Une nouvelle approche pour évaluer l`état de conservation de l`os et

publicité
L’anthropologie 109 (2005) 557–567
http://france.elsevier.com/direct/ANTHRO/
Article original
Une nouvelle approche pour évaluer l’état
de conservation de l’os et du collagène pour
les mesures isotopiques (datation au radiocarbone,
isotopes stables du carbone et de l’azote)
A new approach for assessing the preservation state
of bone and collagen for isotopic analysis
(radiocarbon dating,
carbon and nitrogen stable isotopes)
Hervé Bocherens a,*, Dorothée Drucker a,b,
Daniel Billiou c, Issam Moussa a
a
Institut des Sciences de l’Évolution, UMR 5554 du CNRS, Université Montpellier-2,Place E. Bataillon case
courrier 064, 34095 Montpellier, France
b
Équipe d’Archéologie Environnementale, UMR 7041 du CNRS, Maison de l’Archéologie et de l’Ethnologie
René-Ginouvés, Université Paris-1, 21, allée de l’Université, 92023 Nanterre, France
c
Laboratoire de Biogéochimie Isotopique, UMR 7618 du CNRS, Université Pierre et Marie-Curie Paris-6,
CNRS–INRA, 4, place Jussieu, 75252 Paris cedex 05, France
Disponible sur internet le 04 octobre 2005
Résumé
La mesure par analyseur élémentaire des teneurs en azote et en carbone de petites quantités d’ossements anciens à dater par le radiocarbone permet de quantifier la quantité de collagène conservée et
la quantité de contamination carbonée exogène. Une telle mesure peut être effectuée sur un grand
nombre d’échantillons et permet de trier les spécimens dont le collagène est le mieux conservé pour
un site donné, ceux qui contiennent le plus de contamination carbonée, et éventuellement de mettre
en évidence des relations entre les conditions de dépôt et la conservation du collagène. Cette appro-
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (H. Bocherens).
0003-5521/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.anthro.2005.06.005
558
H. Bocherens et al. / L’anthropologie 109 (2005) 557–567
che est tout à fait intéressante comme méthode préliminaire à toute tentative de datation sur collagène
osseux par spectrométrie de masse par accélérateur.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Measuring the amounts of nitrogen and carbon in small quantities of ancient bones before radiocarbon dating using elemental analysis is a way to quantify the amount of preserved collagen and the
quantity of exogenous contaminating carbon. Such a measurement can be performed on a large number of samples and allows to sort out the specimens with the best preserved collagen, those with the
most carbon contamination, and eventually to infer relationships between burial conditions and collagen preservation. This approach is most interesting as a preliminary method to use before attempting radiocarbon dating using accelerator mass spectrometry of bone collagen.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Collagène ; Os fossile ; Datation radiocarbone ; Isotopes stables
Keywords: Collagen; Fossil bone; Radiocarbon dating; Stable isotopes
1. Introduction
Une question qui se pose fréquemment quand la datation au radiocarbone par spectrométrie de masse par accélérateur (SMA) d’un ossement fossile est envisagée est de savoir
s’il contient suffisamment de collagène pour que l’opération vaille la peine d’être tentée.
Les études de biogéochimie isotopique impliquant des mesures de teneurs en isotopes stables du carbone et de l’azote d’ossements préhistoriques pour des reconstitutions paléoalimentaires et paléoenvironnementales se sont multipliées au cours des dernières années
(Bocherens et al., 2000b). Cette multiplication a montré que la conservation quantitative du
collagène pouvait varier fortement entre les échantillons osseux d’un même site, voire même
entre différentes parties d’un même os (par exemple : Bocherens et al., 1997b). Une méthode
d’évaluation de la quantité de collagène conservée dans les ossements fossiles a été mise au
point dans le but de sélectionner les meilleurs échantillons pour l’analyse isotopique du
carbone et de l’azote. Cette méthode relativement simple et rapide permet également de
quantifier les contaminations carbonées contenues dans un ossement donné. Une telle
méthode a bien sûr des implications pour la sélection d’ossements préhistoriques pour la
datation radiocarbone par SMA sur collagène.
