Maroc - Les Afriques

publicité
Bourses
Tunisie Télécom entame
le processus de sa double
cotation à Tunis et à Paris
L’opérateur historique des
télécommunications tunisien
espère lever entre 600 et
820 millions d’euros en cédant 20% de son capital sur
les places de Tunis et de Paris. Un montant record pour
une entreprise tunisienne.
Page 6
BRVM : « La crise ivoirienne
touche tous les secteurs »
Jean-Paul Gillet, directeur
général de la BRVM, s’exprime sur les effets de la crise ivoirienne et les perspectives de la place boursière
régionale.
Page 9
Banques et
assurances
BOA-Burkina : une courbe
de croissance qui mène à la
bourse
BOA-Burkina Faso appartient à cette catégorie de
happy fews pour qui le début d’année rime avec prospérité.
Page 8
Entreprises
et marchés
Total accélère son
développement en Afrique
La production du groupe
français en Afrique devrait passer d’ici 2015 de
750 000 à 1 million de barils de pétrole par jour.
Page 12
La première « voiture
algérienne » devrait être une
Renault
Les Algériens, qui attendent depuis plus de 25 ans
l’installation d’une usine de
montage automobile dans le
pays et qui ont vu, dans ce
domaine, différents projets
annoncés, négociés puis finalement abandonnés, ont
appris à être prudents.
Page 16
Alstom à l’entame d’une
réelle industrie dans le
ferroviaire au Maroc
Une convention de partenariat a été signée, jeudi 6
janvier, entre le gouvernement du Maroc et le groupe
Alstom dans le domaine du
transport ferroviaire.
Page 17
Economie
Les contrats à terme sur les
matières premières sont-ils un
risque pour l’Afrique ?
De nombreux pays disposeront bientôt de places financières développées. Après
l’Afrique du Sud, c’est le
Maroc qui a lancé le projet
le plus ambitieux. Casablanca proposera bientôt
des contrats à terme à ses
clients. Risque ou opportunité ?
Page 13
Rédaction : Abidjan, Casablanca, Dakar l No 144 : 13 au 19 janvier 2011
Le système financier
marocain sauvé par une
libéralisation contrôlée
Faible exposition à l’international,
restriction du marché des changes
et titritisation encore embryonnaire.
Des ingrédients qui ont protégé les
banques marocaines de la grande
crise financière mondiale qui souffle sur les marchés depuis août 2007.
S’ajoutent à ces contraintes un marché
intérieur dynamique et une Banque
centrale réactive, qui veille au grain.
Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont
libéralisés certes, mais le système dispose encore de fortes barrières à l’entrée. La structure des actifs reste assez
conservatrice, dominée par les dépôts
de la clientèle et des emplois affectés généralement au crédit. La faible
exposition des capitaux à l’étranger
complète le dispositif anti-crise.
Lire en page 6
La Bourse de
Casablanca entame
un nouveau cycle
de croissance
Après deux années 2008 et 2009
dans le rouge, les indices phares de
la Bourse de Casablanca bouclent
l’année 2010 avec des croissances
supérieures à 20%. Le secteur bancaire, qui représente la première capitalisation boursière de la place, y a
joué un rôle moteur, à l’image d’Attijariwafa Bank (en hausse de 50%)
et de la BCP (75%). La première
semaine de janvier confirme cette
envolée et fait dire aux analystes que
la place casablancaise a entamé un
nouveau cycle de croissance. Des introductions en bourse prévues cette
année huileront la machine.
Lire en page 9
Tunisie : quand un vendeur
ambulant fait craquer un
modèle économique
La Tunisie et ses performances économiques exceptionnelles, saluées par le
FMI et la Banque mondiale, est rattrapée par l’une des crises sociales les plus
graves de son histoire. Tout est parti
d’un geste au demeurant isolé d’un
marchand ambulant, diplômé chômeur, qui s’est immolé le 17 décembre
2010 pour protester contre la confiscation de son commerce. Depuis, les événements se sont accélérés, avec un appel à la mobilisation lancé sur Internet
qui a débouché sur un affrontement
meurtrier entre forces de l’ordre et étudiants. Est-ce la fin d’un mythe ?
La découverte, dans l’après-midi du
4 janvier 2011, d’un arsenal de guerre
conséquent à Amghala, localité située
à 35 km du mur de sable, presque en
face des lignes polisariennes et algériennes, soulève beaucoup de questions dans les capitales maghrébines
et occidentales. L’arsenal est conséquent, plus de 34 kalachnikovs, des
lance-roquettes, des obus de mor-
tier, des chargeurs, 1998 munitions
de calibre 7,6x. De quoi prendre un
bastion militaire ou déstabiliser une
grande ville. Tout mène à la collusion entre l’organisation terroriste
et le Polisario. En l’espèce, l’absence
de preuves n’est pas la preuve de l’absence, dénotent les spécialistes.
Algérie : un cocktail explosif
libéralisme, nationalisme et
Les faces cachées de l’arsenal
protectionnisme
d’AQMI au sud du Maroc
Le 1er janvier 2011, les Algériens se réveillent avec une mauvaise nouvelle.
Les principales denrées de base ont
augmenté de 50% à cause de mesures
restrictives prises dans le cadre de la
loi de Finances 2011. Depuis, les esprits se sont enflammés. Comment
l’un des pays théoriquement les plus
riches de l’Afrique du Nord, avec
155 milliards de dollars de réserves
de changes et 55 milliards de recet-
tes d’exportation de pétrole en 2010,
peut-il se retrouver avec un tel niveau de dysfonctionnement de son
marché intérieur ? Les voix officielles
du gouvernement pointent du doigt
les marges des distributeurs. Ceuxci renvoient l’Etat – qui a injecté 6
milliards d’euros dans la mise à niveau des entreprises publiques – à ses
responsabilités.
Lire en page 18
Lire en page 21
Lire en page 4
Maroc 12 DH - Afrique CFA 1500 FCFA - Algérie : 80 DA - Belgique 1,9 a - Canada 3,50 $ CAD - France 1,9 a - France OM 2,20 a - Italie 1,90 a - Luxembourg 1,9 a - Suisse CHF 3,80 - Tunisie 2,3 DT
2
Actualité
- Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011
Côte d’Ivoire : 3 républiques parallèles
I
l n’y a pas deux pouvoirs, mais trois en
Côte d’Ivoire. Ceux des présidents Gbagbo
et Ouattara, qui ont prêté serment, l’un
devant le président du Conseil constitutionnel,
l’autre par courrier. Le 3ème, celui de l’Onuci,
n’est pas incarné par un président. Il n’a fait
allégeance ni à l’un ni à l’autre. Il soutient le se-
cond contre le premier et ne reçoit d’ordre que
de New York, le siège de l’ONU. Son pouvoir
s’exerce à l’hôtel Sebroko, son siège à Abidjan.
Dans un autre hôtel, que l’on ne rejoint plus
que par les hélicoptères ukrainiens sous pavillon onusien, siège l’autre président. Il est
celui de la communauté internationale et de la
plupart des pays africains.
Le dernier, premier en date, tient une partie du
pays depuis dix ans. Proclamé président par le
Conseil constitutionnel, il s’appuie sur l’armée
nationale, les Jeunes patriotes, et s’ingénie à
incarner la forteresse nationale assiégée par les
forces néocoloniales. Il y aurait mieux réussi, si
à côté de l’ONU et des puissances occidentales,
l’Union africaine, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, l’Union
économique et monétaire ouest-africaine
n’avaient également pris le parti de Ouattara.
CES
L’Onuci, maîtresse de Sebroko et des airs
A
bidjan – (Envoyé spécial) – « Comment on va faire ?
– Faut prier seulement. – Prier encore ? Dieu nous
a tellement entendus qu’il nous a donné deux présidents. Est-ce qu’on va pas en avoir trois maintenant ? »
S’il ne s’agissait pas de la Côte d’Ivoire, où des centaines de
personnes sont déjà mortes en quelques semaines dans la
dispute pour le pouvoir suprême, l’échange aurait prêté à
rire. Mais c’est un nouveau cauchemar de fin d’année, comme le pays de l’éléphant en vit malgré lui depuis ce funeste
26 décembre 1999, quand le général Robert Guéi, en père
Noël sanglé dans une tenue militaire, destitua le président
Bédié, empêchant les Ivoiriens de fêter, comme ils savaient si
bien le faire, la fin de l’année.
Trois présidents ? Pas encore, mais trois pouvoirs coexistent
déjà. Trois territoires, trois légitimités.
Les deux premiers sont déjà visibles dès l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny, le hub de l’Afrique de l’Ouest,
proclame fièrement AERIA, la société privée chargée de sa
gestion qui revendique une capacité d’accueil annuelle de
plus de 2 millions de passagers, plus de vingt compagnies aériennes pour trente-cinq destinations en Afrique, en Europe
et au Proche-Orient. En temps de paix peut-être. En cette fin
d’année, le tarmac est plutôt vide. Dès la tombée de la nuit,
la compagnie nationale Air Ivoire est presque seule à y poser des avions. Les autres ont prudemment choisi désormais
d’atterrir et de décoller dans la journée.
Les formalités de police accomplies, plutôt rapidement, en
tout cas sans aucune crispation inhabituelle, les fiches de débarquement ne sont du reste plus exigées, contrairement à la
quasi-totalité des aéroports africains.
En cette soirée, le hall est presque désert. Certains commerces sont déjà fermés, mais pas le bureau de l’Onuci, l’Opération des Nations Unies pour la Côte d’Ivoire. C’est le deuxième pouvoir en terre ivoirienne, à côté de celui du président
Gbagbo, proclamé vainqueur par le Conseil constitutionnel
et qui a obtenu l’allégeance des Forces de défense et de sécurité, l’armée nationale, avec ses unités d’élite de la Garde républicaine, mais aussi la Gendarmerie et les Jeunes patriotes
de Charles Blé Goudé, devenu ministre de la Jeunesse, sans
perdre pour l’heure à tout le moins, sa verve et son bagout.
Renfort
Gbagbo avait pourtant exigé le 19 décembre 2010 « le départ
immédiat de Côte d’Ivoire des Casques bleus de l’Onuci [environ
10 000 soldats] et de la force militaire française Licorne [environ 900 hommes] », qu’il juge partiaux. Le Conseil de sécurité
des Nations Unies a répondu le 20 décembre par la résolution
1962 prolongeant le mandat de l’Onuci de six mois. Bien loin
Sebroko, l’autre hôtel qui échappe au pouvoir de Gbagbo, est tenu par l’Onuci, également maîtresse des airs.
Forteresse
Si à l’aéroport l’Onuci n’a qu’un modeste bureau pour faciliter arrivées et départs, il en est autrement en son siège, à l’exhôtel Sebroko sis sur le boulevard de… la Paix, à Abidjan. Ce
bout de terre ivoirienne, de quelques hectares seulement, est
un territoire étranger. Une forteresse imprenable. Des barbelés qui rappellent les images de télévision en Irak, en Israël.
Un autre monde. Il faut slalomer entre blindés de couleur
blanche, sacs de sable, blocs de béton et barbelés pour accéder à l’entrée. Le reste devra se faire à pied, car les véhicules « étrangers » n’y sont pas habituellement admis. Une
cabane en bois est le détour obligé où il faut laisser une pièce
d’identité. Ensuite, il faut attendre le bus à l’arrêt situé juste
derrière la cabane.
C’est un autre pays. La langue officielle déjà n’y est plus le
français. C’est une tour de Babel abritant une cinquantaine
de nationalités dont les principales sont le Bangladesh, le
Bénin, la France, le Ghana, la Jordanie, le Maroc, le Niger,
le Pakistan, le Sénégal et le Togo. La langue la plus parlée est
Gbagbo avait exigé « le départ immédiat
de Côte d’Ivoire des Casques bleus de l’Onuci
et de la force militaire française Licorne ». Le
Conseil de sécurité des Nations Unies a répondu
par la résolution 1962 prolongeant le mandat
de l’Onuci de six mois.
d’obtempérer à la demande de Gbagbo, l’ONU est en voie de
renforcer ses effectifs en Côte d’Ivoire. Le chef des opérations
de maintien de la paix, Alain Le Roy, de retour d’Abidjan, a
demandé 1000 à 2000 Casques bleus supplémentaires.
Gbagbo n’en démord pas pour autant. Le jour de l’An, il a
réitéré ses exigences. L’Onuci a « tiré sur des civils », a-t-il
accusé. Elle doit en conséquence partir.
probablement l’anglais.
A perte de vue, dans cette forteresse, des véhicules 4x4, sans
doute l’une des plus fortes concentrations au mètre carré.
Des « Japonaises » blanches, bien rangées dans des parkings
qui occupent plus d’espace que les bâtiments. La vie y est
grouillante. Bruyante aussi avec un ballet incessant d’hélicoptères, surtout depuis qu’ils assurent, comme le firent les
avions à Berlin Ouest sous blocus communiste au lendemain
de la Deuxième Guerre mondiale, le seul lien de la république du Golf avec l’extérieur.
Hélicoptères ukrainiens, bruyants, mais si précieux, qui
permettent au troisième pouvoir, qui siège au Golf et qui
compte quelques centaines de personnes, de tenir le siège
qui lui est imposé.
Vieux blindés
Si les voitures sont flambant neuf, il en est autrement des
blindés. Beaucoup ne sont plus de première jeunesse.
Beaucoup doivent de ne pas dévaler les pentes de la colline
de l’hôtel Sebroko qu’à des blocs de pierre qui renforcent des
freins à main hors d’usage depuis longtemps.
Maîtresse en son bunker et dans les airs, l’Onuci se révèle fragile à l’extérieur. Elle ne sort plus qu’en convois de plusieurs
camions, bondés de militaires lourdement armés et casqués,
néanmoins à la merci de foules aux mains nues, mais pouvant être infiltrées par quelques miliciens armés susceptibles
de faire mal. L’Onuci est désarmée face aux foules. Que faire,
tirer sur elles au risque de faire un vrai carton ?
Elle doit aussi compter avec les FDS, maîtresses du territoire
contrôlé par Gbagbo. Elle a ainsi été empêchée par les FDS
de se rendre sur un supposé charnier. Ses déplacements, en
général, dépendent du bon vouloir de l’armée ivoirienne. Le
Roy en a été réduit à remercier le chef d’état-major, le général de Corps d’armée, Philippe Mangou, qui a sauvé le 28
décembre 2010 des Casques bleus pris à partie par des Jeunes
patriotes à Yopougon. « J’ai moi-même conduit les éléments
jusqu’à leur base, pour les remettre au général Hafiz. »
Son ton a changé depuis. S’exprimant à la Radiotélévision
ivoirienne (RTI) le 3 janvier dernier, le général, en visite à
l’hôpital militaire d’Abobo (HMA) où étaient hospitalisés
des blessés dans des affrontements entre soldats de l’Onuci
et Jeunes patriotes le 29 décembre dernier, il s’est fait menaçant. « Nous disons au général Hafiz que c’est la dernière fois
que ses hommes tirent sur des Ivoiriens aux mains nues. »
C’est peut-être la raison qui a poussé Le Roy à demander des
renforts, parce que la nécessité de défendre l’hôtel du Golf
paraît invraisemblable. L’hôtel du Golf est aussi imprenable
que le siège de l’Onuci. Et le risque d’un assaut par les forces
loyales à Gbagbo est très faible.
Mais l’impasse ivoirienne, c’est aussi ce jeu de poker menteur où chaque camp cherche à cacher son jeu.
Chérif Elvalide Sèye
Actualité
Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 -
3
Le temps, allié de Gbagbo
Isolé à l’extérieur, Gbagbo tient bien son pays, persuadé que chaque jour
qui passe est un jour de gagné.
C
particulier avec ses pairs de la CEDEAO, pourtant censés être venus lui intimer l’ordre de
céder son fauteuil, il a retrouvé sa jovialité habituelle. C’est qu’il revient de loin. Convaincu
désormais que, de même qu’il avait réussi à se
sortir du piège de Marcoussis et du Groupe de
travail international, des accords d’Accra, de
Pretoria, il trouvera la parade pour conserver le
pouvoir sur une partie quelconque de la Côte
d’Ivoire. Conforté, avec son épouse Simone,
par leurs gourous évangélistes.
Les ultimatums de l’ONU, de la
CEDEAO, de l’Union africaine, d’Oba« Il a découvert et goûté
ma, de Sarkozy, ne pèsent guère face aux
certitudes du couple qui règne en maître
aux plaisirs du pouvoir. Il ne
sur la Côte d’Ivoire, hormis les deux enle quittera jamais. Même
claves hôtelières à Abidjan et la zone sous
contrôle déjà de la rébellion. L’allégeance
s’il lui faut régner sur des
de toutes les forces armées gouvernementales, les Jeunes patriotes, mais aussi
cimetières, il le préfère au
la présence d’une forte communauté
statut d’ancien président. »
étrangère, le tiers de la population, lui
assurent un règne incontesté. Un assaut
par l’ECOMOG, contingent armé de la
partira jamais de lui-même. Opposant au long CEDEAO, paraît invraisemblable. Il aboutirait
cours, « il a découvert et goûté aux plaisirs du à un réel carnage. La CEDEAO est certes déjà
pouvoir. Il ne le quittera jamais. Même s’il lui intervenue lourdement, mais c’était dans des
faut régner sur des cimetières, il le préfère au pays déjà en guerre, le Liberia, la Sierra Leone.
statut d’ancien président. Il n’a plus qu’une ambition, rester le président le plus longtemps pos- Recettes d’exportation
sible, jouir du pouvoir, pouvoir dire et redire, “je Son rival Ouattara a, du reste, reconnu le fait,
suis le président” ».
en suggérant une action commando ciblée.
Mais les Israéliens qui assurent sa sécurité
ont montré leur savoir-faire en 2004 à l’ocGourous évangélistes
Sonné par l’issue de l’élection, Laurent Gbagbo casion des heurts avec les forces françaises.
ne desserrait plus ses lèvres, lui si habituelle- L’ECOMOG et les forces africaines n’ont pas
ment souriant. Depuis, il s’est bien repris. En encore du reste démontré un savoir-faire en
’est un partisan de Gbagbo. Sous couvert d’anonymat, il est pourtant bien
féroce vis-à-vis de son champion.
Il lui en veut d’avoir si mal négocié le virage
électoral. Ne gagner que de quelques petits
points malgré l’annulation d’un demi-million
de voix ! Gbagbo devait-il seulement se présenter ? Dans l’esprit, il a fait les deux mandats
que la Constitution lui permet.
Pour lui, pas de doute. Le président déchu ne
la matière, contrairement aux forces françaises, américaines ou anglaises. Mais la France,
peut-être pour ne pas exposer sa vingtaine
de milliers de ressortissants expatriés en Côte
d’Ivoire, a déjà averti qu’elle n’en ferait rien.
L’intervention militaire semble ainsi s’éloigner.
Il ne resterait alors que l’asphyxie financière
pour venir à bout de Gbagbo.
Les mesures du FMI, de la Banque mondiale,
de l’UEMOA sont de nature à gêner Gbagbo,
mais dans la durée. S’agissant de l’UEMOA,
par exemple, la décision n’affecte que les recettes d’exportation qui sont placées dans le
compte d’opération logé au Trésor français.
Un haut cadre de la BCEAO explique du reste
que la sanction financière prendra beaucoup
de temps avant d’affecter effectivement le
pouvoir de Gbagbo. Le temps, premier allié
de Gbagbo.
A l’expiration de son mandat, il a résisté pen-
dant cinq ans à l’ONU et fini par imposer son
agenda. Malgré le renfort, aujourd’hui, des
institutions et des pays africains, le front est
moins uni qu’il n’y paraît, avec le Ghana qui
a fait entendre sa différence, rejoignant ainsi le
Cap-Vert, la Gambie, l’Angola.
Gbagbo, réaliste, s’est accommodé de son pays
divisé, occupé en partie par une rébellion. Il
semble bien prêt à continuer ainsi, malgré un
isolement international sans précédent, des
pressions politiques, diplomatiques et financières grandissantes ainsi que les menaces à
peine voilées de traduction devant la Cour pénale internationale.
Pour l’heure, tout cela ne pèse pas pour
Gbagbo, persuadé que le temps finira par avoir
raison de tout cela. L’essentiel, pour lui, est de
régner.
Hance Guèye
Ouattara impatient
Ses soutiens se multiplient à l’extérieur, mais dans sa « république du
Golf », il est bien impuissant et trouve le temps très long.
Q
uand il rentre dans une des salles de
réunion de l’hôtel du Golf, le cérémonial présidentiel est tant bien
que mal soigné. Presque tout le gouvernement,
avec à sa tête le Premier ministre Soro, est sagement aligné. La salle est remplie des partisans du nouveau pouvoir. Le pupitre pour l’allocution présidentielle est sans prétention. Son
message est bref, ponctué à la fin par l’hymne
national. Pas joué par une fanfare militaire. Il
est débité par une sono puissante après quelques couacs.
Ouattara, longtemps silencieux, est sorti de sa
réserve pour menacer et exiger. Mais des trois
pouvoirs qui se partagent la Côte d’Ivoire, il est
aujourd’hui le plus faible. Reconnu internationalement, il n’a guère les moyens de s’exercer.
Le temps joue contre lui. La mobilisation en sa
faveur ne durera pas éternellement. Il lui faut
trouver quelque chose, faire quelque chose.
Mais quoi ? quand, même pour manger, il faut
que le ravitaillement soit assuré par les hélicoptères de l’Onuci, qui constituent le cordon
ombilical de la république avec la réalité.
HG
4
Actualité
- Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011
Les bruits de marché
Point de vue africain
Hold-up électoral
Adama Wade, Casablanca
Trois points de vue s’affrontent aujourd’hui sur la crise ivoirienne. Il y a tout d’abord celui, romantique, portant sur la
non-ingérence et le respect de la souveraineté nationale, orchestré par une certaine intelligentsia africaine, réactionnaire,
qui oublie volontiers que le processus ivoirien de sortie de
crise a été financé de bout en bout par la communauté internationale. Avec une force d’interposition internationale. Avec
l’appui de la France. Il y a ceux, nombreux, qui fondent leur
jugement sur le verdict implacable du scrutin le plus transparent jamais organisé sous le ciel d’Afrique. Cet argument est
soutenu par l’ONU, les USA, la France, la Grande-Bretagne, le
Canada, la CEDEAO et l’Union africaine. A côté de ces deux
points de vue, il y a le vieux débat identitaire ivoiro-ivoirien,
qui n’a rien de politique, qui repose sur le postulat ethnique.
Cette dernière thèse s’amplifie de jour en jour, alimentée par
les rancœurs et la détermination d’un camp qui a perdu les
élections et qui est prêt à faire feu de tout bois pour barrer
la route au vainqueur légitime. Au cours de ces dernières semaines, Laurent Gbagbo a montré qu’il était prêt à tout pour
conserver son fauteuil. Jusqu’à la guerre civile, jusqu’à la monnaie ivoirienne. Le gel de ses avoirs et de ceux de ses compagnons, l’appel de l’ONU, les sollicitations des grandes puissan-
ces, les injonctions de la CEDEAO ne l’ont pas fait fléchir. Bien
au contraire. L’intransigeance du roi bété conduit la communauté internationale et la CEDEAO face à de lourdes responsabilités. Ordonneront-ils une action militaire chirurgicale, ainsi
que l’appelle de ses vœux Alassane Ouattara ? Laisseront-ils
faire au risque de reproduire la farce du Zimbabwe et de voir
les autres « démocraties » africaines appelées au rendez-vous
des urnes en 2011 s’engager sur des voies similaires ? Ce sera
certainement à regret que les armées ouest-africaines interviendront pour sauver le vote du peuple ivoirien. Le coût politique, financier et social d’une telle opération sera énorme.
Mais beaucoup moins que la logique irresponsable du pourrissement qui coûterait au pays et à la région une décennie
d’enlisement, de confrontations ethniques et d’emplois potentiels perdus. Car, si à force de pantalonnades comme celles du
président ghanéen, Laurent Gbagbo triomphe de son bras de
fer avec la communauté internationale, l’Afrique retombera
dans une nouvelle logique de guerre civile du type des années
80 et 90. Le maquis redeviendra le référentiel de la prise de
pouvoir et de l’alternance politique. Une telle régression reléguerait les préoccupations économiques au second plan, au
grand bonheur des marchands d’armes et de tous ceux qui
veulent continuer à piller les richesses de l’Afrique. Le péril est
immense et appelle à la redéfinition même du panafricanisme.
Celui-ci ne doit pas bâtir sa légitimité sur l’anti-démocratie
ou le rejet de la communauté internationale. Appeler aux
fameuses « spécificités africaines » pour valider un hold-up
électoral revient à entériner la vieille thèse du gentil nègre qui
fonctionne selon ses propres règles. C’est en cela qu’on trouve
Laurent Gbagbo et ses compagnons bien peu patriotes et alliés
objectifs du néocolonialisme qu’ils croient combattre.
Les faces cachées de l’arsenal
d’AQMI au sud du Maroc
La découverte d’une cache d’armes d’AQMI au
sud du Maroc à quelques kilomètres des lignes
du Polisario renforce l’hypothèse d’une collision
entre les deux groupuscules.
L
a découverte, dans l’après-midi du 4 janvier 2011, d’un
arsenal de guerre conséquent à Amghala, localité située
à 35 km du mur de sable, presque en face des lignes polisariennes et algériennes, soulève beaucoup de questions dans
les capitales maghrébines et occidentales. L’arsenal est conséquent, plus de 34 kalachnikovs, des lance-roquettes, des obus de
mortier, des chargeurs, 1998 munitions de calibre 7,6x. De quoi
prendre un bastion militaire ou déstabiliser une grande ville.
Cartes topographiques
Caractéristique de toutes ces armes, elles semblent avoir déjà servi
et étaient au demeurant bien entretenues, prêtes à être utilisées.
Les inscriptions en langue russe bien visibles ôtent tout doute
quant au lieu d’origine. La proximité avec le premier sac de sable
du Polisario restreint les hypothèses quant aux éventuelles complicités. Ce n’est pas un énième communiqué instantané émis
Comment ont-ils été arrêtés ?
D’abord à Casablanca, à l’occasion
du braquage de deux agences
bancaires dans le camp de Hay
Hassani, le 1er janvier dernier.
