l`obésité sous toutes ses formes

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PHOTOREPORTAGE
« JE NE SUIS PAS DANS LA NORME »
Le Poids
www.lepoids.fr Numéro Spécial sur l’obésité - Décembre 2010
L’OBÉSITÉ SOUS
TOUTES SES FORMES
Marc Roussot
Le Poids
INTERVIEW DU PROFESSEUR TOUNIAN :
IDÉES REÇUES SUR L’OBÉSITÉ INFANTILE
LE CARNET TENDANCE DE SARAH DUVERGER
L’éditorial de Grégoire Arnould
Opulence, mère de tous les vices
L’obésité n’est pas un
terme qui porte, en soi,
le germe du malheur.
C’est le prisme à travers
lequel on perçoit cette
caractéristique physique,
qui le véhicule ou non.
Pour untel, ce sont des
goinfres, pour d’autres,
des malades qui n’y peuvent rien. À la vue
d’un obèse, c’est le regard que l’on porte sur
la manière de vivre qui fonde notre jugement.
Entre symbole de l’opulence, de la décadence
et souffrance, sujet de compassion. En fonction de ses critères de normalité, au moins
physique.
Le poète Théodore de Banville l’exprimait en
ces mots : « c’est la maigreur des uns qui fait un
ventre aux autres ». Mais l’on aurait tort de nier
un phénomène, qui prend une telle ampleur.
Yves Montuelle
.
Si elle n’est pas devenue un sujet de débat
majeur de la société, loin s’en faut, l’obésité n’en reste pas moins, l’un des thèmes
qui prévaut pour la Santé publique.
D’outre-Atlantique jusque dans la plus reculée
des provinces françaises, l’obésité est devenue
une maladie à combattre. Pire, une épidémie à
éradiquer. Car elle a un coût. Et il est colossal.
Il constitue l’un des tout premiers postes budgétaires de la Sécurité sociale. Quand impératif économique il y a, c’est le vaisseau-amiral
étatique qui prend la tête d’une armée providentielle. Contre les kilos. Sus à la graisse !
Pour autant, nombre d’obèses sont avant
tout des victimes, et doublement. Triplement même. Imaginez-vous un profil type de
l’obèse ? Pauvre, génétiquement prédestiné à
l’obésité, et en proie à des risques médicaux
élevés.
Quel est votre salut ? Du moins ici, dans notre
Occident avec ses normes actuelles, où minceur, jeunesse et réussite sont devenues les
axiomes ?
Votre avenir, au moins sociétal, est déjà compromis. Et puis, il y a les autres, ces drogués,
qui s’alimentent à l’excès. Ceux qui vivent
pour manger. Pour qui, se rassasier est une
alternative à l’affectif humain. Un gâteau vaut
bien un cercle d’amis !
Au vrai, chez eux, le sucre est ce que l’alcool
2 | Décembre 2010 | Le Poids
est aux ivrognes. Un vice. Et l’un ne chasse pas
l’autre. Ils s’additionnent.
Ils sont les faibles. Ne soyons pas hypocrites.
Nous avons tous eu, au moins une fois, cette
réflexion lorsque l’on croise un obèse, un aliment en bouche, ou à la main. « Il n’a peut-être
pas besoin de manger ceci, il est déjà assez gros
comme cela ».
Alors, il apparaît nécessaire, de distinguer des
types d’obésité. Les malades, génétiquement,
et les autres. Si l’issue est la même, l’amalgame
est pernicieux. L’image de notre société s’en
trouve faussée.
.
Car c’est bien là le paradoxe. Prôner la
maigreur dans un Occident où la nourriture
semble provenir du tonneau des Danaïdes, est
une véritable tartuferie. Et ces hérauts sont à
combattre. Voyez ce qu’ils provoquent. Un
eugénisme. Voyez les podiums de mannequins
où des squelettes, enrobés d’une mince couche
de peau, défilent. Hommes ou femmes aux visages cadavériques. Est-cela la beauté ? Celle
vers laquelle l’on nous incite à tendre ? Et pour
la famille ? Les voyez-vous porter un enfant ?
Où le met-on ? Il n’y a pas la place ! Ce sera la
fin d’une race !
Empruntons, alors, aux Arméniens cette fulgurance : « Avant que le gros ne soit devenu
maigre, le maigre sera mort ».
En revanche, tout ne doit pas être pris à rebours. Ce sont les vices qui sont à combattre,
ces addictions, d’une société individualiste,
matérialiste, de la démesure, en un mot, de
l’opulence. Leur mère à tous.
Ce n’est pas l’obésité acquise qui est un fléau
actuel, comme l’ont été « l’alcool chez les Européens ou l’opium chez les Chinois » pour reprendre Céline. Il s’agit bien de l’abandon de
l’animus sane in corpore sano. D’une dépendance engendrée par de nombreux facteurs
que sont la solitude, l’impératif de consommation, ou encore la promotion de l’hédonisme.
Il faut pour en venir à bout, se référer à nos
préjugés fondateurs, et pouvoir se dégager des
humeurs du temps et des effets de mode. Du
simple bon sens.
Est-ce une avancée humaine que les obèses
soient devenus les pauvres, et les maigres les
riches ? Cela prouve, ici en Occident, que tous
sont nourris .
2 ÉDITO
3 SOMMAIRE
4 Témoignage : « J’ai pris
un nouveau départ »
5 L’obésité en définitions
SANTÉ
6 Le poids de l’obésité
7 Ces petites pilules qui vous
veulent du bien
8 Mieux manger pour lutter
contre l’obésité
9 Adapter sa sexualité
10 La chirurgie de l’espoir
11 Patrick Tounian : « On est
prédisposé à être obèse
ou on ne l’est pas »
12
Obésité : l’histoire d’une discrimination
SOCIÉTÉ
9
26
Prévention de l’obésité : « Tout reste à faire »
Pr Tounian : « On est prédisposé à être obèse »
12 Obésité : l’histoire d’une
discrimination
16 Association : l’arme anti-kilos
17 Grignotage incontrôlé
18-19 Le Poids du mois
20 Â chaque culture son
obésité
21 Mère et fille face à
l’obésité
22-23 Photoreportage : «Je suis
hors-norme»
ÉCONOMIE
17
Ces écrans qui nous font grignoter
30
24
En route pour Miss Ronde 2010
Manger équilibré : accessible à tous
Directrice de la publication :
Isabelle Dumas
Directeur de la rédaction :
Christian Redon
Rédacteur en Chef :
Grégoire Arnould
Rédacteur en chef adjoint :
Marc Roussot
Secrétaire de Rédaction :
Jean Barrière
Maquette inspirée de l’hebdomadaire Le Point
Rédaction web - Keskiscpass :
Laurie Madile, Sarah Duverger
Rédacteurs : Sarah Duverger, Laurie Madile, Lucas
Demangeat, Héloïse Basson, Annick Berger, Yves
Montuelle, Anthony Perrel, Marc Roussot, Khalid Al
Jumaily, Brice Nativel
Magazine réalisé en décembre 2010 par un groupe
d’étudiants de :
ISCPA - Institut des médias
Université professionnel René Cassin
47, rue Sergent Berthet
69009 LYON
24 Manger équilibré :
accessible à tous
25 Quand la malbouffe se met
à la diète
26 Laurence Boyer : « Tout
reste à faire »
27 La prévention de l’obésité
en difficulté
CULTURE
28 Les rondeurs dans l’art
29 La corpulence
dans le téléviseur
TENDANCES
30 « Sur scène, je me sens
comme tout le monde »
31 XXL mais pas sac poubelle
ATTESTATION DE NON PLAGIAT
La rédaction du Poids atteste sur l’honneur que le présent supplément a été écrit de la main des rédacteurs, que ce travail est personnel et que toutes les sources d’informations externes et les citations d’auteurs on été mentionnés conformément aux usages en vigueur.
Nous certifions par ailleurs que nos n’avons ni contrefait ni falsifié, ni copié l’oeuvre d’autrui afin de la faire passer pour notre.
Nous avons été informé des sanctions prévues au Règlement pédagogique de l’ISCPA en cas de plagiat.
Fait à Lyon, le 02/12/2010.
Le Poids | Décembre 2010 | 3
« J’ai pris un nouveau départ »
par Héloïse Basson
Zora Charaoui, 43 ans, connaît des problèmes de poids depuis presque quatre ans. Pour combattre cette
obésité récente qu’elle ne supporte plus, elle s’est fait enlever les trois quarts de l’estomac. Elle retrace
pour nos lecteurs cette période douloureuse de sa vie.
«J
Héloïse Basson
e n’ai pas toujours été obèse. Il y encore six ans, je
pesais 60 kg pour 1 m 67, et l’an dernier, j’ai atteint
les 109 kg C’est à ce moment que j’ai compris que ce
n’était plus possible ; je ne pouvais pas rester comme cela, je
devais faire quelque chose. » Zora n’a pas vraiment su comment elle en était arrivée là. Mais depuis cette prise de poids
soudaine, sa vie a basculé. Le regard des autres a changé. Elle
s’est sentie différente, ne
trouvant plus sa place au
sein de la société. Hors
de question par exemple
d’aller à la piscine, ou
encore de se faire photographier. Zora ne
supportait pas de se
voir ainsi. Elle évitait de
plus en plus de sortir de
chez elle, pour aller en
ville, ou voir des amis, et
n’avait même plus envie
de s’habiller. Au quotidien, des problèmes se
faisaient sentir : « J’ai eu
de plus en plus de mal à
me baisser, ou à monter
les escaliers. J’étais très
vite essoufflée », confie-telle. « J’évitais le moindre
effort, je prenais ma
voiture même pour des
trajets courts. » Petit à
petit, c’est son rythme de vie qu’elle a adapté à ses rondeurs,
vivant pratiquement en fonction des autres. S’effaçant de
plus en plus. Si ses proches percevaient son mal-être, le sujet
n’était pas abordé. C’est donc seule, que Zora a entamé les
démarches pour une perte de poids radicale.
« Je ne supporte plus le regard des gens sur moi »
La jeune femme était prête à tout pour maigrir. Notamment
à subir une intervention chirurgicale : « j’ai d’abord pensé
à la pose d’un anneau gastrique. J’ai lu un article sur une
association d’aide aux obèses, et j’ai contacté la présidente.
Elle m’a pris sous son aile et m’a fait rencontrer chirurgiens,
nutritionnistes, infirmières et psychanalystes. » Finalement,
au lieu d’un anneau gastrique comme elle l’aurait souhaité,
son chirurgien a opté pour une « sleeve »*, qui consistait à
lui retirer une partie de l’estomac, de manière irrémédiable.
Malgré l’ampleur de l’intervention, Zora est restée déterminée : « cela ne m’effrayait pas. J’avais trop besoin de maigrir
4 | Décembre 2010 | Le Poids
pour me poser des questions. J’aurai tout accepté, tellement
j’étais mal dans ma peau. » Après sept mois de préparation médicale et psychologique, la patiente était prête. La
semaine précédant l’intervention, elle a d’abord commencé
un régime, afin d’habituer son estomac à se réduire, et a
perdu 4 kg. « Je pesais 105 kg lorsque l’on m’a opéré. Les premiers jours suivant la gastrectomie, je n’ai pu manger que du
liquide. Je n’avais même
pas droit à une soupe ;
seulement à son bouillon
ou de la compote. Trois
mois après, j’avais perdu
16 kg. »
Aujourd’hui, Zora pèse
89 kg. Elle a l’estomac
d’un enfant de quatre
ans. Elle doit donc adapter son alimentation. Le
matin, elle se contente
désormais d’un café, et
prend un repas complet
le midi, surtout de la
salade et des légumes.
Elle a perdu ses mauvaises habitudes alimentaires « avant je
ne déjeunais pratiquement pas le midi, et je
grignotais pendant tout
l’après-midi
jusqu’au
soir. Maintenant, j’essaie
surtout de manger à heures fixes. » Petit à petit, la jeune
femme va devoir faire du sport, pour éviter que ses chairs
ne s’affaissent. C’est une première pour elle qui n’a jamais
été très sportive. Et pour cause, Zora a toujours sciemment
évité les salles de gym, abhorrant les jeunes filles minces en
tenues moulantes.
À présent, elle arrive un peu plus à s’accepter telle qu’elle
est. « Je me sens en forme, j’ai perdu plusieurs tailles de vêtements. Je me remets à faire des choses normales : je sors en
ville avec mes amies, je vais chez le coiffeur, je fais les magasins. Mes enfants me disent que mon visage a changé, qu’il est
plus fin. Maintenant avec mes proches, on en parle. C’est un
véritable changement. J’ai pris un nouveau départ, je revis ».
Bientôt, ses rondeurs et le calvaire enduré ne seront plus
qu’un mauvais souvenir •Pour les patients obèses qui correspondent aux critères définis par le médecin, la sleeve est complètement prise en charge
et remboursée par la Sécurité sociale.
.
L’obésité en définitions
SANTÉ
Obésité
Excès d’embonpoint, accumulation de graisses dans l’organisme. L’obésité est calculée le plus souvent grâce à l’IMC (indice de masse corporelle), créé par Lambert Adolphe Jacques
Quételet, un scientifique belge. Il correspond au rapport du
poids d’une personne sur sa taille au carré.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a défini cet Indice de Masse Corporelle comme le standard pour évaluer les
risques liés au surpoids.
En 2009, d’après une étude Obépi menée par le laboratoire
Roche, 31,9 % des français seraient en surpoids et 14,5 % en
situation d’obésité. Autrement dit, plus d’une personne sur 10
serait obèse d’après cette enquête faite auprès de 25 286 individus représentatifs de la population française.
> si vous souhaitez calculer votre IMC : www.imc.fr
Obésité
Modérée
Obésité
Sévère
Obésité
Morbide
Femme :
Taille moyenne 163 cm
De 49 à 66 kg
Poids normal
De 67 à 80 kg
Surpoids
80 kg et plus
Obésité
Homme :
Taille moyenne 175 cm
De 57 à 77 kg
Poids normal
De 78 à 92 kg
Surpoids
92 kg et plus
Obésité
IMC de 30 à 34,9 (poids > 92 kg pour les hommes et > 80 kg pour les femmes)
Le surpoids commence à devenir une menace pour la santé. La personne en situation
d’obésité modérée est très sujette à des maladies graves (hypertension, diabète, cancer). Toutefois, le poids n’est pas suffisant pour un recours à la chirurgie de l’obésité.
IMC de 35 à 39,9 ( > 107 kg pour les hommes et > 93 kg pour les femmes)
C’est à partir d’une obésité sévère que la chirurgie (voir article page 10) peut être préconisée (gastroplastie, bypass ou sleeve gastrectomie). Il est impératif de perdre plusieurs kilogrammes rapidement. Le risque de contracter certaines maladies est accru.
IMC supérieur à 40 (> 123 kg pour les hommes et > 106 kg pour les femmes)
Ce troisième type d’obésité est le plus dangereux. Il nécessite impérativement l’intervention chirurgicale. Le sujet est en danger de mort, et à la merci de nombreuses
maladies (respiratoires, cardiovasculaires…). Ce cas inquiète en France puisque son
nombre a doublé en 5 ans. Il représente 0,6 % de la population.
