UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE UNIVERSITAT POMPEU FABRA
ÉCOLE DOCTORALE IV – Civilisations, cultures, littératures et sociétés
Laboratoire de recherche : CRIMIC (EA 2561)
POSITION DE THÈSE
Thèse en cotutelle
pour obtenir le grade de :
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE
Discipline / Spécialité : Études romanes / Espagnol, catalan
et
DOCTOR PER LA UNIVERSITAT POMPEU FABRA (BARCELONA)
Présentée et soutenue par :
Aymeric ROLLET
Le 2 décembre 2013
PLACE ET FONCTION DES RÉFÉRENTS SPATIAUX ET TEMPORELS
DANS LES THÉÂTRES DE JOSEP M. BENET I JORNET
ET DE SERGI BELBEL (1989-2006)
Sous la direction de :
Mme Denise BOYER, Professeur émérite, Université Paris-Sorbonne
M. Enric GALLÉN, Catedràtic, Universitat Pompeu Fabra (Barcelona)
Jury:
M. Michel BOURRET, Professeur, Université de Montpellier III
Mme Denise BOYER, Professeur émérite, Université Paris-Sorbonne
Mme Monique GÜELL, Professeur, Université Paris-Sorbonne
M. Carles BATLLE, Professor, Institut del Teatre de Barcelona
M. Enric GALLÉN, Catedràtic, Universitat Pompeu Fabra (Barcelona)
M. Miquel M. GIBERT, Professor titular, Universitat Pompeu Fabra (Barcelona)
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Depuis une quarantaine d’années, la nature et même le degré de présence des référents spatiaux et temporels diffèrent
considérablement dans le théâtre catalan, au moins selon les riodes, mais sans doute aussi selon les auteurs. Vers les
années 1980, semble disparaître presque complètement de la scène catalane un théâtre dit « historique » qui puisait ses
référents temporels dans des époques passées plus ou moins lointaines, à l’instar de Quan la ràdio parlava de Franco
(1980) de Josep M. Benet i Jornet. Théâtre « historique » au sens où, comme l’écrit Josep Lluís Sirera, « après 1976, la
période du franquisme deviendra officiellement de l’histoire »1. L’émergence, à partir du milieu des années 1980, d’une
nouvelle génération d’auteurs (nés dans les années 1960), s’accompagne de toute une série de caractéristiques bien
différentes parmi lesquelles on observe une tendance assez générale qui consiste à refuser tout ancrage de l’action
dramatique dans une géographie et un moment historique précis et, davantage encore, à éluder toute représentation de
Barcelone et/ou de la Catalogne. Tout se passe comme si le texte théâtral se trouvait orienté moins par une véritable
conscience du monde, au sens d’un souci de description ou de représentation du réel, que par une forme de « conscience
métatextuelle »2, qui permettrait de comprendre en partie l’indétermination temporelle et plus encore spatiale repérable
dans la plupart des pièces écrites à la fin des années 1980 et au cours de la décennie suivante.
On a choisi d’étudier ce phénomène l’effacement (relatif) des férents spatiaux et temporels dans les pièces
écrites entre 1989 et 2006 par Josep M. Benet i Jornet et par Sergi Belbel, deux figures majeures de la dramaturgie
catalane contemporaine et même deux auteurs largement considérés par la critique comme les plus représentatifs de
leurs générations respectives. Au-delà bien sûr de l’amitqui lie les deux dramaturges depuis de nombreuses années,
tout un réseau de correspondances et d’échos s’est peu à peu tis entre leurs œuvres, tant sur le plan thématique
qu’esthétique ou poétique. Le fait, d’ailleurs, que Belbel ait mis en scène cinq pièces de Benet a sans doute largement
contribué à ce contact entre les deux œuvres. Du reste, la question du traitement des référents spatiaux et temporels se
pose de manière tout à fait singulière dans la production dramaturgique des deux auteurs, et c’est pourquoi on a souhaité
étudier conjointement les œuvres de Benet et de Belbel. Même lorsque, dans le théâtre catalan, les références concrètes à
une réalité donnée semblent retrouver une Visibilité relative, Belbel persiste à refuser tout ancrage géographique à
l’action dramatique ; à l’inverse, alors que dans les années 1990 la Catalogne est théâtralement « invisible », selon le
qualificatif employé par Sharon G. Feldman3, Benet n’hésite pas à situer explicitement l’action dramatique d’Olors
« dans le vieux quartier de Barcelone »4.
