publiques comme pour le
David de Michel-Ange, personnification de la République. Michel-Ange et De vinci sont
chargés de décorer la salle du Grand Conseil. La bataille d’Anghiari était considérée comme
la plus belle œuvre de son époque et est aujourd’hui disparue.
A Venise aussi la conscience civique, l’identification à Rome et mécénat public furent forts.
Andréa Navager et Pietro Bembo furent les historiens officiels. Les frères Bellini et plus tard
Le Titien reçurent des commandes pour peindre l’histoire vénitienne avec une insistance sur
les couleurs plus que sur le dessin contrairement à Florence.
Pourtant Rome était bien la tête du monde surtout entre 1503 et 1521 avec les papes Jules II et
Léon X ; En 1494, Michel-Ange quitte Florence pour Rome. Il peint le plafond de la chapelle
Sixtine entre 1508 et 1512. De Vinci y vécut de 1513 à 1517, Bramante y arrive vers 1500 et
commence le nouveau Saint-Pierre, Raphael vers 1508. Chacun apprenait les uns des autres.
Rome est aussi le foyer poétique d‘expression latine : des lettrés grecs furent conviés comme
Bembo, Navagero ou Castiglione. Avec ce groupe d’artistes et d’humanistes le rêve de
rivaliser avec l’Antiquité et de la surpasser fut réalisé.
Bembo devint le pape de la littérature en fixant les règles des trois styles élevés, moyens et
bas. La prose devait se conformer au style majestueux de Cicéron. Il précisait toutefois qu’à
l’imitation devait se substituer l’émulation.. Il fit des efforts pour consacrer le toscan comme
langue littéraire. En poésie ses modèles sont Pétrarque et Dante et en prose Boccace. Le
pétrarquisme se répandit aussi en France et en Espagne. L’imprimerie permit cette diffusion.
La formulation de règles eut aussi lieu dans les arts plastiques. L’engouement pour la
sculpture antique grandit notamment avec la découverte de l’Apollon du belvédère et le
Laocoon en 1506 ; Michel-Ange rivalisa avec ce dernier.
En architecture le rapport de Raphaél pour Léon X condamne le style gothique et se tourne
vers le vitruvisme En se basant sur Vitruve les nouveaux palais devaient avoir des colonnes
doriques au rez-de-chaussée, des colonnes ioniques au premier étage et les délicates
corinthiennes au dernier.
La haute Renaissance doit donc son aura autant aux grands talent qu’au style élevé de ses
productions, l’objectif étant « la majesté » selon Bembo.
C’est dans le cercle de Raphael qu’est né le « style grotesque » avec ses animaux, ses fleurs,
ses fruits, ses centaures qui se répandra en Europe au dépit de Bembo et de sa dictature
littéraire et stylistique.
Le sac de Rome en 1527 fait fuir la plus grande partie de ces artistes qui n’y reviendront pas.
Littérature et Empire.
En ce domaine la suprématie italienne fut fortement contestée comme avec le français
Longueil qui déclara à Rome que la France était supérieure ce qui lui valut d’être jugé.
Erasme déclara que la « littérature latine avait été emportée par les nordiques ». L’espagnol
Nebrija clamait la supériorité du castillan. Claude de Seyssel, conseiller de Louis XII déclarait
la même chose du Français qui se répandait grâce aux conquêtes italiennes.
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Les arts.
C’est le mécène qui choisit le sujet et parfois le style. Isabelle d’Este possédait des Bellini,
des Mantegna, des De Vinci et des Raphael
Au début du XVIème, des mécènes hors d’Italie commencèrent à commander ce qui fait
parler « d’aristocratisation de la Renaissance ». Trois princes de l’Eglise, Tamas Bakocz,
Georges d’Amboise et le cardinal Thomas Wolsey ont dépensé avec magnificence à cette
époque. L’une des conséquences culturelles des guerres d’Italie fut que les italiens
s’emparèrent de leurs conquérant comme les grecs des Romains. La supériorité de l’art italien
est admise. François Ier découvre l’art italien avec la cène à milan et invite Léonard de Vinci
en France, Chambord est dessiné par Domenico da Cortona ; Fontainebleau décoré par Rosso.
Fontainebleau fut en partie réalisé pour rivaliser avec l’Alhambra de grenade pour Charles
Quint. Les architectes et sculpteurs italiens sont aussi demandé en Pologne (Wawel) en
Angleterre et ailleurs.