Causes et répartition
Libre de Droits - SXC
Obésités gynoïde et androïde :
Les spécialistes distinguent deux formes d’obésité en fonction de
la répartition de la masse graisseuse dans le corps.
L’obésité androïde est la plus dangereuse pour la santé. La masse
de gras se situe dans le haut du corps. L’obèse est alors plus soumis à des maladies de type cardiovasculaire, de diabète et d’hypertension. Certains spécialistes de la santé préfèrent la mesure
du tour de taille à l’IMC comme révélateur de l’obésité.
L’obésité gynoïde est appropriée lorsque le gras se trouve dans le
bas du corps. Chez les femmes c’est ce que l’on appelle couramment la « culotte de cheval ». Cette forme d’obésité a moins de
conséquences néfastes sur la santé.
Deux causes majeures à l’obésité :
L’obésité héréditaire est la première forme. Elle est assez facile à
déceler car l’enfant est prédestiné à sa naissance. La pathologie
est inscrite dans son patrimoine génétique. Elle a un caractère
familial et se reconnaît dès les premiers mois.
Le deuxième type d’obésité est consécutif au changement de la
société et de notre façon de vivre. Le comportement alimentaire
en est la grande cause : petit-déjeuner absent ou bâclé, grignotage
devant la télévision entre les repas, heure du déjeuner et du dîner
décalée. Le terme de malbouffe est de plus en plus employé dans
nos sociétés. Dans l’enfance, les consoles de jeux remplacent peu
à peu la pratique sportive.
informations recueillies par Anthony Perrel
Le Poids | Décembre 2010 | 5
SANTÉ
Psychologie : le poids de
l’obésité
Prédisposition
génétique, ou
accumulation des
kilogrammes,
l’obésité est un état
difficile à vivre au
quotidien.
PAR LAURIE MADILE
«I
l n’y a pas de médecin
sérieux aujourd’hui qui
puisse dire que l’obésité
ne relève que de la génétique ».
C’est en tout cas le parti pris de
Gérard Apfeldorfer, psychiatre et
co-fondateur du Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids
(Gros), et de son équipe. Pour
comprendre l’obésité, il faut
avant toute chose, ne pas négliger
les facteurs environnementaux.
Entendons par là les habitudes
alimentaires, et le rapport que
nous pouvons entretenir avec
la nourriture. Car bien souvent,
6 | Décembre 2010 | Le Poids
manger s’avère être une armure,
un refuge, face à certaines émotions telles que la déception, la
tristesse, ou l’anxiété. Pourquoi
nos émotions nous font-elles
grossir ?
Ainsi, l’acte de manger revient à
étouffer ses émotions. « Avaler »
se substitue à « manger », et donc
par conséquent à adopter une
alimentation saine et digérer en
petite quantité. Se nourrir devient
un acte compulsif, et non réfléchi.
Les émotions nous entraînent
bien souvent à consommer des
aliments sucrés, ou plus gras
que d’autres. Faut-il le considérer comme une injustice, mais ce
sont les personnes prédisposées
à l’obésité, qui prendront alors
des kilogrammes. Si destructeurs.
Mais pourquoi ces pulsions alimentaires nous conduisent-elles
vers la consommation d’aliments
sucrés ? Avant tout parce qu’ils
procurent un plaisir immédiat. Le
sucre, entre autre, s’assimile rapidement dans le sang. Mais cercle
vicieux, ils augmentent l’appétit.
Une campagne de
publicité, réalisé par
Brandon Knowlden /
Struck Creative,
pour promouvoir
les opérations
chirurgicales liées à
l’obésite.
En légende, sur les
photos :
« Mais cela ne doit pas
se terminer comme
cela. Renseignez-vous
sur la chirurgie de
l’obésité ».
Pour aller plus
loin :
Groupe de Réflexion
sur l’Obésité et le
Surpoids (Gros)
www.gros.org
« Traiter l’obésité et
le surpoids », Gérard
Apfeldorfer, JeanPhilippe Zermati,
Bernard Waysfeld,
Odile Jacob, 2010
Site des thérapies
cognitives et
comportementales
www.aftcc.org
Le poids du regard
« Aujourd’hui il existe une stigmatisation de l’obésité considérable. On a une discrimination des
obèses dans le monde du travail,
dans la vie sentimentale et relationnelle. ». Pour Gérard Apfeldorfer, spécialiste des troubles
du comportement alimentaire, le
discours ambiant autour des personnes obèses est l’une des raisons pour lesquelles celles-ci ne
peuvent s’en sortir. Dans la rues
et autres lieux publics, les personnes de forte corpulence sont
souvent examinées sous toutes
leurs coutures. Les petites phrases
naïves des enfants sont assassines.
Et plus encore, ce qui fait le plus
mal, ce sont les doigts accusateurs
pointés vers eux et qui veulent
dire « si vous êtes gros, c’est avant
tout de votre faute ». Paradoxalement, le discours autour d’un
comportement alimentaire sain et
diététique entraîne les obèses sur
le chemin de la pulsion alimentaire. Le docteur Apfeldorfer nous
confie qu’« un régime entraîne
une perte de poids, mais plus on
essaye de contrôler son comportement, et plus on est amené par
la suite à grossir ». Dès lors comment parvenir à s’en sortir ? « J’ai
bientôt 30 ans, je suis obèse, et je
veux faire des efforts pour changer
ce corps dans lequel je ne me suis
jamais sentie bien, je dois me faire
aider... ». Sur les forums de discussion où se rejoignent chaque
jour des personnes souffrant de
surpoids, les messages comme celui de Titchat186 sont nombreux.
En effet, pour comprendre et soigner son obésité – quand celle-ci
n’est pas liée à des facteurs biologiques – le suivi psychologique
est important, souvent plus qu’un
accompagnement diététique. Car
la honte est sans doute l’un des
sentiments les plus destructeurs
de la personnalité.
Si certaines personnes s’en
sortent seules, le suivi psychologique est fortement préconisé.
Peut-être à juste titre, pour enfin,
s’accepter tel que l’on est .
Bradon Knowlden / Struck Creative
Crédits
Le sucre contient de la sérotonine,
une molécule connue pour son
effet apaisant. Le moelleux par
exemple procure une sensation
qui comble un besoin d’affection.
SANTÉ
Ces petites pilules qui vous veulent du bien
Quelle qu’en soit la
méthode, l’issue doit
être la même : perdre
du poids. Maigrir
d’accord, mais à quel
prix ?
L
Libre de Droits
e bon sens veut qu’un régime
soit prescrit par un médecin,
ou par un professionnel de
la santé. Pour Jean-Michel Cohen,
nutritionniste et auteur de l’ouvrage « Savoir manger », « maigrir
c’est comme un marathon, il faut
s’entraîner, et les résultats se feront
sentir ». Cela passe par une rééducation alimentaire, suivie par un
psychologue. Il s’agit avant tout
de « protéger sa
santé par l’alimentation ». Outre
cette reconnexion
avec le plaisir de
manger, la perte
de poids chez les
personnes obèses,
peut aussi passer par la prise de
médicaments. En
matière de gélules,
la liste est longue.
La dernière à
s’être introduite sur le marché,
n’est autre que la douce Alli. En
mai 2009, elle devient le premier
médicament amaigrissant autorisé en Europe, disponible en vente
libre. C’est sur ce terrain-là, que
les controverses ont lieu depuis un
peu plus d’un an. Le rôle de gardefou revient aux pharmaciens, qui
doivent s’assurer que le patient
a un IMC supérieur ou égal à 28.
Mais ces pilules sont loin d’être
sans conséquences.
Ces pilules qui font maigrir
Si l’efficacité d’Alli n’est pas encore démontrée, de lourds effets secondaires sont pourtant existants.
Une absorption des graisses au
niveau intestinal entraîne une élimination de celles-ci par les voies
naturelles, avec douleurs abdomi-
Le Sibutral mis
hors d’état
de nuire
Le 20 janvier 2010,
l’Agence française
de sécurité sanitaire
des produits de santé
(Afssaps) a retiré des
marchés français le
Sibutral. Elle dénonce
les risques de complications cardio-vasculaires engendrés par
cette pilule. En vente
depuis 2001, elle était
prescrite comme
traitement contre
l’obésité.
nales. Il faut avoir envie de maigrir.
Qu’il s’agisse de l’un ou l’autre
de ces traitements, les personnes
obèses sont soumises à une prise
en charge globale. Elles doivent
par conséquent s’astreindre à un
régime alimentaire. Mais entre le
diktat de la minceur qui s’impose
dans les magazines et donc dans
nos assiettes, les personnes en surcharge pondérale usent à n’en plus
finir les solutions miracles pour
perdre du poids, en oubliant que
leur santé est en jeu.
Attention danger
Méthodes Dukan, Montignac, ou
Weight Watchers, on ne compte
plus les régimes qui promettent
une perte de poids importante, en
un temps record. Mais comment
choisir le bon ? Si l’un n’apporte
pas satisfaction, pourquoi ne pas
tenter l’autre ? L’avis du nutritionniste Jean-Michel Cohen, est clair
là-dessus, « les régimes dissociés, ou
protéinés, c’est le même principe. Ce
qui change, c’est l’emballage marketing ». Après plusieurs semaines
de repas aux recettes alléchantes à
base de poisson vapeur, brocolis, et
yaourt maigre – cela va de soi – la
balance affiche, ô miracle, des kilos
en moins. Mais en retirant certains
aliments, pourtant essentiels, la
perte de poids s’effectue d’abord
au niveau de la masse musculaire
et non au niveau de la masse graisseuse. Jean-Michel Cohen nous
rappelle que « rien n’est innocent
Clap de fin pour Mediator
Ce médicament coupe-faim au nom de robot de science fiction,
a envahi le marché des remèdes amaigrissants dès la fin des
années 70. Produit par les laboratoires Servier, il est prescrit dans
un premier temps pour les diabétiques, et se destine progressivement aux personnes souffrant de surcharge pondérale. Mais voilà
qu’après 30 années d’utilisation par des millions de patients, à la
fin de l’année 2009, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des
Produits de Santé (Afssaps) signe l’arrêt de mort du médicament.
La pilule serait l’un des facteurs de décès pour 500 patients due à
une valvuopathie (problème de valves cardiaques), et d’hospitalisation chez près de 3 500 patients.
Peut-on imaginer de tels résultats avec la pilule Alli ? De l’avis du
docteur Cohen, il y a peu de risques, car Alli agit « par mécanisme
d’absorption, et non pas par action centrale. En revanche, elle peut
créer des carences importantes en vitamines lyposolubles ». Autrement dit, si rien est encore aujourd’hui prouvé, la prise de tels
médicaments peut favoriser l’ostéoporose, elle-même responsable de fractures.
en terme d’alimentation. Il y a toujours des effets négatifs sur le corps,
mais qui se révèlent à moyen ou
long terme. » Le 25 novembre 2010,
l’Agence de sécurité sanitaire de
l’alimentation (Anses) met sur le
banc des accusés une quinzaine de
régimes dont les méthodes Dukan,
Atkins, Cohen...(ndlr : interviewé
une semaine auparavant).
Le professeur Jean-Michel Lecerf,
un des experts du rapport, nous
confie que « tous les régimes aboutissent aux mêmes conséquences.
Perdre du poids n’a aucun intérêt en soi. Ce qu’il faut, c’est faire
attention à son alimentation, sans
passer par des régimes stricts, qui
engendrent d’une façon ou d’une
autre des troubles du comportement
alimentaire ». Dans les années
1970, les chercheurs, Peter C. Herman et Janet Polivy, se sont penchés sur l’obsession qui conduit
les personnes en surcharge pondérale, à maigrir par n’importe quel
moyen. Cet hypercontrôle alimentaire, appelé aussi « restriction cognitive », qu’impose ces régimes,
s’avère dangereux dès lors que l’on
réintroduit dans son alimentation,
un produit jusqu’alors interdit.
Autre danger de ces régimes trop
sévères, et non des moindres : la
mort subite pour les personnes
à risques cardiaques, en cas de
« déficit de potassium, qui conduit
à une inflammation du pérycarde. »
Le professeur Lecerf souligne que
« l’obésité est une maladie que l’on
ne sait pas encore soigner. Le moins
que l’on puisse faire, c’est de ne pas
l’aggraver ». Irritabilité, carences,
pertes de cheveux, ou pire, faut-il
vraiment en arriver là, pour avoir
l’illusion d’atteindre un poids
normal ? Car les restrictions alimentaires engendrent également
de la frustration, qui, à trop forte
dose, peuvent provoquer d’importants troubles du comportement
alimentaire. Une relation à l’alimentation trop stricte, restrictive,
ou excessive, sera ainsi le résultat
d’un retour au poids de départ . LAURIE MADILE
Le Poids | Décembre 2010 | 7
SANTÉ
Le déséquilibre
alimentaire peut
provoquer l’obésité
chez les enfants
selon de nombreux
spécialistes.
Depuis 2004, le
programme Ensemble
Prévenons l’Obésité
des Enfants (Epode)
met à contribution les
acteurs de la vie
sociale pour lutter
contre l’obésité infantile.
«A
pprivoiser Billy le
Brocoli ». Ces mots
pourraient
ressembler à ceux d’une comptine pour
enfants. Que nenni ! Il s’agit d’un
subterfuge, beaucoup plus ludique,
pour faire découvrir aux enfants de
l’école de Meyzieu (Rhône) le goût
des légumes, et d’une alimentation saine et équilibrée. La ville fait
partie des 9 communes pilotes, qui
ont intégré en 2004 le programme
Epode. En poste depuis 1999,
Stéphanie Bazin, la diététicienne
qui s’occupe des petits Majolans,
redouble d’efforts pour prendre
en charge les enfants dès leur plus
jeune âge. Et c’est dans le milieu
scolaire, au moment du déjeuner
8 | Décembre 2010 | Le Poids
à la cantine, que tout commence.
« Nous avons décidé avec les enfants
d’établir un contrat : goûter à tout ! »
Les enfants se prennent au jeu du
goût et des couleurs, et « apprennent
à aimer des aliments qu’ils n’ont pas
forcément l’habitude de manger ».
Des animateurs périscolaires sont
mobilisés lors du déjeuner, pour en
faire « un moment festif. Les enfants
peuvent s’assoir avec leurs copains,
ils ont un rôle à jouer. Ils sont responsables du pain, de l’eau... ». Les
enfants se réapproprient l’heure
du repas. L’école élémentaire de
Meyzieu a d’ailleurs décidé d’impliquer de plus en plus les élèves dans
le choix de l’alimentation. D’ici
quelques mois, ils devront composer eux-mêmes, leur menu pour la
semaine. Un moyen de voir si les
règles de base ont été assimilées.
Du côté des familles, Stéphanie Bazin explique que l’expérience a suscité de prime abord, bon nombre de
réticences. « Ce que les parents ne
comprenaient pas c’est pourquoi il
fallait peser et mesurer leurs enfants.