La période 1989-2006 constitue vraisemblablement une séquence assez homogène dans la production théâtrale des
deux dramaturges, pour toute une série de raisons que l’on développe dans l’introduction. En particulier, l’année 2006
correspond à la date de la nomination de Belbel à la tête du Teatre Nacional de Catalunya un fait qui peut être
considéré, dans une certaine mesure, comme la cristallisation du double processus amorcé dans les années 1990, à la fois
1 « [...] després de 1976, el període del franquisme passarà a ser oficialment història ». SIRERA, Josep Lluís. « La memòria no
passat (Per a una contextualització del teatre històric català actual) ». In I Simposi internacional sobre teatre català contemporani.
De la transició a l’actualitat. Barcelone : Institut del Teatre de la Diputació de Barcelona, 2005, p. 21.
2 « La conscience métatextuelle de la pièce est mise à contribution lorsque la pièce fait référence à sa propre énonciation, parle de
l’acte de parler au lieu de représenter le monde, brisant ainsi la convention d’une fiction intangible. [...] le texte semble plus
concerné par une réflexion sur lui-même et sur la théâtralité que par une description ou une représentation du monde. » PAVIS,
Patrice. Le Théâtre contemporain. Paris : Armand Colin, 2004, p. 11.
3 Voir FELDMAN, Sharon G. « Catalunya invisible : Contemporary Theatre in Barcelona ». Arizona Journal of Hispanic Cultural
Studies, vol. 6, 2002, p. 269-287.
4 « [...] al barri vell de Barcelona ». BENET I JORNET, Josep M. Olors. Barcelone : Proa, 2000, p. 27.
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de retour au théâtre à texte et de réintégration de la figure de l’auteur sur la scène catalane (Belbel étant non seulement
auteur, mais aussi metteur en scène). L’année 1989 marque, quant à elle, le début de l’échange artistique qui s’est noué
entre les deux dramaturges. Le Centre Dramàtic de la Generalitat propose à Benet d’écrire une pièce avec la
collaboration d’un metteur en scène ; le texte qui voit le jour s’intitule Desig ; pour « tuteur », selon le terme qu’il
emprunte lui-même5, Benet choisit Belbel. L’écriture de Desig ouvre alors une voie nouvelle dans la dramaturgie de
Benet : la pièce marque un véritable tournant, ainsi qu’un évident renouvellement formel, technique et stylistique, et il se
produit en particulier une évolution notable dans le traitement des référents spatiaux et temporels6. La rareté des
référents spatiaux et temporels, dans les pièces écrites entre 1989 et 2006, constitue l'un des traits communs aux deux
auteurs, avec des exceptions particulièrement criantes au cours de la période considérée, surtout dans deux pièces écrites
par Benet, Olors (1998) et Salamandra (2005). On s’autorise une seule (quasi) entorse à la période retenue, en intégrant
Elsa Schneider au corpus, parce que la pièce fait figure d’exception du point de vue du traitement des référents en
question. Comme toute exception, celle-ci mérite que l’on s’y attarde quelque peu. Du reste, un tel choix se justifie assez
aisément puisque la pièce a certes été écrite en 1987, mais n'a été créée qu'au cours de la saison 1989-1990.
