entre le donneur d’ordres et ses fournisseurs.
Une toute nouvelle dynamique s’installe donc
et il peut être difficile de gérer cette nouvelle
situation.
De plus, les baisses de coûts – habituellement
le principal élément motivant une organisation
à externaliser (Bardi et Tracey, 1991; Lieb et
Randall, 1996 ; Daugherty, Stank et Rogers,
1996 ; Elmuti, Kathawala et Monipallil,
1998)–, ne sont pas toujours au rendez-vous.
Le contrat, souvent financièrement très allé-
chant, qui a convaincu un gestionnaire d’exter-
naliser à un prestataire, peut révéler des
surprises. En effet, un grand nombre de diri-
geants insatisfaits de leur expérience d’exter-
nalisation n’ont jamais vu les diminutions de
coûts tant promises (Sink et Langley, 1997).
Il est évident qu’un projet d’une telle com-
plexité et comportant autant de risques ne doit
pas être pris à la légère. Conserver cette acti-
vité à l’interne – quitte à mieux en intégrer les
facettes – constitue une alternative qui devrait
être considérée avec tout autant de sérieux que
l’externalisation. Le gestionnaire doit être
persuadé du bien-fondé de sa décision, car une
fois le projet d’externalisation mis sur pied, il
lui sera très difficile de revenir en arrière, les
coûts de renonciation étant souvent très éle-
vés. Qui plus est, toute stratégie d’externalisa-
tion doit faire l’objet d’une révision régulière,
du fait que les activités créatrices de valeur et
les compétences distinctives s’y rattachant
évoluent dans le temps au rythme des goûts et
des besoins des utilisateurs ou encore de
l’évolution technologique. Par exemple, suite
à certains problèmes rencontrés avec son four-
nisseur stratégique de composants électroni-
ques Denso et du fait que ces systèmes
représentent désormais 30% (et même un peu
plus) d’un véhicule, Toyota a décidé il y a
quelques années de réintégrer à l’interne une
partie de la fabrication de ces systèmes.
Les décisions concernant les activités
logistiques doivent être prises à l’interne
seulement
Malgré tous ces risques et inconvénients,
l’externalisation des activités logistiques peut
quand même être une solution gagnante. Tou-
tefois, une bonne préparation s’impose si on
veut éviter de commettre un autre type
d’erreurs : négliger d’impliquer ses partenai-
res dans les décisions importantes.
L’externalisation de la gestion des activités
logistiques a non seulement des implications
majeures pour le donneur d’ordres, mais aussi
pour ses fournisseurs, principalement pour
ceux de première ligne. Certains de ces
fournisseurs sont appelés « fournisseurs privi-
légiés » (FP) et constituent l’une des catégo-
ries d’organisations avec lesquelles une
entreprise interagit. Les FP peuvent être défi-
nis comme des partenaires possédant une
capacité et des aptitudes supérieures pour
offrir au donneur d’ordres un produit et un ser-
vice constamment renouvelés, d’une qualité
sans cesse rehaussée à un prix avantageux. La
collaboration qu’ils entretiennent avec le
donneur d’ordres est étroite et vise une coor-
dination et une intégration accrues des com-
pétences, en vue de créer des situations
gagnant-gagnant, tout en partageant les ris-
ques. Les FP constituent donc un maillon cen-
tral de la chaîne logistique et il est évident que
des changements dans la chaîne auront néces-
sairement de grandes répercussions sur le
fonctionnement de leur organisation.
Fait surprenant, la majorité des décisions
d’externalisation sont prises par le donneur
d’ordres sans la moindre consultation de ses
partenaires (fournisseurs, sous-traitants, équi-
pementiers). Les résultats des études (peu
nombreuses) ayant abordé ce sujet indiquent
que ces décisions sont prises d’une manière
très centralisée. À la limite, les entreprises
vont recourir à une firme de consultants, à un
distributeur ou à diverses sources d’informa-
tions comme la publicité des 3PL (Sink et
Langley, 1997 ; Boyson et al, 1999.
On constate ainsi que les FP prennent rare-
ment part au processus de sélection du presta-
taire. L’entreprise qui externalise fait son
choix selon ses propres critères, qui ne tien-
nent pas nécessairement compte des considé-
rations logistiques de ses partenaires (Halley
et Nollet, 2002). Le FP, qui a d’ores et déjà ses
habitudes au niveau de la logistique opéra-
tionnelle avec le donneur d’ordres, se voit
donc dans l’obligation d’évoluer selon de
nouvelles règles, établies par une firme
sous-traitante du donneur d’ordres et avec
laquelle il n’a peut-être jamais transigé et qui
ignore souvent tout des techniques dévelop-
pées par son organisation.
Une telle approche peut être à la source de
bien des problèmes. La nouvelle stratégie peut
forcer un fournisseur à revoir ses processus et
à les modifier d’une manière qui ne convient
pas à son entreprise, entraînant ainsi des per-
tes de productivité. À long terme, ces pertes
peuvent devenir non seulement très coûteuses
pour lui, mais aussi pour le donneur d’ordres.
Logistique & Management
80 Vol. 10 – N°1, 2002