ABSTRAIT L'Education Nouvelle chez J. G. Fichte soumise par Raymond Lapierre pour le. diplôme de Mattrise.~s Arts D~partement de philosophie Universit~ McGi11 Le 29 mars 1972 Th~se L'objet de ce présent travail est d'examiner la philo- . sophie de l'~ducation chez J. G. Fichte. Il est int~ressant de voir comment Fichte, influencé principalement par Rousseau et par Kant, essaie de réconcilier certains éléments opposés de ces deux philosophies. Les bases de la philosophie fichtéenne se trouvent dans la Théorie de la Science, plus pr~cisément dans cet hiatus établi entre l'identité abstraite du Moi et du Non-Moi achevée dans la la réalisation concrête de cette même identité. tement aider dans le concret a la pens~e, et L'éducation doit jus- réalisation de cette identité. Un examen des méthodes et du contenu de ce projet d'éducation, ainsi qu'une ~tude de ceux à qui Fichte confie la mission de l'Education Nouvelle nous amênerait id~al a conclure que ce projet d'Education Nouvelle est un dangereux, qui n'est pas viable dans la communauté socialè?èt ~olttique. . L'EDUCATION NOUVELLE CHEZ J. G. FICHTE Thêse écrite par Raymond Lapierre Présentée a la Faculty of Graduate Studies and Research for the degree of Master of Arts Department of Philosophy, McGill University Le 29 mars 1972 @ Raymond Lapierre 1972 2. 'TABLE DES MATIERES Page 'PREFACE 4 ABBREVIATIONS ET REMARQUES 5 INTRODUCTION 7 CHAPITRE 1 - L'ORIGINE DE L'EDUCATION NOUVELLE: LA THEORIE DE LA SCIENCE 1. de l'exp~rience: • une quête de l'Absolu. L'Unit~ II. La un Libert~: Id~al. une abstraction, - Le Moi III. La N~cessit~: 30 36 39 l 'exp~rience. a) Le' Non-Moi b) Le Chose-en-soi c) Les Rep'r~sentati ons IV. Le Loi Morale. V. 30 42 42 45 49 53 - L'Effort, fondement du Devoir 55 L'Education: instrument pratique de l'effo~t et du progrès de la Râison 60 CHAPITRE II - CE QU'EST L'EDUCATION NOUVELLE 1. L'Homme Nouveau. II. L'Education de la 66 67 Volont~ 72 3. Page III. La Connaissance religieuse. IV. La Connaissance spirituelle. V. Connaissances Manuelles .et Physiiques. Pestalozzi. VI. L'Amour des hommes entre eux. VII. L'Internat. CHAPITRE III - A QUI EST CONFIEE LA MISSION DE L'EDUCATION NOUVELLE 1. II. Les Savants. L'Etat. 78 80 84 87 90 92 94 101. CONCLUSIONS 112 BI BLIOGRAPHI E 124 4. PREFACE Nous aimerions remercier M. le professeur G. DiGiovanni qui a accept~ de nous diriger, de ses conseils les plus tout au cours de ce travail. pr~cieux, Son assistance tant intellectuelle que techniqùe fut pour nous une source continuelle .d'idées nouvelles lors de nos nombreuses discussions. cier les membres du Département de Nous tenons aussi à remer- phi~osophie, avec lesquels nous avons eu l'occasion de travailler pendant ces trois années d'études philosophiques. R. L. 5. ABBREVIATIONS ET REMARQUES ABBREVIATIONS: a) Ethics: The Science of Ethics'as based on the Science 'of KnoWl edge. b) Scholar: On the Nature of the Scholar and its Manifestations. c) Rights: The d) W. L.: Wissenschaftslehre: Sc~ence of Rights. Th~orie de la Science. REMARQUES: a} Les chiffres dans le texte de notre travail, ex: (1,91), sont ceux de Sammtliche Werke, herausgegeben Von J. G. Fichte. Berlin, 1845-46, Bd. 1... que l'on peut retrouver dans: Fichte, J. G~ Oeuvres Choisies de Philosphie Premiêre (1794~1797), trad. A. Philonenko, Paris: Vrin, 1964. b) Toutes les citations empruntées aux Discours a la Nation Allemande ont été prises dans: Fichte, J. G. Discours a la Nation Al1eménde, trad. S. Jankelevitch, introd. Max Rouché., Pari s: Aubi er-Montai gne, 1952. 6. "La vie de Fichte, c1est l 1apprentissage de la libert~. Mais la philosophie de Fichte nous enseigne que la liberté ne s'impose pas du dehors et' qu'elle surgit des profondeurs les plus intimes de l'âme. Elle ne s'~pprend pas d'ailleurs dans les livres, une réflexion la provoque, née de la rencontre d'un Réel humain, c1est la révélation de la moralité vécue. une sollicitation, sans une initiation. té en nous suppose un appel de la de l'individu la pr~sence libert~ Point de liberté sans L'exp~rience de la liber- hors de nous; l'~l~vation a la dignité de l'esprit exige l'exemple de l'esprit, de quelque 'g~nie moral 1. Cette él~vation fait de l 1homme un homme, elle est, suivant la propre expression ,de Fichte, l'~ducation même." (x. L~on, Fichte et son temps, T.I, p. VII) 7. INTRODUCTION Il nous serait difficile d'introduire J. G. Fichte dans·' ce travail, sans d'abord mentionner briêvement les influences diff~rentes .. qu'exercêfent J. J. Rousseau et Emmanuel Kant sür sa Les phique. 10nt~, la rousseauistes sur la nature, id~es la 1ibert~, sont reprises par .communaut~, pens~e l'int~riorit~, le contrat social et et ~ant, interpr~t~es philosola vo- l'~ducation int~gr~es diff~remment a son systême. Aprês sa lecture de Kant, Fichte va simplement reprendre les id~es de Rousseau et les r~interpr~ter en termes kantiens. C'est la critique qu'il fai't sur la culture en regard des moeurs, concours miner Rousseau 1anc~ par l'Acad~mie a s'insurger de Dijon en 1749, qui va d~ter­ contre les progrês de la civilisation. En effet les arts et les sciences n'ont fait par leurs développements qu'accentuer la corruption de nos moeurs. faut retourner a la C'est pourquoi':i1 nous nature (en nous-mêmes), vers nos origines, vers un certain primitivisme pour retrouver les sources premiêres de notre enfance qui, elles, Rousseau se situe donc n'~taient pas corrompues. a 1 'int~rieur Le progrês pour d'une recherche du moi, qui, pour progresser, se doit d'aller aux sources i.e. en lui-même, retourner Dieu. a cette innocence premiêre pour finalement, se perdre en Ce sont les progrês de la civilisation, ext~rieurs a toute d~marche intérieure, qui sont la source du mal che~ les hommes. est donc essentiel de r~-éduquer cette démarche du sentiment Il l'homme et de lui faire parcourir int~rieur si on veut le sauver. . 8. Seul le sentiment intérieur peut amener 1 1homme a 11amour de la vérité, celle de Dieu; un hQmme capable de rentrer en lui-même, sera intouchable par les progrês de la civilisation. Le sentiment intérieur est ce travail de 11homme qui doit retrouver sa source en Dieu et cela dans la nature même, car elle (la nature) est la volonté de Dieu~ elle est sa création. Parce que 11homme est 11oeuvre d'un Dieu bon et qu ' i1 nlest plus ce que Dieu 1 la fait, a cause de la corruption des sciences et des arts, il doit se retrouver et il ne le peut que dans le sentiment intérieur, loin des passions: "0 Vertu .. ne suffit-il pas pour apprendre tes lois de rentrer,~en soi-même, et d'écouter la voix de sa conscience dans le silence des passions?"1 Pour Rousseau la nature est un guide sage en lequel on peut se réfugier. Elle permet a 11homme d'exercer librement sa volonté et 11é10igne surtout de ce tissu de fables qulest 11histoire i.e. la corruption par la connaissance, les arts et les sciences. La sagesse, le vrai progrês de 11homme ,pour Rousseau ,ne peut se faire"qu'éloigné des progres de la civilisation: " ... l 1homme est naturellement bon ... qulest-ce donc qui peut 11avoir dépravé sinon les changements survenus dans sa consti~ution, a ce point, les progrês qu'il a faits et les connaissances qu ' i1 a acquises?" 2 Rousseau 1 J. J. Rousseau, "Discours sur les Sciences et les Arts", Du Contrat Social (P4ris: Le monde 10/18, 1963), p. 228. 2 J. J. Rousseau, "De 11Inégalité parmi les Hommes", Notes de J. J. Rousseau, Du Contrat Social (Paris: Le monde en 10/18, 1963), p. 340. 9. ne rejette pas la raison, la connaissance parce qu'elle est voulue par Dieu, mais le problême est que la raison corrompt facilement. doit donc participer L'homme a la connaissance de l 'Idée Divine avant de con- naître les progrês de la civilisation i.e. les sciences et les arts.' Sans cela la connaissance nlest qulune source de corruption, qui une projection de l lamour-propre de l'homme. Dans ce but, il est d'une importance capitale de ré-éduquer l 1 homme. L'Emile, une oeuvre dans laquelle Rousseau présente sa théo- rie de l'éducation et qu'ilconsidêre être son meilleur ouvrage ,laissé a l'humanité, 3 nous montre comment, par l'éducation, l homme se doit 1 de retourner aux soùrces, dirigé par son tuteur. tuteur applique Dans cette oeuvre, le a l'élêve les principes rousseauistes nécessaires a la démarche du sentiment intérieur et essentiels pour celui qui veut retourner a cette bonté originelle qu'il n'aurait jamais dû perdre et que Dieu pourtant lui avait donnée. Mais si l 1 homme doit sloccuper de son moi intérieur, il doit se compléter avec l'aide des autres moi, ,avec autrui. En effet écrit Rousseau: "Notre plus douce existence est relative et collective, et notre vrai moi nlest pas tout entier en nous. Enfin telle est la consti- tution de l 1 homme en cette vi'e qulon nly ,parvient jamais a bien jouir 3 Voir J. J. Rousseau, "Dialogue troisiême", Oeuvres Complêtes de Jean-Jacques Rousseau, ed. Bernard Gagnebin et Marcel Raymond (Paris: Gallimard, 1959), l, p. 934. 10. de soi sans le concours dl autrui> 4 sera le Moi de Fichte. que parmi les hommes. sa libert~ Le Il'ioide Rousseau est cOlTIne le Il est un moi social 00 l 1 homme nlest homme Il y a do~c n~cessit~" pO,ur que chacun conserve et celle des autres, d'avoir 'un contrat social qui doit être le voeu de la volont~ g~n~rale et non celui de Ce l'int~rêt priv~. pacte social est un acte volontaire de tous les membres d'une même communaut~. Ce qui fera ~crire a Kelly que "l homme 1 id~al de Rousseau est en fait un homme et pour lui-même et pour les autres." 5 Le contrat social est un consentement volontaire, il,est une soumission librement consentie par l 'homme~le citoyen qui vi vre dans telle ou telle soci~t~, les membres de l'Etat est la sont ci toyens et libres. lont~ Il 6 volont~ volont~ g~n~rale: de constante de t,ous ,clest par elle qu'ils Le nioi de Rousseau doi t soumettre sa vo- particuliêre au profit de la il travaille au Bien de la car: "La d~cide volont~ g~n~rale, Communaut~. Cette par la. seulement' volont~ g~n~rale sera 4 J. J. Rousseau, "Deux; ême Di al ogue", Oeuvres Corn lêtes de JeanJac ues Rousseau, ed. Bernard Gagnebin et Marcel Raymond Paris: Gallimard, 1959 ,l, p. 813. 5 G. A. Kelly, Idealism Politicsand Histor : Sources of He elian Thought, (London; Cambridge Univ. Press, 1969 , p. 48. (Note: Nous vous r~f~rerons plusieurs fois a cet ouvrage de a. A. Kelly dans notre travail. Aussi pour ne pas briser la rythme de lecture, nous avons traduit en français les passages emprunt~s a cet ouvrage.) 6 J. J. Rousseau, Du Contrat Social, (Paris: Le monde en 10/18, 1963), p. 153. 11. diff~rente vont chez Kant. d~terminer hommes. la En effet, ce sont des lois universelles, qui libert~ Chez Fichte, cette f~remment: de la volont~, la volont~ se traduira aussi, dif- volont~ g~n~rale elle sera le voeu commune des g~n~ral command~ par un Devoir général inatteignable bien sOr parce qu'il est un Idéal. La Raison absolue chez Fichte vers laquelle le Moi formel se dirige, dans un effort jamais achevé, ne peut être atteinte sur la terre, elle peut seulement par 1 1 abstraction être entrevue mais jamais r~alisée. Rousseau se crée donc une philosophie tout en se créant parmi ses contemporains des ennemis. ne lui pardonnent pas de les avoir Intellectuels et politiciens d~rangés dans leur conscience et d'avoir attaqué surtout ce qu'il y a de plus extérieur au sentiment int~rieur; le monde, le pouvoir établi, l 1 intérêt privé, les passions, l'égoisme individuel. Son opposition contre l 'intolérance et le dog- matisme de l'Eglise, contre la métaphysique et l 'autorit~ eccl~sias­ tique et contre les progrês de la civilisation 'lui occasionnent de farouches oppositions parmi les intellectuels tels Grimm, Diderot, Voltaire, d'Alembert, etc. t~ On ne lui paraonne pas d'affirmer la bon- originelle de l 1 homme 'corrompue par la 11 évol uti on dos arts et des sei ences. sociét~ des hommes et par, On ne peut permettre a Rousseau de renverser du revers de la main, la marche irréversible de l'histoi're, l'~volution de l 1 homme lui-même, sa civilisation. On retrouve dans l'oeuvre de Rousseau les idées de dignité, de liberté, de et de moralité essentielles a la volont~ reconstruction de l 1 homme nouveau, mais ces idées semblent défier toute l'expérience historiquement .12. humaine. K~lly C1est d'ailleurs cette contradiction qui fera écrire à que: "Rousseau attaqua les progrês de la civilisation et la mission du savant mais il était cultivé et essaya de promouvoir les intérêts de l'humanité - ses actes s lopposent donc à ses principe"s." 7 Pour Kant, les choses sont différentes. Quoiqu'influencé par Rousseau, Kant, nous pouvons le dire, sloppose dans son systême a Rousseau. Kant jouit d'une influence déterminante dans l'orienta- tion philosophique de Fichte et est avec Rousseau, celui qui a marqué le plus le systême fichtéen tout entier. La nature, pour Kant, ne peut jamais être connue ici-bas par l 1homme. La seule possibilité pour l 1homme , c1est d'avoir une idée de la nature, une idée théorique organisée dans un tout organique, mécanique oD chaque partie est nécessaire pour la compréhension du tout. Seule cette idée téléologique de la nature peut guider l'hom- me dans sa connaissance théorique et pratique. a découvrir certaines causes du pourtant l'aider a découvrir toutes les l 1homme philosophie systématique. ganiser lui-même. Elle seule peut aider mécanisme de la nature sans causes, même avec l'aide d'une Cette idée de la nature aide l 1homme a slor- Cette idée que '1 1homme a de la nature, n1est pas la Rature elle-même, mais une idée qui a une valeur subjective. l 1homme rationnel espêre que son observation des phénom~nes En effet, correspond 7 Kelly, Idealism, Politics and History .. .., p. 183 (notre traduc- ti on) . 13. bien a l 'id~e ture organis~e qu'il se fait de la nature. de façon m~canique Pour Kant, être accompagnée pour Kant d'un cet int~rêt des ph~nomênes, de la na- permet de poursuivre les buts de la Ainsi l 'id~e de la nature qui est une libert~. l'id~e int~rêt id~e th~orique moral. doit C'est seulement avec moral que nous pouvons comprendre l'organisation mécanique et une raison d'oO la n~cessit~ pour Kant d'avoir une raison pratique Ainsi si la Nature en elle-même ne peut être th~orique. connue par l 'homme rationnel, ce dernier a besoin en plus de l'idée de la nature qu'il a, connaissance et ge l 'homme d'id~es n~cessaires a connaTtre pratiques, de buts moraux essentiels pour sa liberté. de la nature obli- car c'est la seule façon pour l'homme de sortir de son barbarisme et de s'approcher qu'il y a ici une idée L'id~e a sa a l'infini de la ~ature. Notons d'infinit~. Contrairement à Rousseau qui voit une contradiction inh~rente entre la nature et la civilisation, entre la civilisation et la morale, la civilisation est pour Kant un trait d'union entre la nature et la morale. En effet, l 'homme dans sa connaissance de la nature a besoin en plus d'une philosophie assur~s syst~matique, des progrês de la civilisation, par la culture. C'est ainsi que l'homme rationnel chez Kant crée et fait l'histoire. La culture est pour Kant l'instrument de la raison et en même temps, la source de la morale. qui unit la raison pratique et la raison d~veloppement a travers La culture est ce lien th~orique. La culture par son est cette idée kantienne de l'histoire qui l'homog~n~isation de la nature. ~merge dans et La culture est le moyen par 14. lequel la raison s:'~duque. kantienne de l'histoire est Ce qui nous permet de dire que l'id~e d'une ~ducation l'id~e historique de la raison. Dans ce but d'éducation de la raison, l'homme a besoin de la loi morale, qui, selon Kant, n'est qu'une pratique. La Raison Pratique a parce qu'elle est command~e priorit~ de la raison cr~ation sur la raison par le devoir. En d~pit th~orique, des apparences qui sont seules choses accessibles a l'homme dans sa connaissance du monde de la nature, la raison pratique peut entraîner la l'honme a accomplir son devoi'r. volont~ de Seule une détennination libre de la raison pratique peut amener 1 'homme en toute liberté a se pencher sur la nature et accomplir par la son devoir~ Seule la raison pratique peut amener l'homme,a comprendre la nature humaine et son histoire. Pour que le monde ait un sens, l'homme rationnel est, chez Kant, la fin, le but ultime. L'homme rationnel qui détennine la loi morale et y obéit, peut seul donner un sens au monde et ne peut le faire que dans une philosophie systématique. C'est le problème que Kant a traité dans sa ,Critique du Jugement. L'homme chez Kant fait l'histoire, il la crée par 1 '~volution de son agir moral et de ses actions humaines. nuité historique, et voit la de 1 'histoire. n~cessité, L'homme assure la conti- dans son agir même, d'un progrès Contrairement a Rousseau, la course de l'histoire pour Kant est irréversible et ne peut s'arrêter. Elle est assurée par la connaissance de l'homme qui connaît et découvre la nature. Cette 15. connaissance est au service de la race, de l'humanité toute entière qui est a la recherche de la sagesse et de la vraie liberté. L'his- toire ne concerne pas un individu seul, mais bien la race humaine toute entiêre qui progresse, "comme un tout, dans une continuelle, progressive et lente évolution de son pouvoir original." 8 Clest bien parce que l 1 homme s'inscrit dans une continuité historique que Kant ne veut pas composer lui-même l'histoire, mais qu'il veut seulement donner des indications composer l'histoire. a celui que la Nature aura choisi pour Il le fait en produisant neuf thèses pouvant créer un projet d'histoire universelle. Clest parce qu'il y a nécessité de faire évoluer la race humaine qu'il est nécessaire a l'individu d'utiliser les capacités natu- rèlles que la Nature lui a données, et cela a son maximum, car courte est la longévité de la vie humaine. Mais parce que la raison ne vient pas toute seule, cela prend du temps et plusieurs générations d'hommes pour que vienne enfin le règne de la Raison: "La raison ne vient pas instinctivement, elle demande de l 1 effort , de la pratique, une instruction pour pouvoir progresser intérieurement." 9 ducation élève l 1 homme , la race humaine a la Clest ainsi que l'é- sagesse a l'idée de la 8 Immanuel Kant, "Idea for a Universal History ... ", On History, trad. Lewis White Beck, Robert E. Anchor, Emil L. Fackenheim, ed. Lewis White Beck (New York: Bobbs-Merrill, 1963), p. 11. (notre traduction). 9 Ibid., p. 13 16. raison: IILa science .•. est la porte étroite qui conduit il la doctrine de la sagesse si l'on entend par la, non seulement ce que l'6n doit faire, mais ce qui doit servir de rêgle aux maîtres pour bien préparer et faire connaître le chemin de la sagesse ..• 11 10 Qu'il y ait distinction entre la raison théorique (la science) et la raison pratique (l'activité morale) il s'agit toujours de l a raison, dans laquelle le IIsujet ll conn ai ssant et le IIsujet ll moral est il la recherche de la vérité. Kant met ses espoirs dans une philo- sophie systématique qui au lieu de remonter il ses origines se donne des buts qui, venant de la raison deviennent une nécessité morale travaillant pour le futur, pour l'histoire universelle. Il est incontestable que Kant a été influencé par les idées de liberté, de j usti ce, de contrat soci al, de di gnité, d' égali té et d'autonomie que l'on retrouve chez Rousseau. 11 Tout comme Rousseau, Kant veut découvrir un état plus originel et plus profond, mais cela ne peut se faire que dans la raison pure et non par le sentiment. Alquié écrit de Kant que Il • • • dans l'appel que fait Rousseau il l'in- stinct divin, il aperçoit l'appel il la raison pure, faculté il la fois 11 Voir Emmanuel Kant, IIIntroduction de Ferdinand Alquié ll , Cri- tique de la Raison pratique, trad. de François Picavet (Paris: P.U.F., 1943), p. VII. intérieure et supra-sensible, et qui nlest pas le sentiment. 1I 12 Mais même s'il y a chez Kant cette séparation entre la Connaissance et la Mor'alité, l 1 homme se doit d'exercer sa volonté et se do'it d'être un homme de devoir, s'il veut agir dans le cours de l'histoire, établir les bases et les r~gles d'un contrat social capable de fonder une société civile universelle, une constitution clvlque universëll e comme il les ug~re dans l es ci nq derni ~l"es thêses. 13 Se tourner vers le passé comme le fait Rousseau nlest pas la solution ni pour Kant ni pour Fichte. Il est impossible dë s'éloi- gner des progrês de la civilisation, même si, comme le dit Rousseau, les développements de la science ont amené la corruption dans les moeurs de l'homme. Ainsi en se servant des institutions déjà établies, il faut arrêter de faire les guerres, éduquer 1 1 humanité 14 et se sortir avec courage et volonté de la tutelle dans laquelle 1 'homme siest enfermé. 15 Seule la volonté, le devoir, la foi et la raison pratique 12 Voir Emmanuel Kant, IIInt'roduction de Ferdinand A1quié ll , Critique de la Raison pratique, trad. de François Picavet (Paris: P~U.F~, 1943), p. VIII. 13 Voir Kant, Idea for a Universa1 History •.. ; pp. 16-27. 14 Voir Ibid., Se thêse, p. 23~' 15 Voir Kant, IIWhat is En1ightment?1I On History, p. 3. 18. peuvent redresser les torts d~jà faits à 1 'humanit~ car l'homme se doit d'être un homme en progrês constant en quête du souverain Bien. C'est pourquoi ~crit Kant: " ..• nous devons chercher à fërden) le souverain bien ... Il r~a1iser (be;.. 16 La philosophie de Fichte est une philosophie essentiellement de l'action, une philosophie id~a1iste qui demande à la nature spiri- tuelle du Moi d'agir sur la nature matérielle et sensible. Il lui faut agir sur le monde et sur la nature car c'est cette derniêre qu'il faut contrôler. 17 Il ne s'agit plus comme chez Kant de se laisser 9éter- miner par la nature mais d'agir activement sur la nature. Le monde sensible peut mener 1 ,'homme à se détruire lui-même, à détruire l'humanit~. C'est donc à la Conscience ficht~en s'adresse. d~passement, profond~ment humaine que l'id~a1isme Cet appel est exigeant car il convie l'homme au fruit de la volonté et du libre exercice de sa liberté. Fichte ici utilise 1 'id~e kantienne de l'effort, pratique, par un but moral. command~ par la raison En effet pour Fichte: "1'individu 'ne se trouve', ne se réalise, n'est en route vers la plénitude de son identit~ que lorsqu' i 1 consent à 'se perdre' dans ce qui, à 1a foi s,le consti tue', 16 Kant, Critique de la Raison pratique, p. 134. 1,7 Il nous semble important de noter ici comment la foi chez, Kant est une foi historique en la nature même, qui se révê1e en conformit~ avec la raison, avec la vo1ont~. Alors que chez Fichte, la foi est un acte volontaire qui demande à la nature de se conformer aux demandes de la vo1ont~ même, aux demandes de la ràison. 19. le d~passe et l'accomplit". 