Rapport concernant les défis et les chances de la place financière

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Département fédéral des finances DFF
Rapport concernant les défis et les chances de la place
financière suisse
Berne, 11.09.2009 - A la demande de la Commission de l'économie et des redevances du
Conseil national (CER-N), le Département fédéral des finances (DFF) a rédigé le rapport
"Place financière suisse: situation et perspectives", dont le Conseil fédéral a pris
connaissance lors de sa séance d'aujourd'hui. Ce rapport examine tout d'abord les effets que
la crise financière a eus jusqu'à présent sur la place financière suisse. Ensuite et surtout, il
analyse les changements attendus dans les réglementations nationales et internationales
ainsi que les chances et les risques qui peuvent en découler pour notre place financière.
La crise financière et ses conséquences ont modifié le système financier international. Dans le
monde entier, les marchés financiers sont désormais soumis à une réglementation plus stricte. En
outre, la concurrence entre places économiques et donc aussi entre systèmes fiscaux s'est
intensifiée. Des tendances protectionnistes ne sont dès lors pas exclues et pourraient non
seulement accroître la pression sur la place financière suisse, mais aussi entraîner un
redimensionnement des activités pratiquées à l'étranger. Ce nouveau contexte pourrait cependant
aussi permettre à la place financière suisse de renforcer sa position.
Le rapport décrit la situation actuelle de la place financière tout en présentant les effets possibles de
la crise sur les conditions-cadres et les conséquences de ces changements sur la concurrence
internationale. Il met aussi et surtout en évidence les chances et les risques liés à cette évolution et
les mesures à prendre sur le plan politique au profit de la place financière suisse. En ce qui
concerne cette dernière, l'Etat doit continuer à garantir des conditions-cadres de qualité. Quant à la
politique commerciale, elle relève de l'économie privée.
Le rapport montre qu'une intervention politique doit permettre d'atteindre les objectifs suivants:
z
z
z
z
Améliorer la réglementation et la surveillance. Il s'agit essentiellement d'améliorer le
traitement des risques systémiques, de renforcer la protection des déposants et des
investisseurs ainsi que de combler les lacunes du système de réglementation et d'améliorer
la détection précoce des risques, tout en évitant d'élaborer une réglementation excessive et
d'entraver la compétitivité du secteur.
Garantir et améliorer l'accès de notre industrie financière aux marchés étrangers. Il
s'agit également de lutter contre les tendances protectionnistes.
Améliorer les conditions-cadres de la fiscalité grâce à la troisième réforme de
l'imposition des entreprises. Celle-ci consistera à refondre les droits de timbre ainsi que
l'impôt anticipé et à retoucher les régimes fiscaux des cantons (sociétés de holding, de
domicile et mixtes).
Garantir une infrastructure efficiente des marchés financiers et affermir la bonne
réputation de la place financière suisse. La mise en oeuvre de normes internationales
dans le domaine du blanchiment d'argent et de la criminalité financière permettra de
renforcer l'image d'une place financière propre.
Toutes les places financières s'efforcent actuellement d'élaborer des stratégies adaptées à la
nouvelle donne internationale. En Suisse aussi, les travaux correspondants sont en cours. Le
rapport sur la place financière sert de base pour rédiger le rapport sur une stratégie concernant la
place financière qui, demandé par le postulat Graber (09.3209) et attendu pour la fin de l'année,
sera le résultat d'un dialogue avec l'économie privée.
D'autres rapports suivront en 2010. Le Conseil fédéral entend présenter un rapport analysant les
conséquences que l'effondrement de grandes entreprises suisses pourrait avoir sur l'économie de
notre pays (motion du Groupe de l'UDC, 08.3649). En outre, un autre rapport doit permettre
d'examiner le rôle joué par l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) dans
la crise financière, de tirer les conclusions de cet examen et de montrer quelles sont les mesures qui
s'imposent (postulat David, 08.4039 et motion CER-N, 09.3010).
Adresse pour l'envoi de questions:
Urs Plavec, responsable de la section Politique économique et monétaire, Administration fédérale
des finances, tél. 031 322 61 72
Editeur:
Département fédéral des finances
http://www.dff.admin.ch
Département fédéral des finances DFF
Contact: [email protected], autres contacts | Informations juridiques
http://www.efd.admin.ch/00468/index.html?lang=fr
Département fédéral des finances DFF
11 sept. 2009
Place financière suisse: situation et
perspectives
Rapport à l’attention de la CER-N
Place financière suisse: situation et perspectives
Résumé
Le 14 octobre 2008, sur demande du conseiller national Paul Rechsteiner, la Commission de
l’économie et des redevances du Conseil national (CER-N) a chargé le Conseil fédéral,
représenté par le Département fédéral des finances, de rédiger un rapport sur les perspectives
de la place financière suisse. Cette requête trouve son origine dans la crise financière et
économique qui sévit actuellement et qui a enregistré une nette aggravation à l’automne 2008,
entraînant pour la première fois depuis les années trente une contraction de l’activité
économique mondiale. On peut s’attendre à ce que cette crise engendre des ajustements
structurels, notamment au sein du secteur financier, ce qui revêt une importance toute
particulière pour la Suisse. Compte tenu des incertitudes actuelles, il est toutefois difficile
d’évaluer concrètement l’évolution future de la situation et ses conséquences sur la place
financière suisse. C’est pourquoi le présent rapport se limite généralement à représenter les
effets possibles de la crise sur les conditions-cadres et leurs conséquences sur la compétitivité
de la place financière. Il s’agit ici de montrer les opportunités et les risques pour la place
financière suisse. De ce fait, ce rapport constitue une base pour la suite des travaux visant à
l’élaboration d’une stratégie dans ce sens. Si l’Etat est responsable de la mise en place des
conditions-cadres, en revanche l’organisation de la politique commerciale relève de l'économie
privée. C’est pourquoi l’élaboration d’une stratégie concernant la place financière se fonde sur
un dialogue avec les acteurs de l’économie privée.
La crise financière et économique fait suite à une période de croissance ininterrompue et de
liquidité abondante. Dans ce contexte exceptionnellement favorable, de nombreux investisseurs
ont pris des risques de plus en plus élevés. A cette situation sont venus s'ajouter des facteurs
aggravants, à savoir une politique monétaire durablement expansionniste, un système de
surveillance et de réglementation qui n’a pas correctement pris en compte le risque systémique
dans la majeure partie des pays et les déséquilibres macroéconomiques des balances des
paiements à l’échelle mondiale. La croissance persistante des liquidités et des crédits sur le plan
international a également donné lieu à un relâchement de la discipline de différentes institutions
financières en matière de gestion du risque. Les risques liés à des placements avec des
rendements attendus élevés ne pouvant résister à l’épreuve d’une crise ont été sous-estimés,
tandis que des structures d’incitation mal conçues ont encouragé des comportements
procycliques et favorables au risque.
L’évolution des marchés financiers et les moins-values qui en ont découlé ont directement
affecté le secteur financier, et en particulier les grandes banques actives à l’étranger. En outre,
les conglomérats d’assurance présents dans la banque d'investissement - via l'assurance
d'obligations - ainsi que d'autres compagnies d'assurances et instituts de prévoyance, ont été
directement touchés à travers leurs placements financiers. L'affaiblissement de l'économie
réelle, causé au moins en partie par la crise financière, affecte le secteur financier à un second
niveau, par le biais d’un recul de la demande économique globale et d’une augmentation du
risque de défaillance des crédits. Une concurrence accrue au sein du secteur financier et
l'effondrement des volumes réduisent les marges bénéficiaires des branches d’activité
concernées.
En réaction à la crise financière, la collaboration internationale en matière de réglementation
des acteurs des marchés financiers s’est intensifiée. A la coopération pratique des autorités de
surveillance sur le plan technique s'est ajouté, en 2009 le Conseil de stabilité financière (FSB).
Celui-ci remplace le Financial Stability Forum (FSF), qui a élaboré les principes d'une
coopération internationale dans le domaine de la gestion de crise. Parallèlement, les organes
2
Place financière suisse: situation et perspectives
de régulation ont été développés, tels que le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Avec
l’établissement du FSB, la collaboration avec le FMI, dont les moyens seront provisoirement
accrus, a également pris de l’importance. Par ailleurs, des initiatives de renforcement de la
coopération fiscale ont été lancées. La pression sur la Suisse en ce qui concerne l’échange
d’informations entre les autorités fiscales et de surveillance s’est encore accentuée, entraînant
la reprise intégrale par la Suisse des normes de l’Organisation de développement et de
coopération économiques (OCDE) en matière d’assistance administrative et d’entraide
judiciaire en matière fiscale.