Comme les Humanistes, les artistes se rendent en Italie pour étudier comme Dürer et
Berruguette. Des peintres allemands et des Pays-Bas intègrent des sujets d’histoire ancienne et
de mythologie (Wittenberg, Altdorfer). La résurrection de l’Antiquité dans les arts déplaisait à
Erasme et à Aadrrian d’Utrecht (Adrien VI) par l’expression du paganisme.
Les humanistes
Les Humanistes avaient besoin du mécénat des princes comme ceux-ci avaient besoin du
conseil des Humanistes. Erasme et Guillaume Budé publièrent des traités sur l’éducation des
princes qui ont eu des effets sut leurs centres d’intérêt. Le rôle des princesses est aussi à
souligner. Si Isabelle de Castille savait le latin, la plus importante étaient Marguerite de
Navarre, sœur de François Ier. Elle écrivait des poèmes, du théâtre et des nouvelles et se
faisait mécène.
Les princes attiraient les érudits dans leur cours pour éduquer leurs enfants mais bon nombre
d’Européens partaient en Italie s’instruire ; Lefèvre d’Etaples, Copernic, John Colet, Erasme,
Guillaume Budé. Mais c’est dans les années 1520 que les italiens perdirent leur suprématie
dans les études humanistes au profit d’Erasme, de Budé, de Reuchlin, de Luis Vives ou de
Thomas More.
Comme en Italie les idées et les techniques nouvelles furent conçues dans de petits cercles
comme celui de Paris avec Budé, Béathus Rhenanus, Gaguin et Bouelle. Les Lettres
qu’échangeaient les humanistes contribuaient à « une République des Lettres »
internationales. Cette cohésion est aussi assurée par le développement de l’imprimé. L’autre
lieu de l’expansion est l’université à partir de 1500. La première chaire de poésie fut ouverte à
Louvain en 1477 et à Salamanque en 1484 à propos d’auteurs grecs et latins. Les études
grecques se répandirent plus largement dans la Haute Renaissance. L‘hébreu redevint aussi un
centre d’intérêt important, pas seulement pour lire l’Ancien Testament mais aussi pour étudier
la kabbale, la tradition secrète occulte des érudits juifs. Reuchlin publia un livre sur la
Kabbale en 1517.
Le Grec était quant à lui la clef des deux antiquités païenne et chrétienne. Ainsi les œuvres du
poète Lucien (IIème siècle après JC) et ses discours satiriques inspirèrent-ils de nombreux
Humanistes dont Erasme, Hutten et Valdès
Conflits.
Des divisions profondes apparaissent chez les humanistes. Une des principale est soulevé par
Erasme : comment concilier respect de l’Antiquité païenne et christianisme ?.
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Des conservateurs s’opposaient à l’étude du Grec et de l’hébreu à l’Université (Louvain)
En France, la Sorbonne s’opposait aux nouvelles méthodes des lecteurs royaux. ( futur
Collège de France). Les Humanistes critiquaient aussi la chevalerie et leurs romans.. Dans les
arts plastiques aussi les contacts et conflits construisirent une culture hybride, le cardinal
Georges d’Amboise fit-il construire en style classique aussi bien qu’en gothique (Hôtel de
Cluny)
Erasme le superhumaniste.
Erasme fut l’équivalent de Bembo. Il méprisait les philosophes scolastiques au latin négligé et
barbare. Il était admiratif devant les Antiquités païenne et chrétienne : il aimait Cicéron et
Lucien tout en traduisant les Pères de l’Eglise. Il croyait à la résurrection des « belles lettres ».
Grandi à l’âge de l’imprimerie, il supplante ses pairs par son talent personnel pour exprimer
les idéaux humanistes de façon plus claire et plus persuasive. Il fut l’humaniste le plus brillant
et le plus respecté d’Europe. Son manuel du soldat chrétien et l’éloge de la folie furent édités
plusieurs dizaine de fois et traduits dans de nombreuses langues européennes.. Il fut invité
dans les cours d’Espagne, de France, de Bavière , de Suisse, d’Angleterre et avait comme
amis et disciples Thomas, More, Jhon Colet, Marguerite de Navarre, Rabelais, Lefèvre
d’Etaple, Vives et Valdès. Des statuts furent érigées à Bâle et à Rotterdam. Béatus Rhénanus
se fit son biographe. Voulant être citoyen du monde , il correspondait avec ses amis étrangers.
S’il est favorable à l’étude de l’Hébreu pour revenir au source du christianisme, il s’oppose
toutefois à l’étude de la philosophie occulte. Il possède aussi des sentiments mêlés envers
l’Humanisme italien qu’il accuse de trop imiter le style romain faisant passer la forme avant le
fond. Sa deuxième crainte est qu’ils ressuscitent le culte païen.