18 Alors que Rousseau veut retourner à l'innocence originelle, à cette puret~ primitive pour se perdre dans la nature i.e. en Dieu, Fichte lui veut repenser l'acte originel, l'acte là-même agir sur la nature. même de la cr~ation ·pr~-conscient et par Fichte veut repenser la nature et l'acte divine, et par là rejoindre Dieu. Il ne s'agit pas pour Fichte de se perdre instinctivement dans la nature comme le fait Rousseau ni d'être dirigé passivement par le comme chez Kant. m~canisme naturel "La nature, pour Fichte, est simplement la condition, bien qu'une condition n~cessaire à l'expression de la vo10nt~ morale." 19 Ainsi pour Fichte, la seule r~a1it~ l'homme qui est elle, expression de est celle de l'activit~ l'activit~ morale de infinie. Mais seule une conscience morale est capable pour Fichte d'agir sur la nature car l'homme tout en ~tant intelligence, est aussi conscience morale. Seule la conscience est capable chez Fichte de produit de la nature, à l'Esprit, là 00 r~side la celle de Dieu. L'homme pour Fichte est activit~ r~unir 1ibert~, l'homme, la vraie, dans la nature, il ne la subit pas passivement, non, il est libre: "Je n'ai pas faim parce que la nourriture existe pour moi, mais un quelconque objet devient nour. ri ture pour moi parce que j'ai fai m." 20 Avec l'ai de de la loi mora i e, 18 J. J. Rousseau, "Pr~sentation par Henri Guillemin", Du Contrat Social, p. 21 19 Frederick Cop1eston, S.J., "Modern Philosophy: Part 1, Fichte to Hegel", A History of Phi10sophy (New York: Image Books, 1963), VII, .p. 92. {notre. traduction} . 20 Ibip~, p. 84 (notre traduction) 20. l 1 homme est libre car il se nature. d~termine libre en se d~terminant lui-même Par le saut de la loi morale, l 'homme sujet, s'objective dans une abstraction vers la r~alisation de son indépendance. La conscience est pour Fichte le juge suprême dans la vie morale pratique de l'homme. La conscience est le guide de la conduite morale, elle ëst la nature même, elle est ce qui permet au moi-sujet-objet de se diriger vers son but ultime: le Sujet Absolu. tion impossible a soutenir Pour Fichte, Kant.s'est mis dans une posi- en soumettant notre connaissance de la nature au concept de la causalité. 21 Ainsi pour Fichte, il faut transformer la philosophie kantienne en éliminant la chose-en-soi et permettre raison de se déterminer elle-même. a la Or dans ce but, Fichte va utiliser la doctrine de la raison pratique de Kant et l 'appliquer a son systême tout entier, oD le Sujet absolu deviendra pour la Raison pratique, le modêle pour le Moi et son activité morale. Clest autour de la Raison pratique que Fichte va construire tout son systême, dans lequel le Moi absolu deviendra un but a atteindre, un effort jamais terminé, une course infinie oa la consciencê"'individuelle va s'efforcer de conquérir sa propre liberté. L'homme est confié a lui-même et doit lui-même atteindre la liberté absolue mais: "L'homme, sans doute, est confié a lui-même, et en ce sens três précis, il est responsable de soi, mais justement parce 21 Voir Frederick Copleston, S.J., "Modern Phi16sophy: Part l, Fichte to Hegel", A History of Philosophy (New York: Image Books, 1963), VII, p. 17, aussi p. 23. 21. qu'il est confi~ a soi, libert~ absolue." 22 il demeure liens creatum" et n'atteint pas la C'est une lutte perdue d'avance 00 tout r~si­ de dans l'effort; mais peut importe, l 'homme conserve sa laquelle il n'y a aucune limitation. libert~, sur C'est ainsi que l'homme fait l'histoire et sans cet effort continuel, il n'y aurait pas d'homme, il n'y aurait pas de Dieu ni de la cr~ature cr~ation, pour atteindre la libert~ il n'y aurait pas d'effort de absolue. Et, continue Philonenko, "11 (Fichte) développe alors une vision dialectique de l'histoire. En cette vision dialectique, aucune autre nécessité n'est compréhensible que celle de la liberté, qui relie dans l'ordre moral du monde, dans la construction du 'divin' même les libres consciences ... "Le mouvement de la libert~ est pour Fichte un progrês incessant - mais aussi tou- jours contingent, en ce sens que rien ne peut d~terminer absolument un acte libre et que la liberté est nécessité parce qu'elle ne possêde pas un fondement, mai s est au contrai re fondement ori gi nai re, ... Il 23 C'est parce que l'homme est libre qu'il crée et fait l'histoire et que l'histoire est une dialiectique 00 le Moi formel essaie d'atteindre le Moi pur par l'abstraction et entrevoit l'Idée Divine pour aider ensuite a sa réalisation. L'Id~alisme transcendantal c'est l'histoire de l 'hom- me en tension continuelle entre son Moi fini et Dieu le Moi infini, c'est cette tension entre la conscience de l 'homme et ses efforts conti- 22 A. Philonenk6, Théorie et Praxis dans la pensée morale et politique de Kant et de Fiéhte en 1793 (Paris: Vrin, 1968), p. 98. 23 Ibid., p. 99 · .22. nuels pour penser l 1acte l 1acte original. pr~-conscient, le Moi doi t agi r, lise poser Il , se situer et l a seul ement activit~. "Pour Fichte •.. le philosophe est engag~ Pour Fichte, r~s i de son consciemment a re- construire ... un processus actif, soit le fondement de la conscience." 24 Il est int~ressant de voir les attitudes diff~rentes a l'~gard de la culture. Tous deux sont convaincus a la libert~, mais Kant s'intéresse a l'observation de Kant et de Fichte que la culture mêne du processus histo- rique alors que Fichte s'int~resse par l 1homme lui-même. Fichte slempare de la culture comme d'ün instru- ment essentiel au d~veloppement au processus en le faisant réagir de l 1homme , permettant de réun~r la théo- rie et la pratique, d'agir sur la nature et de faire l'histoire. C1est pourquoi la philosophie doit agir dans l'e5prit du temps. La th~orie doit pouvoir se réaliser dans la pratique. L'esprit de la Doctrine de la Science est conçu dans le sens de l'esprit de la Révolution française de 1789; elle (la W. L.) se veut révolutionnaire dans l'esprit du temps et la s'étendre reg~n~rescence de 1 'A11emagne pour finalement a 1 'humanit~ toute entiêre. Car c1est aux Allemands qu1est échue la mission de sauver 1 lhumanité. Les Français ont failli a la tâche. Ainsi Rouché écrit: " ... les massacres de septembre 1792, 1 lexécution du roi, la Terreur convertirent instantanément la sympathie des Allemands pour la France révolutionnaire en mépris et en haine ... ils avaient déshonoré la grande cause de la Révo1ution." 25 L'Idéa24 F. Copleston, A History of Philosophy, Vol. VII, p. 68. 25 J. G. Fichte, "Introduction de Max Rouché", Discours a la 23. lisme de Fichte construit donc l 'histoire en même temps que l'esprit. Considéré comme Jacobin, tout comme Rousseau et Kant d'ailleurs, il . veut faire de sa philosophie, de son systême une vérité salvatrice, capable de sortir l'humanité de son enfance, de l'opinion et des passions. C'est pourquoi il propose a la nation allemande un socialisme d'état, une réforme complête de la société .. Influencé par le message de liberté de Rousseau, il utilise les principes rousseauistes de la Volonté générale et du Contrat social. La moralité de Fichte va de- venir une moralité sociale; empruntant la voie sociale de Rousseau, mais qu'il utilise en termes kantiens, elle prend un sens différent. En èffet, il n'est plus question pour Fichte de passer uniquement un contrat entre desi ndi vi dus et d'obtenir un consentement. La société politique.,dirigée par un Etat, acceptée par tous les membres de la communauté, est le lieu, le cadre dans lequel la loi mora1e peut être appliquée et peut permettre a l'homme de continuer son effort vers la liberté absolue. membres de la C'est a partir de la société, de cette pluralité des communauté~que Fichte va développer sa théorie du Devoir Général, commandé par la ,110i morale. A chacun des membres de la Nation est exigé des devoirs particuliers, faisant par la du concept du droit un concept essentiellement social. C'est parce qu'il existe une pluralité d'individus que cette société a besoin de l'Etat qui seul\ est capable de faire respecter la liberté. tifs d'ordre moral seulement. L'Etat existe pour des mo- L'Etat est un moyen mis a la disposition Nation Allemande, trad. par S. Jankelevitch (Paris: Aubier-Montaigne, 1952), p. 27. 24. des hommes pour faire respecter les droits et L'Etat Il • • • est d'ailleurs vou~ a disparattre. l'Etat est un instrument n~cessaire libert~s En effet, a la de chacun. ~crit p~servation Copleston, du systême des droits, aussi longtemps que l 1homme n'a pas atteint son plein veloppement moral ..• 11 26 d~­ Ce qui en pratique n'arrivera jamais sur la terre, parce quelll',honme est un homme fini, imparfait, en marche, a la recherche de la perfection. L'Etat qui est le voeu généràl de la communauté a ici le pouvoir de faire respecter les droits de tous; elle est,l'expression de la libert~ que son but final soit atteint. de la personne humaine jusqu1a ce En effet: IIL'Etat ne vise qu'a sa propre négation ..• et ne doit vivre que pour mourir. Il 27 c"e pouvoir librement t~ gén~rale que soient communauté. ~tabli ['Etat est dans un contrat social, qui est la volon- de tous et qui permet l'usage de la force coer.citive afin respect~s l 1ordre et le devoir de tous les membres de la Cet Etat est un Etat rationnel commandé par la Raison se- lon le troisiême principe de la Théorie de "la Science: La Morale. Dans la "edUque "de la Raison Pratique nous voyons l'homme kantien continuellement déchiré entre sa volonté et l'attrait superfi- 26 F. Copleston, A History of Phi10sophy, Vol VII, p. 46 (notre traducti on). 27 A. Philonenko, Théorie et Praxis . . ., p. 144 . 25. ciel du monde L'homme, chez Kant, est moralement respon- ext~rieur. sable de l'orientation de sa buer a l'~volution de la race humaine toute entiêre, la Raison. Mais ces volont~, Seul son IIV'ouloir ll peut contri- volont~. id~es kantiennes de la libert~, a l'avênement du devoir, de la de la raison pratique prioritaire sur la raison lesquelles id~es Il • • • diff~rent ' , losophés',ont: th~orique, Fichte emprunte à Kant, prennent un sens dans la philosophie de Une ficht~enne. diff~rence telle que les deux phi- une conception de l'homme bien différente qui les guide l'un et l'autre. Plac~s devant un même problême, les deux phi- losophes choisissent des voies opposées." 28 Les' problêmes pratiques de la politique, de la rences. 29 soci~t~ et de l'Etat montrent bien ces diff~­ Alors que Kant fait une distinction entre les citoyens passifs et actifs d'une même communaut~, Fichte accorde la libert~ à l'homme de choisir ou de rejeter son appartenance' à telle ou telle communaut~. L'Etat est pour Kant une fin en soi permettant d'amener l 'hom- me à la Raison. L'Etat kantien est une nécessit~ command~e par la Na- ture et qui ,permet aux ,hommes de vivre selon des lois, des droits et des libertés d~termin~es ment, un moyen destin~ Fichte fait de l'Etat un instru- à mourir, faisant de l'homme une fin, jusqu'à ce que soit atteint la 5e Pour Fichte, il y a d'avance. ~poque, ~~ la Raison Absolue, l'Art. alors de vivre en dehors de l'Etat car possibilit~ l'homme aura atteint son plein celle d~veloppement moral~ 28 Philonenko, Th~orie et Praxis ..• , p. 158. 29 Voir ibid., pp. 156-159. Alors que Kant 26. distingue l'~galit~ monarchie, donc de droit et l'in~galit~ l'~galit~ de fait justifiant par làl1a entre les hommes,Fichte au contnaire, ~le­ vant l 1 homme au-dessus de tout ce qui constitue l'existence de l'Etat, va favoriser tion. id~alement 1 '~galit~.humaine entre les hommes sans distinc- Ainsi slil y a d6mination des classes instruites sur les classes cette inf~rieures, dominatio~ n'est que temporaire parce qu'elle dispa- rattra dans le rêgne de la Raison 00 tous les hommes seront ~gaux. Alors que Kant, au nom de la monarchie, va justifier la répression contre la révolutiofi~aFichte considêre que la R~volution est essentielle pour sauver la l'humanit~; R~volution R~volution: il la confie d'ailleurs au peuple allemand. française de 1789 a trahi le but véritable de la vraie la Liberté. De toute façon pour Fichte, il ne peut y avoir de rébellion sur terre, car la seule Dieu. En effet, r~bellion Pour Kant, l'Etat, de nature, est en. C'est pourquoi y a-t-il n~cessité de faire respecter l'ordre. possible est celle contre ~ ~tat de guerre oontinuel. d'avoir un monarque, un maître capable Fichte ne voit pas la corruption dans l'Etat, mais dans l'égoisme individuel. C'est cet égoisme individuel qui trop souvent empêche le Moi formel d'atteindre le Moi Idée. [1 lui faut se dégager de l'égoisme par l'abstraction, l'acte de réflexion. Commandé par la loi morale, l'homme doit construire le monde et sa vocation est celle d'apprendre et de tendre vers la perfection, d'être en route, de "tendre vers", de devenir, d'atteindre dans toute sa grandeur l'Idée du Moi. C'est pourquoi l'Etat, pour Fichte, est le voeu général de la communauté, il est son instrument, car en même temps qu'il permet le 29a Voir ibid., pp. 156-159. 27. d~veloppement leur moral des membres de la communauté, il permet aussi ~ducation. C'est par l'Etat seul qu'est possible l'~ducation. L'Etat, dirigé par.le Rof-~h~losophe, a la mode kantienne, va permettre aux savants-possesseurs de la bres de la communauté. v~rit~, d'~duquer tous les mem- Les savants sont ceux qui possêdent l'amour de l'Idée, ceux qui en possêdent la connaissance et qui ont le devoir de communiquer cette connaissance aux autres afin que tous se retrouvent dans l'époque finale 00 i besoin de maTtres, 00 professeurs et la Raison. guid~e 'humanit~ renouvelée n'aura plus ~tudiants vont se retnouver dans Dans ce but, la nation allemande doit devenir une école par des tuteurs, jusqu'à ce et tuteurs, éduqués qu'~tudiants et éducateurs se rejoignent dans le partage commun de la Raison. Nous retrouvons ici l'influence rousseauiste de l'Emile, 00 le tuteur dirige son élêve jusqu'à ce que celui-cf retrouve sa source originelle en Dieu. Mais le systême d'éducation de Fichte, contrairement à Rousseau, a besoin de la contrainte pour bien fonctionner. coercitive, légalisée par l'Etat (voeu utilis~e de la Communauté), et par les savants qui possêdent déjà la connaissance de l'Idée Divine,peut aider 1 'humanité une g~n~ral Seule la force ~ducation a r~aliser, a faire, son histoire. Seule coercitive peut être en mesure de construire la dialecti- que ascendante de 1 'histoire et renouveler 1 'humanité. veau que Fichte veut bâtir. La fichtianité est une oeuvre prophétique, et Fichte en est son prophête. tiêre de Fichte. C'est l'homme nou- Elle est la vie et 1 'oeuvr.e toute en- Apôtre de la liberté, Fichte " ... écrivit et parla 'plus passionnément de la mission divine de démique, la province de l'homme qui aime l'~ducation l'Id~e, et de l'appel aca- non au-dessus de toute 28. Il autre chose, mais parce qu'il n'aima qu'elle 30 Nous verrons dans un premier chapitre que l'origine du projet d'Education se trouve dans la verrons que l'unit~ de Th~orie de laSèiénce. Nous pose un problême de taille pour l'exp~rience '. le Moi en quête de l'Absolu, de la Libert~. Le Moi qui accepte de se poser, d'agir va le faire par l'abstraction, l'acte de Malgr~ des l'opposition d'un Non-Moi, du piêge de la èhose-en-soi et rep~sentations, saut dans la l'activit~ a la r~flexion. la loi morale va permettre au Moi d'accomplir de libert~. La loi morale sera ce qui permet de fonder du Moi, de l 'aider dans son effort. probl~matique l'~ducation, La solution pratique de l 'unit~ de l 'exp~rience, Fichte la trouve, dans instrument de l 1 effort de l 1 homme et du progrês de la Raison. Un deuxiême chapitre va nous montrer ce qulest le projet ~'Education Nouvelle. L'~ducation pour Fichte est une initiation,une i nci tati on, un apprenti ssage qui a pour tâche de former 11 homme nouveau. '. L'~ducation a pour mission d'~duquer la volont~ de l '~lêve, de lui donner des connaissances religieuses, spirituelles, manuelles et physiques et surtout de d~velopper S'inspirant du systême chez lui l'amour des hommes entre eux. d'~ducation de Pestalozzi, Fichte sien ~loigne en favorisant l'internat, milieu par excellence du savoir. 30 Kel1y~ Idealism, Politics and History traducti on). •• • ! p. 187, (notre 29. Un troisiême chapitre sera consacré aux "maî'tres" du p}'ojet de l'Education Nouvelle; les classes instruites: les savants. Nous verrons que ces derniers sont des "envoyés" qui ont pour mission de communiquer aux autres l'Idée Divine. se donner un instrument a la Dans ce but les savants doivent hauteur de leur mission: ~'Etat. Ce pro- jet demande la parti:cipation et la collaboration de tout le peuple all emand parce que c'est au Moi 1ui -même qu' ils' adresse. 30. CHAPITRE 1 - L'ORIGINE DE L'EDUCATION NOUVELLE: LA THEORIE DE LA SCIENCE 1. L'Unité de 1 lexpérience: une quête de 1 lAbso1u. Il est habituellement accepté de voir chez Fichte une évolution dans son systême du monde. Trois périodes importantes sont distinguées, et correspondent aux différentes époques de la vie du philosophe. 1 Malgré les différentes expositions de la Théorie de la Science, il y a une unité dans le systême de la connaissance chez Fichte. Cette unité se situe au niveau d'une recherche volontaire de 1 l abso1u. L'unité de la problématique fichtéenne se situe au-de1a d'une analyse 1 Voir Didier Julia, Fichte: Sa Vie, son Oeuvre (Paris: P.U.F. 1964), p. 13. a) philosophie du Moi (1794-1799) appelée Idéalisme absolu; b) philosophie de 1 1 Etre (1800-1802) appelée Réalisme absolu; c) philosophie de 1 1 Absolu (1804-1814), synthêse des deux premiers moments. Pour comprendre le rôle de 1 'Education dans la philosophie de Fichte, il nous faüt d'abord passer brièvement par la Théorie de la Science qui est le centre de la philosophie fichtéenne, de laquelle tout découle. Il serait trop long dans le présent travail de discuter les différents exposés de la Théorie de la Science: ce nlest ni notre intention, ni le but de ce travail. De toute façon, il est bien connu que si Fichte a repris de nombreuses fois l'exposition de la Doctrine, clest qu'il avait conscience de ne pas être compris. Ses adversaires le forceront souvent a utiliser leur langage et il le fera dans le but d'expliciter davantage sa doctrine, de clarifier et d'enlever toute confusion et toute erreur pouvant se glisser par la méprise de ses adversaires. Accusé d'athéisme, il se défendra en expliquant que son systême ne contredit pas la religion. Répudié par les romantiques, il utjlisera leur langage pour leur montrer qu'il a dans son systême le sentiment de la nature et le sens de l'Infini etc ... Pour toutes ces considérations la problématique de la sujet-objectivité dans ce travail, est basée sur les textes de philosophie premiêre qui s'échelonnent de 1794 a 1799. 31. de l'homme, de la conscience perceptive, de la volonté et de l'effort. Cette unité que recherche Fichte est une unité dans l'absolu i.e. une unité de la liberté et de la nécessité, du sujet et de l'objet, dU·:fini et de l'infini, de l'homme avec Dieu, du Créateur et de sa création. Ainsi le problême de la connaissance chez Fichte est celui de l'unité de deux tendances différentes qu'il s'agit de réunir dans un effort .. continuel mais jamais réussi. cour~ Jamais Fichte ne se reniera et tout au de sa vie, il cherchera dans un continuel effort a concilier par la sujet-objectivité, i.e. par la réflexion du Moi sur lui-même, ces deux tendances toujours différentes: la liberté et la nécessité. ce qui fait dire a x. C'est Léon "qu 'il y a vraiment quelque chose de drama- tique, on pourrait dire d'héroique, dans cette lutte de la pensée contre elle-même pour arriver a concilier deux tendances •.. dans cet effort pour contraindre en quelque sorte l'absolu a entrer dans les cadres du relativisme critique." 2 Le problême de la connaissance se situe donc dans cette relation sujet-objet, qu'il s'agit de réunir pour trouver la solution du savoir. Le sujet se doit de prendre connaissance de la réalité extérieure, du monde de l'expérience, pour continuer la création que Dieu lui a con~ fiée; par la seulement, le Moi peut entrev·oir la liberté absolue; le SUjet absolu: Dieu. Mais seule la conscience peut permettre au Moi une analyse réflexive du Moi sur lui-même, du sujet sur l'objet. 2 En effet: X. Léon, "Introduction", Fichte et son temps, T. I, p. 5. 32. .. "Tou:(::le m~canisme de l a conscience repose sur la vision !11ultiple de cette s~paration et de cette r~union du subjectif et de l 'objectif. Il 3 C'est pourquoi le sujet ne doi t pas rester dans l'attitude uniquement passive de sa perception sur la nature, mais il doit agir, et agir continuellement, a tout instant. Ce n'est que dans une que le sujet peut agir et essayer de tenminer cette ture, cet Univers cr~e cr~ation cr~ation, par l'Un, l'Immuable, l'Eternel. continue cette na- Comprenons bien ici que pour Fichte la solution de la connaissance du monde et de la conscience ne se trouve pas dans l'action de l'homme sur la nature. Non, cette solution se trouve dans la philosophie même, dans une connaissance philosophique capable de comprendre et d'originer l'action, et d'unir par l'abstraction le sujet et l'objet. Cette solution se si- tue au niveau de l'abstraction, d'une intuition intellectuelle capable de comprendre et d'engendrer toute connaissance et toute action. Il doit exister un savoir de l'action qui malheureusement pour l'homme demeure son absolu; car ce savoir est un processus jamais achevé, un perpétuel effort vers l'achêvement de ce savoir inatteignable pour l'homme. Le seul savoir qui est penmis celui qui mêne un savoir, a l'homme est le savoir philosophique, a l'action, a l'activité pratique de l'homme. L'homme a limit~ par les bornes de l'intelligence, qui se situe dans une intuition philosophique de '.'l'agir". La sujet-objectivité de l'hom- me se révêle mais ne peut se réaliser dans le savoir philosophique. 3 J. G. Fichte, The Science of Ethics as based on the Science of Knowled e, trad. par A. E. Kroeger, ~dition de 1798, ed. par W. T. Harris London: 1907), p. l, (notre traduction). 33. Le savoir philosophique amêne une r~a1isation, l'Absolu. l'Abso1~, car la ~alisation r~v~lation a l'homme, non pas une ne peut se trouver qu'en Dieu, que dans L'unit~ du sujet et de l'objet ne peut se r~aliser que dans que dans celui qui a même. Ainsi il cr~e le monde sensible, et l'homme 1ui- y a dans le Moi, dans le sujet quelque chose de plus profond que le. Moi lui-même: il y a l'Idée du Moi. L'Idée du Moi reste inaccessible a la conscience du Moi, elle est ce vers quoi le Moi doit se rapprocher mais· qu'il ne peut atteindre que par le seul savoir philosophique. Le Moi doit "tendre vers", se diriger vers est l'Absolu, entrevu seulement par le r·10i, tique. 1imit~ l'Id~e du Moi qui dans son activité pra- C'est pourquoi une partie seulement de l'Idée Divine est inat- teignab1e par le savoir philosophique. Le Moi se doit de tendre vers l' Idée du Moi, vers le Moi pur, montrant par la la différence entre le Moi comme intuition et l'Idée du Moi, de même :que les limites du Moi lui-même dans sa recherche et son effort. "La philosophie toute entiêre part du Moi comme intuition qui en cons ti tue le c.oncept fondamental; e11 es' achêve dans l' 1dée du Moi; cette Idée ne peut être établie que dans la partie pratique, comme but suprême de l'effort de la raison. Le Moi ..