On n’a pas eu pour ambition de prendre part aux débats linguistiques autour du terme et de la notion de référent, ni,
bien entendu, de retracer de manière complète l'évolution de cette notion. Cependant, afin de pouvoir aborder la question
et le « problème du référent »7 tels qu'ils se posent au théâtre, on a estimé indispensable de mettre l'accent, de manière
synthétique, sur la définition du référent en linguistique, ainsi que sur les origines et les fondements théoriques de cette
notion. L'emploi que la critique tâtrale réserve au terme de référent, en effet, n'est pas si étranger aux études
linguistiques qu'on puisse faire l'économie d'un tel examen. Parmi les nombreux travaux consacrés à la question, on a
choisi de ne retenir que les plus significatifs, ceux qui illustrent les conceptions les plus marquantes dans le champ des
études linguistiques (Saussure, Frege, Ogden et Richards, Pierce, Jakobson, Morris, etc.). On observe des divergences
majeures entre les différentes théories du processus de signification : à la suite de Saussure, par exemple, tous les
structuralistes défendent la clôture linguistique, c’est-à-dire que le structuralisme écarte la référence de son champ
d’étude8 ; pour le Groupe µ, en revanche, non seulement le référent fait partie du processus de signification, mais il
apparaît même comme un terme du signe9. Quant à l’approche et à la définition retenues dans le cadre du présent travail,
on considère que le référent ne fait pas à proprement parler partie du signe ; c’est en cela une notion bien distincte de
celle de signifié. Le référent est néanmoins incontestablement lié au signe dans un parcours qui rapporte ce signe au
monde. Mais, si l’on admet ainsi la nature extralinguistique du référent, on doit en même temps prendre conscience
5 « […] vaig demanar-lo a ell com a tutor d’una nova peça que jo havia d’escriure per a l’aleshores existent Centre Dramàtic de la
Generalitat, amb seu al Teatre Romea i dirigit per Domènec Reixach. El text es titulava Desig […]. » BENET I JORNET, Josep M.
Material d’enderroc. Barcelone : Edicions 62, 2010, p. 271. Ce rôle consiste non seulement à mettre en scène la pièce, mais aussi,
en amont, à en accompagner l’écriture.
6 À propos de ce tournant ou de cette évolution, voir (entre autres) BATLLE I JORDÀ, Carles. « El darrer teatre de Benet i Jornet : un
cicle ». In Josep M. Benet i Jornet i la fidelitat al teatre de text. Barcelone : Eumo, 2001, p. 93-119. Enric GALLÉN synthétise cette
évolution dans les termes suivants, à travers l’exemple d’El gos del tinent : « con-fusió entre realitat i ficció ; ambigüitat de la
situació dramàtica central, embolcallada d’una atmosfera intemporal carregada d’intriga i suggestions ; quatre personatges (dos
homes i dues dones) aparentment anònims, abstractes i essencialitzats, actuen fortament condicionats per una història del passat que,
explicada de forma personal per cadascun d’ells, es converteix en la base del conflicte central i de la possible resolució de l’obra »
Pròleg ». In BENET I JORNET, Josep M. El gos del tinent. Barcelone : Edicions 62, 1997, p. 11).
7 UBERSFELD, Anne. Lire le théâtre. Paris : Éditions sociales, 1978, p. 37.
8 Voir (entre autres) BENVENISTE, Émile. Problèmes de linguistique générale, 1. Paris : Gallimard, 1966 ; et GREIMAS, Algirdas
Julien. Sémantique structurale. Paris : PUF, 1986.
9 Voir (en particulier) GROUPE µ. Traité du signe visuel. Paris : Le Seuil, 1992.
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d’une forme de double mouvement à l’œuvre dans le langage10 qui conduit à envisager la production du sens à travers un
modèle triadique hérité des travaux d’Ogden et Richards, et en général représenté dans un triangle qui met en relation
le signifiant, le signifié et le référent11.
En ce qui concerne la bibliographie relevant directement du champ des études théâtrales, on peut formuler trois
observations : a) Contrairement aux études linguistiques, il y a dans les études théâtrales une forme de double consensus
autour, d’une part, d’une définition assez communément admise de la notion de référent en linguistique (on entend par
référent l’élément du monde auquel renvoie le signe), et d’autre part, de la complexité du « problème du référent ». Ce
dernier a été amplement exposé, décrit et, au moins en partie, décrypté, par Anne Ubersfeld, dont les écrits font encore
incontestablement autorité en la matière ; aussi s’est-on abondamment référé aux travaux de cet auteur. Mais, que ce soit
dans l’introduction ou par la suite, on s’est évidemment nourri de plusieurs autres approches théoriques ; entre autres :
Patrice Pavis, Jean-Pierre Ryngaert, Michel Pruner, María del Carmen Bobes Naves, Joan Abellán, María Paz Grillo
Torres. b) En ce qui concerne précisément l’objet d’étude et, en particulier, la présence variable de la réalité historique
immédiate dans la dramaturgie catalane contemporaine , cette thèse doit beaucoup aux travaux de Sharon G.