2. Méthodologie d’évaluation de la quantité de collagène résiduelle
et des contaminations carbonées dans un ossement préhistorique
2.1. Mesure des quantités de carbone et d’azote des ossements
Le fait que l’azote contenu dans un ossement préhistorique reflète la quantité de collagène a déjà été présenté par divers auteurs (Doberenz et Matter, 1965 ; Ortner et al., 1972 ;
H. Bocherens et al. / L’anthropologie 109 (2005) 557–567
559
Dennison, 1980 ; Lynch et Jefferies, 1982 ; Endt et Ortner, 1984). Ces premières études
utilisaient des méthodes de dosage de l’azote nécessitant une quantité relativement importante de matériel, de 50 milligrammes à plusieurs grammes d’os. Nous avons systématisé
cette approche pour tous les spécimens osseux et dentaires que nous avons été amenés à
traiter pour la mesure des teneurs en isotopes stables du carbone et de l’azote (plus de
2000 spécimens à ce jour), au Laboratoire de Biogéochimie Isotopique (LBI) de l’Université Paris-6 entre 1994 et 2001, et depuis juillet 2001 à l’Institut des Sciences de l’Évolution de l’Université Montpellier-2 (ISEM). Cette mesure est effectuée à partir d’une prise
d’essai de deux (ISEM) à cinq (LBI) milligrammes de poudre d’échantillon, et permet de
connaître les pourcentages de carbone et d’azote présents dans l’échantillon. La mesure est
réalisée par un analyseur élémentaire CHN Carlo Erba NA1500 (LBI) ou un analyseur
élémentaire CHN Eurovector (ISEM). Dans les deux cas, l’échantillon, pesé précisément
dans une capsule d’étain, subit un flash combustion en présence d’oxygène, les gaz obtenus
sont poussés par un flux d’hélium ultra pur à travers un four de combustion puis un four de
réduction. Les gaz traversent ensuite un piège retenant l’eau (hydrazone) puis une colonne
de chromatographie, ce qui permet de séparer les pics correspondant à l’azote (N2) et au
gaz carbonique (CO2). La quantification de ces gaz est effectuée par un cataromètre (détecteur de conductivité thermique). Au LBI, le calcul des teneurs en N et C de l’échantillon
était réalisé par comparaison des aires mesurées pour N et C de l’échantillon avec une
droite de régression obtenue pour un acide aminé de référence (tyrosine) et recalculée pour
chaque série d’analyses (tous les 50 échantillons). À l’ISEM, le traitement des aires mesurées est réalisé à l’aide du logiciel CALLIDUS, avec une calibration effectuée au début de
chaque série (tous les 40 échantillons) sur cinq échantillons d’un acide aminé de référence
(alanine). La précision obtenue est de 0,1 %.
2.2. La teneur en azote des ossements reflète la quantité de collagène conservée
Le pourcentage d’azote mesuré dans des ossements modernes (54 spécimens d’origines
géographiques diverses, essentiellement des mammifères ainsi que quelques reptiles) varie
de 2,6 à 5,7 %, avec une moyenne de 4,3 ± 0,6 %. Les différences observées correspondent
à des états de fraîcheur variables, ainsi qu’à des différences physiologiques et des différences dans les traitements subis par les ossements entre le décès des animaux et l’obtention
des ossements.
Les teneurs en azote mesurées sur des spécimens préhistoriques montrent une grande
variabilité, entre les sites et au sein des sites, comme cela est illustré par les exemples de la
Fig. 1. La gamme des résultats couvre l’ensemble des valeurs attendues, depuis des valeurs
de 0 % correspondant à une absence d’azote, et donc de collagène conservé, jusqu’à des
valeurs de l’ordre de 4 %, similaires à celles d’os frais. Une telle gamme peut s’observer
dans un seul site, comme le site néolithique moyen de Bercy (Bocherens et al., 1997b).