• Idée ••• ne peut être pensé de façon déterminée et il ne le sera jamais effectivement, mais nous devons jusqu'a l'Infini nous approcher de cette Id~e." 4 C'est pour 4 J. G. Fichte, "Ile Introduction a la Doctrine de la Science (1797), XIe, XIIe Sections"~ 'Oeuvres choisies de Philoso hièPrèliliêre (1794-1797), trad. par A. Philonen 0, Paris: Vrin, 1964 , p. 310 •. 34. éviter toute confusion que Fichte fait cette mise au point mais clest ,au'ssi pour montrer la faible puissance de 1 1 homme dans 'sa quête de l'absolu. L!homme, le sUjet, présuppose continuellement cet absolu sans pouvoir 1 1 atteindre. 'Tout se situe chez Fichte au niveau de l'effort, ,dans une quête continuelle, de l'énergie et de la volonté du Moi vers l' absol u. Partant de la conscience, dans une dialectique ascendante, le Moi doit s'élever directement, sans intermédiaire, au savoir de ,l'Absolu. Or il y a justement différents intenmédiaires qui jettent l'hom~e dans la confusion, dans l'illusion et dans 1 1 erreur. Or, pour découvrir la vérité, il s'agit justement de se débarasser de 1 1 erreur. "Je n'écris, dit Fichte, que pour ceux qui conservent toujours quelque conscience de la certitude ou de l'incertitude (1, 422), de la clarté ou de la confusion de leur connaissance, pour ceux qui attachent une valeur il la science et il la conviction .•. " 5 Mais l'erreur est l 1 apanage de celui qui s'inscrit dans une recherche de la vérité. Elle est"'-a voie normale de 1 1 homme en recher- che et qui doit il tatons découvrir la vérité. Julia: "L'esprit humain nia jamais il créer la Ainsi écrit Didier véri~é; il lui suffit de se défaire de l'erreur pour que la vérité se révêle il lui dans sa pureté originelle. On exprime la même chose en disant que la réflexion de 5 Fichte, "Iêre Introduction il la Doctrine de la Science de 1797, Oeuvres Choisies de Philosophie Premiêre (1794-1797), (Paris: Vrin, 1964), p. 243. Avant-p~opos", 35. Fichteést toujours et fondamentalement une abstraction: il suffit de faire abstraction de ce que nous ne sommes pas pour prendre peu à peu conscience de notre r~alit~ origineile. 6 1I peu à peu, au cours de sa r~flexion C'est ainsi que l'homme sur lui-même constate que Dieu n'est pas un être hors du Moi mais un Sujet conçu dans le Moi même et qui lui permet cette réflexion sur le monde sensible, sur la nature, et qui lui permet de'faire même cette abstraction de toutes les erreurs possibles pour nous faire enfin découvrir la vérité: celle de notre lité originelle. Cette r~a­ originelle est celle qui nous montre r~alit~ que nous sommes des sUjets engagés dans le monde, i.e. qu'il ne suffit pas d'avoir uniquement une attitude passive dans 'notre sur le r~flexion réel mais que nous devons nous engager dans l'action. Par là seulement, pouvons-nous voir que la vie et l'action n'ont qu'un fondement: l'Absolu, ·Dieu. Ce n'est que dans un abandon de soi en Dieu, en la di- vine Providence que l'homme participe à la Vie, à l'Action, à la Cr~a­ tion de Celui qui lui a confi~ d'achever l'unité de la création. sa participation consciente à la vie universelle, à la Par l'homme C~ation, agit à son tour comme le créateur; mais encore là, il ne peut le faire que par le savoir philosoph'ique, que par la Science. L'état de finitude dans lequel l 'homme se trouve l'empêche de rejoindre l'infinit~ de Dieu. Le Moi se doit. donc d'agir dans un effort continuel, s'~tendant à fini pour pouvoir apercevoir la dans l'action, i.e. dans l'unit~ libert~, jamais la vraie, celle de Dieu. r~alis~e l'InC'est du sujet et de l'objet, 6 D. Julia, Fichte, Sa Vie. son Oeuvre, p. 45. 36. unit~ qui ne peut être accomplie que par Dieu, que l 1 entrepri se de l'Id~alisme transcendantal peut r~ussir. Le. but de la philosophie chez Fichte est de faire du Moi, un homme d'action, un créateur, un participant actif capable de transformer le monde et la Communauté et de r~aliser son unité avec Dieu dans un effort jamais terminé, con- tinuellement renouvelé. L'idée de l 'unité n'est pas chez Fichte une mais un acte de r~flexion, r~alité concrête une abstraction réalisée au niveau de l'in- tuition intellectuelle. Or la solution a l'unité de l'exp~rience se trouve chez Fichte, comme nous·le verrons a la fin de ce chapitre, dans la raison pratique, 00 l'effort est l'instrument de la raison pratique et du Devoir. La tâche de l'éducation sera justement d'entraîner l'~lêve a l'effort. II. La tibert~: une abstraction, un Idéal. "Frei seyn ist nichte, frei werden ist der Himmel ... Etre libre ce nlest rien, devenir libre voila la ciel::" 7 C'est la lecture de la Critique de la Raison Pratique de Kant qui réveille l'esprit de Fichte et le· sort de son sommeil dogmatique. En effet, c'est a la suite de .la lecture et de l'étude de Kant, que Fichte va reconnaître 7 X. Léon,·Fichte et son Temps, T. l, p. 47. 37. l'action réelle de la liberté, l'autonomie de la raison, la liberté de l'esprit. AV'ant Kant il y avait opposition entre l'entendement et la religion, entre le coeur et l'esprit. Chez Kant, la co'nscience morale' est cause de la liberté, c'est-à-dire que la Raison Pratique, dans la limite de l '.intel ligence , possède un pouvoir pratique qui trouve sa fin dans le Devoir, dans l'accession de l'esprit humain il la religion, dans l'effort continuel de l'homme pour accéder à la liberté. bien dans la Critique de la Raison Pratique, que la libert~ Kant dit pure n'est pas le lieu de l'esprit humain mais une quête, un Idéal il atteindre sans qu'il ne soit possible de l'atteindre sur la terre. Pour Kant, cette dure quête de l'esprit humain est la vertu qui ne peut être récompensée que dans l'autre monde, que dans la Vie Eternelle de Dieu. il C'est l a suite de la .lec·ture de Kant que Fi chte va reprendre pour lui -même cette idée de l'effort contin4el de l'esprit humain en marche vers l'Idéal de la liberté. de plus trê~ Il écrira dans une lettre à Achelis: " ... je suis ·fermement convaincu que cette vie n'est nullement la terre de la jouissance, mais la terre du travail et de l'effort; que toute joie n'est rien de plus qu'un réconfort pour un nouveau labeur; que ce qui est exigé de nous, ce n'est pas de préparer notre destinée, mais de travailler il notre perfectionnement." 8 Pour Kant, seul Dieu, seul l'Absolu est capable de joindre deux mondes différents, celui de la liberté et de la nécessité, celui du coeur et de l'esprit, celui de l'en- 8 X. Léon, Fichte et son Temps, T. 1, pp. 107-108, citant, Fichtes Leben 1, l, 4 lettres à Achelis. 38. tendement et du sentiment, celui de la Raison pure et de la Raison pratique. Mais Fichte n'accepte pas cette dichotomie kantienne de la raison. Il veut une unité, un principe philosophique unifiant, un systême permettant de connaTtre l 'homme dans sa totalité et non pas en partie comme le fait le systême de Kant, qui divise la Raison en deux et soumet l'homme a la loi de la causalité. Fichte va tenter de résoudre le problême de la connaissance par la Théorie de la Scien~, en unifiant la Critique de la Raison pure et la Critique de la Raison pràtique de Kant. Car pour Fichte, de toute façon, il ne s'agit pas d'étendre le science mais d'en trouver le fondement en l'homme 1uimême. Fichte puisera donc son inspiration chez Kant, de qui il emprun- tera même le langage philosophique. Fichte veut connaTtre la source, le fondement de la connaissance et de' l'action de l'homme, il ne veut pl us étendre la sci ence mai's en découvri r son fondement pour arri ver aJaccéder a la liberté, cet Idéal inaccessible a l'esprit humain. gré cette difficu1t~ Mal- d'inaccessibilité, l'oeuvre de Fichte est du dé- 'but a la fin un chant a la liberté. Le systême de la Théorie de la Science veut finalement répondre aux nombreuses critiques des oeuvres de Kant, Jacobi, Reinhold, Maimon et Schu1ze. Les objectifs de Fichte sont nombreux: concilier dans un systême les Critiques de la Raison pure et de la Raison pratique de Kant; compléter la Philosophie élémentaire de Reinhold (1790) et parachever l'Essai sur la philosophie transcendantal~_~é Maimon (1790) et l'Enésidême de Schu1ze (1792). 39. Le Moi Le Moi est le principe premier, de la Théorie de la Science, (l, 91-101). Mais le Moi en tant que principe premier doit être un principe formel autant qulun principe réel. En effet, le Moi de Fichte, qui est le point de départ de la W.L. (Théorie de la Science) est un Moi transcendantal, non pas, un Moi indivirduel, car l'individu pour Fichte nlest qulun accident dans la spéculâtt6nn de' l'Idéalisme transcendantal. 9 Le Moi de Fichte est le fondement de la philoso- phie, de la connaissance; il est l'union entre l'intuition de l'esprit (la connaissance) et l'action réelle du sujet dans le monde. est a la fois sujet idéal et principe réel de l'action. "principe formel" que part la Doctrine de la Science. Le Moi Clest du Moi En effet, l'acte par lequel le Moi ,se saisit est un acte de connaissance par lequel le Moi se connalt lui-même et 00 le Moi devient le produit de sa propre action. Le Moi sujet s'objective et devient ainsi celui qui pense et --celui qui est pensé. Le Moi accomplit l 1 acte de connaître et est en même temps l'objet de cette connaissance effectuant par la l 'unité absolue dont la source originaire est le Moi lui-même. Le Moi accomplit une activité originaire, il est une activité, une réalité active et vivante qui se connalt elle-même et par elle-même. Le Moi qui se pose, qui se situe origine l 'expérience en l'objectivant pour arriver à la connaltre et se fondre en elle. Le "je suis absolument parce L'que 9 Voir Fichte, Ile Introduction, Xé Section, p. 303. 40. je suis" 10 êtab1it un principe inconditionnel 00 le contenu de la connaissance s'identifie avec 1 1être même du sujet pour former un Moi absolu. Le principe est inconditionnel parce qu ' i1 est nê d'une intui- tion soudaine, d'une rêf1exion involontaire de 1linconscient, possible que par un esprit autonome et libre et loin de toute sensibi1itê. Seule 1 1autonomie de 11esprit a permis au Moi d ' êtab1ir l l unitê entre le sujet et 1 10bjet. Clest pourquoi le principe premier ne peut pas être dêmontrê~~i1 indêterminêe. ne peut qu'être dêcouvert dans son origine inconsciente et "Nous devons dêgager le principe absolument premier, entiêrement inconditionnê de toute connaissance humaine. Si ce principe doit être absolument premier, il ne peut être ni prouvê, ni dêfini." 11 Le principe premier nlest donc pas une donnêe immêdiate de la conscience, il est un acte primitif de 1 lesprit; il est nê d'une action originaire de 1 1esprit que le Moi doit dêcouvrir pour en comprendre toute la signification et être en mesure de construire le monde par la suite. Cette intuition originaire, involontaire, nlest pas le fruit de la conscience spontanêe. Au contraire 11acte du Moi qui se ,pose, qui se situe, qui agit, nlest possible que dans une intuition intellectuelle. Cette rêf1exi6nn du Moi sur 1ui-même:~n'est possible que dans 1labs- traction 00 1 'esprit se pose comme esprit, 00 le Moi est le produit de de Phi10nenk6 (Paris: Vrin, 11- Ibid., ( 1,91 ) , p. 17 41. son int~riorit~. int~riorit~ Le Moi tourne son regard vers et, continuant sa l 1 être en soi, l'absolu, la chaque tentative du d~marche, libert~, tente lui~même, vers son d~sesp~r~ment de saisir le Moi Pur, qui recule devant L'acte originaire du Moi qui se voit agissant nlest possible que par l"intuition 'inte11ectue11e, 1 labstraction, la Moi~ r~flexion du Moi sur lui-même qui s'impose en même temps des limiLe Moi constate son impuissance de saisir 1lId~e du Moi, 1 lAbso- tes. lu, 1 1 Esprit pur, 1IId~a1. D' ai11eurs Fichte montre bien la diff~rence entre le Moi comme intuition intellectuelle, point de départ de la Doctrine de la Science et le Moi pur ~ui en est le 'point d'aboutissement: le second ne peut jamais être atteint par le premier. ecrit X. L~on, "Fichte a voulu montrer, qulune philosophie êritique, partant de 1 1 esprit hu- main, de la conscience humaine, ne peut saisir directement en soi 1 lAbsolu, elle nlen peut saisir que ce qui, en lui, est accessible à notre r~flexion, c'est-à-dire la forme et la transformation de cette forme en son contenu, sa r~alisation, constitue pr~cis~ment pour notre. esprit limite, sa tâche même, sa fin, que d ' ai11eurs il ne peut jamais atteindre." 12 Le point de d~part de la Théorie de la Science est donc un Moi formel conçu sur la forme du Moi Pur, de l'Id~a1, de Dieu. Le Moi pur ne peut jamais être atteint par. la philosophie, par la raison humaine, il est un Id~al inaccessible: "11 ne peut 12 X. Léon, 'Fichte et son Temps, T. l, p. 380. êtrepens~ de 42. façon déterminée et il ne le sera jamais effectivement, màis nous devons jusqu'a l'Infini nous approcher de cette Idée." 13 III. La Nécessité: l'expérience. En même temps que le Moi est le principe formel de la Connaissance, il est aussi le principe réel de l'action dans le monde. effet, le problême de l'inaccessibilité du Moi sujet absolu, pose pour le Moi qu~' En a l'Idée du Moi i.e. au veut connaître un grave problême d'exigence pratique: l'Idéal est inaccessible à la conscience. Or c'est de la conscience que Fichte est parti pour découvrir, dans son analyse, le Moi pur: l'Absolu. Or le principe premier, le Moi formel, est insuffisant pour déduire les contenuss de la conscience. Ainsi si la conscience ne peut atteindre le Moi pur, c'est qu'il y a une ppposition entre le sujet et l'objet, c'est que le Moi est limité, et qu'il ne peut . échapper a cette opposition. a) Le Non-Moi Le Moi est donc limité de façon déterminée par. un Non-Moi qui est aussi comme le Moi une création formelle, posée comme un second 13 Fichte~ Ile Introduction, XIe et XIIe Sections, p. 310. 43. principe et qui ne peut s'achever que par une synthêse: celle du Moi pur, de l'Id~al a atteindre par la conscience. Clest le naiss~nce a la conscience, a la relation sujet- impossible Moi absolu qui donne objet, au Moi et au Non-Moi. Clest le Moi Absolu qui caract~rise la limite de la conscience en ne lui permettant pas d'atteindre le Sujet Absolu. Mais .. comme le Moi, le Non-Moi est l'oeuvre de l'imaglÎ1iJation cr~atri ce. En effet 11 imag~:nat; on du Non-Moi. cr~atri ce Le Non-Moi est l 1 oeuvre d'une est l a cause. producti ve activit~ inconsciente, in- volontaire, il est une intuition originelle, une production inconsciente. Le Non-Moi est une cr~ation sa limite dans sa tentative jamais "Au fond le Moi pur, pour se de l'activit~ achev~e r~aliser est du Moi qui constate pour atteindre le Moi Pur. oblig~ de se d~terminer, de se limiter, de slopposer un Non-Moi auguel. il attribue sa limitation. A chaque instant cette limite recule devant l 1 effort de l'esprit pour la d~passer, pour la comprendre; mais à.chaque instant la limitation renaît, car, sans une d~termi nati on nouve.ll e, 1e progrês de la l i bert~ serait impossible, la libert~ se perdrait dans le vice de son infinit~." 14 Clest a cause de sa limite que le Moi sent le besoin de slopposer un Non-Moi (i, 102-123). Clest de cette division du Moi en Moi et en Non-Moi que sont 14 x. L~on~ Fichte et son Temps, T. l, p. 259. 44. d~duites les cat~gories, la conscience, en bref bilit~ que sont la construction l'exp~rience. d~duites r~ciprocité, Il ne s'agit plus ici de mais le contraire, de du Monde et de C'est de cette notion de divisi- dans une construction logique et rigoureuse, rel evant de 1a géométri e, 1es nation, de la syst~matique cat~gori es de la d~duire d~duire de 1a rel ati on '. de 1~ détermi- causalit~ et de la substantialité. les catégories de l'espace et du temps l'espace et le temps des catégories. Les catégories sont alors postulants de l'espace et du temps. Fichte élimine par là la chose en soi en ne permettant pas que les catégories puis~ent être appliquées a un objet. Ce que Fichte cherche au fond è'est de réduire la relation du sujet et de l'objet à un rapport de substance et d'accident. avec lui-même. Ce qu'il veut c'est une réciprocité du sujet Fichte veut re-créer l'expérience en montrant comment l'esprit par son acte originaire se crée lui-même et crée en même temps son objet, comment le Moi se crée et fond le Non-MoL~est·pour:Fichte fait par une triple synthêse. cr~e aussi un Non-Moi, comment au intérieur au Moi lui-même. La synthêse de la la réalité du Moi entraTne nécessairement la versa. Cela, il le r~ciprocité réalit~ montre que du Non-Moi et vice- La synthêse de la causalité montre comment le Moi est au fond la cause du Non-Moi. Et finalement la synthêse de ~a substantialité 00 le Non-Moi parvenant au degré de 1a réal i té du Moi arri ve à se fondre en lui"et'~'exerce plus aucune dpposition. Ce que Fichte ici expliquer, c'"est que l'intëlligence, limite le Moi. ve~t neus La finitude de l'hom- me, de l'esprit humain, est vouée à l'indétermination complête, à ce ." f'ottement entre ·le sujet ·et l'obje~, entre la liberté et la nécessité, 45. entre l'infinit~ et la d~tennination. L'esprit humain, a cause de l'intelligence qui le limite, est victime de son imagination créatrice car: IIDans cette production incessante du Non-Moi, dans cette cr~ation jamais épuis~e d'objets par 00 s'actualise peu a peu la puissance même de l'esprit, Fichte voit l'oeuvre, d'ailleurs inconsciente, de l'imagination. L'imagination opêre ainsi en quelque sorte le lien entre l'activité infinie du Moi et son activit~ nante, entre la liberté et la nécessité; elle est a la fois l'une et l'autre car un perpétuel fa ottement. l 1I 15 libérer de' la chose, du monde concret de'l peut pas. Son destin est celui de chi ssement qui est un i d~a 1 détermi- Le Moi, essaie bien de se 'exp~rience conqu~rir mais il ne le a l'infini cet affran- a attei ndre, j amai s achevé. Or c' eS,t ici que réside le secret de la liberté pour Fichte, l'effort continuel du Moi qui veut se libérer de la Chose, de l'objet, du Non-Moi, car pour Fichte: IIL'homme doit s'approcher toujours la liberté inaccessib1e. 1I davan~age et à l'infini de 16 b) La Chose-en-soi C'est a partir de l'imagination créatrice que Fichte prouvera 15 x. L~on, Fichte et son Temps, T. l, p. 259, se référant Kabitz, Studien zur Ent ... a w. 16 X. Léon, Fichte et son Temps, T. l, p. 384, citant Fichte II, Bd., Grund1age, Erster Theil, 3, p. 117; voir aussi X. Léon, Fichte et'sonTemps, T. l, p. 389. s.w. 46. l'illusion de la r~a1it~ de la chose: la éhose-en-soi. La èhose-en- soi n'est pour lui qu'un produit de 1 'imagination cr~atrice, une Et parce que l'on ne peut la connaTtre, nous cr~ation spirituelle~ devons la laisser choir. La Chose-en-soi'n'est qu'une erreur de l'intelligence qui, parce qu'elle est une production inconsciente, pense être devant une qu'une cr~ation elle-même, (l, Or cette r~alit~. de l'esprit, cr~~e r~alit~ n'est pas autre chose par l'esprit même, par la raison 37~-380). Pour Fichte, l'être raisonnable fini ne connaît rien en dehors de ci. et peut difficilement l'exp~rience '~ais il peut abstraire~ s'~lever c'est-a-dire s_parer par la pens~e ce qui est li~ dans l lexp~rience." 17 la chose sont ind~pendante de la au-dessus de celle- libert~ libert~ Ainsi dans l 'exp~rience et l'intelligence qui doit connaître Or nous souligne Fichte, si le philosophe, dans, 1i~s. de la 11~labora-· tion de son systême, fait abstraction de la chose pour retenir l'intelligence en soi, son systême est id~aliste; si au contraire il fait abstraction de l'intel1igence pour ne retenir que la chose, son systême est appel~ dogmatique. Ainsi pour 1 'Id~alisme, 1 'objet apparaît comme produit par la repr~sentation de l'inte1ligence alors que pour le Dogmatisme, l'objet apparaît sans l 1intervention de cette derniêre. Science, le Moi peut d~terminer Pour la'Th~orie de la librement un objet tout en faisant 17 Fichte, lêre Introduction, Ille Section, p. 247. 47. abstraction' de l'objet pensê, le Moi ne regarde alors que lui-même et devient l'objet d'une reprêsentation dêterminêe. Le Moi siest libre- ment dêterminê comme objet dêterminê en le faisant uniquement par l'intelligence, qui a prêsupposê la nature de qui est le Moi lui-même. ~'existence de cet objet Cette dêtermination du Moi lui-même comme objet dêterminê nlest pas possible pour le dogmatisme qui ne· regarde que la éhose-en-soi. Or le Moi-en-so"i de l'ldêalisme devient quelque chose d'effectivement rêel dans la conscience, car iJ est déterminê par' le Moi seul. Il a ce pri vi l êge dl être dans 1a cons'ci ence même, ce qui nlest pas le cas de la Chose-en-soi. Le Moi-en-soi nlest pas le principe d'explication de l'expêrience car l lessence de la philosophie se doit d'expliquer l'expêrience au-delà de cette même expêrience i.e. par la loi morale en nous. Il reste nêanmoins que cette conscience- de-soi du Moi surgit librement sans pouvoir s'imposer en nous. Et. pour l'ldêalisme transcendantal le Moi est le principe premier de toute philosophie. Mais "Aucun .de ces deux systêmes ne peut directement refuter celui qui lui est opposê; en effet leur conflit concerne le pr.e~ier principe, qui lui-même ne peut être dêduit de rien d'autre; Il 18 Le Dogmatisme part de la Cbose-en-soi qui est un être de la raison, qui est une crêation de la pensêe. La those-en-soi dêtermine pour le dogmatique la conscience et dêtermine même les représentations IIlibres ll 18 Fichte, lêre Introduction, Vé Section, p. 250 48. de cette derniêre. La en-soi et nie de façon libert~ devient donc d~termin~e cat~goriq~e l'ind~pendance par la chose- du Moi. C'est pour- quoi selon Fichte le dogmatique est-il fataliste car il nie la de la conscience et de plus il est ind~pendance l'absolue r~alit~ puisqu'il sacrifie du Moi au profit de la chose-en-soi. l'id~aliste, l'ind~pendance la mat~rialiste libert~ du Moi est essentielle Chez a la conception de et il nlest pas question de la sacrifier au profit de l'in- d~pendancede la chose. Il devient clair que le philosophe doit choisir entre les dieux systêmes, mais il ne peut Un seul principe est le premier: selon son int~rêt, son penchant. Pour l'id~alisme, ~e d~fendre les deux r40i ou la chose. a la fois. Il faut choisir Le choix d~pend d'un intérêt. 19 l'intelligence s'aperçoit elle-même et peut . seule expliquer sa relation avec l'être, la chose. L'intelligence est llacte, celle qui agït, l'agissant. De cet acte, sont d~termin~es les . . représentations. Seul un acte de l'intelligence peut faire surgir la chose. Clest pourquoi la chose devient pour l 'id~alisme, une pure fan~ taisie, un être de raison, une composition de l'imagination, non conforme aux lois de l'action appelées aussi d~terminations de l'intelligence, existantes en dehors du Moi. L'idéalisme transcendantàlc:de Fichte part donc de la raison qu'il indique immédiatement dans la conscience. Le Moi se doit de penser 19 Fichte~ Iêre Introduction, Ve Section, p. 252. 