L’Age de la diversité : La Renaissance tardive.
Autrefois, il était universellement admis que la transition d’Erasme à Luther marquait une
crise voir la fin de la Renaissance. Ici l’on verra qu’elle continue un siècle de plus jusque vers
1630. en effet de nouvelles variétés d’humanisme ont été créées en coexistence et interaction
avec le protestantisme et le catholicisme. Les expression d’égalité avec les Anciens sont
révélatrices ; le poète comique Gil Vivente est le Plaute portugais et le cénacle de poètes
français s’appelle la Pléiade.
Diversité.
C’est à cette époque que les modèles antiques et italiens ont été interprétés avec une liberté
consciente et une créativité délibérée. Le conflit sur les règles en devint que plus vif. Ainsi les
règles de littératures furent-elles tirées de la poétique d’Aristote (tragédie, comédie, les trois
unités). Vasari encourageait l’idée d’un canon artistique par les jugements. Le vitruvisme
continuait en architecture et ses règles furent solidement établies par Palladio et Serlio.
Pourtant des dramaturges désobéissaient à Aristote et l’anti-pétrarquisme florissait.. Palladio
lui même s’écarta de ses règles dans certaines villas romaines. En peinture , la grande bataille
opposait Florence à Venise entre dessin et couleur.
Les périphéries
C’est à cette période que les idées et les formes de la Renaissance s’étendirent aux périphérie.
De nombreux artistes de Pays-Bas irradièrent la culture en Allemagne, à Prague mais aussi
autour de la mer baltique où ils enseignaient, écrivaient l’histoire, peignaient. La Culture
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s’étendit ainsi en dehors de l’Europe. On trouvait des peintures italiennes à Ispahan. En chine
les gravures d’Anvers introduites par le jésuite Ricci inspirèrent les paysagistes chinois. Il y
avait des pétrarquistes au Pérou
Garcilaso, l’humaniste inca fils d’une princesse inca et d’un conquistador devint un homme
de lettres réputé. Il écrivit une histoire du Pérou où il soulignait l’importance des philosophes
et des poètes incas et affirmait que les Incas croyaient déjà en un dieu unique et en
l’immortalité de l’âme. Comme les néoplatoniciens, ils avaient un culte du soleil.
Les modèles classiques.
Les modèles romains restaient influents comme Cicéron, même si une partie des humanistes
lui préférait Sénèque et Tacite dont les styles visaient la simplicité, la brièveté, toléraient les
irrégularités et se caractérisaient par l’usage fréquent de la parenthèse. En poésie, le modèle
suprême restait Virgile.
Mais la diversité entraînait vers la littérature grecque. Ainsi Jean Dorat initia Ronsard à cette
culture. Pindare fut redécouvert en poésie lyrique et ses odes aux athlètes olympiques firent
école. Le mot « ode » devint à la mode et on les transposa aux cours de la Renaissance
notamment pour faire l’éloge des princes.
Dans plusieurs pays, on essaya d’écrire de la poésie en mètres antiques mais les différences
phonétiques entre langues anciennes et vernaculaires modernes entraînèrent de nombreuses
difficultés. Il était donc moins épineux de prendre la Rome antique comme thème poétique
comme Joachim du Bellay dans ses antiquités de Rome. De nombreux artistes allaient étudier
les ruines de Rome.
Modèles italiens
Les expatriés italiens ont joués un rôle important dans la diffusion de la Renaissance : Serlio,
le Primatice et Rosso firent une carrière en France, Arcimboldo passa 25 ans en Europe
centrale. Les étrangers sont encore nombreux à visiter l’Italie pour les Antiquités mais aussi
pour l’Italie moderne.
Ainsi le maniérisme flamand doit beaucoup aux années passés en Italie par Frans Floris à
étudier et copier Michel-Ange et Jules Romain.. L’imprimerie répand les modèles plus
largement, notamment au niveau de la musique imprimée qui connaît son essor. La traduction
d’auteurs modernes comme l’Arioste et Castiglione, ou le traité d’architecture d’Alberti
permet de répandre ce modèle italien.
Architecture
C’est grâce à ces traités que le terme même d’architecte entre dans les vernaculaires. Celui-ci
doit connaître les lettres comme les œuvres manuelles. Les nouveaux palais leur permettaient
de montrer leur talent. Pierre Lescot commença le Louvre vers 1540, Vasari les Offices de
Florence, Batista de Tolédo et Juan de Herrera l’Escurial pour Philippe II. Les modèles
classiques plaisaient aux monarques mais aussi aux nobles ruraux et patriciens. Sansonivo
dessina la bibliothèque Saint-Marc à Venise et Palladio le théâtre et la basilique de Vicence.