Les mesures obtenues et que l’on
reporte sur les courbes de croissance
sont justes indicatives pour nous,
et restent anonymes. » Ainsi, si un
IMC démontre un surpoids avéré
Pour approfondir :
Epode
www.epode.org
Ecole de Meyzieu
www.mairie-meyzieu.fr
Continuer la prévention
Aujourd’hui 226 villes ont rejoint
le projet. Si chaque année, elles sont
un peu plus nombreuses, ce chiffre
reste assez peu significatif. À l’origine gratuit pour les villes pilotes,
intégrer le programme Epode a
désormais un coût conséquent
dû, notamment, à l’embauche de
diététiciens. Les animateurs périscolaires doivent en plus bénéficier
d’une formation supplémentaire,
des dépenses que toutes les municipalités ne sont pas prêtes à supporter. Les pouvoirs publics ont eux
aussi décidé de s’investir en matière
de prévention. Mais attention. Agir
ne signifie pas mettre l’enfant au
régime. Loin de là, comme le souligne Florence Arnold Richez dans
son ouvrage « Enfants en surpoids ».
D’une part cela perturberait sa
croissance et d’autre part, il s’agit
davantage de l’éduquer à une alimentation saine, tout en lui faisant
découvrir le plaisir de manger. Du
côté des métiers de la santé, l’assurance maladie et les représentants
des médecins généralistes ont décidé de mettre en place des dépistages
le plus tôt possible chez les jeunes
enfants. Certaines actions, plus
spécifiques, seront orientées vers
les familles défavorisées. Comme
par exemple rendre les fruits et les
légumes plus accessibles, pour que
tout le monde puisse en consommer. Autant d’actions qui visent à
améliorer le bien-être des enfants,
et éviter, qu’ils ne subissent, adulte,
les conséquences physiologiques et
psychologiques d’une mauvaise alimentation . LAURIE MADILE
Libre de Droits
Mieux manger pour lutter contre
l’obésité infantile
chez l’enfant, le médecin scolaire
entre en contact avec la famille afin
de définir, si celle-ci le souhaite,
un suivi régulier de l’enfant. Ce
dernier sera accompagné, chaque
mois, par un diététicien(ne). Depuis le lancement du programme
Epode il y a cinq ans, si la baisse
de l’obésité chez les jeunes enfants
n’est pas probante, on se félicite
d’un véritable changement dans les
comportements alimentaires. Mais
Stéphanie Bazin, indique que « cinq
ans est un temps trop court pour se
rendre compte, il faut une bonne dizaine d’années pour arriver à établir
de vraies conclusions ».
SANTÉ
« On est prédisposé à être
obèse ou on ne l’est pas »
Et si l’obésité n’était que génétique ? Si
finalement pizzas, plats préparés, et sodas
n’altéraient en rien le poids des enfants ? Dans
son ouvrage « L’Alimentation de vos enfants.
Enquête sur le marketing et les idées reçues »,
Patrick Tounian, pédiatre et nutritionniste à
l’hôpital Armand-Trousseau à Paris, livre une
vision polémique autour de l’obésité infantile.
Éditions Denoël
Le Poids : Comment se
définit l'obésité chez
l'enfant ?
Patrick Tounian : Il faut se
référer aux courbes de poids
qu’il y a dans les carnets de
santé. Celles-ci varient avec
l’âge et le sexe. Chez l’enfant,
et dans le suivi de l’IMC on
a une croissance normale
de 0 à 1 an, cette courbe de
corpulence diminue ensuite de
1 an à 6 ans pour redescendre
puis remonter. Chez l’enfant
obèse, on observe un rebond
précoce vers l’âge de 3 ans.
Mais l’obésité c’est aussi une
question de représentation. Je
reçois certains enfants qui se
trouvent obèses, alors qu’ils
n’ont que 500 g de trop. Et
d'autres qui sont obèses, mais
qui se trouvent « normaux ».
En revanche, ces courbes
n’ont pas un intérêt médical
majeur. Au-delà de 25, ou
30, les risques de mortalité
étaient plus importants, on a
donc définit des normes.
Vous citez de nombreuses
marques, n'avez – vous
pas l'impression de faire la
part belle aux industries
agro-alimentaires ?
À longueur de pages, je critique les groupes industriels.
Quand on critique certaines
attitudes, au travers des portraits, on se moque, mais on
défend quand il le faut. L’objectif de ce livre n’est ni de
défendre, ni d’agresser l’in-
dustrie agro-alimentaire. Je
veux rétablir une vérité scientifique. C’est mon métier.
Les produits industriels que
l’on donne aux enfants par
exemple sont absolument inutiles. Et ils sont plus chers. Inversement, lorsque les parents
n'aiment pas faire à manger,
ou n’ont pas le temps de passer derrière les fourneaux, ils
peuvent choisir ces produits
pour leurs enfants. Le message
qu’on veut leur faire passer,
c’est qu’ils n’empoisonnent
pas leurs enfants en choisissant ce type de produits.
Vous dites vouloir déculpabiliser les parents qui
achètent des produits dits
gras, sucrés... mais vous
dites aussi que
cuisiner soi-même revient
parfois plus cher, et qu'il y
a tout autant de matières
grasses.
Ce sont les parents derrière les fourneaux qui
vont culpabiliser désormais ?
Non. On insiste bien sur le fait
que ça n’a strictement aucune
importance. Que ce soit un
peu trop de sel dans le plat
tout prêt, ou dans celui fait
maison peu importe. Quand
il n’est pas gros, ça ne sert
rien de réfléchir à la quantité
de sel, ou de beurre. Arrêtons
de psychoter : si on a mis trop
de beurre, de sel, ça n’est pas
grave !
Manger n'importe comment apporte forcément
un excès d'apports en calories, et un déficit nutritionnel qui entraîne une prise
de poids...
Les enfants jamais ! En particulier les garçons, car les
filles sont en restriction dès
le plus jeune âge. Les garçons
en général sont toujours à leur
poids maximal, alors que les
filles sont environ toujours
3 kg en dessous, donc très
rapidement elles reprennent.
Les enfants ne prendront pas
de poids, c’est une certitude
ils savent s’autoréguler, chez
les jeunes adultes, c’est plus
aléatoire.
De moins en moins de
repas sont pris en famille,
est-ce un tort qui favorise
le grignotage, et donc
d'une certaine manière le
surpoids, et l'obésité ?
L’alimentation aujourd'hui,
est de plus en plus déstructurée, c’est vrai. Il y a moins de
repas pris à table, mais ça ne
favorise en rien l’obésité, qui
est une maladie préexistante.
On est prédisposé à être obèse
ou on ne l’est pas. L’aliment
n’est qu’un moyen pour grossir, il n’en est pas la cause.
C'est l’abondance. On met des
limites, mais elles sont arbitraires. Un enfant peut manger du Nutella matin, midi et
soir à volonté, s’il n’est pas
prédisposé à être obèse, il ne
grossira pas. Si ça ne se joue pas dans
l'alimentation, que préconisez-vous alors pour
mieux prévenir l'obésité ?
Pour 80 % des enfants, vous
êtes tranquilles. Rien ne sert
de prévenir une maladie qui
n’existe pas. Quant aux 20 %
qui restent, il faut les repérer,
essayer de restreindre leurs
apports énergétiques. Quand
on est enfant, ce qu’il faut c’est
être cadré. Laissez-les manger ce qu’ils veulent, mais pas
uniquement ce qu’ils veulent.
Si l’enfant a des problèmes de
poids alors c’est différent, il ne
peut pas tout manger. Le problème avec la nutrition actuelle
c’est qu’elle est collective. On
considère que tout le monde
mange de la même façon. Or
c’est un problème purement
individuel. Certaines personnes pourront manger 500 g
de beurre sans que ça ne leur
fasse rien. Mais rien ne sert
de mettre des interdits. Tout
se mange. Il n’y a pas de poison, le poison est interdit par
la loi L.M
.
Le professeur
Patrick Tounian,
pédiatre et
nutritionniste
Le Poids | Décembre 2010 | 9
SANTÉ
La chirurgie de l’espoir
De nombreuses
méthodes chirurgicales
sont destinées aux
obèses. Des opérations
non-bénignes, avant
une tout aussi redoutable : l’acceptation de
son nouveau corps.
PAR ANTHONY PERREL
A
Différentes méthodes
Malgré son efficacité reconnue, la
gastroplastie perd du terrain dans
l’Hexagone. Alors que le nombre
d’obèses augmente, la pose d’anneau
gastrique, elle, stagne autour de 10
000 par an pour 22 000 opérations de
chirurgie bariatrique (ndlr : consiste à
restreindre l’absorption des aliments).
« Un recul progressif au profit de mé10 | Décembre 2010 | Le Poids
thodes nouvelles qui ont la préférence
de certains chirurgiens » soutient le
Dr Dargent.
La sleeve gastrectomie fait partie de
ces nouvelles méthodes qui gagnent
en notoriété. Elle fait sa première
apparition, en France, en 2001. L’opération consiste en une ablation verticale des deux tiers de l’estomac, de
façon à former un tube continu entre
l’œsophage et l’intestin grêle. En
conséquence, les aliments sont évacués beaucoup plus rapidement. De
plus, cette ablation d’une grande partie de l’estomac permet l’élimination
d’une quantité importante de cellules
gastriques qui sécrètent une hormone
stimulant l’appétit. Le patient ressent
alors moins la sensation de faim.
Enfin, le « bypass » est la troisième
méthode de chirurgie de l’obésité.
L’opération consiste à réduire le
volume de l’estomac et à modifier la
circulation alimentaire. Les éléments
ingurgités évitent l’estomac ainsi que
la partie supérieure du tube digestif
et arrivent directement dans la partie
moyenne de l’intestin grêle. Cette intervention devient, progressivement,
la référence de la chirurgie de l’obésité. Elle est plus technique, avec des
résultats spectaculaires à la clef (perte
jusqu’à 80 % de son poids en un an).
« Auparavant utilisé en priorité pour
les patients atteints d’obésité morbide,
le bypass ne leur est plus réservé aujourd’hui. ». « Actuellement aucune des
trois méthodes de chirurgie de l’obésité
Ci-dessus, le résultat d’une opération,
avant (photo de
gauche), et après
(photo de droite).
La région
lyonnaise est
pionnière en terme de
chirurgie de l’obésité
en France. La clinique
Lyon-Nord de Rillieuxla-Pape a été le
théâtre de la première
pose d’un anneau
modulable en France
en 1995.
n’est prédominante. Peut être même
qu’elles seront amenées à disparaître
un jour au profit de méthodes moins
agressives » estime le Dr Dargent.
« Redonner une vie sociale au patient »
Après une opération, le corps des
patients est méconnaissable : la peau,
dépourvue de graisse, est distendue.
Certains patients font alors appel à
des chirurgiens plasticiens-esthéticiens-réparateurs (ndlr : PER) comme
Baptiste Pinatel qui exerce cette spécialité à l’hôpital Saint Joseph Saint
Luc de Lyon. Il intervient après la pose
d’un anneau ou d’une sleeve. « Nous
sommes là pour traiter les excès de
peaux et de gras qui proviennent de la
gastroplastie ou d’une autre méthode.
(cf l’image d’illustration). » Les chirurgiens « PER » s’occupent alors de
couper la peau, de remonter les seins
d’une femme par exemple. « Nous
faisons les cicatrices aux niveaux de
la culotte et de la poitrine de façon à
pouvoir les masquer avec les sous-vêtements». Cette redéfinition de la silhouette permet au patient de pouvoir
s’habiller et de mieux s’accepter dans
ce nouveau corps. « Nous essayons de
les aider à se réintégrer dans la société »
résume Baptiste Pinatel. Si la chirurgie de l’obésité permet de délester les
patients de dizaines de kilogrammes,
ce n’est là qu’un pas sur la voie de la
guérison. Accepter son corps est bien
le véritable défi .
Libre de Droits
près qu’ils aient essayé toutes
sortes de régimes amaigrissants, sans succès, la chirurgie
de l’obésité est souvent salvatrice pour
les patients en surcharge pondérale.
Plusieurs méthodes existent avec chacune des caractéristiques différentes.
Aujourd’hui, la gastroplastie est l’intervention la plus courante et la plus
ancienne. Elle consiste à mettre un
anneau en silicone modulable autour
de la partie supérieure de l’estomac.
L’organe est alors divisé en deux, à
la manière d’un sablier, ce qui atténue la sensation de faim. Pour Jerôme
Dargent, chirurgien spécialiste de
l’obésité à la clinique Lyon Nord de
Rillieux-la-Pape et auteur d’une étude
« l’anneau gastrique a t’il un futur ? »,
« cette méthode reste le meilleur compromis bénéfice/risque en matière de
chirurgie de l’obésité. Il est très rare
que se produise une hémorragie après
la pose d’un anneau. Pour la sleeve
gastrectomie ou le bypass, ce risque est
multiplié par 10. En revanche, sur le
long terme, les dangers sont supérieurs
pour l’anneau car il arrive que le patient ne supporte pas la prothèse et qu’il
doive revenir à plusieurs reprises après
l’opération ».
SANTÉ
« Adapter sa sexualité à son corps »
Si pour une
personne, sans
problème de poids, faire
l’amour est un acte
anodin, pour un obèse,
avoir des relations
sexuelles est un défi.
«Q
Libre de Droits - SXC
uand
un
jeune
homme obèse essuie
des réflexions tout
au long de sa jeunesse, il est normal qu’il n’ait pas confiance pour
séduire une fille. Et lorsqu’il entamera une relation, il trouvera sa
compagne si belle qu’il n’arrivera
pas à avoir d’érection. Il aura
la trouille ! » explique Cécile
Planche, psychologue sexologue
lyonnaise.
Les femmes plus touchées
Les personnes obèses connaissent
en effet plus de dysfonctionnements sexuels que les personnes
dites « normales ». Des problèmes
d’érection, de congruence (ndlr :
impossibilité physique d’avoir un
rapport sexuel), qui entraînent des
blocages psychologiques ou physiques. Pour les femmes, l’obésité
induit d’autres types de difficultés
dont elles souffrent beaucoup plus
que les hommes. « La gente féminine est en général plus soucieuse
de son apparence. Du fait de leur
obésité, ces problèmes d’image y
sont démultipliés. Si elles ne sont
pas satisfaites de leur corps, si elles
ont des complexes, elles avanceront
cette raison pour refouler leurs
désirs et se priver du plaisir qu’elles
s’interdisent ».
Et ces problèmes psychologiques
empiètent aussi sur le quotidien.
Elles n’osent pas se rendre chez
le médecin généraliste ou le
gynécologue. Une réticence à
l’idée de se mettre nue devant
un inconnu qui examine un
corps qu’elles n’assument pas.
De cette absence de suivi, résulte
plus d’infections sexuellement
transmissibles que chez les autres
femmes. Elles ont également
moins recours à la pilule. Les
médecins peuvent d’ailleurs la
leur refuser, la prescription de
celle-ci risquant d’engendrer des
problèmes cardiovasculaires. De
ce fait les grossesses non désirées
et les avortements sont quatre fois
plus importants chez les femmes
obèses de moins de trente ans.