On peut s’attendre à un élargissement ou à un remaniement de la réglementation des marchés
financiers. Les principaux débats concernent les domaines suivants:
- Modération des effets procycliques de la réglementation au moyen de nouvelles
directives relatives aux fonds propres des banques;
- ajustement de la qualité et de l’efficacité de la gestion des liquidités des institutions
financières;
- extension de la surveillance aux institutions qui n’y étaient pas soumises jusqu’à
présent, comme par exemple les agences de notation;
- aménagement d’une structure de compensation et d’une gestion du risque auprès des
institutions surveillées de manière à empêcher la prise de risques disproportionnés et à
sauvegarder les intérêts à long terme de l’entreprise;
- contrôle des ajustements des directives comptables de manière à obtenir une meilleure
transparence et à réduire les effets procycliques;
- garantie d’une protection suffisante des déposants pour protéger les petits investisseurs
et accroître la confiance dans le système financier;
- renforcement de l’échange transfrontalier d’informations dans le cadre de
l’intensification de la coopération entre autorités de surveillance;
- création de «collèges de contrôleurs» au sein desquels sont représentés les principaux
organes de contrôle du pays d’origine et du pays d’accueil;
- amélioration du recensement des risques systémiques au moyen du renforcement de la
surveillance macroprudentielle;
- suppression – aussi coordonnée que possible à l’échelle internationale – des
engagements des Etats sur les marchés financiers, dans l’optique de garantir un bon
état de marche des mécanismes de marché (stratégies de désengagement).
Les nombreuses initiatives de la communauté internationale vont également se traduire par de
nouvelles réglementations au niveau national. La Commission fédérale des banques (CFB),
intégrée à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA), a d’ores et déjà
pris des mesures concernant les différents domaines de discussion mentionnés, ou travaille à
leur élaboration. Tel est notamment le cas pour les exigences relatives aux fonds propres, la
gestion des liquidités, les systèmes de rémunération, les directives comptables et la protection
des déposants. De même, il s'agira désormais de tenir compte de manière appropriée (en
collaboration avec la Banque nationale suisse et le Département fédéral des finances) du point
de jonction entre les risques macroéconomiques et propres aux institutions et l’ampleur du
risque systémique. En outre, dans le cadre de ses activités de surveillance, la FINMA devrait
procéder à davantage de tests de résistance.
L’amélioration des conditions-cadres et l'adaptation de ces dernières à un nouveau contexte
requièrent les interventions suivantes: en matière de réglementation et de surveillance des
marchés financiers, il est prioritaire d'améliorer le traitement des risques systémiques et de
renforcer la protection des déposants et des investisseurs. Ce faisant, il s’agit de combler les
lacunes du système de réglementation et d'améliorer la détection précoce des risques, tout en
3
Place financière suisse: situation et perspectives
évitant d'élaborer une réglementation excessive et d'entraver la compétitivité du secteur. Les
conditions-cadres fiscales seront améliorées lors de la troisième réforme de l’imposition des
entreprises, qui s’articule autour d'une réforme des droits de timbre et de l'impôt anticipé ainsi
que de l’ajustement des régimes fiscaux des cantons (sociétés de holding, de domicile et
mixtes). De même, les ajustements en matière d'assistance administrative et d'entraide
judiciaire revêtent une grande importance pour les futures conditions-cadres. En outre, il
convient d’améliorer l’accès aux marchés étrangers, de garantir une infrastructure efficiente et
d’affermir la réputation de la place financière suisse.
La crise financière actuelle peut modifier de manière déterminante la compétitivité des différents
centres financiers au niveau international. On ne peut également écarter l’hypothèse d’un
remodelage global du secteur. Il est encore trop tôt pour énoncer un jugement définitif. Il peut en
découler tant des opportunités que des risques pour la suisse en tant que place financière
internationale. L’évolution du segment de la gestion de fortune privée sera déterminante pour les
perspectives d'avenir du secteur financier. Dans ce domaine, le défi consiste à se repositionner
dans des circonstances dictées par la révision de la réglementation et par une pression
internationale accrue en matière de coopération fiscale. La suisse doit préserver le secret
bancaire visant à la protection de la sphère privée, toutefois en mettant en œuvre de manière
intégrale les standards internationaux en matière de fiscalité transfrontalière. Les conditionscadres de qualité dont dispose la Suisse dans ce domaine constituent à cet égard un contexte
favorable pour une stratégie d'argent propre.
L’extension au niveau mondial de la portée de la réglementation peut avoir deux conséquences
pour la Suisse: d’une part, du fait de ces efforts, la place financière suisse pourrait se trouver
en butte à davantage de pression que d’autres, ce qui devrait notamment entraîner une révision
à la baisse des activités à l’étranger; d’autre part, l’attrait de la place financière suisse
pourrait s'accroître dans un nouveau contexte réglementaire. La coopération avec les instances
internationales et une adoption pondérée des nouvelles réglementations présentent en effet un
potentiel de renforcement des avantages concurrentiels du pays.
Au printemps 2009 un groupe de travail mixte sur l'orientation stratégique de la place
financière (Groupe de travail Stratégie) a été mis sur pied, avec pour mission de rassembler les
éléments nécessaires pour élaborer une stratégie dans ce domaine. Ce groupe comprend des
représentants des autorités (BNS, FINMA, AFC, AFF) et du secteur financier (Association
suisse des banquiers, Association suisse d’assurances, Swiss Fund Association et SIX Group).
Les résultats des discussions devraient permettre aux autorités de trouver une stratégie
optimale pour améliorer les conditions-cadres et faciliter le positionnement de l’économie
privée dans des segments d'affaires spécifiques.
Les perspectives de la place financière suisse dépendent essentiellement de l’ampleur des
tendances protectionnistes futures et de la garantie pour les entreprises suisses de pouvoir
accéder aux marchés des autres pays. L'actuelle tendance internationale vers un élargissement
des réglementations réduisent la marge de manoeuvre nationale restante. Dans le passé la
suisse était disposée à accepter un certain nombre d'obstacles à un accès aux marchés de l'UE
afin de bénéficier d'une réglementation propre, favorisant la position concurrentielle du
secteur financier. Compte tenu de l'élargissement réglementaire actuel et du danger d'un
accroissement des obstacles envers l'accès aux marchés, cette question devrait à nouveau être
posée dans le cadre des relations avec l'UE. En outre, la question des effets de l'engagement –
explicite ou implicite – de l’Etat, en particulier concernant des entreprises d'importance
systémique est de première importance. Ce problème des entreprises trop grandes pour tomber
faillite (too big to fail) doit être résolu à travers une politique structurelle satisfaisante.
4
Place financière suisse: situation et perspectives
Compte tenu de ces défis fondamentaux, le législateur devra s’atteler aux domaines suivants:
en matière de réglementation et de surveillance des marchés financiers, il s'agira de renforcer
les prescriptions relatives aux fonds propres ainsi que la protection des déposants et des
investisseurs. Parallèlement, il conviendra d'améliorer la détection précoce des risques. Les
conditions-cadres fiscales seront quant à elles améliorées lors de la troisième réforme de
l’imposition des entreprises. En outre, il faudra garantir une infrastructure efficiente et
sauvegarder la réputation de la place financière suisse. La suite des travaux se fondera sur une
analyse détaillée des forces et des faiblesses de cette dernière.
Le présent rapport décrit le contexte pour la prise de décisions stratégiques et sert également
de base en vue de répondre au postulat Konrad Graber (09.3209), Stratégie concernant la place
financière. L’élaboration d’éléments importants pour la stratégie concernant la place
financière s’effectue à travers un dialogue avec l’économie privée, dans le cadre du groupe de
travail Stratégie. La problématique du rôle systémique des grandes entreprises sera traitée de
manière approfondie dans un rapport séparé en réponse à la motion du groupe UDC
(08.3649), Prévenir les risques démesurés pour l’économie suisse. En outre des travaux sont en
cours pour répondre au postulat David Eugen (08.4039), Clarification du rôle joué par
l'autorité de surveillance des marchés financiers dans la crise financière.
5
Place financière suisse: situation et perspectives
Table des matières
Résumé ......................................................................................................................................... 2
1.
Introduction..................................................................................................................... 8
2.
Importance du secteur financier suisse....................................................................... 10
3.
2.1.
Création de valeur et emploi .............................................................................10
2.2.
Structure du secteur financier suisse.................................................................11
2.3.
Interdépendance mondiale du secteur financier avant la crise..........................13
2.4.
Surveillance du secteur financier ......................................................................14
La crise financière......................................................................................................... 17
3.1.
Causes de la crise financière et économique.....................................................17
3.2.
Conséquences directes de la crise financière pour la place financière suisse...18
3.2.1.
3.2.2.
3.2.3.
3.2.4.
3.3.
Mesures déjà prises par l'Etat pour renforcer le système financier suisse ........22
3.3.1.
3.3.2.
3.3.3.
4.
Conséquences pour les marchés financiers ................................................................ 18
Répercussions sur les banques.................................................................................... 19
Conséquences pour les assurances ............................................................................. 21
Conséquences pour les caisses de pension ................................................................. 22
Train de mesures en faveur de l'UBS.......................................................................... 22
Mesures visant à renforcer la protection des déposants............................................. 23
Autres mesures............................................................................................................ 24
Nouvelles conditions-cadres ......................................................................................... 25
4.1.