Les deux tentatives échouent. Le
quartier est bouclé. Des éléments
sont arrêtés.
par l’organisation, disculpant tout lien avec AQMI, qui atténuera
ce qui, de plus en plus, constitue la piste privilégiée des services
de renseignement de la région. Car, comment s’explique l’introduction de cet arsenal de guerre dans cet endroit surprotégé, couché en joue par trois armées ? Pour qu’AQMI sorte de son nord
du Mali et pousse aussi loin, sur des milliers de kilomètres, avec
des moyens rudimentaires, la complicité du GPS et surtout de la
cartographie (pour au moins éviter les mines antipersonnel) est
Caractéristique de toutes ces armes, elles semblent avoir déjà servi et
étaient au demeurant bien entretenues, prêtes à être utilisées.
indispensable. Cela d’autant que les investigations ont permis la
saisie de cartes topographiques de la frontière algéro-marocaine.
Tout mène à la collusion entre l’organisation terroriste et le
Polisario. « L’absence de preuves n’est pas la preuve de l’absence »,
rétorque cet expert en balistique qui invite à placer le débat
sous l’angle stratégique. « L’alliance objective est réelle : les deux
organisations cherchent à déstabiliser le Maroc. L’armement découvert à Amghala provient du Polisario, peut-être par une livraison officieuse. Peut-être aussi que cette coopération va plus loin et
devait concerner la déstabilisation de Laâyoune. » Bref, pour les
experts, les liens peuvent aller du mercantile au politique. Soit
le Polisario recycle son vieil arsenal dans toute la région. Soit, en
ce qui concerne le cas du Maroc, il procède par procuration par
le biais d’AQMI, qui rêve de « libérer » toute la région des signes
d’une modernité assimilée à la mécréance. En outre, des sources locales indiquent que les armes découvertes près d’Amghala
étaient destinées au campement d’Igdiz, démantelé fin novembre 2010 et d’où étaient parties les émeutes de Laâyoune.
L’arrestation de 27 éléments terroristes
Comment les armes ont été découvertes ? Tout est parti d’une
arrestation. 27 éléments de l’AQMI, dont un Marocain provenant des camps de l’organisation terroriste, au nord du Mali. Le
communiqué officiel n’en dira pas plus. Même pas les identités
et les nationalités des présumés pour, indique-t-on, ne pas gêner
l’enquête. Comment ont-ils été arrêtés ? D’abord à Casablanca, à
l’occasion du braquage de deux agences bancaires dans le camp de
Hay Hassani, le 1er janvier dernier. Les deux tentatives échouent.
Le quartier est bouclé. Des éléments sont arrêtés. D’autres tomberont rapidement dans les heures qui suivent. C’est ainsi que
quatre membres du groupe, qui tentaient de franchir la frontière
Abidjan : passation de service compliquée à la BRVM
Conformément aux décisions du conseil d’administration,
l’Ivoirien Tiemoko Yade Coulibaly devrait céder son poste
de président de la BRVM à Amadou Kane, président de la
BICIS. L’ancien président traîne des pieds, son entourage
faisant savoir que la succession ne peut avoir lieu qu’après
passage de témoin. D’autres arguments font prévaloir un
éventuel conflit d’intérêts entre les fonctions exécutives à
la tête d’une banque et celles de président de bourse.
Autrement dit, Amadou Kane devrait d’abord démissionner pour monter sur le podium de la BRVM ?
Qui succédera à Abdoulaye Bio-Tchané à la BOAD ?
Candidat déclaré aux prochaines élections présidentielles
du Bénin, Abdoulaye Bio-Tchané, 58 ans, ouvre une guerre
de succession à la BOAD. Le Sénégal, qui avait un temps
brandi la candidature d’Amadou Kane (encore lui), de la
BICIS, y a renoncé, se concentrant sur la présidence de la
Commission de l’UEMOA. Le second mandat du Malien
Soumaila Cissé arrive en effet à terme. Les chefs d’Etat,
qui se réuniront à Bamako le 22 janvier lors d’un sommet
houleux (en raison de la crise ivoirienne), devraient désigner le successeur de M. Cissé, candidat à la magistrature
suprême du Mali.
Ecobank collecte 6 milliards FCFA au Bénin
Une campagne menée sans tambours ni trompettes a
permis à Ecobank de collecter 6 milliards FCFA de dépôt
auprès des ménages béninois. Preuve, s’il en est, du besoin
en services bancaires des populations africaines.
600 000 tonnes de cacao achetées déjà
A la même période de l’année dernière, les achats auprès
des planteurs étaient de 400 000 tonnes, selon la Bourse
du café-cacao (BCC) de Côte d’Ivoire. Fin décembre, les
achats dépassaient les 600 000 tonnes, soit la moitié de la
production de l’année dernière. Derrière cette embellie, il y a
le calvaire des planteurs, obligés de céder leurs productions
à des prix en deçà du cours officiel (1,67 euro le kilo).
Phillipe Henri Dakoury Tabley sous pression
Le gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique
de l’Ouest (BCEAO), Phillipe-Henri Dakoury, a annulé la
conférence de presse qui devait se tenir vendredi dernier
à Bamako sur les implications de la crise politique en Côte
d’Ivoire et les actions entreprises par la BCEAO. Sous pression de l’UEMOA et de la Banque de France, le gouverneur,
plutôt pro-Gbagbo, a préféré renvoyer le dossier « Ivoire » à
la prochaine réunion des chefs d’Etat de l’UEMOA.
Banques : un nouveau ratio ?
Depuis la crise financière internationale, la règlementation
bancaire s’est considérablement durcie en matière d’encadrement des engagements. Aux USA, le « Leverage ratio », déjà adopté, suggère que le total bilan ne dépasse
pas 25 fois les fonds propres. Cette mesure qui propose
de contrôler le niveau d’endettement des banques sera
à l’ordre du jour dans les rencontres internationales entre
Européens et Américains.
Maroc : les banques font la course aux PEA
Après le plan d’épargne actions lancé par Attijariwafa
Bank, c’est au tour de la Banque centrale populaire d’annoncer trois nouveaux produits d’épargne défiscalisés portant sur le logement, l’éducation et les actions. Il faut dire
que la loi de Finances 2011 exonère les revenus et profits
des capitaux mobiliers réalisés dans le cadre d’un plan
d’épargne actions (PEA) constitué par des actions et des
certificats d’investissement inscrits à la cote. Une belle manière de booster la bourse. A noter que les intérêts versés
aussi dans les plans d’épargne éducation et plans d’épargne logement sont exonérés.
algérienne, sont interpellés à Fguig. En tout, 27 éléments sont arrêtés. Les premiers interrogatoires révèlent l’existence de caches
d’armes dans la zone d’Amghala. L’information est transmise à
la zone de commandement du sud. « Nous avons reçu des informations de l’inspecteur général des forces armées commandant la
zone sud comme quoi il y aurait des caches d’armes dans le secteur
d’Amghala. Nous avons procédé au ratissage à l’aide de maîtres
chiens », explique le colonel Abdellatif Mekouar. Comment cet
arsenal a été introduit dans cet endroit, en déjouant le mur de sécurité ? Pour l’heure, les militaires, les gendarmes et les éléments
de leurs sections judiciaires qui les accompagnent veulent s’en
limiter à l’état des lieux. L’enquête ne fait que commencer. Dans
la conférence de presse qu’il donnera par la suite, le ministre de
l’Intérieur indique que les terroristes interpellés étaient chargés
de créer une base arrière au Maroc et de préparer un plan pour y
commettre des actes terroristes. Le braquage des banques devait
financer cette entreprise criminelle.
MBF
6
Finance
- Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011
La libéralisation contrôlée ou
le secret du système financier
marocain
Faible exposition à l’international, restriction du marché des
changes et titrisation encore embryonnaire sont les ingrédients
qui ont protégé les banques marocaines de la grande crise
financière qui a commencé depuis 2007. S’ajoutent un marché
intérieur dynamique et une Banque centrale réactive.
L
a pire crise financière depuis 1929
a épargné les banques marocaines, révèle une étude détaillée
d’Attijari Intermédiation qui met en relief le secteur dans ces différents domaines. Cette résistance vient d’un marché
intérieur dynamique (forte demande
des ménages et du corporate), mais aussi
d’un processus de libéralisation contrôlé.
Alors que les grandes places financières
mondiales ont entamé leurs libéralisations depuis les années 60, les banques
marocaines ne se sont engagées dans
cette voie qu’à l’aube des années 90.
Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont libéralisés certes, mais le système dispose
encore de fortes barrières à l’entrée.
Ainsi, malgré leur tropisme africain et
une présence ancienne en Europe, les
banques marocaines comptent une faible exposition à l’international qui pèse
à peine 3,1% de leur total actifs en 2009.
A cet ingrédient s’ajoutent la rigidité du
marché de change (restriction de sortie
des capitaux) et un marché de titrisation
encore embryonnaire.
Des actifs peu risqués
Autre aspect relevé par l’étude, la structure assez conservatrice des actifs de la
banque marocaine constitués à 70% de
dépôts de la clientèle avec, en outre, des
emplois affectés généralement au crédit
(73,2% du bilan). Entre 2006 et 2009, le
taux de financement de l’économie par
le secteur bancaire est passé de 57,5%
à 77,2% du PIB. Ce ratio demeure largement au-dessus de la moyenne de la
région MENA, où la contribution des
banques à l’économie est plafonnée à un
taux de 62% du PIB, mais encore loin de
la moyenne européenne (110%).
Autre facteur expliquant la résilience
du système financier marocain, la faible
exposition du marché des capitaux à
l’investissement international. Celui-ci
représentait 28,5% de la capitalisation
boursière en 2009 et était constitué pour
90% de participations stratégiques réputées stables. Attijari Intermédiation estime à 2,5% la part volatile de l’investissement étranger à la Bourse de Casablanca.
De plus, la majeure partie de ces investisseurs étrangers (71% du nombre d’investisseurs) sont en fait des Marocains
résidant à l’étranger (MRE).
La demande intérieure
2000. Ce consumérisme se traduit par
l’endettement des ménages (rapport entre les crédits alloués et le revenu national disponible), qui s’établit désormais
à 24%, en hausse de 5,7% par rapport à
2006. Notons qu’en Europe, ce ratio se
situe entre 60 et 100%.
Pour autant, aux mesures déjà prises
pour limiter l’endettement des ménages
(quotité de financement ne devant pas
dépasser 50% du salaire) s’ajoute la mise
en place d’une centrale de risques pilotée
par la Banque centrale en 2009.
Habitat, gisement de croissance
Pour 2011, le secteur de l’habitat, où la
contribution bancaire marocaine est
moyenne par rapport aux pays de la
région Méditerranée, devrait être l’un
des moteurs de croissance du marché
financier. Le Maroc accuse un déficit en
logements de 984 000 unités, auxquelles
Malgré leur tropisme
En fait, malgré les chocs exogènes
africain et une
(baisse des IDE, baisse des transferts MRE, baisse de la demande
présence ancienne en
extérieure en biens et services),
Europe, les banques
le système financier marocain a
trouvé sa force dans la demande
marocaines comptent
intérieure et dans la vigueur d’une
une faible exposition à
économie émergente qui aligne
une croissance de 8,4% de son PIB
l’international qui pèse à
entre 2006 et 2009. La consommation des ménages a représenté 57%
peine 3,1% de leur total
du PIB en 2009, soit une moyenne
actifs en 2009.
de croissance de 8% sur la période
2006-2009, contre 4% durant les
quatre premières années de la décennie. s’ajoutent chaque année 120 000 unités
Quant à l’investissement, il a atteint un en raison de la croissance démographiratio de 30,7%.
que. Dans ce cadre, l’Etat a procédé à la
Entre diverses mesures favorisant cette création et au relèvement substantiel des
consommation, retenons la tendance fonds de garantie (Fogarim, Foga-Loge),
baissière des taux d’intérêt avec une à l’aménagement et à la cession du foncier
moyenne des taux débiteurs sur les cré- public à des conditions avantageuses.
dits à la consommation aux particuliers
de 7,3% sur les trois dernières années,
A.W.
contre plus de 9% au début des années
Les commerçants kenyans
offriront bientôt des
services bancaires
Si le modèle de banque lancé par Equity Bank prend racine,
les épiceries et autres commerces pourraient devenir des « banques » de quartier. James Mwangi, directeur général d’Equity
Bank, a soutenu que ce modèle, qui a été développé sur une
période de cinq ans, fera participer les commerçants locaux
comme des agents pour les transactions financières. Ceuxci seront formés et dotés de la technologie nécessaire pour
traiter toutes les transactions bancaires, à savoir retraits, dépôts, prêts, avances et ouvertures de compte, entre autres.
D’après le directeur général, la banque a emprunté le concept
au Brésil, le seul pays au monde où ce type d’agences a été couronné de succès. A fin décembre, Equity Bank disposait à travers tout le pays de 1000 agences. Avec un tel concept, la banque
envisage d’ouvrir quelque 20 000 points de vente d’ici la fin du
mois de mars, et la création de quelque 100 000 emplois.
Sanusi, gouverneur de la
Banque centrale du Nigeria,
distingué
Sanusi Lamido Sanusi, gouverneur de la Banque centrale du
Nigeria (CBN), a été nommé à l’unanimité meilleur gouverneur de Banque centrale de l’année au monde par The Banker,
une publication du Financial Times de Londres. Il rafle au passage un double prix, à savoir aussi celui de meilleur gouverneur de Banque centrale de l’année sur le continent africain.
Selon nos sources, le gouverneur de la BN doit cette distinction
au fait qu’il a pu sauver le secteur financier nigérian, au bord de
l’effondrement, mais aussi qu’il a pu catalyser le retour sur des
investisseurs. Kunle Ogedengbe, représentant de la revue The
Banker au Nigeria, a confirmé le prix.
WikiLeaks dresse une liste
contestée des parts bancaires
du président mozambicain
La liste d’entreprises détenues par Armando Guebuza, président du Mozambique, compterait des banques. Les sources sont
issues des câbles diplomatiques des États-Unis, signés par Todd
Chapman, ancien chargé d’affaires américain à Maputo, et publiées sur WikiLeaks. Ainsi, le président mozambicain aurait
des parts dans la BCI, Moçambique Capitais, Moza Banco et
Geocapital. Mais ce listing ne fait pas l’unanimité, vu que des
voix s’élèvent pour contester son exactitude. On lui reproche
de considérer Capitais Moçambique et Geocapital comme des
banques, et que cette dernière n’est même pas du Mozambique,
mais une société holding du milliardaire de Macao Stanley
Ho. Néanmoins, Moçambique Capitais détient 51% de Moza
Banco, qui elle est bel et bien une banque mozambicaine.
Tunisie Télécom entame le processus de sa double
cotation à Tunis et à Paris
L’opérateur historique des télécommunications tunisien espère lever
entre 600 et 820 millions d’euros en cédant 20% de son capital sur les
places de Tunis et de Paris. Un montant record pour une entreprise
tunisienne.
L
’heure des grandes manœuvres a sonné
chez Tunisie Télécom qui vient de perdre son monopole dans la téléphonie
fixe, avec la récente entrée en activité d’Orange-Tunisie, une filiale de France Télécom détentrice d’une licence de troisième génération.
Après avoir ajouté le premier fournisseur d’accès à Internet du pays, Topnet, à son dépliant
pour pouvoir commercialiser des « packs téléphonie & Internet », l’opérateur historique
a entamé le processus de sa double cotation à
Tunis et à Paris, en déposant ses documents de
base auprès des autorités de régulation de ces
deux places financières. « Ces enregistrements
constituent la première étape d’un processus
d’introduction en bourse de la société sous réserve des conditions de marché et de la délivrance
par les autorités des marchés financiers tunisien
et français des visas respectifs sur les prospectus
relatifs à l’opération », indique l’opérateur dans
un communiqué publié fin décembre.
L’IPO portera sur 20% du capital du groupe,
équitablement répartis entre ses deux actionnaires, en l’occurrence l’Etat tunisien (65%)
et le groupe émirati Tecom-Dig (35%). De ce
fait, l’Etat tunisien restera l’actionnaire de référence de l’opérateur.
L’introduction devrait être finalisée vers la fin
du premier trimestre 2011. Elle sera pilotée
par la Banque d’affaires de Tunisie (BAT) et le
Crédit Suisse comme chef de file et co-chef de
file bancaires. Le syndicat de placement compte, quant à lui, quatre sociétés de bourse tunisiennes, dont Mac SA et Tunisie Valeurs.
Levée de fonds historique
Selon la presse économique locale, le top management de Tunisie Télécom conduira, fin
janvier, un road-show qui le mènera notamment à Paris, Londres et Dubaï.
L’opération devrait permettre au groupe fondé
en 1996 sur les cendres de l’Office national des
télécommunications de lever entre 600 et 820
millions d’euros. D’autant plus que l’opérateur
historique tunisien a été valorisé par les analystes financiers entre 3 et 4,1 milliards d’euros.
Cette levée de fonds jamais réalisée par une entreprise tunisienne devrait permettre à Tunisie
Télécom de se doter de la force de frappe financière qui lui permettrait de rester compétitive
dans le cadre du combat à fleurets mouchetés
qui l’oppose à ses deux concurrents.
Bien qu’il revendique plus de 6 millions
d’abonnés pour un chiffre d’affaires de 730
millions d’euros en 2009, le groupe Tunisie
Télécom n’est plus leader du marché des télécommunications dans le pays. Contrôlée à
hauteur de 75% par le groupe qatari Qtel depuis novembre dernier, Tunisiana détient, en
effet, le leadership du marché tunisien depuis
2009.
Pour tenter de remonter la pente, l’opérateur
historique, qui exploite également le premier
réseau GSM en Mauritanie, Mattel, a signé, le
L’heure des grandes manœuvres a sonné
chez Tunisie Télécom.
22 septembre dernier avec l’Etat tunisien, une
convention de licence de téléphonie mobile de
troisième génération pour 61 millions d’euros.
« Nous ne comptons aucunement rester les bras
croisés. Nous allons miser sur les énormes possibilités que permet notre licence 3G pour passer
du statut d’opérateur de tuyaux à celui d’opérateur de services innovants », précise Montassar
Ouaïli, PDG de la société.
Pour 2011, Tunisie Télécom table sur une
croissance de 7% de ses produits d’exploitation et une hausse comprise entre 8% et 10%
de son EBITDA.
Walid Kéfi
Finance
Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 -
Les fonds d’investissement
en expansion
Diversification des portefeuilles et plus-values jusqu’à 40% attirent, selon Fabrice Kom
Tchuente, directeur exécutif du cabinet
FinAfrique, les fonds d’investissement en
Afrique.
L
es Afriques : Quelle est l’évolution des fonds d’investissement en Afrique ?
Fabrice Kom Tchuente : Plusieurs dizaines de fonds
d’investissement opèrent en Afrique. Parmi les pionniers, le
fonds tunisien Tuninvest, avec aujourd’hui 550 millions $ investis sur le continent, et les fonds anglo-saxons tels que les
Sud-Africains Ethos private equity (5,5 milliards $) et Pamodzi
investment holdings (1,3 milliard $), ou l’Américain Emerging
Capital Partners (1,6 milliard $). Leurs investissements se sont
davantage orientés vers les pays d’Afrique anglophone et d’Afrique du Nord, comme l’Afrique du Sud, le Ghana, le Nigeria, le
Kenya, le Maroc, la Tunisie. Il est à noter que dans ces pays, le
marché boursier s’est considérablement développé entre 2000
et 2008.
Aujourd’hui, l’Afrique subsaharienne accueille de nouveaux
fonds, tel Cenaivest en Afrique centrale ou les fonds ouest-africains AFIG et Phoenix capital management. Grâce à ces derniers, l’Afrique francophone espère être de moins en moins
marginalisée.
On constate aussi que de nombreuses sociétés de gestion étrangères non spécialisées dans l’investissement en zone émergente
développent de plus en plus de gammes de fonds d’investissement orientés essentiellement vers l’Afrique. Par exemple, en
France, la société de gestion Lyxor Asset Management, filiale
du groupe Société Générale, a lancé en 2008 le fonds Lyxor
ETF Pan Africa, qui a investi dans 30 importantes capitalisations boursières dont le siège ou l’activité principale se trouve
en Afrique. Plus récemment, Meeschaert Asset Management
« Plus récemment, suite à la
crise financière, de nombreuses
multinationales en manque de
liquidités se sont retrouvées
contraintes de céder leurs actifs
africains. Cette démarche a créé
des opportunités d’investissement
à bons prix. »
a lancé le fonds MAM Actions Afrique, qui détient des participations dans des grands groupes africains à l’instar du SudAfricain MTN et de l’Egyptien Orascom.
Ces importants fonds d’investissement ont des ambitions plutôt agressives en termes de rentabilité et détiennent surtout des
valeurs cycliques et financières telles que les mines, le pétrole,
les télécommunications, les banques et les assurances.
D’autre part, il y a des fonds d’investissement plus petits, dont
le but est de lutter contre la pauvreté et de conforter la croissance en Afrique.
Par exemple, des fonds d’investissement pour le financement
des petites et moyennes entreprises, avec des montants investis en moyenne dans ces PME de l’ordre de 150 000 à 750 000
euros. Le secteur informel, quant à lui, est soutenu par l’entremise de fonds destinés aux organismes africains du microcrédit. Pour cela, les investisseurs nouent des partenariats avec
des ONG spécialistes du conseil ISR en microfinance telles que
Planet Finance, pour se doter de leur expertise pour l’intégration des critères extra-financiers qui définissent leur politique
d’investissement. Sont présents également des fonds d’investissement dans la santé, l’éducation, l’agroalimentaire ou l’agriculture, pour financer les entreprises agro-industrielles et les
coopératives agricoles africaines.
LA : Qu’est-ce qui explique l’attrait pour l’Afrique,
maintenant ?
FKT : Depuis ces dix dernières années, la croissance moyenne
annuelle du continent est d’environ 5%. Les multiples plans
d’ajustement structurel, suivis de programmes ayant abouti à
l’annulation de la dette extérieure de nombreux pays, ont sans
aucun doute contribué à une meilleure solvabilité de l’Afrique,
avec un climat des affaires qui s’est progressivement amélioré.
Ainsi, les investisseurs ayant un fort appétit pour le risque, et
donc en quête de rendements très élevés, viennent de plus en
7
Euler Hermès ne compte pas
augmenter ses tarifs en 2011
Wilfried Verstraete, président du directoire du groupe d’assurance crédit Euler Hermès, a indiqué lundi 3 janvier que son
groupe n’envisage pas d’augmenter ses tarifs en 2011. Il a soutenu : « En 2011, nous ne prévoyons pas de hausse générale de nos
prix et visons un maintien des tarifs actuels », tout en constatant
qu’il y a déjà une pression à la baisse sur certains renouvellements de contrats, car quelques concurrents manifestent un
grand appétit pour reprendre des affaires. C’est peut-être dû à
la réorientation actuelle du groupe, qui souhaite se développer
« de façon plus agressive » en Asie (300 millions $ de CA d’ici
sept ans), au Moyen-Orient et en Amérique latine, ainsi que
sur la côte ouest des Etats-Unis (50 à 70 millions $ de primes
sur cinq ans).
Colloque Coface risque-pays
2011
Fabrice Kom Tchuente : « Les banques locales préfèrent octroyer des prêts à
court terme, moins risqués pour elles, à des taux d’intérêt élevés, et exigent
une panoplie de garanties. »
plus en Afrique, ce qui leur permet aussi de diversifier leur portefeuille, car la corrélation est très faible entre l’évolution des actifs africains et de ceux des autres places financières mondiales.
Contrairement aux marchés occidentaux, l’Afrique n’étant pas
encore suffisamment impactée par les flux de capitaux internationaux dispose d’une multiplicité d’opportunités d’investissement se regroupant suivant ses principaux moteurs de croissance que sont les secteurs énergétiques, miniers, pétroliers,
gaziers, des télécommunications et de l’agroalimentaire.
Les fonds de private equity, à l’instar de Kingdom Zephir Africa
ou Emerging Capital Partners, se sont attaqués à ces niches qui se
sont avérées très rentables, avec des plus-values de l’ordre de 40%
pour certaines d’entre elles, selon des économistes de l’OCDE.
Plus récemment, suite à la crise financière, de nombreuses
multinationales en manque de liquidités se sont retrouvées
contraintes de céder leurs actifs africains. Cette démarche a créé
des opportunités d’investissement à bons prix.
Cependant on peut noter que cet attrait se manifeste surtout sur
les pays d’Afrique du Nord et d’autres pays tels que l’Afrique du
Sud et le Nigeria, qui sont riches en matières premières et en
ressources minières, ou le Ghana et le Botswana, qui disposent
d’institutions reconnues en termes de « bonne gouvernance économique ». Les autres pays d’Afrique centrale et occidentale se
contentant encore majoritairement de l’aide internationale.
LA : Quelles sont les caractéristiques des investissements en
Afrique ?
FKT : Près de la moitié des investissements sont réalisés par
les économies développées, dont une grande partie provenant
des Etats-Unis. Selon le club de réflexion Cap Afrique, 65% de
ces investissements ne concernent que l’Afrique du Sud, suivie de l’Afrique de l’Ouest grâce au Nigeria à hauteur de 19%,
de l’Afrique du Nord avec 8%, de l’Afrique de l’Est avec 7%,
et enfin de l’Afrique centrale avec 1%. Une étude de Goldman
Sachs montre d’ailleurs qu’en 2009 le taux de pénétration du
private equity, rien qu’en Afrique du Sud, était supérieur à celui
du reste du monde.
Pour tous ces fonds d’investissement, les encours par portefeuilles d’actifs se situent en moyenne entre 100 et 200 millions
d’euros avec un horizon de placement d’environ cinq ans.
LA : L’Afrique y gagne-t-elle ?
FKT : L’Afrique, dominée par une prépondérance du secteur
informel et une abondance des petites et moyennes entreprises,
éprouve des difficultés de financement via les banques locales.
Celles-ci préfèrent octroyer généralement des prêts à court
terme, moins risqués pour elles, à des taux d’intérêt élevés, et
exigent une panoplie de garanties.
En revanche, en usant de prises de participation, les fonds
d’investissement soutiennent le secteur informel par le biais
des PME locales. Ils leur octroient un financement long terme
doublé d’un accompagnement et d’une assistance en termes de
stratégie et de gestion.
