Rédaction : Abidjan, Casablanca, Dakar l No 144 : 13 au 19 janvier 2011
Maroc 12 DH - Afrique CFA 1500 FCFA - Algérie : 80 DA - Belgique 1,9 a - Canada 3,50 $ CAD - France 1,9 a - France OM 2,20 a - Italie 1,90 a - Luxembourg 1,9 a - Suisse CHF 3,80 - Tunisie 2,3 DT
BOURSES
Tunisie Télécom entame
le processus de sa double
cotation à Tunis et à Paris
L’opérateur historique des
télécommunications tunisien
espère lever entre 600 et
820 millions d’euros en cé-
dant 20% de son capital sur
les places de Tunis et de Pa-
ris. Un montant record pour
une entreprise tunisienne.
Page 6
BRVM : «
La crise ivoirienne
touche tous les secteurs
»
Jean-Paul Gillet, directeur
général de la BRVM, s’ex-
prime sur les effets de la cri-
se ivoirienne et les perspec-
tives de la place boursière
régionale.
Page 9
BANQUES ET
ASSURANCES
BOA-Burkina : une courbe
de croissance qui mène à la
bourse
BOA-Burkina Faso appar-
tient à cette catégorie de
happy fews pour qui le dé-
but d’année rime avec pros-
périté.
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ENTREPRISES
ET MARCHÉS
Total accélère son
développement en Afrique
La production du groupe
français en Afrique de-
vrait passer d’ici 2015 de
750 000 à 1 million de ba-
rils de pétrole par jour.
Page 12
La première « voiture
algérienne » devrait être une
Renault
Les Algériens, qui atten-
dent depuis plus de 25 ans
l’installation d’une usine de
montage automobile dans le
pays et qui ont vu, dans ce
domaine, différents projets
annoncés, négociés puis fi-
nalement abandonnés, ont
appris à être prudents.
Page 16
Alstom à l’entame d’une
réelle industrie dans le
ferroviaire au Maroc
Une convention de parte-
nariat a été signée, jeudi 6
janvier, entre le gouverne-
ment du Maroc et le groupe
Alstom dans le domaine du
transport ferroviaire.
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ECONOMIE
Les contrats à terme sur les
matières premières sont-ils un
risque pour l’Afrique ?
De nombreux pays dispose-
ront bientôt de places finan-
cières développées. Après
l’Afrique du Sud, c’est le
Maroc qui a lancé le projet
le plus ambitieux. Casa-
blanca proposera bientôt
des contrats à terme à ses
clients. Risque ou opportu-
nité ?
Page 13
Le système nancier
marocain sauvé par une
libéralisaon contrôlée
Tunisie : quand un vendeur
ambulant fait craquer un
modèle économique
Les faces cachées de larsenal
d’AQMI au sud du Maroc
La Bourse de
Casablanca entame
un nouveau cycle
de croissance
Algérie : un cocktail explosif
libéralisme, naonalisme et
proteconnisme
Faible exposition à l’international,
restriction du marché des changes
et titritisation encore embryonnaire.
Des ingrédients qui ont protégé les
banques marocaines de la grande
crise financière mondiale qui souf-
fle sur les marchés depuis août 2007.
S’ajoutent à ces contraintes un marché
intérieur dynamique et une Banque
centrale réactive, qui veille au grain.
Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont
libéralisés certes, mais le système dis-
pose encore de fortes barrières à l’en-
trée. La structure des actifs reste assez
conservatrice, dominée par les dépôts
de la clientèle et des emplois affec-
tés généralement au crédit. La faible
exposition des capitaux à l’étranger
complète le dispositif anti-crise.
Lire en page 6
La Tunisie et ses performances écono-
miques exceptionnelles, saluées par le
FMI et la Banque mondiale, est rattra-
pée par l’une des crises sociales les plus
graves de son histoire. Tout est parti
d’un geste au demeurant isolé d’un
marchand ambulant, diplômé chô-
meur, qui s’est immolé le 17 décembre
2010 pour protester contre la confisca-
tion de son commerce. Depuis, les évé-
nements se sont accélérés, avec un ap-
pel à la mobilisation lancé sur Internet
qui a débouché sur un affrontement
meurtrier entre forces de l’ordre et étu-
diants. Est-ce lan d’un mythe ?