A la campagne ce fut l’âge de la villa dont beaucoup furent construite autour de Venise entre
1540 et 1570 par Palladio. C’est aussi l’époque des châteaux de la Loire et des demeures
élisabéthaines.
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Peinture et sculpture.
Les scènes mythologiques se répandirent en peinture souvent inspirées des métamorphoses
d’Ovide. Véronèse représenta les dieux païens, le Primatice réalisa des peintures sur Ulysse à
Fontainebleau, Peter Bruegel s’en inspira.
En sculpture les fontaines très sculptées représentant, elles aussi, des scènes mythologiques
devinrent à la mode comme les fontaines de Neptune à Bologne ou la fontaine des innocents
de Jean Goujon à Paris.
Les statuts équestre imitant celle de Marc-Aurèle firent leur apparition ( Cosme de Médicis à
Florence, Louis XII à Blois, Henri IV sur le Pont-Neuf ou Philippe III sur la Plaza Major de
Madrid. Elles permettaient de montrer la domination des souverains.
Variétés d’humaniste.
C’est aussi à cette époque que le terme d’humaniste entre dans les vernaculaires. Montaigne
les oppose aux théologiens. Certains grands humanistes italiens sont renommés
internationalement comme Le Pogge, Bruni et Valla. Mais le mouvement se développe et se
diversifie, voir se fragmente. Les idéaux du début du XVème étaient perçus comme assimilés
et allant de soi. Ainsi en philosophie, on voyait s’ajouter au mouvement platonicien des
retours à l’épicurisme, au stoïcisme, au scepticisme. Les humanistes tardifs d’intéressaient à
d’autres Antiquités, celte, arabe, des mages perses, indiennes.
L’intérêt pour les Egyptiens continua à se développer depuis Marcile Ficin ( Le rêve de
Poliphile), les obélisques se multipliaient sur les tombeaux, on collectionnait les momies à
Aix en Provence.
Une certaine réhabilitation du Moyen-Age eut lieu, la littérature médiévale étant discutée par
les érudits. En France on faisait l’éloge de Vercingétorix.. Les Danois s’identifièrent aux
Cimbres les Hongrois aux Huns.
Humanisme, musique et philosophies naturelles.
En musique, c’était les italiens qui admiraient les étrangers surtout Josquin des Prés. Des
humanistes comme Jean Antoine de Baif s’efforcèrent de ressusciter la musique grecque
antique, il fonda une académie de poésie et de musique.
Les Humanistes ressuscitèrent aussi les philosophes naturels (savant n’apparaît qu’au XIX)
comme Hippocrate, Galien ou Ptolémée. Francis Bacon croyait que le progrès consistait à se
ré-accaparer la science antique. Le cabinet de curiosité se répandit. C’est en lisant Cicéron et
Plutarque que Copernic comprit que la terre était en mouvement. Les théories héliocentriques
étaient discutées dans de nombreuses universités. A cette époque toutes les sciences ont relevé
la tête
L’essor des vernaculaires.
Une autre diversité fut aussi la critique humaniste du latin en formant pour la première fois
l’idée de langue morte. La célébration du vernaculaire se fit la première fois par Joachim du
Bellay dans sa défense et illustration de la langue française en 1549 ; Les Espagnols firent de
même en soutenant que leur langue étaient la plus proche du latin. Joao de Barros fit l’éloge
du Portugais et Edmund Spencer de l’Anglais. Ce fut aussi l’époque des premières
grammaires des langues modernes. Nebrija pour l’Espagnol, Fouquelin pour le français.
Laurys Le Marrec
Si les traductions se faisaient en Latin, elles furent plus nombreuses vers les vernaculaires
notamment Erasme, l’Utopie de Thomas More et les œuvres de Rabelais. Ces traductions
étendirent le vocabulaire des vernaculaires par l’invention de nouveaux mots. Ces
néologismes étaient indispensables pour diversifier le pauvre lexique de ces langues. Certains
firent des emprunts au Latin et à diverses langues ce qui entraîna des mécontentements. De
plus, de nombreux humanistes étaient polyglottes comme le compositeur français Roland de
Lassus qui, formé en Italie, travaillait en Bavière et écrivait en Latin, en Italien, en Français et
en Allemand. L’Italien était très répandu dans les couches supérieures européennes.