Contourner les difficultés
Pour ne pas avoir à subir le regard
des autres, les obèses se replient
sur leur communauté. Selon une
étude de l’Institut National de la
Santé et de la Recherche Médicale
(Inserm) datant de 2006, 67 %
des femmes obèses ont des rapports sexuels avec un partenaire
lui aussi en surcharge pondérale.
Ce chiffre est de 39 % pour les
hommes. Certains obèses n’ont
d’autre choix que l’abstinence,
ce qui n’est pas forcément problématique selon Cécile Planche.
« On pense souvent que la sexualité
est indispensable pour l’équilibre
d’une personne. Et pourtant nous
rencontrons des hommes tout à fait
bien dans leur peau, qui, par choix,
n’ont pas de vie sexuelle manifeste.
Les prêtres, les moines, des veufs,
voire des personnes en couple arrivent à être parfaitement équilibrés
avec peu ou pas de vie sexuelle ». À
noter que les obèses ont 30 % de
chances en moins d’avoir un partenaire sexuel au cours d’une année. Nathalie Bajos, la directrice
de recherche de l’Inserm, propose
des solutions. Les médecins généralistes doivent faire des efforts
lors des consultations en parlant
ouvertement des difficultés lors
des relations intimes avec les personnes obèses. Ces problèmes de
sexualité peuvent être contournés
en adaptant ses envies à son corps,
en considérant ses atouts et ses
défauts. Les femmes obèses ne déclarent-t-elles pas avoir un degré
de satisfaction sexuelle équivalent
à celui des femmes ? Faire l’amour
ne se résume pas à l’acte de pénétration. Pour Cécile Planche, « ce
n’est pas le nombre de rapports
par jour ou par semaine qui fixe la
norme. Avoir un échange sensuel,
c’est cela la sexualité. Et pourquoi les obèses seraient-ils moins
doués que les autres pour la sensualité ? Chacun a une sexualité
propre. Les obèses ont la leur » AP
.
Le Poids | Décembre 2010 | 11
Obésité : l’histoire
discrimination
DOSSIER
d’une
Dans l’imaginaire
collectif, être gros au
Moyen-Âge était
synonyme de
puissance. Mais
les obèses eux, ont
toujours souffert de
discrimination, au
XIIe siècle comme
aujourd’hui.
PAR ANNICK BERGER
Libre de Droits - SXC
«I
l y a toujours eu une sorte
de réticence à l’égard du
gros ». Georges Vigarello,
directeur d’études à l’EHESS
(École des Hautes Études en
Sciences Sociales) et auteur du
livre Les métamorphoses du gras,
histoire de l’obésité veut mettre
les choses au point. « Le rejet du
gros n’est pas une nouveauté.
L’extrême grosseur a toujours été
stigmatisée ». Simplement, au fil du
temps, les critères de grosseur se
sont modifiés. L’écrivain précise,
« Un homme de 160 centimètres
et 60 kg n’apparaissait pas comme
une personne en surpoids en 1880,
un siècle plus tard il l’était. On a
Crédits
Le Poids | Décembre 2010 | 13
DOSSIER
changé le seuil de tolérance de ce
que l’on juge être très gros ». Ces
modifications se sont faites au début
du XXe siècle. Georges Vigarello en
précise la raison : « l’imaginaire de
la santé a fixé la minceur comme
référence avec une exigence de
fluidité du corps. Ensuite il y a eu
une mutation pour le physique des
femmes. Avant, être ronde c’était
L’obésité peut devenir
être femme, aujourd’hui avec une source d’exclusion
l’évolution de leur condition et pour les plus jeunes.
l’égalité qu’elles demandent, on ne
leur pardonne plus de rondeurs ».
Le regard que l’on pose sur l’obèse
a changé lui aussi. Au Moyen-Âge,
il a une image de glouton qui ne
contrôle pas son appétit. La reine
de France, Berthe de Frise, épouse
de Philippe Ier, sera d’ailleurs
répudiée en 1092, à cause de sa
gourmandise et de son poids. C’est
à partir de la Renaissance qu’une
discrimination plus grande de
l’obèse apparaît. Le gros est vu
comme un fainéant, une personne
improductive. « Même quelqu’un
comme Vauban, constructeur des
grandes citadelles du XVIIe siècle,
disait ne pas prendre de gros, car
ils ne travaillaient pas. Il y a une
stigmatisation qui passe par une
image d’inefficacité » raconte
Georges Vigarello. Aujourd’hui
l’obèse représente celui qui est
incapable de maîtriser son corps
et donc de se maîtriser. C’est une
image culpabilisante qui s’installe.
Pour
Catherine
Grangeard,
psychologue et auteur du livre « Le
poids des mots, les maux du poids »,
la personne obèse « se sent visée par
l’idée qu’aujourd’hui on doit être
capable de modeler son corps. Et si
on n’en est pas capable, c’est que
l’on est faible ». Elle poursuit, « tout
cela découle d’un vrai problème de
société. On nous dit qu’il faut être
mince et en même temps on nous
dit qu’il faut consommer. Mais qui
va pouvoir et manger tout le temps
et rester mince. On nous donne
Evolution de l'obésité en France
16%
14,50%
14%
12%
11,30%
Crédits
13,10%
9,60%
10%
8,50%
8%
6%
6%
6,50%
2%
0%
1980
Source INPES
14 | Décembre 2010 | Le Poids
1990
1997
2000
2003
2007
2010
Illustration Annick Berger / Licence GNU
4%
DOSSIER
Licence GNU
de fausses images d’un idéal qui
au fond n’existe pas ». Alors, un
nouveau phénomène apparaît, « il
y a danger dans la nouvelle vision
que l’on a de l’obésité s’inquiète
M. Vigarello. On la qualifie
d’épidémie qui touche tout le
monde. Ce changement risque
de stigmatiser encore plus l’obèse
comme malade social, être couteux
ou individu sans volonté ».
La dérive de la nourriture
L’idée de grosseur extrême renferme également des enjeux culturels. « La religion a joué un grand
rôle dans l’image que nous avons
aujourd’hui des obèses, explique
Georges Vigarello, au XIVe siècle,
elle a été l’une des premières à dénoncer l’extrêmement gros comme
une dérive psycho-morale. Pour les
croyants de l’époque, les gros succombaient à la gourmandise, l’un
des sept péchés capitaux ». Une
critique morale qui est encore
présente aujourd’hui. Alors que
l’obésité a été reconnue comme
une maladie, elle souffre d’une
image de laisser-aller et d’abandon de soi. Georges Vigarello explique « quelqu’un de gros apparaît
comme balourd et n’est donc pas
quelqu’un susceptible de s’inscrire
de façon efficace dans le social ».
Une dérive qui s’explique également par l’évolution de la société
et son rapport changeant à la nourriture. Au Moyen-Âge, on mange
pour lutter contre la famine et la
maladie, pour montrer que l’on
est riche. Les rondeurs deviennent
signe de puissance. Deux grosseurs
s’affrontent alors : l’une, maîtrisée,
synonyme de force et de richesse ;
l’autre, extrême, synonyme d’inutilité et de débilité. C’est au XVe
siècle que la limite entre gros et
très gros change car les famines
s’éloignent, le pays s’enrichit, et
la nourriture n’est plus signe de
bonne santé financière. La critique
des grosseurs banales s’amplifie.
Le très gros devient symbole des
excès des puissants, « au XVIIIe
siècle, la personne obèse est inutile.
Elle cristallise tous les reproches fait
aux plus riches : il est celui qui profite mais qui n’agit pas », rappelle
Georges Vigarello. Enfin, dans les
années 1920, la limite entre gros et
Gargantua, un
personnage créé par
François Rabelais au
XVIe siècle.
très gros diminue encore. La nourriture n’est plus un moyen de survie, mais un synonyme de plaisir et
de vice. L’obèse en est l’image. Il
devient l’exclu, celui qui ne correspond pas aux codes de santé et de
minceur de la société et qui pousse
le besoin de manger à l’extrême.
Les rondeurs en réponse
au mince
Grosseur et minceur. Bien entendu, l’histoire de l’obésité ne peut
pas se considérer sans cette idée
des formes. L’éloge de la minceur
n’est pas nouveau et s’est très vite
imposé comme modèle de beauté.
Georges Vigarello détaille, « il faut
arrêter de se fier à ces tableaux de
femmes rondes du XVe siècle. Elles
ne représentent pas la réalité. Déjà
à l’époque la femme devait être fragile. Et la fragilité est associée à la
minceur ». Au siècle des Lumières,
l’esprit doit dominer le corps. La
finesse est signe de vivacité et de
contrôle, l’obésité d’affaissement
et d’abandon. Pour l’historien,
« les métiers du tertiaire, après la
Seconde Guerre mondiale, ont accentué le règne de la minceur parce
que ce sont des métiers de l’apparence, du social. Il faut se montrer
réactif et alerte. Ce sont des qualités qui favorisent un certain élancement du corps ». Aujourd’hui
la minceur est devenue facteur
d’intégration dans une société où
l’image et le corps n’ont jamais été
si fortement liés. L’auteur du livre
Le poids des mots, les maux du
poids, Catherine Grangeard précise : « Il y a des normes ambiantes
très fortes et on nous les renvoie
sans cesse à la figure. Il n’y a qu’à
se promener dans les rues pour les
voir. Chaque abribus comporte une
affiche de femme, plus maigre que
grosse, en sous-vêtements. On nous
répète que ça c’est la norme. Comment voulez-vous ensuite que les
obèses soient acceptés ? » Pourtant,
Georges Vigarello ne désespère
pas : « on assiste à une montée des
revendications individuelles, à un
besoin général d’accepter son corps
tel qu’il est. Même si l’histoire va
dans le sens de la minceur, il faut
espérer qu’un jour chacun puisse
dire : Je suis comme je suis, et cela
me plaît » .
« Les métamorphoses du gras, histoire
de l’Obésité »,Georges Vigarello
« Le poids des mots, les maux du poids »,
Catherine Grangeard
Le Poids | Décembre 2010 | 15
SOCIÉTÉ
Associations : l’arme anti-kilos
PAR SARAH DUVERGER
A
près lui avoir posé son anneau gastrique, le chirurgien de Chantal BouvierNachury lui a soufflé l’idée : créer
un groupe d’aide et de soutien aux
personnes souffrant d’obésité. La
jeune retraitée, 63 ans, sait écouter
mais surtout connaît le problème.
En avril 2009, avec sa secrétaire
Marguerite Gauthier, Chantal
fonde l’Adora avec pour but de lutter contre l’isolement des obèses.
Durant les réunions qu’elles organisent, une dizaine d’adhérents
discutent de leurs problèmes au
quotidien mais aussi des différentes
techniques chirurgicales ou plus
traditionnelles pour maigrir. Dans
ce combat contre les kilos qui leurs
gâchent la vie, être accompagné est
essentiel. « Si un patient décide de
se faire poser un anneau, nous le
suivons de son premier rendez-vous
chez le chirurgien jusqu’à l’anesthésie » fait observer la présidente de
l’association. Ensuite, libre à lui de
venir aux réunions de soutien.
Et l’Adora ne laisse personne sur le
bord de la route. L’association s’occupe aussi des personnes obèses qui
n’en sont pas encore au stade critique qui les autoriserait à se faire
opérer, tout en étant remboursées
par la Sécurité sociale (Le poids doit
excéder de 35 kg la taille en cm. Ex :
Pour quelqu’un mesurant 160 cm,
le patient doit peser 95 kg pour être
remboursé). Ce sont parfois 5 ou
10 kg qui empêchent la personne
d’avoir le droit à une intervention
même si son mal-être est aussi important. Les deux femmes orientent
16 | Décembre 2010 | Le Poids
alors les patients vers trois chirurgiens, proches de leur lieu d’habitation, qui posent des anneaux gastriques, sur des personnes avec une
obésité moindre. À eux ensuite de
faire un choix.
Même combat contre les kilos pour
le RéPPOP (Réseau pour la Prise en
charge et la Prévention de l’Obésité
en Pédiatrie) du Rhône. Dans cette
structure, financée par l’agence régionale de santé, ce sont les enfants
souffrant d’obésité ou de surpoids
ainsi que leurs familles qui sont pris
en charge. « Nous partons du principe qu’il faut du temps. Il n’y a pas
d’objectifs chiffrés pour l’enfant. Le
suivi s’échelonne sur au moins deux
ans, parfois trois » explique Régine
Cavelier, coordinatrice du réseau.
Les enfants s’engagent à consul-
Le développement de l’activité
physique chez les
enfants obèses est
aussi important
qu’une bonne
hygiène alimentaire
pour le RéPPOP.
ter, une fois par mois, l’un des
130 médecins généralistes formés
par le RéPPOP. Ici, pas question
de parler de régime mais plutôt de
rééquilibrage alimentaire. Comme
toute la famille suit le même programme, l’enfant ne se retrouve pas
isolé à devoir manger des haricots
verts tandis que ses frères et sœurs
prennent des frites. La famille peut
bénéficier de quatre rendez-vous
gratuits avec un diététicien mais
aussi de cinq rendez-vous avec un
psychologue : « Pour le suivi, nous
essayons de développer l’éducation
thérapeutique. Nous partons du
principe que chaque personne est
différente. Nous réfléchissons ensemble aux efforts qui peuvent être
consentis. À partir de là, nous leur
fixons des micro-objectifs comme
par exemple, réduire les boissons
sucrées à table ou encore emmener
son enfant, deux fois par semaine,
au jardin public » raconte Régine
Cavelier. L’association s’appuie
sur les recommandations du PNNS
(Programme National Nutrition
Santé). Tant sur le plan nutritionnel que sportif : karaté, natation ou
judo sont proposés aux enfants de
l’association à l’année ou pendant
les vacances.
Aujourd’hui, 600 familles dans le
Rhône bénéficient de l’aide apportée par le RéPPOP. L’année dernière, 44 % des enfants obèses suivis par le réseau ont maigri. 47 %
se sont stabilisés. « En grandissant
ils finiront par sortir de cette obésité » explique Régine Cavelier Mais
ils auront surtout appris les bases
d’une bonne hygiène de vie .
-http://www.adora-association-desobeses.com/
-http://www.repopgl.org/
Cinq régions en France bénéficient du travail des RéPPOP :
l’Île de France, la FrancheComté, l’Aquitaine, le MidiPyrénées et la région RhôneAlpes.
Adora
Dans la région
lyonnaise, deux
associations viennent
en aide aux personnes
obèses ou en surpoids,
souvent isolées à cause
de leur maladie.
SOCIÉTÉ
Ces écrans qui nous
font grignoter
la diététicienne. Sauf que le grignotage n’est pas toujours justifié par
un besoin de manger, mais plutôt
par une envie. L’ennui, le manque
affectif, le stress, peuvent entraîner
ce désir de grignoter gâteaux, bonbons, pâtisseries.