Lire en page 21
La découverte, dans l’après-midi du
4 janvier 2011, d’un arsenal de guerre
conséquent à Amghala, localité située
à 35 km du mur de sable, presque en
face des lignes polisariennes et algé-
riennes, soulève beaucoup de ques-
tions dans les capitales maghrébines
et occidentales. L’arsenal est consé-
quent, plus de 34 kalachnikovs, des
lance-roquettes, des obus de mor-
tier, des chargeurs, 1998 munitions
de calibre 7,6x. De quoi prendre un
bastion militaire ou déstabiliser une
grande ville. Tout mène à la collu-
sion entre l’organisation terroriste
et le Polisario. En l’espèce, l’absence
de preuves n’est pas la preuve de l’ab-
sence, dénotent les spécialistes.
Lire en page 4
Après deux années 2008 et 2009
dans le rouge, les indices phares de
la Bourse de Casablanca bouclent
l’année 2010 avec des croissances
supérieures à 20%. Le secteur ban-
caire, qui représente la première ca-
pitalisation boursière de la place, y a
joué un rôle moteur, à l’image d’At-
tijariwafa Bank (en hausse de 50%)
et de la BCP (75%). La première
semaine de janvier confirme cette
envolée et fait dire aux analystes que
la place casablancaise a entamé un
nouveau cycle de croissance. Des in-
troductions en bourse prévues cette
année huileront la machine.
Lire en page 9
Le 1er janvier 2011, les Algériens se ré-
veillent avec une mauvaise nouvelle.
Les principales denrées de base ont
augmenté de 50% à cause de mesures
restrictives prises dans le cadre de la
loi de Finances 2011. Depuis, les es-
prits se sont enflammés. Comment
l’un des pays théoriquement les plus
riches de l’Afrique du Nord, avec
155 milliards de dollars de réserves
de changes et 55 milliards de recet-
tes d’exportation de pétrole en 2010,
peut-il se retrouver avec un tel ni-
veau de dysfonctionnement de son
marché intérieur ? Les voix officielles
du gouvernement pointent du doigt
les marges des distributeurs. Ceux-
ci renvoient l’Etat qui a injecté 6
milliards d’euros dans la mise à ni-
veau des entreprises publiques – à ses
responsabilités.
Lire en page 18
2 - Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 ActuAlité
Côte d’Ivoire : 3 républiques parallèles
LOnuci, maîtresse de Sebroko et des airs
Abidjan – (Envoyé spécial) – « Comment on va faire ?
Faut prier seulement. Prier encore ? Dieu nous
a tellement entendus qu’il nous a donné deux prési-
dents. Est-ce qu’on va pas en avoir trois maintenant ? »
S’il ne s’agissait pas de la Côte d’Ivoire, des centaines de
personnes sont déjà mortes en quelques semaines dans la
dispute pour le pouvoir suprême, l’échange aurait prêté à
rire. Mais c’est un nouveau cauchemar de fin d’année, com-
me le pays de l’éléphant en vit malgré lui depuis ce funeste
26 décembre 1999, quand le général Robert Guéi, en père
Noël sanglé dans une tenue militaire, destitua le président
Bédié, empêchant les Ivoiriens de fêter, comme ils savaient si
bien le faire, la fin de l’année.
Trois présidents ? Pas encore, mais trois pouvoirs coexistent
déjà. Trois territoires, trois légitimités.
Les deux premiers sont déjà visibles dès l’aéroport internatio-
nal Félix Houphouët-Boigny, le hub de l’Afrique de l’Ouest,
proclame fièrement AERIA, la société privée chargée de sa
gestion qui revendique une capacité d’accueil annuelle de
plus de 2 millions de passagers, plus de vingt compagnies aé-
riennes pour trente-cinq destinations en Afrique, en Europe
et au Proche-Orient. En temps de paix peut-être. En cette fin
d’année, le tarmac est plutôt vide. Dès la tombée de la nuit,
la compagnie nationale Air Ivoire est presque seule à y po-
ser des avions. Les autres ont prudemment choisi désormais
d’atterrir et de décoller dans la journée.
Les formalités de police accomplies, plutôt rapidement, en
tout cas sans aucune crispation inhabituelle, les fiches de -
barquement ne sont du reste plus exigées, contrairement à la
quasi-totalité des aéroports africains.
En cette soirée, le hall est presque désert. Certains commer-
ces sont déjà fermés, mais pas le bureau de l’Onuci, l’Opéra-
tion des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire. C’est le deuxiè-
me pouvoir en terre ivoirienne, à côté de celui du président
Gbagbo, proclamé vainqueur par le Conseil constitutionnel
et qui a obtenu l’allégeance des Forces de défense et de sécu-
rité, l’armée nationale, avec ses unités d’élite de la Garde ré-
publicaine, mais aussi la Gendarmerie et les Jeunes patriotes
de Charles Blé Goudé, devenu ministre de la Jeunesse, sans
perdre pour l’heure à tout le moins, sa verve et son bagout.