Cependant, la gamme des valeurs observée pour la plupart des sites est nettement plus
réduite. Dans certains cas, tous les échantillons analysés présentent des pourcentages d’azote
correspondant à la présence d’au moins un dixième du collagène initial (≥ 0,4 %). C’est le
cas de la couche 1A de la grotte Scladina (Belgique), datée d’environ 40 000 ans BP (Bocherens et al., 1997a). Dans le cas de la couche Ejop sup de Saint-Césaire, d’âge châtelperronien (environ 36 000 ans BP), les pourcentages d’azote sont tous inférieurs à 0,8 %, avec
560
H. Bocherens et al. / L’anthropologie 109 (2005) 557–567
H. Bocherens et al. / L’anthropologie 109 (2005) 557–567
561
Fig. 1. Exemples de variation des pourcentages d’azote dans des ossements modernes et préhistoriques. Les valeurs
de la couche 1A de la grotte Scladina sont tirées de Bocherens et al. (1997a), celles de la couche Ejop sup de
Saint-Césaire sont tirées de Drucker et al. (1999), celles de Bercy sont tirées de Bocherens et al. (1997b).
Fig. 1. Examples of variations of nitrogen percentages in modern and prehistoric bones. Values for layer 1A of
Scladina Cave, layer Ejop sup of Saint-Césaire and Bercy are from Bocherens et al. (1997a), Drucker et al. (1999),
and Bocherens et al. (1997b), respectively.
562
H. Bocherens et al. / L’anthropologie 109 (2005) 557–567
une majorité d’échantillons présentant des proportions d’azote inférieures à 0,4 %, soit
moins d’un dixième du collagène présent en moyenne dans l’os frais. Dans un tel cas,
l’utilisation de la teneur en azote des ossements est tout à fait efficace pour trier les échantillons contenant encore du collagène de ceux qui l’ont perdu en proportions excessives
pour permettre une étude des teneurs en isotopes stables ou radioactifs.
Dans le cas de certains sites à mode de dépôt complexe et pour lesquels les échantillons
osseux présentent avec une importante gamme de pourcentages d’azote, une relation a pu
être mise en évidence entre les conditions d’enfouissement et le taux d’azote qui reflète les
pertes de collagène. Un exemple particulièrement illustratif est celui du site néolithique
moyen de Bercy, daté du 4e millénaire avant notre ère, et dans lequel les ossements sont
conservés soit sur la berge émergée d’un paléochenal de la Seine, soit immergés dans le
chenal (Bocherens et al., 1997b). Les proportions d’azote les plus élevées sont observées
pour des ossements provenant des portions les moins profondes du chenal immergé, tandis
que les ossements exhumés de la berge émergée et des zones profondes du chenal contiennent beaucoup moins d’azote, ce qui reflète une perte de collagène plus importante. Dans
un tel contexte, les implications pour la sélection des échantillons les plus favorables à
l’analyse isotopique du collagène sont évidentes.
La comparaison des pourcentages d’azote mesurés dans les ossements anciens avec le
pourcentage d’azote extrait (calculé en multipliant le rendement pondéral de l’extraction
du collagène selon le protocole de Bocherens et al. (1991) par la teneur en azote de ce
collagène), montre que le pourcentage d’azote dans l’os est effectivement une bonne évaluation du collagène conservé (Fig. 2). Il apparaît cependant que le taux d’azote extrait
d’échantillons anciens est généralement plus faible que celui obtenu pour des ossements
actuels en utilisant le même protocole de purification du collagène, et que des variations
sont visibles entre échantillons provenant de différents sites. Ceci illustre le fait qu’une
certaine proportion de l’azote mesuré dans l’os total ne se retrouve pas dans l’extrait collagénique, soit parce qu’il s’agit d’azote non collagénique, soit parce que cette fraction
collagénique est solubilisée lors du processus d’extraction du collagène utilisé.
2.3. La teneur des ossements en carbone comparée à celle de l’azote permet d’évaluer
les contaminations carbonées
Les mesures de taux de carbone des ossements, conjointement aux taux d’azote, permettent d’évaluer les contaminations carbonées. En effet, puisque l’essentiel de l’azote mesuré
dans l’os provient du collagène, et qu’une relation massique constante existe entre le carbone et l’azote du collagène (% C = % N × 2,7), il est possible de quantifier le pourcentage
de carbone correspondant au collagène. De plus, il existe dans l’os une certaine quantité de
carbone minéral, provenant de la fraction carbonatée incorporée dans le réseau phosphaté
de l’os (Klement, 1938 ; Chikerur et al., 1980 ; Glimcher et al., 1981). La proportion de
carbone d’origine minérale est d’environ 1,4 %, teneur mesurée après élimination par chauffage de la fraction organique d’ossements actuels (Person et al., 1996). Une relation empirique peut donc être établie entre les proportions de carbone et d’azote d’un os, exprimée
de la façon suivante : % C = (% N × 2,7) + 1,4. Une telle relation devrait pouvoir s’appliquer également aux ossements qui contiennent uniquement les restes de collagène et le
carbone lié à la fraction carbonatée, en l’absence d’apport carboné d’origine exogène.