Feldman12, ainsi qu’à ceux de Carles Batlle et d’Enric Gallén. c) L’approche de la forme dramatique, telle qu’on l’a
développée tout au long de cette thèse, s’inspire à de nombreux égards des écrits de Jean-Pierre Sarrazac.
La méthode retenue consiste à partir d’un relevé exhaustif des signifiants, aussi bien dans le discours des personnages
que dans le texte didascalique. Bien qu’on s’intéresse ici à l’ensemble des œuvres théâtrales écrites par Benet et par
Belbel entre 1989 et 2006, on a jugé préférable de se concentrer sur quatre pièces de chaque auteur : Desig, El gos del
tinent, Olors et Salamandra pour Benet, Elsa Schneider, Tàlem, El temps de Planck et Forasters pour Belbel. Il semble
en effet possible d’établir, à partir de ces œuvres, une sorte de typologie des différents systèmes référentiels, applicable à
l’ensemble de la production théâtrale des deux auteurs au sein de la période considérée. On a cherché, à partir des
éléments textuels ainsi sélectionnés, à déterminer ce à quoi ils renvoient dans le monde, à quels référents ils sont liés : à
quelle image du monde et plus précisément ici : à quelle image de l’espace et du temps renvoient-ils ? On sait bien
que la notion de réalité n’est pas satisfaisante, et que, de manière générale, aucun choix terminologique ne l’est
pleinement que l’on parle du monde ou qu’on emploie des adjectifs substantivés tels que le réel ou le don et, sans
renoncer à ces emplois lexicaux, au moins s’est-on attaché à souligner que la formule dans le monde n’exclut en aucun
cas les mondes fictionnels du champ de la présente étude. Autrement dit, la formule dans le monde désigne le « monde »
ou le « réel » auquel renvoie l’œuvre et où elle puise ses référents, mais aussi le « monde » ou l’univers de fiction qui se
construit au sein même de l’œuvre comme un univers de références possible. Ce dont on cherche la représentation,
l’image, c’est l’espace et le temps ; la distinction réalité/fiction n’est alors pas (ou pas toujours) pertinente : L’œuvre
littéraire ne parvient-elle pas à construire, d’une certaine manière, ses propres référents, c’est-à-dire une sorte d’horizon
référentiel propre qui s’affranchirait, au moins en apparence et/ou en partie, de tout lien manifeste avec le monde ?
10 Paul RICŒUR décrit ce mouvement de la manière suivante : « le langage paraît […] mû par deux mouvements : l’un qui pare le
signe de la chose et le rapporte à d’autres signes dans la clôture d’un système linguistique, l’autre qui applique le signe à la réalité, le
rapporte au monde et ainsi ne cesse de compenser le mouvement de la différence par celui de la référence. » Voir son article intitulé
« Signe et sens ». Encyclopædia Universalis, vol. 14, 1972, p. 1010-1015.
11 Pour retrouver le triangle sémiotique dans son état originel, voir OGDEN, Charles K. RICHARDS, Ivor A. The Meaning of Meaning.
A Study of the Influence of Language upon Thought and of the Science of Symbolism. Londres : Routledge & Kegan Paul, 1960,
p. 11. Le triangle que l’on a reproduit dans l’introduction de cette thèse est issu de ECO, Umberto. Le Signe. Op. cit., p. 36.
12 Selon Sharon G. FELDMAN, tout se passe comme si le théâtre catalan contemporain, depuis les années 1980 et peut-être davantage
encore dans la période qui a suivi la tenue des Jeux Olympiques de Barcelone (1992), se caractérisait par un progressif effacement
des référents spatiaux, notamment.