Renfort
Gbagbo avait pourtant exigé le 19 décembre 2010 « le départ
immédiat de Côte d’Ivoire des Casques bleus de l’Onuci [environ
10 000 soldats] et de la force militaire française Licorne [envi-
ron 900 hommes] », qu’il juge partiaux. Le Conseil de sécurité
des Nations Unies a répondu le 20 décembre par la résolution
1962 prolongeant le mandat de l’Onuci de six mois. Bien loin
d’obtempérer à la demande de Gbagbo, l’ONU est en voie de
renforcer ses effectifs en Côte d’Ivoire. Le chef des opérations
de maintien de la paix, Alain Le Roy, de retour d’Abidjan, a
demandé 1000 à 2000 Casques bleus supplémentaires.
Gbagbo n’en démord pas pour autant. Le jour de l’An, il a
réitéré ses exigences. L’Onuci a « tiré sur des civils », a-t-il
accusé. Elle doit en conséquence partir.
Forteresse
Si à l’aéroport l’Onuci n’a qu’un modeste bureau pour facili-
ter arrivées et départs, il en est autrement en son siège, à l’ex-
hôtel Sebroko sis sur le boulevard de… la Paix, à Abidjan. Ce
bout de terre ivoirienne, de quelques hectares seulement, est
un territoire étranger. Une forteresse imprenable. Des barbe-
lés qui rappellent les images de télévision en Irak, en Israël.
Un autre monde. Il faut slalomer entre blindés de couleur
blanche, sacs de sable, blocs de béton et barbelés pour ac-
céder à l’entrée. Le reste devra se faire à pied, car les véhi-
cules « étrangers » n’y sont pas habituellement admis. Une
cabane en bois est le détour obligé il faut laisser une pièce
d’identité. Ensuite, il faut attendre le bus à l’arrêt situé juste
derrière la cabane.
C’est un autre pays. La langue officielle déjà n’y est plus le
français. C’est une tour de Babel abritant une cinquantaine
de nationalités dont les principales sont le Bangladesh, le
Bénin, la France, le Ghana, la Jordanie, le Maroc, le Niger,
le Pakistan, le Sénégal et le Togo. La langue la plus parlée est
probablement l’anglais.
A perte de vue, dans cette forteresse, des véhicules 4x4, sans
doute l’une des plus fortes concentrations au mètre carré.
Des « Japonaises » blanches, bien rangées dans des parkings
qui occupent plus d’espace que les bâtiments. La vie y est
grouillante. Bruyante aussi avec un ballet incessant d’héli-
coptères, surtout depuis qu’ils assurent, comme le firent les
avions à Berlin Ouest sous blocus communiste au lendemain
de la Deuxième Guerre mondiale, le seul lien de la républi-
que du Golf avec l’extérieur.
Hélicoptères ukrainiens, bruyants, mais si précieux, qui
permettent au troisième pouvoir, qui sge au Golf et qui
compte quelques centaines de personnes, de tenir le siège
qui lui est imposé.
Vieux blindés
Si les voitures sont flambant neuf, il en est autrement des
blindés. Beaucoup ne sont plus de première jeunesse.
Beaucoup doivent de ne pas dévaler les pentes de la colline
de l’hôtel Sebroko qu’à des blocs de pierre qui renforcent des
freins à main hors d’usage depuis longtemps.
Maîtresse en son bunker et dans les airs, l’Onuci se révèle fra-
gile à l’extérieur. Elle ne sort plus qu’en convois de plusieurs
camions, bondés de militaires lourdement armés et casqués,
néanmoins à la merci de foules aux mains nues, mais pou-
vant être infiltrées par quelques miliciens armés susceptibles
de faire mal. L’Onuci est désarmée face aux foules. Que faire,
tirer sur elles au risque de faire un vrai carton ?