Evolution des structures financières internationales.........................................25
4.1.1. Modifications dans les instances financières internationales ..................................... 25
4.1.2. Réformes portant sur la surveillance et la réglementation des marchés financiers au
niveau international.................................................................................................................. 26
4.2.
Perspectives en matière de réglementation et de surveillance en Suisse ..........29
4.2.1.
4.2.2.
4.2.3.
4.2.4.
4.2.5.
4.3.
Place financière et concurrence internationale .................................................32
4.3.1.
4.3.2.
4.3.3.
4.3.4.
4.3.5.
4.3.6.
5.
Exigences en matière de fonds propres et gestion des liquidités ................................ 30
Systèmes de rémunération........................................................................................... 30
Dispositions régissant l’établissement des comptes.................................................... 31
Système global et établissements individuels .............................................................. 31
Protection des déposants ............................................................................................ 32
Atouts de la Suisse dans le contexte de la concurrence internationale....................... 32
Accès aux marchés...................................................................................................... 34
Contexte fiscal............................................................................................................. 34
Assistance administrative et entraide judiciaire ......................................................... 35
Infrastructure des marchés financiers ........................................................................ 36
Distorsions de concurrence et stratégies de désengagement...................................... 36
Perspectives : chances et risques du secteur financier .............................................. 38
5.1.
Comparaison entre centres financiers internationaux .......................................38
5.1.1.
5.1.2.
5.1.3.
5.1.4.
5.2.
Opportunités et risques pour la place financière suisse ....................................40
5.2.1.
5.2.2.
5.3.
Généralités.................................................................................................................. 38
New York..................................................................................................................... 38
Londres ....................................................................................................................... 39
Autres centres financiers............................................................................................. 40
Défis généraux ............................................................................................................ 40
Gestion de fortune....................................................................................................... 42
Importance des grandes entreprises pour l’économie nationale .......................43
6
Place financière suisse: situation et perspectives
6.
Perspectives ................................................................................................................... 44
6.1.
Tendances pour le secteur financier et l’économie en général .........................44
6.2.
Elaboration d’une stratégie, en dialogue avec l’économie privée ....................45
6.3.
Mesures nécessaires ..........................................................................................47
Sources ....................................................................................................................................... 48
Glossaire et liste d’abréviations............................................................................................... 49
7
Place financière suisse: situation et perspectives
1.
Introduction
Le 14 octobre 2008, sur demande du conseiller national Paul Rechsteiner, la Commission de
l’économie et des redevances du Conseil national (CER-N) a chargé le Conseil fédéral (ou le
Département fédéral des finances) de rédiger un rapport sur les perspectives de la place
financière suisse.
Selon cette requête, le Conseil fédéral, ou le DFF, était chargé de soumettre à la CER un
rapport traitant des perspectives pour la place financière suisse, en proposant des alternatives le
cas échéant. Ce rapport devait apporter un éclairage en particulier sur les interactions
économiques et les conséquences réglementaires, sur la base des expériences de la crise
financière.
Amorcée en été 2007 sur le marché de l’immobilier américain, la crise financière mondiale a
enregistré une nette aggravation au cours de 2008. Elle s’est étendue de plus en plus à
l’économie réelle et devrait, pour la première fois depuis les années trente, se traduire par une
contraction de l’activité économique mondiale, c’est-à-dire par des taux de croissance négatifs.
Par conséquent, de nombreux pays ont dû mettre en place au niveau national des trains de
mesures visant à stabiliser le système financier et à sauver certaines institutions financières. Ces
mesures ont permis d'éviter l’effondrement de l'ensemble du système financier et de stabiliser
quelque peu la situation. Lors de la rédaction du présent rapport, la crise persistait. Il faut
s’attendre à ce qu’elle entraîne des ajustements structurels au sein du secteur financier. De plus,
le contexte réglementaire mondial devrait connaître des modifications radicales. A l’heure
actuelle toutefois, il est encore impossible d'évaluer précisément la crise financière et ses
conséquences.
Le présent rapport rend compte à la fois des développements les plus importants qui
s’annoncent en termes de surveillance et de régulation des marchés financiers, en Suisse
comme à l’étranger, et des changements qui affectent la Suisse en tant que place financière, soit
directement en conséquence de la crise financière, soit indirectement, du fait de la réaction
d'autres centres financiers ou des modifications de la réglementation. Il présente les
modifications probables des conditions-cadres ainsi que les opportunités et les risques qui en
découlent pour la place financière suisse. Ce document constitue donc une base pour la suite
des travaux visant à élaborer une stratégie pour la place financière suisse. Si l’Etat est
responsable de la mise en place de conditions-cadres favorables, l’organisation de la politique
commerciale est toutefois du ressort de l’économie privée. C’est pourquoi l’élaboration d’une
stratégie concernant la place financière nécessite un dialogue entre l’administration et le secteur
privé.
Sans préjuger des décisions à prendre, le présent rapport fait partie des bases nécessaires pour
poser les jalons stratégiques qui permettront de lancer de nouveaux processus législatifs. Il sert
également de base pour l'élaboration d'une réponse au postulat Konrad Graber (09.3209),
Stratégie concernant la place financière. Les questions touchant la stratégie relative à la
politique de la place financière seront ainsi abordées dans un second temps. La problématique
du rôle systémique des grandes entreprises sera traitée de manière approfondie dans un rapport
séparé en réponse à la motion du groupe UDC (08.3649), Prévenir les risques démesurés pour
l’économie suisse. En outre des travaux sont en cours pour répondre au postulat David Eugen
(08.4039), Clarification du rôle joué par l'autorité de surveillance des marchés financiers dans
la crise financière.
8
Place financière suisse: situation et perspectives
Le rapport s’articule comme suit: le chapitre 2 présente le secteur financier suisse avant la crise,
en termes de création de valeur, d'emploi, de structure et d'importance sur le plan international.
Il aborde aussi brièvement le sujet de la réglementation de ce secteur. Le chapitre 3 porte sur les
causes et les effets directs à court terme de la crise financière actuelle. Il fournit également une
synthèse des mesures prises par la BNS et par la Confédération pour stabiliser le système
financier. Le chapitre 4 propose des réflexions sur les conséquences de la crise pour les
conditions–cadres. Les changements structurels sur les marchés financiers mondiaux ont incité
les instances internationales à réaliser des travaux visant à rétablir la stabilité financière et
entraînent un remodelage de l'architecture réglementaire des marchés financiers, aussi bien au
niveau national que mondial. Sur cette toile de fond, le chapitre 5 présente les opportunités et
les risques qui s’ensuivent pour la Suisse. Enfin, le chapitre 6 comprend une vue d’ensemble
des travaux d'examen et de révision de la stratégie concernant la place financière.
9
Place financière suisse: situation et perspectives
2.
Importance du secteur financier suisse
2.1.
Création de valeur et emploi
La Suisse dispose d’un secteur financier fort, qui représente un pilier de l’économie en termes
d’emploi et de création de valeur. L’industrie financière génère environ 10 % des impôts sur le
revenu et sur les bénéfices des entreprises à tous les niveaux institutionnels. Outre les banques
et les assurances, il convient de ne pas sous-estimer la contribution des autres prestataires de
services financiers, tels que les gestionnaires de fortune indépendants ou les négociants en
valeurs mobilières, qui emploient plus de 20 000 personnes. Dans le cadre de l'économie, le
secteur financier joue le rôle central d’intermédiaire entre les épargnants et les investisseurs. Il
remplit ce faisant une fonction de transmission importante en prenant soin de procéder à une
allocation optimale du capital en tant que facteur de production. A travers une allocation
efficiente du capital et des risques, ainsi qu’un approvisionnement suffisant en crédits, le
secteur financier crée une condition essentielle à l’exploitation du potentiel de croissance de
l’économie.
Un secteur financier bien structuré présente également des avantages indirects pour l'économie
réelle. Ainsi, il favorise l’implantation ou le développement de sociétés actives au niveau
international. A cet égard, les compétences existantes dans les différentes spécialités de crédit
et une large palette de services jouent un rôle significatif. De même, l'activité des grandes
banques dans le domaine du financement des exportations et du commerce est précieux pour la
Suisse en tant que pays tourné vers les échanges.
La situation du secteur financier présentée ici est celle d'avant la crise. Au cours des années
précédant celle-ci, ce secteur avait pris de plus en plus d’importance. Ainsi, la création de
valeur du secteur financier en Suisse a progressé de 3 % en moyenne entre 1991 et 2005 (à prix
constants), contre seulement 1 % en moyenne pour le reste de l’économie. Le ralentissement
économique subi par la Suisse dans les années 90 n’avait donc pas touché le secteur financier.
Le fort dynamisme observé en Suisse en 2005 et 2006 dépendait fortement du secteur financier.
Du fait de son importance pour l’économie nationale, on peut dire que ce secteur exerce une
influence déterminante sur la conjoncture de la Suisse 1 .
Avec 183 000 équivalents plein temps, le secteur représentait en 2006 environ 5,8 % de
l’emploi total (voir le tableau 1) 2 . Cette part est à peu près stable depuis le début des années 90.