La diversité des genres.
Ce fut un temps de classique en littérature et en vernaculaire dans toute l’Europe : épopée,
poésie lyrique, comédie, tragédie, satyre. Dans son histoire de l’Italie, Guichardin s’inspire
des modèles antiques et se démarque des chroniques. Son soucis de l’analyse et de
l’explication fait penser à Thucydide. Machiavel apporta une grande contribution à l’essor des
vernaculaires. Les ouvrages ne relevant pas de la fiction adoptaient souvent la forme
dialoguée inspirée de Cicéron et de Platon (le courtisan de Castiglione). C’est aussi l’époque
des discours à travers les essais qu’ils soient de Montaigne ou de Bacon.
L’épopée.
L’épopée était considérée comme le plus noble genre ( Roland furieux de l’Arioste et
Jérusalem délivrée du Tasse). Elles étaient souvent inspirées de Virgile, d’Homère mais aussi
de Lucain dont la Pharsale chantait l’histoire de la guerre civile romaine. Les thèmes
bibliques étaient aussi employés notamment avec les personnages d’Esther, Joseph, Judith. Le
passé national était un autre thème( L’Italie libérée des Goths de Trissino, 1547). La
Franciade de Ronsard remontait jusqu’à l’origine troyenne de la France par Francion fils
d’Hector.
Le Roman
Le roman courtois restait populaire malgré les critiques d’Erasme. La défense du genre se fit
par les humanistes après la découverte du roman antique, surtout des Ethiopiques de
Heliodore.. Le roman fut ainsi perçu comme un équivalent en prose de l’épopée et finit par le
remplacer. Les nouveaux romans étaient écrit sur des bases plus classiques comme les
bucoliques de Virgile qui évoque les amours de bergers et de bergères ce qui donna le genre
pastoral. L’opposée de la pastorale est le roman picaresque qui met en scène des anti-héros à
travers les voyous. Suivant le modèle classique de l’âne d’or d’Apulée et le satiricon de
Pétrone.
Les comédies.
La fin du XVIème vit naître les théâtres permanents, comme l’hôtel de Bourgogne à Paris en
1548 et dans toutes les métropoles européennes.. Lope de Vega, Shakespeare, Robert Garnier
profitèrent des ces nouvelles installations.; Les pièces s’inspiraient de l’histoire récente mais
aussi de l’antiquité romaine notamment Sénéque et ses personnages, Jocaste et Phèdre. La
comédie reprenait souvent les œuvres d’Aristophane et de Plaute. De nouveaux personnages
apparaissent, le soldat fanfaron, pantalone, le capitano et devinrent ceux de la commedia
del’arte.
Laurys Le Marrec
Les réformes
Calvin désapprouvaient toutes les pièces de théâtre même si certains protestants en
commettaient comme Théodore de Bèze et son Isaac sacrifié. Pourtant dans les écoles
protestantes les élèves jouaient des pièces écrites par les professeurs comme c’était aussi le
cas dans les écoles jésuites. Les rapports entre les humanistes et les réformes protestants et
catholiques ne furent pas simples à cause des tensions entre les valeurs chrétiennes et le fait
de ressusciter les réalités païennes. Si Zwingli et Calvin avaient tous les deux reçu une solide
formation humaniste, les critiques du paganisme antique se firent de plus en plus violentes à
partir de 1530. Théodore de Bèze se repent d’avoir écrit des épigrammes en latin dans sa
jeunesse. L’Eglise réformée et catholiques tentèrent de récupérer les Humanistes.. Les
emprunts à l’antiquité païenne inspiraient aux réformateurs catholique la même ambivalence
entre répulsion et attirance. Gargantua et Pantagruel furent condamnés par la Sorbonne
( faculté de théologie), le décaméron de Boccace mis à l’index en Espagne ; En dehors de
cela, Quintilien, Virgile, Ovide, Cicéron figuraient à l’étude chez les jésuites.
L’aristocratisation des arts.
Si le mécénat urbain public ne disparaît pas totalement, les nobles et les dames de la noblesse
prennent une place toute particulière pendant cette période. Les Habsbourg furent très présent.
Si Philippe II fit construire l’Escurial, il s’intéressa aussi au Titien et à Jèrome Bosch. Grâce à
Rodolphe II, Prague devint l’un des principaux centres artistiques d’Europe pendant quelques
années. Les cours de l’Europe périphérique prennent une nouvelle importance avec Jean III
du Portugal et Sigismond II de Pologne mais aussi en Scandinavie.