L’émergence de nombreux fonds thématiques permettent de
financer les besoins primordiaux des populations vulnérables
telles l’éducation ou la santé, et de soutenir des initiatives ou
des projets générateurs de développement économique et social tels l’agriculture et le microcrédit. D’autre part, les fonds
infrastructurels plus actifs permettent le financement de grands
travaux comme les routes, les ponts, les ports, les aéroports, les
centrales hydroélectriques, les télécommunications, etc. Ce qui
conduit progressivement à la constitution d’un tissu économique et industriel solide. Tous ces fonds de soutien et de développement sont généralement financés par des investisseurs
privés extérieurs et des banques d’affaires, filiales de bailleurs
La traditionnelle conférence de haut niveau que Coface organise au début de chaque année pour faire le point sur les risques pays et sectoriels dans le monde a de nouveau réuni des
économistes de tous bords, des entrepreneurs, des banquiers
et des universitaires, pour dresser le bilan de l’année écoulée,
examiner les tendances majeures de l’économie mondiale et
enfin évaluer leur impact possible sur la situation des entreprises. Portant sur des thèmes tels que « Etats-Unis : un modèle
remis en cause ? », « Reprise ou re-crise en Europe ? », « Après la
crise, quelles nouvelles stratégies mondiales pour les entreprises ? », « Quels risques cachés derrière le dynamisme des pays
émergents ? », la conférence ambitionne d’aider les acteurs du
commerce international à prendre leurs décisions en matière
d’exportation ou d’investissement.
Les assureurs refusent de
transférer 15 milliards de
nairas de fonds de pension
En dépit du lancement national de dix produits d’assurance
obligatoire par la Commission nationale de retraite (PenCom)
l’année dernière, certaines compagnies d’assurances refusent
le transfert d’avoirs de retraite valant 15,31 milliards de nairas
(100 nairas = 0,6570 $), tel que l’exige la Loi sur la réforme
des pensions de 2004. Seules cinq sur quarante compagnies
d’assurances inspectées ont mis en œuvre le régime de retraite
contributif. Pour rappel, cette loi sur les pensions établit un régime de retraite contributif pour tous les employés des secteurs
privé et public de la fédération. La loi prescrit également à toutes les compagnies qui étaient jusque-là sur l’ancien régime de
retraite de transférer les fonds de pension aux opérateurs de
pension agréés.
Les réassureurs étrangers
tenus d’être notés « A »
Le projet qui consistait à se soucier de la solidité financière minimale des réassureurs étrangers au Nigeria, et qui faisait partie
des lignes directrices par la Commission nationale d’assurance
(NAICOM), entre en vigueur. Désormais, dans le but d’établir
un ensemble uniforme de règles, règlements et normes pour les
contrats d’assurance au sein de l’industrie du pétrole et du gaz
au Nigeria, les compagnies de réassurance étrangères qui désirent conclure des contrats de réassurance avec des compagnies
d’assurances du Nigeria, particulièrement dans le domaine du
pétrole et du gaz, sont maintenant tenues d’avoir la note « A »
de Standard & Poor’s (S&P) ou d’AM Best.
de fonds comme PROPARCO de l’AFD, la SFI de la Banque
mondiale ou la Banque européenne d’investissement.
Toutefois, il faut préciser que, pour la plupart, ces fonds d’investissement ne sont pas des philanthropes. Une fois leur objectif de performance et leur horizon de placement (cinq ans
en moyenne) atteints, ils se désengagent de l’entreprise en cédant leur part de capital sur le marché boursier, à la direction,
à un autre fonds ou à un tiers.
Ces procédés permettent aux pays africains de s’affranchir progressivement des aides internationales au profit des investissements privés. Mais étant donné la surliquidité dont souffre le
continent de par l’exportation de ses nombreuses matières premières et ressources minières, il serait intéressant de privilégier
davantage les échanges intracontinentaux, ce qui créerait de
nouvelles opportunités de croissance. Car cette initiative accorderait un plus grand levier décisionnel aux Africains dans l’optique d’accroître la consommation et l’exportation de produits
finis préalablement transformés sur le continent et respectant
les normes internationales de qualité.
Propos recueillis par Hance Guèye
8
Banques et Assurances
- Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011
UEMOA : ménage délicat entre renforcement de
fonds propres et rentabilité bancaire
Le secteur bancaire de l’UEMOA démarre l’année 2011 après avoir bouclé
en grande partie le processus de conformité par rapport aux nouvelles
règles du capital minimum édictées par les autorités de régulation de la
région. Derrière ce renforcement de fonds propres pointe l’éternel problème de la rentabilité.
L
a volonté des autorités de l’Union économique et monétaire ouest-africaine
de porter le capital minimum des banques de la zone à 10 milliards FCFA au 31 décembre accélérera la reconfiguration bancaire
de la région. Toutes les queues de peloton, les
petites banques sans assise financière solide,
sont dans la ligne de mire des fonds d’investissements européens, américains ou asiatiques,
des holdings et des institutionnels puissants.
L’essentiel de la consolidation se jouera pourtant entre les catégories moyennes et les poids
lourds. On l’a vu avec la prise de contrôle de
la BOA par la BMCE Bank, les banques d’envergure continentale ou régionale, fortes de
leurs réseaux et de leurs performances, devront
nouer de solides alliances pour profiter du tant
attendu rebond de l’activité en 2011. Cas de la
Holding Financial Bank, qui détient la Banque
Atlantique, et qui a franchi le cap des 2 milliards
de dollars de total bilan à la fin de l’année 2010.
Ce ténor ivoirien, largement au-dessus de la bataille existentielle des minimums requis, a procédé à une deuxième vague de recapitalisation
pour augmenter le pouvoir d’engagement de ses
filiales, en termes de fonds propres effectifs. Avec
de telles performances et l’arrivée de la BOAD
(acquéreur de 10,7% du capital) dans le tour de
table en août dernier, la banque n’aura pas de
mal à trouver de nouveaux partenaires institutionnels. C’est tout le marché ivoirien et ses 22
établissements bancaires, tous suspendus à l’évolution politique du pays, qui en sera impacté.
Si dans l’ensemble l’étape de la conformité a été
franchie avec succès grâce à des augmentations
de capital et des introductions à la bourse à la
clé pour les uns, à des émissions obligataires
combinées dans les deux cas à des incorporations des réserves pour les autres, un même
problème se pose pour tous les acteurs. L’apport
de l’argent frais, précise ce cadre d’une banque
locale ivoirienne, risque d’affecter les ratios de
rentabilité comme le ROE. En effet, comme vu
ailleurs dans les marchés émergents, une trop
forte augmentation des fonds propres affecte
les profits des actionnaires. Au Maroc, le ROE a
baissé ainsi de 220 points de base entre 2006 et
2009, suite à une progression de 15,2% des fonds
propres du secteur sur la période. Cependant, les fonds nécessaires sachant que l’appétit des
d’un pays à l’autre de l’UEMOA, les rendements actionnaires pour le risque n’est pas illimité ?
A moins de recourir à la technologie, sachant
ne sont pas les mêmes.
C’est le petit Niger qui présente le meilleur re- que la téléphonie permet aujourd’hui un accès
tour sur investissements en fonds propres avec, plus facile au service bancaire sans les frais de
selon les rapports de la commission bancaire de l’UEMOA, un ROE de 20,7%, deC’est le petit Niger qui
vant le Sénégal (13,5%), le Mali (13,3%),
le Togo (11,9%) et la Côte d’Ivoire
présente le meilleur retour
(11,3%). C’est au Bénin que l’on retrouve
le taux le plus bas, soit 0,3%. Bref, compte
sur investissements en fonds
tenu de la faible proportion de la popupropres avec un ROE de
lation bancarisée (environ 6%), les banques de l’UEMOA seront tentées, comme
20,7%, devant le Sénégal
leurs consœurs du Maghreb, de miser
(13,5%), le Mali (13,3%),
sur le relèvement des coûts de leurs prestations pour améliorer leurs retours sur
le Togo (11,9%) et la Côte
investissements.
De l’avis des spécialistes, ces calculs devront se ressentir dans les PNB des prochains exercices, où les marges sur taux
d’intérêt devront encore baisser (bienfait
théorique de la concurrence qui profitera
au client), à l’inverse des commissions bancaires. Phénomène courant, la tendance à la
surcharge des frais bancaires ne pourra être réprimée que par le professionnalisme de l’autorité centrale et la vigilance des associations
de consommateurs. Seuls des investissements
conséquents à la recherche des populations
éloignées des centres urbains seront à même
de renverser la vapeur. Mais comment obtenir
BOA Burkina : une courbe de
croissance qui mène à la bourse
Alors que pour certains la clôture de fin d’année des résultats
d’activités sonne le glas de leurs ambitions, pour d’autres carillonnent les cloches de la félicité. Bank of Africa-Burkina Faso (BOABurkina Faso) appartient à cette catégorie de happy fews pour qui
le début d’année rime avec prospérité.
T
out a commencé le 26 octobre
2010, au lancement de l’offre publique de vente (OPV)
de 100 000 actions BOA-Burkina Faso.
L’opération, d’un montant global de
2,261 milliards FCFA, est clôturée le soir
même, le taux de souscription ayant atteint 500% à la fin de la première journée
de l’opération. L’OPV est suivie, dans la
foulée, d’une demande d’introduction
des actions à la cote de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM)
d’Abidjan. Le 30 décembre a donc eu lieu
tion, le cours des actions est réservé à la
hausse et passe de 23 000 FCFA à 30 000
FCFA, enregistrant alors une progression
de 30,4% dans un volume de 452 titres.
Une année de forte croissance
Ces bons résultats attestent de la confiance du marché en la BOA-Burkina Faso,
une banque qui s’est positionnée progressivement, en un peu plus de dix ans,
comme l’un des acteurs majeurs de la
place bancaire burkinabée (avec environ
16% de part pour les ressources) et dont
les indicateurs ont évolué favorablement. Au 31 décembre 2009,
« L’année 2011 vise à
son produit net bancaire (PNB)
a en effet progressé de 10,28% en
conforter et à consolider
s’affichant à 9,9 milliards FCFA,
tandis que son bénéfice net (2,2
notre position. Elle
milliards FCFA) a enregistré une
marquera le démarrage
progression de 20,47%. Le total du
bilan s’est établi la même année à
du chantier de notre
176 milliards FCFA (en hausse
de 20,02%), et, au 30 juin 2010,
nouveau siège social,
il est passé à 215 milliards FCFA
dont le montant de
(+22%). « 2010 a été une année de
forte croissance de notre activité et
l’investissement est
cela se traduira par un résultat net
équivalent à 5 milliards
en progression par rapport à 2009.
L’année 2011 vise à conforter et à
FCFA. »
consolider notre position. Elle marquera le démarrage du chantier de
la cérémonie d’admission des actions de notre nouveau siège social, dont le montant
la BOA-Burkina Faso à la BRVM, qui est de l’investissement est équivalent à 5 milainsi la quatrième filiale du groupe Bank liards FCFA », précise Laurent R. Basque,
of Africa à être désormais présente sur ce DG de BOA-Burkina Faso.
marché financier. Dès la première cota- Constituée d’un réseau de 21 agences
sur le territoire burkinabé, la banque est
présidée par Lassiné Diawara, qui est,
au terme de l’OPV, l’actionnaire privé
le plus important. BOA West Africa dispose pour sa part de 52,24% du capital.
BOA-Burkina Faso propose une gamme
de produits diversifiés, tant pour les
particuliers que pour les entreprises. Au
cours de l’exercice 2010, elle a été le chef
de file pour la mobilisation d’un financement de 12,5 milliards FCFA destiné à la
construction de la centrale électrique de
la Société nationale burkinabée d’électricité (SONABEL), à Komsilga. Elle a
également octroyé 4,5 milliards FCFA
aux transporteurs de Total Burkina pour
l’acquisition de 52 camions-citernes, et a
aussi participé à la campagne coton pour
plus de 20 milliards FCFA. Ses autres
participations concernent le financement (8 milliards FCFA) de la campagne
de production d’huile de SN CITEC (la
plus importante unité de transformation
industrielle de graines de coton en huile
alimentaire), ainsi que d’infrastructures
(routières, scolaires et de santé) en accompagnant de nombreuses entreprises
du secteur du BTP. La banque soutient de
manière aussi significative la clientèle des
particuliers dans le financement des biens
d’équipements, de prêts scolaires, de
prêts étudiants et de prêts immobiliers.
La somme de ces crédits à la consommation et à l’investissement a permis à la
BOA-Burkina Faso de se hisser, depuis
le mois d’avril 2010, à la seconde place
du marché bancaire, faisant d’elle un acteur incontournable du marché financier
burkinabé. « Le succès de l’OPV et la tendance haussière du cours de bourse en sont
des preuves tangibles », souligne Laurent
R. Basque.
Véronique Narame
d’Ivoire (11,3%). C’est au
Bénin que l’on retrouve le
taux le plus bas, soit 0,3%.
structure classiques qu’elle entraîne. « Le téléphone offre un filon juteux, avec des recettes qui
tombent presque intégralement dans le PNB »,
conclut notre interlocuteur qui pense que l’arrivée de nouveaux acteurs comme la Diamond
ou la BGFI Bank montre bien qu’en dépit du
ticket d’entrée élevé, le secteur bancaire de
l’UEMOA continue d’attirer les investisseurs.
A.W.
Lancement du 1er plan
d’épargne en actions au
Maroc par Attijariwafa Bank
Le groupe Attijariwafa Bank vient de lancer au Maroc le premier plan d’épargne en actions (PEA), PEA Capital Actions.
Il s’agit d’un produit constitué d’actions et de certificats d’investissements, inscrits à la cote de la Bourse de Casablanca,
de droits d’attribution et de souscription, ainsi que des titres
OPCVM actions. Cette initiative devrait favoriser l’investissement à moyen terme en Bourse de Casablanca. C’est d’autant
plus plausible qu’après une durée de cinq ans les dividendes et
les plus-values générés dans le cadre de ce PEA Capital Actions
seront totalement exonérés d’impôts. A noter que le plafond du
PEA est fixé à 600 000 dirhams, soit 53 000 euros.
Casablanca Finance City,
officiellement mis en route
Les statuts de la City marocaine, Casablanca Finance City
(CFC), sont officiellement inscrits dans le Bulletin Officiel en
date du 30 décembre 2010, sous la loi nº 44-10. Ce complexe,
qui sera dirigé par Said Ibrahimi, devra abriter à terme de grandes institutions financières nationales ou étrangères désirant
opérer sur les plans régional et international à partir de cette
place, ou y installer leurs sièges régionaux ou internationaux.
Bien entendu, toute une batterie de mesures est envisagée pour
attirer les investisseurs, avec singulièrement un régime fiscal de
faveur.
Oceanic Bank liquide ses
opérations en Gambie
Dans un communiqué rendu public lundi 3 janvier, Oceanic
Bank Gambie Ltd, filiale de la société mère Oceanic Bank du
Nigeria, révèle qu’elle a commencé à liquider ses opérations
en Gambie. Cette décision est consécutive à son incapacité à
répondre aux exigences de la Banque centrale de Gambie, en
termes d’apports du capital minimum de 150 millions de dalasis (100 dalasis GMD = 3,508 $). A noter que 13 des 14 banques opérant en Gambie ont respecté l’exigence minimale à la
date limite du 31 décembre 2010. Des témoins, dignes de foi,
ont rapporté que dans la matinée du mardi 4 janvier au siège
d’Oceanic Bank sur Kairaba Avenue à Banjul (capitale de la
Gambie) se tenait une longue file de clients désireux de retirer
leurs dépôts. Le personnel de la banque se démenait alors pour
satisfaire des clients qui recevaient, tant bien que mal, leur argent, a-t-on assuré.
Bourses
Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 -
Algérie : recettes
hydrocarbures record et
projet nucléaire
Youcef Yousfi, ministre de l’Energie et des Mines, a révélé, lundi
3 janvier 2011 : « A fin 2010, les recettes des hydrocarbures (gaz
et pétrole) de l’Algérie ont atteint 55,7 milliards (mds) $, soit une
hausse de 25% par rapport à l’année précédente. » Pourtant sur
cette même période la production d’hydrocarbures a enregistré un léger tassement, a-t-il ajouté. Evoquant ces tendances,
le ministre de tutelle a précisé que c’est la valeur des exportations qui compte, plus que les volumes exportés. Dans tous les
cas, le groupe Sonatrach annonçait à fin décembre des recettes
de 56 à 57 milliards $ pour une production de 220 millions
de tonnes équivalent pétrole (Tep). Par ailleurs, revenant sur
les deux réacteurs nucléaires expérimentaux à Draria (banlieue sud d’Alger) et Aïn Oussera, près de Djelfa (270 km au
sud d’Alger), le ministre a soutenu : « Le pays, qui étudie actuellement les conditions de lancer d’ici 15 à 20 ans sa première
centrale nucléaire, dispose de réserves d’uranium suffisantes pour
une alimentation à long terme. »
« La crise ivoirienne touche tous
les secteurs »
Jean-Paul Gillet, directeur général de la BRVM, s’exprime sur les
effets de la crise ivoirienne et les perspectives de la place boursière régionale.
ment subsahariennes, dans l’animation
du marché boursier ?
JPG : Les banques ne sont pas suffisamment impliquées dans le marché financier
régional malgré leur participation dans
le capital de plusieurs SGI. En effet, l’activité financière est encore perçue comme
concurrente à l’activité bancaire classique et non comme complémentaire.
LA : On parle aussi de la BOA Niger
qui vous a fait confiance dans sa
recapitalisation ?
JPG : L’ensemble du groupe BOA est
particulièrement actif sur le marché financier, avec quatre sociétés cotées BOA
Bénin, Niger, Côte d’Ivoire, et tout récemment BOA Burkina Faso qui a été introduite le 30 décembre 2010. Il compte
également huit émissions obligataires et
La Tunisie lance une étude
de faisabilité de stations
éoliennes de 60 MW
En Tunisie, une étude de faisabilité technique et économique
d’une station éolienne de 60 MW, extensible à 120 MW, est
actuellement en cours. L’annonce a été faite, jeudi 30 décembre à Tunis, au cours d’un séminaire sur le développement
des énergies renouvelables en Tunisie. L’Agence, qui a mis
à la disposition différents intervenants, le logiciel « l’Atlas
des vents », qui fournit des informations scientifiques sur
l’énergie éolienne en Tunisie, joue un rôle primordial dans
cette dynamique. D’ailleurs, Nafaa Baccari, chef du service de
l’énergie éolienne à l’agence, a déclaré que cette étude s’inscrit
dans le cadre du programme pour l’électricité auto-générer
de l’énergie éolienne qui vise à installer une puissance 60 MW
d’électricité auto-production par des entreprises grosses
consommatrices d’électricité, et afin de satisfaire une partie
de leurs besoins en électricité.
Safaricom (Kenya) envisage
un investissement de
125 millions $
Safaricom, premier opérateur du Kenya de téléphonie mobile,
investira 10 milliards de shillings (125 millions $) dans la modernisation de son réseau. Il s’agit d’une réaction de la direction de
Safaricom suite à la publication de récents rapports de la réglementation de la Commission de l’industrie de la communication du Kenya (CCK) classifiant la qualité des services. Dans ce
classement, Safaricom et Telkom Orange ont été en queue de file.
Si Claire Ruto, responsable commercial, a déclaré que la compagnie a reconnu la nécessité d’améliorer la qualité du réseau
avec l’intention de « réaliser une expérience de communication
de qualité supérieure à ses clients », il n’en demeure pas moins
qu’au lendemain de la publication des rapports, Safaricom
avait commencé par rejeter ces conclusions.
9
Jean-Paul Gillet : « L’activité financière est encore perçue comme concurrente à l’activité bancaire
classique et non comme complémentaire. »
L
es Afriques : Globalement, la
BRVM tient-elle la tête hors de
l’eau en cette période de crise
ivoirienne ?
Jean-Paul Gillet : La crise politique que
traverse la Côte d’Ivoire conduit les acteurs à un attentisme prudent, avec un
impact certain sur les volumes traités.
Toutefois, les indices ont bien résisté du
fait de la hausse des cours du caoutchouc
et de l’huile de palme qui sont représentés par des valeurs ivoiriennes cotées.
Nous espérons que cette situation ne va
pas durer pour éviter de provoquer des
positions de retrait de la part des investisseurs étrangers.
LA : Quelles sont les tendances du
marché boursier et les principaux secteurs touchés par les effets de la crise
ivoirienne ?
JPG : La BRVM a eu une évolution positive en 2010, après les baisses enregistrées
en 2009. Le BRVM composite a progressé
de 20% et le BRVM 10 de 27%, passant de
143,70 à 182,96 points. La capitalisation
a dépassé son niveau de décembre 2008
avec près de 3500 milliards FCFA fin
décembre 2010 pour les actions, contre
3400 en début d’année. La crise touche
tous les secteurs, en premier lieu celui de
la distribution et de la consommation. A
terme, l’activité en général étant réduite,
le secteur bancaire ne sera pas épargné.
LA : Avez-vous des espoirs d’un rapide
retour à la normale de la BRVM ?
JPG : Nous avons bon espoir que la situation redevienne rapidement stable.
Avec une normalisation de la situation,
les potentialités de la zone redeviendront
vite attrayantes.
LA : Pour une première dans l’histoire
du marché obligataire de la BRVM, un
contrat de liquidité a été signé le 30
novembre 2010 entre la CBAO-Attijari
et le port autonome de Dakar. De quoi
s’agit-il et quels sont les objectifs visés ?
JPG : Le marché secondaire des obligations est assez peu animé, et souvent les
petits porteurs ont des difficultés pour
retrouver leur liquidité, même pour de
petites quantités de titres. Le contrat de liquidité permettra d’assurer une meilleure fluidité dans la cotation et de répondre
aux attentes de ces investisseurs.
LA : Qu’est-ce qui explique selon vous
cette timidité des banques, principale-
« Les indices ont bien
résisté du fait de la
hausse des cours
du caoutchouc et
de l’huile de palme
qui sont représentés
par des valeurs
ivoiriennes cotées. »
utilise le marché très régulièrement depuis plus de dix ans pour financer son
développement sur toute la région. Les
BOA du Sénégal et du Mali devraient
rejoindre les autres BOA du groupe à la
cote d’ici un à deux ans.
LA : La capitalisation boursière du
marché obligataire accuse une baisse
de 3,92% à 453 milliards FCFA en décembre 2010. La donne a-t-elle changé
entre-temps ?
JPG : La capitalisation boursière des obligations varie en fonction des remboursements et des nouvelles introductions. Or,
il se trouve que nous avons à introduire
plusieurs emprunts début 2011, dont celui de l’Etat du Sénégal, de la BIDC, etc.
Après ces introductions, la capitalisation
dépassera les 500 milliards FCFA.
Propos recueillis par Ismael Aidara Impressionnantes hausses des valeurs bancaires
à Casablanca
Après deux années successives de contre-performances, la Bourse de
Casablanca a renoué avec la hausse en 2010. Les valeurs bancaires y ont
joué un rôle moteur, à l’instar de BCP et d’Attijariwafa Bank.
L
’année 2010 marque la reprise à la
Bourse de Casablanca qui a enregistré une hausse supérieure à 20%
pour ses deux indices, le MASI (composite)
et le MADEX (valeurs cotées en continu).
Du coup la capitalisation boursière (579 milliards de dirhams) se rapproche de la barre
des 600 milliards, largement dépassée avant le
déclin commencé à la mi-2007. Avec un indice sectoriel en hausse de 35%, les banques
ont sans doute été les moteurs de cette reprise, à l’image d’Attijariwafa Bank, dont le titre
s’est apprécié de 50% à 407 dirhams. Plus impressionnant encore, la BCP, qui pulvérise la
moyenne du secteur avec une envolée de 72%.
A l’inverse, le titre BMCE Bank s’est contracté
de 1,51% à 261 dirhams.
Volumétrie en forte augmentation
Pour sa part, Maroc Télécom, première capitalisation du marché, cotée à Casablanca et à Paris,
a bouclé l’année avec une hausse de 10%. Le
secteur bancaire pèse pour près de 30% de la capitalisation boursière de la place, suivi des télécoms (22,7%). C’est toutefois l’indice du secteur
minier qui a réalisé la meilleure performance de
l’année, soit 122%. Cette tendance reflète plutôt
une année 2009 désastreuse où, suite à des pertes liées aux contrats de couverture, beaucoup
de minières ont accusé des bilans dépréciés.
Le meilleur indicateur de reprise reste sans
doute la volumétrie, en forte augmentation par
rapport à 2009. En 2010, la place casablancaise a
traité 238 milliards de dirhams de transactions,
grâce en partie à des opérations exceptionnelles comme le retrait de l’ensemble ONA-SNI
de la cote. Le marché central a attiré une bonne
moitié du chiffre d’affaires des transactions du
compartiment actions (103 milliards) comparé
au marché de blocs (59 milliards). Le compartiment obligataire a traité pour une valeur de 12,6
milliards sur le marché central et 6 milliards
dans le marché de blocs. Les transactions exceptionnelles comme les introductions nouvelles
ont été plutôt en retrait. Outre la Tunisienne
Ennakl cotée le 13 juillet 2010, la place casablancaise a connu l’introduction en bourse (par
cession d’actions) de la CNIA-Saada, du groupe
Saham, le 22 novembre dernier. Au niveau des
big caps, la hiérarchie n’a pas été bouleversée,
Maroc Télécom restant avec 131,8 milliards de
dirhams au 31 décembre 2010 la plus grande
capitalisation boursière du marché, concentrant
22,8% de la capitalisation totale. Attijariwafa
Bank suit avec 78,5 milliards (13% du marché).
La hausse au rendez-vous en 2011
A noter que les bons résultats enregistrés en 2010
ont toujours été obtenus grâce à une bonne fin
novembre et à un exceptionnel mois de décembre propice aux allers et retour et aux Windows
dressing. La performance hebdomadaire de 3%
enregistrée par le MASI et le MADEX au terme
de la première séance de janvier laisse supposer
que la croissance continue, même si la fièvre a
baissé d’intensité. Le démarrage d’un nouveau
cycle boursier en 2011 dépendra en grande
partie de l’annonce d’opérations stratégiques, à
commencer par les introductions en bourse.
A.W.
10
Bourses
- Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011
La Bourse de Tunis gagne 19,13% en 2010
Avec un gain de 19,13% en 2010, la Bourse de Tunis arrive au 4ème rang des
places financières les plus performantes en Afrique.
E
n dépit de sa réputation de place financière exiguë et peu liquide dont elle
peine à se défaire, la Bourse de Tunis
vient de connaître sa huitième année consécutive d’euphorie. Le Tunindex, indice composite de la place, a progressé de 19,13% en 2010,
pour atteindre son plus haut niveau historique,
à 5112,52 points.
Selon un bilan officiel, la progression de l’indice
phare de la Bourse de Tunis a atteint 38,32%, à
loi de Finances 2011, ont, toutefois, interrompu le rallye haussier du marché.