Avec près de 60 milliards de francs, la création de valeur du secteur représente environ 12 % du
produit intérieur brut (PIB). Avec 40,7 milliards de francs, la première place revient au secteur
bancaire, suivi du secteur des assurances (16,7 milliards). Ce dernier inclut les caisses
d’assurance-maladie et la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Ces
statistiques concernant la création de valeur reposent sur une évaluation relativement prudente
de l'Office fédéral de la statistique (OFS).
1
SECO. 2006. Tendances conjoncturelles hiver 2006/2007. L’importance des activités financières dans le PIB
suisse.
2
Dans les données utilisées, le total de l’emploi équivalent plein temps répond à la définition de la Statistique de
l’emploi (STATEM) de l’Office fédéral de la statistique (OFS). Les calculs concernant la création de valeur et
l’emploi reposent sur le classement des branches économiques de la Nomenclature générale des activités
économiques (NOGA).
10
Place financière suisse: situation et perspectives
Tableau 1: Emploi et création de valeur des différentes branches (2006, hors agriculture)
Emploi*
part en %
équivalents
plein temps
(milliers)
879
28,0 %
Commerce, restaurants et cafés, transports et
communications
Administration publique, enseignement, santé, autres
services
Industrie, énergie
Location, R et D, services aux entreprises
Construction
Institutions de crédit et assurances
Institutions de crédit
Compagnies d’assurance
Activités connexes
Total
*) Sources: OFS, STATEM (ETP)
**) Sources: OFS, Comptes nationaux
Création de valeur**
millions
part en %
CHF
100'853
22,3 %
770
24,5 %
119'064
26,3 %
661
373
279
183
21,0 %
11,9 %
8,9 %
5,8 %
3,6 %
1,5 %
0,7 %
100,0 %
101'215
48'585
25'543
57'451
40'735
16'717
nd
458'153
22,4 %
10,7 %
5,6 %
12,7 %
9,0 %
3,7 %
nd
100,0 %
113
48
23
3'308
La délimitation statistique précise du secteur financier n’est pas aisée à déterminer. Par
exemple, les fonctions d’économie bancaire sont parfois assurées par les entreprises
industrielles. De même, des méthodes de comptabilité et d'enquête différentes peuvent aboutir à
des résultats divergents.
2.2.
Structure du secteur financier suisse
Une évaluation numérique de la structure du secteur financier suisse est effectuée dans le cadre
d’un groupe de travail composé de représentants de l’administration et du secteur privé
(«Comité de pilotage Dialogue place financière»). Les statistiques de la BNS et des avis
d'experts ont permis d’évaluer les contributions à l’emploi et à la création de valeur de toute
une série de domaines d’activité (voir le tableau 2). Les données ont été vérifiées au moyen de
différentes méthodes. Plusieurs inexactitudes demeurent du fait de la difficulté de l’entreprise.
Des méthodes différentes étant utilisées, la création de valeur affiche environ quatre milliards
de plus (61,4 milliards contre 57,5 milliards) par rapport aux comptes nationaux (CN,
tableau 1). De même, le nombre d’actifs calculé selon ces méthodes s’écarte légèrement des
résultats du tableau 1.
11
Place financière suisse: situation et perspectives
Tableau 2: Emploi et création de valeur du secteur financier par segment (2006)
Création de valeur
2006 en
% du
milliards
total
CHF
Banque commerciale
Banque privée
Fonds de placement
Fons spéculatifs et capital-investissement
Retraites (banques)
Autres gestion d’actifs
Négoce de matières premières
Banque d’investissement (dont produits structurés)
Total banque
Assurance vie et retraite
Réassurance
Assurance dommages
Total assurance
Total de l’ensemble de la place financière
14,9
18,1
3,0
4,1
0,8
0,5
0,8
3,1
45,3
5,4
1,7
9
16,1
61,4
24,3 %
29,5 %
4,9 %
6,7 %
1,3 %
0,8 %
1,3 %
5,0 %
73,8 %
8,8 %
2,8 %
14,7 %
26,2 %
100,0 %
Emploi
2006 en
% du
ETP
total
58'500
48'500
4'100
4'000
2'500
1'000
1'400
7'800
127'800
7'200
3'800
40'400
51'400
179'200
32,6 %
27,1 %
2,3 %
2,2 %
1,4 %
0,6 %
0,8 %
4,4 %
71,3 %
4,0 %
2,1 %
22,5 %
28,7 %
100,0 %
Source: OFS / estimations ASB, ASA
Au sein du secteur bancaire, on peut opérer une distinction fondamentale entre les entreprises
orientées vers le marché intérieur et celles qui visent l’étranger. Les grandes banques UBS et
Credit Suisse sont toutefois aussi fortement axées sur la Suisse que sur l’étranger. Parmi les
établissements exerçant sur le plan international figurent notamment des institutions actives
dans la gestion privée et dans la banque d’investissement (essentiellement des opérations de
commissions). Sur le marché intérieur, la création de valeur émane principalement de l’écart de
taux entre les crédits et les dépôts d’épargne. Tout comme dans le reste de l’Europe ou aux
Etats-Unis, les activités de détail s’adressent avant tout à une clientèle nationale: les prestataires
étrangers sont rares et les prestataires nationaux sont orientés vers le marché intérieur.
En comparaison internationale, le secteur bancaire revêt une importance majeure pour
l’économie suisse. Fin 2007, le total de ses actifs s’élevait à plus de 4700 milliards de francs et
les trois quarts de ce montant étaient gérés par les grandes banques. Ces chiffres représentent
plus de neuf fois le PIB de la Suisse, ce rapport étant plus important que dans les autres pays du
G10. Au cours des dix dernières années, le secteur bancaire a en outre enregistré une croissance
constante et rapide, presque exclusivement imputable aux activités déployées à l'étranger par
les deux grandes banques.
Bien que le secteur bancaire présente une structure élargie, il se caractérise toutefois par une
forte concentration de l'activité entre les mains des deux grandes banques suisses, qui, même
prises séparément, présentent une importance systémique. Ainsi, sur le marché intérieur, l'UBS
et le CS détiennent une part de marché de plus de 40 % pour les dépôts et de près de 40 % pour
les crédits. Mesurée sur le total du bilan, leur part dans le secteur global s’élevait à 70 % à fin
2008, soit près de six fois le PIB. Selon la statistique bancaire, environ quatre cinquièmes des
avoirs et engagements sont imputables à l'étranger. Avec plus de 40 000 employés (fin 2007),
les grandes banques jouent également un rôle important en tant qu’employeurs (cf. diagrammes
1 et 2). La taille critique des grandes banques leur permet d’être présentes dans un grand
nombre de segments d'activité orientés vers l'international. L'offre de services financiers
étendue qu'elles peuvent ainsi proposer contribue non seulement à une création de valeur
directe sur le marché national, mais profite également à d'autres branches économiques.
12
Place financière suisse: situation et perspectives
La crise financière a montré combien le secteur financier et l’ensemble de l’économie
dépendaient du bon fonctionnement d'une grande banque. Si un tel établissement se trouvait
rapidement et de manière inattendue dans l’impossibilité d’assumer son rôle sur les marchés
nationaux des dépôts et du crédit, de nombreux ménages et entreprises ne pourraient plus
effectuer de dépenses courantes et d'investissements suite au blocage de leurs comptes et à la
suspension de leurs prêts, ce qui entraînerait une paralysie du système de paiement. Dans le cas
de l'UBS, environ 128 000 PME seraient touchées et – particuliers compris – bien plus de trois
millions de comptes. La faillite d'une grande banque déclencherait une véritable réaction en
chaîne et déstabiliserait, au moins à court terme, l'approvisionnement en liquidités et le système
de paiement de la Suisse. Un tel événement causerait également un tort notable au reste du
secteur bancaire et affecterait la réputation de la place financière.
Fig. 1: Total du bilan des banques
Fig. 2: Nombre d’actifs dans les banques
total du bilan des grandes banques en % du PIB
total banques domestiques
total du bilan des autres banques en % du PIB
1'000
grandes banques domestiques
120'000
900
800
100'000
700
600
500
80'000
60'000
400
300
40'000
200
100
20'000
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
Source: BNS
1995
-
-
Source: BNS
Les placements financiers des compagnies suisses pratiquant l’assurance sur la vie, l’assurance
dommages et la réassurance s’élevaient au total en 2007 à 600 milliards de francs, dont 42 % de
titres à revenu fixe. Entre 2003 et 2007, on comptait environ 260 entreprises, filiales étrangères
comprises. Les primes totales reçues par les établissements surveillés s’élevaient à environ
120 milliards de francs en 2007. Les prestations d’assurance payées par ces mêmes compagnies
atteignaient 81 milliards, dont environ 43 % au titre de l’assurance sur la vie.
2.3.