Elle doit aussi compter avec les FDS, maîtresses du territoire
contrôlé par Gbagbo. Elle a ainsi été empêchée par les FDS
de se rendre sur un suppo charnier. Ses placements, en
général, dépendent du bon vouloir de l’armée ivoirienne. Le
Roy en a été réduit à remercier le chef d’état-major, le -
néral de Corps d’armée, Philippe Mangou, qui a sauvé le 28
décembre 2010 des Casques bleus pris à partie par des Jeunes
patriotes à Yopougon. « J’ai moi-même conduit les éléments
jusqu’à leur base, pour les remettre au général Hafiz. »
Son ton a changé depuis. S’exprimant à la Radiotélévision
ivoirienne (RTI) le 3 janvier dernier, le général, en visite à
l’hôpital militaire d’Abobo (HMA) étaient hospitalisés
des blessés dans des affrontements entre soldats de l’Onuci
et Jeunes patriotes le 29 décembre dernier, il s’est fait mena-
çant. « Nous disons au général Hafiz que c’est la dernière fois
que ses hommes tirent sur des Ivoiriens aux mains nues. »
C’est peut-être la raison qui a poussé Le Roy à demander des
renforts, parce que la nécessité de défendre l’hôtel du Golf
paraît invraisemblable. L’hôtel du Golf est aussi imprenable
que le siège de l’Onuci. Et le risque d’un assaut par les forces
loyales à Gbagbo est très faible.
Mais l’impasse ivoirienne, c’est aussi ce jeu de poker men-
teur où chaque camp cherche à cacher son jeu.
Chérif Elvalide Sèye
Il n’y a pas deux pouvoirs, mais trois en
Côte d’Ivoire. Ceux des présidents Gbagbo
et Ouattara, qui ont prêté serment, l’un
devant le président du Conseil constitutionnel,
l’autre par courrier. Le 3ème, celui de l’Onuci,
n’est pas incar par un président. Il n’a fait
allégeance ni à l’un ni à l’autre. Il soutient le se-
cond contre le premier et ne reçoit d’ordre que
de New York, le siège de l’ONU. Son pouvoir
s’exerce à l’hôtel Sebroko, son siège à Abidjan.
Dans un autre hôtel, que l’on ne rejoint plus
que par les hélicoptères ukrainiens sous pa-
villon onusien, siège l’autre président. Il est
celui de la communauté internationale et de la
plupart des pays africains.
Le dernier, premier en date, tient une partie du
pays depuis dix ans. Proclamé président par le
Conseil constitutionnel, il s’appuie sur l’armée
nationale, les Jeunes patriotes, et s’ingénie à
incarner la forteresse nationale assiégée par les
forces néocoloniales. Il y aurait mieux réussi, si
à côté de l’ONU et des puissances occidentales,
l’Union africaine, la Communau économi-
que des Etats de l’Afrique de l’Ouest, l’Union
économique et monétaire ouest-africaine
n’avaient également pris le parti de Ouattara.
CES
Sebroko, l’autre hôtel qui échappe au pouvoir de Gbagbo, est tenu par l’Onuci, également maîtresse des airs.
Gbagbo avait exigé « le départ immédiat
de Côte d’Ivoire des Casques bleus de l’Onuci
et de la force militaire française Licorne ». Le
Conseil de sécurité des Naons Unies a répondu
par la résoluon 1962 prolongeant le mandat
de l’Onuci de six mois.
Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 - 3
ActuAlité
Le temps, allié de Gbagbo
Ouaara impaent
C’est un partisan de Gbagbo. Sous cou-
vert d’anonymat, il est pourtant bien
féroce vis-à-vis de son champion.
Il lui en veut d’avoir si mal négocié le virage
électoral. Ne gagner que de quelques petits
points malgré l’annulation d’un demi-million
de voix ! Gbagbo devait-il seulement se pré-
senter ? Dans l’esprit, il a fait les deux mandats
que la Constitution lui permet.
Pour lui, pas de doute. Le président déchu ne
partira jamais de lui-même. Opposant au long
cours, « il a découvert et goûté aux plaisirs du
pouvoir. Il ne le quittera jamais. Même s’il lui
faut régner sur des cimetières, il le préfère au
statut d’ancien président. Il n’a plus qu’une am-
bition, rester le président le plus longtemps pos-
sible, jouir du pouvoir, pouvoir dire et redire, “je
suis le président” ».
Gourous évangélistes
Sonné par l’issue de l’élection, Laurent Gbagbo
ne desserrait plus ses lèvres, lui si habituelle-
ment souriant. Depuis, il s’est bien repris. En
particulier avec ses pairs de la CEDEAO, pour-
tant censés être venus lui intimer l’ordre de
céder son fauteuil, il a retrouvé sa jovialité ha-
bituelle. C’est qu’il revient de loin. Convaincu
désormais que, de même qu’il avait réussi à se
sortir du piège de Marcoussis et du Groupe de
travail international, des accords d’Accra, de
Pretoria, il trouvera la parade pour conserver le
pouvoir sur une partie quelconque de la Côte
d’Ivoire. Conforté, avec son épouse Simone,
par leurs gourous évangélistes.