En dépit de ce coup de tabac consécutif à un
« panic selling », la Bourse de Tunis a occupé
le 4ème rang des places financières africaines
les plus performantes en 2010, après celles de
Nairobi (+36,5%), d’Accra (+35,9%,) et de
Casablanca (+22,1%), selon un classement
réalisé par Thaddeus Investment Advisors &
Research Ltd, un cabinet nigérian de conseil fi-
« L’introduction imminente de
deux principaux acteurs du secteur
télécommunications, qui sont des
sociétés ayant un chiffre d’affaires
supérieur à un milliard de dinars,
devrait donner une autre dimension
au marché tunisien. »
5681,39 points, durant les neuf premiers mois
de l’année, grâce notamment à l’abondance du
papier frais et à une forte demande locale. Des
révélations relayées début octobre par la presse
sur l’imposition des plus-values provenant de
la cession des valeurs mobilières, prévue par la
nancier spécialisé dans les marchés frontières.
Pour sa part, la capitalisation du marché tunisien est passée de 12,22 milliards de dinars (1
dinar = 0,52 euro) à la fin 2009 à 15,22 milliards durant la dernière séance du mois de
décembre 2010.
Pour expliquer la croissance du marché tunisien durant l’exercice écoulé, les professionnels
mettent en avant l’arrivée sur la cote de cinq
nouvelles sociétés. « En 2010, la machine a été
relancée grâce à d’importantes introductions,
dont celles de la cimenterie Carthage Cement et
du concessionnaire automobile Ennakl », précise
le bureau d’études Tustex dans sa rétrospective
de l’année boursière.
Bon comportement des valeurs
financières
Les experts estiment également que le bon
comportement des valeurs financières, qui représentent plus de 60% de la capitalisation du
marché, a été également l’un des catalyseurs
de la spirale haussière caractérisant la place de
Tunis. Le secteur du leasing a, en effet, enregistré une hausse de 60,4%, suivi par les assurances (+42,3%) et les banques (+20%).
Les secteurs des industries chimiques
(+16,9%), de l’agroalimentaire (+14,4%) et
de l’immobilier (+15,3%) ont, de leur côté,
réalisé des performances « honorables », alors
que l’industrie pharmaceutique a fait figure de
lanterne rouge, avec un repli de 20,3%.
En termes de variation des cours des sociétés cotées, l’année 2010 a été marquée par 43 hausses
et 13 baisses. La société spécialisée en ingénierie
et travaux d’infrastructures pour les télécoms
Servicom a signé la plus forte hausse de l’année en voyant son cours bondir de +136,5%. La
compagnie de réassurance Tunis-Ré a occupé la
deuxième marche du podium avec un gain de
+116,2%, devant la Société tunisienne des industries pneumatiques (+107,1%).
Liées essentiellement à la dégradation de la
conjoncture économique, les baisses ont notamment concerné les laboratoires pharmaceutiques Adwya (-22,6%), Tunisair (-18,9%)
et la Société tunisienne de verreries (-18,6%).
Les professionnels estiment que 2011 s’annonce sous
les meilleurs auspices.
Arrivée imminente des valeurs
télécoms
S’agissant des perspectives de la place de Tunis,
les professionnels estiment que 2011 s’annonce
sous les meilleurs auspices. D’autant plus que
pas moins de cinq opérations d’introduction
d’envergure sont prévues. Outre la société
d’ingénierie et de conseil dans l’innovation et
les hautes technologies Telnet, la Compagnie
tunisienne de navigation et la Société nationale
de distribution du pétrole, l’arrivée sur la cote
des opérateurs télécoms Tunisiana et Tunisie
Télécom est très attendue par les investisseurs,
les professionnels et l’ensemble de l’économie
du pays. « L’introduction imminente de deux
principaux acteurs du secteur télécommunications, qui sont des sociétés ayant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard de dinars, devrait
donner une autre dimension au marché tunisien », indique Axis Bourse dans une récente
note de recherche sur les perspectives 2011 de
la Bourse de Tunis.
Selon les analystes de cette société de bourse
majoritairement détenue par la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE), ces
« méga introductions » devraient aussi placer
davantage la place dans le viseur des fonds
d’investissements internationaux tournés vers
les marchés émergents.
Walid Kéfi, Tunis
Les services de renseignements africains attendus
sur le front économique
Les scandales d’espionnage économique qui éclatent plus souvent dans
les pays industrialisés depuis la guerre froide ne signifient pas que l’Afrique est à l’abri. Au contraire. Partout dans le monde, les services de
renseignement sont désormais attendus sur le front de la guerre économique. Y compris en Afrique.
Guy Gweth
Conseil en intelligence
économique, Knowdys
D
’après les analystes, seuls l’Afrique du Sud, la Libye, Maurice, le
Nigeria, le Rwanda et, dans une
moindre mesure, l’Algérie sont dotés – au sein
de leurs services de renseignement – d’unités spécialisées qui sont (ou s’apparentent
à) des dispositifs d’intelligence économique
acceptables. Ce dernier qualificatif renvoie,
dans notre nomenclature, à un niveau égal
ou supérieur à 5/10 au regard des défis économiques du pays concerné. Dans la quasitotalité des autres Etats africains, les services
de renseignement restent encore largement
absorbés par l’anticipation et la gestion des
troubles à l’ordre public et à la surveillance
de « l’ennemi intérieur ». De 2005 à 2010, par
exemple, les services intérieurs et extérieurs
des six pays de la zone CEMAC (Cameroun,
Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad) ont consacré 70 à 80% de leurs
budgets aux opérations liées à l’ordre public,
d’après notre estimation.
Quelle protection pour les
businessmen ?
Contrairement aux apparences, plusieurs catégories d’hommes d’affaires et de donneurs
d’ordres africains, ainsi que leurs proches,
font régulièrement l’objet de surveillances,
comme nous le verrons plus loin. Face à
l’exacerbation de la concurrence internationale, certains expriment de plus en plus le
besoin d’être accompagnés par les services de
renseignement ou des cabinets d’intelligence
économique nationaux, comme on peut le
voir dans d’autres pays. Pour répondre à ce
besoin, les Renseignements du Royaume-Uni
ont par exemple conçu un manuel de protection destiné aux businessmen britanniques
qui se rendent en Chine (Security Advice for
Visitors in China) en 1990. On y apprend,
entre autres, que « les visiteurs en Chine devraient savoir que tous leurs documents privés
ou professionnels sont en péril s’ils restent dans
les bureaux ou les chambres d’hôtel (même s’ils
sont enfermés à double tour dans une valise) ».
« Nous traquons vigoureusement
la corruption »
La Chine n’est évidemment pas un cas isolé.
Loin s’en faut. En 1947 déjà, en pleine guerre
froide, les Etats-Unis et le Royaume-Uni signèrent un accord secret de coopération des
personnels et systèmes de renseignement
électronique (UKUSA) qui devint célèbre
sous le nom de code Echelon. Lorsqu’au début des années 50 l’Europe entreprit de critiquer ce gigantesque dispositif d’écoutes,
James Woolsey, ancien directeur de la CIA,
fit cette réponse : « Nous traquons vigoureusement la corruption. Et on peut dire que l’Europe est la capitale mondiale de la corruption.
Les entreprises européennes ont l’habitude de
décrocher des contrats par la corruption en
Asie, en Amérique latine et au Proche-Orient,
qu’ils ne pourraient pas obtenir en respectant
les règles du jeu… »
Les cibles africaines sont « profilées »
Qu’ils soient décideurs, opérateurs économiques d’importance – comme nous l’annoncions plus haut –, responsables d’ONG,
leaders syndicaux, journalistes de renom, ou
représentants au sein des organisations internationales, un certain nombre de cibles africaines sont « profilées » (profiling) de la pointure
de leurs chaussures à leurs hobbies et goûts
alimentaires, en passant par l’adresse de leurs
coiffeur, médecin ou banquier, ainsi que leurs
orientations religieuse et sexuelle, etc. Dans
trois cas sur quatre, ce travail complémentaire
de collecte et d’analyse du renseignement, réalisé sur commande par des services étatiques
ou des cabinets d’intelligence économique (à
des fins de compétitivité), est décisif dans les
affaires. Ses résultats sont visibles dans les signatures de contrats stratégiques, la recherche
et le développement, le lancement de produits,
la maîtrise d’un environnement hostile, la
déstabilisation d’un concurrent, ou le succès
d’une opération d’influence.
Les mobiles cachés des marques
d’attention
Invités tous frais payés à des colloques internationaux, à des voyages d’affaires ou à des
sessions de formation à l’étranger, un grand
nombre d’acteurs économiques et de leaders
d’opinion africains se méprennent quelque-
fois sur les mobiles de ces marques d’attention. Au nom de « l’amitié entre les peuples »,
de « la réduction de la fracture numérique » ou
des cadeaux d’affaires, d’aucuns reçoivent des
ordinateurs, caméras, clés USB, etc. aux fonctionnalités un peu particulières... Sans pour
autant leur insuffler la paranoïa liée à leur
métier, il est urgent que les Renseignements
africains aient un terrain de dialogue avec le
monde des grandes entreprises pour les sensibiliser et les accompagner. Les services de
renseignement, rappelons-le, ont principalement pour mission de protéger les intérêts de
leur pays et leurs ressortissants partout dans
le monde, d’empêcher les puissances étrangères de collecter les secrets de leur Etat, et
de collecter les leurs. La protection du patrimoine économique et scientifique national entre parfaitement dans leur champ de
compétence.
L’aide des services spéciaux n’est pas
de trop
Que ce soient pour les besoins de protection des acteurs économiques, de défense
des secteurs névralgiques ou de promotion
des économies africaines, les services de renseignement sont plus que jamais attendus
sur le front économique. C’est ce qu’a bien
compris Vladimir Poutine, Premier ministre
de Russie, lorsque le 18 décembre 2010 il a
solennellement convié les Renseignements
extérieurs russes à contribuer activement au
développement de leur pays. « Alors que nous
avons des objectifs de modernisation économique, l’aide des services spéciaux n’est pas de
trop », a conclu l’ancien officier opérationnel
du KGB.
http://africadiligence.com * www.knowdys.com
Bourses
Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 -
Les contrats à terme sur les
matières premières sont-ils un
risque pour l’Afrique ?
De nombreux pays disposeront bientôt de places financières
développées. Après l’Afrique du Sud, c’est le Maroc qui a lancé
le projet le plus ambitieux. Casablanca proposera bientôt des
contrats à terme à ses clients. Risque ou opportunité ?
core le Malawi réfléchissent actuellement
à l’idée de créer des plateformes de trading, première pierre posée pour l’édification de réelles places boursières.
A
Il est paradoxal de voir ces produits se
développer alors qu’ils concentrent depuis trois ans les accusations d’avoir été
à l’origine de la crise, de la crise alimentaire de 2008 notamment. Les opposants
aux produits dérivés craignent en particulier que ces produits ne renforcent la
spéculation sur les matières premières au
lieu de permettre de s’en protéger. Sur ce
sujet, Yves Simon nous rappelle que la
volatilité est davantage corrélée au degré
d’ouverture et de libéralisation des marchés qu’au développement des marchés
dérivés. « Si les produits dérivés offrent
de meilleures opportunités de spéculation
à court terme, les marchés non boursiers
des matières premières, comme le fer ou la
bauxite, connaissent les mêmes phénomènes de volatilité. » Si les marchés dérivés
ne sont donc pas une source de déstabilisation en soit, M. Simon souligne qu’ils
doivent pourtant être strictement encadrés. Plusieurs points sont soulignés.
Au préalable, les opérateurs de marché
doivent posséder la maîtrise technique
de ces instruments. Les bourses doivent
également posséder des Chambres de
compensation efficaces. Enfin, les opérateurs doivent pouvoir obtenir des garanties financières suffisantes, fournies
par une gestion adaptée des « initial
margin » (dépôt de garantie) et des « variation margin » (appel de marge). Pour
l’instant, la plupart des pays africains
sont encore handicapés par leur manque
d’infrastructures, comme les structures
de stockage, et par la faible liquidité de
leur production.
Dans l’hypothèse d’un développement
des économies africaines, la réussite de
l’introduction des dérivés en Afrique dépendra des capacités des pays africains à
accompagner cette introduction par une
politique agricole pertinente dans les domaines de la production, du stockage et
de la commercialisation. Comme le rappelle Yves Simon, il faut d’abord faciliter
la commercialisation des productions
en facilitant la rencontre de l’offre et de
la demande. La création des marchés à
terme arrive « en bout de ligne, lorsque le
besoin s’en fait sentir ».
à l’image des futures et des options. Les
acteurs et les opérateurs peuvent aussi
intervenir sur les marchés de gré à gré
(OTC), où les échanges sont peu, voire
pas du tout contrôlés. Si ces produits se
différencient entre eux sur des questions
de standardisation ou de transparence,
tous ont en commun de permettre un règlement différé de la livraison physique.
Ce mécanisme permet aux producteurs
ou aux négociants d’avoir une meilleure
visibilité sur leur activité. Les délais peuvent aller jusqu’à plusieurs années (par
exemple les SWAP). Ces produits ne sont
pourtant pas accessibles à tout le monde.
La technicité qu’ils requièrent,
la maîtrise du risque ainsi que
l’assurance financière qu’ils exiPour Yves Simon, « les
gent les réservent à de grands
producteurs africains
organismes publics chargés de
commercialisation, ou à des
doivent d’abord être incités lagrands
groupes privés agroalimentaires. Pour Yves Simon,
à se rapprocher entre
il peut même s’avérer « daneux. Il faut qu’ils soient
gereux » de s’aventurer sur ces
produits pour les petits producassez forts pour pouvoir
teurs. Pour ce professeur dont les
imposer leur prix, un prix
produits dérivés sur les matières
sont un objet d’étude
adapté au niveau des cours premières
depuis 30 ans, « les producteurs
africains doivent d’abord être
mondiaux ».
incités à se rapprocher entre eux.
Il faut qu’ils soient assez forts
Les émeutes de la faim ont joué notam- pour pouvoir imposer leur prix, un prix
ment un rôle d’électrochoc, déclenchant adapté au niveau des cours mondiaux ». A
une réflexion sur les meilleurs moyens terme pourtant, il est très probable que
de contrer la volatilité des prix. De ma- les bourses africaines se doteront des innière générale, avec une population afri- frastructures boursières suffisantes pour
caine en majorité rurale, le besoin de se pouvoir développer les produits dérivés.
« couvrir » contre la fluctuation des prix De nombreux pays disposeront bientôt
agricoles est devenu un enjeu majeur de places financières développées. Après
pour bon nombre de gouvernements l’Afrique du Sud, c’est le Maroc qui a lancé le projet le plus ambitieux. Casablanca
africains.
proposera bientôt des contrats à terme
à ses clients. Une Chambre de compenUn élément de protection
Dans cette réflexion, le professeur Yves sation devrait également être créée pour
Simon, de l’Université Paris Dauphine, encadrer ces opérations. Une échelle en
confirme que les produits dérivés sont dessous, plusieurs petits pays africains
un élément utile de protection contre commencent à leur tour à monter des
la volatilité des cours. Deux types de plateformes de trading, afin de fluidifier
produits existent. Les produits que l’on la commercialisation de leur production.
trouve d’abord sur les marchés boursiers, L’Ile Maurice, le Kenya, l’Éthiopie ou enlors que les grandes places boursières internationales voient
naître depuis quelques années
des produits dérivés sur toutes sortes de
produits agricoles, l’Afrique commence
à peine à mettre en place des infrastructures financières pour les accueillir. Les
marchés à terme, les marchés de gré à
gré ou encore les SWAP demeurent des
termes encore rares sur le continent.
Seule la Johannesburg Stock Exchange
peut proposer aux investisseurs tout un
éventail de produits dérivés. Le développement des infrastructures financières
s’est cependant accéléré depuis deux ans.
Risques de spéculation
Editeur
Edition Financière du Sud (Paris), filiale à 100% de
Les Afriques Edition et Communication SA.
Directeur de la Publication
Abderrazzak Sitaïl
Directeur de la Rédaction
Adama Wade
Siège Social
Groupe Les Afriques Edition & Communication S.A
Société anonyme au capital de 2 200 000 CHF
11, Rue de la Rôtisserie, 1204 Genève- Suisse
Tél : +41.22.816.38.50, Fax : +41.22.816.38.59
Assistante Administrative Groupe :
Mlle Sabrina Simi - [email protected]
Filiale Maroc
Les Afriques Communication & Edition SARL
(Maghreb), 219 bis, Bd Zerktouni - Casablanca
Tél : 05.22.23.34.77 - Fax : 05.22.23.35.01
Président administrateur délégué
Abderrazzak Sitaïl
Rédacteur en chef, Chérif El Walid Seye,
Dakar. Grand Reporter, Ismaïla Aidara, Paris,
Dakar. Conseiller de la rédaction, intelligence
économique, Guy Gweth, Paris. Conseiller de la
rédaction, environnement, Thierry Téné, Lille.
Banques et Assurances: Walid Kefi, Tunis (chef
de rubrique), Hance Gueye, Dakar. Bourses et
marchés: François Bambou, Yaoundé. Matières
premières et négoce: Bénédicte Chatel, Paris, Anne
Guillaume-Gentil, Paris, Veronique Narame,
Ouagadougou. Industrie & Services: Louis
Amédée, Abidjan (chef de rubrique), Olivier
Tovor, Lomé, Willy Kamdem, Yaoundé, Achille
Pibasso, Douala.
Florent Detroy
11
KPLC (Kenya) et Standard
Bank dans un projet
d’échange de carbone
Le Mécanisme de développement propre (MDP) se vulgarise
un peu plus au Kenya. Le cabinet Kenya Power and Lighting
Company (KPLC) vient en effet de signer un accord d’échange
de carbone avec la Standard Bank qui définit la voie à la production d’énergie propre au Kenya. Selon nos sources, c’est l’aboutissement d’un processus qui a commencé après plusieurs tentatives de partenariats initiées par KPLC afin de promouvoir le
développement du MDP. Joseph Njoroge, directeur général de
KPLC, a souligné lors de la cérémonie de signature que l’accord
ouvre une nouvelle source de revenus à la société. Il a ajouté :
« Nous estimons que ce projet nous permettra d’éviter l’émission
d’environ 90 000 tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère
par an, ce qui atténue les changements climatiques… »
Campagne de nettoyage de
l’île de Mussulo (Angola)
après les fêtes
Coordonnée par Fátima Jardim, ministre de l’Environnement,
et organisée par le Réseau Maiombe, une campagne de nettoyage et de sensibilisation a été menée, dimanche 2 janvier,
sur l’île de Mussulo. A la lumière du programme des « Ecologic
de Noël », la campagne a consisté en la collecte de déchets solides dispersés sur cette île habitée par environ 10 000 citoyens.
Rafael Neto, secrétaire général du Réseau Maiombe, a justifié
cette action par la grande quantité de déchets produits sur cette
île après les fêtes de fin d’année.
Les exportations marocaines
en hausse de 26% à fin
novembre
Les dernières statistiques de l’Office des changes révèlent que
les exportations marocaines de marchandises (FOB) se sont
élevées à plus de 132,11 milliards de dirhams à fin novembre
2010, contre 104,26 MMDH une année auparavant. Cela représente une hausse de 26,7%.
Ces bons résultats émanent surtout de la bonne tenue des
exportations de phosphates et dérivés (+88,1%, soit 99,98
MMDH contre 87,19 MMDH). Aussi, les indicateurs mensuels des échanges extérieurs de l’OC font ressortir qu’excepté
le repli de 5,6% des exportations de produits alimentaires, les
autres groupements d’utilisation ont progressé, particulièrement les demi-produits (+60,1%), les produits bruts (+85,6%)
et les produits finis d’équipement (+28,4%). Néanmoins, la
balance commerciale (biens) s’est aggravée, se soldant par un
déficit estimé à 138,21 MMDH, contre 135,09 MMDH en glissement annuel. En effet, les importations de marchandises, exprimées CAF, se sont appréciées de 12,9%, atteignant, au terme
de novembre dernier, 270,32 MMDH contre 239,36 MMDH à
fin novembre 2009.
Edition Maroc
Daouda Mbaye, Casablanca. Mohamed Baba Fall,
Casablanca. Khalid Berrada, Casablanca
Edition Internet - en français
Adama Wade, Casablanca. Ismaïla Aidara, Dakar.
Mohamedou Ndiaye, Dakar
Edition Internet - en anglais
François Conradie, Cape Town. Dave Barraud,
Londres. François Bambou, Yaoundé
Chroniqueurs
Economie : François Konan, New York. Matières
premières & coton : Philippe Bourgeois, Paris.
Courrier de l’Asie : Mahacine Mokdad, Ceylan
Opérateur
Séquence Media SA
Tél : +41 22 301 96 15 – www.sequencemedia.com
Abonnement et distribution
Sarah Modnak, Casablanca : [email protected]
Impression
Rotimpres, Aiguaviva (Spain).
Ecoprint, Casablanca (Maroc).
Diffusion
Presstalis, Sapress,
RoyalAir Maroc, SN Brussel.
Direction marketing et commerciale
Ibrahima Thiam, Casablanca
([email protected])
Responsable e-marketing : Khalid Essajidi, Casablanca
Dépôt légal : janvier 2011
© Reproduction interdite sans l’accord écrit
de l’éditeur
Edition internationale : Commission
paritaire 1012 C 89135
Edition Maroc : Bulletin Officiel : Décret n° 2-08-121
du 9 rabii 1429 (7 mars 2008) portant autorisation de
l’édition du journal, « Les Afriques » au Maroc, paru
dans le B.O.N° 5618-26 rabii 1429 (3-4-2008)
12
Entreprises et marches
- Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011
Total accélère son développement en Afrique
La production du groupe français en Afrique devrait passer d’ici 2015 de 750 000
à 1 million de barils de pétrole par jour.
Q
ui a dit qu’il n’y avait bientôt plus de pétrole ? L’Afrique est sur le point de devenir
un nouvel eldorado pour les compagnies
pétrolières. Première d’entre elles, Total. Jacques
Marraud des Grottes, directeur Afrique du géant pétrolier, a annoncé cette année que le groupe compterait de plus en plus sur l’Afrique pour accroître
sa production de pétrole. La production du groupe
devrait passer de 750 000 barils de pétrole produits
par jour en Afrique, soit un tiers de sa production, à
1 million de barils d’ici 2015. Installé historiquement
en Afrique de l’Ouest, le groupe a ainsi multiplié ces
dernières années ses projets sur tout le contient.
Le vrai tournant stratégique
a été sa décision d’étendre
de 20% son domaine
minier sur le continent en
explorant en priorité les
pays peu ou mal connus.
Le pétrolier s’est bien installé dans le golfe de Guinée.
Déjà présent au Nigeria, Total a fait une entrée remarquée en Angola, et guette impatiemment la mise
aux enchères des blocs prometteurs de Kwanza en
2011. Surtout, le vrai tournant stratégique a été sa
décision d’étendre de 20% son domaine minier sur
le continent en explorant en priorité les pays peu ou
mal connus. Cette décision constitue une petite révolution pour le groupe, longtemps critiqué pour sa
trop grande prudence. Après la Côte d’Ivoire et Sao
Tomé, le groupe pourrait investir prochainement
en Mauritanie. Ces évolutions sont sous-tendues
par l’amélioration des techniques de forage en offshore profond, ainsi que par la hausse tendancielle
du baril remarquée ces dernières années.
Total étend son réseau de distribution
Si l’Afrique est dépendante des technologies de Total,
Total l’est tout autant de l’Afrique pour sa croissance.
Total y a trouvé de belles marges de progression pour
ses activités de distribution, quand ces mêmes activités déclinaient en Europe. Cette dépendance risque
de s’accentuer dans les années à venir, car le groupe
français s’est peu diversifié en direction de l’Asie,
comme l’on fait Shell ou BP. C’est pourquoi Total
s’accroche à ses 12% de parts de marché en Afrique.
Le groupe a d’ailleurs révélé en début d’année qu’il
entendait atteindre 15% dans les cinq ans. Total a
notamment décidé d’investir prioritairement dans
les régions à forte croissance. C’est le sens donné
au rachat du réseau de distribution de Chevron au
Kenya, après celui d’Ouganda. De manière globale,
le groupe a l’intention de capitaliser sur sa présence
historique sur le continent et sur sa maîtrise des infrastructures, notamment des capacités de stockage
dans les ports. Total mise également sur son organisation interne par région, plutôt que par type d’activité, qui lui permet d’être davantage au contact du
terrain. Il faut noter que le dynamisme de Total en
Afrique détonne dans le milieu des pétroliers, qui a
plutôt eu tendance à se désengager du continent ces
dernières années. Shell a récemment vendu ses activités de distribution dans 21 pays. BP a également
cédé ses stations en Namibie et au Zimbabwe.
Total s’octroie 99% sur le sous-sol malgache
Total mène actuellement un projet très controversé à Madagascar.
L’exploitation des réserves d’hydrocarbures, sous forme de sables bitumineux,
a commencé il y a deux ans sur l’île.
Total a dépensé 100 millions de dollars pour acquérir 60% des parts du
gisement de Bemolanga. Les termes du
contrat d’exploitation ont été révélés
par le Guardian en novembre dernier.
Le groupe français, avec son partenaire
Madagascar Oil, bénéficie de condi-
Florent Detroy
La Société générale de
banques Sénégal injecte
10,2 milliards Fcfa dans Senstock
Avec un investissement de 35 milliards Fcfa, l’entreprise
Senstock, filiale de Diprom (Distribution des produits métalliques), vient de bénéficier d’une ligne de refinancement à hauteur
de 10,2 milliards Fcfa de la SGBS pour la sécurisation du marché
du gaz butane. Le closing du financement a été arrangé par la
banque d’affaires Blackpearl (ex-Bmce Capital) et le groupe marocain BMCE Capital.
L
a société Senstock, qui fait figure
de premier distributeur de gaz
sur le marché sénégalais, respire.
Après plusieurs rounds de négociations
avec des partenaires, la Société générale
de banques Sénégal, seule banque commerciale qui a marqué son intérêt dans
cette opération de renflouement, a décidé de venir à la rescousse de Senstock
en injectant 10,2 milliards Fcfa dans
l’optique de faire face aux récurrentes
pénuries de gaz.
Bouffée d’oxygène
Plombée par un endettement estimé à
plus de 6,5 milliards Fcfa contracté
auprès de la Société africaine de raffinage, ce crédit permet à la filiale Diprom
d’apurer sa lourde dette vis-à-vis de ses
créanciers et de relancer son plan d’activités à court et moyen termes. Une bouffée d’oxygène pour ce premier distributeur de gaz qui est en voie de finalisation
d’un nouveau montage de financement,
conformément à son ambitieux programme d’investissements.
Selon le ministre sénégalais de l’Energie,
Karim Wade, ce refinancement va aug-
« Nous portons grâce à ce fonds la capacité de
stockage à 167 000 m3 d’hydrocarbures, avec un
dépôt de sécurité étalé sur un mois et cinq jours
contre huit jours », a précisé Karim Wade.
menter la capacité de stockage de l’entreprise Senstock, en dessous aujourd’hui
de la demande exponentielle du marché.