Interdépendance mondiale du secteur financier avant la crise
Jusqu’à présent, le secteur financier suisse était étroitement lié à l'économie mondiale,
notamment par le biais des deux grandes banques du pays. Celles-ci comptent en effet parmi les
plus grandes banques du monde: en total du bilan, l'UBS occupait en 2007 la première place du
classement, tandis que CS se plaçait en 19e position 3 . Ces deux grandes institutions suisses
faisaient donc partie des principaux acteurs sur de nombreux marchés et dans beaucoup de
pays. Le domaine des assurances comprend lui aussi des compagnies exerçant leurs activités au
niveau international. Le marché de la réassurance est ainsi fortement orienté vers l’étranger et
les grands assureurs proposent aussi leurs services dans d’autres pays.
Les données ci-après donnent une idée de l'importance internationale du secteur financier suisse
en général et des grandes banques en particulier:
3
Source: The Banker, juillet 2007.
13
Place financière suisse: situation et perspectives
•
Gestion de fortune. Avec une part de marché de presque 10 % de la fortune gérée à
l’échelle mondiale, calculée sur la base des actifs gérés par les 500 principaux acteurs
de ce segment, la Suisse fait partie des principaux centres de gestion de fortune, aux
côtés des Etats-Unis et du Royaume-Uni 4 . Les deux grandes banques suisses font partie
des plus grandes sociétés de gestion de fortune du monde. Avec une part de marché de
27%, la Suisse était en 2007 le premier acteur mondial de la gestion de fortune offshore.
•
Banque d’investissement. Les banques suisses sont actives dans le monde entier dans la
banque d’investissement. En 2007 et 2008, les deux grandes banques suisses occupaient
ainsi le neuvième (Credit Suisse) et le dixième (UBS) rangs en matière d’émission
d’actions et d’obligations 5 . Les deux établissements faisaient partie des acteurs les plus
dynamiques du marché des dérivés de crédit (6e rang pour l'UBS, 8e pour le Credit
Suisse) 6 . Elles étaient également des prestataires de premier rang à l'échelle mondiale
dans le financement d'exportations.
•
Système de paiement et de règlement. Les grandes banques suisses font partie des
principaux prestataires internationaux de services de paiement et de règlement. Elles
figuraient parmi les participants les plus actifs tant au système de paiement SWIFT
qu'au système de paiement de masse CLS. Elles constituaient en outre des dépositaires
de titres (global custodians) de premier plan.
•
Emploi. Les banques suisses emploient un grand nombre de leurs collaborateurs à
l’étranger, en particulier les grandes banques, qui sont d’importants employeurs dans les
centres financiers d’autres pays. Par exemple, l'UBS emploie environ les deux tiers de
ses employés à l’étranger.
•
Assurances privées. Dans le domaine des assurances, la Suisse revêt une importance
internationale en matière de réassurance grâce à Swiss Re. Elle y occupe le quatrième
rang après l'Allemagne, les Etats-Unis et les Bermudes. Selon les revenus de primes
d'assurances, Swiss Re est la deuxième société dans le monde, après Munich Re. 7 En
outre, plusieurs compagnies d’assurance actives sur le plan international ont leur siège
dans notre pays (comme Zurich Financial Services ou Swiss Life).
2.4.
Surveillance du secteur financier
Avant la crise, trois organes de surveillance assumaient la surveillance et la réglementation du
secteur financier: l’Office fédéral des assurances privées (OFAP), la Commission fédérale des
banques (CFB) et l’Autorité de contrôle en matière de lutte contre le blanchiment d’argent
(Autorité de contrôle LBA). Le 1er janvier 2009, ces trois instances ont fusionné pour donner
naissance à l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers, la FINMA, et la
structure institutionnelle des organes existant jusqu’alors a été améliorée. La FINMA est
constituée en établissement de droit public. Elle jouit d’une indépendance fonctionnelle,
institutionnelle et financière et dispose d’un organe de contrôle externe (Contrôle fédéral des
finances).
La nouvelle loi sur la surveillance des marchés financiers8 comprend non seulement les
dispositions relatives à l’organisation de la FINMA, mais aussi les principes relatifs à la
4
Source: «Wealth Management in Switzerland», Association suisse des banquiers, janvier 2009.
Chacune détenant une part de marché d’environ 5 %. Source: Thomson Reuters.
6
En nombre de transactions. Source: «CDx Survey», FitchRatings, juillet 2007.
7
Source: «Standard & Poor's Global Reinsurance Highlights»
8
RS 956.1
5
14
Place financière suisse: situation et perspectives
réglementation des marchés financiers, des règles en matière de responsabilité, les bases de
l'harmonisation des instruments de surveillance et un système de sanctions élargi, qui inclut par
exemple l'interdiction d’exercer. En revanche, les sept lois sur la surveillance financière n'ont
pas été harmonisées. La loi sur la surveillance des marchés financiers (LFINMA) constitue
donc une loi faîtière des sept lois sur la réglementation des marchés financiers (voir encadré).
La mission légale de la surveillance des marchés financiers est restée inchangée et les
spécificités des différents organes de surveillance sont prises en compte.
La loi sur les banques stipule que chaque banque doit disposer, sur une base consolidée, d'un
volume suffisant de fonds propres et de liquidités. Les principes de la loi sur les banques sont
précisés dans l’ordonnance sur les banques 9 et dans l’ordonnance sur les fonds propres (OFR) 10 .
L'OFR établit une distinction entre différents risques (risques de crédit, risques de marché et
risques opérationnels) et exige que ceux-ci soient couverts par un volume suffisant de fonds
propres. Le rapport entre les risques et les fonds propres, ainsi que le calcul de ces deux éléments,
sont fondamentaux.
L’interdépendance des fonds propres et des risques encourus constitue également un principe
central de l’accord Bâle II. Le 1er janvier 2007, le nouvel accord sur les fonds propres (Bâle II)
du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire sous la direction de la CFB a été transposé dans le
droit national, conformément aux prescriptions internationales.
Rétrospectivement, il apparaît que la crise financière actuelle vient confirmer la constatation de
la CFB selon laquelle les deux grandes banques ont un besoin nettement accru de fonds
propres, et ce même après l'application conservatrice et assortie de conditions supplémentaires
(Swiss Finish) des accords de Bâle II. Le 20 novembre 2008, une révision à la hausse des
objectifs en matière de fonds propres a été décidée pour chacune des deux grandes banques. Le
nouveau régime de fonds propres se concentre sur deux instruments complémentaires:
l’augmentation des exigences de fonds propres pondérées par les risques et l’introduction du
ratio d’endettement (leverage ratio), qui représente une limite nominale du taux d’endettement,
indépendamment du risque.
Dans le domaine des assurances, l’Office fédéral des assurances privées (OFAP) a développé, au
moyen de la loi sur la surveillance des assurances en vigueur depuis 2006, le concept d’une
surveillance intégrée du secteur, en vertu duquel la surveillance doit se fonder sur des éléments
quantitatifs, qualitatifs et traditionnels. Les éléments quantitatifs tenant compte des aspects
économiques et des risques sont représentés en particulier par le modèle de capital du test suisse
de solvabilité (Swiss solvency test, ou SST), qui sera entièrement introduit d'ici à 2011. Les
éléments qualitatifs comprennent l’adaptation aux principes du gouvernement d’entreprise, la
gestion du risque et des exigences relatives à d’autres processus. Enfin, les éléments traditionnels
concernent les indicateurs financiers disponibles à court terme, tels la Solvabilité I ou les
exigences en matière de provisions actuarielles et de fortune liée. Ce concept vise à fournir une
vue d'ensemble pour la surveillance, qui simplifie l'évaluation systématique de la situation des
entreprises suivies aussi bien que celle du secteur de l’assurance dans son ensemble.
Sept lois sur les marchés financiers coiffées par la LFINMA:
− Loi du 8 novembre 1934 sur les banques (LB, RS 952.0)
− Loi du 24 mars 1995 sur les bourses (LBVM, RS 954.1)
9
RS 952.02
RS 952.03
10
15
Place financière suisse: situation et perspectives
−
−
−
−
−
Loi du 23 juin 2006 sur les placements collectifs (LPCC, RS 951.31)
Loi du 17 décembre 2004 sur la surveillance des assurances (LSA, RS 961.01)
Loi du 2 avril 1908 sur le contrat d’assurance (LCA, RS 221.229.1)
Loi du 10 octobre 1997 sur le blanchiment d’argent (LBA, RS 955.0)
Loi du 25 juin 1930 sur l’émission de lettres de gage (LLG, RS 211.423.4)
En matière de stabilité financière, les autorités de surveillance collaborent avec la BNS. En
vertu de l’art. 5 de la loi sur la banque nationale 11 , cette dernière a pour tâche, non seulement de
conduire la politique monétaire du pays, mais aussi d'approvisionner le marché suisse en
liquidités et de contribuer à la stabilité du système financier. Cette collaboration est réglée par
un mémorandum d'entente (Memorandum of Understanding). La BNS suit l'évolution du
secteur bancaire du point de vue de l'ensemble du système. En cas de crise, elle peut jouer le
rôle de prêteur en dernier recours. C’est en revanche la FINMA qui assure la surveillance
directe des instituts financiers et la mise en œuvre des dispositions légales. De ce fait, sa
mission de surveillance est plutôt orientée vers les différents établissements et groupes
financiers. Parmi les domaines de compétences communs à la FINMA et à la BNS figure en
particulier l’évaluation de la solidité des établissements présentant une importance systémique.