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Dans une première partie intitulée « L’élision comme norme ? », on étudie ce qui semble constituer la norme du point
de vue statistique et, dans une certaine mesure, chronologique, c’est-à-dire une certaine tendance à l’élision des
références à la réalité historique immédiate et, en particulier, à l’effacement des marqueurs identitaires et des indications
de nature locale. Dans un premier chapitre La dramaturgie catalane de la fin du XXe au début du XXIe siècle »), on
dresse d’abord un panorama général du théâtre écrit en catalan au cours des dernières décennies afin de nuancer les
notions de disparition (ou d’effacement) et de retour des référents en question. On s’interroge aussi sur l’influence
possible d’un certain nombre de modèles dramaturgiques une influence qui pourrait expliquer en partie l’inclination
des dramaturges pour une forme d’indétermination spatiale et temporelle.
Dans un deuxième chapitre essentiellement théorique Un désert référentiel ? Les catégories de l’Espace et du
Temps au théâtre »), on mène une réflexion autour des catégories du temps et de l’espace dans l’expérience théâtrale. On
définit les principales notions auxquelles on fait appel dans la suite de ce travail : espace scénique, espace dramatique et
espace contigu ; temps scénique et temps dramatique. À la fin de ce chapitre, on avance plusieurs pistes de réflexions et
hypothèses à travers la lecture de quelques didascalies initiales issues d’un petit nombre de pièces écrites en Catalogne à
partir des années 1990. On remarque en particulier que, souvent, les éléments scéniques semblent s’articuler autour de
différents fils (utilitaire, métaphorique, connotatif, etc.) qui appartiennent tous, pour ainsi dire, à deux ordres de
« réalité » : d’une part, la réalité de la scène (avec ses contraintes techniques, scénographiques, etc.), et d’autre part,
celle du langage dans la mesure les différentes constructions de l’espace scénique s’apparenteraient, d’une certaine
manière, à une figure rhétorique au sens ces images de l’espace se feraient aussi images de la parole en figurant ou
en transposant visiblement sur la scène les conditions par définition invisibles de cette parole. D’où cette hypothèse, à
vérifier : il arriverait alors que les espaces au théâtre, par ailleurs divers, comptent moins comme images d’un certain
lieu dans le monde que pour leur double fonctionnement à la fois rhétorique (qui serait le mode de l’espace un acte
de parole peut être accompli) et sui-référentiel (qui serait le mode selon lequel l’espace au théâtre ne cesserait jamais
vraiment de se rapporter à soi-même et de dire le théâtre).
On commence, dans le troisième chapitre 1989 : le monde absent ? »), l’étude de cas portant sur les huit pièces
énumérées plus haut. On examine tout d’abord le traitement des référents spatiaux et temporels dans Desig et dans
Tàlem, deux pièces qui peuvent être considérées comme des exemples paradigmatiques de l’effacement des référents en
question et, plus largement, d’un certain type référentiel que l’on propose d’appeler référentialité interne (ou
fictionnelle). Dans Desig, on met en évidence une forme de référentialité interne opaque : les lieux évoqués sont choisis
avec une grande minutie, de même que les signifiants temporels ; cela permet de construire au texte théâtral des
référents (spatiaux et temporels) qui ne prennent leur place, à proprement parler, qu’au sein de l’univers fictionnel. Ces
référents n’ont pas pour fonction, semble-t-il, de renvoyer au monde (au réel) mais bien plutôt de constituer toute une
série de repères permettant au lecteur/spectateur de s’orienter et de se perdre dans l’histoire souvent opaque qui voit
le jour sous ses yeux. Dans le me temps, les référents en question remplissent une fonction métathéâtrale, dans la
mesure où ils se font discours sur les structures mêmes de la trame fictionnelle.
Dans Tàlem, on envisage le fonctionnement et la signification d’une certaine référentialité interne ludique : la valeur
intra-référentielle du texte théâtral prend une fonction hautement ludique, c’est-à-dire que les constructions
spatiotemporelles élaborées par Belbel constituent vraisemblablement l’un des principaux biais par lesquels s’établit la
complicité avec le lecteur/spectateur dans un double souci de divertir ce dernier (en engageant le traitement de l’action
dramatique sur la voie de la comédie) et de poursuivre à travers l’écriture théâtrale une expérimentation formelle déjà
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