L’évolution
technologique favorise
la sédentarité, surtout
chez les enfants.
PAR HÉLOISE BASSON
Héloïse Basson
I
l est bien loin le temps où les
enfants s’égaillaient au parc le
mercredi après-midi, jouaient au
football, et mangeaient une tartine
de pain avec une barre de chocolat.
Aujourd’hui, au sein d’une société
où tout est finalement plus « fast »
que « food », les jeunes restent
majoritairement enfermés chez eux
à jouer avec les nouvelles technologies, au détriment des activités
en plein-air. Jeux vidéo, télévision,
ordinateurs, et téléphones mobiles
sont les nouveaux leaders des occupations chez les collégiens et lycéens.
Ils se placent même en pôle position
dans la liste de ceux qui « isolent du
reste du monde » puisqu’ils peuvent
se pratiquer seul. Les écrans obnubilent, fascinent…l’évolution d’une
société qui tend à les perfectionner
toujours plus n’arrange rien. Ces
accessoires sont conçus pour ne pas
lasser. En France, un garçon de 13
ans passerait en moyenne 7 h 11
par jour devant un écran, soit plus
Un jeune passe
102 jours par an en
moyenne devant
un écran !
de 102 jours sur 365 (3 h 34 devant
la télévision et 1 h 57 devant l’ordinateur). À cette absence d’effort
physique, s’ajoute une hausse sans
équivoque de la sédentarité chez
les ados. Sans parler d’une alimentation démesurée. Car ces passetemps sont régulièrement accompagnés de grignotages incontrôlés.
L’influence du petit écran
Devant la télévision par exemple,
il est aisé d’avaler bon nombre de
biscuits sucrés, barres chocolatées
ou encore confiseries, sans vraiment
en contrôler la quantité. Il s’agit là,
selon le terme médical, « d’ingestion passive ». Pour Valérie Legrand,
diététicienne à Lyon, « il est nécessaire de conserver le goûter quotidien de 4 heures, au moins jusqu’à
18 ans. Mais la télévision donne de
mauvaises habitudes alimentaires
car on a les mains libres. C’est dommage, car la société actuelle incite à
consommer la malbouffe, surtout
chez les jeunes. » Et justement, cette
nourriture accumulée par une personne plus ou moins avachie sur un
canapé, ou devant un ordinateur,
n’implique généralement pas une
alimentation saine. « L’idéal pour
un goûter, c’est un fruit, un laitage, et
une barre céréalière. À l’inverse, les
biscuits ne rassasient pas » souligne
Quand la publicité s’en mêle
Alors, cet attirail « d’activitésmaison » incite les humains à rester chez eux, et à se dépenser le
moins possible. Tout est désormais
à portée d’un clic de souris ou
d’un coup de téléphone. Le tout,
appuyé par de fréquentes publicités alimentaires bombardées entre
chaque programme télévisé, prônant ici ou là, les effets de la dernière pizza au fromage, ou du nouvel hamburger à double ration de
pain. De fait, une étude américaine
publiée en 2008 dans le « Journal
of laws and economics » a expliqué que l’interdiction de publicités pour fast-foods à la télévision,
pourraient diminuer le nombre
d’enfants obèses aux USA de 18 %,
et de 14 % chez les adolescents.
Car ces publicités, plus influentes
que l’on ne croit, s’avèrent surtout tentantes pour les jeunes. Si
les adultes savent distinguer malbouffe et quatre-heures, il n’est pas
simple pour un enfant de résister
à l’appel du sucre. Et pour les parents qui rentrent tard du travail,
de contrôler leur alimentation.
« L’important consiste à mettre des
limites aux ados, renchérit Valérie
Legrand, et de préserver les vertus
du repas familial. Au moins une
fois par jour, le soir par exemple, il
est important de dîner en famille,
au calme, pas devant la télé, ni en
mangeant sur le canapé. Il faut
prendre son temps et apprécier une
nourriture saine, dans un moment
de tranquillité, si possible à heures
fixes. » Un repas quotidien, comme
une sorte de tradition sacrée, qui
permet aux membres d’une famille
d’apprécier la nourriture, et de se
retrouver ensemble. Au moins le
temps d’un dîner .
Le Poids | Décembre 2010 | 17
Le Poids du mois
Peut-on parler de discriminations liées à l’obésité ? En matière d’adoption, d’assurance ou d’emprunt bancaire, le critère
médical l’emporte sur le critère physique. Comme nous le confirme Anne Montel, présidente du comité d’adoption de
Lyon : « Toute personne en bonne santé peut adopter. Mais si l’obésité entraîne des problèmes médicaux, le dossier peut-être
refusé ».
En matière d’emprunt et d’assurance, on se réfugie derrière la convention Aeras (s’Assurer et Emprunter avec un Risque
Aggravé de Santé). Depuis 2007, ce dispositif propose des solutions pour élargir l’accès à l’assurance, et donc à l’emprunt
bancaire. D’après le dernier rapport de novembre 2009, 95,5 %* des personnes l’ayant utilisé ont reçu une proposition
d’assurance. Mais sans préciser la nature de l’offre. S’il est impossible de déterminer le montant, dans le cas où l’obésité
est reconnu comme pathologie, les surprimes sont inévitables. Un surcoût justifié par le risque que l’assureur prend, en
assurant une personne avec une santé fragile Plus d’infos sur www.aeras-infos.fr
*Bilan de l’application de la Convvention Aeras, « s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé »
.
Trois questions à
Marisa Lai-Puiatti
Déléguée Rhône-Alpes de la Halde
.
18 | Décembre 2010 | Le Poids
Y a-t-il un obèse dans l’avion ?
Aujourd’hui, un passager peut se voir
signifier son débarquement même si
sa réservation est en règle. En cause :
sa corpulence. Les sièges et les ceintures n’étant pas adaptés aux passagers
« trop corpulent ». Ce cas extrême met
en évidence un vide juridique flagrant.
« C’est au commandant de bord de décider si une personne peut voyager ou
non dans l’avion. Il est le seul maître à
bord » précise Patrick Lansman, chef
de mission droit des passagers de la
Direction Générale de l’Aviation Civile, citant le code de l’aviation civile
qui s’applique dès l’embarquement.
Mais cette décision ne prend pas en
compte la réservation, régie par le droit
commercial. Certaines compagnies aériennes proposent alors aux personnes
de forte corpulence de réserver deux
sièges, et remboursent 25 % du prix de
la deuxième place si la cabine n’est pas
pleine. « Il faut être réaliste, un avion
n’est pas extensible, les normes de sécurité sont très importantes » déclare
Gabriel Exbrayat, représentant de la
Fédération nationale des associations
d’usagers des transports en RhôneAlpes .
YVES MONTUELLE
Libre de DRoits - SXC / Marc Roussot
Estimez-vous tolérable la discrimination des personnes qui postulent pour un emploi en relation
avec le public, du fait de leur apparence physique ?
Je le dis très fermement, aucun argument de type commercial ne peut prévaloir que l’on décide de refuser de recruter
quelqu’un en raison de son apparence physique. Il n’y a
qu’un médecin qui peut déterminer si quelqu’un est apte
ou inapte à occuper un poste, et ce, uniquement du point
de vue de la santé.
La discrimination concernant l’apparence physique
est-elle une « sous discrimination » ?
Discriminations mineures et majeures sont des concepts
que l’on ne connaît pas à la Halde. Il existe 18 critères de
discriminations prohibés par la loi. L’apparence physique
est l’un d’eux et il a toute sa place. En revanche, il y a peu de
plaintes sur cette question-là. Alors qu’il y a 3 009 plaintes
sur les discriminations concernant les origines en 2009, il
n’y en a que 150 pour l’apparence physique. Il ne faut pas
ignorer que la Halde doit être saisie pour qu’elle puisse agir.
Pourquoi la Halde ne fait-elle pas une campagne
ciblée sur la discrimination liée à l’apparence physique ?
Nous ne faisons que rarement des campagnes ciblées.
Néanmoins, il n’est pas du tout à exclure que la Halde engage un jour une campagne sur la question des apparences
physiques et particulièrement de l’obésité. Nous sommes
persuadés, que malgré le peu de saisines, ces critères de
discriminations sont largement développés. Vous savez
par ailleurs que la Halde est une institution récente, nous
n’avons donc pas pu, sur les six années d’existence qui sont
les nôtres, traiter l’ensemble des questions liées aux discriminations MARC ROUSSOT
Libre de Droits - SXC / Licence GNU / © Obesity Day / Illustration Lucas Demangeat
Cherche IRM...
Le centre hospitalier
de Lens a inauguré
en mars 2007, la première IRM dites « haut
champs ouvert » en
France. Accessible pour
personnes obèses et
claustrophobes, pouvant supporter jusqu’à
250 kg. Chaque région
s’est engagée à se doter
d’IRM XXL depuis.
Avant cette date, pour
procéder à cet examen,
il était nécessaire de se
rendre dans une école
vétérinaire, et d’utiliser
un appareil réservé au
bétail.
...et crématorium
La société peine à
s’adapter aux personnes
obèses et pour cause.
En septembre dernier,
une femme de 63 ans
décèdait dans la région
bordelaise. Sa dernière
volonté : être incinérée.
Impossible selon la commune de Mérignac, pour
cause de surpoids. La
retraitée pesait entre 120
et 140 kg et ne pouvait
donc franchir les portes
du crématorium. Après
plus de 15 jours de combat, sa famille réussira
finalement à la faire incinérer… à 250 km de son
lieu de vie.
Du yoga pour soldats
obèses
L’idée vient des EtatsUnis. L’armée américaine a fait appel à
Tony Horton, gourou
du fitness pour mettre
au point des exercices
destinés à lutter contre
l’obésité. Depuis 2003, le
nombre de personnes en
surpoids a doublé dans
l’armée américaine, en
2008, 4.4 % du personnel
était considéré comme
obèse. Le commandement a donc décidé de
réagir avec ces cours
de Yoga. L’idéal pour
permettre aux soldats
de faire du sport sans
équipement et avec peu
d’espace.
*Statistique effectuée sur la période
2000-2002
**Apports caloriques journaliers recom(par pays, par personne et par jour)** mandés : 2000 kcal/jour pour les femmes,
2500 kcal/jour pour les hommes
La consommation
quotidienne de calories*
E
‌ tats-Unis:
Portugal :
Autriche :
Italie :
France :
3790 kcal/jour
3750 kcal/jour
3740 kcal/jour
3690 kcal/jour
3660 kcal/jour
L’homme le plus gros du sodium (sel). Le hamburger pèse seulement
monde
1,8 kg à la pesée...
Manuel Uribe Garza
est un Mexicain réputé
pour être l’homme le
plus gros du monde,
avec un poids de 590 kg
en 2006. Il a subi depuis
un traitement médical
qui lui a fait perdre plus
d’un tiers de son poids,
-230 kg. Il détient le
record de la perte de
poids la plus importante.
Big Big Mac
Le hamburger le plus
calorique du monde est
américain ; il contient
4 800 calories. Composé
de cinq steaks hachés,
cinq tranches de fromage, des frites, une
tasse de chili, une tasse
de sauce salsa, des croustilles de maïs de crème
aigre (cela ressemble à la
crème fraîche), des chips
et des fromages nacho
(un fromage apprécié
aux Etats-Unis), de la
laitue, des tomates, 450
grammes de pain à la
graine de sésame (les
deux morceaux de pain
dans les deux extrêmes
du hamburger mesurent
chacun 20 centimètres
de diamètre) : 300
grammes de matières
grasses, 744 milligrammes de cholestérol,
10 000 milligrammes de
Journée de l’obésité
« Une Europe plus
saine » est le but que se
sont fixé les organisateurs de la Journée européenne contre l’obésité
qui s’est déroulée pour
la première fois le 22 mai
dernier. Deux objectifs
sont fixés : encourager
les personnes obèses à
retrouver un poids sain
et « fournir la toute première pétition d’initiative
citoyenne européenne »
afin que la Commission
européenne se saisisse
du problème. D’après
nos dernières informations, la JEO 2011aura
lieu le 21 mai.
* Journée européenne de
l’obésité
Écouter la parole des
obèses et des personnes en
surpoids
Le Poids | Décembre 2010 | 19
SOCIÉTÉ
À chaque culture son obésité
E
n Mauritanie, un vieux dicton dit que « la femme vaut
la place qu’elle occupe dans
le lit ». Une phrase qui définit les
critères de beauté dans ce pays
d’Afrique. Plus une femme est
grosse, plus elle est belle et jugée
d’un rang social élevé. Celles
qui sont minces sont considérées comme inférieures et attirent
la honte sur leur famille. Tous
les moyens sont bons pour faire
prendre du poids aux jeunes filles.
En moyenne les Mauritaniennes
atteignent leur poids maximal à
l’âge de 10 ans. Elles sont « engraissées » avec du lait de vache, du lait
de chamelle. Certaines familles
n’hésitent pas à leur administrer
des produits chimiques destinés à
engraisser les animaux. Ainsi, en
2008, 38 % des femmes entre 15
et 49 ans étaient gavées de force.
Le gouvernement a donc décidé
de réagir face à cette coutume
ancienne. Aujourd’hui, grâce à de
nombreuses campagnes de sensibilisation, les Mauritaniennes se
mobilisent pour rejeter ce canon
traditionnel de la beauté et tentent
d’adopter un mode de vie plus
sain. Difficile pour les autorités
de toucher toute la population. Si
cette pratique a presque disparu
dans les villes, seules 7 % des filles
y seraient nourries de force, elle
reste encore largement répandue
en campagne où elles sont 75 % à
être gavées pour être mariées.
Le cliché du Sumo
Depuis quelques années l’obésité
devient un enjeu fondamental au
Japon. Et pourtant, le pays a sou-
20 | Décembre 2010 | Le Poids
vent l’image d’un endroit où les
personnes rondes sont reines.
Notamment grâce aux Sumos,
véritables dieux vivants. Mais au
Japon, le culte qui leur est voué
n’a rien à voir avec leur poids.
S’ils sont adorés et acclamés par
la foule, c’est avant tout pour leur
ressemblance à Takemikazuchi, le
dieu du courage, considéré comme
le fondateur du peuple Japonais. À
l’inverse des Sumos, les personnes
obèses, elles, sont montrées du
doigt dans le pays. L’Empire du
Soleil levant a d’ailleurs mis en
place, en 2008, le plus ambitieux
programme de lutte contre l’obésité au monde. Le gouvernement
demande aux entreprises du pays
de tout faire pour réduire le pourcentage d’obèses de 10 % d’ici
quatre ans et de 25 % sur sept ans.
Et si l’objectif n’est pas atteint les
entreprises fautives devront payer
une amende. Le montant pourrait
s’élever à 19 millions de dollars.
Le gouvernement japonais, lui,
explique cette politique drastique
par l’état de son système de santé.
Aujourd’hui, au Japon, les programmes de lutte contre l’obésité
sont même comparés à des campagnes anti-tabac.
Au Japon, les sumotoris consomment
10 000 calories par
jour, soit quatre fois
plus qu’une personne
normale.