Dans cette optique, les deux institutions échangent des informations et des avis, qui
comprennent également des renseignements et des documents auxquels le public n'a pas accès.
11
RS 951.11
16
Place financière suisse: situation et perspectives
3.
La crise financière
3.1.
Causes de la crise financière et économique
Les années qui ont précédé la crise se sont caractérisées par une phase de développement
macroéconomique stable et par des liquidités élevées. Dans ce contexte exceptionnellement
favorable, de nombreux investisseurs ont pris des risques toujours plus élevés. Cette propension
au risque élevée – rétrospectivement – se manifestait notamment à travers des primes de risque
inhabituellement faibles sur les obligations d’entreprises et les emprunts très risqués. En outre,
les deux grandes banques suisses enregistraient également des taux de croissance inaccoutumés
pour leurs activités de négoce et de crédit à l’étranger. Une des conséquences de la propension
au risque élevée et généralisée a été la formation sur certains marchés de ce qui apparaît
aujourd'hui comme des excès - entre autres sur le marché immobilier américain. Il convient
cependant de ne pas surestimer le fait que la correction ait été déclenchée par les problèmes du
segment d’emprunteurs à risque (subprime) américains. Si elle n’avait pas été provoquée par le
secteur immobilier, elle serait survenue plus tard, à un autre endroit.
Une cause importante de la crise a été la politique monétaire durablement expansionniste qui a
suivi l'éclatement de la bulle Internet, ainsi que le niveau élevé de liquidité. A cela s'ajoutait un
système de surveillance et de réglementation qui, dans de nombreux pays, ne tenait pas compte
des risques systémiques de manière appropriée. Les déséquilibres macroéconomiques
mondiaux sont également à l'origine de la crise, notamment le lourd taux d’endettement des
ménages (surtout aux Etats-Unis) et du secteur bancaire dans le monde entier, dont le rôle a été
décisif dans la formation de la bulle sur les marchés financiers et des déséquilibres
internationaux. Les fortes liquidités et la propension au risque élevée ont également favorisé un
relâchement de la rigueur de différentes institutions financières en matière de gestion du risque.
Les risques des placements n'étant pas à l'épreuve d'une crise et assortis d’importantes attentes
de rendement ont été sous-évalués, tandis que des politiques incitatives mal conçues ont
entraîné des comportements risqués et procycliques 12 .
Les facteurs ci-après ont particulièrement contribué à la transformation des troubles du marché
américain du crédit subprime en une crise financière mondiale:
Premièrement, la part élevée de financement par l’emprunt des banques internationales s’est
révélé problématique. En général, les banques internationales ne disposent que de fonds propres
limités en rapport avec leur total de bilan. Les pertes réalisées par divers établissements
internationaux dans certaines activités – notamment dans la banque d'investissement et aux
opérations pour compte propre – ont suffi pour réduire à néant une bonne part des fonds propres
des banques concernées et nécessiter l'approvisionnement en nouveaux capitaux.
Deuxièmement, le manque de transparence s’est révélé handicapant. Les opérations des
banques internationales étaient largement opaques pour les régulateurs et les investisseurs. Les
banques publiaient généralement des informations insuffisantes ou difficilement
compréhensibles sur les risques encourus – parfois en se fondant sur les normes comptables en
vigueur. La comptabilisation de différents risques hors bilan ou la titrisation de risques de crédit
à travers des instruments complexes ont notamment contribué à véhiculer une image faussée de
la situation. Les participants au marché ont ainsi rencontré pendant la crise de grandes
12
Cf. également l’exposé de Jean-Pierre Roth devant le Schweizerisch-Deutschen Wirtschaftsklub à Francfort le
2 mars 2009 intitulé: «Crise mondiale: dans quelle mesure la Suisse est-elle touchée?».
17
Place financière suisse: situation et perspectives
difficultés à évaluer rapidement et avec suffisamment de précision la solvabilité de leurs
contreparties alors que ce risque avait justement été laissé de côté pendant bien longtemps.
Le fort niveau d’endettement s’est révélé extrêmement déstabilisant, en particulier en
combinaison avec le manque de transparence. Ces circonstances ont eu pour conséquence que
la solvabilité de nombreuses banques n'allait plus de soi, surtout après la faillite de Lehman
Brothers en septembre 2008. Sur le marché interbancaire, cette situation s’est traduite par une
crise de confiance persistante.
Troisièmement, les limites de la gestion du risque sont devenues patentes. Au cours de la crise
actuelle, on a remarqué en particulier que les banques ne tenaient pas assez compte des
événements extrêmes. En matière de risques de marché, on a recensé des pertes que les modèles
employés considéraient comme extrêmement improbables. En ce qui concerne les risques de
liquidité également, il s’est avéré clairement que de nombreux participants au marché s'étaient
trouvés en difficulté parce qu'ils n'avaient pas escompté une évolution aussi exceptionnelle de
la situation.
3.2.
Conséquences directes de la crise financière pour la place financière
suisse
3.2.1. Conséquences pour les marchés financiers
Les difficultés du secteur financier et la dévalorisation des valeurs mobilières ont entamé la
confiance des participants au marché et des investisseurs. Des institutions suisses étaient
également exposées à des placements dont la valeur intrinsèque a dû être revue à la baisse.
L’ampleur des amortissements a réveillé des craintes quant à la solvabilité de certains
établissements financiers.
Le net repli des cours des actions en 2007 et en 2008 a eu notamment des répercussions sur la
capitalisation des entreprises. La figure 3 représente l’évolution de la capitalisation boursière des
principales sociétés suisses cotées (indice des actions suisses, ou SPI). Elle montre clairement
qu’à la fin de l'année 2008 celle-ci, mesurée en pourcentage du PIB, était retombée à peu près à
son niveau de 2002.
Figure 3: Capitalisation boursière du SPI
capitalisation boursière du SPI, en % du PIB
350%
300%
250%
200%
150%
100%
50%
Source: BNS
18
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1990
0%
Place financière suisse: situation et perspectives
L’effondrement des cours des actions au cours de 2008 a eu une influence négative sur les
revenus de différents secteurs d’activité. Ceci, ainsi que les efforts de réduction des coûts s'est
traduit par une diminution de la part du secteur financier dans la création de valeur et dans
l’emploi.
Les volumes de transactions boursières constituent un indicateur significatif de la création de
valeur du secteur bancaire puisqu’ils constituent la base des opérations de commissions et des
activités subséquentes. Les volumes de transactions boursières renseignent également sur
l’ampleur des liquidités au sein d'un marché. La figure 4 montre bien que, en comparant
plusieurs années, cet indicateur se situe encore aujourd'hui à un niveau relativement élevé.
Figure 4: Volumes des transactions boursières SIX
Volumes des transactions sur actions négociées à la
Bourse suisse, en % du PIB
500%
450%
400%
350%
300%
250%
200%
150%
100%
50%
2008
2007
2006
2005
2004
2003
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
0%
Source: BNS
3.2.2. Répercussions sur les banques
Jusqu'à présent, les banques suisses axées sur le marché intérieur ont surmonté la crise actuelle
sans pertes importantes, alors que les deux grandes banques ont été plus fortement touchées.
Celles-ci ont enregistré des pertes records et ont dû renforcer plusieurs fois leur dotation en
fonds propres. Une mesure de soutien de l'Etat a même été nécessaire à l'automne 2008 dans le
cas de l'UBS. 13 Durant la crise, le marché a considérablement réévalué le risque des grandes
banques, comme le montre l'évolution des primes de risque de crédit (Credit default swaps) à la
figure 5.
13
Cf. ch. 3.3.1.
19
Place financière suisse: situation et perspectives
Figure 5: Credit Default Swaps (CDS) de l'UBS et du Credit Suisse
UBS
CS
400
Points de base
300
200
100
0
01.2002
01.2003
01.2004
01.2005
01.2006
01.2007
01.2008
01.2009
Source: SNB Markets Analysis Platform, Bloomberg
Comme dans tous les autres espaces monétaires majeurs, les effets de la crise ont également été
ressentis sur le marché interbancaire suisse: après l'annonce, en septembre 2008, de
l'insolvabilité de la banque américaine Lehman Brothers, les incertitudes sur la situation des
établissements financiers se sont encore sensiblement accrues. Cette annonce a suscité de
grandes craintes dans le monde entier quant à la solvabilité des banques. La méfiance mutuelle
des intermédiaires financiers a conduit à une hausse massive des primes de risque pour les
crédits interbancaires non couverts, comme le montre la figure 6 à partir de juillet 2007. La
situation en termes de liquidités demeure depuis longtemps tendue pour la plupart des grandes
banques internationales. Et bien que les primes de risque aient de nouveau baissé courant 2009,
elles restent à un niveau nettement supérieur à celui de juillet 2007.