« Nous portons grâce à ce fonds la capacité
de stockage à 167 000 m3 d’hydrocarbures,
avec un dépôt de sécurité étalé sur un mois
et cinq jours contre huit jours », a précisé
Karim Wade.
Sécuriser le marché
Selon nos informations, Senstock, qui a
pris de la voilure via cette ligne de crédit d’une banque offshore, devra à court
terme intégrer à son tour de table de
tions d’exploitation inédites dans le secteur, puisque les termes de l’accord accordent aux opérateurs étrangers 99%
des recettes tirées de la vente du pétrole pendant dix ans. L’État se contente
donc de ... 1%. On est loin des 60-65%
avancés par le Ministère des mines en
2008. Lorsque l’on sait que l’exploitation des sables bitumineux est l’une des
industries les plus polluantes au monde,
on peut craindre pour l’environnement
déjà très fragile de l’île malgache.
nouveaux et crédibles actionnaires susceptibles de drainer des investissements
et de sécuriser le marché du gaz butane
au Sénégal. La société était contrainte depuis plusieurs années de faire recours à
des rotations pour le débarquement des
tankers au port de Dakar et au niveau des
cuves de la SAR pour approvisionner le
marché en gaz butane.
D’autre part, la Société africaine de raffinage, qui vient de signer un accord
d’octroi de financement de quelque
6,5 milliards Fcfa avec la Banque isla-
Ce crédit permet
à la filiale Diprom
d’apurer sa lourde
dette vis-à-vis de
ses créanciers et de
relancer son plan
d’activités à court et
moyen termes.
mique du Sénégal et qui peine à se remettre en selle malgré les financements
conséquents mis à sa disposition (Saudi
Bin Laden, UBA, BIS), aura désormais
sous son pavillon le dossier des importations de toute la gamme des hydrocarbures, en lieu et place de l’Etat, qui avait
jusque là la main mise sur la filière des
pétroliers et dérivés.
Ismael Aidara
Une compagnie turque
découvre du pétrole en Libye
La Compagnie nationale du pétrole libyen (NOC) a déclaré,
lundi 2 janvier, dans un communiqué, que la Turkish Petroleum
Company Overseas (TPOC), détenue par TPAO, la société pétrolière et de gaz de la Turquie, a fait une découverte de pétrole
sur la zone 147 d’une concession qui lui a été décernée en 2005.
Les tests ont montré un débit de 685 barils par jour (bpj). TPOC
détient une participation de 9,7% dans la concession, tandis que
la NOC détient les 90,3% restant. A noter que plus de 50 compagnies pétrolières internationales opèrent en Libye en collaboration
avec les filiales de la National Oil Corporation libyenne (NOC).
Ce pays a les plus importantes réserves prouvées de pétrole en
Afrique, avec 42 milliards de barils de pétrole et plus de 1,3 milliard de mètres cubes de gaz, et une capacité de production actuelle de 2 m b/j.
Raffermissement de
la coopération sinoougandaise dans le secteur
pétrolier
SE Sun Heping, ambassadeur de Chine en Ouganda, a déclaré vendredi 31 décembre à Kampala que la Chine continuera
d’aider l’Ouganda dans le développement des infrastructures
et de l’industrie du pétrole. Il a notamment précisé que le gouvernement chinois attache une grande importance au développement des infrastructures en Afrique, en Ouganda en particulier, et qu’il en a fait l’un des domaines clés de coopération
dans le cadre du Forum de coopération Chine-Afrique. Ainsi,
la coopération repose sur des échanges qui aboutissent à la
mise en œuvre de plusieurs projets portant sur l’infrastructure,
l’éducation ou la santé, et financés par des subventions et des
prêts préférentiels.
14
Agriculture
- Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011
Louis Yinda, PDG de la Sosucam, Cameroun
« De juin à décembre 2010, les
cours mondiaux du sucre ont
augmenté de 110% »
A l’occasion de la 17ème journée de l’AFCAS (Association française de la canne à sucre) à Paris, Louis Yinda, PDG de la Sosucam
au Cameroun, dont Somdiaa (groupe Vilgrain) est actionnaire à
77%, explique l’incidence de la flambée des cours mondiaux sur
son groupe.
L
es Afriques : Le sucre flambe
sur le marché international.
Quelle incidence cela a-t-il sur la
Sosucam ?
Louis Yinda : Depuis quasiment deux
ans, nous assistons à une explosion des
cours mondiaux du sucre : de juin 2010
à maintenant (au 13 décembre 2010,
NDLR), ils ont augmenté de 110%. C’est
énorme ! Sur la Sosucam, cela a une
conséquence directe : tous ceux qui ne
nous achetaient pas de sucre reviennent
vers nous.
clients se sont multipliés par deux ou par
trois. Et nous n’avons pas assez de sucre
pour satisfaire cette demande.
LA : Vous pourriez vendre quel
volume ?
LY : Comme nos prix sont particulièrement bas par rapport au cours mondial,
une partie de ce sucre ne reste pas à l’intérieur du pays. Ceux qui nous achètent
du sucre à 26 000 FCFA le sac le revendent par exemple au Nigeria à 44 000
FCFA. Le sucre ne reste pas chez nous : il
est vendu dans les pays limitrophes ! Ceci
a créé au Cameroun ce que j’appelle une
LA : C’est-à-dire ?
LY : Certains opérateurs, qui ont des pénurie artificielle, puisqu’en fait si notre
autorisations pour importer du sucre, sucre vendu restait à l’intérieur du pays il
qui ne sont pas nos clients habituels, n’y aurait pas cette pénurie. Mais on ne
peut pas mettre un gendarme derrière chaque acheteur. Car ce n’est
« Je suis un industriel, je
pas nous qui exportons !
produis et je vends. Et si
je vous vends et que la
nuit vous emmenez votre
sucre en Centrafrique, je
n’y peux rien ! »
viennent nous en acheter. Car lorsque les
cours internationaux sont très élevés, cela
coûte cher, il faut faire la queue au Brésil
pour avoir une cargaison, etc. Résultat :
tout le monde se tourne vers la Sosucam
car nos prix sont encadrés.
LA : Quel est le prix de votre sucre ?
LY : Aujourd’hui, nous vendons notre
sucre sortie usine – car nous ne vendons
qu’aux grossistes – à 410-420 FCFA le
kilo. Or, actuellement le cours mondial
est à environ 730 euros la tonne. Et si
vous rajouter la prime de raffinage – qui
a baissé dernièrement – vous pouvez arrondir à 800 euros. C’est beaucoup ! A
cela s’ajoutent le transport, la manutention, l’emmagasinage, etc.
LA : Quel est votre volume de
production ?
LY : Environ 120 000 t de sucre par an,
toutes qualités confondues, qu’il soit
raffiné ou blanc. Actuellement on vous
achète les deux. Or, aujourd’hui, vu que
les cours ont littéralement explosé, nos
Source : Sucre & Denrées
LA : Il faudrait donc un prix
pour le marché local et un pour
l’international ?
LY : Mais vous ne saurez jamais
ce qui reste et ce qui part. Le gouvernement ne veut pas qu’on suive
l’augmentation du cours du sucre,
car il veut contrôler l’inflation.
Mais du coup, on ne profite pas des cours
élevés et on ne peut pas investir nousmêmes.
LA : Par un contrôle efficace des
frontières ?
LY : Mais ceci ne relève pas de nous ! Je
suis un industriel, je produis et je vends.
Et si je vous vends et que la nuit vous
emmenez votre sucre en Centrafrique, je
n’y peux rien ! Moi, j’ai 120 000 t que je
peux vendre à un grossiste. C’est ensuite
au gouvernement de faire en sorte qu’il
n’aille pas ailleurs. C’est tout !
J’ai des clients traditionnels, comme les
Brasserie du Cameroun, où là il n’y pas
de problème : je sais que le sucre est utilisé au Cameroun pour la fabrication
de boissons gazeuses. Mais j’ai aussi des
grossistes privés qui m’achètent du sucre,
et là, je ne sais pas où ils le revendent.
C’est au gouvernement de faire en sorte
que le sucre n’aille pas ailleurs.
LA : Donc, pour vous, la seule façon
de bénéficier de ces cours internatio-
« Nous avons obtenu du gouvernement de
porter nos plantations, qui sont de 20 000 ha
actuellement, à 27 000, voire 30 000 ha. »
naux élevés serait d’augmenter votre
production ?
LY : Nous sommes obligés de maintenir
notre production locale avec les moyens
du bord. L’année dernière, nous avons eu
une sécheresse épouvantable qui a brûlé
un tiers des plantations et on n’a pas eu de
quoi faire face. Ce qui fait que nous sommes obligés de gérer au plus serré, limiter
les charges pour pouvoir dégager des résultats bénéficiaires malgré cette situation
difficile. L’idéal serait que lorsque les cours
montent sur le marché international, nous
puissions augmenter aussi, et que lorsqu’ils
baissent nous puissions baisser aussi.
LA : Si vous aviez des capitaux, quelles
seraient vos priorités ?
LY : Nous voulons augmenter la production et la porter à 150 000-200 000 t.
Pour ce faire, nous avons obtenu du gouvernement de porter nos plantations,
qui sont de 20 000 ha actuellement, à
27 000, voire 30 000 ha. Mais pour ça, il
faut des capitaux nouveaux pour passer
progressivement, d’ici trois à quatre ans,
à 150 000-160 000 t. Il est évident que
si demain matin le gouvernement me
dit d’augmenter mes prix, ne serait-ce
que de 20 à 30%, ce serait une bouée qui
nous permettrait d’être plus à l’aise dans
les investissements nouveaux.
Je suis obligé de gérer au plus serré, de
visser les charges, de faire en sorte d’avoir
une montée progressive de production,
et surtout de convoquer mon conseil
d’administration pour lui dire que je ne
peux pas augmenter mes prix, mais qu’il
accepte que je passe en charge l’augmentation progressive de la production.
LA : Le cours du sucre risque de baisser
avant que vous n’ayez pu bénéficier de
quoi que ce soit…
LY : C’est fort possible ! Je ne demande
pas beaucoup, juste que l’Etat réagisse en
m’autorisant à augmenter ne serait-ce
que de 20 à 25%, ou même de 15 à 20%
le prix du sucre.
Bénédicte Châtel, Paris
L’agriculture moderne a
augmenté la production de
lait rwandaise
Dr Théogène Rutagwenda,
directeur de l’Autorité
de développement des
ressources animales du
Rwanda (RARDA), a révélé, lundi 3 janvier, que
la disponibilité généralisée
des vaches hybrides a considérablement augmenté la
production de lait dans
les districts de Nyagatare,
Gatsibo et Kayonza. De son
avis, après l’introduction
de races modernes de bovins, la production de lait a été multipliée par trois dans ces
trois districts. Enfin, il a soutenu que les agriculteurs ont adopté l’idée de l’agriculture moderne holistique, et n’hésitent pas à
vendre, par exemple, 40 races traditionnelles pour acheter dix
vaches exotiques.
Une bonne campagne
agricole attendue dans la
région de Fès-Boulemane
La direction régionale de l’agriculture a estimé, mardi 4 janvier, que les pluies d’automne enregistrées à l’échelon de la région Fès-Boulemane augurent d’une bonne campagne agricole
2010-2011. Pour la mise en place des différentes spéculations,
ces précipitations ont été bénéfiques. Des cultures d’automne
(céréales, légumineuses alimentaires, fourrages, maraichage) à
semer aux céréales, ces pluies sont salutaires.
Selon le document de la direction régionale, le volume pluviométrique moyen enregistré jusqu’au 30 décembre de l’année
écoulée dans les stations météorologiques installées au niveau
de la région varie de 62 mm dans la zone de Missour Outat
El Haj à 255 mm à Séfrou, soit une augmentation de 13% au
niveau de Fès et Séfrou, et un déficit de 17% au niveau de la
province de Boulemane, en comparaison avec la précédente
campagne agricole.
Les importations nigérianes
de tomates concentrées
et traitées dépassent
77 millions $ par an
En dépit d’une production de tomates qui représente environ 1,3% de la production mondiale, le Nigeria en perd près
de la moitié suite au manque de conservation. Parallèlement,
le pays importe de la tomate concentrée à hauteur de 65 809
tonnes, évaluées à 77,167 millions $ par an. Pour le professeur
Mohammed Abubakar, ministre des Sciences et Technologies,
cela constitue une énorme fuite des rares réserves de change du
pays. S’exprimant au cours d’une conférence de presse à Abuja,
lundi 3 janvier, il a souligné que c’est pour pallier une telle situation que l’Institut fédéral de recherche industrielle Oshodi
(FIRO) développe des technologies appropriées de traitement
pour la conservation de la tomate : purée, pâtes, ketchup,
conserves de tomates entières ou en poudre. Il a aussi assuré
que pour améliorer le contenu nutritionnel des plantes locales, FIRO a produit des aliments pour petit-déjeuner enrichis à
partir de ces plantes, qui ont été diffusés dans les écoles de l’Etat
de Lagos depuis l’année dernière.
L’Egypte entame
l’importation de viande
kenyane
Ahmed Nazif, Premier ministre égyptien, a annoncé mercredi
29 décembre lors d’entretiens avec le vice-président kenyan que
les inspecteurs de son pays visiteront, au cours du mois de janvier, les abattoirs du Kenya pour préparer leur certification à
l’importation. Ce sont là les premiers résultats des discussions,
jugées fructueuses, menées par une délégation du Kenya dirigée par le vice-président Kalonzo Musyoka. L’Egypte va donc
bientôt commencer à importer de la viande en provenance du
Kenya et accroître ses importations de thé. Le Premier ministre,
qui doit se rendre au Kenya en ce début d’année, a promis de
mobiliser les entreprises égyptiennes afin d’investir plus dans
le pays, et d’accroître les échanges dans les transports, l’agriculture, l’ingénierie de l’eau et l’approvisionnement en énergie.
Entreprises et marches
Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 -
De Beers : poursuite de la success
story du diamant au Botswana
La compagnie De Beers, dont le siège est basé à Londres, poursuit par l’entremise de Debswana, la société minière qui opère
au Botswana, son aventure minière. De Beers a donc lancé le
10 décembre son projet Cut 8 à la mine de Jwaneng, considérée
comme la plus riche mine de diamant au monde.
L
e projet de la relance
Le projet Cut 8 est en réalité une
extension des activités de la mine
de Jwaneng jusqu’en 2025. 102 millions
de carats de diamant seront exploités, à
condition d’investir 15 milliards de dollars sur cette même période. Il s’agit donc
du projet minier le plus gigantesque de
l’histoire du Botswana, leader mondial
dans l’exploitation du diamant. Au cours
des quinze prochaines années, la compagnie minière Debswana, détenue majo-
« Cela montrera au
monde le potentiel
économique du pays
et sa capacité à
entreprendre de tels
projets, même pendant
une période de récession
économique. »
ritairement par De Beers, débourserait
quelque trois milliards de dollars pour
les études de faisabilité, le design et le déroulement du projet, jusqu’à l’achat des
équipements.
Ce projet est déjà très avancé, car 20%
des constructions prévues sont déjà réalisées, et d’ici fin 2011 tout devrait être
achevé, avant le lancement effectif de la
production.
Le projet créera de nombreux emplois.
La mine emploie déjà 2500 personnes,
dont 86% sont citoyens botswanais.
51% des contrats attribués le sont aux
sociétés du pays. Cette société minière,
la Debswana, par ces projets miniers,
fait énormément pour le développement économique du pays, d’autant que
les affaires locales prospèrent énormément autour des sites miniers, stimulant
davantage l’économie nationale.
La plus grande mine de
diamant au monde
Cut 8 fera du Botswana l’un des
plus grands sites miniers à ciel
ouvert au monde, démontrant ainsi le leadership botswanais dans ce
domaine, en Afrique et même audelà du continent.
C’est pourquoi le président botswanais Seretse Khama, qui participait
au lancement officiel des travaux
de cette mine aux côtés de Nick
Oppenheimer, président du groupe De Beers, dira que le lancement
officiel de cette opération minière
marque l’histoire du pays, et particulièrement de son secteur privé : « Cela montrera au monde le potentiel économique du
pays et sa capacité à entreprendre de tels
projets, même pendant une période de récession économique. »
Les diamants, il faut le dire, ont contribué a transformé le pays, qui était en
1966 un pays sous-développé, en un pays
a revenu intermédiaire. Au cours des 41
dernières années, le Botswana a surtout
fait dans ce domaine de la prospection,
de l’exploitation et le triage du diamant,
classé ensuite par valeur. Aujourd’hui, il
faut, dira le président botswanais, « ajouter encore plus de valeur à notre diamant
avant son exportation ».
Le gouvernement botswanais vise maintenant à encourager la création d’entreprises spécialisées dans la coupe et la
purification (nettoyage) du diamant brut
avant sa commercialisation vers les grandes entreprises de bijouterie. Seize entreprises existent déjà dans ce secteur, mais
d’autres devraient suivre sur ce segment
porteur pour l’économie nationale.
La success story se poursuit
Ainsi, aux yeux de l’opinion internationale, le diamant botswanais continuera d’être une success story. La secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton
a récemment déclaré que le Botswana
« était un bon exemple d’un pays qui utilise ses richesses pour le développement et
le bien-être de tous ses citoyens ». Nick
Oppenheimer, le président du groupe De
Beers, a également rappelé l’importance
des investissements et des bénéfices tirés
de cette industrie en faveur de toute la
population. Il a souligné que son groupe
était ravi d’être partie prenante d’un tel
partenariat, cité en exemple très souvent
à travers le monde.
Un exemple à suivre dans les autres pays
africains.
Le Ghana semble avoir mis les gardefous nécessaires pour faire de l’exploitation de son pétrole un exemple « à la
Botswanaise ». Souhaitons-lui tout le
succès qu’il mérite au regard des grands
progrès réalisés dans le domaine du développement au cours des dernières
années.
Dave Barraud
Un cours du coton intéressant
en position FOB ports d’Afrique
de l’Ouest
E
n ce début d’année, le Comité
consultatif international du coton fait le point sur les statistiques
de l’offre, de la demande mondiale, et des
projections sur les prix que ces changements impliquent pour l’année 2011. Ce
document de projection et prospective
intéresse toute la filière, qui tente de voir
de quoi demain sera fait après une fantastique année 2010.
La récolte de 2010/2011 est pratiquement
vendue dans sa totalité, les prix de vente
de ces six derniers mois ont atteint des
sommets encore jamais vus, que ces prix
s’expriment en $, en € ou en CFA. Des
stocks de clôture relativement bas, une
offre de coton limitée et une solide demande en Extrême-Orient ont fait passer l’indice A de Cotlook de 86 cts/lb le
2 août 2010 à 172 cts/lb au 31 décembre
2010, mettant ainsi le kilo de fibre à plus
de 1600 FCFA/kilo en position FOB ports
d’Afrique de l’Ouest.
A l’évidence, la programmation des emblavures pour la prochaine campagne
devrait être sensible à cette hausse sans
précédant des prix en 2010, avec une
production mondiale qui atteindrait plus
de 27 millions de tonnes, soit une hausse
de 15% par rapport à l’an passé.
Il est donc probable que les prix quittent
les cimes, sans pour autant rejoindre le
fonds des vallées des années passées. Le
marché à termes de New York confirme
pour le moment cette direction baissière pour la prochaine campagne par
un déport important de la valeur des
contrats de mars 2011 par rapport à mars
2012.
Les perspectives de correction des prix,
après une année faste, sont toujours un
casse-tête pour les sociétés cotonnières qui doivent fixer en juin les prix de
la prochaine campagne en devant tenir
les deux bouts de la corde : hausse de la
production et réalisme dans la fixation
du prix du coton graine. L’évolution de
la consommation mondiale de coton est
selon le CCIC impactée par la hausse des
cours de 2010, aussi l’institution projette
une augmentation modeste d’environ
350 000 t en 2010/2011.
Reste à souhaiter que la zone CFA profitera de cette hausse des prix en aug-
Les prix de vente de ces six derniers mois ont
atteint des sommets encore jamais vus.
mentant sa production qui ne représente
à ce jour qu’environ 550 000 t pour un
total du négoce mondial de 8,3 m/t. Il
y a certainement des parts de marché à
reprendre lorsque l’on se rappelle les niveaux du million de tonnes produites en
Afrique centrale et de l’Ouest au début
des années 2000. C’est possible, même si
la lucidité oblige à dire que la crise politique en Côte d’Ivoire présente un sérieux
danger logistique pour la sous-région.
Mais je préfère conclure de façon plus
positive en citant Bergson : « Le temps
est l’invention continue de l’imprévisible
nouveauté. »
Philippe Bourgeois
15
Un milliardaire indien
promet un énorme coup de
pouce au tourisme tanzanien
Après une brève rencontre, samedi 1er janvier, avec Ezéchiel
Maige, ministre tanzanien des
Ressources naturelles et du
Tourisme, Mukesh Ambani,
l’un des hommes les plus riches
du monde, a décrit le Serengeti
National Park comme un « don
de Dieu » et a promis d’investir en Tanzanie dans le secteur
du tourisme. Impressionné
par les efforts entrepris par la
Tanzanie pour préserver la nature, notamment la riche faune
du Serengeti, il a déclaré, après une visite de trois jours dans le
parc au cours de laquelle il a entrepris des safaris de nuit : « Le
vaste et magnifique Serengeti est un don de Dieu, les citoyens du
monde doivent le préserver. » Allant jusqu’à assimiler le parc à la
8ème merveille du monde, devenue sa destination favorite pour
les fêtes de fin d’année depuis sa première visite dans les années
1990, le milliardaire indien a lancé un appel à sa protection
pour le bénéfice des générations présentes et futures.
Année de records pour
le secteur ougandais des
télécommunications
Le secteur des télécommunications a connu des avancées remarquables en Ouganda. L’époque du quasi-monopole de
Celtel, qui offrait un service élitiste seulement accessible aux
riches, est révolue. L’année 2010 a été celle d’un afflux de nouveaux acteurs tels que MTN, Uganda Telecom, Warid Telecom,
Telecom Orange, Smile, etc. Dans la ruée vers le gain de parts
de marché, les clients se sont frottés les mains. Dans une guerre
des prix qui a fait rage pour survivre et prospérer dans le marché local, ils ont profité de meilleurs rapports qualité/prix.
Airtel compte améliorer
son infrastructure en 2011
en Afrique
Bharti Airtel a dévoilé, lundi 3 janvier, ses plans pour
améliorer son infrastructure de télécommunications en
Afrique en 2011. IBM a été sélectionné pour gérer la technologie de l’informatique et des services, devant assurer
la modernisation du réseau mobile. Il sera aussi dévolu à
cette société le déploiement et la gestion des technologies
de l’information (TI) et des applications. A ce titre, IBM
prévoit de déployer des technologies de pointe créées par
IBM Research, y compris le Web parlé, une voix Internet
activée qui permet aux utilisateurs d’accéder aux informations et de partager en parlant au téléphone, une technologie particulièrement convaincante pour les populations
peu alphabétisées ou analphabètes, ayant une déficience
visuelle, ou qui n’ont pas accès aux ordinateurs. Des contenus multimédias tels que musique et vidéo sur des appareils
mobiles, tout en facilitant la croissance de la communauté
des développeurs d’application en Afrique, sont envisagés.
Aussi, des partenariats stratégiques avec Ericsson, Huawei
et NSN visant à améliorer la qualité du réseau à travers le
paysage africain et à élargir l’empreinte de la 2G et 3G sont
en cours.
Premiers appareils
de Sénégal Airlines
opérationnels en janvier
Après la récente visite de reconnaissance, à Perpignan, de
Karim Wade, ministre de la Coopération internationale, des
Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie, sur le
premier avion dont s’est doté la compagnie Sénégal Airlines
pour constituer sa flotte, Me Abdoulaye Wade, président de la
République, a annoncé vendredi 31 décembre à Dakar la réception, au début de ce mois de janvier, des premiers appareils
de la nouvelle compagnie et le démarrage des activités dans les
toutes prochaines semaines.
Cette révélation, faite à l’occasion du traditionnel message de
Nouvel An, est venue s’ajouter à celle de la livraison de l’aéroport international Blaise Diagne dans les délais convenus. Pour
rappel, ce projet d’un coût global est estimé à 237 milliards
FCFA débouchera sur une gestion de l’aéroport par Fraport
(exploitant de l’aéroport de Franckfort sur-le-Main).
16
- Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011
Entreprises et marches
Flambée des cours du pétrole : et si on supprimait
les subventions aux énergies fossiles ?
Avec un baril qui a atteint 90 dollars le 5 janvier, les cours du pétrole sont
repartis à la hausse avec une répercussion sur les prix à la pompe. Dans
les pays développés comme dans ceux en développement, le tarif de
l’énergie est une question politique très sensible.
M
ême si le consommateur ne le perçoit pas suffisamment, les Etats
subventionnent largement les
énergies fossiles. Au Cameroun par exemple,
pour maintenir les prix inchangés, le gouvernement a décaissé près de 140 milliards FCFA
(soit 215 384 615 euros). D’après l’Agence internationale de l’énergie, au niveau mondial
les subventions aux énergies fossiles ont représenté 312 milliards de dollars en 2009. Le paradoxe est que le montant des aides est plus élevé
dans les pays exportateurs de pétrole. Ceci s’explique par la volonté politique de maintenir les
prix bas malgré l’évolution des cours du brut.
Il est en effet difficile pour les citoyens des pays
producteurs d’or noir d’acheter des énergies
fossiles très chers, alors qu’elles sont produites
sur leur propre territoire. Mais est-il vraiment
juste que les prix à la pompe ne reflètent pas le
prix réel du marché ?
Une fausse bonne idée
Presque tous les décideurs en sont convaincus : la subvention aux énergies fossiles est
une aide indispensable à l’accessibilité énergétique des populations les plus démunies.
Malheureusement la situation est plus complexe et crée parfois l’effet contraire à celui recherché. Prenons le cas du Tchad, qui dépense
près de 100 000 euros par jour pour ses besoins
énergétiques alors même qu’il est producteur
de pétrole. Ceux qui profitent le plus des subventions sont logiquement ceux qui consomment le plus d’énergie. Il s’agit en général des
citoyens qui ont un pouvoir d’achat et les re-
venus les plus élevés : détenteur, de véhicules
4x4, maisons climatisées, consommateurs de
matériels électriques et électromagnétiques.