60 % de personnes obèses
dans le Golfe Persique
Cette région (Qatar, Koweït,
Arabie Saoudite, Oman et EmiratsArabes-Unis) n’échappe pas au
problème que pose l’obésité. Dans
ces pays plus qu’ailleurs il est
objet d’inquiétude. Plus de 60 %
de la population de la région est
obèse. Selon Mohammed Hijazy,
doyen de la faculté de médecine
de Dammam en Arabie Saoudite,
les femmes y sont d’ailleurs
majoritaires. Une situation mal
vécue par les obèses. Peu osent
sortir en public, dans des pays où
la vie sociale est très importante.
Le plus difficile est pour les
femmes, si complexées que
souvent, elles en viennent à ne
pas assister à un mariage ou à une
célébration familiale, par honte.
Pourtant, aucune discrimination
n’est présente dans ces pays,
particulièrement attentifs dans le
choix des mots. Ainsi, l’appellation
« gros », en arabe, est strictement
condamnée. Trop péjorative. Pour
les habitants du Golfe Persique,
l’obésité est une maladie que
l’on ne doit pas stigmatiser .
ANNICK BERGER
Libre de DRoits - Licence GNU
De la Mauritanie
au Japon, la vision de
l’obésité n’est pas la
même. Le surpoids est
même, parfois,
recherché.
SOCIÉTÉ
« La chirurgie ? Jamais ! »
Chantal et Magalie,
mère et fille, font
face aux « kilos » en
trop, chacune à leur
manière.
PAR HÉLOISE BASSON
Héloïse Basson
Le Poids : Avez- vous toujours
eu des problèmes de poids ?
Chantal : Surtout après mon
divorce. J’étais seule avec mon
fils quand mon mari est parti, et
c’est devenu compliqué.
Magalie : C’est surtout après
avoir eu mes filles que j’ai commencé à grossir, parce que j’ai
continué à manger pour deux.
Comment combattez-vous
ces kilos en trop,au quotidien ?
Chantal : Il y a 13 ans, en 1998,
je me suis fait poser un premier
anneau gastrique ; à l’époque,
tout était bien plus simple. J’ai
consulté un chirurgien, et huit
jours après il m’opérait. Pas besoin ni du nutritionniste, ni du
psychologue. Pour moi c’était la
seule solution. Les régimes naturels ne fonctionnaient pas, quand
au « sleeve » et au « bypass », ces
techniques n’étaient pas encore
employées.
Magalie : Déjà, je ne supporte
pas le mot « régime ». Je préfère me dire que je fais attention. Mais je ne me formalise pas
plus que ça. Toutes les femmes
prennent du poids pendant leurs
grossesses. Même si j’aimerais
perdre environ 20 kg, je suis
heureuse comme cela. Mon mari
m’aime, je lui plais, c’est tout ce
qui compte.
Maigrir n’est pas ma priorité. Pour
l’instant, je m’occupe de mes filles,
je me soucierai de mon poids plus
tard. Je suis certaine, que lorsque
je serai motivée, quand j’aurai le
déclic, je maigrirai.
Vous ne pensez jamais aux
méthodes radicales telles que
la chirurgie, comme votre
mère ?
Magalie : Jamais de la vie ! Avec
son premier anneau gastrique, j’ai
vu ma mère se métamorphoser,
perdre tellement de poids qu’elle
ne tenait plus sur ses jambes. Elle
a failli y rester ! Je n’irais jamais à
de tels extrêmes simplement pour
perdre des kilos. Je n’en fais pas
une obsession. Je préfère manger
plus de légumes ou faire attention
à mon quatre-heures que de me
faire poser un anneau dans l’estomac ! J’ai eu trop peur pour ma
mère pour le faire vivre à mes
enfants.
Que s’est-il passé avec la pose
de cet anneau ?
Chantal : Au bout du quatrième
mois, l’anneau s’est cassé dans
mon ventre. Il faut savoir qu’avec
un anneau, on vomit pratiquement
après chaque bouchée. Les repas
deviennent un supplice car on ne
peut plus rien avaler. Je ne digère
plus la viande, ou la salade. Ils ne
passent tout simplement pas. À
force, c’est ce qui a abîmé l’anneau.
Je ne pouvais même plus avaler
d’eau. Le médecin me disait que
c’était le but de l’opération, que je
mange beaucoup moins. J’ai commencé à vraiment me déshydrater,
À gauche, Chantal, 63
ans, porte un anneau
gastrique depuis 13
ans ; sa fille, Magalie, à
droite, 32 ans, a surtout
pris du poids suite à ses
deux grossesses.
et je suis passée de 98 à 56 kg. Mes
proches se sont tous inquiétés pour
moi alors que j’étais sur une sorte
de nuage ; je perdais du poids, et
ça me convenait. Je ne me rendais
pas compte. Finalement, on m’a
admise à l’hôpital car je ne tenais
plus debout. Je suis restée sous
perfusion pendant un mois. J’étais
inopérable, mon estomac était trop
abîmé pour m’enlever l’anneau.
Un an et demi plus tard, en 2000,
j’ai essayé une nouvelle pose. Tout
s’est bien passé, mais j’en ai quand
même eu un autre en 2003. Avec
les avancées techniques, différents
anneaux étaient disponibles, le
dernier était plus perfectionné.
C’est celui-là que j’ai depuis maintenant sept ans.
Arrivez à vous accepter comme
vous êtes désormais ?
Chantal : Non, j’ai beaucoup de
mal avec mes 67 kg. Je voudrais
continuer à maigrir, je ne suis pas
satisfaite comme cela.
Vous pesez vous régulièrement ?
Chantal : Jamais.
Magalie : Tous les jours. Pour
savoir… mais je me fixe quand
même une limite à ne pas dépasser,
et je vérifie régulièrement où j’en
suis. Sans trop le prendre à cœur
non plus .
Le Poids | Décembre 2010 | 21
WWW
SOCIÉTÉ
« Je ne suis pas
dans la norme »
À 23 ans, Julie Candel, 1 m 50 pour 100 kg est la maman d’un nourrisson de 2 mois. En février prochain
elle se fera poser un anneau gastrique. Chaque jour
son obésité la confronte à des difficultés. Pour Le
Poids, elle a accepté de montrer ce qu’est le quotidien d’une personne obèse PAR MARC ROUSSOT
.
« Il suffit que je marche vite pour aller au travail, que je monte trois marches d’escalier et c’est fini. Je suis essoufflée, j’ai soif… Si
jamais j’ai le choix entre un escalier et un escalator, il est évident que je vais prendre l’escalator. » Physiquement, Julie a aussi des
problèmes de circulation du sang qui n’arrangent rien. « Quand je reste immobile j’ai très vite mal aux jambes. Lors de ma grossesse, mes rondeurs plus le poids de mon bébé ont entraîné de très douloureux maux de dos ».
22 | Décembre 2010 | Le Poids
Photos : Marc Roussot / Héloïse Basson / Lucas Demangeat
« Je ne trouve jamais rien au-dessus
du 42 voire 44. Même le 44 c’est difficile à trouver. Surtout quand c’est un
44 qui taille petit » explique Julie.
Acheter des vêtements est ainsi
un véritable calvaire, « là encore il
y a un moule à respecter. Il faut être
dedans, c’est tout ». Julie a donc
essayé de trouver ses vêtements
sur Internet mais même les catégories « grandes tailles » étaient
trop petites. « Du coup je me suis
rabattue sur les friperies où je trouve
occasionnellement des vêtements
qui me conviennent ».
Certains gestes anodins, comme se chausser, deviennent pénibles : « J’ai une collection de ballerines.
J’aime bien ce type de chaussures sans lacets et je
contourne ainsi la difficulté. Il faut ruser. »
Le Poids | Décembre 2010 | 23
ÉCONOMIE
Manger équilibré, un privilège qui
n’est pas réservé qu’aux riches
La précarité
favoriserait l’obésité
car bien manger
coûterait trop cher.
Faux, répondent les
nutritionnistes, il faut
s’informer.
Le frais pas plus coûteux
Des fruits et des légumes trop chers,
c’est l’une des raisons qui poussent
les personnes obèses ou en surpoids
à les bouder. Une idée fausse, si l’on
observe l’évolution des prix de ces
denrées sur les dix dernières années.
Selon l’Insee (Institut National des
Statistiques et des Etudes Economique), les prix des fruits et légumes
nablement parce qu’ils n’ont pas les
moyens. Acheter un chou à un euros,
coûte moins cher qu’une pizza surgelée. Et avec un seul chou on peut réaliser au moins quatre repas », confie
la nutritionniste.
À ses patients les plus démunis,
elle propose aussi des astuces pour
faire des économies. Faire la fin des
marchés, éviter les grandes surfaces,
PAR BRICE NATIVEL
C
24 | Décembre 2010 | Le Poids
Le mois dernier,
le gouvernement
a décidé d’élargir
l’utilisation des
tickets restaurant
à l’achat de fruits
et légumes frais et
produits laitiers.
Depuis mars 2010,
seuls les fruits et
légumes prêts-àconsommer pouvaient être acheté
avec les tickets
restaurants.
n’ont pas plus augmenté que ceux
des autres produits de consommation courante. Entre 2000 et 2010, les
prix des fruits frais ont augmenté de
près de 29 %, contre 23 % pour celui
des légumes frais. Quant aux prix des
produits de consommation courante
ils ont augmenté de 29 %.
Des idées pour dépenser moins
Si tous les tarifs sont en hausses, les
produits frais restent encore accessibles à tout le monde. Un sentiment
que partage Cécile Lagouche, médecin nutritionniste à Caluire. « On
peut manger cinq fruits et légumes
par jour. Il faut juste savoir comment
s’alimenter correctement ». En majorité, ce ne sont pas les prix des aliments qui rebutent ses patients, mais
la façon de les préparer. « On me dit
souvent, moi je veux bien manger des
légumes, mais je ne sais pas les cuisiner ». Face à leur détresse, elle leur
propose des recettes simples à réaliser et peu coûteuses. « Il faut arrêter de dire que les personnes obèses
n’arrivent pas à se nourrir conve-
comparer les prix au kilo, acheter
des produits de saisons et surtout
cuisiner soi-même, des conseils
précieux pour économiser quelques
dizaines d’euros chaque semaine.
Pour la nutritionniste, le principal
problème, c’est le manque d’éducation alimentaire, c’est-à-dire
apprendre à connaître les fruits et
légumes et savoir les préparer. « Il
faut que les gens réapprennent à cuisiner. En 1950, une femme passait
cinq heures dans sa cuisine. En 2009,
une personne quelle qu’elle soit
passe à peine 30 minutes à faire les
repas. Ce sont nos modes de vie qui
nous incitent à manger mal. Cela est
mauvais pour notre santé, mais aussi
pour notre budget ».
Depuis qu’elle cuisine, Alison se
sent mieux. « Ça me plaît de cuisiner,
je vois que ça me coûte moins cher
et en même temps je me fais plaisir.
Je vais même chercher des recettes
sur Internet ». Un nouvel équilibre
pour la jeune femme qui sait que la
route vers la guérison est accessible
même avec un budget réduit .
Brice Nativel
ent cinquante euros pour
vivre, c’est le budget d’Alison, 20 ans, étudiante à Lille.
Il y a quatre mois, elle présentait une
obésité morbide et faisait 115 kg. Un
poids qui mettait sa santé en danger
et qui la menaçait de paralysie. Après
la pose d’un anneau gastrique, elle
pèse désormais 92 kg. Aujourd’hui,
elle mène un combat contre son
poids mais aussi contre les prix. Pour
faire ses courses, Alison fait attention
au moindre sou. « J’ai la chance d’habiter à proximité de différents supermarchés, ça me permet de comparer
facilement les prix », explique la jeune
femme. Elle consacre, en moyenne,
10 euros par semaine pour l’achat
de fruits et légumes. Cette semaine,
son panier se compose de clémentines, endives, tomates, pommes et
betteraves, de quoi faire plusieurs
repas en mangeant sainement. « Avec
mon budget, c’est impossible pour moi
de consommer cinq fruits et légumes
par jour, si j’arrive à en manger deux
dans la journée c’est déjà bien. Je n’ai
ni l’argent, ni le temps nécessaire,
même si je cuisine plus qu’avant ».
Avant son opération, Alison ne se
nourrissait que d’aliments très caloriques. Pizzas, cordons bleus, et
plats à réchauffer constituaient son
quotidien alimentaire. Pour l’étudiante qui ne prenait pas le temps
de cuisiner, c’était des solutions de
facilité. Des repas prêts rapidement
mais aussi plus chers. « Aujourd’hui
je vois qu’acheter des fruits et légumes
frais me coûte moins cher que ce que
j’achetais avant. J’ai toujours cru
qu’ils n’étaient pas dans mes moyens.
Maintenant, j’économise près d’une
vingtaine d’euros par mois ».
ÉCONOMIE
Quand la malbouffe se met à la diète
vont pour les sandwichs. La notion
de plaisir est très importante, on ne
se nourrit pas seulement pour son
corps mais pour sa tête ».
Souvent montrée
du doigt dans la lutte
contre l’obésité, la
malbouffe redore son
image depuis quelques
années. Son nouveau
crédo : la diététique.
PAR YVES MONTUELLE
recherche de profit commerciaux.
Ces nouveaux menus attirent une
clientèle plus large et représentent donc un chiffre d’affaire plus
important. « Il ne faut pas s’en cacher, nous répondons avant tout à
une demande » nous avoue Cécile
Rivoire. Et les résultats ne se sont
pas fait attendre : « sur les deux dernières années, malgré la crise, nous
sommes la seule enseigne à avoir
gagné des parts de marché ».
ast-food et diététique sont
souvent considérés comme
deux termes antinomiques.
Pourtant, certaines enseignes de
restauration rapide ont fait de la
nutrition la composante centrale
de leurs menus. Mac Donald’s propose depuis une dizaine d’années
déjà des salades en accompagnement des sandwichs. « Ces menus
plaisent, surtout aux parents. Nous
restons le restaurant préféré des enfants, mais avec les salades, maintenant, les adultes aussi trouvent des
menus qui leurs correspondent »
déclare Cécile Rivoire, manager
d’exploitation des restaurants Mc
Donald’s à Lyon.
Cette nouvelle gamme de produits rencontre un franc succès.
Et certains diététiciens, comme le
Lyonnais Cédric Ben Chemoun,
reconnaissent que « ces menus
sont très clairement meilleurs pour
la santé. Ils contiennent moins
de graisses mais plus de fibres et
de vitamines ». Tout l’intérêt est
là, les enseignes de restauration
rapide restent des entreprises à la
L’exemple vient de l’étranger
Pour autant, Mc Donald’s n’est
pas le précurseur de ces menus
dits sains. Maoz a largement inspiré cette tendance avec un autre
concept, celui des menus végétariens. Né à Amsterdam en 1991,
il s’agit à l’origine d’un fast-food
qui propose uniquement des
légumes. En vingt ans, la petite
entreprise s’est implantée dans les
plus grandes villes d’Europe, dont
Paris, et a diversifié ses menus.