Les ultimatums de l’ONU, de la
CEDEAO, de l’Union africaine, d’Oba-
ma, de Sarkozy, ne pèsent guère face aux
certitudes du couple qui règne en maître
sur la Côte d’Ivoire, hormis les deux en-
claves hôtelières à Abidjan et la zone sous
contrôle déjà de la rébellion. L’allégeance
de toutes les forces armées gouverne-
mentales, les Jeunes patriotes, mais aussi
la présence d’une forte communau
étrangère, le tiers de la population, lui
assurent un règne incontesté. Un assaut
par l’ECOMOG, contingent armé de la
CEDEAO, paraît invraisemblable. Il aboutirait
à un réel carnage. La CEDEAO est certes déjà
intervenue lourdement, mais c’était dans des
pays déjà en guerre, le Liberia, la Sierra Leone.
Recettes d’exportation
Son rival Ouattara a, du reste, reconnu le fait,
en suggérant une action commando ciblée.
Mais les Israéliens qui assurent sa sécurité
ont montré leur savoir-faire en 2004 à l’oc-
casion des heurts avec les forces françaises.
L’ECOMOG et les forces africaines n’ont pas
encore du reste démontré un savoir-faire en
la matière, contrairement aux forces françai-
ses, américaines ou anglaises. Mais la France,
peut-être pour ne pas exposer sa vingtaine
de milliers de ressortissants expatriés en Côte
d’Ivoire, a déjà averti qu’elle n’en ferait rien.
L’intervention militaire semble ainsi s’éloigner.
Il ne resterait alors que l’asphyxie financière
pour venir à bout de Gbagbo.
Les mesures du FMI, de la Banque mondiale,
de l’UEMOA sont de nature à gêner Gbagbo,
mais dans la durée. S’agissant de l’UEMOA,
par exemple, la décision n’affecte que les re-
cettes d’exportation qui sont placées dans le
compte d’opération logé au Trésor français.
Un haut cadre de la BCEAO explique du reste
que la sanction financière prendra beaucoup
de temps avant d’affecter effectivement le
pouvoir de Gbagbo. Le temps, premier allié
de Gbagbo.
A l’expiration de son mandat, il a résisté pen-
dant cinq ans à l’ONU et fini par imposer son
agenda. Malgré le renfort, aujourd’hui, des
institutions et des pays africains, le front est
moins uni qu’il n’y paraît, avec le Ghana qui
a fait entendre sa différence, rejoignant ainsi le
Cap-Vert, la Gambie, l’Angola.
Gbagbo, réaliste, s’est accommodé de son pays
divisé, occupé en partie par une rébellion. Il
semble bien prêt à continuer ainsi, malgré un
isolement international sans précédent, des
pressions politiques, diplomatiques et finan-
cières grandissantes ainsi que les menaces à
peine voilées de traduction devant la Cour pé-
nale internationale.
Pour l’heure, tout cela ne pèse pas pour
Gbagbo, persuadé que le temps finira par avoir
raison de tout cela. L’essentiel, pour lui, est de
régner.
Hance Guèye
Quand il rentre dans une des salles de
réunion de l’hôtel du Golf, le céré-
monial présidentiel est tant bien
que mal soigné. Presque tout le gouvernement,
avec à sa tête le Premier ministre Soro, est sa-
gement aligné. La salle est remplie des parti-
sans du nouveau pouvoir. Le pupitre pour l’al-
locution présidentielle est sans prétention. Son
message est bref, ponctué à la fin par l’hymne
national. Pas joué par une fanfare militaire. Il
est débité par une sono puissante après quel-
ques couacs.
Ouattara, longtemps silencieux, est sorti de sa
réserve pour menacer et exiger. Mais des trois
pouvoirs qui se partagent la Côte d’Ivoire, il est
aujourd’hui le plus faible. Reconnu internatio-
nalement, il n’a guère les moyens de s’exercer.
Le temps joue contre lui. La mobilisation en sa
faveur ne durera pas éternellement. Il lui faut
trouver quelque chose, faire quelque chose.
Mais quoi ? quand, même pour manger, il faut
que le ravitaillement soit assuré par les héli-
coptères de l’Onuci, qui constituent le cordon
ombilical de la république avec la réalité.