H. Bocherens et al. / L’anthropologie 109 (2005) 557–567
563
Fig. 2. Exemples de relation entre les pourcentages d’azote extrait sous forme de collagène et les pourcentages
d’azote total de l’os, pour des ossements actuels et ceux de deux sites préhistoriques. Les valeurs d’os frais sont
tirées de Bocherens et al. (2000a), celles de la couche 1A de la grotte Scladina sont tirées de Bocherens et al.
(1997a), celles de la couche Ejop sup de Saint-Césaire sont tirées de Drucker et al. (1999).
Fig. 2. Examples of relationships between percentages of nitrogen extracted as collagen and percentage of nitrogen in whole bones, for modern bones and for two prehistoric sites. Values for fresh bones are from Bocherens et
al. (2000a), values for layer 1A of Scladina Cave and for layer Ejop sup of Saint-Césaire are from Bocherens et al.
(1997a) and Drucker et al. (1999), respectively.
Cette relation empirique peut être testée par des observations sur des ossements actuels,
qui présentent des teneurs en azote plus ou moins grandes pouvant refléter une perte de
collagène, ainsi que sur des ossements modernes dont le collagène a été partiellement ou
totalement éliminé expérimentalement. Les données publiées par Person et al. (1996) concernant un os actuel chauffé à différentes températures permettent de tester la relation empirique établie précédemment pour de l’os perdant son collagène sans addition de matériel
carboné. Le graphe obtenu pour les os actuels et l’os expérimentalement chauffé (Fig. 3)
montre globalement une bonne correspondance entre les données mesurées et la relation
empirique, sauf pour les échantillons actuels qui contiennent plus de 4 % d’azote. Ces
spécimens présentent un net excès de carbone par rapport à la teneur attendue d’après la
relation empirique. Comme ces échantillons sont ceux qui sont le plus riche en collagène,
il est très probable qu’ils contiennent encore des matières organiques non collagéniques,
comme des traces de sang ou de graisses. Les graisses notamment présentent un fort taux
de carbone mais ne contiennent quasiment pas d’azote, ce qui pourrait expliquer l’excès de
564
H. Bocherens et al. / L’anthropologie 109 (2005) 557–567
Fig. 3. Exemples de variation des pourcentages d’azote et de carbone dans des ossements modernes, par comparaison avec la relation empirique %C = 2,7 × %N + 1,4. Les points correspondant à de l’os chauffé expérimentalement sont tirés de Person et al. (1996). Les flèches représentent l’évolution des pourcentages d’azote et de
carbone d’un même ossement soumis à une intensité de traitement croissante.
Fig. 3. Examples of variations of nitrogen and carbon percentages in modern bones, compared with the empirical
relationship %C = 2.7 × %N + 1.4. The data for experimentally heated bone are from Person et al. (1996). Arrows
stand for the evolution of nitrogen and carbon percentages of a given bone under increasing treatment intensity.
carbone observé par rapport à l’azote pour les spécimens les plus riches en matière organique. Pour les ossements dont les teneurs en azote sont inférieures à 4 %, on observe bien
une décroissance du taux de carbone, selon une pente de 2,7, correspondant au rapport C/N
massique du collagène. De plus, les points correspondant à l’os chauffé expérimentalement
à différentes températures s’organisent le long de la droite empirique, sauf pour ceux dont
les taux d’azote sont inférieurs à 0,1 %, et qui voient leurs taux de carbone baisser en
dessous de 1,4 %. Ces derniers points correspondent à des températures de chauffage importantes et ils ont subi des modifications minéralogiques liées à une perte de la fraction carbonatée, mises en évidence par diffractométrie des rayons X (Person et al., 1996). La relation empirique % C = 2,7 × % N + 1,4 semble donc bien refléter l’évolution des teneurs en
carbone et en azote d’un os qui perd son collagène, sans addition de carbone d’origine
extérieure à l’os.
