Actes de la 1
ère
Journée ComIndus - 29 mars 2007 - Avignon
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Si l’entreprise considère que le D.D. – ou au moins son pan « protection de l’environnement »
- est appelé à devenir un critère de jugement déterminant aux yeux des P.P. et plus largement
de la société, il lui faut se conformer à cette nouvelle convention, sans pour autant vraiment
disposer vis-à-vis de ses actionnaires d’arguments financiers justifiant l’adoption d’une
approche proactive en matière de stratégie environnementale.
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Le concept de développement durable, même restreint à son volet environnemental, apparaît
donc profondément déstabilisant et source d’incertitude pour l’entreprise.
L’institutionnalisation du D.D. nécessiterait même un changement paradigmatique. Ainsi
Gladwin et al. considèrent que l’émergence du D.D. doit conduire à l’abandon du
« technocentrisme » issu des Lumières (Gladwin et al., 1995). De plus, si l’on admet que la
définition du D.D. est déjà source d’interprétation au niveau macroéconomique, il est assez
évident qu’elle offre encore moins de pistes sur la façon dont l’entreprise peut l’intégrer à sa
stratégie…(Reynaud, 2003).
L’intégration du D.D. constitue néanmoins pour l’entreprise une impérieuse nécessité et
l’incertitude générée par la diffusion de ce concept devrait inciter les organisations à
développer des stratégies collectives.
La nécessité pour les entreprises de déployer une « stratégie de légitimation »
(Bourgeois et Nizet, 1995) vis-à-vis de l’institutionnalisation en cours du D.D.
Le concept de D.D. conteste la primauté - et la séparation - de l’économique vis-à-vis de
l’environnement et du social. La ré-insertion de l’économie dans la société et la Nature
(Gladwin et al., 1995) conduit à envisager les entreprises comme « encastrées » (Granovetter,
1985) dans leur environnement social, ce qui permet de leur appliquer l’approche néo-
institutionnaliste illustrée par Meyer & Rowan (1977) et DiMaggio & Powell (1991). Ce
courant s’intéresse particulièrement à la façon dont les organisations sont conduites à adopter,
indépendamment de leurs besoins et contraintes, des pratiques et procédures du seul fait
qu’elles sont institutionnalisées par la société (Rojot, 2002).
L’adaptation aux règles institutionnelles n’engendre pas un déterminisme stratégique. Oliver
(1991) distingue ainsi cinq manœuvres différentes qui peuvent permettre à l’organisation de
modeler son environnement. Dans l’effort pour « énacter » son environnement et créer les
normes externes qui serviront ensuite à évaluer sa légitimité, l’entreprise peut agir - soit
directement et volontairement en essayant de transformer
ses propres objectifs et méthodes en règles institutionnelles,
- soit de manière indirecte, à travers l’influence de ses réseaux de
relations interorganisationnelles.
Dans l’optique néo-institutionnaliste, le volontarisme stratégique n’est pas tant le fruit d’un
acteur isolé que celui d’un collectif. En effet, les organisations soumises à la pression d’un
même environnement tendent à s’organiser en un « champ organisationnel »
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(DiMaggio &
Powell, 1991) comprenant tous les acteurs pertinents qui interagissent dans cet environnement
(concurrents, fournisseurs, clients, organismes de régulation…). Ce champ, en se structurant,
est conduit à légitimer un ensemble de normes ou pratiques internes que l’exemple et l’action
du collectif contribueront à transformer en conventions sociales.
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En effet, si certains chercheurs soutiennent que les mesures en faveur de l’environnement génèrent des
avantages économiques pour les entreprises (Porter & Van den Linde, 1995), d’autres estiment que, globalement,
les bénéfices financiers ne compensent pas les coûts supportés (Walley & Whitehead, 1994).
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Appellation qui se réfère à une unité d’analyse dépassant le seul marché économique et qui recoupe le « champ
interorganisationnel » d’Aldrich (1972) ou le réseau interorganisationnel de Benson (1975). A rapprocher aussi
du secteur sociétal de Scott & Meyer (1983).