Figure 6: Prime de risque sur le marché interbancaire 14
180
160
Points de base
140
120
Points 100
de base 80
60
40
20
0
07.2007
01.2008
07.2008
01.2009
Source: Bloomberg
Durant la première phase de la crise, les banques de petite et moyenne taille, dont l'activité est
principalement axée sur le marché intérieur, ont été peu touchées par les turbulences qui
secouaient les marchés. Certains établissements, notamment PostFinance et les banques
14
Dans le graphique, la prime de risque sur le marché interbancaire correspond à la différence entre le Libor à
trois mois (taux d'intérêt pour les crédits non couverts entre banques) et le «Tom/Next Indexed Swap» (TOIS) à
trois mois (taux d'intérêt sans risque).
20
Place financière suisse: situation et perspectives
cantonales disposant d'une garantie de l'Etat ainsi que le Groupe Raiffeisen, ont même tiré parti
des inquiétudes liées aux grandes banques et enregistré un afflux important de nouveaux
capitaux.
La propagation de la crise financière à l'économie réelle a entraîné une récession globale, qui se
répercutera également sur les rendements des banques dans un deuxième temps. Le taux de
défaillance des crédits ainsi que les risques de solvabilité des emprunteurs augmenteront,
donnant lieu à de nouvelles corrections de valeurs. Cette seconde phase concernera aussi des
établissements qui, jusqu'à présent, avaient peu subi les effets directs de la crise
Avant la crise, l'emploi dans les banques suisses en Suisse et à l'étranger se caractérisait
principalement par une hausse des embauches dans les grandes banques à l'étranger. Bien que
les statistiques disponibles (cf. figure 2, chiffres jusqu'en 2007) ne montrent encore aucune
baisse, il faut s'attendre à un repli les années suivantes.
3.2.3. Conséquences pour les assurances
En plus des banques, les turbulences sur les marchés financiers ont également affecté les
assureurs, notamment ceux qui opèrent sur les marchés des capitaux. Depuis l'automne 2008,
les primes de risque de crédit de Swiss Life et de Swiss Re, les deux grands assureurs suisses,
ont considérablement augmenté et sont même nettement supérieures à celles des deux grandes
banques. Les primes de risque de Swiss Re ont diminué au cours du premier semestre, alors que
celles de Swiss Life se sont maintenues à un niveau élevé (cf. figure 7). Les assureurs ont
surtout été confrontés à la crise par l'intermédiaire de leurs placements financiers et ils ont dû
procéder à des corrections de valeurs plus importantes que les banques d'investissement,
notamment sur les Credit Default Swaps (CDS). A prestations d'assurances égales, la baisse des
rendements du capital pèse sur les marges bénéficiaires, ce qui accroît la pression financière
dans le secteur des assurances.
Figure 7: CDS des groupes d'assurances
04.2009
03.2009
02.2009
01.2009
12.2008
Swiss Life
11.2008
10.2008
09.2008
08.2008
07.2008
Zurich FS
06.2008
05.2008
04.2008
03.2008
02.2008
1200
1100
1000
900
800
700
600
500
400
300
200
100
0
01.2008
Points
de base
Basispunkte
Swiss Re
Source: Bloomberg
De plus, le ralentissement conjoncturel a eu d'importantes répercussions sur les assureurs, car
les volumes des biens d'investissement et des actifs assurables ont baissé. Les entreprises qui
proposent des assurances-crédit ont dû faire face à un risque de défaillance élevé. Enfin, la
persistance des taux faibles représente une gageure pour les assureurs-vie, car ils doivent
continuer à remplir leurs obligations contractuelles en termes de rendement.
21
Place financière suisse: situation et perspectives
3.2.4. Conséquences pour les caisses de pension
La chute mondiale des cours des actions touche d'autres entreprises et institutions fortement
exposées aux marchés financiers. Les placements des institutions de prévoyance, en particulier
dans les 2e et 3e piliers, sont particulièrement concernés.
Les institutions de prévoyance du 2e pilier doivent présenter leur situation financière et
d'éventuelles mesures correctrices selon les prescriptions en vigueur de l'Office fédéral des
assurances sociales (OFAS). Une enquête préliminaire de l'OFAS a révélé qu'à fin mars 2009,
près de 43 % des caisses de pensions avaient un taux de couverture d'au moins 100 % (aucun
découvert). Dans 39 % des cas, le taux de couverture estimé se situait entre 90 % et 100 %,
tandis qu'à peine 18 % des caisses de pensions comptaient un taux de couverture inférieur à
90 %. En général, la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse,
survivants et invalidité (LPP) 15 prévoit un délai de 5 à 7 ans pour la mise en œuvre de mesures
correctrices. Les caisses de pensions sont donc tenues d'agir pour remédier aux effets de la crise
financière.
Dans le cas des caisses de pensions, il convient de tenir compte du fait que le taux de
conversion dépend des rendements escomptés du capital. Si ceux-ci sont plus faibles, le taux de
conversion doit baisser pour assurer l'équilibre financier des caisses et éviter des transferts
financiers entre les actifs et les retraités.
3.3.
Mesures déjà prises par l'Etat pour renforcer le système financier
suisse
3.3.1. Train de mesures en faveur de l'UBS
Parmi les banques suisses, l'UBS est celle qui a le plus souffert de la crise financière,
principalement en raison de son engagement élevé dans des titres adossés au marché
hypothécaire américain. Depuis le début de la crise, en été 2007 (période entre le troisième
trimestre 2007 et le premier trimestre 2009 inclus), les révisions à la baisse des valeurs et les
pertes sur crédit 16 de l'UBS se montent à 63,5 milliards de francs au total. En 2008, la banque a
dû lever 34,6 milliards de francs en fonds propres supplémentaires.
La perte de capital social par la banque en l'espace de 18 mois a atteint une ampleur qui aurait
été difficilement imaginable avant la crise. Grâce notamment à sa bonne capitalisation au début
des turbulences, l'UBS a su mener à bien deux augmentations de capital auprès d'investisseurs
privés, alors qu'elle a accusé des pertes importantes pendant plus de douze mois. Suite à la
faillite de la banque d'investissement américaine Lehman Brothers en septembre 2008 et en
raison de la méfiance qui en a résulté à l'égard du système bancaire, l'UBS n'est pas parvenue à
trouver à la mi-octobre 2008 un investisseur privé prêt à assumer les risques d'une transaction
similaire à des conditions raisonnables. Elle s'est donc adressée à la Confédération et la BNS,
afin de rétablir une capitalisation suffisante.
Compte tenu de l'importance systémique de l'UBS, le Conseil fédéral, la BNS et l'ancienne
CFB ont présenté le 15 octobre 2008 un train de mesures destiné à stabiliser le système
15
RS 831.40
Les résultats négatifs du groupe présentés par la banque sont notamment plus faibles, car en plus des produits
ordinaires, ils sont mis en parallèle avec des produits comptables générés partiellement par la situation de perte. Il
convient de citer à cet égard les bénéfices comptables résultant de l'aggravation de la propre solvabilité de la
banque, la création d'impôts différés actifs (deferred tax assets) ou la réduction des créances présentées par les
investisseurs pour les emprunts à conversion obligatoire.
16
22
Place financière suisse: situation et perspectives
financier suisse et à renforcer durablement la confiance à l'égard du marché financier. Comme
on ne pouvait exclure qu'une détérioration persistante des marchés entraîne pour l'UBS une
aggravation de la crise de confiance, il a notamment été décidé de recapitaliser la banque et
d'alléger son bilan. Il s'agit là de deux mesures coordonnées:
•
Premièrement, des actifs illiquides d'UBS SA ont été transférés pour un montant de
39 milliards de dollars américains (la limite était de 60 milliards maximum) à une
société à but spécial nouvellement créée par la BNS;
•
deuxièmement, la Confédération a souscrit un emprunt à conversion obligatoire à
hauteur de 6 milliards de francs afin de renforcer la base de fonds propres de l'UBS, ce
qui a permis à cette dernière – entre autres – de doter la société à but spécial du capital
propre requis sans réduire sa propre base de capital. En août 2009, la Confédération s'est
entièrement désengagée de l'emprunt à conversion obligatoire en obtenant un produit net
de quelque 1,2 milliard de francs. La vente s'est faite dans le cadre d'un placement
secondaire à des investisseurs institutionnels suisses et étrangers.
Ces mesures visent, d'une part, à soutenir un établissement d'importance systémique et, d'autre
part, à rétablir la confiance dans cette banque en renforçant sa base de fonds propres et en
allégeant son bilan. Ce faisant, elles contribuent à stabiliser l'ensemble du système financier. Le
paquet de mesures comporte certes des risques financiers pour la BNS, la Confédération et les
cantons, mais les risques pour l'économie seraient bien plus élevés si aucune mesure n'était
prise. Le procédé choisi se justifie donc.
La nouvelle direction de la banque, élue lors de l'assemblée générale d'avril 2009, a dû prendre
des mesures radicales pour diminuer les coûts et éviter des pertes supplémentaires. Les effectifs
ont notamment été réduits pour répondre à la baisse de l'activité commerciale. Fin juin 2009,
l'UBS a une nouvelle fois obtenu des fonds propres sur le marché financier (3,8 milliards de
dollars américains).