49. en toute et accomplir un acte fondé dans la nature même de libert~ ~ond~e l'intelligence, Cette méthode elle, non sur l'arbitraire, mais sur la liberté. ficht~enne de l'Idéalisme transcendantal se doit d'être une progression continue, une dialectique ascendante allant du conditionn~ a la èondition se situant au-delâ même de l'expérience. Seuls les résultats indiqueront la périence ne peut être acte libre de la en totalité. v~racité détennin~e pehs~e ou la fausset~ de la méthode. L'ex- que par un acte de l'intelli'gence, un qui va se tourner librement ver.s l'expérience IIL'idéalisme d~montre que le tenne absolument postulé n'est pas possible sans la condition constituée par un second tenne, ... ; chaque terme n'est possible que dans sa liaison avec tous les autres .. . seul le tout peut être rience. c) Les pr~sent a la conscience et ce tout est l'expé- L'idéalisme veut connaître ce tout ... " 20 Repr~sentations La Théonie de la Sciénce 20a montre que tout est par le Moi et pour le Moi et admet qu'il existe des choses, une vérité objective en dehors du Moi. il apparaît une De même qu'apparaît une conscience de soi, de même conscie~ce de quelque chose. Ainsi ce Moi qui n'est 20 Fichte, lêre Introduction, VIle Section. p. 263. 20a Voir Fi'chte, D~duction d'e la repr~sentation, 'Théof?ie dé la Science de'1794, trad. par A. Philonenko, (Paris: Vrin, 1964), (l, 228-245), pp. 108-122. 50. que pour soi constate en même temps un être en dehors de son Moi, qui le limite et l'empêche d'atteindre le sujet Pur. Comme nous l'avons vu, c'est 1e Non-Moi, car 1a cons ci ence de quelque chose es t le Il condi tionnant d'un conditionn~lI~lelle est le "fondement d'un fond~". 22 Le Moi tourne son regard vers lui-même, vers son et c'est dans cette que peut être s~rie expliqu~ int~riorit~, du Moi, dans ce râisonnement philosophique l'être-conscient. Le sujet dans sa relation à l'être est celui qui agit, l'agissant, celui qui accomplit l'acte de saisir l'être. 23 Il le fait dans une d~marche originaire de la rai- son, valant pour la raison elle-même. Or cet être-pour-soi du ~10i n'est possible qu'en même temps que surgit un être-en-soi en dehors du Moi. Dans cette d~marche le Moi devient pour soi par un acte d'intelligence faisant de lui-même son propre objet. (l, 228~245). Le Moi ,est action C'est seulement par un actejde r~flexion r~ciproque, sur lui-même que le Moi devient pour soi et le Moi ne pourra exister comme fait (Faktum) que lorsqu'il aura accomp~i d'exister avant d'accomplir cette Le Moi possêde donc des science qui sont aussi l 'exp~rience. tl lui est impossible exp~rience. d~terminations imm~diates de la con5 appel~es repr~sentatiQns d~pendantesdde 21 Fichte, 'Ile Introduction, Ille Section, p. 268. 22 Fichte, lêre Introduction, Ile Section, p. 246. 23 Voir Fichte,'lle Introduction, Ille Section, p. 268. sa 51. 1ibert~ et qui ne peuvent être déterminées que par lui, dans une action personnelle. C'est pourquoi l'imagination et la vo10nt~ du Moi n'est possible, nous l'avons vu, que par l'observation de l'existence d'un Non-Moi qui s'oppose au Moi. Il ne s'agit pas ici d'une conscience de soi mais d'une intuition simple. Le Moi qui se construit doit pou- voir intuitionner son acte, il doit pouvoir l'accomplir librement. spontan~ment et Il ne s'agit pas du libre arbitre, c'est-à-dire, que le Moi- sujet assure par cet acte toute son objectivité et, parce qu'il " ... se pense lui-même, c'est pour lui un fait (Faktum) ce." 24 -imm~diat de la conscien- Si cet acte est, pour le philosophe un acte arbitraire, il ne peut l'être pour le Moi qui se construit, qui voit en lui toute la nécessité. Comme il Y a des d~terminations Moi, il y a aussi d'autres déterminations posent comme modêles des Or ces représentations, s~r~:eux d~terminations d~terminées à la Doctrine de la Science. intérieures ou ext~rieures de la philosophie de ind~pendantes du Moi qui se dépendantes de la liberté du Moi. par la n~cessité, posent un prob1ême C'est ce systême de représentations qui est appelé d~gager dépendantes de la liberté du exp~rience. C'est le rôle le fondement de l'expérience. Or le fonde- ment, ne peut être trouvé qu'au sujet d'une chose conti ngente et i ntlépendante de 1â 1ibert~. 25 Et si le fondement (Moi) et le fondé (être) 24 Fichte, Ile Introduction, IVe Section, p. 270. 25 Voir Fichte~ 'Iêre Introduction, Ile Section, p. 246. 52. slopposent 1 1un a 1 lautre, ils nlen demeurent pas moins 1i~s 11un a 1 lautre, comme nous 1 lavons d~ja vu. Le Moi qui se voit 1ui~même, intuitionne imm~diatement son agir: clest 11intuition intellectuelle. Pour le Moi une conscience s'engendre parce qu ' i1 intuitionne et "comprend" son intuition. 26 Clest dans 11acte de se construire 1uimême, que le Moi pense son acte, qu ' i1 le conn~Tt, qu ' i1 le comprend. Parce qu ' i1 a d~ja une exp~rience ant~rieure, le Moi possêde un concept de 11àgir en g~n~ra1 qui lui permet de voir en son acte particulier une partie, de 11attè g~n~ra1, comme un agir 1 l intuitionne. quer, ni être g~n~ra1. d~termin~ Il comprend son acte comme un agir en et se L'acte ne peut être communiqu~ r~f1~chissant qu'intuitionn~; en soi parce qu ' i1 il ne peut.s ' exp1i- par concepts car il nlest pas être. L'acte peut donc se comprendre, parce qu'il sloppose a 1 1 être et peut être d~termin~ par 1 1intuition intellectuelle. Le Moi agit en distinguant ce qui est oppos~ a 1 l acte, c'est-a-dire, les objets hors du Moi, le pens~, ce sur quoi il se penche. pensant, sloppose au diff~rente pens~ De cette façon, le Moi voit que lui, èt surtout que la pens~e de son moi nlest pas de 11acte mais qu ' e11e lui est identique. ilLe Moi _0- et 1 1 acte de r~f1exion en soi-même sont des concepts parfaitement identiques." 27 Le Moi, qui pense et qui accomplit cet acte de r~f1exion en soi-même d~­ termine par la toute conscience. Ainsi rien ne peut être pour le Moi sans être d'abord en sa conscience. L'intuition intellectuelle est 26 Voir Fichte, Olle Introduction, IVe Section, p. 271; voir aussi VIle Section, p. 293. 27 Fichte~ Olle Introduction, IVe Section, p. 271. 53. cette intuition de soi-même, elle est cette conscience immédiate qui ne peut êtrè démontrée par concepts mais qui doit être trouvée en chacun de soi de façon Sans cette démarche il est impossible pour le Moi de connaTtre le pouvoir de 11intuition intellectuelle. i~édiate. Tout ce qui est permis au Moi de faire est de montrer aux autres, que dans 1 lexpérience, 11intuition intellectuelle intervient à tout moment dans la conscience et que sans elle, lIi1 nly a que néant~. liEn elle est la source de la vie et sans elle, il n1est'que mort. Il 28 IV. [a Loi Morale. Mais 1 'intuition intellectuelle ne peut être comprise que liée a 1 'intuition sensible car le Moi qui agit, agit sur un objet. Parce que 11intuition intellectuelle ne peut être comprise qu1en relation avec 11intuition sensible, 1 'idéa1isme transcendantal suggère de baser sa croyance sur quelque chose de plus élevé encore que la raison, c'est-àdire sur: " ... la loi morale en nous, en laquelle le 'Moi est représenté comme dépassant toutes les modifications déte~minées par celle-ci, et par conséquent comme sub1ime;" 29 Par cette loi morale, le Moi est considéré de façon absolument active, fondant par là-même la liberté et 1 l acti- vité du Moi lui-même. Par la loi morale le Moi est actif, il saisit la 28 Fichte, lIe Introduction, Ve Section, p. 272. 29 Ibid., p. 274. 54. Vie, il s'aperçoit lui-même. r: Nous voyons bien que seule la conscience-de-soi du Moi peut expliquer l'acte du Moi, son activité, et que finalement tout origine d'elle. Ainsi si l'intuition intellectuelle est III 'unique assise ferme de la philosophiell 30 celle qui permet d'avoir une conscienèe de soi, le Moi ne doit pas sien écarter mais la dépasser. Clest pour lui une né- cessité pratique, un devoir commandé par la loi morale. le monde sensib1e et le monde intelagi.b~e; Le Moi réunit il le fait dans 11 action, par une intuition intellectuelle et surtout par un acte de foi, un acte moral. Ainsi ce que le Moi engendre, devient le monde intelligible et ce sur quoi le Moi pense est le monde sensible, opposé au monde intelligible. La philosophie ne part donc pas d'un fait (Thatsache) mais d'une' action (Thathandlung), i.e., d'une pure activité dans laquelle tout agir devient immédiatement action. Ainsi seule l'action du Moi qui se tient au centre du monde sensible et du monde intelligible peut. arriver à contempler l'Infini. Le Moi est donc un acte, un acte pensé mais ja- mais un être, un fait parce qu'il s'anéantirait du coup. ['être signifie pour la Théorie de la Science une limitation de la libre activité: Ille concept de l'être ne peut être considéré comme un concept premier et originaire, mais seulement comme un concept dérivé ... par opposition à l'activité, ... Seule la liberté est positive pour l'idéaliste; l'être nlest pour lui que la négation de celle-cL II 31 30 Fichte~IIe Introduction, Ve Section, p. 274. 31 Ibid., VIle Section, p. 298. 55. , . ) 'L'Effort; 'fondement du Dev6i r Ainsi la déduction des représentations intérieures oU,extérieures du Moi, desquelles sont déduites la sensation, l'intuition, l'entendement, le j'I.!gement et la raison, amène Fichte il découvrir que la théorie de la perception n'est pas pour autant la théorie du fondement de la philosophie. En effet, cette construction systématique du monde et de la conscience montre une certaine passivité du Moi qui cO'nnaît seulement. Pour Fichte, s'il faut connaître le monde il faut être en 'mesure de pouvoir le changer. uNous .n'agissons pas parce que nous con- naissons, mais nous connaissons parce que nous sommes appelés il agir: la raison pratique est la racine de toute raison." 32 Le Moi qui est d'abord principe formel de la connaissance est aussi principe réel de l'action. Ainsi la représentation du donné doit amener le Moi à·sortir de cette passivité de l'expérience de la perception et le motiver pour l'action sur le donné même. La représentation du donné est un appel à l'action 00 le Moi qui fait l'expérience d'un choc doit le dépasser et voir que sa vocation n'est pas uniquement de percevoir dans une attitude passive mais qu'il est convié à agir dans le tout, sur le monde de l'expérience. Or nous savons maintenant pour l'avoir démontré plus haut, que l'Idéal de l'esprit humain dans cette vie est de se rapprocher le plus près possible de l'Absolu sans jamais ici~bas pouvoir l'atteindre. ['accession il la liberté consiste justement dans le soutien de l'effo~t 32 J. G. Fichte~The Vocation of Man, trad. par William Smith (Chicago: "/910), p. 105, (notre traduction). 56. soutenu pour y arriver. la synth~se r~elle C'est le sentiment de l'effort qui opêre alors du Moi et du Non-Moi. L'effort est ce qui constitue le fondement du devofr, il est ce lien qui raccroche l'intelligence finie de l'homme a l 'Id~al infini. Ainsi le problême pratique de l'homme, c'est l'intelligence limitée par l'Esprit et qui ne peut et ne doit acc~der a la libert~ que dans un effort soutenu impos~ par la liber~~ même. Car: ilLe caractêre propre de l'esprit humain c'est d'être une activit~ est pour qui limit~e l'infinit~ est non son ~tat donn~, sans doute, mais elle est susceptible finie; elle est une tendance mais un but. Elle extension ind~­ d'~ne a l'infini. Et c'est ce qu'exprime en nous le devoir; le devoir nous prescrit la réalisation de l'ld~al, ... ; . la connaissance naft de l 1 effort du penchant pour dépasser idéalëment sa limite en la comp~enant ... 11 33 po~t~ ce lien entre la pens~e et L'intelligence limit~e est donc ce l'activit~. Elle est ce qui limite le Moi et en même temps ce qui lui fait voir que la Raison, que l'Absolu, d'est la l' Id~e du Moi, ce vers quoi le Moi formel doit IItendre Libert~, vers ll • Ce sentiment de l 1 effort doit se traduire dans le Moi par une aspiration infinie a l'Idée du Moi. dans le Moi formel, ni dans le que pour la liberté. W~L. L'individu ici nlest Moi-Id~e comme individu. consid~r~ ni Souvenons-nous l'individualité nlest qulun accident en regard de la Pour la W.L., cette construction syst~matique du monde et de la conscience, le Moi se doit de tendre vers l 'Id~e du Moi qui est le fond 33 X. Léon, Fichte et son Temps, T. l, p. 393. 57. m~me de la vie, l'Abso1u, la Liberté et il doit oublier toute indivi- dualité •. Clest pourquoi 1à·Théorie de1a·Science fait de la Raison un unique en-soi, qu ' e1le re1êgue toute individualité à un accident. La raison ici est fin et la personnalité devient un moyen qui doit sans cesse mourir pour permettre à la Raison qui est éternelle de slexprimer. Le Moi ne doit donc pas ~tre la fin ultime de l'action mais doit s'effacer pour la raison, pour la pensée claire, qui elle, soutient le Moi dans le Monde. de l 1 Humanité toute èntiêre. du Moi. Le Moi nlest que partie d'un tout,celui La Raison est le "Concept du concept" 34 Et le Moi a le devoir de soumettre sa volonté a cet ordre de chose pour compr.endre la spéculation de 1 1 Idéalisme transcendantal. Or cette soumission de la Volonté a la Raison ne peut se faire que dans 1 leffort. L'effort nlest possible que dans un acte moral, un acte de foi nécessafre· df3mandé au Moi par la Doctrine de la Science. L'effor.t trouve son fondement dans le Devoir, dans un acte moral seulement, 00 1 1 Idéal jamais atteint se dérobe sans cesse devant l'intelligence limitée. L'effort demande au Moi une conscience morale, qui se doit d'agir pour et dans la société des hommes. Clest pourquoi la loi morale est-elle un processus jamais achevé, ummouvement sans fin qu ' i1 faut tenter d'achever mais qu'il nlest pas possible d'achever. Une théorie de la morale qui serait un succês, qui amênerait un effort réussi dans la tentative du Moi formel de parvenir a l'Idée du Moi, se- rait une erreur, une fausse théorie, un échec et il faudrait àlJa::W.L. repartir à neuf si tel était le cas. La loi morale en nous doit 34 Voir Fichte, Ile Introduction, IXe et X Sections, p. 302. ~tre 58. au contraire un effort jamais achevé, continuellement renouvelé. Au fond, Fichte veut re-créer par la,réf1exion du Moi sur lui-même, par la sujet-objectivité, le monde concret de l'expérience. Son but est de revenir a l'expérience immédiate en compliquant de fa- çon systématique la réflexion, en tentant de réunir le sujet et l'objet et de résoudre par l'action même le probl~me a la de la Connaissance, le de la relation entre le sujet et l'objet, le critique. ment probl~me Le probl~me probl~me de la de la connaissance est celui de trouver un fonde- philosophie et de réunir par la Théorie de la Science deux oppoSés le sujet et l'objet, le Moi et Non-Moi. En principe c'est aussi une tâche jamais réalisée parce qu'elle est un effort continu, l'homme étant dans l'impossibilité de se défaire de l'objet, du monde de l'expérience dont il fait partie. a atteindre Si l'homme réussissait dans son effort le sujet absolu, l'Idéalisme transcendantal faillirait tâche et prouverait dans ce résultat, la fausseté du syst~me a sa de la Théorie de la Science. L'homme moral est dans la Théorie de la Science un homme qui jouit du monde a distance. En effet, il participe au monde, non dans le monde lui-même, mais par la réflexion. l'abstraction 00 le sujet ~ l'objet, 00 la nécessité'=- la liberté et 00 se trouvent les lois de l'action. permettre a l'esprit Il participe au monde par Seu~e l'intuition intellectuelle peut humain, limité par l'intelligence qui s'impose elle-même des bornes, de voir cette équation de l'objet et du sujet et d'arriver par l'abstraction a réfléchir sur le Moi lui-même, sur la 59. A la façon d'une personne qui se regarde dans un sujet-objectivit~. miroir, le moi-sujet se regarde, s'objective lui-même, il se pose, il se situe et par laiil est ,agissant. Il est l'acte lui-même. cette façon et seulement de cette façon, il peut imm~diate du monde concret, du m~thode si l'on veut! straction, par le moyen della agissant, teur d'une re-c~er la miroir de Dieu et veut En effet, comme du Cr~ateur. Cr~ateur, D~eù sujet-objectivit~, cr~ation cr~ation d~jà cr~e re-cr~er l'exp~rience r~el. Fichte n'est pas Dieu, il n'est pas le lise sa par l'action du Moi Par là, il est aussi re-cr~er ce qui a d~jà ~t~ cr~~, faite, celle de Dieu. mais sur le cune certes, Fichte veut copier un modêle déjà originalit~ cr~a­ par Dieu. Au fond, Fichte se veut le Cr~ation, d~jà seule mais il uti- il veut, par l'ab- même modêl!e ilIe la origina1it~: De Il n'y a là au- de Fichte est de faire de l'esprit humain, cr~~. La limit~ par l'intelligenée, un cr~ateur au sein de la Cr~ation même. Mais parce que la raison humaine est humaine, imparfaite, donc limit~e par rapport au Sujet Absolu, la seule action possible pour l'homme est celle de l'effort. L'effort constant demeure le lieu de 1 'homme, demeure sa et surtout une conquête jamais achev~e, destin~e poursuivie à l'Infini. La voca- tion de 1 'homme est justement la poursuite de cet effort qui est comme nous l'avons vu, le fondement du devoir. 60. , V. "L'Edùcation: instrument pratique de l'effort et du ,~rogrês de la Raison. Quoiqu'il soit difficile de dessiner une ligne de démarcation entre la spéculation et l'action, nous pensons que la philosophie de Fichte est une philosophie de l'action 00 la liberté de penser doit aller de pair avec la liberté d'agir et être en mesure de transformer les hommes et leurs institutions~5 La liberté d'action, grâce a l'influence morale, doit permettre à l'homme de s'exprimer totalement dans le Tout de l'expérience et surtout d'être en accord avec le principe même de la raison: la liberté.- La destination de l'homme sur terre este d'agir; par là seulement il peut réaliser le ciel sur la terre: travailler dans l'immédiat pour la Vie Eternelle. ,', Le Moi de Fichte est un Moi social qui doit vivre dans la communauté des hommes. Parce qu'il y a une existence sociale, parce qu'il y a plusieurs individus dans une communauté, il est nécessaire d'avoir un systême légal réunissant les volontés individuelles dans un systême 35 C'est dans cette optique, d'une philosophie de l'Action, que Fichte écrit'La Revendication pour la liberté de penser en 1792, Les "Contributions'déstin~és'arèctifier les jugements dupùblic'surlaRévolution Française en 1793, Les Leçons sur la destination du savant en 1794, La Théorie du Droit Naturel en 1797, la Théo~ie de la Morale en 1798, L'Etat commercial fermé en 1800, L'Application de l'éloquence a la guerre actuelle en 1806, Les Dialogues patriotiques en 1806, Les Discours a la Nation Allemande en 1807~'Le Systême du droit et le Systême de la Morale en 1812-13, et la Doctrine dell'Etat en 1813. La vulgarisation des principes de la Doctrine de la Science dans'la'Destination'dé l'homme en 1800 est aussi un autre exemple de la philosophie de l'action chez Fichte. 61. unique. La Théorie du Droit naturel de 1797 va permettre, ii Fichte d'exposer son projet d'un système de loi, capable d'opérer une unité objective complètement indépendante de la 'Théorie de la Morale, qui elle est basée sur le concept de réciprocité. Alors qu'il n'était question que d'un simple individualisme moral chez Kant, dans la Critique de la Raison Pratique, Fichte va construire une morale, basée non pas uniquement sur l'indivtdualité mais sur la réciprocité; montrant par là que l'individualité évoque la réciprocité c'est-ii-dire que,l'homme destiné ii vivre en société ne peut pas vivre dans cette même société, isolé. Il doit vivre avec d'autres hommes pour être vraiment un homme. CI est parce qu 1 i ': .s 1 adresse à la soci été des hommes, ii 11 huma- nité toute entière, que la morale devient pour Fichte dans la Théorie du Droit et la Théorie de la Morale une nécessité de limiter la liberté individuelle. Les mesures nécessaires de contrainte et de coercition assurées par l'Etat, l 1 instrument de la volonté générale, sont justifiées par la poursuite d'un but social qui est la Raison même. Ce nlest que dan~ la poursuite d'un but social unique, d'une volonté générale commune ii tous les membres de la société que le Moi peut ,progresser dans la marche qu'il accomplit vers l'Idée du Moi. Le Progrès de la raison à la valeur morale c'est-ii-dire au Devoir, par lequel l'individu peut prendre connaissance de la raison en lui. Or "Fichte conçoit la moralité •.. comme un progrès sans fin, l'Idéal infini s'élevant toujours à mesure qulon prétend l'atteindre, et sans cesse dépassant la détermination oQ prétend Si insérer notre intelligence. Le Progrès est à ses yeux, la catégorie 62. même de la mora1it~, .•. Le Progrès est la forme même sous laquelle l'homme, sans cesser d'être un homme, ... peut espérer de réaliser l'Unit~ pure, le Sujet absolu qùi est son essence et sa fin." 36 Ainsi le Moi se doit de progresser dans son accession, son effort jamais terminé vers la Libert~ inaccessible. du progrès pour Fichte est l'éducation. du concept de En effet Or l'instrument l'~ducation que le Moi est un Moi social, il doit apprendre à vivre en s'~duqlJer' et être s'~lever spiri~ue11ement ~duqu~. L'~ducation s~ns à cette notion de progrès de pouvoir l'atteindre. Parce sociét~, permet à l'individu de vraie Vie, celle du Sujet Absolu, qu'il est possible templer cause se définit comme étant une incitation exté- r~ciprocit~ rieure, une influence qui doit agir directement sur l'élève. il doit à d~couvrir ici~bas la de con- Pour Fichte l'Education est d'une importance capitale. Son projet d'Education Nouvelle, directement inspiré de la m~thode et des principes de l'Education de Pestalozzi, un pédagogue et son ami, va lui permettre de travailler au progrès de la Raison dans une accession progressive vers la 1ibert~. Ainsi,. si la Raison demande au Moi de descendre en lui-même, elle lui demande aussi d'agir sur les autres, de les influencer pour arriver à la de l'Id~e. r~a1isation C'est pourquoi l'individu n'est qu'un instrument de la Rai- son; il n'est qu'une partie d'un Tout et doit, par sa liberté, agir et influencer les autres dans leur 36 x. 1ibert~, parce que 1 'Id~a1 de la L~on,'Fichté'ét'sàn'Téli1ps, T. 1., p. 512. 63. Liberté, pour pouvoir @tre révélé, l,'exige. C'est pourquoi l'éducation est-elle confiée aux savants qui sont le siège de la raison universelle. Ils doivent, pour atteindre l'Idéal, inciter, ,influencer et convaincre les autres @tres rationnels en leur communiquant la vérité qu'ils ont découverte. té." 37 Les savants sont "t'§me vivante de l'humani- Ils sont ceux qui sont en pleine possession de leur autono- mie et qui ont pris conscience de leur liberté et de leur indépendance. Ils ont dépassé la réalité de la chose et ont pris conscience del1eur Moi. Ils sont ceux qui ont pris conscience de l'importance de l'effort et du progrès social. Commandés par la Loi morale, ils remplissent, par leurs devoirs particuliers, la Mission, qui leur a été confiée par le Devoir Général, la Raison m@me; ils doivent travailler à la mission de l'Education, l'instrument par excellence du Progrès Moral. pour mission d'élever à~la Ils ont Raison, par l'influence, l'incitation, la direction et la coercition m@me ceux qui n'ont pas encore pris conscience de leur Moi, de leur liberté et de leur indépendance, et qui en sont restés au niveau de la représentation des choses. Ces derniers, Fichte les appelle étudiants. Tous ceux qui en fait ne sont pas des savants doivent @tre considérés dans cette catégorie. Entre étudiants et savants, il doit y avoir une collaboration, une entente pour que le progrès de la raison soit possible. Ainsi;écrit~.