HG
Isolé à l’extérieur, Gbagbo ent bien son pays, persuadé que chaque jour
qui passe est un jour de gagné.
Ses souens se mulplient à l’extérieur, mais dans sa « république du
Golf », il est bien impuissant et trouve le temps très long.
« Il a découvert et goûté
aux plaisirs du pouvoir. Il ne
le quiera jamais. Même
s’il lui faut régner sur des
cimeères, il le préfère au
statut d’ancien président. »
4 - Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 ActuAlité
Les faces cachées de l’arsenal
d’AQMI au sud du Maroc
La découverte, dans l’après-midi du 4 janvier 2011, d’un
arsenal de guerre conséquent à Amghala, localité située
à 35 km du mur de sable, presque en face des lignes po-
lisariennes et algériennes, soulève beaucoup de questions dans
les capitales maghrébines et occidentales. L’arsenal est consé-
quent, plus de 34 kalachnikovs, des lance-roquettes, des obus de
mortier, des chargeurs, 1998 munitions de calibre 7,6x. De quoi
prendre un bastion militaire ou déstabiliser une grande ville.
Cartes topographiques
Caractéristique de toutes ces armes, elles semblent avoir déjà servi
et étaient au demeurant bien entretenues, prêtes à être utilisées.
Les inscriptions en langue russe bien visibles ôtent tout doute
quant au lieu d’origine. La proximité avec le premier sac de sable
du Polisario restreint les hypothèses quant aux éventuelles com-
plicités. Ce n’est pas un énième communiqué instantané émis
par l’organisation, disculpant tout lien avec AQMI, qui atténuera
ce qui, de plus en plus, constitue la piste privilégiée des services
de renseignement de la région. Car, comment s’explique l’intro-
duction de cet arsenal de guerre dans cet endroit surprotégé, cou-
ché en joue par trois armées ? Pour qu’AQMI sorte de son nord
du Mali et pousse aussi loin, sur des milliers de kilomètres, avec
des moyens rudimentaires, la complicité du GPS et surtout de la
cartographie (pour au moins éviter les mines antipersonnel) est
indispensable. Cela d’autant que les investigations ont permis la
saisie de cartes topographiques de la frontière algéro-marocaine.
Tout mène à la collusion entre l’organisation terroriste et le
Polisario. « L’absence de preuves n’est pas la preuve de l’absence »,
rétorque cet expert en balistique qui invite à placer le débat
sous l’angle stratégique. « L’alliance objective est réelle : les deux
organisations cherchent à déstabiliser le Maroc. L’armement dé-
couvert à Amghala provient du Polisario, peut-être par une livrai-
son officieuse. Peut-être aussi que cette coopération va plus loin et
devait concerner la déstabilisation de Laâyoune. » Bref, pour les
experts, les liens peuvent aller du mercantile au politique. Soit
le Polisario recycle son vieil arsenal dans toute la région. Soit, en
ce qui concerne le cas du Maroc, il procède par procuration par
le biais d’AQMI, qui rêve de « libérer » toute la région des signes
d’une modernité assimilée à la mécréance. En outre, des sour-
ces locales indiquent que les armes découvertes près d’Amghala
étaient destinées au campement d’Igdiz, démantelé fin novem-
bre 2010 et d’où étaient parties les émeutes de Laâyoune.
L’arrestation de 27 éléments terroristes
Comment les armes ont été découvertes ? Tout est parti d’une
arrestation. 27 éléments de l’AQMI, dont un Marocain prove-
nant des camps de l’organisation terroriste, au nord du Mali. Le
communiqué officiel n’en dira pas plus. Même pas les identités
et les nationalités des présumés pour, indique-t-on, ne pas gêner
l’enquête. Comment ont-ils été arrêtés ? D’abord à Casablanca, à
l’occasion du braquage de deux agences bancaires dans le camp de
Hay Hassani, le 1er janvier dernier. Les deux tentatives échouent.
Le quartier est bouclé. Des éléments sont arrêtés. D’autres tom-
beront rapidement dans les heures qui suivent. C’est ainsi que
quatre membres du groupe, qui tentaient de franchir la frontière
La découverte d’une cache d’armes d’AQMI au
sud du Maroc à quelques kilomètres des lignes
du Polisario renforce l’hypothèse d’une collision
entre les deux groupuscules.
Caractéristique de toutes ces armes, elles semblent avoir déjà servi et
étaient au demeurant bien entretenues, prêtes à être utilisées.
