L’obésité n’est pas un
terme qui porte, en soi,
le germe du malheur.
C’est le prisme à travers
lequel on perçoit cette
caractéristique physique,
qui le véhicule ou non.
Pour untel, ce sont des
goinfres, pour d’autres,
des malades qui n’y peuvent rien. À la vue
d’un obèse, c’est le regard que l’on porte sur
la manière de vivre qui fonde notre jugement.
Entre symbole de l’opulence, de la décadence
et sourance, sujet de compassion. En fonc-
tion de ses critères de normalité, au moins
physique.
Le poète éodore de Banville l’exprimait en
ces mots:«c’est la maigreur des uns qui fait un
ventre aux autres». Mais l’on aurait tort de nier
un phénomène, qui prend une telle ampleur.
.
Si elle n’est pas devenue un sujet de débat
majeur de la société, loin s’en faut, l’obé-
sité n’en reste pas moins, l’un des thèmes
qui prévaut pour la Santé publique.
D’outre-Atlantique jusque dans la plus reculée
des provinces françaises, l’obésité est devenue
une maladie à combattre. Pire, une épidémie à
éradiquer. Car elle a un coût. Et il est colossal.
Il constitue l’un des tout premiers postes bud-
gétaires de la Sécurité sociale. Quand impéra-
tif économique il y a, c’est le vaisseau-amiral
étatique qui prend la tête d’une armée provi-
dentielle. Contre les kilos. Sus à la graisse!
Pour autant, nombre d’obèses sont avant
tout des victimes, et doublement. Triple-
ment même. Imaginez-vous un prol type de
l’obèse? Pauvre, génétiquement prédestiné à
l’obésité, et en proie à des risques médicaux
élevés.
Quel est votre salut? Du moins ici, dans notre
Occident avec ses normes actuelles, où min-
ceur, jeunesse et réussite sont devenues les
axiomes?
Votre avenir, au moins sociétal, est déjà com-
promis. Et puis, il y a les autres, ces drogués,
qui s’alimentent à l’excès. Ceux qui vivent
pour manger. Pour qui, se rassasier est une
alternative à l’aectif humain. Un gâteau vaut
bien un cercle d’amis!
Au vrai, chez eux, le sucre est ce que l’alcool
est aux ivrognes. Un vice. Et l’un ne chasse pas
l’autre. Ils s’additionnent.
Ils sont les faibles. Ne soyons pas hypocrites.
Nous avons tous eu, au moins une fois, cette
réexion lorsque l’on croise un obèse, un ali-
ment en bouche, ou à la main. «Il n’a peut-être
pas besoin de manger ceci, il est déjà assez gros
comme cela».
Alors, il apparaît nécessaire, de distinguer des
types d’obésité. Les malades, génétiquement,
et les autres. Si l’issue est la même, l’amalgame
est pernicieux. L’image de notre société s’en
trouve faussée. .
Car c’est bien là le paradoxe. Prôner la
maigreur dans un Occident où la nourriture
semble provenir du tonneau des Danaïdes, est
une véritable tartuferie. Et ces hérauts sont à
combattre. Voyez ce qu’ils provoquent. Un
eugénisme. Voyez les podiums de mannequins
où des squelettes, enrobés d’une mince couche
de peau, délent. Hommes ou femmes aux vi-
sages cadavériques. Est-cela la beauté? Celle
vers laquelle l’on nous incite à tendre? Et pour
la famille? Les voyez-vous porter un enfant?
Où le met-on? Il n’y a pas la place! Ce sera la
n d’une race!
Empruntons, alors, aux Arméniens cette ful-
gurance : « Avant que le gros ne soit devenu
maigre, le maigre sera mort».
En revanche, tout ne doit pas être pris à re-
bours. Ce sont les vices qui sont à combattre,
ces addictions, d’une société individualiste,
matérialiste, de la démesure, en un mot, de
l’opulence. Leur mère à tous.
Ce n’est pas l’obésité acquise qui est un éau
actuel, comme l’ont été «l’alcool chez les Eu-
ropéens ou l’opiumchez les Chinois » pour re-
prendre Céline. Il s’agit bien de l’abandon de
l’animus sane in corpore sano. D’une dépen-
dance engendrée par de nombreux facteurs
que sont la solitude, l’impératif de consomma-
tion, ou encore la promotion de l’hédonisme.
Il faut pour en venir à bout, se référer à nos
préjugés fondateurs, et pouvoir se dégager des
humeurs du temps et des eets de mode. Du
simple bon sens.
Est-ce une avancée humaine que les obèses
soient devenus les pauvres, et les maigres les
riches? Cela prouve, ici en Occident, que tous
sont nourris.
L’éditorial de Grégoire Arnould
Opulence, mère de tous les vices
2 | Décembre 2010 | Le Poids
Yves Montuelle