On notera que ces derniers se trouvent principalement dans les grandes villes comme
N’Djamena. Pour les populations rurales qui
consomment peu d’énergie, elles bénéficient
qu’on soit en ville ou en campagne à cause des
raisons évoquées. Les chiffres confirment ces
observations. D’après le FMI, en Afrique, 65%
des subventions énergétiques profitent aux
40% les plus aisés de la population. Mais les
avantages procurés par les subventions varient
aussi sensiblement d’un produit à l’autre. Les
subventions à l’essence sont les plus régressives : plus de 80% de l’aide qu’elles apportent
bénéficient aux 40% de la population les plus
riches.
Les inconvénients de la subvention
En plus de l’inéquité pauvres/riches face aux
aides, les subventions aux
énergies fossiles présentent
Ceux qui profitent le plus des
de nombreux autres inconvénients. Le premier est la perte
subventions sont logiquement
de recettes fiscales pour les
Etats, d’autant que les aides
ceux qui consomment le plus
sont alignées sur les cours
d’énergie. Il s’agit en général
du baril de brut. Comme le
rappelle le Fonds monétaire
des citoyens qui ont un pouvoir
international dans sa revue
d’achat et les revenus les plus
Finances & Développement1
parue en juin dernier, au niélevés : détenteurs de véhicules
veau mondial la hausse du
cours du pétrole de 29 dollars
4x4, maisons climatisées,
le baril en moyenne en 2003 à
consommateurs de matériels
environ 145 dollars en juillet
a fait passer le coût des
électriques et électromagnétiques. 2008
subventions aux produits pétroliers de 54 milliards de doldonc moins des subventions. De plus, à cause lars en 2003 à un record annualisé de 518 mildu transport du carburant des centres urbains liards à la mi-2008, dont les deux tiers dans les
vers les zones reculées et enclavées, les ruraux pays exportateurs. Un jackpot pour les majors
achèteront le pétrole lampant plus cher que pétrolières.
des urbains qui n’ont pas accès à l’électricité. Le deuxième effet négatif est probablement
Même les pauvres des villes sont plus avanta- la surconsommation d’énergie. On ne le dira
gés que les habitants des villages. La produc- jamais assez, l’énergie la moins chère est celle
tion électrique à partir des groupes électrogè- qu’on ne consomme pas. Il n’est donc pas surnes présenterait les inégalités similaires selon prenant que l’Afrique soit parmi les continents
où l’on fait le moins attention à l’efficacité
énergétique. Pourtant, une étude de la Banque
mondiale a démontré qu’il était possible de
générer 19 milliards de dollars par an grâce
à la mise en place d’une politique ambitieuse
d’économie d’énergie.
Le troisième inconvénient est l’impact sur
l’émergence des énergies nouvelles. Puisque
les prix finaux des énergies fossiles ne représentent pas les prix réels à cause des subventions, il est difficile d’impulser des stratégies
ambitieuses d’énergies nouvelles, surtout dans
les pays producteurs de pétrole et d’autres
énergies fossiles. Ce n’est donc pas un hasard
si les pays africains les plus ambitieux dans ce
domaine sont ceux qui dépendent le plus des
combustibles fossiles. Ainsi, le Maroc et l’Ile
Maurice, qui importent plus de 80% de leurs
énergies, mettent en place des politiques très
volontaristes dans le domaine des énergies
nouvelles et de l’efficacité énergétique.
D’après le PNUE, la suppression de ces subventions permettrait de réduire les émissions
de gaz à effet de serre de l’ordre de 6% par an,
tout en contribuant à une augmentation de
0,1% du PIB mondial. L’Agence internationale
de l’énergie estime également que cette disparition des subventions permettrait de réduire
de 5% la consommation d’énergie primaire de
la planète en 2020 par rapport au scénario actuel. Elle renforcerait aussi la sécurité énergétique et réduirait la pollution atmosphérique.
Mais cette décision sur un sujet politique très
sensible est beaucoup plus facile à dire qu’à
faire. Nous y reviendrons.
Thierry Téné
1) Finances & Développement est publiée chaque trimestre en anglais, en arabe, en chinois, en espagnol, en
français et en russe par le FMI.
La première « voiture algérienne »
devrait être une Renault
Les Algériens, qui attendent depuis plus de 25 ans l’installation d’une
usine de montage automobile dans le pays et qui ont vu, dans ce domaine, différents projets annoncés, négociés puis finalement abandonnés,
ont appris à être prudents.
P
positions. Il a examiné avec beaucoup plus
d’intérêt les attentes de la partie algérienne.
Nous pensons que, de ce point de vue, le projet
de Renault est beaucoup plus acceptable pour
nous. » L’offre de Renault, précise le ministre
algérien, « nous paraît intéressante. Il propose
de produire 75 000 véhicules par an avec une
gamme plus variée comportant quatre
modèles, contre 50 000 véhicules pour
M. Benmeradi a créé la
deux modèles dans la version première
du projet. Renault a également accepté
surprise en affirmant que le
nos conditions pour avoir un taux d’ingroupe Volkswagen « insiste
tégration plus important et des engagements pour que ce taux augmente
également beaucoup pour
au fur et à mesure de la réalisation de
l’investissement. »
venir investir en Algérie et
Bien que M. Benmeradi prenne la prépropose même de considérer
caution de préciser qu’« il est encore
prématuré de se prononcer sur la date
l’Algérie comme son point
de lancement du projet », le ton inhad’appui pour le marché
bituellement conciliant du principal
responsable algérien de la gestion
africain ».
de ce dossier semble indiquer que la
décision des autorités algériennes de
de deux années. Cet optimisme est motivé l’approuver a été prise. Une impression renpar les déclarations récentes du ministre al- forcée lors de la visite effectuée en novemgérien de l’Industrie, Mohamed Benmeradi, bre dernier par Jean Pierre Raffarin à Alger,
qui révélait à la presse, le 2 janvier dernier : au cours de laquelle le « Monsieur Algérie »
« Renault est revenu avec de nouvelles pro- désigné par l’Elysée pour gérer les questions
our beaucoup de spécialistes, la réunion prévue le 15 janvier prochain
entre les autorités algériennes et les
représentants de Renault devrait ouvrir la
voie à l’installation du constructeur automobile français en Algérie au terme de négociations qui durent maintenant depuis prés
économiques entre les deux pays avait jugé
le projet « en bonne voie ».
Un contexte particulièrement
favorable
La conclusion de cet accord semble bénéficier
aujourd’hui d’un contexte particulièrement favorable. Côté algérien, il devrait permettre de
redonner des couleurs à un bilan des IDE hors
hydrocarbures en chute libre depuis l’adoption
d’un nouveau train de mesures d’encadrement
de l’investissement étranger au cours de l’été
2009. Il pourrait également donner, pour la
première fois, un contenu concret à la volonté
du gouvernement algérien de relancer une industrie mécanique nationale en régression
constante depuis près de deux décennies. Pour
un ancien dirigeant d’une grande entreprise du
secteur « il s’agit en réalité de créer les conditions
favorables pour permettre à la SNVI, qui sera le
partenaire algérien de Renault, d’aboutir à un
partenariat avec un grand constructeur mondial
et de garantir un taux d’intégration substantiel ».
De son côté, le groupe Renault, qui avait dans
le passé posé des conditions difficiles à accepter – notamment le rétablissement du crédit
à la consommation – semble être revenu à
de meilleurs sentiments et prêt à accepter la
garantie de conserver, voire de développer,
sa position de leader sur un marché algérien
dont il représente un peu moins du quart des
ventes et dont la taille s’est stabilisée autour
de 200 000 véhicules en 2010. Renault, qui
propose de livrer ses premiers véhicules de
production locale en 2012, pourra en outre
bénéficier, avec son partenaire algérien, des
Jean Pierre Raffarin, le « Monsieur Algérie » désigné
par l’Elysée pour gérer les questions économiques
entre les deux pays.
mécanismes mis en place par les autorités
algériennes pour avantager la production locale. Tout en imposant la règle du 51/49%, le
gouvernement a pris des mesures fiscales incitatives : TVA préférentielle et des droits de
douane à taux zéro pour les intrants des productions locales. A quoi s’ajoute une « préférence nationale » en matière d’équipement des
entreprises publiques et des administrations.
Des marchés importants gagnés d’avance par
les constructeurs qui s’établiront sur place.
Outre Renault, deux autres projets sont en
discussion entre l’Algérie et des partenaires
étrangers. Les discussions les plus avancées
concernent un projet d’usine de camions et
voitures de type 4x4 à Tiaret avec MercedesBenz. Par ailleurs, M. Benmeradi a créé la surprise en affirmant que le groupe Volkswagen
« insiste également beaucoup pour venir investir
en Algérie et propose même de considérer l’Algérie comme son point d’appui pour le marché
africain ». Astuce de négociateur ou véritable
projet de partenariat ? Affaire à suivre.
Hassan Haddouche
Entreprises et marches
Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 -
4 milliards FCFA pour sauver
la société sénégalo-malienne
Transrail SA
En butte à un endettement massif de 12 milliards FCfa, la société
ferroviaire sénégalo-malienne Transrail SA a lancé le 31 décembre 2010 un nouveau plan de sauvetage d’un coût de 4 milliards
FCFA, accepté par les bailleurs de fonds.
T
ransrail SA, une entreprise au
bord de la cessation de paiement,
va très mal. Les successions de
pertes d’exploitation se sont enchaînées
ces dix-huit derniers mois. Le constat fait
à Bamako par les ministres malien et sénégalais en charge des Transports a abouti
au lancement d’un plan de sauvetage d’urgence. Le groupe des bailleurs de fonds, les
deux pays partenaires et le groupe français
Advens (actionnaire à hauteur de 51% du
capital) ont donné une suite favorable à
ce plan de relance. Ce nouveau plan d’urgence va donc venir en appoint au plan de
règlement préventif appliqué depuis août
2009 par l’entreprise. Un régime tiré du
droit malien qui a permis jusque-là à l’entreprise d’être à l’abri de ses créanciers,
avant de retrouver une meilleure santé
financière. Les deux gouvernements vont
présenter dans les meilleurs délais une
requête commune à l’appréciation des
bailleurs de fonds. Cette manne financière
que la société s’apprête à recevoir servira
notamment à l’acquisition de nouvelles
locomotives pour l’amélioration de la capacité de traction, à l’achat de pièces de
rechange pour la remise en état du matériel, ou à la réhabilitation de certains
tronçons de voie, de même qu’à la
réhabilitation de plusieurs ouvrages d’art. Hormis l’acquisition des 4
milliards FCFA, il est prévu la recapitalisation prochaine de la société, la
réduction des charges d’exploitation,
l’érection d’un fonds de roulement
et la reprise des décaissements de la
Banque africaine de développement
(BAD).
Moderniser le réseau
Les deux Etats se sont aussi engagés à payer les dettes et à payer l’avenant
de la convention fiscale et douanière au
plus tard le 31 janvier 2011. Transrail
s’engage à moderniser le réseau ferré
dans le corridor Dakar-Bamako, qui
assure 40% des échanges entre les deux
Obama condamne l’attentat
du réveillon
pays, contre 30% pour l’axe BamakoAbidjan, aujourd’hui délaissé à cause
de la crise politique ivoirienne. Malgré
ces difficultés, Transrail est parvenue à
assurer annuellement le transport de
400 000 tonnes de fret entre les deux
pays frontaliers d’Afrique de l’Ouest. Un
chiffre d’affaires de 17 milliards fCFa a
aussi été réalisé lors de l’exercice dernier. Hormis le groupe agroalimentaire
Advens (51% du capital), les autres ac-
Malgré ces difficultés,
Transrail est parvenue
à assurer annuellement
le transport de 400 000
tonnes de fret entre les
deux pays frontaliers
d’Afrique de l’Ouest.
tionnaires de l’entreprise sont les privés
(20%), le Mali (10%), le Sénégal (10%),
de même que les travailleurs qui détiennent 9% des parts.
Mohamed Ndiaye
Alstom à l’entame d’une réelle
industrie dans le ferroviaire
au Maroc
Au cours d’une cérémonie présidée par Mohammed VI au palais
royal d’Agadir, une convention de partenariat a été signée, jeudi
6 janvier, entre le gouvernement du royaume du Maroc et le
groupe Alstom dans le domaine du transport ferroviaire. Portant
sur des engagements financiers de 9,5 milliards de dirhams, ce
protocole devrait générer en dix ans quelque 5000 emplois.
S
uite aux récents accords portant sur
les garanties de financement de la
ligne de TGV Casablanca-Tanger,
les bases d’une nouvelle industrie ferroviaire, à même d’assurer la fourniture de
matériels roulants et équipements ferroviaires, sont en train d’être mises en place
au Maroc. Une convention de partenariat
entre le groupe Alstom et le Maroc a effectivement été signée, jeudi 6 janvier à
Agadir, pour garantir le développement
des métiers en relation avec le ferroviaire.
Paraphée conjointement par les ministres
marocains Ahmed Réda Chami, de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles
technologies, et Karim Ghallab, de
l’Equipement et du Transport, et par
Patrick Kron, PDG d’Alstom, elle porte
sur des investissements de 9,5 milliards
de dirhams à l’horizon 2020.
Ce partenariat, qualifié de gagnant-gagnant par les deux parties, a été présidé par le souverain chérifien, et scellé
en présence de deux de ses conseillers,
Zoulikha Nasri et Omar Kabbaj, mais
aussi de plusieurs membres du gouvernement, des directeurs d’établissements
publics et autres personnalités.
tiers (les tramways de Raba-Salé et de
Casablanca, réalisation des lignes de TGV)
pour un chiffre d’affaires contractuel de
646 millions d’euros, prend plusieurs engagements. Primo, il devra acquérir des
équipements destinés, notamment aux
usines d’assemblage de matériels roulants
et équipements ferroviaires européens,
auprès de fournisseurs marocains, pour
un montant pouvant atteindre jusqu’à
6 milliards DH, soit 535 millions d’euros.
Secundo, Alstom s’engage à investir dans
une nouvelle unité industrielle devant
réaliser sur la période de la convention
pas moins de 3,5 milliards DH, soit 310
millions d’euros, d’exportations. Mais
aussi, il faudra que le leader du ferroviaire
de l’Hexagone contractualise avec une société d’offshoring installée au Maroc, pour
créer 65 postes d’emploi dans l’assistance
informatique. Tertio, cet industriel veillera
à conclure des accords pour soutenir des
universités marocaines et participera, avec
ses partenaires marocains, à la création et
à l’animation d’un Institut de formation
aux métiers du ferroviaire.
L’éveil d’un secteur
Rappelons que le Maroc a déjà mis en
place un programme pluriannuel de développement des infrastructures ferro-
Dans le détail, le groupe français, déjà
bien présent au Maroc sur d’autres chan-
Un appoint aux efforts déjà
entrepris
17
Le Maroc veut développer une industrie
ferroviaire.
viaires. Aujourd’hui, cet effort d’investissement, scellé par un protocole d’accord
avec Alstom, vient renforcer d’autres initiatives telles que le Pacte national pour
l’émergence industrielle.
Si les ministres marocains signataires
de la convention ont salué une avancée
pour le développement économique et
humain de toutes les régions du royaume
et la mise en œuvre optimale des stratégies sectorielles, le PDG d’Alstom a mis
l’accent sur la détermination du groupe
français à cheminer, dans le long terme,
avec ce pays, et à mettre son savoir-faire
à sa disposition afin d’accompagner son
émergence industrielle.
A noter qu’à l’issue de la cérémonie de
signature, ce dernier, qui formule déjà le
vœu d’étendre les champs d’application
du partenariat sur d’autres secteurs, tels
que l’éolien, a été décoré par SM le roi
Mohammed VI du Ouissam Alaouite de
l’ordre de Commandeur.
Daouda MBaye
Dans un communiqué publié dimanche 2 janvier par la Maison
Blanche, le président Barack Obama, tout en présentant ses
condoléances aux familles des personnes tuées, a déclaré que les
Etats-Unis sont aux côtés du peuple nigérian en ces temps difficiles. En effet, le texte révèle que le président des Etats-Unis a
fermement condamné l’explosion d’une bombe pendant le réveillon de la Saint Sylvestre à proximité d’une caserne, à Abuja.
Le communiqué souligne qu’il a également offert de l’aide des
États-Unis au Nigeria, afin de traduire les auteurs de tels actes
ignobles en justice. Pour mémoire, une semaine plus tôt, plusieurs attentats à la bombe à Jos, capitale de l’Etat du Plateau,
avaient coûté la vie à au moins 80 personnes et blessé plusieurs
autres grièvement.
Me Wade satisfait du
Festival mondial des arts
nègres
Dans son message à la nation à l’occasion du Nouvel An, Me
Abdoulaye Wade, président de la République, s’est déclaré satisfait du 3ème Festival mondial des arts nègres que le Sénégal
vient d’abriter durant trois semaines. Il a notamment souhaité
qu’il puisse servir de viatique à l’Afrique et à sa diaspora, et
inspirer les jeunes. Resté sourd aux critiques de compatriotes
estimant qu’il y avait d’autres urgences telles que la fourniture
correcte du pays en électricité, par exemple, il a plutôt insisté
sur les retombées qui, selon lui, sont positives sur l’économie
du pays. Pour lui, le festival a permis aux 6000 participants venus de 70 pays à travers le monde de méditer sur l’avenir de
l’Afrique et de sa diaspora, et a contribué à enclencher une dynamique irréversible de l’histoire de l’Afrique.
Une Sénégalaise lauréate
en Sicile
Depuis vingt ans, chaque année les autorités locales de la région
sicilienne élisent quatre Hipprogrifos d’Oro parmi les meilleurs
travailleurs, employeurs et Siciliens de l’étranger. C’est une cérémonie au cours de laquelle on choisit des personnes qui travaillent pour l’intégration des communautés. Pour la première
fois, une Sénégalaise, Aïda Fall, a été honorée en décembre.
Native de Pikine Khourounar, cette opératrice économique
qui œuvre pour l’intégration entre les communautés réside en
Sicile depuis plus de huit ans. Vice-présidente de l’association
de la communauté sénégalaise basée à Catania, sa distinction
n’a pas surpris les Italiens et étrangers qui l’ont fréquentée.
Appel du président somalien
pour l’élaboration rapide
d’une Constitution
Au moment où les insurgés islamistes multiplient leurs attaques pour fragiliser le gouvernement et le dispositif onusien,
Cheikh Sharif Cheikh Ahmed, président de la Somalie, a appelé, samedi 1er janvier, à l’élaboration de la Constitution nationale, avant la fin de la période transitoire du gouvernement. A
Mogadiscio, capitale somalienne, il a souhaité que les préparatifs pour mettre en place cette nouvelle Constitution nationale
s’achèvent d’ici 30 jours pour sortir de la crise.
El Béchir se rend à Jouba
Plusieurs fois annoncée et reportée, la visite d’Omar el Béchir,
président soudanais, mardi 4 janvier au Sud-Soudan, avant le
référendum d’autodétermination (du 9 janvier), a été source de
nombreuses interrogations. Benjamin Barnaba Marial, ministre
sud-soudanais de l’Information, au cours de son discours célébrant l’anniversaire de l’indépendance du Soudan, a affirmé que
Khartoum reconnaîtra les résultats du référendum, et qu’en cas
de sécession des liens forts devraient être tissés entre les deux
pays. Les autorités du Sud-Soudan ont apprécié à leur juste valeur de tels propos. Néanmoins, pour plusieurs analystes, le véritable point d’achoppement se situe dans l’après référendum, à
savoir la citoyenneté, la frontière non démarquée, et surtout la
région contestée d’Abyei et le partage des revenus pétroliers.
18
Entreprises et marches
- Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011
Algérie : 6 milliards d’euros injectés
dans les entreprises publiques
C
’est Ahmed Ouyahia lui-même
qui livrait pour la première fois
à la fin du mois de décembre
dernier, devant les sénateurs algériens,
un bilan global de l’opération, en cours,
d’assainissement financier des entreprises publiques. Selon le Premier ministre
algérien : « Près de 200 entreprises publiques ont déjà bénéficié de la mise en route
de leur processus de modernisation pour
un total de 600 milliards de dinars (6 milliards d’euros), dont notamment près de
injections massives de capitaux dans
un certain nombre d’entreprises réputées stratégiques, mais également par
le maintien sous perfusion de plusieurs
centaines d’entreprises financièrement
déstructurées.
Au chapitre des secteurs stratégiques, le
processus a été engagé dès juillet 2009
avec un des enfants chéris des pouvoirs
publics algériens, le groupe des cimenteries publiques, à qui on a attribué, par le
biais du Fonds national d’investissement
(FNI), un prêt d’un montant de 1,8
milliard d’euros à échéance de plus
« La direction des
de 20 ans. En contrepartie, l’objectif
assigné au secteur est de porter la
entreprises publiques
production annuelle de 11 millions
de tonnes actuellement à 18 milcontinue d’être
lions de tonnes en 2014.
davantage choisie sur
La dernière opération en date est
toute fraîche et a été annoncée à la
le critère de la fidélité
fin du mois de décembre 2010. Il
politique que sur celui de s’agit de faire « accompagner finan51 entreprises étatiques
la compétence technique cièrement »
relevant du secteur des travaux publics. Le financement sera assuré,
et managériale. »
sur injonction, par deux banques
commerciales publiques : le CPA
500 milliards de crédits à long terme et et la BDL, partenaires traditionnels des
entreprises de ce secteur. Il porte au
fortement bonifiés. »
Depuis le milieu de l’année 2009, et au total sur 1,2 milliard d’euros répartis
rythme de leur examen par le Conseil entre 500 millions d’effacement de detdes participations de l’Etat (CPE), ins- tes et 700 millions d’investissements de
titution représentant l’Etat actionnaire modernisation.
et présidée par le Premier ministre, il ne La liste est loin d’être close et l’opération
se passe pas de mois sans qu’on annonce va se poursuivre au cours des prochains
de nouvelles mesures de financement mois. Des dizaines d’entreprises sont
portant sur des dizaines de milliards de concernées. Parmi les dossiers les plus
dinars au profit d’un groupe d’entrepri- importants que le CPE devrait examises publiques. L’objectif affiché par cette ner prochainement figure en particulier
démarche est d’enrayer le déclin de l’in- celui de la SNVI, fleuron de l’industrie
dustrie algérienne, qui ne représente plus mécanique algérienne, pour laquelle on
évoque un financement de plus de 700
aujourd’hui que 5% du PIB.
millions d’euros.
Les conséquences macroéconomiques de
Injonctions aux banques
cette démarche sont déjà lisibles en clair
publiques
Cette préférence pour le secteur pu- dans les bilans établis par la Banque d’Alblic s’exprime non seulement par des gérie, qui indiquaient récemment que la
part du secteur public dans les crédits
bancaires à l’économie a bondi à près de
58% au premier semestre 2010.
Une efficacité contestée
Cette priorité réservée au secteur public a
fait de longue date l’objet de nombreuses
critiques de la part de beaucoup d’économistes et d’entrepreneurs algériens
qui considèrent qu’en favorisant, selon la
formule de l’un d’entre eux, « l’ancienne
économie au détriment de la nouvelle
économie », elle retarde la nécessaire restructuration de l’économie algérienne et
constitue la principale explication d’une
croissance économique globale qui reste
inférieure à ses potentialités. Au cours
des cinq dernières années, la croissance
économique algérienne s’est située entre
2 et 3%, alors qu’elle a été en moyenne de
près de 5% dans les pays voisins.
Cette nouvelle opération à laquelle on
fixe pour objectif d’enrayer le déclin de
l’industrie aura-t-elle plus de succès que
les précédentes ? Il est permis d’en douter.
Pour un économiste aussi réputé qu’Abdelmadjid Bouzidi : « La démarche initiée
depuis près de dix-huit mois par les pouvoirs publics constitue historiquement la
quatrième vague d’assainissement financier des entreprises publiques depuis la fin
des années 80. » A. Bouzidi, fin connaisseur du secteur public algérien, dont il a
été longtemps l’un des principaux défenseurs, ne se fait pas beaucoup d’illusions
sur son efficacité : « Cette nouvelle génération de restructuration financière de nos
entreprises publiques ne servira à rien. Ce
qui est en cause, c’est la forme étatique directe de gestion des entreprises publiques.
L’Etat est un mauvais gestionnaire d’entreprises de production, d’autant plus que
les managers à qui il confie la direction de
ses entreprises publiques continuent d’être
davantage choisis sur le critère de la fidélité
politique que sur celui de la compétence
technique et managériale. »
Hassan Haddouche
Algérie : le cocktail explosif
libéralisme-nationalismeprotectionnisme
Les manifestations contre la vie chère en Algérie
sont la conséquence d’une série de contre-réformes libérales entrées en vigueur en janvier 2011
et qui ont provoqué une inflation des prix sans
précédent. Analyse.
L
e virage de l’économie algérienne vers le libéralisme
connaît depuis le mois de septembre quelques tangages.
La décision inscrite dans la dernière loi de Finances 2011
de taxer les super profits des activités télécoms, des banques, de
la pharmacie, de l’agroalimentaire et du blé dur a abouti à une
flambée sans précédent des prix des denrées de base. Ainsi, le litre d’huile a augmenté de 50% pour atteindre 200 dinars. Idem
pour le lait, le sucre et la farine, en hausse vertigineuse depuis
le 1er janvier. Intenable dans un pays où le SMIG est de 15 000
dinars et où le taux de chômage est élevé. Pour les observateurs,
ce sont les conséquences sociales de ces mesures contre-libérales du gouvernement qui expliquent les émeutes de Bab El
Oued où, depuis le 5 janvier, des jeunes affrontent les forces
de l’ordre. Les émeutes ont gagné les 48 départements du pays
alors que le gouvernement, impassible au départ, a convoqué
une réunion ministérielle d’urgence samedi dernier.
Va-t-on vers l’allègement de la logique pure et dure du patriotisme économique ? Se dirige-t-on vers une nouvelle vision des
importations réduite aujourd’hui sous l’angle réducteur de la
« fuite de devises » et des richesses nationales ? Sur le plan intérieur, le gouvernement avait interdit le crédit à la consommation et restreint le champ d’action des banques étrangères. A la
longue, le pays, qui totalise 55 milliards de dollars d’exportation de pétrole et de gaz, se retrouve face à un basique problème
d’approvisionnement en denrées de base à prix abordable.