H. Bocherens et al. / L’anthropologie 109 (2005) 557–567
565
3. Applications de la méthodologie d’évaluation de la quantité de collagène
résiduelle et des contaminations carbonées à des ossements archéologiques
et préhistoriques
3.1. Sites archéologiques d’Iran
Un premier exemple d’application de cette méthodologie a porté sur des ossements provenant de sites archéologiques de la plaine de Qazvin, en Iran, et dont l’âge varie du 6e millénaire avant notre ère jusqu’à l’époque actuelle (Bocherens et al., 2000a). La gamme des
teneurs en carbone et en azote mesurées est très large, mais tous les points se placent sur la
droite reflétant la relation empirique définie précédemment qui reflète le comportement
d’ossements ne faisant que perdre leur collagène, sans addition de carbone d’origine extérieure à l’os (Fig. 4). Les teneurs en azote sont variables même au sein d’un niveau de
même âge. Ces mesures pourraient donc permettre de sélectionner les ossements les mieux
conservés dans l’éventualité d’une datation au radiocarbone sur os. De plus, ces résultats
indiquent clairement l’absence de contamination carbonée, qui aurait pu compliquer une
telle datation.
3.2. Site néolithique de Bercy
Un second exemple d’application de cette méthodologie, correspondant au cas du site
de Bercy, déjà abordé précédemment, présente une situation bien différente de la précé-
Fig. 4. Relation entre les pourcentages d’azote et de carbone dans des ossements d’Iran de différents âges. Les
valeurs sont tirées de Bocherens et al. (2000a).
Fig. 4. Relationship between nitrogen and carbon percentages in Iranian bones differing in age (data from Bocherens et al., 2000a).
566
H. Bocherens et al. / L’anthropologie 109 (2005) 557–567
Fig. 5. Relation entre les pourcentages d’azote et de carbone dans des ossements des différentes zones du site
néolithique moyen de Bercy (Paris). Les valeurs et la carte du site sont tirées de Bocherens et al. (1997b).
Fig. 5. Relationship between nitrogen and carbon percentages in bones from different areas in the Middle Neolithic site of Bercy (Paris). Values and map are from Bocherens et al. (1997b).
dente. Dans ce cas, les ossements provenant du chenal immergé présentent d’importants
excès de carbone par rapport à la relation empirique définie pour des ossements qui ne font
que perdre leur collagène (Fig. 5). L’excès de carbone, défini par la formule : % Cexcès = %
Cmesuré – [(% Nmesuré × 2,7) + 1,4], peut atteindre 3 % du poids total de l’échantillon. Les
ossements provenant de la berge émergée contiennent moins de carbone excédentaire. De
fait, les ossements de la zone émergée sont blanchâtres tandis que ceux provenant de la
zone immergée présentent une teinte brune foncée, ce qui dans ce cas est le signe d’une
contamination par des acides humiques (Bocherens et al., 1997b ; Bocherens, 2001).
4. Conclusions
La méthodologie présentée dans cet article a été développée en relation avec des études
biogéochimiques de collagène d’os anciens pour des mesures d’abondances d’isotopes stables. Les multiples avantages de cette approche (simplicité, rapidité, possibilité de trier les
échantillons en fonction de la quantité de collagène conservée à partir de très peu de matériel, quantification des contaminations carbonées) devraient conduire à son adoption dans
H. Bocherens et al. / L’anthropologie 109 (2005) 557–567
567
le cadre des datations au radiocarbone faisant intervenir le collagène osseux. Ainsi, la campagne d’étude scientifique en cours de la grotte Chauvet, en Ardèche, est l’occasion de
tester cette approche. Il apparaît d’ores et déjà que sur 80 ossements collectés en surface,
seulement 20 d’entre eux contiennent plus de 0,4 % d’azote et ont fourni du collagène, qui
peut servir de support aux datations radiocarbones par SMA et aux analyses biogéochimiques. Dans un tel contexte, où les trois quarts des échantillons osseux ont perdu leur collagène, l’application de l’approche que nous préconisons s’avère extrêmement précieuse.