La position des villes et des citadins si importantes dans les premières phases de la
Renaissance est souvent menacée par la « reféodalisation » de l’Europe, c’est à dire par le
retour de la suprématie économique, politique et culturelle de l’aristocratie foncière : c’est
« l’aristocratisation de la Renaissance ». Si la noblesse a donné beaucoup de mécènes mais
aussi de poètes et d’écrivains, il reste inconvenant pour elle de pratiquer un travail manuel
comme la peinture, la sculpture mais aussi de faire des profits en publiant un livre. Pourtant
de nombreux poètes étaient soldats et les auteurs de la pléiade faisaient partie de l’aristocratie
française. C’est surtout dans le mécénat que l’aristocratie excelle comme les Guise et les
Montmorency en France et dans tous les pays d’Europe. Le mécénat ecclésiastique persistait
encore avec les cardinaux Farnèse et Granvelle. L’expansion du vernaculaire facilita le rôle
des femmes, dont peu parlait latin, dans les arts., Marguerite de Navarre, Vittoria Colona
étaient poétesse.. A la fin du XVIème Madeleine et Catherine des Roches animaient un salon
à Poitiers où on lisait des poèmes et où l’on parlait d’amour platonique. Il faut dire que si les
filles d’humanistes étaient bien formées, les nobles, des princesses aux dames d’honneur
l’étaient elles aussi. Si la littérature était leur centre d’intérêt principal, certaines
s’intéressaient à d’autres formes d’art. ainsi Marie Stuart dessinait, chantait et jouait du luth.
Quelques femmes peintres étaient célèbre : Catherine Van Hemessen au Pays-Bas et Levina
Teerlinc en Angleterre. Quelques femmes utilisèrent leur talent littéraire pour critiquer la
société comme Marie de Gournay dans son égalité des hommes et des femmes.
La Renaissance tardive fut donc une période d’extension sociale et géographique du
mouvement. Des milieux très divers s’approprièrent et adaptèrent les idées et les formes qui
n’avaient séduit jusque là que peu d’adeptes. C’est à cette époque que le mouvement pénétra
plus profondément la société.
Laurys Le Marrec
La domestication de la Renaissance.
Renaissance est un terme ambigu. Certains historiens y voient un événement, d’autres un
mouvement ou une période. Le définir comme un mouvement qui a conscience de lui-même
semble la meilleure définition, d’autant plus que cette innovation consciente s’est muée en un
ensemble d’habitudes de vie et de pensée qui ont marqué de leur empreinte les mentalités, la
culture matérielle et le corps. Mais au milieu du XVIème ceux qui pensaient vivre un âge
nouveau, ne le résumaient pas seulement à l’antiquité, mais aussi au Nouveau monde, à la
poudre et à l’imprimerie.
Italophilie et italophobie.
En Europe, la mode italienne touchait toutes les cours. En France la deuxième moitié du XVI
est l’époque de Catherine de Médicis. Partout l’Italie est perçue comme un modèle pour les
arts et pour la vie. Pourtant un mouvement italophobe s’élève, réaction à la fiscalité papale,
aux banquiers lombards ou au droit romain. On lutte contre l’impérialisme culturel italien.
Conrad Celtis « le luxe italien nous a corrompu ». en France on critique le Français italianisé.
Du Bellay se moque de celui qui rentre de voyage italianisé « de geste et d’habits, de port et
de langage »
La culture matérielle.
Beaucoup de nobles vivaient à la campagne. Les châteaux fortifiés se muèrent en châteaux
Renaissance mais le développement du modèle italien se heurtait parfois aux réalités
climatiques et une adaptation était nécessaire.
Les maisons plus modestes des villes furent elles aussi décorées dans le style Renaissance sur
les modèles des maison de Raphael, Vasari, Mantegna etc.. l’extension de ces décorations fut
rendu possible par la prolifération des imprimés de modèles, on y proposait des modèles de
colonnes, de chapiteaux, de caryatides, de frontons etc.. Le style grotesque fut aussi rescucité
à la fin du XVème avec ces hybrides (centaures, satyres, harpyes..). les arabesques envahirent
le sud de l’Europe par l’Espagne.