Hold-up électoral
Point de vue africain
Trois points de vue s’affrontent aujourd’hui sur la crise ivoi-
rienne. Il y a tout d’abord celui, romantique, portant sur la
non-ingérence et le respect de la souveraineté nationale, or-
chestré par une certaine intelligentsia africaine, réactionnaire,
qui oublie volontiers que le processus ivoirien de sortie de
crise a été financé de bout en bout par la communauté inter-
nationale. Avec une force d’interposition internationale. Avec
l’appui de la France. Il y a ceux, nombreux, qui fondent leur
jugement sur le verdict implacable du scrutin le plus transpa-
rent jamais organisé sous le ciel d’Afrique. Cet argument est
soutenu par l’ONU, les USA, la France, la Grande-Bretagne, le
Canada, la CEDEAO et l’Union africaine. A côté de ces deux
points de vue, il y a le vieux débat identitaire ivoiro-ivoirien,
qui n’a rien de politique, qui repose sur le postulat ethnique.
Cette dernière thèse s’amplifie de jour en jour, alimentée par
les rancœurs et la détermination d’un camp qui a perdu les
élections et qui est prêt à faire feu de tout bois pour barrer
la route au vainqueur légitime. Au cours de ces dernières se-
maines, Laurent Gbagbo a montré qu’il était prêt à tout pour
conserver son fauteuil. Jusqu’à la guerre civile, jusqu’à la mon-
naie ivoirienne. Le gel de ses avoirs et de ceux de ses compa-
gnons, l’appel de l’ONU, les sollicitations des grandes puissan-
ces, les injonctions de la CEDEAO ne l’ont pas fait fléchir. Bien
au contraire. L’intransigeance du roi bété conduit la commu-
nauté internationale et la CEDEAO face à de lourdes responsa-
bilités. Ordonneront-ils une action militaire chirurgicale, ainsi
que l’appelle de ses vœux Alassane Ouattara ? Laisseront-ils
faire au risque de reproduire la farce du Zimbabwe et de voir
les autres « démocraties » africaines appelées au rendez-vous
des urnes en 2011 s’engager sur des voies similaires ? Ce sera
certainement à regret que les armées ouest-africaines inter-
viendront pour sauver le vote du peuple ivoirien. Le coût po-
litique, financier et social d’une telle opération sera énorme.
Mais beaucoup moins que la logique irresponsable du pour-
rissement qui coûterait au pays et à la région une décennie
d’enlisement, de confrontations ethniques et d’emplois poten-
tiels perdus. Car, si à force de pantalonnades comme celles du
président ghanéen, Laurent Gbagbo triomphe de son bras de
fer avec la communauté internationale, l’Afrique retombera
dans une nouvelle logique de guerre civile du type des années
80 et 90. Le maquis redeviendra le référentiel de la prise de
pouvoir et de l’alternance politique. Une telle régression re-
léguerait les préoccupations économiques au second plan, au
grand bonheur des marchands d’armes et de tous ceux qui
veulent continuer à piller les richesses de l’Afrique. Le péril est
immense et appelle à la redéfinition même du panafricanisme.
Celui-ci ne doit pas bâtir sa légitimité sur l’anti-démocratie
ou le rejet de la communauté internationale. Appeler aux
fameuses « spécificités africaines » pour valider un hold-up
électoral revient à entériner la vieille thèse du gentil nègre qui
fonctionne selon ses propres règles. C’est en cela qu’on trouve
Laurent Gbagbo et ses compagnons bien peu patriotes et alliés
objectifs du néocolonialisme qu’ils croient combattre.
Adama Wade, Casablanca
Abidjan:passationdeservicecompliquéeàlaBRVM
Conformément aux décisions du conseil d’administration,
l’Ivoirien Tiemoko Yade Coulibaly devrait céder son poste
de président de la BRVM à Amadou Kane, président de la
BICIS. L’ancien président traîne des pieds, son entourage
faisant savoir que la succession ne peut avoir lieu qu’après
passage de témoin. D’autres arguments font prévaloir un
éventuel conit d’intérêts entre les fonctions exécutives à
la tête d’une banque et celles de président de bourse.
Autrement dit, Amadou Kane devrait d’abord démission-
ner pour monter sur le podium de la BRVM ?
QuisuccéderaàAbdoulayeBio-TchanéàlaBOAD?