Au-delà de cette conjoncture, c’est la difficile transition d’une
économie étatique vers l’économie de marché qui pose problème. Après de réelles ouvertures dans la première moitié des
Le litre d’huile a augmenté de 50%
pour atteindre 200 dinars. Idem
pour le lait, le sucre et la farine, en
hausse vertigineuse depuis le 1er
janvier. Intenable dans un pays où
le SMIG est de 15 000 dinars et où
le taux de chômage est élevé.
années 2000, l’économie algérienne s’est considérablement
refermée à partir de la mi-2007, avec une sorte de campagne
contre les investisseurs internationaux (Sonatrach avec l’Espagnol Repsol, l’Egyptien Orascom) suivie depuis par une ana-
RDC : le Parlement se
penche sur le mode de
scrutin
En perspective de la présidentielle de novembre prochain, les
partis politiques s’activent autour du mode de scrutin. Si pour
la majorité il est plus judicieux d’instaurer un scrutin à un tour,
Baudouin Mayo de l’Union pour la nation congolaise (UNC),
nouveau parti de l’opposition dirigé par Vital Kamerhe, trouve
qu’« aujourd’hui, revenir d’un mode de scrutin à deux tours au
profit du scrutin majoritaire à un tour ne répond qu’aux besoins de
la majorité présidentielle, qui voudrait faire un passage en force ».
D’ores et déjà, Joseph Kabila, président de la RDC, a commencé
à rallier ses troupes en se rendant le 2 janvier à Lubumbashi
pour rencontrer les parlementaires locaux. Blaise Kaboué, de
la mouvance présidentielle, trouve le scrutin à deux tours onéreux et qu’il impacte « négativement sur la vie politique, compte
tenu des comportements des politiciens… » Dans tous les cas, il revient au Parlement de donner une réponse à la démarche de la majorité.
Maroc : taux de croissance
de 3% à T3-2010
D’après les dernières estimations du Haut Commissariat au plan
(HCP), au cours du 3ème trimestre 2010 l’économie nationale a
réalisé un taux de croissance de 3%, comparativement aux 4,9%
réalisés un an auparavant. Toutefois, à prix courants, le produit
intérieur brut (PIB) a marqué une augmentation de 3,4% en
glissement annuel, soit une hausse du niveau général des prix à
0,4%. Il ressort aussi de ces agrégats nationaux qu’excepté la pêche
(-1,4% contre +14,4%), tous les secteurs d’activité non agricoles
ont enregistré des hausses plus ou moins importantes par rapport au 3ème trimestre 2009. Ainsi les activités minières (+21,7%
contre - 21,9%), les industries de transformation (+2,7% contre
-0,1%), le BTP (+1% identique à T3-2009). D’ailleurs, l’activité
économique a été marquée par l’augmentation en volume du
PIB hors agriculture (+4,7% au lieu de 1,5% durant le même trimestre de 2009), et une diminution de la valeur ajoutée agricole
de 8,4% contre une hausse de 29,4%.
Le Parti des communistes
italiens soutient l’initiative
marocaine d’autonomie
A l’issue d’une entrevue avec Khalid Naciri, ministre de la
Communication, porte-parole du gouvernement, Oliviero
Diliberto, secrétaire général du Parti des communistes italiens,
a déclaré lundi 3 janvier à Rabat, à la MAP : « Nous sommes
contre une indépendance au Sahara, mais nous sommes pour
une large autonomie administrative dans la région. » Il apporte
ainsi un soutien sans équivoque de sa formation à l’initiative
marocaine d’autonomie au Sahara, plan proposé par le royaume en vue de parvenir à un règlement définitif de ce conflit.
Il a notamment insisté sur le fait qu’ils défendent absolument
l’Etat-nation (...). De son avis, ce qu’on doit combattre avec
une très grande détermination, c’est la tendance impérialiste
qui consiste à diviser les Etats en tribus et en ethnies.
Au lendemain de l’attentat
d’Abuja, la tension monte
L’attentat à la bombe survenu sur un marché le 31 décembre à
Abuja, la capitale fédérale nigériane, qui a fait quatre morts et
26 blessés, n’a toujours pas été revendiqué. Néanmoins, il n’en
continue pas moins de faire des remous. L’enquête avance timidement, mais nombre d’observateurs craignent une montée
de la violence dans les semaines et mois à venir, or 2011 est une
année électorale... L’anxiété monte d’un cran !
Pour sa part, le Mend, Mouvement pour l’émancipation du
delta du Niger, principal mouvement armé de la zone pétrolifère du Nigeria, a nié le 2 janvier toute responsabilité dans ce
carnage. La question, qui revient tel un leitmotiv, est de savoir
qui sont les commanditaires des différents attentats et ce qu’ils
cherchent.
chronique règle des 51% qui freine le secteur privé dans son
effort de modernisation.
Aussi, avec ses réserves de change extraordinaires (150 milliards de dollars), investies dans les bons de Trésor américain,
l’Algérie de la vieille garde du FLN croyait avoir définitivement
réglé la perpétuelle ambivalence sur l’utilité ou l’inutilité des
investisseurs étrangers. Les émeutes de Bab El Oued montrent
en tout cas que le cocktail libéralisme, nationalisme et protectionnisme est détonnant.
A.W.
Economie - Politique
Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 -
19
Soudan : après la victoire, la négociation
Le vote pour l’indépendance du sud semble inéluctable, mais la victoire ne clôt pas le chapitre
des relations avec le nord. Au contraire, après la
victoire, il va falloir négocier.
qui a tranché en faveur de Khartoum, en 2008, le contentieux
sur la région d’Abyei que les deux parties se disputaient.
Sans pétrole, le Soudan peut être utilement obligé de tirer
meilleure partie de ses excellentes terres, qu’il se contente actuellement de louer ou de vendre à des pays comme l’Arabie
saoudite, l’Indonésie ou la Corée du Sud, en continuant à importer 80% de sa consommation de blé. Le ministre de l’Agriculture soudanais Abdel Halim al-Mutaafi annonce déjà la relance de l’agriculture pour une autosuffisance en blé dans les
cinq prochaines années. Le pari ne sera probablement pas tenu,
mais la volonté est déjà proclamée.
Carte maîtresse
Les centaines de milliers de Sud-Soudanais établis au nord, fonctionnaires parfois, sont également une carte maîtresse, délicate
il est vrai, dont El Bechir pourrait se servir dans la négociation,
longue, difficile, que la sécession ouvrira nécessairement.
Khartoum s’avère moins démuni qu’on ne l’a cru. Même le
Sans pétrole, le Soudan peut être utilement obligé de tirer meilleure partie
de ses excellentes terres, qu’il se contente actuellement de louer ou de
vendre à des pays comme l’Arabie saoudite, l’Indonésie ou la Corée du Sud.
Q
uatre millions d’électeurs votent depuis dimanche dernier pour ou contre l’indépendance du Sud
Soudan. L’issue du référendum semble ne pas faire
l’objet du moindre doute. La seule incertitude concernait la décision du président Omar El Bechir de respecter sa signature et
d’organiser la consultation, comme l’y contraignait l’accord de
paix de 2005 qui a mis momentanément un terme à l’un des
plus vieux conflits du continent africain. Depuis son indépendance en 1956, le Soudan a connu des affrontements armés la
moitié du temps.
Jusqu’à dimanche prochain, le vote se poursuivra, mais n’apportera pas immédiatement les réponses aux nombreuses
questions que pose la sécession du sud. A commencer par l’attitude du nord.
Après avoir longtemps montré beaucoup de mauvaise volonté
pour organiser le référendum, El Bechir, sans en donner les
raisons, a changé de tactique. Il semble avoir choisi ou s’être
résigné à un divorce par consentement mutuel, plutôt que
contentieux. « Notre préférence est l’unité, mais, au bout du
compte, nous respecterons le choix des citoyens du sud… On sera
tristes de cette séparation, mais toutefois heureux d’assister à la
« Notre préférence est l’unité,
mais, au bout du compte, nous
respecterons le choix des citoyens
du sud… On sera tristes de cette
séparation, mais toutefois heureux
d’assister à la paix. »
paix », a-t-il assuré au cours d’un voyage plusieurs fois reporté
avant d’avoir eu lieu le 4 janvier dernier. Réalisme, mince espoir de séduire des Sudistes et d’empêcher les partisans de la
sécession d’obtenir les 60% de participation pour valider les
résultats ? Ou encore parce que Khartoum a plus d’atouts qu’il
ne le pensait ?
Fin joueur
Certes, El Bechir sait qu’il perdra avec le sud 70% des richesses pétrolières qui ont placé son pays, avec 500 000 barils/jour,
parmi les cinq premiers producteurs africains, et 90% de ses
recettes d’exportation. Mais tout cela ne se perd pas automatiquement. Le sud, qui a l’essentiel des ressources, ne peut les
exporter sans le concours du nord car il n’a pas d’accès à la mer
et les pipelines appartiennent au nord. El Bechir, fin joueur, cache peut-être son jeu en annonçant « devoir se prémunir contre
l’impact (...) de la perte des recettes pétrolières ». Déjà, il peut
compter sur le riche bassin pétrolier de Heglig, qui est revenu
au nord suite à la décision de la Cour d’arbitrage de La Haye,
contrecoup diplomatique qu’aurait pu constituer la perte de ses
réserves pétrolières est moins évident. La Chine, qui a pris fait
et cause pour le Soudan au Conseil de sécurité pour garantir
son propre approvisionnement énergétique, continuera à avoir
besoin de Khartoum, passage obligé d’un pétrole qui ne lui appartiendrait plus.
Le sud, qui devrait longtemps savourer sa victoire, pourrait
rapidement déchanter. Le pétrole seul ne lui suffira pas pour
combler ses handicaps en matière d’infrastructures. La donne
politique est encore plus complexe. Unis face à l’ennemi commun, les Sudistes, une mosaïque de peuplades, pourraient rapidement redécouvrir leurs différences entre Sudistes du centre,
de l’est, de l’ouest.
Salva Kiir, promu à la tête de la région après l’accident tragique
du charismatique John Garang, aura besoin de toute l’habilité de
son mentor disparu pour négocier le virage d’après-victoire.
Chérif Elvalide Sèye
20
Economie - Politique
- Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011
Guinée : 100 jours pour
convaincre
Quelques jours après sa prestation de serment, l’ex-opposant
historique guinéen Alpha Condé (72 ans), nouveau locataire du
palais Sékoutouréya, a mis en place un gouvernement de 37
ministres, dont sept ministres d’Etat, conduit par Mohamed Said
Fofana, déjà cible de critiques.
S
elon la rue, « has been », « éminences grises », « personnalités peu
connues du public » font leur entrée
et vont partager l’attelage gouvernemental. Entre les attentes des populations et
les ambitions d’un nouveau chef d’Etat
démocratiquement élu à l’épreuve de la
gestion du pouvoir, les enjeux sont énor-
Kassory Fofana, une personnalité emblématique issue de la Basse côte, allié
du président Condé et ex-ministre sous
le régime Lansana Conté. L’ancien
Premier ministre guinéen, d’avant celui d’Ahmed Tidiane Souaré, Lansana
Kouyaté, poids lourd de la scène politique, dont le soutien au second tour
à Alpha Condé a été décisif, n’a pas été
consulté, ni associé. Ses partisans croisent les doigts. Pour l’instant, Kassory
Fofana n’a pas été mis à contribution dans le gouvernement de Said
Fofana. Que se passe-t-il ?
L’égérie, Hadja Daran Kaba, seule candidate à la présidentielle, qui a aussi
soutenu le candidat Alpha Condé, attend son heure.
Une galaxie multicolore
Cellou Dalein, qui a battu le rappel des troupes
depuis Paris au lendemain de la mise en place
du gouvernement Fofana, s’inscrit déjà dans le
sillage des élections législatives et municipales
prochaines.
mes. L’homme fort de Conakry, successeur du président intérimaire Sékouba
Konaté, sait que le temps lui est compté.
Le peuple a déjà annoncé la couleur et
ne cache point ses préoccupations. Eau,
électricité, assainissement, santé, bonne
gouvernance publique et financière. Une
tâche difficile à laquelle devra faire face le
gouvernement de Mohamed Said Fofana.
Cette nomination au poste tant convoité
de chef du gouvernement, récompense
politique à la Basse côte (une des quatre
Mohamed Said Fofana devra répondre à de
nombreuses attentes.
régions naturelles du pays) qui a voté
massivement pour Alpha Condé lors du
second tour de la présidentielle contre un
fils du terroir, Sidya Touré (allié de Cellou
Dalein), ne fait pas toujours l’unanimité
dans les cercles influents de cette région,
fief de l’ethnie soussou.
Ici, les cartes ont changé de main. A grande vitesse. Pour ironiser la débâcle électorale de Sidya Touré, les Soussous disent
qu’il a « jeté le bébé avec l’eau du bain ».
Grand commis de l’administration guinéenne, expert dans les négociations
commerciales internationales, Mohamed
Said Fofana, Soussou bon teint, ne s’attendait pas à cette subite propulsion à la
tête du premier gouvernement sous l’ère
Alpha Condé. Car, même s’il est crédité
d’un enviable cursus et a longtemps arpenté les couloirs de la haute administration du pays, M. Fofana ne convainc pas
bon nombre d’observateurs. L’a priori
n’est pas, c’est le moins que l’on puisse
dire, positif. Pour un nouveau gouvernement aux défis immenses, il s’agit d’un
handicap de taille.
Les laissés pour compte
En fait, beaucoup avaient misé sur
des carapaces comme, entre autres,
Au palais de Conakry, on estime que
toutes les expertises seront mises à
contribution. A priori, le chef de l’Etat
a réussi le jeu de l’équilibre régional au
regard de la configuration gouvernementale. En réalité, le gouvernement
de Fofana est constitué de personnalités peu connues du public, peu familières de la gestion des affaires de l’Etat.
Dans la galaxie gouvernementale, les
proches d’Alpha Condé gardent la haute main en héritant des portefeuilles
stratégiques : économie et finances,
mines, énergie, infrastructures, éduca-
Ali Bongo annonce une
batterie de chantiers en 2011
réhabiliter les casernes, à mieux former
les militaires et les paramilitaires pour
être au service de l’Etat. Bon nombre
d’infrastructures seront confiées au génie militaire, a annoncé Alpha Condé.
Dans le domaine de la restauration de
l’autorité de l’Etat et de la sécurisation
des biens et des personnes, le gouvernement Said Fofana entend mettre les
pendules à l’heure. Les Guinéens attendent de ce gouvernement des résultats pour juguler des fléaux tels que la
contrebande frontalière, la criminalité,
le trafic de drogue : une mission délicate pour le général Toto Camara, ministre de la Sécurité publique.
A la Banque centrale de Guinée, cœur
de l’économie guinéenne, une révolution sous l’ère Condé s’opère. L’exgouverneur Alhassane Barry a cédé son
fauteuil à un ancien ministre, Loncény
Nabé. Il devra résoudre l’épineux problème de la dépréciation de la monnaie
guinéenne sur le marché international.
Quid des seigneurs de la finance informelle dont une grande frange appartient à l’ethnie peulh ? Les Guinéens
veulent qu’on leur régule le marché
du change à la merci des caprices des
opérateurs.
Faux bond de l’alliance Cellou
Dalein
Malgré le vœu pieux du président Alpha
Condé de former un gouvernement
d’union nationale, l’alliance Cellou
Dalein Diallo a décliné l’offre. Le président de l’UFDG a estimé que le nouveau chef de l’Etat a décidé de former
un gouvernement à sa dévotion. Ni les
partisans de Cellou Dalein, ni ceux de
Sidya Touré ou d’Abé Sylla ne seront
« L’année 2011 sera celle de la réalisation des grands projets d’intérêt collectif. Le développement des infrastructures énergétiques et
routières, de l’agriculture et du tourisme, la distribution de l’eau
et l’exploitation des matières premières seront parmi les priorités du gouvernement de la république », c’est ce qu’a déclaré Ali
Bongo Ondimba, président du Gabon, dans son allocution de
vœux de fin d’année, samedi 1er janvier à Libreville.
Outre les infrastructures énergétiques et routières, qui, de son
avis, sont et doivent être à la base du développement, il compte
hâter le lancement des travaux des barrages hydroélectriques
de l’Okano et de Fougamou pour permettre le démarrage rapide d’autres projets économiques. La route, catalyseur de multiples activités industrielles et autres initiatives économiques,
ne sera pas en reste.
Alpha Condé dévoile son
plan quinquennal
Alpha Condé, président de la République de Guinée, a exposé,
vendredi 31 décembre, dans son premier message de Nouvel
An, les projets qu’il ambitionne de réaliser au profit de son
peuple au cours de son mandat. Ils vont de la réconciliation
nationale et la renaissance à la sécurité (condition première de
la liberté), en passant par la gouvernance locale, la réforme des
forces armées, un soutien aux secteurs porteurs de croissance,
une production d’électricité adéquate, le lancement de programmes sociaux de logements, la promotion de la culture…
Afin de réaliser cet ambitieux programme, le Pr Alpha Condé a
dit tendre une main fraternelle à l’ensemble de l’élite guinéenne, sans exclusive. Selon ses propres propos, il s’agit de toutes
les franges de la société guinéenne (toutes sensibilités politiques et confessions religieuses confondues).
Les contrats miniers passés
avec les multinationales
étrangères (Hyperdynamics,
Kenya : des hommes
Rio Tinto, Rusal, Vale) sous les politiques sur la corde raide
enquêtes de la Cour pénale internationale (CPI) portant
régimes précédents intéressent Les
sur les suspects dans les violences postélectorales et sur la lutte
contre la corruption mettent un certain nombre de politikényans sur la corde raide. Cette année, trois ministres
les Guinéens qui veulent y ciens
– dont deux se sont déclarés intéressés par l’élection présidenl’année prochaine – sont confrontés à la CPI, alors qu’au
voir clair. tielle
moins quatre autres sont présumés impliqués dans des cas de
tion nationale, affaires étrangères, environnement, etc. Les contrats miniers
passés avec les multinationales étrangères (Hyperdynamics, Rio Tinto, Rusal,
Vale) sous les régimes précédents intéressent les Guinéens qui veulent y voir
clair. Le chef de l’Etat a fait la promesse
au peuple de passer au peigne fin tous
ces accords. Au niveau de la grande muette, le président, Alpha Condé, conserve le poste de
ministre de la Défense, pour, dit-il « régler les problèmes de l’armée ». L’armée
a toujours été une énigme pour les
régimes précédents qu’elle prenait en
otages. En guise de signal fort, le chef
de l’Etat solde ses comptes. Le général
Nouhoum Thiam, chef d’état-major
des armées, a été destitué et remplacé
par le général Kéléfa Diallo. Ce dernier,
réputé intègre, est un allié sûr du chef
de l’Etat qui lui voue respect et admiration. Le président Condé s’est engagé à
assis à la table gouvernementale. L’exPremier ministre, Cellou Dalein, qui
a battu le rappel des troupes depuis
Paris au lendemain de la mise en place du gouvernement Fofana, s’inscrit
déjà dans le sillage des élections législatives et municipales prochaines. Une
épreuve délicate qu’il compte mettre à
profit pour imposer à l’actuel président
une cohabitation au sommet aux premières heures du mandat Condé. « Le
chef de l’Etat n’aura les coudées franches
qu’après ces échéances décisives », commente l’entourage présidentiel.
En attendant, les premiers cent jours
du gouvernement Said Fofana s’annoncent délicats. Le peuple guinéen a
donné son quitus au nouvel homme
fort de Conakry qui devra rassurer,
et convaincre. Le grand oral d’Alpha
Condé ne fait que commencer. Ismael Aidara
corruption dans leurs départements ministériels. Aussi, quatre
députés sont poursuivis pour une éventuelle implication dans
le commerce de drogue. Ces politiques, qui risquent d’être partagés entre leur défense au niveau local ou à La Haye et leur
avenir politique, sont confrontés à leur survie dans l’arène politique, qui sera probablement déterminée par les résultats de
ces investigations.
Kenya : une enveloppe de
6 milliards de shillings à
l’enseignement secondaire
Avec la rentrée scolaire de lundi 3 janvier, le programme libre
d’apprentissage va bénéficier de 6 milliards de shillings, a indiqué, dimanche 2 janvier à Nairobi, James ole Kiyiapi, secrétaire
de l’Education permanente au gouvernement. En vertu de la
nouvelle Constitution, les institutions vont démarrer cette année de profondes réformes dans la gestion de l’éducation. Des
efforts conséquents sont annoncés pour améliorer la performance dans les écoles publiques. Ce représentant du gouvernement a tout de même précisé que cette première enveloppe de 6
milliards de shillings serait destinée à l’école secondaire, tandis
que les écoles primaires recevront leurs fonds cette semaine.
Economie - Politique
Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 -
21
Tunisie, quand un vendeur ambulant fait craquer
un modèle économique
Un jeune diplômé chômeur s’asperge d’essence
et craque une allumette, et c’est le modèle
économique, tant vanté par les forums économiques, les classements et les indices, qui prend
feu. Comment en est-on arrivé là ?
L
es satisfecits récurrents de l’économie tunisienne faisaient d’elle la favorite des classements de performances
réalisés régulièrement par des organismes internationaux à la recherche des meilleures reproductions du modèle libéral euro-américain au sud de la Méditerranée, en Asie et sous
les tropiques. Un pays où plus de 60% des habitants sont propriétaires de leur logement. Un pays sans bidonville où presque
tous les enfants sont scolarisés. Une société arabe où la femme
est libre, avec les mêmes chances que l’homme. Une vitrine économique qui conjugue modernisme des infrastructures avec de
fortes croissances du PIB, adossée à une lutte implacable contre
le fondamentalisme religieux qui forçait l’admiration des néoconservateurs américains à la recherche d’un modèle pour le
rêve abandonné du grand Moyen-Orient. Un pays régulièrement félicité par la Banque mondiale et le FMI. Régulièrement
apostrophé pour ses carences démocratiques. Le pays de Zine
Abedine Ben Ali n’a jamais été à l’abri des contestations sociales. Les milliers de jeunes bien formés et qui sortent des universités et des grandes écoles avaient de plus en plus de mal à s’insérer dans une économie, certes en croissance forte, mais qui, à
l’instar de celles des pays développés, ne crée plus suffisamment
d’emplois pour préserver la stabilité et la paix sociale.
L’escalade
Il a fallu qu’un vendeur ambulant, diplômé, issu de ces écoles
modernes, interpellé pour exercice illégal sur la voie publique,
décide de s’asperger d’essence devant le siège du gouvernorat de
sa ville pour que le modèle économique vanté par le Forum de
Davos, le classement Doing Business et les indices IDH du PNUD
prenne feu. Mohamed Bouazzizi, qui s’était immolé le 17 décembre, est décédé le 4 janvier dans cette région déshéritée du
centre, peu touchée par le miracle tunisien. Son geste sera réédité
par un autre marchand ambulant, âgé de 50 ans et père de famille, qui s’est aspergé à l’essence à Sidi Bouzid, samedi 8 janvier.
Dimanche 9 janvier, des sources non officielles faisaient état d’au
moins quatre morts à Tunis, rattrapée à son tour et pour la première fois par les émeutes signalées dans plusieurs localités.
L’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) est montée
au créneau, apportant son appui aux revendications « légitimes » des manifestations de Sidi Bouzid et d’ailleurs. Jusque-là
à l’écart, le patronat est lui aussi sorti de son silence et, par la
voix de Hédi Djilani, président de l’Union tunisienne de l’industrie, annonce la création de 50 000 emplois dans une campagne d’embauche qui donnera la priorité aux jeunes diplômés
dans quatre à huit semaines.
La prophétie de DSK
De son côté, fidèle à sa doctrine, le gouvernement dénonce une
« cabale médiatique » contre la Tunisie et déroule les statistiques,
indiquant dans un documentaire que la région de Sidi Bouzid,
point de départ de la contestation, a englouti 2,35 milliards de
dinars d’investissements depuis 1987. Des parcs technologiques, des fonds d’investissements, des réfections d’infrastructures, certes, mais qui n’ont jamais permis d’enclencher un taux
de croissance d’emplois en rapport avec les effectifs annuels de
cadres diplômés. L’offshoring, les nombreuses entreprises françaises et européennes délocalisées en Tunisie, arrière-cour de
l’Europe, le tourisme de masse peu pourvoyeur d’emplois de
Hammamet à Sfax, n’ont pas permis d’absorber une demande
de plus en plus forte et dont la Tunisie n’a pas l’apanage.
En novembre 2010, Dominique Strauss-Khan, directeur général
du FMI, rappelait à raison que les cinq pays du Maghreb doivent
assurer 1,8 million d’emplois aux jeunes et en urgence s’ils veulent relever les défis du développement durable. Le problème de
l’emploi peut entraîner « l’instabilité sociale, provoquer des conflits
ou des guerres et une perte de confiance en la démocratie », avertissait le quasi-candidat aux présidentielles françaises de 2012.
Facebook
Pour l’heure, ce qui n’était qu’un mouvement social menace de
se transformer en revendications politiques à cause, sans doute,
d’une réponse jugée ultra-sécuritaire du gouvernement, qui
tente de noyauter l’internet, de mesurer les moyens de communication et d’étouffer les contestations dans les facultés. La toile
offre un nouvel espace de dissidence. L’appel à la grève lancé
lundi sur Facebook et Twitter a été relayé par 100 000 personnes,
entraînant des restrictions immédiates. Les messages virulents
des cyberdissidents dénoncent l’oppression, quand ils ne s’en
prennent pas simplement aux sites du gouvernement. En réaction, une chasse sans merci est engagée contre ces blogueurs, et
même contre quelques rappeurs aux chansons hostiles. Aussi
spectaculaires qu’elles puissent paraître, ces scènes de contestation sont plutôt estudiantines, artistiques, se déroulant loin des
sphères politiques et syndicales.
Contrairement aux émeutes du pain de 1984 sous l’ère
Bourguiba, mais comme pour les poussées de colère de 2008
à Gafsa et les émeutes de Ben Guerdane d’août 2010 à la frontière libyenne (pour protester contre des restrictions au commerce transfrontalier), les contestations parties de Sidi Bouzid
ne sont pas animées par des organisations syndicales, mais par
un ras-le-bol de la jeunesse. Ce sont essentiellement de jeunes
diplômés chômeurs, soutenus par les étudiants, qui tiennent en
respect un système surpris par la vigueur des revendications.
Samedi, certaines organisations faisaient état d’un millier d’arrestations, preuve du niveau réponse sécuritaire. Rares sont les
économistes tunisiens contactés par nos soins qui accepteront
de commenter ces événements. Sans doute parce qu’il est encore trop tôt pour en tirer les conclusions ou faire le lien entre
la panne du modèle tunisien et les conséquences de la crise financière internationale.
La vague de restructuration sans précédent engagée en Europe
depuis 2008 a non seulement freiné les investissements dans les
pays périphériques, mais aussi poussé de nombreuses entreprises à migrer vers l’Asie. Ajoutons à cela un marché du travail
européen ultra-verrouillé où les Tunisiens et les Maghrébins en
général sont de moins en moins tolérés et un accord d’association signé avec l’Europe et dont le diagnostic économique et
social n’a jamais été entrepris avec rigueur.