Le XVIème fut aussi appelé « l’âge de la découverte des choses » car beaucoup d’objets de
luxe furent créés et incarnaient les idéaux de la Renaissance. Les tombeaux des grandes
familles apparurent. Les intérieurs, plafonds, escaliers, portes furent transformés, ainsi que les
meubles dont beaucoup portaient des reproductions de peinture ou d’illustrations
mythologiques. La vaisselle en majolique reproduisait les mêmes choses. Les effigies
d’empereurs romains étaient fréquentes dans les demeures
Dans les maison, le grand symbole de l’Humanisme est le cabinet d’étude – le studioloconsacré à la vie contemplative, aux pensées, à la lecture et l’écriture. Certains le
transformèrent en musée (du terme muse), lieu où l’on donnait à voir des statues et d’autres
objets. Vers 1570, les Offices de Florence furent consacrées en partie à l’exposition publique
de la collection des Médicis. Le Jardin prend tout son essor en devenant salle d’exposition en
plein air, les jardin des Médicis à Florence et ceux des Este à Tivoli sont de beaux exemples..
Si les villes sont moins faciles à modeler que les jardins, certaines prendront un plan
géométrique, comme La Valette à Malte ou Palmanova dans le Frioul.. Ce sont surtout les
places qui apparaissent sur le modèle des arcades décrit par Vitruve et Alberti, Saint-Marc,
place royal à Paris, plaza major à Madrid.
Laurys Le Marrec
Les pratiques.
En art, il devient commun de mesurer, copier et dessiner les statues et bâtiments antiques
ainsi qu’étudier l’anatomie. L’école permettait l’édition critique des textes et l’imitation de
ceux-ci. Des modes de lire, de parler y étaient enseignés. De nombreux collèges reprenaient
ces méthodes en Europe. Les écoles jésuites (1500 élèves à Billom en 1582, 1300 à Paris)
formaient les élèves à la rhétorique dans l’élocution , la gestuelle ( par le théâtre) aussi bien
que par l’argumentation.. La pratique du « livre des lieux communs » permettait aux élèves de
former un lexique de formules et d’exemples pouvant leur servir. Les premiers essais de
Montaigne s’en inspirèrent avant qu’il ne trouve son expression personnelle. Les « albums
d’amis » permettaient de recenser les amitiés et les objets inèrants, portraits, lettres etc…
Collectionner les objets de l’Antiquité fut une pratique très étendue, comme donner des
prénoms antiques aux enfants. Des mots latins furent employés en poésie (épigramme,
héxamètre et sonnet). Ainsi qu’un vocabulaire architectural ( corniche, frise, pilastre, place).
Ainsi une langue internationale de l’art se constitua. L’écriture manuscrite en « italique »
introduite par Le Pogge et Niccoli remplaça l’écriture gothique. Ecrire des vers devint courant
à la manière de Pétrarque et on créa des dictionnaires de son vocabulaire. la rédaction de
lettres était une autre pratique, sur les modèles de Cicèron et de Pétrarque et d’autres maîtres.
Le tourisme se développa vers les lieux culturels et vers les lieux de vie de grands
Humanistes. Les lieux de Pétrarque étaient très courus. Les traités sur l’art de voyager furent
nombreux (Lipse).
La danse l’équitation et l’escrime devinrent des pratiques quotidiennes pour lesquels on faisait
venir des maître italiens. Le rituel de la table se développa, la fourchette fut introduite par
Catherine de Médicis dans la cours française.
La découverte du monde.
Les récits de voyage les biographies, les paysages ont eu un impact sur la vision du monde. La
découverte des Amériques s’est inscrite dans un mouvement d’expansion européenne. Les
Italiens Colomb et Vespucci furent glorifiés. L’humaniste Pierre Martyr, qui était resté en
Europe, décrivait les habitants des nouveaux mondes comme s’ils vivaient l’âge d’or.
L’imprimé contribuait à élargir l’horizon de ceux qui restaient en Europe notamment avec des
récits de voyage de première main et qui donc touchaient une plus grande population. Dans la
seconde moitié du XVIème des histoires du nouveau monde proliférèrent (Garcilaso) et donc
à la fin du XVIème, les terres exotiques et leurs populations étaient plus familières. On
trouvait dans les cabinets de curiosité de nombreux objets produits par les « indigènes ». les
cartes et les globes s’y trouvèrent en nombre aussi. Mais les images du monde étaient souvent
stéréotypées notamment avec les croyances en des populations hybrides, tirées de l’antiquité,
comme les amazones.
La notion d’Europe plutôt que de chrétienté fut introduite face à la menace ottomane par Pie
II. La première histoire de l’Europe fut rédigée par l’humaniste Giambullari en 1566 . On
s’intéressait aussi à la faune et à la flore exotiques. Les poètes reprirent les descriptions « du
bel endroit » et les tableaux de paysages devinrent un genre indépendant en Allemagne et aux
Pays-Bas. Une nouvelle attention se porte donc sur la nature.