~Léon: soit possible, il faut entre les hommes un "Pour que l'éducation t~rrain d'entente qui consti~ tue pour l'éducateur le point de départ. On n'élève pas les hommes en 37 X. Léon, Fichté'éts6n Témps, T. 1, p. 515. 64. usant à leur égard de contrainte, on les é1~ve en s'adressant a leur Raison, en t5chant de former leurs convictions, et cette formation exige un certàin accord préalable des esprits ..• 1138 Cet accord se situe au niveau du progrès infini de la Raison et ne peut se trouver que dans le Moi même. Certaines conditions préalables existent pour pouvoir comprendre la Doctrine de la Science qui ne peut être communiquée uniquement par concepts; elle ne serait réservée alors qu'à des privilégiés. La raison est 'commune à tous les hommes; il n'existe aucune différence ~nnée entre les hommes, et la raison est accessible à tous. En effet, le pur Moi est au fondement de la pensée de chacun et intervient dans la pensée de cha~ûn. Mais chacun a à faire 1 1 effort de repenser la pensée et de s ' é1ever à la' liberté dans une autre sphère en laquelle le Moi nlest pas situé immédiatement dans s~ propre existence. Ainsi, celui qui veut comprendre la Doctrine de la Science, doi.t avoir déjà exercé son pouvoir de liberté, car clest sur ce pouvoir que sera édifié la Doctrine. La Doctri~e en fait ne peut être expliquée, ne peut être communiquée systématiquement, ni être exposée systématiquement. Les connaissances de la Doctrine de la Science ne peuvent être puisées "qulen nous-mêm~s gr5ce à une perfection depuis longtemps acquise,1I 39 Chacun doit donc faire un usage constant de sa liberté et cela depuis la plus tendre enfance. L'Education doit permettre à 1 1 enfant dès son 38 X. Léon, FichtèetsonTémps, T. l, p. 515. 39 Fichte, Ile Introduction, Xe Section, p. 304. 65. plus jeune âge de développer sa force intérieure, d'agir lui-même et idéalement n'être ni influencé, ~i dirigé par ses éducateurs. L'homme doit se développer pour lui-même et être l'instrument de sa propre volonté, c'est-à-dire agir lui-même à l'intérieur même de l'éducation. Seule la culture de l'homme en totalité depuis sa plus tendre enfance peut parvenir a étendre la philosophie et permettre à certains de s'élever à de grandes pensées, i]e. au génie. C'est pourquoi la Théorie de la Science ne peut être prouvée, elle a, d,ans son·~pr.i.ncipe, chose d'indémontrable qui ne se trouve qu'en nous-mêmes. quelque "Personne ne peut pénétrer la pensée de l'autre, sans être lui-même l'autre; .•. et lui donner, non pas cette pensée déterminée, mais seulement les indications pour la penser lui-même.,,40 Seule la libre conscience qui peut se saisir et comprendre l'enseignement de la Doctrine, peut concevoir l'Idéalisme transcendantal comme le système philosophique par excellence, venant de l'âme, d'une pensée sur sa propre réflex~on, d'un Moi se réflichissant lui-même car: "L'intérêt Suprême et le fondement de tous les autres intérêts est celui qui s'adresse à nous-mêmes." 41 Et c'est au Moi lui-même que fait appel l'Education Nouvelle. 40 Fichte, Ile Introduction, Xe Section, p. 305. 41 Fichte, 1ère Introcution, Ve Section, p. 252. 66. , CHAPITRE II - CE QU'EST L'EDUCATION NOUVELLE Nous avons vu dans le premier chapitre comment le Moi qui se pose, qui se situe comme agi'ssant dans cètte philosophie morale, se détermine aussi objet par sa conscience immédiate. qui s'objectiv~ Le Moi qui se voit, se voit aussi "agissant";i .e. sujet. C'est cette union de l'objectivité et de la subjectivité du Moi en comp1ête harmonie, qui peut lui assurer cette détermination. Le Moi devenu point de départ et base de la philosophie fichtéenne exerce par la sa volonté libré. La raison pratique, devient alors action et s'identifie a elle par la Volonté déterminée par le Moi. Le Moi exerce sa volonté libre, sort de l'indé- termination pour se déterminer et exercer sa conscience dans cette transition. Le Moi décide alors d'oublier son égoisme pour passer a une action morale et accomplir par cette action même son devoir. C'est cet oubli de soi-même, du Moi, pour le Moi général, pour le Tout, pour le Devolr Général qui est le signe de la loi Morale en nous. "C'est par la liberté qu'est produite la série qui engendre la composition de ce tout." l C'est pourquoi la loi morale exerce un pouvoir prioritaire sur la raison théorique. La conviction d'une action faite en conformité avec la loi morale ne peut venir que de l'intérieur de nous-mêmes, que de notre libre Volonté de se déterminer soi-même. Cela prime sur la connaissance, qui, quoique essentielle pour se rapprocher de "Idée, n'est pas ce qui permet , Fichte~'Iêre Introduction, Vile Section, p. 263. 67. au Moi d'y baser sa recherche de la v~rit~. En effet seule la Foi, cet acte moral peut être l'instrument permettant de dire au Moi s'il agit avec V~rit~. Seule la Foi peut lui faire voir la r~alit~, et par elle seule 1 'homme assume sa vocation., 2 Or n6us l'avons vu, l'instrument de l'homme en progr~s, l'instrument de l'effottc!dell'homme moral est l'Education. maintenant examiner dans ce deuxi~me chapitre ce qu'est l'Education. La tâche que l'Education se propose est d'abord l'é1~ve pour en faire un apôtre de la d'~duquer Nciluvë~~e('Rê~igion. donne ensuite une connaissance spiritue11e.tout en la cr~ativit~ spirituelle. manuelles et physiques. Dieu, et c~er Nous allons la vo1ont~ de Elle lui d~ve1oppant chez lui Elle doit aussi donner des connaissances Elle doit d~ve1opper chez 1 'é1~ve un amour de par-dessus tout, un amour entre les hommes. Fichte pro- pose l'internat pour favoriser cette formation de l'Education Nouvelle . . 1. L'Homme Nouveau. Le projet d'Education proposé par Fichte, nous le trouvons de façon pratique dans'''Les Discours magne de 1807 est soumise a la Nation Allemande". Si l'Alle- a une force ext~rieure étrang~re, c'est parce que ses membres n'ont pas sO oublier leur égoisme individuel. Conquise en 1806, l'Allemagne a perdu son indépendance, et par le fait même son 2 Voir Fichte~'Vocation of Man, pp. 99-100. 68. Moi national. "Ici et la, l'égoisme, en se développant et en s'épa- nouissant s'est détruit lui~même, en perdant ce qui constitue le soi- même et l'indépendance, ... Il 3 Pour Fichte le Moi National peut être re-créé a la condition que chacun veuille faire un retour en soi-même, s'oublier soi-même, laisser de côté son égoisme individuel et travailler au Bien de la Communauté. Les Allema~ds doivent s'unir et ~aftriser cet égoisme indivi- duel qui s'est emparé de tous et chacun et par là le dépasser. Mais cela ne peut se faire que par l'intermédiaire d'une Education Nouvelle capable de former des hommes dans leurs racines les plus profondes et . les plus vitales: liCe qu'il y aurait a ajouter à l'ancienne éducation, c'est la pénétration jusqu'a la racine des tendances vitales et des mouvements vitaux, et si l'ancienne éducation avait pour tâche de former quelque chose chez 1 'homme, la nouvelle aurait a former l'homme luimême, ..• " 4 Ainsi il ne s'agit plus pour l 'élêve d'acquérir de sim- ples connaissances mais bien d'intégrer ses connaissances à sa personnalité. L'Education nouve.lle a pour projet de former des hommes complets et par là re-créer le Moi national. Le but de Fichte est de redonner à la Nation la possibilité d'intervenir à nouveau dans le temps, c'est-à- 3 J. G. Fichte,·Discours à la NationlAl1~mande, trad. par S. Jankélévitch (Paris: Aubier-Montaigne, 1952), 1er Discours, p. 61. 4 Fichte, Discours à la Nation Allemande, 1er Discours, p. 72. 69. dire de continuer a faire l 'histoire. Souvenons-nous que pour Fichte, ce temps de conquête n'est pas un IItemps mort mais bien une période de transition ll 5 dans 1 'histoire de la Nation Allemande conquise. Si l'Allemagne a perdu la bataille des armes, elle peut gagner celle de l'esprit sans même éveiller la jalousie du conquérant Il • • • ce nouveau· " monde doit être fait de telle sorte'qu'il échappe à l'attention de la puissance étrangè!re, afin de ne pas susci~e~ sa jalousie;1I 6 C'est cet espoir d'un monde nouveau recréé, que Fichte vient apporter à l'homme par son projet de l'Education Nouvelle. Si le présent n'appartient plus aux Allemands, ceux-ci ont le devoir de travailler dans le présent pour le futur et tous doivent unir leurs efforts à la seule réalisation de ce but qui est de faire l'histoire et travailler ainsi dans le présent pour le futur. Le premier moyen à prendre pour bien atteindre le but proposé est de se garder de la servitude de l'esprit et d'élever son esprit à l'idée de liberté loin du monde sensible, pour que naisse ce monde nouveau dans lequel pourra se r.etrouver le peuple Allemand. IISi notre activité extérieure est fortement encha'i'née, ayons d'autant plus d'audace· pour élever notre esprit à l'idée de la 1iberté~ a la vie animée par cette idée, ... jusqu'à ce que naisse autour de nous un monde nouveau ... N'imposons pas à notre esprit la soumission 5 Voir Fichte, Discours à la ~ation Allemande, 7e Discours, p. 158. 6 Ibid., 1er Discours, p. 62. 70. qui est impOSl!!e li notre corps, ne le laissons pas emprisonner. 1I 7 Il est donc d'une importance capitale que la Nation Allemande se donne un esprit ferme, une volontl!! et un caractêrea toute I!!preuve. Seule la volontl!! soumise a l'Education Nouvelle peut sauver l'existence de la Nation Allemande et plus encore, l'humanitl!! ellemême. Seule l'Education Nouvelle peut sauver la culture allemande, sa langue et son I!!criture. L~Education a donc pour mission de promouvoir la fin de la raison, de tendre vers la rl!!alisati·on de l'Idl!!e et surtout doit changer l'esprit de J'epoque. Il y a plusieurs maniêres de voir le monde: la premiêre est celle qui attribue une rl!!alitl!! aux choses naturèHe!i, a la nature. La seconde maniêre est celle qui ordonne et ll!!gifêre la rl!!alitl!!, c'est celle de la ll!!galitl!! de i 'ordre. est celle de la moraie. mes et place la rl!!alitl!! La troisiême maniêre Cette der.niêre ooncerne l'action libre des homsou~ la loi de la libertl!!. La loi morale deman- de a l'homme de changer le monde par une action libre. La q~atriême mani'.êre est celle de la religiositl!! qui met la rl!!alité en Dieu et son existence. La cinquiême et finalement la derniêre maniêre est celle de la science Une et Absolue qui s'achêve en elle-même. Or nous dit Fichte, seule la troisiême maniêre, celle de la morale, est la vl!!ritable et authentique maniêre d'aborder le monde et la réalitl!!. En effet cette 7 Fichte~ DiscoUrs'a la Nation Allemande, 12e Discours, 1p. 229. 71. derniêre incite a l'action. Seule, la religion n'est rien, seule la science, n'est moins que rien, car elles sont toutes deux contemplatives et#sp~culatives. La religion et la Science doivent s'unir dans l'action et devenir action la à la b~atitude, m~me. C~est supr~me moralit~ la seule façon de parvenir a de ll"homme vraiment religieux 00 seule la troisiême maniêre, celle de la morale incite à l'action. 8 C'estla tâche de la Nouvelle Education d'inciter l'~lêve, a l'action. En effet seule l 1 Education peut apprendre a l'élêve son devoir, seule elle, peut l 'inciter a l'action. Seule l'Education, et cela dês la plus tendre enfance, peut montrer à l'élève la vraie libert~, celle qui permet de construire le monde nouveau auquel le Moi est convié. Parce quel1!~homme nlest ni bon ni mauvais mais qu'il devient l'un ou l'autre par sa liberté 9, il faut, dês son plus jeune âge, l'~duquer, lui faire prendre conscience de son Moi, de sa liberté, sans quoi, laissé sera dirig~ a lui-même, il tombera dans la corruption, les passions et uniquement par son ~goisme. volonté qui déterminera son action. Il faut éduquer chez lui sa Par la seulement il verra que le Devoir, fondement de la loi morale, lui demande d'agir. Le Moi doit connaTtre son devoir; l'intelligence qui rêgle l'action du Moi, si elle ne peut', fonder la réalité pour le Moi, peut lui faire voir le niveau conscient de la devoir. réalit~ et lui pe~mettre de prendre conscience de son Clest pourquoi le Moi se donnera trois lois morales fondamen- 8 Voir J. G.,Fichte,'Initiation à la Vie Bi~nheureuse, trad. par Max Rouch~, ed. L. Lavelle et R. Le Senne (PariS: Aubier-Montagine, 1944), Ve Conf~rence, p. 179; voir aussi VIle Conférence, p. 211. 9 Voir Fichte, Ethics, pp. 198-199; voir aussi Fichte, Discours la Nation Allemande, 10è Discours, p. 200. a 72. tales, relevant de la raison théorique, et lui permettant de mieux conna'i'tre son devoir. La premiêre loi est celle de ne ij,amais soumet- tre sa raison théorique parce qu'elle seule peut permettre au Moi de conna'i'tr~ en toute liberté. voir.de.connaissance a son La seconde est celle de cultiver ce poumaximum; la troisiême enfin demande au Moi, de ramener continuellement sa pensée 'à son devoir. 10 II. L'Education de la Volont~. L'Education vient apprendre à l'élêve ces trois lois fondamentales. Elle vient lui apprendre que seul, le Moi doit faire sa propre expérience et que rien n'est possible en dehors du "Moi agissant", de l'action, de la volonté d'agir. ~tre Seule cette activité volontaire peut capable de modifier cette cha'i'ne des causalités de la nature dans laquelle Kant a enfermé la philosophie. C'est la libre volonté du Moi qui est responsable d'engendrer au sein de la Communauté un espritpnôùveau, un homme nouveau, capable de "re-construire" le monde et partager avec ses semblables la Raison. Mais pour cela le Moi. doit être éduqué dans sa volonté, il doit être élevé pour arriver a la réalisation de l'Idée. ~ la pensée, il doit conna'i'tre Imposé par'la Nécessité, l'usage de la force est nécessaire pour la Nouvelle Educati.on qui veut construire l 'humanité nouvelle. 10 Voir Fichte, Ethics, p. 229;' .713. En effet la Nouvelle Education doit donner orientation bien définie, dirigée de façon précise. a 1'é1êve une Dans cette noù- velle Education, il ne s'agit plus de reconmander.seulement une vie morale et bien ordonnée, comme c'était le cas dans l'ancienne éducation. En effet, l'erreur de 1 'ancienne éducation est d'avoir permis le libre arbitre a l'élêve qui, confus, non dirigé, pouvait difficile- ment exercer sa volonté, et choisir entre le Bien et le Mal. ici d'imposer à l'élêve une conversion de la volonté et "l~ Ills'agit former de telle sorte qu'il ne puisse pas vouloir autrement que ce que vous 1111 voulez qu'il veuille Ainsi la liberté de Vouloir du Moi doit disparaftre ici pour faire place a une volonté ferme,déterminée par la nécessité. La volonté qui constitue la racine même de la formation de 1 'homme doit être éduquée par la Nouvelle Educati.on de façon rigoureuse.' C'est pourquoi il est si important de détruire toute libre volonté et de soumettre la volonté de l'élêve à la nécessité de lui donner cette vOlonté ferme, essentielle, pour parfaite les buts de la Nouvelle Education. Cette façon de faire créera selon Fichte "un être stable, défini, permanent, un être qui ne soit plus en voie de devenir, mais qui soit et ne puisse être autre que ce qu" i 1 est. Il 12 11 Fichte, 'Discours à la Nation Allemande, 2iême Discours, p. 79. 12 Ibid., p. 78. 74. Il pourrait sembler que cette méthode de l'Education Nouvelle entre sinon en contradiction avec les principes de 'Sciénce, du moins qu'elle en fausse les principes. est rien. la'D6ctriné'dé'1~ Pour Fichte, il n'en En effet, pour la Nouvelle Education, le Moi doit arriver a se construire lui-même 13 , le Moi doit pouvoir se réfléchir lui-même, et accomplir lui-même cet acte originel exigé par l'Idéalisme transcendantal. Tout ce qui est permis de faire à la Doctrine de la Science, c'est d'espérer que chacun puisse arriver un jour à se penser soi-même, que chacun puisse se poser, se situer et accomplir l'acte. C'est pour- quoi l'Education Nouvelle, si elle veut respecter les principes d~ la Doctrine, a le droit et le devoir de diriger, d'imposer sa Volonté sur ~t. celle du Moi le r~oi de devenir alors ce qui détermine, ceqqai conditionne de l'é1êve, ce qui le fait progresser dans son effort. ['Educa- tion devient fondement du fondé (le Moi de l'é1êve), si l'on peut dire, et a pour mission d ~ amener le ~oi a se'l réfléchir comme sujet-objet. Elle doit l'amener a agir pour qu'il accomplisse librement cet acte de se poser lui-même. Pour Fichte, l'Education agit ici au nom de la liber- té, la nécessité étant une liberté cachée que tôt ou tard l'é1êve'pourra découvrir. C'est pourquoi, l'usage de la force est nécessaire, il est imposéppar.onla Raison. qu~e11e C'est parce que la raison est commune à tous et n'est pas accessible qu'a des privilégiées que les Concepts dont il est question dans la Doctrine de la Science sont' effectivement agissant dans tous les êtres raisonnables et agissant par la nécessité de la raison; ... 1114 C'est pourquoi re-penser le concept du pur Moi ne dépend 13 Voir Fichte, Ile Introduction, IVe Section, pp. 269-271. 14 Ibid;, IXe Seçtion, p. 303. 75. pas d'un m~canisme de la n~cessit~, mais de la libert~. Ainsi on ne peut pas comprendre la'Doctrine de'la Science s'il n'existe pas en nous-mêmes d'abord certaines "connaissances pr~alables" que l'on ne peut trouver en nous-mêmes que par "un constant usage de la libert~JI. 15 Ces connaissances d'une pr~alables ~ducation commenc~e ne doit pas être dirig~e tôt elle dQit être ne peuvent s'acqu~rir qu'a la condition Cette ~ducation a l'enfant mais plu- dês la plus tendre enfance. par une force déyelopp~e l'instruction de sa propre ext~rieure par l'enfant lui-même se faisant lui-même Volont~ et travaillant par la au progrês de la Raison car: ilL 'unique voie pour l'expansion de'la phHosophie est la culture de l'homme en totalit~ depuis son enfance. Il 16 seul l'apprentissage de la libert~ tion Nouvelle peut permettre dantal. L'~ducation accompli dans le projet de l'Educa- a l'enfant la Doctrine de la Science, i.e. la Mais pour Fichte de comprendre l'enseignement de sp~culation est un long processus. de l'Idéalisme transcen- Elle se doit d'abord d'être plus négative que positivé",pour arriver finalement à n'être qu'une action réciproque avec l'étudiant. C'est pourquoi écrit Fichte de l'éducation qu':" ... elle ne doit être qu'action réciproque (Wechselwirkung) avec l'ado~s~entet non influence (Einwirkung) sur lui ... et ne faire appel a l'influence que lorsque l'action réciproque sera impossible." 17 15 Voir Fichte, Ile Introduction, Xe Section, p. 304. 116 Ibi d., p. 304. 17 Ibid., p. 304. 76. L'action longtemps que cet fluencer entre l '~lêve et r~ciproque l'~lêve. Id~al l'~ducation n'est pas atteint, l est un· Idéal et aussi '~ducation se doit d'in- a pour mission d'amener l'élêve à agir, L'~ducatl0n a r~fléchir lui-même de façon autonome. Elle doit l'amener à cette démarche jusqu'a ce qu'il n'ait plus besoin d'excitation extérieure et que toute infl uence ne soit plus nécessaire. Allcenmomènt l'éducation devient action r~ciproque et accomplit par là la tache qui lui a été confiée. Mais ce long proc~dé doit amener l'excitation extérieure et l'influence, exercées par l'éducation, à disparaftre pour devenir action réciproque avec l'élêve. Sinon elle continue la méthode archaique et aliénante de l'ancienne éducation qui, elle, s'arrêtait à cette excitation extérieure et perdait par 13 les mille et une ressources créatrices de l'~tudiant au profit de son influence. Dans le projet de l'Edu- cation Nouvelle de Fichte: "Aussi longtemps que l'éducation, consciem- . ment ou non, se proposera le but opposé et ne travaillera qu'en vue de l'utilisation par d'autres, sans jamais réfléchir au' fait que le principe de l'utilisàtion se trouve également dans l'individu, détruisant ainsi dès la plus jeune enfance la racine de l'activité autonome et habituant l'homme a ne jamais se mettre a l'oeuvre de lui-même., mais a attendre la premiêre excitation ext~rieure," (Ibid., p. 304) elle ne pourr.a remplir la mission que lui confie Fichte. L'éducation est.donc pour Fichte d'abord une· initiation, une sollicitation, un apprentissage. Elle doit permettre a l'élêve de 77. pouvoir se développer lui-même, d'être un jour autonome et de pouvoir exercer sa volonté librement. : Elle doit commencer par influencer directement l'é1@ve, elle doit le diriger, lui montrer la voie à suivre et ainsi lui enlever toute autonomie, toute per lui-même. p~ssibilité de se dévelop- Fichte nous assure que cette éducation ne fait qu'enle- ver à l'élêve ce "libre arbitre" qui, selon lui, a causé l'échec de l'ancienne éducation et amené la Nation Allemande dans cet état actuel de corruption. Mais si l'Education Nouvelle agit ainsi, c'est pour mieux permettre à l'élève d'être plus autonome une fois sa formation terminée, et être en mesure de travailler à la réalisation de l'Idée Divine. L'Education Nouvelle enlève à l'élève la possibilité de se diri- ger lui-même pour être en mesure de së diriger vers l'Idée Divine. Cette excitation extérieure de l'éducation sur l'élève n'entre pas, pour Fichte, en contradiction avec la liberté qui ne peut se trouver que dans le Moi, qu'enno~s-mêmes. Cette excitation extérieure dans le pro- jet d'Education Nouvelle est justifiée par la nécessité qui est pour Fichte et l'Idéalisme transcendantal une liberté cachée. Ainsi dans l'Education Nouvelle, la liberté de vouloir du Moi doit s'effacer pour la nécessité de, donner, d'imposer a l'é1êve, une volonté à toute épreve. Citons Fichte: "Douer l'homme d'une volonté ferme et infaillible ,au moyen d'un art réfléchi et rationnel: c'est en quoi consiste l'éducation que je préconise." 18 On ne peut 's 'empêcher de se demander ici si cette entreprise 18 Fichte~ Discours a la Nation Allemande, 2i~me Discours, p. 80. 78. ri'est pas une tache impossible a r~aliser, de questionner s~rieusement la mission de l'Education Nouvelle qui impose au nom de la cach~e"sa volont~ a celle a celle du Moi. la Raison du Moi et qui impose surtout la libert~ volont~ de III. La Connaissance religieuse. La Nouvëlle Education doit être capable de former des hommes complets et de leur donner la Connaissance ,religi'euse. ver l'~lêve a la puret~ morale et 1 '~lever surtout Elle doit a cette ~le­ sphêre supra- sensible qu'est la vie divine et qui a sa source en Dieu lui-même. morale pour Fichte est quelque chose mai're qui puise sa vie en elle-même. d'ind~pendant, d'autonome et de pri- Elle est cet "art ratinnnel et infaillible" de l'Education qui va faire naître chez le religion. La l'~lêve une nouvel- "L'Education en vue de la nouvelle religion constitue donc le but suprême de la nouvelle ~ducation eng~n~ral." 19 religion va permettre a l'~lêve d'unir sa vie intime Cette nouvelle a 1a vie divine. C'est pourquoi la morale doit être une fin en soi et pour soi et non plus seulement une pratique comme c'est le cas du Christianisme. En effet la fichtianit~ Luth~rianisme 'n'accepte aucun et du interm~diaire entre Dieu et les hommes car les hommes doivent avoir un contact direct avec Dieu. Le culte dans le Christianisme ne peut être qu'ùn diaire, "de même 1 'ecriture dans le hommes religieux. Luth~rianisme qui a interm~­ remplac~ les Ainsi "l a religion n'a rien de pra'tique ... elle 19 Fichte, Discours a la Nation Allemande, 3iême Discours, p. 95. reste connaissance pure et simple; .