Alors que la restauration rapide
était stigmatisée au nom de la lutte
contre l’obésité, elle a trouvé dans
ce concept, le moyen de riposter.
Mais il a fallu l’adapter. Ainsi à
Mac Donald’s, les salades sont
proposées en menu, accompagnées des inamovibles sandwichs.
Pouvoir consommer des produits
sains dans un fast-food est important dans un régime diététique
selon Maryline Brochard, diététicienne à Lyon. Ceci pour éviter
toute frustration : « Je ne pense pas
que les gens se rendent dans les fastfood pour manger des salades, ils y
F
Emmanuelle Vieillard
Le marché du
snacking (grignotage) est en
pleine extension :
plus de 3 milliards
d’euros de chiffre
d’affaire en France
pour l’année 2009
(source Sandwich
& Snack Show,
observatoire européens de la filière
du snacking). Et la
demande ne cesse
de progresser :
plus de 90 % des
Français reconnaissent grignoter
entre les repas.
Une clientèle féminine
La tendance à la diététique ne se
limite plus aux entreprises de restauration rapide. Beaucoup de
filières visées par la lutte contre
l’obésité s’orientent dorénavant
vers des offres de produits plus
sains. Les « gâteaux apéros » traditionnels par exemple n’ont plus
la cote, alors certaines entreprises
s’orientent vers des encas diététiques : le « snacking sain ».
Le marché se développe au niveau
national grâce notamment « à
des réseaux de distribution performants » selon Christophe Oteniente, responsable du Paradis du
fruit à Lyon, une chaîne de bar à
fruits. « En proposant des produits
sains, nous répondons clairement
aux demandes de nos clientes » nous
confie-t-il. Même constat pour les
cafés-concerts Ninkasi à Lyon dans
lesquels les « snacks sains » ont
fait leur apparition il y a six mois,
comme les tartines ou encore les
paniers vapeurs. Proposer ce genre
de produits est devenu une nécessité pour l’entreprise souligne
Pierre-François Cialdella, responsable marketing du Ninkasi : « ces
produits étaient une demande de
notre clientèle féminine, c’est évident. Et de notre côté il fallait faire
face à la concurrence des bars à
salades qui se multiplient ».
Meilleur à la santé et bon pour les
affaires, le marché de la malbouffe
a su s’adapter à sa clientèle. Les
anciens cancres de la gastronomie
attirent aujourd’hui les clients les
plus réticents d’hier. Ces « fastfoods diététiques » et le « grignotage sain » sont aujourd’hui incontournables. Au point que Mac
Donald’s, leader du marché de la
restauration rapide, va consacrer
un de ses restaurant à Paris, dans
le quartier de la Défense, exclusivement aux menus salades. Une
révolution .
Le Poids | Décembre 2010 | 25
ÉCONOMIE
Rapport sur la prévention de l’obésité
Valérie Boyer : « Tout reste à faire »
Auteur du rapport parlementaire sur
la prévention de l’obésité présenté
en 2008, Valérie Boyer, députée des
Bouches-du-Rhône, revient pour Le
Poids sur les avancées concrètes de ses
travaux.
PAR YVES MONTUELLE
Le Poids : Quel est votre sentiment sur ces deux ans qui se
sont écoulés depuis la rédaction de ce rapport ?
Valérie Boyer : Une « mission
obésité » à l’Elysée, dirigée par le
professeur Basdevant (Chef du service de nutrition de l’hôpital de la
Pitié-Salpêtrière à Paris, ndlr), a été
mise en place. C’est un signe très
positif d’une prise de conscience.
Des amendements ont été votés et
sont aujourd’hui appliqués comme
la possibilité de payer les fruits et
légumes en supermarché avec des
tickets restaurants. Ces avancées
concrètes ont fait évoluer la situation des obèses aujourd’hui.
Aujourd’hui comment peut-on
aller plus loin ?
J’attends beaucoup de ce que va
faire le professeur Basdevant. Mon
rapport de 2008 s’inspirait en
26 | Décembre 2010 | Le Poids
grande partie des auditions que
j’avais réalisées avec lui et nous
devrions être en phase encore aujourd’hui.
Les consultations de diététiciens sont maintenant prises en
charge par certaines mutuelles.
Peut-on envisager une prise en
charge élargie par la Sécurité
sociale ?
Non, et je pense que ce n’est pas
souhaitable. Il faut rappeler que le
diplôme de diététicien s’obtient
après seulement deux ans d’études
post baccalauréat et que la profession n’est pas organisée pour être
une profession libérale comme les
infirmières par exemple. En revanche l’accès et la prise en charge
de ces consultations existe déjà dans
les maisons de santé et de territoire,
implantées dans les zones rurales.
La Sécurité sociale est-elle impuissante face à l’obésité ?
Indirectement, la Sécurité sociale
prend en charge l’obésité à travers les maladies auxquelles elle
est associée. Les personnes obèses
souffrent en général d’affections
longues durées qui, elles, sont prises
en charge, comme l’hypertension
ou les problèmes d’articulations…
… Mais le problème de fond, celui de l’obésité, n’est pas traité…
Je prône une prise en charge plus
globale de la personne obèse. Le
principal problème auquel il faut
s’attaquer est l’errance médicale.
Ces personnes ne trouvent pas
de réponses à leurs problèmes
aujourd’hui. À cela s’ajoute des
difficultés, pour ces personnes, à
entamer un traitement de longue
haleine. Pour cela j’avais proposé
une prise en charge psychologique
des patients obèses.
Faut-il continuer de mettre l’accent sur la prévention ?
Il faut tout faire aujourd’hui. La
prévention bien sûr mais aussi
l’amélioration des soins curatifs et
de la prise en charge, permettre aux
personnes opérées d’être mieux
réinsérées... Tout reste à faire.
Dans quelle mesure les campagnes « manger bouger » sontelles efficaces pour endiguer les
problèmes économiques engendrés par le surpoids ?
Ces campagnes n’ont pas pour
objectif principal d’endiguer les
problèmes économiques. Elles ont
pour vocation de faire prendre
conscience aux gens de leur état.
Ces campagnes s’adressaient aux
enfants en particulier pour tenter
d’endiguer la progression de l’obésité.
Les effets des différentes campagnes de prévention justifient-ils les dépenses financières investies ?
C’est plus que justifié ! J’avais
même demandé d’avantage de
moyens pour que l’Inpes puisse
davantage communiquer.
Le coût de telles orientations ne
vient-il pas déstabiliser encore
plus notre système de santé ?
Cela coûte déjà très cher. Il faut
maintenant mieux dépenser notre
argent. Ce sera plus utile pour les
malades et je suis convaincue qu’à
terme cela reviendra moins cher à
l’Assurance maladie.
Quelle population faut-il alors
viser pour une prévention efficace en 2011 ?
Il faut continuer bien évidemment
à sensibiliser les enfants et leurs
parents. Mais maintenant, il faut
également accompagner les personnes qui souffrent déjà de l’obésité. Accompagner une personne
qui va subir de la chirurgie avant,
pendant et après l’intervention
c’est une forme de prévention.
Pourquoi une telle cible ?
De la prévention auprès de ces
personnes, découlera une meilleure réussite du traitement et
moins de risques de multiplication des traitements .
©UMP
Valérie
Boyer à
l’Assemblée
nationale
ÉCONOMIE
Une campagne qui peine
à prouver son efficacité
Réduire le nombre
d’obèses d’au moins
20 % de 2001 et 2010,
était l’un des objectifs du Programme
national nutrition
santé (PNNS). Ambitieux, par rapport aux
moyens mis en œuvre.
PAR BRICE NATIVEL
Yves Montuelle
«I
l est difficile de dire que la
prévention de l’obésité n’a
pas totalement fonctionné.
Nous constatons des avancées, notamment auprès des ménages les plus
aisés où l’obésité infantile commence
à reculer », confie Serge Hercberg,
président du comité de pilotage
du PNNS. Pourtant, en 10 ans, sur
l’ensemble de la population, l’obésité n’a pas diminué en France.
Elle n’a pas augmenté non plus,
c’est un point positif estiment les
acteurs du PNNS. Chaque année,
ce programme représente près de
10 millions d’euros, co-financés par
l’Assurance maladie et l’État. Entre
2006 et 2010, 13 millions d’euros
ont été dépensés dans le cadre du
programme de nutrition, PNNS 2,
pour la prévention et la prise en
charge de l’obésité. Ce n’est qu’une
petite partie du deuxième volet du
PNNS, dont le coût total s’élève à
47 millions d’euros. C’est un million de plus que pour le premier
PNNS en 2001.
Cette somme est principalement
dédiée à la communication, soit près
de 10 millions d’euros consacrés
aux actions de l’Institut national
de prévention et d’éducation pour
la santé (Inpes). Spots publicitaires,
affiches pour inciter les Français à
pratiquer une activité physique ou
encore plaquettes d’éducation alimentaire distribuées dans les écoles,
ces exemples rendent compte des
efforts de l’Inpes pour sensibiliser
la population. L’industrie agroalimentaire dépense, quant à elle, près
de 2 milliards d’euros pour promouvoir ses produits. Un combat inégal,
dont le PNNS espère tout de même
sortir gagnant, malgré le manque de
moyens financiers. « C’est certain,
il nous faudrait davantage d’argent,
mais une des solutions serait de réduire la promotion excessive de ces
aliments aux heures où les enfants
regardent la télévision », explique
le professeur Hercberg, « des négociations doivent d’ailleurs être organisées prochainement pour parvenir
à un accord avec ces entreprises ».
Faute de faire pression sur l’industrie agroalimentaire, le PNNS
pourrait renforcer l’efficacité de la
prévention. Selon Carolina Werle,
professeur de marketing à l’Ecole
de Management de Grenoble, les
campagnes contre l’obésité infantile
ne sont pas assez fortes. Dans une
étude1 sur les messages de prévention, son groupe de recherche remet
en cause le travail de l’Inpes. « Les
messages de l’Inpes mettent surtout
en avant les dangers de l’obésité sur
la santé, un aspect qui n’intéresse pas
les jeunes. Les adolescents sont généralement en bonne santé. Les moqueries dans la cour de récréation contre
un enfant obèse ou en surpoids, et
l’exclusion qui en résulte les touchent
beaucoup plus », argumente la chercheuse. Faut-il donc que le PNNS
investisse dans une communication
plus choquante, en utilisant l’exclusion sociale ?
« Pas du tout », répond Serge
Hercberg, « il ne faut pas considérer
le PNNS comme étant uniquement
un programme de communication
contre l’obésité. Il s’agit d’un
cadre de réflexion qui permet de
mettre en place des actions, dans les
écoles, associations ou entreprises
pour sensibiliser la population
aux bienfaits d’une alimentation
équilibrée. Cela comprend la
prévention de l’obésité, mais aussi
celle d’autres maladies comme
l’ostéoporose ou le cancer ».
Le professeur Hercberg reste
confiant. « Avec le PNNS 3 qui
Recherche sur
les messages de
prévention de l’obésité, menée par une
équipe de Grenoble,
Ecole de Management de l’Université Pierre Mendes
France.
1
Une affiche de la
campagne du PNNS,
de novembre 2010,
dans la station de
métro Gare de Vaise,
à Lyon.
s’étendra de 2011 à 2015, nous espérons obtenir le même budget et peutêtre même un peu plus ». Un budget
qui, comme les années précédentes,
ne comprendra pas les actions individuelles locales mises en place par
les collectivités territoriales et les associations. « Quand une association
organise des cours de cuisine à Toulouse, ça ne fait pas partie de nos projets initiaux, mais peut rentrer dans
le cadre du PNNS. Ces initiatives, il y
en a des milliers et nous ne pouvons
pas les comptabiliser, ni évaluer leur
impact ».
De la même manière, mesurer aujourd’hui l’efficacité de l’ensemble
du PNNS reste illusoire. « C’est prématuré d’un point de vue scientifique.
Dix ans c’est insuffisant pour une
évaluation réelle de nos actions », répond Serge Hercberg. « Observer
la diminution de l’obésité à si court
terme est difficile. Il faut attendre de
voir les effets de notre travail sur les
générations suivantes ». Le PNNS se
laisse donc encore cinq ans avant de
pouvoir constater un possible recul
de cette maladie .
Le Poids | Décembre 2010 | 27
CULTURE
Les rondeurs
dans l’art
La vision contemporaine, qui
omet les sujets obèses dans
l’art, s’est construite au gré
de l’histoire de l’humanité.
Nous avons rencontré Pierre
Lacôte, médiateur-conférencier au Musée des Beaux Arts
de Lyon.
Fernando
Angulo Botero
est un peintre et
sculpteur colombien.
Né en 1932, il est
réputé pour ses
productions aux
courbes gourmandes.
Ses personnages
n'expriment pas de
sentiments, sont tapis
dans l'impartialité, la
sagesse. Une attitude
qui malgré leur
poids, leur confère
une impression
de légèreté et de
souplesse. Botero
dira à propos de ses
sujets : « Gros, mes
personnages ? Non, ils
ont du volume, c'est
magique, c'est sensuel.
Et c'est ça qui me
passionne : retrouver le
volume que la peinture
contemporaine a
complètement oublié. »
En haut à droite, la
Joconde façon Botero.
PAR LUCAS DEMANGEAT
«I
l faut voir l’art comme un reflet de la société », explique Pierre Lâcote. « Dans l’histoire, les artistes ont joué leur rôle, en s’employant à représenter le corps tel qu’il l’est dans la
société ». Aujourd’hui, la production artistique est
fascinée par un idéal unique du corps parfait, seule
référence : « Le modèle photographique regroupe
toutes les représentations du corps qui passent par
l’écran. La photo, le cinéma, la télévision, la publicité forment un miroir aux alouettes qui n’est plus
un reflet de la société. On vit avec un corps rêvé,
idéalisé par tous les écrans que nous connaissons »,
commente t-il.
Dans l’art contemporain, il y a bien Picasso,
Magritte, Matisse, Botero, qui déforment le corps
humain. Qui lui confèrent des formes généreuses.
Mais leurs sculptures, leurs toiles, se fondent dans
le modèle photographique. Le paradoxe, c’est que la
production artistique ne correspond pas à la société
d’aujourd’hui, où la population d’obèses augmente.
Pierre Lacôte analyse cette contradiction : « Ce n’est
plus une image réelle du corps mais une image qui
correspond à un désir. Une société qui a envie d’être
est en mal d’être ».
Une préhistoire féconde
En remontant aux origines, on remarque que la préhistoire a vu naître les premiers sujets obèses, il y a
25 000 ans.
Des chercheurs ont déniché dans les Pyrénées,
au début du siècle dernier, une statuette préhistorique aux formes extrêmement généreuses. Malgré
ses dix-sept centimètres de haut, on lui connaît
d’énormes cuisses et seins disproportionnés. Cette
Vénus de Lespugue est conservée au musée de
l’Homme à Paris. On la considère comme une des
premières apparitions de l’obésité dans l’art religieux. Les historiens sont d’accord pour attribuer à
ces caractéristiques physiques hors normes un symbole de fécondité.