La découverte du moi.
Les conceptions de l’individu se développent dans les portraits, les biographies inspirés de
modèles antiques comme les commentaires de César ou les confessions de Saint-Augustin
Laurys Le Marrec
Biographie.
Si le point de départ est la vie des Romains de Pétrarque, la biographie devient une
composante importante du paysage culturel dans l’Italie du XVIème. Marcile Ficin, Raphael ,
Michel-ange et de nombreux humanistes comme Erasme, Budé, Ronsard et bien d’autres
eurent la leur.. Il devient aussi courant d’écrire la vie des auteurs en préface de leurs ouvrages.
Les portraits .
Il en fut de même des portraits. Jean Fouquet est un des premiers autoportraits. Titien et
Vasari eurent le leur et les portraits d’hommes célèbres devenaient un élément important de
l’ameublement des grandes maisons et des édifices publics. Tout ceci peut amener à la
tentation d’évoquer l’individualisme mais le portrait représentait en général des rôles sociaux
plus que des individus.
La Renaissance après la renaissance.
Quand la Renaissance a-t-elle pris fin ? c’est une question difficile à répondre. Etienne
Pasquier et Montaigne évoquaient déjà le déclin mais Galilée et Descartes sont des exemples
plus parlant de la rupture avec la tradition. Galilée réfute l’idée de perfection des cieux et
Descartes veut prendre un « nouveau départ en philosophie » rompant ainsi tous les deuxavec
la philosophie naturelle d’Aristote. Ils rejettent le premier postulat des Humanistes : la
primauté des Anciens.
L’innovation scientifique prend son essor illustrée par la diffusion de l’hypothèse
copernicienne où la terre n’est plus au centre et où le cosmos réagit à des lois mécaniques et
physiques. La raison illustrée par les mathématiques, surtout la géométrie, gagne le prestige
intellectuel que l’Antiquité est en train de perdre. Voilà pourquoi on a appelé « Révolution
scientifique » la période entre la Renaissance et les Lumières, celle de la refonte des sciences
de la nature au XVIIème siècle.
Les styles artistiques baroque et classique ne marquent pas non plus une rupture nette avec la
Renaissance. Rubens comme Giotto auparavant (moyen-âge/Renaissance) peut être considéré
à le fois de la Renaissance et du baroque.
Le déclin progressif de l’hégémonie italienne constitue un changement plus net. Le XVIIème
est celui des Français, Descartes, Boileau, Corneille etc…La suprématie de la tradition
antique est mise à mal. Des genres comme le roman et le paysage prennent de l’importance
alors qu’ils étaient absents de la tradition gréco-romaine.
De ces changements de comportement et de pratiques, on peut conclure que la Renaissance a
pris fin vers 1630.Mais il faut nuancer cette position :
- le déclin du mouvement a été lent sans rupture brusque.
- Tous les champs culturels ne partagent pas la même chronologie.
- Il y des variations régionales dans le destin du mouvement , ainsi la Russie n’a
réellement découvert la Renaissance qu’à la fin du XVIIème siècle.
La survie de l’Humanisme.
Si le mouvement rétrécie, les implications scolaires perdurent jusqu’au XIXème siècle.
Boileau et Racine peuvent être perçus comme des humanistes avec leur grand style et
l’imitation des Anciens chers à Bembo. Même au XVIIIème siècle, les attitudes et les valeurs
des grands intellectuels étaient proche des humanistes. En fait le culte de l’Antiquité perdure
jusqu’aux Révolutions françaises et américaines.
Laurys Le Marrec
C’est à l’époque romantique vers 1800 que deux changements ont lieu. Le grec prend la
suprématie sur le latin. Les tenants des humanités commencèrent à voir la science comme une
menace ( contrairement à la Renaissance) et furent considérés comme réactionnaires.
Dans les arts le baroque est bien moins une rupture que ne l’a été le retour du gothique au
XIXème On peut dire que la grande manière a perduré jusqu’au rejet de la perspective de la
représentation et de la tradition de l’art « académique » qu’a été le XXème siècle.
Il faudrait aussi noter en conclusion que la Renaissance a apporté une contribution majeure à
la culture de l’Europe et qu’elle s’insère ainsi dans le grand récit. De nos jours les influences
de la Renaissance et ses œuvres sont connues du monde entier, bien plus qu’elles ne l’étaient
de leurs contemporain. L’art de la Renaissance est entré dans le patrimoine mondial.
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