•• elle lui permet de réaliser son accord avec lui-même et met la clarté dans sa raison." 20 La morale est une fin en soi. Mais la fichtianité, la nouvelle religion, est une soumission à ce que l'on ne comprend pas, réalisée au niveau de la raison et de la volonté. La nouvelle reli- . gion est "la soumission à une loi suprême et inconnue, l'humble abandon envers Dieu, l'amour profond de la vie divine dont la nôtre n'est qu'une émanation." 21 La nouvelle Education amêne donc l'élêve à avoir une foi aveugle en la pensée. C'est pourquoi la vie Divine ne se manifeste jamais comme un être existant car Dieu est une valeur en puissance en nous. La vie divine est la vie véritable alors que l'exis- tant est, pour Fichte comme chez Platon, une ombre, un schéma, une vie apparente, une mort continuelle. Ainsi "le centre de toute vie étant l'amour; la vie véritable aime l'un, l'immuable et éternel, c'est-à-dire Dieu: elle est en Dieu. La vie apparente s'efforce d'aimer ce qui est mobile c'est-à-dire le monde: elle ~st dans le monde." 22 C'est pourquoi il ne doit pas exister d'intermédiaire entre Dieu et l'élêve. Il s'agit ici d'une religion complêtement renouvelée 00 Dieu se manifeste à l'homme par l'intermédiaire de l'amour pur et idéal. Mais cela n'est possible que dans un retour en soi-même et c'est ce qui peut établir le contact 20 Fichte,·Discours à la Nation Allemande, 3iême Discours, p. 96. 21 Ibid., 3iême Discours, p. 96. 22 Fichte, "Introduction de Martial Guéroult~,Initiation à la Vie BienheureUse, p.. 10. 80. di rect avec Dieu. Fi chte "ne demande pas a 11 homme de créer 11 éternel: cet élément est en lui, il nia quia le retrouver. Et pour le retrouver, il lui suffit de rejeter 1 1accidentel , et, avec lui, la ·misêre: la . Il 23 béatitude prendra immédi atement sap 1ace .. : IV. La Connaissance spirituelle. A cet amour de l IUn, slajoute une connaissance intuitive qui nous offre une image susceptible de nous présenter .1 lobjet invisible. Mais 11 image du monde, de ·1 a nature et de 11 existant ne doi t pas arrêter 11élêve dans sa recherche. Cette image vient de la connaissance spirituelle. Or il ne faut pas se laisser distraire par 1 limage mais plutôt faut-il sien servir pour mieux connaître le sentiment obscur, llégoisme sensuel et 1 1amour de soi-même qui ne peuvent être dépassés que par la raison, la connaissance claire. nous sauver ..• " 24 "Car seule la connaissance claire peut Clest par la connaissance claire et 1 1amour de cette connaissance que ·llélêve va arriver à slaimer lui-même et parvenir a une formation dlhomme complet. Seule une éducation rationnelle, seul. un "art rationnel et infai11ib1e" peut faire battre en retraite les sentiments obscurs et permettre aux hommes de construire cet homme nouveau, ce nouveau monde, ce monde a venir. 23 Fichte, "Introduction de Martial Guérou1t"~înitiati6ri'a1a Vie Bienheureuse; p. 12. 24 Ibid., p. 13; voir aussi Fichte~·Discours a la Nation Allemande; 3e Discours, p. 100. 81. La nature spirituelle est donc un facteur décisif important chez les élêves formés par la nouvelle éducation. En effet Fichte reconnatt en l'homme des· forces obscures qui facilement mênent à la corruption, a l'égoisme, et finalement à une extrême confusion. Il est donc nécèssaire de substituer à ces forces obscures un art réfléchi et rationnel capable de donner à l'homme cette Volonté ferme et infaillible capable de regénérer le monde et de repenser l'acte originel. C'est l'égoisme individuel, c'est la corruption et les passions qui ont perdu l'indépendance de la Nation Allemande. Or le Moi se doit de désirer èt d'avoir le courage de remonter la pente. Affronter ët surmonter la réalité et attaquer la mal de front pour le mattriser, voilà ce que demande Fichte à la nation conquise. Et l'oubli de soi-même, la réflexion en soi-même, cet art rationnel et réfléchi sont les instruments recommandés pour re-créer le Moi National, la Communauté, le Tout. Ainsi la Nouvelle Education doit pouvoir amener l'élêve à l'amour du Bien pour lui-même. Fichte parle ici non pas d'un bien-être matériel égoiste mais d'un amour du Bien comme tel, pour lui-même. Nouvelle Education doit pouvoir amener l'élêve à Vouloir ce Bien. La En effet:""La nécessité nous oblige à vouloi'r-former des hommes intérieurement et fonciêrement bons, car c'est seulement grâce a eux que la nation allemande pourra subsister, ... " 25 . 25 Fichte, Discours à la Nation Allemande, 2e Discours, p. 80; voir aussi p. 85; voir aussi 3e Discours, p. 98. 82. La vie spirituelle est dans la Nouvelle Education une vie jamais achev~e, a l'infini. se poursuivant E11e adopte la forme de la pens~e pure, celle qui nous fournit la connaissance religieuse. La pens~e et l'activit~ sont deux formes divergentes dans un monde Elles sont aussi deux nom~na1. ~l~ments constitutifs et ph~­ n~cessaires de la vie rationnelle et spirituelle qui se situent non pas au-dessus du monde ph~nom~nal repr~sentent mais dans le monde lui-même. ph~nom~nal la même vie, une et absolue, celle de Dieu. Elles En effet, la vie èt la /cu1ture spirituelle ont leur source en Dieu car en Lui seul se trouve la vraie vie, la vie La culture est form~e la philosophie est la base. mat~rie1s, la b~atitude. par la philosophie et les sciences dont Mais les sciences et l 'art ne doivent pas être mis au service de la vie terrestres et v~ritable, mais a un a un niveau inf~rieur, dans ses besoins niveau sup~rieur, supra-sensible soit au niveau de la vie active, de la vie spirituelle en soi. losophie et les sciences sont des moyens mis a la disposition de pour parvenir a la vraie vie, la vie active, c~lle de Dieu. La phil'~lêve Il est es- sentiel d'avoir une discipline de la culture. Dans cette optique, la Nouvelle Education doit être capable de stimuler chez l'~lêve la capable de former des images lit~, qui lui permettront de son essor. Ces images d~ja ~xistantes. cr~ativit~ a priori, d~velopper a priori spirituelle. L'~lêve doit~être qui seront des modêles de la r~a­ sa connaissance et de maintenir ne sont pas seulement des reproductions Non, elles doivent être cr~~es par l '~lêve lui-même, 83. l'~lêve a les doit arriver par ses propres moyens doivent être des cr~ations spontanêes et personnelles .de lui permettront de stimuler son action même, activit~. cr~ateur ind~pendant, de Dieu, de la cr~ation Ces images cr~er. capable L'~lêve a son devient par cette tour de se rapprocher et de repenser en un mot l'acte originel. cette creation spirituelle qui va lui pennettre éf'apprendre, de per sa connaissance qui viendra presque d'elle-même grâce tivit~ spirituelle. qui l'~lêve IIQuant C'est d~velop­ a cette cr~a­ a la connaissance, elle naît de surcroît ... 26 Il Fichte nous souligne que pour autant que la Connaissance soit essentielle a la formation de l homme elle est une fin 1 compl~mentaire de l 1 homme complet, ce qui nlest pas le cas de l 1 ancienne à la formation qui ~ducation imm~diate. voyait en la connaissance une fin Ainsi la connaissance dans la Nouvëlle Education, grâce à l'imagination et a la cr~ativit~ personnelle qu'elle requiert de 1 '~lêve peut mieux favoriser 1 'activit~ spirituelle toute entiêre. quoi 1 'exercice de la m~moire Clest pour- sur lequel insistait 1 1 ancienne ~ducation n'est pas suffisant à promouvoir la formation de 1 1 homme complet. est donc important d'ajouter a cet exercicè de la l'imagination qui ensemble avec la m~moire m~moire, la cr~ativit~, peuvent mieux servir les buts de la Nouvelle Education, dont 1 'activit~ spirituelle elle-même. façon de faire de la Nouvelle Education amênera joie et plaisir. activit~ L'~lêve l'~lêve à Cette connaître avec aimera connaître et surtout il aimera cette spirituelle pour elle-même. Ainsi 26Fichte~ ·Discours Il l'~lêve lisera anim~ d'un a la Nation Allemande, 2iême Discours, p. 84. 84. amour dont l'objet ne sera pas une jouissance sensible . . tivitê spirituelle pour elle-même, en tant qu'activitê mais l'acIl 27 La connaissance est la phase prêliminaire de la volontê morale que la Nouvelle Education a pour mission de former chez l'êlêve. La connais- sance de l'êlêve va lui permettre de rehausser son moi et surtout de dêterminer la nature et la forme de sa volontê morale. V. Connaissances Manuelles et Physiques. Pestalozzi. Une formation manuelle et physique couronne le systême de l'Education Nouvelle dans son projet de formation de l 1 homme complet, dans son projet de regêriêration de l'homme. En effet des exercice phy- siques et mécaniques, des travaux agricoles vont permettre a l'êlêve de faire preuve de bonne volontê envers la communautê et surtout lui permettre de rendre service C'e~t a la collectivité, a la Communautê, au Tout. a partir du systême d'éducation de Pestalozzi que Fichte conçoit son projet d'Education Nouvelle. s'oppose En effet, Pestalozzi a tout arbitraire ou tâtonnement qui était de rêgle dans l'an- cienne êducation. Il s'accorde donc bien avec Fichte en ce qui concerne l'éducation de la Volontê dans le projet d'Education Nouvelle. Ainsi, Pestalozti veut dêvelopper chez l'élêve·l 'intuition directe, ce que Fichte appelle, lui, faculté spirituelle. p'; 87 • 27 Fichte, Discours Pestalozzi et Fichte veulent a la Nation Allemande, 2iême Discour~, 85. d~ve10pper chez 11~lêve la d'images et lui enseigner tout ce images librement compos~es spirituelle par une facu1t~ et ~laboration doit savoir a 11aide de ces qu~i1 par imagin~es l'~lêve lui-même. Fichte reconnatt au systême pestalozzien des avantages et des limites. En effet, Fichte va prendre beaucoup du systême pestalozzi en mais en reconnaissant: les limites, il va sien sortir et aller plus loin que ce systême. En effet Pestalozzi avait mis sur pied ce systême tion pour les enfants orphelins, d~laiss~s par le peuple. d'~duca­ Clest à ces derniers qu ' i1 s'int~ressa uniquement. Fichte va prendre le systême d'éducation de Pestalozzi pour l 'app1iquer à 1 1ensemb1e du systême Ce sera là l 1Education Nouvelle, un systême d'~ducation. bas~' sur le systême pestalozzien mais donne une dimension hautement am~lior~, Il m~taphysique. repris auquel Fichte s'~loigne ~insi gogue populaire qulest Pestalozzi et de son systême. en 11~ducation de l'~criture. autre chose qulune L'~ducation ~ducation d'~ducation du p~da­ Fichte reconnaît populaire de la lecture et est pour Fichte l'instrument de l 1effort, 1 1instrument du Devoir permettant au Moi de travailler à la fin ultime de la Raison qui est la r~alisation de 111d~e l'~ducation est instrument de dépassement. le 1ib~rer d~sir de de 11~co1e Divine même. "Sans doute, Pour Fichte ~crit Fichte, le plus vite possible ces enfants prove- nant de milieux três pauvres pour leur permettre . .. de gagner leur vie, tout ' en leur donnant la possi.bilit~ de continuer l 1instruction interrompue, inspira certainement à l 1âme tendre et aimante de Pestalozzi une estime exag~r~e de la lecture et de l'~criture, qu'il consid~rait presque comme la fin et le sommet de 1 1enseignement populaire ••. " 28 .28 Fichte, Discours a la Nation Allemande, 9iême Discours, p. 191. 86. Malgré cette approche différente sur les buts de l'éducation, Fichte et Pestalozzi sont d'accord sur l'importance d'éduquer l'élêve, par le développement des facultés spirituelles, corporelles, manuelles et physiques. Mais ce qui est en~ore plus important, tous deux s'entendent pour permettre à l'élêve de se recuèil1ir et de descendre en lui-même afin qu'il retrouve son Moi de façon claire, libre et rationnelle, devant ce chaos inextricable de la vie. C'est le seul moyen pour évi tel" toute confus i on et tomber dans l' opi ni on, l a mode du siêcle. ~our Fichte, il est d'extrême importance que l'é1êve concen- tre son esprit non plus sur le monde sensible mais sur celui de la pensée. le. Fichte veut renverser l'ordre des choses de l'éducation actuel- L'esprit doit animer de son souffle le coeur des hommes. C'est a cette seule condition que l'Education Nouvelle va atteindre son but proposé, celui de re-créer un Moi National permettant de regénérer la Nation Allemande toute entiêre. Or cet esprit implique nécessairement un amour supérieur de la patrie car il conçoit la vie terrestre comme une vie éternelle et la patrie comme la représentation terrestre de cette éternité. Fichte parle ici d'une "transformation totale de la race humaine". 29 Seule l'Education Nouvelle peut sauver l'existence de la Nation Allemande et la perpétuer pour les générations futures. Selon la Nouvelle 29 Fichte~ 'Discours à la Nation Allemande, 9iême Discours; p.' 187. 87. Education l '~lêve doit avoir une conscience claire de ces perceptions et de ces intuitions. chez lui sa facult~ Clest pourquoi est-il essentiel de d~velopper de connattre et 1 1 amour pour l'objet de sa con- naissance, cela par une connaissance aussi claire que possible. VI. L'Amour des hommes entre eux. Mais il existe encore un plus grand amour, autre que celui de la connaissance; clest celui qui est les hommes entre eux. en Dieu. fond~ sur la raison et qui unit La vie et la culture spirituelle ont leur source Clest pourquoi Fichte parle alors d'une tions humaines conform~ment des rela- au modêle original, créant ainsi une vie nouvelle nlayant pas encore jamais exist~, ... 11 30 clart~ lI~volution originelle, ... Certes, la pr~diction Ille monde n~ de la d'une nouvelle vie a de quoi a notre époque; •.. 31 La Nouvelle Education ne cherche pas uniquement a former des savants. Ce qu'elle se propose avant parattre singuliêre 11 tout, clest de former des hommes, complets capables de r~aliser en eux- mêmes les connaissances acquises mais aussi de les réaliser avec les autres. Clest ainsi que le Moi pour parfaire les buts de la Nouvelle Education se' doit d'être un Moi soci~l, un Moi qui :s'unit avec les autres pour former ce Moi national, principal objectif de l 1 Education Nouvelle qui mênera vers l'humanit~ 30 Fichte, Discours nouvelle. L'~lêve doit donc apprendre a a la Nation Allemande, 5iême Discours, p. 123. 31 Ibid., 3iême Discours, p. 103. 88. vivre en fonction de la Communauté, du 'Tout de façon telle qu'il "ne soit pas seulement obligé de s'effacer devant le groupe, mais qu'il agisse également au profit de ce groupe, •.. " 32 Ce n'est qu'en harmonie avec les autres que l'élêve peut s'accomplir pleinement; cette harmonie de tous les êtres rationnels entre eux est la condition de toute la moralité. Le Moi est un Moi social, qui vit en société, et qui a le devoir de vivre en fonction de la communauté. Nous le voyons dans le Dixiême Discours à la Nation Allemande: pour Fichte, l'enfant ne naît pas égoistement car aucune réalité ne jaillit du néant. fait l'éducation. L'élêve devient ce qu~il se fait ou qu'en C'est pourquoi l'éducation a-t-elle le devoir de dé- couvrir chez ce dernier l'aspect le plus originel et le plus pur sous lequel la moralité se manifeste chez l'élêve. N'oublions pas encore une fois que l'enfant n'est ni bon ni mauvais, mais qu'il le devient par sa liberté. Or les sources de toute moralité sont justement l'éduca- tion de sa volonté, la maîtrise de soi, la victoire sur ses passions et la subordination de ses penchants égoistes à la notion de collectivité. d'abord Seule cette hannonie premiêre que le Moi doit faire en lui-,même e~t gage de l'hannonie avec les autres. C'est par le bien moral réalisé en soi-même, par la'subordination du Moi individuel a la collec- tivité, par le respect des autres, de l'ordre et de larêgle et finalement par des dévouements volontaires et désintéressés envers la collectivité que l'élêve pourra réaliser cette harmonie avec lui-même et avec les autres et parvenir à cette formation d'homme complet, réalisant par là 32 Flcnte~'Distoursa'la'Nation . 90 Allemande, 2iême Dlscours, p•• 89. les buts proposés par la Nouvelle Education. Le Moi ne doit en aucun cas limiter les autres ni les autres le limiter; il ne doit pas intervenir dans la liberté des autres, ni les autres intervenir dans celle du Moi. Mais l'élêve ne doit pas oublier qu'il doit exister pour le salut de l'humanité. Il doit.y avoir "une harmonie absolue de tous les êtres rationnels comme condition de la moralit~." 33 qu'intervient· la notion de devoir. C'est ici C'est· un devoir pour l'élêve de vivre pour la collectivité, enharmonie avec les autres car tous doivent travailler a la formation de ce "Marché Commun Moral" et cela ne peut se faire que dans et à travers la société. "C'est seulement en agissant, non en spéculant, seulement dans l'action dans et pour la Société, que nous accomplissons notre devoir ... C'est le devoir de chacun, dans la mesure 00 il veut promouvoir la culture morale universelle, d'inviter· chacun a en faire son but. C'est ce qui unit les hommes ... Chacun doit être prêt a s'ouvrir lui-même à cette influence réciproque ... Cette réciprocité ... est a~pelée Eglise, un Marché Commun Moral ... " 34 Ainsi tout le monde doit travatller à ce Devoir Général, alla formation de cette Eglise universelle car c'est un devoir absolu demandé par la Loi Morale. voir Général qui Chacun a un devoir particulier de participer au De- ~êne, nous assure Fichte, vers la réa1is qtion de l'Idée. 33 Fichte, Ethics, p. 241. 34 Ibid., pp. 247-248. 90. VII. L'Internat. Or dans ce but Fichte favorise 'l'internat. Fichte fait' cette recommandation afin d'êloigner les enfants de l'influence des parents prêoccupês au dire de Fichte, que de problêmes matêriels. Contrairement a Pestalozzi qui favorisait l'êducation familiale, en particulier l'êducation donnêe par la mêre à son enfant, Fichte dans l'Education Nouvelie réjette l'êducation du milieu familial. 35 En effet "La gêne continuelle, les soucjs quotidiens, l'obsession du gain qui, l'accompagne les enfants, de les d'~'ordinaire, dê~ourner ne manqueraient pas de dêmoraliser du but poursuivi jusqu'à empêcher leur libre essor~;vers le monde de la pensêe." 36 Les êlêves doivent vivre, isolês du monde des adultes, dans une petite sociêtê, une petite communautê où les êducateurs vont leur apprendre à ne vivre qu'en fonction de cette communautê dominêe par le monde spirituel, celui de la pensêe, seul capable de regénérer 1 'humanité. 35 Dans la Théorie de la Morale en 1798, Fichte favorisait l'éducation familiale dans laquelle c'était un devoir particulier des parents envers leurs enfants que de bien les éduquer. Ils devaient même brimer la liberté de leurs enfants, si ces derniers ne vou'laient pas se soumettre a l'éducation. (Fichte, Ethics, pp. 348-358). Il est intéressant de voir comment, dans les Discours'à la Nation Allemande, Fichte modifie sa conception de l'éducation en demandant aux parents de confier leurs enfants a l'Education Nouvelle et de les placer dans un internat. 36 Fichte, Discours à la Nation Allemande; 9iême Discours, p. 193; voir aussi 2iême Discours, p. 88; et 10iême Discours, p. 207. 91. Il semble exister ici un problême d'importance dans le systême d'Education Nouvelle de Fichte. La Nouvelle Education a pour mission de former tles hommes complets incapables de corruptions, de passions et d'égoisme individuel, ce qui dans la société des adultes a libre cours selon Fichte. Or Fichte pour accomplir la mission de l'Education Nouvelle isole ses étudiants pour les former' au monde de la pensée. Il crée une petite société, dans une société déja existante. Comment èes étudiants formés à la Nouvelle Education pourront-ils, aprês avoir détesté la Société des adultes~ réintégrer cette société et la changer sans être touchés eux-mêmes par le climat déja existant du monde des adultes? Mais cet internat, cet isolement éloigne les élêv~s de la réalité pour un monde idéal celui de la pensée, le seul existant pou~-~ichte et l'Education Nouvelle. On peut se demander ici si le monde de la réalité est réconciliable avec le monde idéal, celui de la pensée. 92. CHAPITRE III - A QUI EST CONFIEE LA MISSION DE L'EDUCATION NOUVELLE Nous avons vu dans le deuxiême chapitre que l'Education vise. d'abord la formation d'un homme nouveau. Nous. avons ment l'Education, qui a pour mission de former. la doit aussi pour satisfaire a sa t~che tent~ volont~ de voir comde l'élêve, donner a l'élêve des connaissances religieuses, spirituelles, sociales, manuelles et physiques, connaissances inspirées directement de 'la méthode de Pestalozzi et que Fichte, contrairement a Pestalozzi, va appliquer dans un internat. a qui Fichte veut-il confier la mission de l'Education Nouvelle? La réponse a c~tte question fait le sujet de ce troisiême et Mais dernier chapitre. Cette miss~on de l'Education Nouvelle, Fichte la confie a la Nation Allemande toute èntiêre, mais c'est aux savants en particulier qu'il s'adresse. En effet les classes instruites sont conviées ger les classes inférieures et tique essentielle a diri- a accomplir par la, cette mission prophé- a la réalisation d'une humanité nouvelle. L'Etat sera l'instrument par lequel le projet d'Education pourra réussir, permettant légalement l'usage nécessaire de la contrainte et de la force et de parfaire, par ce moyen, la mission de l'Education. C'est au peuple tout entier que Fichte va confier l'Education Nouvelle. En effet, le plan qu'i1 propose demande la participation de 93. tous les membres de la nation pour être n~cessaire men~ à bonne fin. Il,est de mobiliser la nation entiêre parce que pour Fichte: " .•• :~'est le devoir de chacun •.. qui choisit une vocation d'avoir une façon particuliêre de promouvoir la fin ultime de 1a'raison." 1 Comme le Christ qui s'adresse, au peuple d'Israel, Fichte s'adresse au peuple Allemand pour implanter sa nouvelle Religion: la fichtianité. Cette nouvelle religion, nous l'avons vu au deuxiême chapitre, sans intermédiaire entre Dieu et les hommes ne peut ,être possible que par l'acte libre du Moi et l'activité spirituelle. Fichte s'adresse a tous les Allemands parce que tous les êtres ont le devoir de vivre et d'agi r Pour et Dans la soci été. Le Moi chez Fi chte est un Moi so- cial qui vit en fonction de la Communauté. Tous ont un devoir particulier de participer au Devoir Général. "Vivre ensemble est pour les hommes la condition sine 'qua n'on du développement de la raison de l'hu- manit~ ... l'homme n'est homme qu'entre les hommes." 2 té que l'homme est' homme. Fichte s'adresse. mande to~te entiêre C'est en soci~­ c'ést donc à la Communauté des hommes que C'est seulement un effort commun de la Nation Alle~ui pourra re-cr.