Ainsi, l’obésité devait représenter à l’époque la faculté de reproduction.
28 | Décembre 2010 | Le Poids
Un bond dans l’histoire
Vingt-mille ans plus tard, la production artistique
de l’antiquité mène la vie dure aux sujets obèses.
« On peut comprendre les artistes grecs, si on voit
l’art comme un miroir de la société », explique Pierre
Lacôte. On peut admirer les corps parfaits, statufiés des dieux de l’Olympe, parce que la civilisation grecque cultive son corps. Dans l’antiquité et à
Athènes, l’obésité représente le déclin, la fin de carrière : « C’est un modèle qui a traversé les âges, d’une
certaine façon, indique-t-il. Napoléon empereur est
toujours peint comme un César, omnipotent, fort et capable de mener une armée. Les peintres le représentent
bouffi, empâté, une fois vaincu et prisonnier » continue
le médiateur-conférencier. Pourtant, la corpulence,
les formes et les rondeurs n’ont pas été absentes des
chevalets de l’histoire. L’exigence réaliste du baroque
impose à Peter Paul Rubens, peintre flamand, de
reproduire les courbes des corps qui l’entourent.
Pierre Lacôte poursuit : « Rubens vit, mange et festoie
dans le milieu bourgeois des Flandres du XVIe siècle.
Il côtoie essentiellement des personnages charnus, qui
vivent dans l’opulence d’une province prospère, par le
commerce et l’agriculture. » Et Peter Paul Rubens ne
voit aucun inconvénient à tirer un tel portrait de la
société flamande de l’époque. C’est le travail qui lui
est demandé. Au même moment, toujours au XVIe
siècle, le baroque italien porte un tout autre regard
sur le corps. Les toiles montrent des êtres très élancés, maigres, dans la douleur. L’Italie est alors une
province plus pauvre, qui connaît par épisodes la
famine. En Europe, le schisme entre l’Église catholique, au sud, et l’Église protestante, au nord, scelle
les oppositions entre Italiens et Flamands. Il va de soi
que l’artiste est au cœur de ce mécanisme, Nietzsche
disait que c’est un être compromis.
« Parce qu’il se conforme à la demande de l’amateur
d’art, aux exigences de la photographie... » conclut
Pierre Lacôte. Parce qu’il en a les moyens, l’artiste devrait s’affranchir du standard de la maigreur, de cette
lecture unique de la beauté. Une mission herculéenne,
dans un contexte actuel qui généralise l’idéal .
La corpulence dans le téléviseur
Les médias réservent aux obèses
un espace bien maigre. Trop souvent absents, leurs apparitions nous
laissent pourtant deviner un gros
potentiel. Notre télécommande
s’est arrêtée sur le programme Belle
Toute Nue, poids lourd des
deuxièmes parties de soirée
sur M6.
©Adventure Line Production
À
la télévision, il y a bien Guy Carlier, qui a côtoyé
Marc-Olivier Fogiel, sur le plateau d’«On ne
peut pas plaire à tout le monde». Pierre Ménes,
qui donne des leçons de jeu aux téléspectateurs
du Canal Football Club. Il y a Magali, Luce, qui ont
triomphé respectivement de la Star’Ac et de la
Nouvelle Star. Il y a Marianne James, qui a
égayé le jury de cette
dernière
production. Il y a
Laurence Boccolini,
e x - p r é s e nt at r i c e
impitoyable du
Maillon Faible
de TF1. Et il
y a des gros
moins hors du
commun. Ceux qui
n’ont pas cultivé leur
aisance en public, ou
un don particulier. Ces
personnes ordinaires
regardent aussi
Belle Toute Nue. Un
programme incongru,
diffusé sur M6 et
produit par Adventure
Line
Production,
qui met en scène des
personnes enrobées
désireuses de mieux accepter leur corps. Ronith
Cohen, rédactrice en chef de l’émission, nous fait
passer de l’autre côté du petit écran : « En France,
87 % des femmes disent ne pas être à l’aise avec leur
corps. Alors que la taille moyenne du pays, 40-42, est
basse. Nous avons adapté le programme anglais « How
to look good naked » en conscience de ce malaise. Nous
voulions rétablir l’image de la femme .»
Le principe est simple. L’animateur-styliste de Belle
Toute Nue, William Carminolla met en confiance les
candidates grâce à une série de mises en scène de leur
propre corps. Il les présente au milieu de mannequins
taille XL, soumet des photographies des candidates au
regard souvent clément des Parisiens. Jusqu’à la dernière séance-photo nue, détaille Ronith Cohen :
« À ce moment là, voir son corps exposé sur un panneau
publicitaire ou sur un bus, dans la rue, alors qu’on ne
s’aime pas, est un électrochoc. Le but c’est de déculpabiliser les femmes en montrant que la beauté et le charme
passent avant tout par la confiance en soi. »
Si les obèses ont du mal à s’accepter, c’est aussi parce
que la télévision renvoie une image du corps qui
n’existe pas, du corps parfait. Et Belle Toute Nue est
un programme unique en son genre, contradictoire
avec l’image télévisuelle prédominante du corps.
Quand on soumet la remarque à la rédactrice en chef
d’Adventure Line Production, Ronith Cohen évoque
la diversité des programmes : « Il faut de tout. Il y a
aussi le fait que les femmes soient des cibles marketing
pour les industries cosmétiques, textiles, les régimes... Et
la conséquence se ressent forcément à l’écran. »
Une jeune lycéenne sur trois en France est au régime.
Partant de ce constat, la rédaction de la prochaine
saison de Belle Toute Nue se délocalisera, pour
une émission, dans un lycée parisien. L’objectif,
démystifier les corps
irréels de la mode,
de la télévision, du
cinéma, aux yeux
des lycéennes.
William
Carminolla
leur
expli
quera que les
retouches sont
omniprésentes,
qu’il est facile
de rendre plusque-parfait
un
mannequin
déjà proche de la
perfection. Il leur
permettra même de
réaliser l’expérience
Photoshop, le temps
d’une séance-photo :
« Nous avons fait cela parce que nous
sentons le danger. L’émission cible particulièrement
les femmes de moins de 35 ans. Ces gamines voient
des corps maigres dans les clips, se réfèrent aux défilés
de mode. Pour les stylistes, et c’est le terme qu’ils
utilisent, les mannequins sont des « cintres ». Pour que
le vêtement tombe bien. Personne au fond de soi ne veut
ressembler à un cintre. »
Et ça marche. Plus de trois millions de téléspectateurs ont regardé la première de Belle Toute Nue, fin
2008. Premier programme convoité des ménagères de
moins de cinquante ans, les soirs de diffusion. L’émission a résisté aux codes de la maigreur. Le petit Poucet
d’Adventure Line Production, est ainsi devenu en une
nuit une grosse pointure dans la programmation de la
sixième chaîne L.D
.
Pour son
lancement mardi
9 décembre 2008,
Belle Toute Nue a
rassemblé 3,3 millions
de téléspectateurs
sur M6. La part
d'audience du
programme a atteint
22 % sur les quatre
ans et plus et 32,4 %
sur les ménagères de
moins de cinquante
ans. L'émission a
pris le relai du show
anglais How to look
good naked ?, qui
s'est achevé sur sa
quatrième saison
fin 2008. D'autres
adaptations du
programme british
ont vu le jour aux
États-Unis, en
Belgique, en Italie, en
Suède, en Pologne et
en Israël.
Le Poids | Décembre 2010 | 29
Marion fait partie
des 22 finalistes du
concours Miss Ronde
France 2011. Elles
étaient 38 candidates
à avoir tenté leur
chance cette année.
31 autres ont déjà
proposé leur candidature pour l’année
2012.
« Sur scène, je me sens
comme tout le monde »
Le 10 décembre
prochain, à Calais,
Marion Garcia, 23 ans,
sera en lice pour
devenir la prochaine
Miss Ronde France.
PAR SARAH DUVERGER
«J
’aime faire des choses
un peu folles. Je me suis
lancée en me disant que,
quoi qu’il arrive, cela m’apporterait une expérience hors-du-com30 | Décembre 2010 | Le Poids
mun. » Quand Marion a appris
qu’il existait une élection de miss
pour les filles rondes, elle n’a pas
hésité à se présenter.
À 23 ans, la jeune femme originaire de Villefontaine, dans
l’Isère, s’est battue contre ses
rondeurs pendant 17 ans. Elle
a commencé à voir une diététicienne, dès l’âge de 6 ans : « Je
devais noter tout ce que je mangeais, je ne pensais plus qu’à ca ».
Membre d’une grande famille recomposée, Marion a six frères et
une sœur. Alors, quand elle voit
les garçons prendre une crème au
chocolat dans le frigo et qu’elle
doit se contenter de son yaourt
2005 : année
de création du
concours Miss
Ronde France par
Thierry Frézard.
Ce psychothérapeute cherchait
une solution
pour valoriser les
femmes rondes
qui défilaient
dans son cabinet.
www.missronde.fr
allégée, elle fulmine : « c’est
injuste ! J’aurais rêvé d’avoir un
métabolisme qui me permette de
ne pas prendre de poids ».
Car Marion est une épicurienne :
« Je suis gourmande, je n’y peux
rien ! J’aime le pain, le chocolat… Ma mère me dit souvent
« Marion, est ce que tu as vraiment besoin de manger ça ? »
Non, je le sais très bien mais j’en
ai envie et comme dit ma grandmère « Quand on a envie, cela ne
fait pas grossir » raconte-elle en
riant.
Elle ne s’est jamais sentie bien
dans sa peau. En classe de troisième, elle pèse déjà 80 kg pour
1 m 55 : « Les années collège ont
été difficiles. Il y a toujours un
groupe de jolies filles qui plaisent
aux garçons et puis un autre mis
à l’écart et dont tout le monde
se moque. Je faisais partie du second. »
Puis, à 17 ans, elle décide de
commencer le théâtre à Villefontaine avec la compagnie : « Il était
une fois ». Le début de son conte
de fée à elle. La timide Marion
se transforme en jeune fille sûre
d’elle-même. Elle commence à
faire plus attention à la manière
dont elle s’habille, se maquille.
C’est aussi le moment qu’elle
choisit pour arrêter son suivi
avec sa diététicienne. La scène
devient pour elle une évidence :
« Paradoxalement, moi qui me
suis toujours cachée, j’ai besoin
d’être sur les planches, là où l’on
me voit. C’est un endroit où je me
sens comme tout le monde ». Du
haut de ses 1 m 67 pour 82 kg,
Marion arrive enfin à accepter
son corps tel qu’il est.
D’une scène à l’autre, Marion
défilera sur un podium le 10 décembre prochain. Si elle gagne,
elle ne se voit pas militer pour
la cause des rondes : « Nous ne
sommes pas une espèce en voie de
disparition » ironise-t-elle. Elle
avoue tout de même peiner à trouver des vêtements qui lui plaisent.
Même dans les catalogues grandes
tailles, les mannequins ne lui ressemblent pas. En revanche, l’élection lui permettra de réaliser un
de ses rêves de petite fille : être
une princesse le temps d’une soirée. Hors-norme peut-être, mais
une princesse tout de même .
Sarah Duverger
TENDANCES
TENDANCES
XXL, mais pas sac poubelle !
Pas facile quand
on dépasse la
taille 44 de
trouver des
vêtements.
Les grandes
enseignes de
prêt-à-porter excluent
ces
clientes
rondes,
d’autres se
contentent
d’agrandir les
modèles existants ce qui
ne convient
pas forcément au
corps des personnes en surpoids.
Magasins spécialisés, sites internet, il existe pourtant des bons
plans pour trouver des tenues
originales, bien coupées et à des
prix raisonnables.
La vente par correspondance
Que ce soit Les 3 suisses ou encore
La Redoute, les catalogues de
vente par correspondance proposent de vraies collections de
vêtements grande taille jusqu’à
la taille 60. Mention spéciale à
La Redoute qui collabore avec
des personnalités rondes comme
Marianne James ou la bloggeuse
Big Beauty (voir encadré) pour
créer ses collections. L’assurance
d’avoir un vêtement qui mettra
vos formes en valeur.
Les magasins spécialisés
Les prix y sont souvent élevés
mais vous pouvez y trouver des
conseils précieux auprès des vendeurs. À Lyon, coup de cœur pour
la boutique Mot de Passe, 138
cours Lafayette dans le 3e arrondissement (jusqu’au 70). D’autres
magasins comme Kiabi (photo),
Gémo ou encore Vêt Affaires ont
aussi des collections grandes
tailles (jusqu’au 60). Idéal pour les
basiques
mais les
tenues
restent
simples
sans
grande
originalité.
Les sites
internet
Si du côté
français,
on reste
encore
frileux
sur les
grandes
tailles, les Anglais ont depuis
longtemps développé de vrais
collections : Beth Ditto, la chanteuse de Gossip, vient de créer sa
deuxième ligne de vêtements pour
le site Evans (du 42 au 60). Autres
bons plans
outre-manche,
New Look ou
Dorothy Perkins. Pour
commander,
n’oubliez
pas de
vous
munir
d’un
tableau
de correspondance des
tailles : www.
labonnetaille.
com. Si vous
préférez rester
en France,
rendez-vous
sur Castaluna.
com. Le site français consacré
exclusivement à la mode grande
taille vous propose notamment
des bottes avec différentes largeurs de mollet .
SARAH DUVERGER
©La Redoute / ©Gossip
Quand les rondes prennent la pose
Dans le monde de la mode grande taille, difficile de passer à côté du phénomène « Big Beauty ». Stéphanie Zwicky, 33 ans, a
commencé par poster quelques photos de ses tenues de tous les jours sur son blog. L’idée : montrer que la mode ne s’arrête pas
à la taille 44. Des photos travaillées, des vêtements originaux et qui mettent en valeur sa taille 50, il n’en fallait pas plus pour que
la jeune femme originaire de Suisse devienne la porte-parole de toutes les rondes qui elles aussi veulent pouvoir suivre la mode.
Depuis, une collection de prêt-à-porter pour le catalogue de vente par correspondance, La Redoute, un livre « Le it-book de Big
Beauty » et une chronique beauté hebdomadaire pour l’émission de M6, « 100% Mag ». Mais surtout, Stéphanie a ouvert la porte
à d’autres jeunes femmes comme Audrey Gaillard, créatrice du blog « Big or not to big ». Elle se définit elle-même comme « une
grosse qui ose se faire plaisir avec la mode ». Audrey a créé son blog en mai 2009. Même recette avec les prises de vue de ses tenues.
Pour cette intérimaire, le temps qu’elle investit n’est pas perdu. Elle reçoit de nombreux messages de ses lectrices : « Que mon petit
blog aide certaines filles à s’assumer comme elles sont, je trouve cela extraordinaire et enrichissant ».
http://www.leblogdebigbeauty.com
http://big-or-not-to-big.over-blog.com
Le Poids | Décembre 2010 | 31
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