V
U
Le risque déflationniste qu’encourt la
zone euro désormais ne doit pas être
pris à la légère. Et si la baisse conti-
nue du pétrole est indéniablement
un cadeau pour les entreprises et les
particuliers, elle est également très
inquiétante car elle pourrait avoir
un effet auto réalisateur de défla-
tion future. L’offre de pétrole est très
excédentaire, cela fragilise les pays
producteurs, incite les agents écono-
miques à repousser leurs commandes
et provoque un recul des taux d’infla-
tion anticipés intolérable pour la BCE.
Celle-ci n’a pas d’autre choix que de
sortir une nouvelle arme pour tenter
de juguler cette menace déflation-
niste et s’apprête ainsi à mettre en
place un nouveau QE (quantitative
easing), avec rachat des dettes sou-
veraines détenues par les banques.
A l’examen des résultats du QE amé-
ricain sur les perspectives d’infla-
tion, il est difficile d’affirmer que
cette mesure ait été, à elle seule,
d’une réelle efficacité. En revanche,
ces mesures d’injection massive de
liquidités ont été prises parallèlement
à des politiques budgétaires expan-
sionnistes. Et c’est la concomitance
de ces deux armes économiques qui
a permis de dynamiser l’activité éco-
nomique et d’empêcher l’inflation de
ralentir d’avantage.
La politique monétaire très accom-
modante a permis d’augmenter la
confiance des agents économiques
en générant un effet richesse, via la
hausse des actifs financiers. Les der-
niers chiffres du taux de croissance
du PIB américain (+ 3,9 % révisé pour
le troisième trimestre) et la stabilité
de la consommation domestique
outre atlantique sont la preuve d’une
économie US en forme. Sans un défi-
cit US de -5,7 % en 2013, il n’est pas
sûr que l’économie américaine aurait
retrouvé une telle vigueur aussi vite.
B
La BCE s’apprête donc à lancer son
QE dont les modalités pourraient être
révélées mi-janvier : c’est une bonne
nouvelle pour les marchés financiers
et les valorisations des actifs risqués
devraient donc être soutenues par
cette annonce de "new cash".
Cependant, on ne peut pas faire l’im-
passe aujourd’hui sur la persistance
de déséquilibres internes à la zone
euro qui souligne les lacunes de la
gouvernance européenne.
Si les agents économiques de la zone
euro estiment que l’environnement
politique et économique demeure
instable et qu’ils ne croient pas que
les liquidités ainsi mises à leur dis-
position permettront de sortir de la
morosité ambiante et auront un effet
positif sur la croissance, alors toutes
les mesures non conventionnelles
envisagées n’auront de sens ni d’effet.
Mario Draghi s’apprête à jouer les
pères Noël une fois encore cette
année. Mais encore faudra-t-il que
les pays membres jouent le jeu d’une
meilleure intégration politique et éco-
nomique pour espérer un retour à une
croissance auto-entretenue, avec ce
qu’il faut de perspective d’inflation.
M 2015
L’année 2015 s’annonce donc comme
une année clé sur les marchés
financiers :
Les optimistes, dont nous sommes,
parieront sur la poursuite de la reva-
lorisation des actifs risqués, avec en
tête de liste les actions européennes.
Les pessimistes auront beau jeu d’agi-
ter le drapeau rouge de la menace
déflationniste et des faiblesses ins-
titutionnelles de la zone euro pour
rester investis sur les valeurs refuges
et se contenter de taux souverains
européens sur des niveaux histori-
quement bas.
En particulier
5 - N° 18 - Janvier 2015
Mario Draghi,
la chasse à la déflation ouvre en janvier !
Dans ses statuts, il est clairement indiqué que la banque centrale eu-
ropéenne a pour principal mandat de veiller à la stabilité des prix.
Or, l’inflation européenne est aujourd’hui très en deçà des objec-
tifs fixés à 2 %, et le principal risque identifié en cette fin d’an-
née réside dans l’incapacité de maintenir une progression des
prix sur un rythme proche de ce niveau. Pire, mois après mois,
le taux d’inflation anticipé 5 ans dans 5 ans qui sert d’indica-
teur à la BCE ne cesse de reculer. Evalué à plus de 2 % en juin
dernier, il atteint aujourd’hui un plus bas historique de 1,75 %.