~er cet homme capable d'arriver a la connaissance de l'Idée Divine, par des efforts constants et infinis, toujours a renouveler dans sa recherche de, la vérité. l Fichte, Ethics, p. 273, (notre traduction). 2 A. PhilQnenko, La Liberté Humaine dans la Philosophie de Fichte, (Paris: Vrin, 1966), p. 36, citant Fichte, Nachge1assene Schriften Bd. II, p. 186 et S. W. 1II, p. 39. 94. 1. Les Savants. -, , : <" .' confie la mission de l'Education Nouvelle. Les s~vants sont ceux qui sont en possession de la Connaissance, l~ vérité; ils, sont ceux qui connaissent une partie de l'Idée Divine. Ils sont aussi éeux qui ont le devoir de communiquer aux autres l'Idée Divine. Ils sont ces "Envoyés" de Dieu qui ont pour mission de réaliser l'Idée Divine dans la Communauté des hommes. Ils sont ces prophêtes, ces élus de Dieu qui ont la tâche de répandre les idées de la Nouvelle Rèligion et de cette façon ils participent au Devoir Général qui est la réalisation même de l'Idée Divine; parce que .IIC'est un devoir de communiquer la vé rl't~c ••• ;'Il 3 Les savants sont donc ceux qui guident la nation, qui dirigent la Communauté; et cela .à tous les plans et de différentes façons. Les savants ont mission d'âgir dans les cinq modes d'activité par et à travers lesquels l'Idée Divine, la Vie l'homme. se manifeste à Ce sont'la' législation, la Science, la Religion, la Connais- sance de l'Idée Divine et finalement l'Art. sion de travailler et d'agir possible. Divi~e a tous Les savants ont pour mis- les niveaux de l'activité humaine C'est à eux que Fichte confie l'Education Nouvelle et c'est sur leurs épaules que repose la regénérescence de l'humanité. a eux C'est pri n'ci pa l ement que Fi chte confi e l a tâche d'annoncer l a bonne nou- velle, celle d~ la Fichtianité. 4 . 3 Fi chte ~ Ethi cs, p. 260, (notre traducti.on). 4 Voir J. G. Fichte~ On the Nature of. the Scho1ar and its 'Màriifestations, trad. par William Smith (London: Chapman-The Catho1ic Series, 1845 ), p. 143. 95. Les savants sont les lanternes de la nation. Ils ont le devoir de guider la nation dans la nuit de l'histoire allemande, pour la sortir de l'emprise obscure de son ignorance et sa turpitude. par Dieu ils savent ce qui est bon pour la nation et doivent, Envoy~s ma1gr~ elle, 1a.sortir de 1 'obscurit~ pour qu'elle puisse enfin voir la 1umiê~e du jour, la 1umiêre de la 1umiêre, celle de de Dieu. Le savant vient combattre, au sein de la l'Id~e Divine, celle communaut~, l'esprit prati que et uti lita ire, .1' ~goi sme sens.ue 1 des hommes, qui, vi.vant dans un mon~e mat~ria1jste, en oublient Dieu. Le savant joue chez Fichte le rôle de ·cata·1yseur spirituel qui tente d'amener l 'homme à vrir l'homme lui-même et la loi morale. diriger 1 'homme vers ·la ici repr~sent~ travaille r~alisation comme celui a obtenir de1 q~i, poss~d~ pour cette Id~e, re':'d~cou­ En un mot, il a pour tâche de 'Id~e et Divine. activ~ "Le savant est par une manifestation l'Id~e Divine, dans ext~rieure le monde, soit en la communiquant ·à.ses semb1ao1es (comme professeur); soi t en l'incorporant vi·sibl ement (comme gouvernant, 1~gis1ateur, Homme: ~d' Etat etc ... ) Il 5 La mission du Savant est celle selon ses capacit~s lisation de l'Id~e d'ense~gner a tous que chacun, et ses limites, a le devoir de participer à la soit de r~a1iser la fin ultime de la raison. r~a~ Chacun a le devoir d'assumer sa vocation d'homme, en accord avec ses convictions et sa conscience, en se constituant instrument de la loi morale. 5 Fichte, On the Nature of the Scholar and its Manifestations, p. 101 ~ (notre traduction)., 96. R~aliser le Bien dans la vie, clest le devoir de chacun et clest suivre par la le chemin de sa vocation d'homme. "Je suis un instru" ment de la loi morale dans le monde sensible ..• " 6 L'homme est un instrument; mais un instrument au service de la raison que seule la loi morale peut motiver. Il ne doit pas être un instrument pour sa- tisfaire ses propres penchants ~goistes et sensuels mais. pour promou- voir avec ceux qui l 1 entourent cette fin de la raison qui est la 1i sati on de 11 1d~e Di vi ne. r~a- "Nous sommes tous n~s dans l a foi •.. Il 7 Cette vocation que le Moi choisit se doit d'être en accord avec les autres hommes et clest la une exigence essentielle de la la r~alisation de l'ld~e de r~ussite Divine. La conscience du Moi se doit d'être en accord avec la conscience des autres, se doit d'être en accord avec la Raison et la promouvoir. vit~ ~rale La vocation de l 1 homme envers l'acti- est d'être capable, avec libert~ et ind~pendance, de conc~­ der aux autres l es mêmes pri vi l,êges qu 1 ils 1accorde à lui -même et de vivre ainsi en har,monie avec les autres. 'IIJe dois être capable de regarder les autres êtres comme je me regarde moi-même." 8 "Je dois leur conc~der les mêmes priv1Hlges ~ue je m'accorde a moi-même. Il 9 C1est dans la communauté des hommes que l 1homme peut travailler au but 6 Fichte, Science of Rights, p. 275 (notre traduction). 7 Fichte~Vocation of Man, p. 102, (notre traduction). 8 Ibid., pp. 106-107; voir aU,ssi p. 21, (notre traduction). 9 Ibid., p. 108, (notre traduction). 97. ultime de la raison .. Or seule, la loi morale en nous, peut nous aider dans cette quête, dans cette marche, dans cette mont~e jamais achev~e. Dans ce but il faut agir sur la nature, il faut subordonner la nature a la loi de la raison et ainsi agir sür elle car clest la seule voie possible. Agir sur le monde sensible, le l'acte, d~passer et parla accomplir par la loi morale, clest seulement ainsi que 1 1 homme . pourra vaincre la misêre existante dans 1 lhllmanité. "La nature doit demand~ être ramenée graduellement a une condition telle qulon puisse calculer et se fier sur son action régu1iêre, et le pouvoir de la matiêre doit être en relation fixe et d~finie avec le pouvoir qui doit la gouverner - celui de 1 I homme." 10 Ce but de promouvoir la raison, demande a chacun de respecter les autres, de ne pas voler,. de ne pas tuer, de ne pas d ' en1ever la vie, de ne pas faire usage de la violence, de respecter la propriét~ d'autrui. ilLe Bon et le rationnel devraient appara'itre, ... a travers la liberté, en accord avec la loi morale •.. en accord avec la liberté des autres ... " 11 Clest ainsi que 1 1 homme moralement bon a comme but dans toutes ses actions de r~a1iser la subordination du monde sensible a ·la raison. Cela ne peut s ' accomp1ir qu'à travers la liberté du Moi tout en respectant aussi la libert~ des autres. Clest ·la un devoir du Moi et cela assure aussi la loi Morale dans la recherche subjective de la vérité. Mais ceci' 10 ~ichte, Vocation of Man, pp. 115-116, (notre traduction). 11 Fichte~'Ethics, pp. 291-292, (notre traduction). 98. ne peut se faire qu'en toute liberté, par devoir. La loi morale de- mande qu'il n'y ait aucune récompense, aucune remûnérati on car ce serait contraire il la Morale que d'attendre une telle chose. réco~pense IILa ne doit pas être une fin en soi. IITout acte fait dans l'espoir d'une ré'compense ou la, crainte d'une punition est absolument immoral. Il 12 C'est ce message qu'apporte le savant aux hommes. n'est donc pas commandé par la rémunération, loin de la. tend a~aucune Il 11 ne s'at- récompense, sauf celle de l'espérance que les hommes écoutent son message et qu'ils en vivent. Le savant est commandé tie11ement par le devoir, par profond. 1~ essen~ loi morale qui existe dans son être Et c'est en toute liberté qu'il choisi.t de communiquer aux autres l'Idée Divine; parce que lui-même est imbu de la Volonté divine. Seule une partie de la signification de l'Idée Divine peut @tre accessible a l'homme qui pour y accéder se doit d'agir en toute liberté et doit même 'se laisser guider par cette Idée Divine. ilL 'homme naturel ne peut pas par son propre pouvoir s'élever lui-même au surnaturel; il doit y être élevé par le pouvoir du surnature1. 11 13 Ces individus qui ont atteint cette partie unique de la connaissance de l'Idée Divine sont essentiels a l'établissement d'une plus grande Vie spirituelle; car ils sont ceux qui peuven~, par leur action immédiate, agir et accomplir la mission de l'Education Nouvelle. 12 Fichte, Ethics, p. 330, (notre traduction). 13 Fichte, Sch61ar, p.144, (notre traduction). Ils sont ceux 99. " qui agissent sur l'esprit du temps et qui dirigent l'humanité en lui communiquant et en lui enseignant la connaissance de l'Idée Divine. uA chaque époque le genre d'éducation et de. culture spirituel- le, par lesquels une époque espêre diriger l'humanité à la connaissance de la partie définie de l'Idée Divine, est la culture savante de cette époque; et celui qui participe à cette culture est le savant de l'époque. Il 14 Ce savant que nous venons de décrire est appelé savant-adulte. Il est celui qui possêde la connaissance de l'Idée Divine et son enseignement a pour but de façonner le monde d'après l'Idée Divine. L'Uni- vers pour lui n'a de sens que dans l'Idée Divine du monde. Mâis il existe un deuxiême type de savant: c'est celui du savant-étudiant; il est celui qui a l'intention d'étudier la connaissance de l'Idée .Divine. Il est celui qui passe par une étape éducative complêtement dirigée et orientée par le savant-adulte qui lui enseigne cette Connaissance. Tout le monde nous dit Fichte, devrait être considéré dans ce deuxiême type et chercher en toute liberté la connaissance claire de l'Idée. de connaissance, cette recherche, cette étude doit se faire avec Ce désir tout~ l'honnêtèté et l'intégrité possible car seule la connaissance claire pourra déterminer la présence de l'Idée Divine dans l'étudiant. C'est > • pourquoi Fichte éloigne l'étudiant du vulgaire, du quotidien, de la corruption et des sensualités du monde. L'internat permettra à l'étudiant, 14 Fichte, 'Stholar, p. 125 (notre traduction). 100. isol~ la d'utiliser au maximum ses talents et ses ~onnaissance de l! Id~e Divine et C'est dans cetemp,le de de recherche et Mal. saintet~ d'~tude, que a le capacit~s libert~, dans une ambiance choisir le Bien ou le Fichte nous assure que ce milieu universitaire, milieu d~~lite, milieu par excellence du savoir devrait être en mesure d'amener a l'amour du Bien, a l'amour de rapprocher de l ~,Id~e Divine. 11~tudiant, plac~ pourra en toute a l'~tude de l 'Id~e ·pour finalement l'~tudiant s'an~antir en elle. 15 Au fond, ce que Fichte d~sire ici, c'est placer la nation toute èntiêre dans un milieu universitaire. Fichte voudrait isoler la nation du monde sensible, de la corruption, de mettre tout le monde, tous les membres de la privi1~gi~ de l'Universit~. l'~goisme Communaut~ sensuel et dans le milieu La nation allemande ,doit devenir une Na'" tion-école, une "~elehrtenrepublik à la Klopstock," (voir note) communaut~ le devoir de Fichte en est une de professeurs et d~ d'~tudiants, La qui ont s'unir et de vivre en harmonie pour réaliser l 'Id~e Divine et achever par la le but ultime de la Ràison. 15 Voi r Fi chte, "Academi c Freedom", Schol ar, pp. 172-185. Note: Kelly, Idealism,. Politics and History, pp. 269-285. Kelly nous donne une analyse brillante sur le projet de l'Education Nouvelle et des intentions surtout de Fichte. Il nous montre comment Fichte, influenc~ par les id~es de Klopstock d'une direction aristocrate intellectuelle, influenc~ par les m~thodes d'~ducation populaire, veut a l'aide de l'Etat diriger par la force 'le peuple allemand et r~alisèr par la une communaut~ morale id~ale. 101. Les savants ont le devoir de communiquer aux autres les la ~tudiants f~rule, 1lId~e ont le devoir d'apprendre la connaissance de sous 1 1enseignement des professeurs et Divine et 1lId~e ~ducateurs~ sous jusqu1a ce que professeurs et étudiants se rejoignent dans un partage commun de la Raison et puissent poursuivre ensemble leur marche vers la 1isation de 1lId~e Divine. ilLe seul fait auquel je suis est le progrês de la raison et de la raisonnab1es •.. " 16 moralit~ r~a- int~ressa, dans le monde des êtres Cette marche vers la r~a1isation de,llId~e va prendre du temps et c1est ce long temps comme le dit si bien G. A. Kelly qui nous d~range et nous fait peur. '17 ne sera r~ussie La mission,du savant-philosophe que lorsque chacun des membres ,de la Communaut~ pourra construire pour lui-même la Doctrine de la Science et le prouver par son action morale pratique. Cela va prendre 11~ternit~ le concept temps-vie pêse peu en regard de la de la clairvoyance de la II. Libert~ pour se r~a1isation de r~a1iser, l'Id~e mais " . Divine, absolue. L'Etat. Mais pour que cela se produise, il est essentiel que le savant se donne un instrument a la mesure de 1 1accompl issement de sa tâche. Le savant-philosophe se doit d'être aussi Roi-philosophe tout comme dans 16 Fichte, Vocation of Man, p. 168, (notre traduction). 17 Voir Ke1ly~ Idea1ism, Po1itics and History, p. 285. 102. laR~pub1iguede Platon. Ce savant-Roi ou ce Roi-savant doit se donner une Constitution Nationale unifi!e Cette constitution Nationale sera vants~gouvernants, ~tablissant s~e a la grandeur de la Nation. s'~tendant confi~e a l'Etat dirig~ aussi une monarchie spirituelle qui se doit d'être l'instrument de la Nation,le Voeu Communaut~, communes. l~galit~, pour mener g~néral a bien de la s'en- leurs affaires C'est donc principalement par l'Etat que pourra.être la mission de l'Education Nouvelle. l~gali­ Communaut~ l'outil par lequel les membres d'une même tendent, dans la voie de la par des sa- Parce que c'est l'Etat qui r~a1isée l~gi­ fêre, c'est le gouvernement qui applique les lois et oblige tout le monde sous le couvercle d'une acceptation commune à respecter les lois établies. L'Etat travaille donc pour la ment qu'elle s'est cr~ée Communaut~; pour pouvoir vivre en il est l'instru- sociét~ et arriver a cet état de perfection lui permettant de transformer la nation d'abord et 1 'humanit~ ensuite. Il ne s'agit plus .d'attendre un monde futur et. cé- leste comme le prêche l'Eglise dans le Christianisme mais il s'agit d'atteindre le ciel sur la terre, de travailler maintenant, dans le présent pour le futur. L'homme doit voir que la vie finie du monde sensible n'est qu'un avant-goOt de la vie éternelle. "11 faut enfin qu'il sache qu'une instruction vivante en vue de la vie terrestre est indispensable et que, si elle est bien faite, l'éducation en vué: du ciel s'y adjoint tout naturellement." 18 La vie Divine ne peut être comprise que dans 18 Ftchte~ Discours a la Nation Allemande, lliême Discours, p. 215; voir aussi 8iême Discours, p. 168; voir aussi Scholar, pp. 134-140. 103. un concept Temps-Vie ,qu'il s'agit de légiférer li cause de la société: "L'Idéal de Fichte d'un individu vraiment moral dêpend du concept de sociabilité. Il 19 C'est parce que le Mo'j est un Moi social, c'est parce que le Moi doit vivre en Communauté qu'il doit être commandé par des lois l'empêchant de transgresser ces mêmes lois et lui permettant de se consacrer li la Connaissance de l'Idée Divine. IIChacun vivra en communauté car, sans cela il ne peut produire cette hannonie avec lui-même telle qu'absolument commandée. Il 20 L'homme doit passer un contrat avec la' société.' Seul ce contrat social et politique peut permettre li l 'homme d'être libre. C'est pour lui un devoir de vivre en so- ciété et de se soumettre à ce devoir et de se constituer instrument du devoir car la raison le lui demande. Les savants-gouvernants par le truchement de 'l'Education Nouvelle, l'y obligent pour parfaire leur mission. C'est même un' devoir particulier de chaque homme qui a une vo- cation que de se soumettre à cet ordre de chose. li 'chacun cette soumission. instrument de la raison. Il 21 La Vie Divine demande Le Moi est ainsi: IIInstrument du devoir ~t ce n'est que par la qu'il::peut se soumettre a la Volonté Infinie, celle de Dieu, qui elle réunit tous les hommes entre eux. lILe grand mystêre du monde invisible est,l 'union et . l'action directe et réciproque de plusieurs vo.lontés indépendantes ... " 22 19 X. Léon, Fichte et son Temps, T. l, p. 490. 20 Fichte,Ethics, p. 247, (notre traduction). 21 Fichte, Vocation of Man, pp. 167-168, (notre traduction). 22 Ibid., p. 153, (notre traduction). 104. Le Moi, une personne morale qui doit signer un contrat avec la avec l'Etat, le fait a cause de sa libert~ qu'il est essentiel de C'est pourquoi il est que l'ordre soit dre l'ordre et f~ire ~tabli pr~server. et de la par une Constitution. l'ob~issance respecter l'ordre 'et libert~ Le Moi doit donc appren- et c'est le devoir du savant-gouvernant de l'ob~issance au sein de la donc au service de la raison, au service du Devoir vent des autres n~cessaire communaut~ de pouvoir promouvoir ainsi une culture morale universelle. de l 'Id~e. s0ci~t~, De même sont ses dirigeants. Gén~ral, èt L'Etat est au service Les savants-gouvernants doi- par la loi, l'ordre et l'obéissance cette discipline de ~tablir la culture, ce notstaat et ainsi faire respecter cette Constitution Nationale, son institution juridique, jusqu'a ce que vienne le rêgle,de la raison, le dernier jalon de l'histoire 00 l'art pourr.a conduire la communaut~, ~poque et 001' Etat ne sera pl u,s pourra se,r~aliser n~cessai re. Dans cette derniêre l'Etat parfait 00 l'Etat même, comme institu- tion juridique, ne sera plus nécessaire et pourra disparaTtre, les hommes se gouvernant d'eux-mêmes, à leur tour librement dirigés par l'Id~e Divine. La mission du savant-gouvernant est donc celle de diriger l'Etat et par là l a Communaut~ toute enti êre. Il se voi-t confi é l a tâche de guider la nation et doit'paY"devoi,r s'en faire un devoir et uneuobHgation. L'Etat qui est le voeu gén~ral de la Communauté est un instru- ment entre ses mains lui permettant d'agir en accord avec la vine. Volont~ Di- Lui-même le savant-gouvernant est un instrument de la raison et il doit comme tel, pour être en accord avec la mission de l'Education 105. Nouvelle, servir la Communaut~ et non être servi par cette derniêre, parce que: IIS a personne est depuis longtemps disparue dans llrd~e.1I 23 Par tous les moyens doit-il tenter d'~loigner les membres de la Nation de la corruption, des bassesses et des pass10ns du monde sensib1e. En tout temps doit-il travailler pour le Tout, pour la parce que clest son devoir. Collectivit~, Clest dans cette optique que Fichte adres- se les pri'nces et leur demande de descendre dans la rue avec le peuple. , Le peuple ne doit pas servir le Prince, mais clest le Prince qui doit servir le peuple. Les princes font partie du peuple, et au même titre, doivent-ils servi,r l 'Id~e. IILa v~rit~'c'est que vous êtes n~s avec la même ignorance que nous autres et que si vous voulez sortir de cette ignorance naturelle, vous avez besoin nous autres. Il 24 si les princes d'~couter et d'apprendre comme Ma i sel es't pour mi eux r~gner pa r las ui te. ~coutent Fichte, ils gouverneront: "des dociles, dignes d'être heureux, ... " 25 sont dirig~es Il s'adresse aux qui ne peuvent accomplir leur devoir que si elles par les hautes classes: " .•. les peuvent pas bien remplir leur devoir ,moins d'être fidêles, Fichte est ~litiste, clest le 'gouvernement par les mieux nantis qu'il favorise. class~s irifêrieure~ p~uples ~n effet, dirig~es ~lever cla~ses inf~rieures ne leurs professions - à par les classes plus hautes; il est donc de ,leur 23 Fichte~ Stholar, p. 199 (notre traduction). 24 Fichte,'Distours'a la Nation Allemande, 14iême Discours, p. 271. 25 Ibid., p. 272, (le mot 'dociles ' est soulign~ par nous). 106. devoir de respecter les membres des classes plus hautes .•. un respect qu'ils doivent avoir pour le savant et l'artiste, hommes gt!!nt!!ralement d'une plus grande culture, même. a l'extérieur de leurs bureaux. 1I 26 Les classes instruites savent donc ce qui .est bon pour les classes plus basses, ig'norantes ~t qu'il faut diriger et t!!duquer. Les hautes classes doivent donc dominer les basses classes car elles sont en mesure de mieux connaftre la libertt!!, la vraie; celle de la Raison, celle de 1 'Idt!!e Divine pour finalement la montrer, la communiquer aux ignorants. Les classes instruites ont le devoir de diriger 1es cl asses 'j nft!!ri eures jusqu'a ce que ces derni êres comprennent 1e vrai sens de la nouvelle re11gion)de; laFichtianitt!!. Les basses classes pourront partager alors avec les classes instruites la Raison et plus aucune domination ne sera nt!!cessaire car tout le monde sera dans l'Epoque finale. Dans l'attente de cet avênement, il doit y' avoir soumis- sion des basses classes .. Fichte pourtant, continue de s'adresser àux jeunes gens en qui il met ses plus grands espoirs et a qui il demande de ne pas être IIdociles et calmes ll comme les personnes d'âge mOre Clest la jeunesse qui est l'espoir des gt!!nt!!rations futures. Aux vieillards, il demande de conseiller la jeunesse, de ne pas aller contre le progrês, contre les.amt!!liorations, etc ... , de la 26 Fichte~'Ëthics, p. 377. (notre traduction). 107. pr~venir en toute sagesse contre la corruption. l a soci~t~ càr la nature nous pas la nature qui nous corrompt mais veut innocents et nous fait naître tels. 1I 27 al 1 influence de la soci~t~ En effet: liCe nlest IICelui qui s'abandonne se corrof!1pt a son tour de plus. en plus a. mesure que cette influence se prolonge." 28 que 11 homme doi t vi vre en soc; été. Mais le problême clest Le Moi, pour r~aliser de Fichte se doit d'être un Moi soci al , participer'a la des hommes. LI hOll11le nies t homme que dans un Moi soci aL alors, est;;.il possible que l'homme ne soit pas L'id~al semble ici três loin de la rêalit~. contamin~ Que faire? ce projet. Communaut~ Comment par ses pairs? Il faut re- partir a neuf nous dit Fichte, construi re cet homme nouveau, cette Communaut~ Nouvelle capable de se ten; r tt.on a l laide de l'esprit. d~bout Alors i l et de faire facè~à'la Joqrr.up- n'y aura plus ni corruption, ni contamination, ni bassesse. Fi chte Si adresse aus s; aux hommes dl afftl.i res qu 1 il exhorte a acouter et a apprendre la Nouve 11 e Re l i gi on, l es accusant dl être hostiles etr~ticents habitu~s a toute pensée abstraite; il les traite IId'ambitieux aux sentiers battus", qui ont besoin comme tout le monde d'être initi~s:ala Nouvelle Religion, pour participer a'la naissance de cet esprit nouveau. A la façon ari stocratique, Fichte les qualifie de IIbavards superficiels, de' m~prise vantards orgueilleux, l; et les d'esprits 27 Fi chte, . Discours a la Nati on A 11 elnande, pp. 241-277, (l3i ême et 14iême Discours). 28 Ibid., 14iême Discours, p. 269. 108. primaires n'ayant fait que traverser Fichte exhorte aussi les penseurs, les savants des sciences du domaine de la Il en courant l'~cole ~crivains 29 et les a descendre dans la rue, à sortir aider a r~aliser de façon pratique sp~cialis~es pens~e pure et le monde à 'construire. Sans cela ces belles le domaine du rêve loin de la r~alit~. pens~es Fichte ~crit: resteront dans Il • • • la pens~e rie doit pas vous faire oublier la vie r~elle.1I le monde de 30 Fichte s'adresse aux artistes, aux poêtes qui doivent être ce iien entre les hommes et Dieu. C'est le sens Holderlinien du poête que Fichte veut appliquer aux artistes. Chez Holderlin, le poête doit être cet IIOuvertll, cet entre-deux entre Dieu et les hOlTll1es, cet hOlTll1e actif en quête de la V~rité qui la voit et qui la fait voir aux autres, aux hommes. Ainsi ,les artistes doivent-ils Il • • • transcendantal, le poi nt de vue commun. Il 31 fai,re du point de vue Il s sont l es savants ,': les visionnaires, ceux qui voient, qui ont la connaissance de l'Id~e Divine et qui doivent l'enseigner aux autres. Fi chte s'adresse aux parer),ts 29 Fichte, Discours 30 a la à qui ,i 1 demande de confi er à Nation Allemande, 14iême Discours, p. 269. Ibid.', p. 270. 