H.-J. Aubin L’Encéphale, 2006 ;
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deuxième jour de sevrage et dans 7 % des cas au troi-
sième jour de sevrage. Le score de dépression aux échel-
les d’hétéro-évaluation d’Hamilton et d’auto-évaluation
IADS
(Irritability Depression and Anxiety Scale)
a signifi-
cativement diminué dès la première semaine de sevrage
en l’absence de traitement antidépresseur. Une absti-
nence alcoolique associée à un traitement par benzodia-
zépines et une hospitalisation permettent une diminution
significative des éléments dépressifs. Le score à l’échelle
d’Hamilton était réduit de moitié chez 78 % des patients
dès la première semaine de sevrage et chez 96 % des
patients dès la deuxième semaine de sevrage. Il s’agissait
donc pour la plupart de dépressions induites par l’alcool
(figure 1)
.
Dans la classification du DSM IV, le diagnostic de trou-
ble thymique ne peut pas être porté si les symptômes
dépressifs, maniaques ou hypomaniaques sont imputa-
bles aux effets physiologiques d’une substance (critères
D, E ou F).
Le diagnostic de trouble de l’humeur induit par une
substance dans le DSM IV répond aux critères suivants :
A. Perturbation thymique au premier plan (1 ou 2) :
1) humeur dépressive ou anhédonie,
2) élévation de l’humeur.
B. L’examen montre (1 ou 2) :
1) les symptômes A se sont développés pendant
l’intoxication ou dans le mois ayant suivi une intoxication
ou le sevrage,
2) la perturbation est étiologiquement liée à la prise
d’une substance.
C. La perturbation n’est pas mieux expliquée par un
autre trouble de l’humeur non induit par une substance :
1) la survenue des symptômes a précédé le début de
la prise de la substance,
2) les symptômes ont persisté un mois après la fin d’une
intoxication grave ou d’un sevrage,
3) les symptômes sont disproportionnés par rapport à
ce qui peut être attendu d’un contexte de consommation,
4) antécédents d’épisodes dépressifs majeurs récents.
Remarque
: Le terme de trouble induit est discutable
car il laisse entendre une relation étiologique entre le trou-
ble et l’abus de substances alors qu’il n’existe objective-
ment qu’une relation temporelle.
Les troubles bipolaires pourraient renforcer
la vulnérabilité à l’abus de substances
Dans le cadre des épisodes maniaques, les freins à la
consommation peuvent être levés en raison d’une impul-
sivité, d’un trouble du jugement, d’un sentiment d’invulné-
rabilité. L’alcoolisation ou la consommation de sédatifs
peuvent correspondre à une automédication afin de limiter
les troubles du sommeil ou la tachypsychie.
Lors des épisodes dépressifs, le sentiment d’impuis-
sance peut être un facteur favorisant une consommation
de toxiques. Il peut aussi s’agir d’une automédication de
la douleur morale par l’alcool ou les sédatifs, et du ralen-
tissement psychomoteur par les stimulants (13, 16).
L’abus de substances pourrait démasquer
un trouble bipolaire chez des patients vulnérables
Cette hypothèse est évoquée dans les travaux de
Sonne
et al.
(13) et Winokur
et al.
(17, 18), sans qu’ils
apportent d’élément de preuve convaincant.
Mais le diagnostic de trouble thymique pendant l’intoxi-
cation ne peut être posé si l’on se réfère au DSM IV.
Il existe une sensibilisation réciproque par kindling
Au cours de l’évolution du trouble bipolaire, les périodes
de rémission se raccourcissent, évoquant la possibilité
d’un kindling ou embrasement neuronal se majorant au fil
des épisodes thymiques.
Il existe une sensibilisation neuronale lors de l’intoxica-
tion à la cocaïne et du sevrage alcoolique. La symptoma-
tologie du syndrome de sevrage alcoolique est aggravée
par la répétition des sevrages.
Les antiépileptiques (topiramate et valproate de
sodium) sont efficaces dans la prévention du syndrome
de sevrage et de la rechute alcoolique (4, 11).
Certains facteurs de vulnérabilité communs
sont partagés
Les facteurs de vulnérabilité communs évoqués sont :
– l’impulsivité,
– certains facteurs génétiques : il y aurait une associa-
tion familiale entre les diagnostics d’alcoolisme et de trou-
ble bipolaire (8, 15).
EFFETS DE LA COMORBIDITÉ
Sur l’évolution des troubles bipolaires
Le trouble bipolaire primaire (apparition du premier épi-
sode thymique antérieure à la dépendance à la substance)
est de moins bon pronostic qu’un trouble bipolaire secon-
daire (apparition du premier épisode thymique postérieure
à la dépendance). Le trouble bipolaire primaire est associé
à un plus grand nombre d’hospitalisations, des rémissions
plus tardives, des états mixtes ou cycles rapides plus fré-
quents. L’évolution du trouble bipolaire secondaire est liée
à celle de la conduite addictive (1, 2, 12, 14, 17).
Sur l’évolution de l’abus de substances
Le seul impact majeur est une aggravation des condui-
tes addictives lors des épisodes maniaques (13).