2.
1. INTRODUCTION
Depuis le début de cette décennie, le projet d’unification monétaire européen a suscité un
regain d’intérêt pour les analyses mettant en évidence les mérites et inconvénients liés à
l’adoption d’une monnaie unique. Encore aujourd’hui, il subsiste un désaccord profond entre
les économistes sur les coûts et bénéfices respectifs. Ce manque d’unanimité est sans doute la
cause de l’inexistence d’un cadre théorique global permettant d’aborder ces questions. A
l’inverse, les analyses se sont plutôt focalisées sur l’un ou l’autre coût particulier. C’est
notamment le cas de la théorie des zones monétaires optimales (ZMO) qui demeure un cadre
de référence, implicite ou explicite, de bon nombre d’études sur l’Union économique et
monétaire européenne (UEM).
Considérant, les bénéfices comme donnés (elle n’envisage en fait que les économies en
matière de coûts de transaction)1, la théorie des ZMO se centre, du moins dans sa version
traditionnelle, essentiellement sur le coût lié à la perte du taux de change nominal comme
instrument de stabilisation. Sa mise en oeuvre doit, théoriquement, permettre de déterminer si
un espace géographique particulier constitue une zone monétaire optimale, c’est-à-dire un
ensemble de régions ou de pays pour lesquels il est profitable d’adopter une monnaie unique
ou un système de taux de change irrémédiablement fixes 2.
Depuis l'article pionnier de Mundell (1961), cette théorie a développé progressivement un
certain nombre de critères relatifs à la structure des économies à partir desquels on tente
d’établir les chances de succès dont jouit une union monétaire dans la manière de gérer les
chocs économiques. Son cadre de référence fait appel aux notions keynésiennes de rigidité
1 On admet toutefois logiquement que ces gains sont croissants par rapport au degré d’ouverture des économies
candidates à l’union monétaire. Cet aspect sera abordé dans la section 2.3.
2 Stricto sensu, une union monétaire se définit comme une zone au sein de laquelle les taux de change sont
caractérisés par une relation fixe et permanente et dans laquelle ne prévaut, en l’absence de contrôle de capitaux,
qu’une politique monétaire unique (Masson et Taylor (1992)). A la limite, une union monétaire peut être
caractérisée par l'adoption d'une monnaie unique, mais une union monétaire n'implique nullement une monnaie
unique. On supposera que les implications macroéconomiques d'une union monétaire à taux de change
irrévocablement fixes sont les mêmes que celles d'une union à monnaie unique. On traitera donc de manière
équivalente ces deux formes d'union monétaire. Toutefois, on ne niera pas que la monnaie unique confère
certains avantages potentiels supplémentaires, notamment en termes de crédibilité et d'économies de coûts de
transaction ( C.E.(1991, pp. 38-39)). Notons aussi que bon nombre d’auteurs tels que De Grauwe (1994)