31 Fichte, Ethics, p. 367, (notre traduction. ) 109. la Nouvelle Education leurs enfants. Clest un devoir particulier des parents de confier ainsi leurs enfants, car les plus grands espoir$ sont fond~s aux yeux de la Nouvelle Education sur la jeunesse. Les parents doivent se s~parer de leurs enfants qui seront pris en charge par l 1 Etat qui les pla~era dans ces internats, ces lieux de haut savoir, ces lieux privil~gi~s r~gnent 00 ne par l 'interm~diaire des Eux seuls sont capables totale de la pr~sence ~ducateurs, d'~lever a cette ~coles de conduire la nation. ~ducateurs Divi- transformation comme dans les Univer- sités, les professeurs doivent par devoir communiquer ont la tâche tout comme les l'Id~e des professeurs et des savants. les enfants Dans les"petites l'humanit~. lùmineuse de l'Id~e. Ils - moraux du peuple de guider et Ils ont la charge de la,culture morale du peu- pl e tout' enti er. Enfin clest au peup~e a tous les Allemands que Fichte s'adresse. Clest Allemand qu'il demande de former un tout, de s'unir en esprit car il leur dit: "... Vous êtes 'seuls Aucune force ext~rieure cette démarche a même de vous aider ... " 32 si puissante soit-elle ne peut aider à accomplir a laquelle Fichte convie le Moi. Chacun a le d~voir d'~gir sur la nature, de se situer, de poser l lacte du "Moi Agissant". Savants, ~ducateurs du peuple; hommes d'Etat, hommes d'affaires, ~tudiants, jeunes, vieux, parents, poêtes, écrivains, artistes; classes instruites et basses classes, tous sont appel~s, et ont, chacun selon leurs limites et capaci- ,,' 32 Fichte~'D;scoursà la Nation Allemande, l4iême Discours, p. 265. 110. t~s, des devoirs par'ticuliers est de . être r~aliser morale pratique rappel~e lesq·~els par le Devoir G~n~ral qui Cet homme nouveau ne peut l'humanit~. que par des sacrifices, un r~alis~ moyens par la fin de command~s asc~tisme ou une culture a tout instant par le Devoir: "trouver des nous pourrons toujours nous ·rappeler notre de- a chacun de trouver les moyens par lesquels il pourra accomplir et se souvenir de son devoir. Chacun a a voir." 33 Il incombe donc trouver une vocation qui lui permettra d'atteindre la fin ultime de la raison: l'Id~e, l'Un, ,1 1 Immuable, l 1 Eternel , Dieu. Le Moi ne doit pas oublier que ses actions doivent être en avec son devoir et que seule la bonne volont~ ~troites relations peut lui permettre de combattre la corruption, les passions, la paresse, l 'attrait du monde sensible etc .•. Ce que Fichte demande au Moi clest de rentrer en lui-même, de de prendre une r~fl~chir, mande de prendre une tuer dans sa but final. d'une a la , d~cision: sujet-objectivit~. ferme et Il lui de- celle d'agir, de poser l'acte de se siPar là seulement peut être atteint le volont~, volontaire. A cette seule condition il sera possible de a l'All.emagne ce Moit3ational thême central dans les "Discours , Nation Allemande',' mais essentiel pour la Clest au ~nergique. Or cet acte'interne doit être l'expression de la d~cision redonner r~solution d~passement r~alisation de la W.L. que Fichte conVie la Nation allemande, clest 33 Fichte; 'Ethics, p. 385, (notre traduction). a un 111. exercice de la Volonté, n une descente intérieure par laquelle il y aura ensuite union de ~ous re l'humanité nouvelle. les esprits, seule force capable de construi- 112. CONCLUSIONS Nous avonssvu dans l'introduction comment, a partir de Rous. . seau et de Kant, les deux principales influences de ~ichte, Fichte en est arrivé a vouloir construire l'histoire. Le systême de la Théorie de la Science doit agir dans l'esprit du temps et se transformer en philosophie de l'action.· Pour Fichte, agir sur la nature et vouloir reconstruire l'humanité nouvelle est une entreprise de tous les instants, qui ne peut s'achever que dans l'Absolu. Entre-temps, la Nation a11e~ mande doit agir sur la nature, se donner une volonté ferme et infai11i b1e, se-donner des i ns ti tuti ons poli ti ques et s'oci o-cu1 ture 11 es 'capab1es d'aider a la . . re-création de 1 'humanité. Cette entreprise d'en- vergure est possible par le Moi qui accepte de descendre en lui-même et d'oublier, dans un effort constant, son égoisme individuel et ses passions. Alors ést~i1 possible d'entrevoir, dans toute sa splendeur, la Liberté. Nous avons tenté de voir dans le premier chapitre le prob1ême posé par l'unité de l'expérience. Dans sa quête de l'Absolu, Fichte cherche le fondement de la connaissance. Il veut trouver l'unité de l'expérience. Ainsi pour entrevoir la liberté, l'Absolu, il faut se situer a ce degré d'abstraction 00 liber'té et nécessité, Moi et Non-Moi, sujet et objet, honme et Dieu se rejoignent. Cette unité n'est pas .' possible dans la réalité concrête, mais dans l'acte de réflexion du Moi, 113. qui accepte de se réfl échi r, de se r.egarder dans un mi roi r et de . IlS' ob- . jectiver " . Cet acte de réflexion possible que par l'abstraction, est un acte pur, abstrait. A cause de cette abstraction, la liberté abso- lue ne peut être entiêrement révélée au Moi. Elle ne le sera jamais. En raison de cette abstraction, elle ne peut qu'être entrevue par le Moi, a qui Divine. le. est permis la connaissance d'une partie seulement de l'Idée La loi morale va aider le Moi dans cette connaissance partiel- En effet, seul un acte de foi, seul cet agir moral commandé par la raison pratique peut amener le Moi a agir et a créer a l 'exemp1e teur et possiblement Le rejoindre dans la Vie Eternelle. du Créa- L'acte moral et volontaire du Moi efface donc toute opposition entre Moi et Non-Moi, faisant de la nécessité une liberté cachée purement et simplement. Mais le destin de 1 1 homme fini nlen demeure pas moins de travailler ici-bas .pour la Vie Eternelle, de chercher le ciel sur la terre. Or au problème de 11 unité de 1 lexpérience, Fichte trouve une solution pratique qui est 1 leducation, instrument de l 1 effort de 1 1 homme et du progrès de la Raison. Pour Fichte, l'éducation est seule capable d'aider 11 homme dans son effort et de lui donner l 'espoir d'arriver un jour a la Liberté. Le deuxième chapitre nous a fait découvrir la tâche de l'Education Nouvelle, proposée par Fichte. Le projet.d'Education Nouvelle, ins- piré du système pédagogique de Pes.talozzi, mais orienté différemment a pour mission de former 1 1 homme nouveau. L'Education Nouvelle doit r!!édu- quer la volonté de l'élève, lui donner des connaissances religieuses, spirituelles, manuelles et phy~iques. Elle doit finalement lui enseigner 114. l'amour des hommes entre eux. Pour accomplir cette tâche, il est né- cessaire d'isoler les élêves et de les former dans un internat,contrairement a Pestalozzi qui favorisait une éducation familiale. Le troisiême chapitre fut consacré aux II ma'i'tres Il de l' Education Nouvelle: les classes instruites - les savants. Les savants sont ceux qui possêdent la connaissance de l'Idée Divine et qui ont le devoir de la communiquer aux autres. Pour accomplir cette mission, 'les" savants ont besoin d'un instrument, l'Etat, qui va leur permettre en toute tranquilité de favoriser le développement de ce projet d'éducation. Le projet d'Education Nouvelle demande la participation et surtout la soumission de tout le peupl~ allemand. Aprês avoir briêvement exposé la problématique de l'unité de l'expérience et la solution pratique de l'éducation proposée par Fichte pour aider le Moi a marcher vers la liberté, nous allons maintenant essa- yer de voir. comment dans la pratique, cette solution est inacceptable qien qu'elle soit théoriquement consistante; le idéal a atteindre proje~ de Fichte est un et comme tout idéal, il est risqué et peut-être m§me dangereux. Le py'emier prob1ême qui se dégage de ce projet d'Education Nouvelle est que ce projet repose sur l'improbabilité de sa réussite. projet relêve de la spéculation.!! Fichte lui-même affirm~ Ce que l'Itléalisme transcendantal est une spéculation et.non une maniêre de penser. Mais 115. peut-être n'a-t-il pas assez insisté sur cet aspect spéculatif de sa théorie. Il aurait ainsi trop présumé des forces de l'homme. Nous constatons que la liberté se situe au niveau de l'abstraction, que l'acte de réflexion du Moi ne se situe pas au niveau de la nature,au niveau du monde sensible. Ainsi la nature n'est pas la liberté et elle lui est même opposée. tique de Fichte L'éducation, qui est la solution pra- a la problématique de l'unité de l'expérience, ne se situe pas au niveau de l'abstraction, ni de l'acte de réflexion, ni de la liberté. L'éducation doit oeuvrer dans la nature même, dans le mon- de sensible des hommes. et de l'effort du Moi. Elle est cet instrument du progr~s de la raison Elle se situe dans le monde concret de l'expé- rience et doit aider le Moi dans son effort vers la liberté. Or si le Moi décide de contester le projet d'éducation de Fichte, celle-ci (l'éducation) ne peut plus rien pour le Moi en marche vers. la liberté. Elle devient impuissante et tout le tombe car il n'y a plus d'acceptation à priori du Moi. syst~me de Fichte L'éducation n'est possible que par le Moi qui accepte d'abstraire et de .vouloir travailler a ~a liberté. L'éducation est possible dans l'effort du Moi et son espoir d'attéindre un jour l'Absolu. L'éducat~on est possible pour celui qui accepte de voir dans le projet de Fichte une aventure sans fin, un rêve, une utopie. L'éducation est possible pour le Moi qui accepte de trouver en lui-même la. Théorie ~é la Science, pour le Moi formel qui veut s'approcher le plus prês possible de l'Idée du Moi, l'Absolu. 116. Mais celui qui accepte ce de faire " ~duquer .... syst~me d'~ducation, accepte aussi sa volont@ a ne vouloir que ce que l'enseignant veut qu'il veuille. Ainsi celui qui accepte le syst@me d'~ducation de Fichte, accepte de sacrifier sa l ibert~ concrêté" pour une 1ibert~ abstrai te. Sa volont~ n'est plus libre de choisir sa religion, sa propre démarche vers la liberté. Volontairement, le Moi accepte et choisit la direc- tion du "sage", de ce "génie"' moral "envoyé par' la nouvelle religion, la fichtianité. au d~part, Mais parce que l'éducation n'est pas certaine de parce que la volonté ne sera j~mais éduquée, des mesures coercitives sont nécessaires pour parfaite la mission de Ainsi le deuxi~me prbbl~me r~ussir l'~ducation. soulevé, découle du premier et con- cerne l'emploi de la force coercitive dans le projet d'E~ucation Nouvelle. Au nom de la fichtianité, l'éducation a besoin d'utiliser la force coercitive, qui est son seul moyen d'avoir chez docile et infaillible. l'él~ve une volonté ferme, L'éducation a besoin d'entrafner le Moi à ne vou- loir que ce qu'elle veut qu'il veuille. La contrainte est justifi~e par l'idéal mais aus5i par la conscience que la volonté ne pourra jamais être pleinement éduquée. L'usage de la force est le seul moyen qu'a 1 '~ducation de s'assurer que l'él@ve va continuer son effort et qu'il va accomplir son devoir. nous La nécessité oblige l'emploi de la force mais ne justifie pas, il sem~le, nom d'un son application dans le systême d'éducation, surtout au id~al. L'éducation devrait se faire idéalement dans un acte 117. volontaire du Moi, un acte librement consenti, en toute Le troisiême problême discern~ Nouvelle, est que l'internat prapare mal de son ~ducatiori formelle et en est constamment isolê sous th~orique, et de la gêne des soucis quotidiens. vouloir donner aux ~lêves dans ce projet d'Educàtion l'~lêve a la de,le pr~texte libert~. a faire r~alit~ face, au terme quotidienne: il pr~serv~r de la corruption Le noble désir de Fichte, de la formation la plus complête possible, de les former avec un art droit, rationnel et infaillible. lui commande d'isoler l'~lêve des réalités quotidiennes. Cet isolement permet a l'élêve d'aimer le Beau, le Bien, l'ordre et l 'ob~iss~nce et Jui donne cette discipline de la culture sans laquelle l'humanit~ ne peut avoir son nouveau visage, son vrai Moi. Mais comment r~int~grer cette l'~lêve, soci~t~ une fois sa formation terminée, pourra-t-il si longtemps abandonn~e, et en comprendre surtout le vrai rouage? Comment pourra-t-il oeuvrer selon les principes de l'Education Nouvelle et réaliser cette tâche immense que lui confie la religion nouvelle, lui qui fut si longtemps isolé dans son internat? Il nous semble qu'une ~ducation faite au sein même de la plus en mesure d'aider a la r~alisation communaut~ des hommes serait des principes de la et pourrait mieux accomplir cette réforme en profondeur, fichtianit~ n~cessaire pour la naissance de l'homme nouveau. La tâche de l'Education Nouvelle, confi~e aux classes instruites 118. pose un quatriême problême dl importance , puisqu'il est d'ordre social. En effet, la mission de 1 1 Education Nouvelle est a tout confi~e en principe le peuple qui est "1 'assise de la communaut~." 1 Ce nlest qui une apparence; ce qui est demand~ au peuple, se situe au niveau de la collaboration, de la participation et finalement de la soumission. Le peuple doit se laisser savants. ~clairer par les lanternes de la nation: les Les savants connaissent et possêdent 1 1 amour de qu'ils ont le devoir de communiquer aux membres de la l'Id~e Divine communaut~. Les savants font partie des classes instruites et doivent diriger les classes ignorantes, inf~rieures, soucis quotidiens. expos~es seulement aux problêmes et aux Fichte s'adresse aux classes instruites 2 parce qu'elles sont libres de tous ces problêmes et peuvent se eonsacrer àla r~alisation classes de l'Id~e Divine. Cles~ po~rquoi il est essentiel que les respectent les classes instruites, parce que seules inf~rieures ces derniêres savent ce qui est bon et ce qui doit être fait. savants, les classes cr~er l'humanit~. sur les classes de .~ inf~rieures Sans les sont perdues et il est impossible de re- Dans ce contexte de domination des classes instruites inf~rieures, quel rôle accorde Fichte au "peuple - assise - la - nati on?" 1 Voir Fichte~ Discours à la Nation Allemande, 1er Discours, p. 73. 2 Voir Fichte~Distou~~:à'la'NétJo~ A1Jemande, 1er Discours, p. 74. 119. Cette domination semble établir un plan parfait d'un Etat totalitaire gouverné par une oligàrchie int'éllectuelle. Cette néces- sité d'une domination et celle d'une soumission sont nécessaires, selon Fichte, pour arriver a la liberté. Mais, inspiré par Machiavel, la fin justifie les moyens; et Fichte n,';hésite pas temporairement l'homme pour l'idéal. a sacrifier même Par la force, l'amour de l'ordre et de l'obéissance, il sacrifie les libertés et droits les plus fondamentaux de l'homme parce que dit-il; seul est grand, celui qui est Il • • • riche en idées capables d'assurer le bonheur des peuples et qui sait s'enthousiasmer pour ces. idées; ... 11 3 se mettre Les classes instruites doivent donc a la tête de la nation pour créer l 'humanité nouvelle. Cette façon de faire et cette maniêre de voir les choses créent un problème social aigu, d'inégalité entre les hommes. est temporaire. Pour Fichte, cette situation Cette inégalité parmi les hommes doit à long terme dis- paraftre jusqu'au jour 00 tous les hommes sans exception vont se retrouver dans un partage commun de la raison. Ce partage commun de la raison est une poursuite, un effort s'étendant 11 l'infini car c'est il l'infini que le Moi doit tendre vers la liberté. En "attendantll,le projet d'Edu- cation Nouvelle a besoin de dirigeants et de dirigés, de supérieurs et d'inférieurs, de classes supérieures et de classes inférieures, d'éducateurs et d'éduqués, créant par là une situation sociale chaotique et des heurts tels que sera impossible la réalisation du projet d'Education Nouvelle. La société des hommes ne peut accepter, au nom d'un idéal ou d'une nouvelle relJgton, que soient bafouéss ses libertés et ses droits les 3Fichte~Discoursa la Nation Allemande, l3iême Discours, p. 259. 120. plus fondamentaux. Ainsi de ce problême social, découle un cinquiême et dernier problême que nous avons cru discerner chez Fichte: un problême politique, celui d'une mo~archie spirituelle universelle. En effet pour Fichte, la nation allemande doit devenir une nation éduquée, entra'i'née par les "envoyés" de la nouvelle religion. Imposée par la force, l'Education Nouvelle n'est pas autre chose qu'un plan politique, qu'une façon de gouverner les hommes par l 'ariStocr.at~e instruite. Elle est ce moyen de soumettre l'homme, de le faire "agir" par la ...... , contrainte et le convaincre ae joindre les savants. Cette transfor- mation de la race humaine ne peut se faire au fond que par la domination d'un Roi-philosophe choisi au sein de la nation allemande,même, et capable de mener la nation a la direction spirituelle de l'humanité. Dans ce but, les classes instruïtes doivent se donner un instrument à la hauteur de la mi'ssion qui leur a été confiée. Cet instru- ment c'est l'Etat. L'Etat qui, pour Fichte, doit être le voeu général de la communauté, va permettre dans la voie de la légalité, lai(réalisation de ce projet d'Education Nouvelle au sèiÏn de la nation allemande. La nation allemande sera cette communauté morale idéale capable ensuite de partir a la conquête du monde. La fichtianité demande, par son projet d'Education Nouvelle, de faire avec le genre humain une Ecole entiêrement soumise a l'esprit. C',estpourquoi Fichte doit-il, dans son projet, in- carner par la force, les valeurs et la destinée du peuple allemand et 121. finalement par extrapolation celles de 1 1 humanité entiêre. Clest un processus long, un cheminement jamais achevé et s'étendant a1 l infini. Cette patience· infinie, demandée ,a l 1 homme , nous demande avec Kelly de poser cette question pertinente: "Pourquoi les hommes devraientils endurer la sévérité et 1 1 harmonie forcée de l'état fichtéen, pour des promesses immatérielles, pour un idéal vaporeux?" 4 A cause de tous ces problêmes, le systême proposé par Fichte nlest pas viable dans la communauté sociale et politique des hommes. Tout simplement parce que les hommes sont des hommes finis, vivant dans le monde sensible, dans l'expérience. idéal a atteindre, Le systême fichtéen est un qui ne peut être imposé par la .force comme le vou- drait le projet d'Education Nouvelle. La théorie se révêle, sinon faus- se, três souvent irréalisable dans la pratique. Le fossé immense à combler entre ce qui devrait être et ce qui eS4 ne doit pas arrêter l'homme de travailler atce "devrait être". Mais il est un idéal et comme Philonenko le souligne justement: "L'idéal nlest pas seulement contestable, il est dangereux. Les excês de la Révolution française sont une preuve vraiment éclairante. Il 5 Inspiré par Rousseau, Kant et les idéa'ux de la Révolution française, Fichte nia pas échappé au piêge tendu de la liberté. Comme la Révolution française nia pas craint de tuer le Roi, de pratiquer 4 Kelly, Idealism, Polit~cs and History~ .. ~ p. 281 (notre traduction). 5 Philonenko~'Théorie et'Praxis ~ .. , p. 17. 122. la terreur et de partir a la conquête du monde, , 1 Education Nouvelle ne craint pas dlutiliser la force coercitive et de supprimer la libert~ a cette concrête des individus pour arriver inatteignable par 1 1 homme fini. libert~ abstraite, Contre une monarchie universelle, 6 Fichte n'en veut pas moins établir une monarchie spirituelle univer~elle, 00 la pangermanisme, la réunification de llAllemagne, pourra par une dictature spirituelle permettre cer le leadership. a la nation allemande dlen exer- Un 1I0berherr ll , génie choisi au sein de la nation allemande, en sera la Monarque inco~testé. 7 '1 Néanmoins, ces quelques notes discordantes, ne doivent pas nous enlever de llespr.it le philosophe, 1 1 homme, qui sladresse me. En cela, Fichte est notre contemporain; son message doit être reçu et livré, parce que clest Clest a llhom- a nous a nous-mêmes qulil sladresse et demande dlagir. qulil demande de marcher vers la liberté, de travailler la liberté, de la défendre et de se battre pour elle. a Si les solutions' 6 Voir en particulier Fichte, Discours à la Nation Allemande, l3ième Discours, p. 248; tous les Discours à la Nation Allemande ne sont que cris de révolte contre cette Monarchie Universelle de Napoléon. 7 Sur ce point, Copleston, A History of Philosophy, vol. 7, p. 99, laisse choisir son lecteur en disant 'de ne pas oublier ~es circonstances historiques de llAllemagne de ce temps-là; Kelly, Idealism~'Politics 'and History; .• , .p. 189, affirme que la fichtianité nlétait pas un embryon du nazisme mais tout simplement llesprit hautement métaphysique rle llAllemagne du XIXé sièc~e. Nous pensons aussi que clétait lle~prit de Jlépoque, époque 00 llAllemagne voulait reconquérir sa liberté et son indépendance. Ceci dit, il nlest pas interdit de penser qulil pouvait y avoir semence a la naissance du Ille Reich. 123. propos~es par Fichte nous semblent impraticables, ver d'autres. qu ' i1 nous a a nous d'en trou- En agissant ainsi, nous devenons porteurs du message 1aiss~: celui de 11importance de la vie Dans notre monde post-industriel, sur-technicis~, il est essentiel de s'arrêter, de se retirer en soi-même et de tenter la vie Cette int~rieure. d~marche int~rieure. 1lexp~rience de difficile a accomplir, possible que dans un effort de tous les instants, peut seule nous permettre de vi vre, d 1~vo 1uer et d l'a i der 1es autres vi vre 1eur propre exp~ri ence, 1osophie de l'action aussi là tâche," la d~ a ~vo 1uer de vi e i nt~ri eure. J. G. Fichte nous a fait responsabilit~ et de 1es i nci ter a CI est ce que 1a phid~couvrir; clest et la mission qu'elle nous confie. Philosophe trop oublié par la philosophie contemporaine, nous pensons qui une ~tude sur Fichte est en soi une contribution originale la cônnaissance philosophique. Notre recherche qui se situe au niveau du "Connais-toi toi-r,iême" de Socrate s'insêre, nous pensons, dans du Moi int~rieur a 11~vo1ution de l 1homme , que trop de nos philosophes contemporains semblent oublier. Il nly a rien d ' origina1 pour celui qui n'~crit et ne professe que th~orie. Tout est original pour celui qui vit de sa th~orie et peut permettre aux autres d'en vivre. Clest ce que Fichte a tent~ faire, c'est l'exemp1e qu'il nous donne ,et clest 11héritage qu'il nous a 1.~gu~. de 124. BIBlLIOGRAPHIE A - Oeuvres de J. G. Fichte, (ordre chronologique). cit~es ou consult~es · "Les" Pri nci pes de 1a Doctri ne de 1a Sci en ce (1794-1795)", Oeuvres ChoiSies de Philosophie Premiêre (1794-1797). Trad"'~ A. Philonenko. 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