La multiplication des résultats de ce type d’analyse sur des spécimens provenant de
multiples types de dépôts devrait également permettre de mieux caractériser les caractéristiques des ossements en fonction des conditions d’enfouissement et de diagenèse. L’extension des applications de la biogéochimie des ossements anciens à la connaissance des civilisations anciennes, aussi bien par les teneurs en isotopes stables que par celles des isotopes
radioactifs, ne pourra que bénéficier de cette meilleure connaissance du matériel qui constitue le support des signatures que l’on souhaite mesurer.
Références
Bocherens, H., 2001. Des protéines longue durée. La Recherche 342, 20–21.
Bocherens, H., Fizet, M., Mariotti, A., Lange-Badré, B., Vandermeersch, B., Borel, J.P., Bellon, G., 1991. Isotopic
Biogeochemistry (13C, 15N) of fossil vertebrate collagen: implications for the study of fossil food web
including Neandertal Man. Journal of Human Evolution 20, 481–492.
Bocherens, H., Billiou, D., Patou-Mathis, M., Bonjean, D., Otte, M., Mariotti, A., 1997a. Isotopic biogeochemistry
(13C, 15N) of fossil mammal collagen from Scladina cave (Sclayn, Belgium). Quaternary Research 48, 370–380.
Bocherens, H., Tresset, A., Wiedemann, F., Giligny, F., Lafage, F., Lanchon, Y., Mariotti, A., 1997b. Bone
diagenetic evolution in two French Neolithic sites. Bulletin de la Société géologique de France 168, 555–564.
Bocherens, H., Mashkour, M., Billiou, D., 2000a. Palaeoenvironmental and archaeological implications of isotopic
analyses (13C, 15N) from Neolithic to Present in Qazvin Plain (Iran). Environmental Archaeology 5, 1–19.
Bocherens, H., Person, A., Regert, M., 2000b. Biogéochimie et Archéologie. Les Nouvelles de l’Archéologie 80,
5–11.
Chikerur, N.S., Tung, M.S., Brown, W.E., 1980. A mechanism for incorporation of carbonate into apatite.
Calcified Tissue International 32, 55–62.
Dennison, K.J., 1980. Amino acids in archaeological bone. Journal of Archaeological Science 7, 81–86.
Doberenz, A.R., Matter III, P., 1965. Nitrogen analysis in fossil bones. Comparative Biochemistry and Physiology
16, 253–258.
Drucker, D., Bocherens, H., Mariotti, A., Lévêque, F., Vandermeersch, B., Guadelli, J.-L., 1999. Conservation des
signatures isotopiques du collagène d’os et de dents du Pléistocène supérieur (Saint-Césaire, France) :
implications pour les reconstitutions des régimes alimentaires des Néandertaliens. Bulletins et Mémoires de la
Société d’Anthropologie de Paris 11, 289–305.
Endt, D.W.V., Ortner, D.J., 1984. Experimental effects of bone size and temperature on bone diagenesis. Journal
of Archaeological Science 11, 247–253.
Glimcher, M.J., Bonar, L.C., Grynpas, M.D., Landis, W.J., Roufosse, A.H., 1981. Recent studies of bone mineral:
is the amorphous calcium phosphate theory valid? Journal of Crystal Growth 53, 100–119.
Klement, R., 1938. Die anorganische Skeletsubstanz. Die Naturwissenschaften 10, 145–152.
Lynch, B.M., Jefferies, R.W., 1982. A comparative analysis of the nitrogen content of bone as a means of
establishing a relative temporal ordination of prehistoric burials. Journal of Archaeological Science 9,
381–390.
Ortner, D.J., Endt, D.W.V., Robinson, M.S., 1972. The effect of temperature on protein decay in bone: its
significance in nitrogen dating of archaeological specimens. American Antiquity 37, 514–520.
Person, A., Bocherens, H., Mariotti, A., Renard, M., 1996. Diagenetic evolution and experimental heating of bone
phosphate. Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology 126, 135–150.
Téléchargement