Candidat déclaré aux prochaines élections présidentielles
du Bénin, Abdoulaye Bio-Tchané, 58 ans, ouvre une guerre
de succession à la BOAD. Le Sénégal, qui avait un temps
brandi la candidature d’Amadou Kane (encore lui), de la
BICIS, y a renoncé, se concentrant sur la présidence de la
Commission de l’UEMOA. Le second mandat du Malien
Soumaila Cissé arrive en effet à terme. Les chefs d’Etat,
qui se réuniront à Bamako le 22 janvier lors d’un sommet
houleux (en raison de la crise ivoirienne), devraient dési-
gner le successeur de M. Cissé, candidat à la magistrature
suprême du Mali.
Ecobankcollecte6milliardsFCFAauBénin
Une campagne menée sans tambours ni trompettes a
permis à Ecobank de collecter 6 milliards FCFA de dépôt
auprès des ménages béninois. Preuve, s’il en est, du besoin
en services bancaires des populations africaines.
600000tonnesdecacaoachetéesdéjà
A la me période de l’année dernière, les achats aups
des planteurs étaient de 400 000 tonnes, selon la Bourse
du café-cacao (BCC) de Côte d’Ivoire. Fin décembre, les
achats dépassaient les 600 000 tonnes, soit la moitié de la
production de l’ane dernière. Derrière cette embellie, il y a
le calvaire des planteurs, obligés deder leurs productions
à des prix en deçà du cours ofciel (1,67 euro le kilo).
PhillipeHenriDakouryTableysouspression
Le gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique
de l’Ouest (BCEAO), Phillipe-Henri Dakoury, a annula
conférence de presse qui devait se tenir vendredi dernier
à Bamako sur les implications de la crise politique en Côte
d’Ivoire et les actions entreprises par la BCEAO. Sous pres-
sion de l’UEMOA et de la Banque de France, le gouverneur,
plutôt pro-Gbagbo, a préféré renvoyer le dossier « Ivoire » à
la prochaine réunion des chefs d’Etat de l’UEMOA.
Banques:unnouveauratio?
Depuis la crise nancière internationale, la règlementation
bancaire s’est considérablement durcie en matière d’en-
cadrement des engagements. Aux USA, le « Leverage ra-
tio », déjà adopté, suggère que le total bilan ne dépasse
pas 25 fois les fonds propres. Cette mesure qui propose
de contrôler le niveau d’endettement des banques sera
à l’ordre du jour dans les rencontres internationales entre
Européens et Américains.
Maroc:lesbanquesfontlacourseauxPEA
Après le plan d’épargne actions lancé par Attijariwafa
Bank, c’est au tour de la Banque centrale populaire d’an-
noncer trois nouveaux produits d’épargne déscalisés por-
tant sur le logement, l’éducation et les actions. Il faut dire
que la loi de Finances 2011 exonère les revenus et prots
des capitaux mobiliers réalisés dans le cadre d’un plan
d’épargne actions (PEA) constitué par des actions et des
certicats d’investissement inscrits à la cote. Une belle ma-
nière de booster la bourse. A noter que les intérêts versés
aussi dans les plans d’épargne éducation et plans d’épar-
gne logement sont exonérés.
Les bruits de marché
algérienne, sont interpellés à Fguig. En tout, 27 éléments sont ar-
rêtés. Les premiers interrogatoires révèlent l’existence de caches
d’armes dans la zone d’Amghala. L’information est transmise à
la zone de commandement du sud. « Nous avons reçu des infor-
mations de l’inspecteur général des forces armées commandant la
zone sud comme quoi il y aurait des caches d’armes dans le secteur
d’Amghala. Nous avons procédé au ratissage à l’aide de maîtres
chiens », explique le colonel Abdellatif Mekouar. Comment cet
arsenal a été introduit dans cet endroit, en déjouant le mur de -
curité ? Pour l’heure, les militaires, les gendarmes et les éléments
de leurs sections judiciaires qui les accompagnent veulent s’en
limiter à l’état des lieux. L’enquête ne fait que commencer. Dans
la conférence de presse qu’il donnera par la suite, le ministre de
l’Intérieur indique que les terroristes interpellés étaient chargés
de créer une base arrière au Maroc et de préparer un plan pour y
commettre des actes terroristes. Le braquage des banques devait
financer cette entreprise criminelle.
MBF
Comment ont-ils été arrêtés ?
D’abord à Casablanca, à l’occasion
du braquage de deux agences
bancaires dans le camp de Hay
Hassani, le 1er janvier dernier.
Les deux tentaves échouent. Le
quarer est bouclé. Des éléments
sont arrêtés.
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