Les corps des deux Français enlevés vendredi à Niamey ont été
retrouvés sans vie moins de 24 heures plus tard. La piste AQMI
est privilégiée.
L
En novembre 2010, Dominique
Strauss-Khan, directeur général du
FMI, rappelait à raison que les cinq
pays du Maghreb doivent assurer
1,8 million d’emplois aux jeunes et
en urgence s’ils veulent relever les
défis du développement durable.
médias), et, à la base de la pyramide, le renvoi des employés municipaux qui avaient confisqué le matériel du jeune marchand
ambulant ainsi que la révocation du gouverneur de Sidi Bouzid,
entrent dans ce second cas de figure. Suffiront-ils pour faire revenir le calme dans la rue ? Est-ce le début d’une remise en question
qui touche, en filigrane, la candidature de Ben Ali à sa propre
succession en 2014, naguère soutenue par les puissants barons
du RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), parti
au pouvoir, fort de 2 millions d’adhérents (soit un Tunisien sur
cinq), inaudible depuis le début des émeutes ?
Kamal B.
L’Afrique du Sud entre au
Conseil de sécurité
Et 2014 ?
Niamey : l’ombre d’AQMI sur
l’assassinat des deux Français
es deux Français qui étaient en
train de dîner dans un restaurant
du quartier Plateau ont été emmenés de force par les ravisseurs, sous
les regards impuissants de quelques passants, témoins de l’enlèvement. Selon un
témoin, qui s’est exprimé à la télévision
nationale vendredi soir, les ravisseurs
parlaient arabe. Dès les premières heures
du rapt, les autorités nigériennes ont mis
en alerte maximum l’armée pour sécuriser les frontières. Et le Quai d’Orsay a
aussi mis à contribution ses services de
Ne reste plus pour parfaire le mal-être tunisien que cette réponse
ultra-sécuritaire à une problématique sociale. Au final, ces événements devront logiquement ou précipiter l’agenda politique
tunisien et accélérer l’ouverture de l’espace public au débat, ou,
au contraire, déboucher sur une saison de chasse aux boucs émissaires. Le remaniement ministériel, le limogeage du ministre de
la Communication Oussama Romdhani, remplacé par Samir
Labidi (ancien étudiant contestataire, rompu à la psychologie des
renseignement et ses réseaux au Niger.
Le porte-parole du gouvernement nigérien, Dan Dah, avait même annoncé que
le commandement militaire du nord,
notamment sur le corridor Ouallam et
la frontière malienne, avait encerclé les
ravisseurs. A l’issue d’un accrochage samedi, à l’arme lourde, entre l’armée nigérienne et la bande des preneurs d’otages, les corps des deux Français ont été
retrouvés sans vie.
Derrière cette opération de rapt, l’ombre
d’AQMI semble être privilégiée dans les
cercles diplomatiques étrangers.
« Nous privilégions plus la piste de bandes armées incontrôlées agissant pour des
chefs rebelles au nord. AQMI ne peut pas
transférer si rapidement son combat dans
une capitale, cœur de l’administration militaire. C’est exposer leur stratégie », nous
a déclaré un officiel nigérien.
Y a-t-il collusion entre mouvements rebelles nigériens du nord et la présence
d’AQMI sur le territoire nigérien ? « Tout
au début de leur présence en 2000, l’organisation s’est appuyée sur des groupuscules
d’individus armés aux fins de les recycler.
Ceux-là étaient plus dans la contrebande
caravanière que dans des batailles idéologiques », a avoué notre source.
Ismael Aidara
Parmi les pays qui sont entrés la semaine dernière au Conseil
de sécurité de l’ONU, en tant que membres non permanents,
on compte, à côté de l’Allemagne et de l’Inde, l’Afrique du Sud.
Rappelons que ce principal pays émergent d’Afrique souhaite
devenir membre permanent du Conseil de sécurité. Il s’agit
d’une réforme de plus en plus désirée sur le continent, mais qui
toutefois se fait toujours attendre. Depuis la création de l’ONU
en 1945, ce conseil n’est constitué que de cinq pays, à savoir la
Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie,
détenteurs du droit de véto.
Des BRIC aux BRICS
L’Afrique du Sud, géant africain, vient de faire son entrée dans
le groupe des grands pays émergents constitué du Brésil, de la
Russie, de l’Inde et de la Chine (BRIC). En effet, le 24 décembre
dernier, la Chine, qui assure actuellement la présidence tournante du groupe, et conformément à un accord avec les autres
États membres, a effectivement invité le pays arc-en-ciel à devenir un membre à part entière du BRIC, qui devient BRICS (le
S correspond à l’orthographe en anglais de l’Afrique du Sud).
Rien de vraiment surprenant étant donné que l’Afrique du Sud
est la première économie africaine, avec un produit intérieur
brut équivalant à un quart de celui de l’Inde, et qui représente
25% de celui du continent africain. Classé 34ème au classement
Doing Business de la Banque mondiale de 2011, ce pays est
considéré comme favorable aux affaires, car il a su ouvrir son
économie au monde entier et attirer ainsi de nombreux grands
groupes industriels internationaux, comme le géant de l’alimentation américain Walmart et General Motors.
22
- Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011
L’africain de la semaine
« Le partenariat Sud-Sud est nécessaire au
développement de l’Afrique »
Opérationnelle depuis janvier 2010 seulement,
la compagnie communautaire régionale Asky
est en train de prendre de l’attitude dans le ciel
africain. Dans les lignes qui suivent, le principal
acteur de la création de la compagnie, Gervais
Koffi Djondo, président de Asky, retrace quelque
peu le chemin parcouru. Interview.
L
es Afriques : Après une longue période d’attente, Asky
a fini par prendre son envol.
Gervais Koffi Djondo : C’est vrai que d’août 2005,
quand a été arrêté au siège de la BCEAO l’idée de la création d’une société en vue de la promotion d’une compagnie
communautaire, à juin 2010, où la compagnie a effectivement pris son envol, la période d’attente a été longue. Nous
sommes parvenus à nos fins parce que notre détermination
et notre volonté d’entreprendre tout ce que nous estimions
nécessaire pour le développement de l’Afrique sont restées
intactes. Car si les soutiens divers ne nous ont pas fait défaut
tout au long de la réalisation du projet, nombreux auront
été les obstacles. Je dirais même qu’il y en a eu beaucoup…
Tellement que j’en suis arrivé à des conclusions personnelles
sur nos organisations régionales dites de développement. Je
note, à cet effet, avec beaucoup d’amertume que les grands
fonctionnaires des ces institutions, par leur manière de travailler, ne servent pas véritablement la cause du développement du continent. Bref, ce n’est pas l’objet de nos propos.
Asky est venue apporter et prendre sa part dans la dotation
de l’Afrique de compagnies aériennes fortes, sûres et fiables
dont le continent a grand besoin pour son intégration et sa
participation au commerce mondial.
LA : Face à la floraison des compagnies nationales en Afrique,
quels sont les atouts de Asky pour faire son trou sur le marché
africain ?
GKD : Ils sont nombreux, les atouts de Asky. Le fait de ne
pas être une compagnie nationale, mais plutôt une compagnie régionale communautaire à vocation africaine est l’un
des tous premiers. Son partenariat avec un groupe africain
fiable, Ethiopian Airlines, la plus ancienne des compagnies
aériennes de notre continent, qui a une grande expérience
du transport aérien, en est un autre. A ce sujet, d’ailleurs, ma
conviction est que ce type de partenariats Sud-Sud est nécessaire au développement de l’Afrique. Toujours au nombre de
nos atouts, Asky opère avec des aéronefs de nouvelle génération, des Boeing 737-700 NG. Ce qui fait que la moyenne
d’âge des appareils de Asky est la plus jeune dans l’industrie
du transport aérien.
Pour soutenir tous les facteurs de compétitivité que j’ai cités tantôt, nous avons adopté une politique de gouvernance
de type privé. De par son actionnariat, Asky est une compagnie privée. Et il importe que cela soit traduit dans son
fonctionnement. Prête pour la concurrence, Asky, dans le cadre sa stratégie, a prévu également de mettre en œuvre avec
les autres compagnies aériennes opérationnelles de longues
dates une coopération dynamique. Il est évident que notre
compagnie ne peut atteindre les objectifs globaux de desser-
« Dans un second
temps nous visons le
développement en
international avec la
desserte de l’Europe, des
Amériques et de l’Asie.
Mais pour le moment,
notre priorité, c’est
l’Afrique. »
te des pays de la sous-région que si elle conjugue ses moyens,
coordonne son réseau, ses programmes et ses horaires avec
toutes les compagnies aériennes de la sous-région.
LA : Vous parliez tantôt de « coopération dynamique », de
« conjuguer les moyens »… Comment appréciez-vous donc
que sur le continent africain l’heure soit encore à l’émergence
de compagnies nationales, alors que la tendance internationale est au regroupement des pavillons ?
GKD : Il est évident qu’au moment où le ciel de notre continent
est littéralement assailli par les grandes compagnies aériennes
internationales, qui y réalisent leurs plus grands profits, s’allier,
regrouper leurs moyens, reste pour les compagnies africaines
la clé pour constituer des ensembles forts capables d’offrir aux
passagers des services de standing international. Nous ne semblons pas emprunter cette voie et c’est vraiment dommage. Cela
l’est d’autant que l’actionnariat de ces compagnies nationales
les prédispose à une faillite certaine, à court ou moyen terme.
Il s’agit essentiellement de compagnies à capitaux majoritairement étatiques, donc exposés aux aléas budgétaires publics, et
dont la gestion ne peut que prendre des allures bureaucratiques, forcément moins rigoureuses en termes de management,
d’organisation opérationnelle, de gestion technique (sécurité,
sûreté, maintenance, qualité de service...).
Nous aurions dû tirer toutes les leçons de la faillite de certains
fleurons tels qu’Air Afrique, Nigeria Airways, Ghana Airways,
Camair, Air Gabon, pour ne citer que ces quelques exemples. La
multiplication des compagnies nationales, j’allais dire d’Etat,
Gervais Koffi Djondo : « La multiplication des compagnies nationales en
Afrique me paraît totalement absurde, antiéconomique et contreproductive. »
GKD : Prometteur, je serais tenté de dire. Nous sommes agréablement surpris des résultats obtenus au cours des mois passés.
En effet, nous sommes en réalité en avance sur toutes nos prévisions (étude de faisabilité et d’ajustement). A six mois d’activité, Asky affichait un taux de remplissage de ses vols de 60%.
Un taux largement au-dessus des 40 à 45% sur lesquels nous
tablions dans nos plans. Nous avons dû, de ce fait, enrichir la
flotte de la compagnie – composée de deux avions au démarrage de ses activités en janvier 2010 – d’un troisième aéronef,
toujours de nouvelle génération, pour satisfaire la forte demande. Dans nos projections, cette perspective n’était envisagée que
vers la fin de l’année. Dans la foulée, il faut préciser que nous
avons augmenté nos dessertes. Du fait de notre vocation africaine, nos destinations actuelles sont continentales.
L’avenir immédiat pour Asky, c’est la consolidation de son réseau Afrique. Et puis dans un second temps le développement
en international avec la desserte de l’Europe, des Amériques et
de l’Asie. Avec la couverture de ces régions du monde, Asky
aura atteint son objectif. Mais pour le moment, notre priorité,
c’est l’Afrique. Car nous sommes très engagés à améliorer les
échanges interafricains.
Interview réalisée par
Louis S. Amédé
« Notre objectif nº 1 est de faire d’Asky une compagnie efficace au service,
dans un premier temps, des femmes, des hommes et des jeunes de l’Afrique. »
me paraît donc totalement absurde, antiéconomique et contreproductive. Surtout dans le contexte actuel. Déjà que le morcellement obère la capacité de ces compagnies à atteindre la taille
critique pour être compétitives ; les circonstances font qu’elles
sont sous-capitalisées et contraintes, du fait de leurs maigres
moyens, à exploiter des marchés pour le moins étroits et à faibles revenus pour des coûts d’exploitation élevés. Une situation
qui n’est pas durablement tenable.
Galerie Les Afriques
LA : Le transport aérien étant fortement capitalistique, pensez-vous objectivement qu’une compagnie aérienne propriété
exclusive de privés est durablement viable sur le continent ?
GKD : Si votre préoccupation est relative à l’implication des
Etats dans le transport aérien, j’aime mieux vous rassurer tout
de suite pour dire que l’Etat n’est jamais absent de tout ce qui
touche au transport aérien. Qu’il ne soit pas actionnaire physique dans une compagnie ne saurait occulter sa présence dans
l’activité. Les infrastructures, les taxes aéroportuaires, les droits
de trafic sont autant d’éléments qui symbolisent bien la forte
implication de l’Etat dans le business. Et les entreprises ont besoin de cet important agent économique.
LA : A l’état de projet, Asky était supposée suppléer la disparition de la multinationale Air Afrique. Maintenant que la
compagnie est opérationnelle, cette vision de départ est-elle
toujours d’actualité ?
GKD : Absolument ! La vision de départ est toujours d’actualité. C’est pour cela que Asky est une compagnie communautaire
régionale à vocation africaine. C’est toujours conformément à
cette vision que l’actionnariat de la compagnie est aussi varié
qu’ouvert sur toute l’Afrique, avec la participation d’institutions
financières communautaires engagées dans le développement du
secteur privé. C’est encore parce que nous sommes dans cette vision initiale que le gouvernement de la république du Togo nous
a accordé un accord de siège qui permet de bénéficier temporairement de certains avantages et facilités, notamment fiscaux.
Dans l’esprit de la vision que nous avions au début, notre objectif
nº 1 est de faire d’Asky une compagnie efficace au service, dans
un premier temps, des femmes, des hommes et des jeunes de
l’Afrique, donc de l’intégration économique et des populations
du continent en général, et singulièrement de la Communauté
économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
LA : Comment s’apprécie, à la lumière de son passé récent,
l’avenir pour Asky ?
The mill of the century
Collage papier. Signée en bas à droite. 2000. 50 x 40 cm. 2000/2500 euros
Godfried Donkor
(Ghana, 1964) Vit et travaille en Angleterre.
C’est à travers l’Histoire de la négation de l’identité de l’homme
noir que Godfried développe un langage plastique proche du Pop
Art laissant la place à la notion d’icône en utilisant les clefs de la
présentation publicitaire. Godfried Donkor collecte, enregistre et
réinterprète des moments historiques de la destinée du peuple noir
au travers de la peinture, du collage et de la photographie. Il utilise
les images des galions transportant les esclaves noirs aux USA en
leur faisant transporter des pin-up Noires ou des boxeurs légendaires
créant ainsi une juxtaposition de l’industrie du sexe et du sport avec
comme point commun l’exploitation de l’homme noir et de la femme. Ses peintures, ses collages sont des résumés visuels, des synthèses
rapides de la société : le corps magnifié, le corps acheté et l’être nié.
Economie - Politique
Les Afriques - N° 144 - 13 au 19 janvier 2011 -
« Un escadron de douze
personnes est venu chez moi »
Touré Al Mustapha était le président de l’association J’aime
Gbagbo. Comme le Premier ministre Guillaume Soro, il a choisi de reconnaître la victoire électorale d’Alassane Ouattara.
Visiblement, ses anciens amis lui en tiennent rigueur… Depuis son
refuge à l’étranger, il raconte.
L
es Afriques : Vous êtes l’une
des figures des Jeunes patriotes. Comment s’explique
aujourd’hui votre « défection » du camp
de Laurent Gbagbo ?
Touré Al Mustapha : Je n’ai pas fait défection. J’ai, en tant que citoyen ivoirien, opté pour la reconnaissance du
suffrage populaire. Il est vrai que je suis
un membre actif des Jeunes patriotes.
J’accompagne et je soutiens Laurent
Gbagbo depuis dix ans. J’admire son
courage. Tout cela étant, j’ai choisi de
sortir des rangs et de parler. Il ne faut pas
se taire lorsque notre voix peut aider à
faire triompher la vérité.
LA : Comment cette prise de position a
été accueillie par le camp Gbagbo ?
TAM : Après la proclamation de la soidisant victoire de Laurent Gbagbo par le
Conseil constitutionnel, tous les leaders
des Jeunes patriotes se sont empressés de
faire des déclarations publiques de soutien. J’ai été le seul à ne pas le faire et cela
LA : Donc, il est encore possible qu’il
quitte pacifiquement le pouvoir ?
TAM : Non, je ne crois pas à cette éventualité. Au fil des jours, les positions se radicalisent. Pourtant, il y a deux semaines,
il a failli partir en Angola. L’information a
circulé dans le camp présidentiel.
« Je constate que depuis
mon départ Charles Blé
Goudé n’arrive plus à
rassembler les jeunes. J’ai
transmis un message à
plusieurs d’entre eux leur
demandant de refuser
de se faire envoyer à
l’abattoir pour Charles Blé
Goudé. »
a suscité plusieurs rumeurs. Lors de l’investiture de Laurent Gbagbo, j’ai donc
été accueilli froidement à la présidence.
La sécurité m’a même bloqué avant de
se raviser. Dès que j’ai franchi les grilles
présidentielles, j’ai été reçu par Charles
Blé Goudé en personne qui m’a fait signifier qu’il y a beaucoup de rumeurs
qui évoquent mon soutien à Alassane
Ouattara. Il m’a alors demandé de faire
une déclaration de soutien au président
Gbagbo. J’ai dit que j’avais compris. Par
la suite, j’ai reçu des avertissements musclés. Un escadron de douze personnes est
venu chez moi. J’ai tout juste eu le temps
de m’échapper par une porte de derrière.
Ma maison a été saccagée et brûlée. Idem
pour mon complexe hôtelier. L’Onuci est
venue faire le constat. A travers ces représailles, c’est un message clair envoyé à
tous les pro-Gbagbo qui s’aviseraient de
reconnaître la victoire de Ouattara.
LA : Quel a été votre rôle au sein de la
galaxie des patriotes ?
TAM : J’étais le numéro deux du mouvement des Jeunes patriotes. Je constate
que depuis mon départ Charles Blé
Goudé n’arrive plus à rassembler les jeunes. J’ai transmis un message à plusieurs
d’entre eux leur demandant de refuser de
se faire envoyer à l’abattoir pour Charles
Blé Goudé. Dommage d’ailleurs que le
camp Ouattara n’ait pas pris langue avec
LA : Quels sont aujourd’hui ceux
des proches de Gbagbo qui sont
les plus opposés à son départ ?
TAM : Il y a bien évidemment
Charles Blé Goudé, leader des
Jeunes patriotes, la première
dame, le président du FPI, Pascal
Affi Nguessan, le secrétaire général de la présidence, Désiré Tagro.
En fait, ce sont les têtes de liste
de la fameuse liste noire. Ce sont
là les faucons. Quant à ceux qui
pensent le contraire et qui sont
susceptibles d’aider Gbagbo à
reconsidérer la situation, ils sont
tout aussi nombreux. J’ai cité
Mamadou Coulibaly, président
de l’Assemblée nationale. Il y aurait aussi
Laurent Donat Fologo.
LA : Quid de l’armée ivoirienne ? Estelle vraiment fidèle à Laurent Gbagbo ?
TAM : L’armée est divisée. D’ailleurs elle
a voté Ouattara à 63%. C’est la Garde républicaine qui joue les principaux rôles
depuis longtemps. Le chef d’état-major,
le général Mangou, est effacé et ne gère
pas vraiment la situation. Ce sont les
éléments du général Bruno Dogbo Blé
(Ndlr : chef de corps de la Garde républicaine) qui bloquent l’accès menant
à l’hôtel du Golf, où sont retranché
Alassane Ouattara et son gouvernement.
LA : De l’extérieur, on a été un peu
surpris de voir l’appel à la grève lancé
par Alassane Ouattara recueillir peu
d’échos ?
TAM : C’est compréhensible. Il faut savoir qu’Abidjan ville reste un bastion
de Gbagbo. Il a gagné dans cette ville au
premier et au deuxième tours. Ouattara
est populaire à Yamoussoukro, Bouaké,
Korhogo, dans les villes de l’intérieur en
général.
LA : Des hommes armés étaient à vos
trousses. Y-a-t-il des escadrons de la
mort à Abidjan ?
TAM : Non, pas encore. Par contre, il y a
des miliciens libériens qui avaient com-
Verbatim
Pandore
« Nous sommes totalement engagés à
l’égard du référendum, nous sommes
totalement engagés à l’égard de son
résultat, mais cela ne m’empêche pas
de dire que c’est très dommage, cela
va ouvrir une boîte de Pandore pour
l’Afrique. »
L’ambassadeur soudanais à l’ONU,
Dafa-Alla El Haj Ali Osman.
Mensonge
« Je ne sais pas d’où vient ce mensonge contre moi. Le fait que j’occupe la
présidence de l’Uemoa ne me donne
pas la mainmise sur les ressources de
cette institution. »
Amadou Toumani Touré, démentant
avoir aidé au paiement du salaire des
fonctionnaires ivoiriens pour le mois
de décembre.
ces patriotes qui ne sont pas aussi acquis
à la cause de Blé Goudé qu’on le pense.
LA : Comment voyez-vous l’issue de cet
imbroglio politique en Côte d’Ivoire ?
TAM : Malheureusement, les émissaires
de la CEDEAO n’ont pas eu l’idée d’associer aux pourparlers des proches de
Laurent Gbagbo et des leaders du FPI
comme Mamadou Coulibaly, l’actuel
président de l’Assemblée nationale, ou
encore Abderrahmane Sangaré, sa seconde épouse, etc. Il y a un certain nombre
de personnalités emblématiques qui peuvent influencer Gbagbo. Une rencontre
en terre neutre (Burkina Faso par exemple) entre Laurent Gbagbo et Alassane
Ouattara pourrait décanter la situation.
23
Touré Al Mustapha : « J’ai été partisan de
Gbagbo pendant dix ans, mais là c’est trop. »
battu la rébellion et qui vivent depuis
près de la frontière. On fait appel régulièrement à ces miliciens.
LA : Avez-vous été surpris de la position
de Guillaume Soro ?
TAM : Non, à vrai dire non. Le Premier
ministre a rempli sa mission qui était de
préparer les élections. Ce n’est pas facile de travailler avec Laurent Gbagbo.
Guillaume Soro a été d’un sens de responsabilité hors du commun, allant
même jusqu’à fermer les yeux sur un attentat qui visait son avion. Il a fait son
devoir de défendre le vote des Ivoiriens. LA : Est-ce que dans le camp de Laurent
Gbagbo, ce scénario de rejet des élections était écrit d’avance ?
TAM : Oui. Il n’était pas question de perdre. Notre slogan le résume : « On gagne
ou on gagne. » Soit c’était par les urnes,
soit par la force. Toutes ces négociations, discussions que Gbagbo souhaite
aujourd’hui, c’est pour gagner du temps
et avoir la communauté internationale à
l’usure. On doit respecter la voix du peuple. La légitimité prime sur le droit. J’ai
été partisan de Gbagbo pendant dix ans,
mais là c’est trop. On ne peut pas annuler d’un trait le résultat de sept départements. C’est du jamais vu dans l’histoire.
LA : A quel moment le camp de Gbagbo
a su que Ouattara avait gagné ?
TAM : Quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, le 28 novembre 2010. Entre 23h30 et 1 heure du matin, nous étions au courant qu’Alassane
Ouattara avait gagné. Le comptage se
faisait presque en simultané depuis le
QG installé au sous-sol du siège, où l’on
recevait par téléphone tous les résultats,
bureau de vote par bureau de vote. Le
lendemain à 10 heures, on avait reçu tous
les résultats. Une grande agitation régnait
chez les leaders. Décision fut prise d’empêcher la CEI de publier les résultats coûte que coûte. C’est là que certains, dont
moi-même, avons dit que ce serait suicidaire sur le plan de la communication,
compte tenu de la présence des médias
internationaux. Finalement, la consigne
était d’empêcher la CEI de publier les
résultats jusqu’à l’expiration du délai de
trois jours. Et là toutes formes de contestations furent utilisées, jusqu’à l’empêchement physique, filmé heureusement
par une caméra et qui a fait le tour du
monde. Le reste n’est pas surprenant. Le
président du Conseil constitutionnel, député FPI, ancien ministre de la Sécurité,
proclame la victoire de Gbagbo…
Propos recueillis par Adama Wade
Militaire
« L’option d’une intervention militaire, c’est pour venir chercher
Laurent Gbagbo ! Ce n’est ni attaquer la Côte d’Ivoire, ni les Ivoiriens.
Et des opérations de ce genre ont
déjà eu lieu en Afrique, comme en
Amérique latine. Ce n’est pas très
compliqué. Si les chefs d’état-major
de la CEDEAO décident de le faire,
ils ont les moyens de le faire et de le
soustraire, tout simplement, de son
palais. »
Alassane Ouattara.
Succulent
« En 2003, il y a un chef d’Etat d’un
pays voisin qui a dit que je méritais la Cour pénale internationale.
Venant de lui, c’est succulent. Moi
j’aurais dû me faire élire à 80% et on
n’en parlerait plus. »
Laurent Gbagbo.
Somalie
« Nous sommes vivement préoccupés par la situation qui prévaut en
Côte d’Ivoire à la suite d’un processus électoral tant attendu et que
plusieurs observateurs ont reconnu
comme crédible. Après ce processus
électoral, il ne serait pas responsable
pour l’ensemble de la classe politique ivoirienne et pour la communauté internationale de laisser ce riche pays se transformer en une autre
Somalie. »
Denis Sassou Nguesso, président du Congo.
Ambition
« J’envisage de revenir en Guinée
en bonne santé parce que c’est mon
pays. Je souhaite être utile à mon
pays et au nouveau président, mais
je n’ai pas besoin d’entrer en politique. Ce n’est pas mon ambition pour
le moment. »
Moussa Dadis Camara, ancien chef
de la junte militaire en Guinée.
Corse
« Imaginez un ou deux Mahmoud
Ahmadinejad (président d’Iran)
arrivant au pouvoir en Algérie, en
Tunisie ou au Maroc. (...) C’est entre
cinq et dix millions de personnes qui
quitteraient l’Afrique du Nord, en
bateaux, à la nage, sur des radeaux,
pour venir en Corse, en Sardaigne,
en Sicile, sur la Côte d’Azur. »
Tarak Ben Ammar, homme d’affaires et producteur tunisien.
Désaccord
« Il n’y a pas de désaccord ni de lutte
de pouvoir avec (mes) frères. »
Seif al-Islam Kadhafi.
Téléchargement