3.3.2. Mesures visant à renforcer la protection des déposants
En plus du train de mesures mentionné au ch. 3.3.1, le Conseil fédéral a, dans son message du
5 novembre 2008, proposé au Parlement plusieurs modifications de la loi sur les banques 17 pour
renforcer la protection des déposants. Celles-ci ont été reprises par le Parlement et sont entrées
en vigueur le 20 décembre 2008 par l'intermédiaire d'une loi déclarée urgente valable jusqu'à
fin 2010 18 .
La première mesure concerne le relèvement à 100 000 francs des dépôts protégés. Ce montant
est pour l'instant supérieur à la limite minimale en vigueur dans l'Union européenne (UE).
Deuxièmement, les banques sont tenues de disposer en permanence de créances couvertes en
Suisse ou d'autres actifs situés en Suisse, en fonction des dépôts privilégiés 19 de leurs clients.
Troisièmement, il est désormais possible d'obtenir un remboursement immédiat plus généreux
des dépôts garantis 20 à partir des actifs liquides disponibles d'une banque en difficulté.
Quatrièmement, la limite supérieure du système, c'est-à-dire le montant maximal versé au titre
du système de protection des déposants en cas d'utilisation, a été relevée de 4 à 6 milliards de
17
FF 2008 7951
RO 2009 55
19
Les dépôts privilégiés sont attribués à la deuxième classe en cas de faillite; ils sont ainsi toujours honorés avant
toutes les autres créances et dettes de la banque, sur la base des actifs disponibles dans la masse en faillite.
20
Dépôts garantis: dépôts privilégiés dont le remboursement immédiat est garanti par le système de protection des
déposants.
18
23
Place financière suisse: situation et perspectives
francs. Enfin, conformément à un postulat maintes fois énoncé, les avoirs des fondations de
prévoyance du 2e pilier et du pilier 3a sont soumis au privilège en cas de faillite à concurrence
de 100 000 francs, en plus et indépendamment des autres dépôts.
3.3.3. Autres mesures
-
La réforme en cours du droit de la société anonyme prévoit des adaptations pour les
systèmes de rémunération. De plus, la FINMA publiera à l'automne 2009 des standards
minimums pour l'ensemble du secteur financier. L'UBS a également été contrainte de revoir
ses systèmes d'indemnisation pour les membres de son conseil d'administration et pour sa
direction et de les soumettre à la FINMA. Elle a satisfait à ces obligations en introduisant
un nouveau système de rémunération et en obtenant l'approbation de la FINMA pour les
éléments variables du salaire portant sur l'exercice 2008.
-
En 2008, la FINMA a édicté des exigences plus strictes en matière de fonds propres pour
les deux grandes banques. Le niveau de fonds propres requis sera relevé progressivement
jusqu'en 2013. Des fonds propres plus importants renforcent la capacité de résistance du
système financier et protègent contre des pertes pouvant mettre un établissement en péril,
car ils agissent comme un coussin de sécurité qui absorbe les chocs.
-
La BNS a adopté différentes mesures de politique monétaire afin d'assurer un
approvisionnement suffisant du secteur financier en liquidités.
-
Enfin, le Conseil fédéral a indiqué qu'il était disposé, en cas de besoin, à garantir sur le
marché des capitaux de nouveaux engagements à moyen terme des banques suisses.
Des mesures supplémentaires, notamment en matière de réglementation et de surveillance des
marchés financiers, sont à l'étude. Elles sont détaillées au ch. 4.2.
24
Place financière suisse: situation et perspectives
4.
Nouvelles conditions-cadres
4.1.
Evolution des structures financières internationales
Le présent chapitre présente brièvement les projets de réforme existant au niveau mondial.
Plusieurs initiatives internationales visent à redéfinir le cadre réglementaire afin de corriger les
erreurs du passé et de prévenir les futures crises autant que faire se peut.
4.1.1. Modifications dans les instances financières internationales
La crise financière a démontré qu'une collaboration internationale est importante afin de mettre
en place une réglementation efficace. En plus d'une collaboration pratique des autorités de
surveillance au niveau technique, le Forum de stabilité financière notamment (FSF, désormais
Conseil de stabilité financière, FSB) a élaboré les principes d'une coopération transfrontalière
pour la gestion des crises. La réforme repose sur les 67 recommandations formulées en avril
2008 par le groupe de travail du FSF et sur celles de différents organes de régulation, tels que le
Comité de Bâle, l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) et
l'Association internationale des contrôleurs d'assurance (AICA). Ces principes donnent un
aperçu de l'approche retenue pour développer la collaboration dans les questions réglementaires
fondamentales. Ils s'articulent autour d'un échange complet d'informations entre les autorités de
surveillance, selon des critères définis au préalable. L'élaboration de stratégies communes en
vue d'une gestion transfrontalière des crises est également envisagée afin d'améliorer la
coordination des autorités de surveillance en périodes de crise.
La crise financière a redonné de l'importance au G20 en tant qu'instance internationale. Créé à
la fin des années 1990 après la crise asiatique, c'est un forum de concertation entre les ministres
des finances et les gouverneurs des banques centrales des principaux pays industrialisés et
émergents. En raison de l'aggravation et de la propagation de la crise financière dans le monde,
le G20 a pour la première fois réuni les chefs d'Etat et de gouvernement en novembre 2008. On
ignore toutefois dans quelle mesure il pourra jouer un rôle politique majeur à long terme.
Les travaux mis en œuvre par le G20 se basent, pour l'essentiel, sur ceux d'autres organisations
chargées des activités correspondantes (notamment le Fonds monétaire international [FMI] et le
FSF ou FSB).
Les instances définissant les standards, telles que le Comité de Bâle ou le FSB, ont été
étendues 21 . Ainsi, tous les pays du G20 sont également membres du FSB, contrairement au
FSF. En plus du président, les organes de direction comprennent un nouveau comité de pilotage
(Steering Committee), l'assemblée plénière du FSB et un secrétariat doté de davantage de
personnel, basé à la Banque des règlements internationaux (BRI). La Suisse a adhéré au FSF en
2007. Grâce au développement du FSB, elle dispose désormais d'un second siège et fait partie
du Steering Committee. D'une manière générale, l'adhésion de la Suisse au FSB relève de la
compétence du DFF. Le président de la direction générale de la BNS et le directeur de
l'Administration fédérale des finances (AFF) représentent la Suisse au sein du FSB.
La mise en place du FSB souligne encore plus l'importance d'une collaboration clairement
définie avec le FMI, qui joue un rôle central dans la prévention et la résolution des crises
financières et économiques. On estime actuellement que celui-ci sortira très renforcé de cette
crise financière, qui a mis en évidence le soutien essentiel que le FMI peut apporter à ses pays
21
Sont désormais membres du Comité de Bâle le Brésil, la Chine, l'Inde, la Russie, la Corée du Sud, le Mexique et
l'Australie.
25
Place financière suisse: situation et perspectives
membres. Aussi a-t-il été décidé d'accroître au moins provisoirement les fonds mis à la
disposition du FMI pour garantir son rôle en la matière. A plus long terme, la facilité de
réassurance auprès des Etats membres (nouveaux accords d'emprunt du FMI) sera nettement
consolidée, ce qui permettra de surmonter des crises exceptionnelles comme la crise actuelle
sans trop puiser dans les capacités financières ordinaires du FMI et, partant, sans devoir assister
celui-ci. Le FMI pourrait également asseoir son statut d'institution garantissant la stabilité du
système financier et monétaire international.
4.1.2. Réformes portant sur la surveillance et la réglementation des marchés financiers
au niveau international
D'une manière générale, les pays s'efforcent d'améliorer la qualité et l'efficacité de la
surveillance prudentielle et de la législation sur le plan tant international que national. A cet
égard, il convient de s'assurer que les autorités de surveillance peuvent assumer leurs fonctions
en étant le moins possible soumises aux pressions des politiques et des établissements
surveillés.
Plusieurs institutions publiques et privées ont publié des rapports analysant les causes de la
crise et proposant des réformes correspondantes. Au niveau de l'UE, les réflexions reposent sur
le rapport De Larosière, qui suggère des modifications de la législation européenne. En GrandeBretagne, la «Turner Review» a jeté les bases de la nouvelle politique de réglementation et de
surveillance de la Financial Services Authority (FSA). Le Group of Thirty, le Counterparty
Risk Management Policy Group (CRMPG III), l'Institut de la finance internationale (Institute of
International Finance) et les cercles académiques ont également apporté une contribution
importante (par ex. le «Geneva Report» du Centre International d'Etudes Monétaires et
Bancaires). En dépit de priorités différentes et de quelques divergences techniques, ces
initiatives ont proposé plusieurs pistes de réflexion pour les développements futurs.
Compte tenu des liens étroits existants entre les marchés financiers, la collaboration et l'échange
d'informations entre les autorités, les organes de surveillance et les banques centrales doivent
être renforcés à l'avenir. A cet égard, il convient d'étudier aux niveaux national et international
comment les enseignements issus d'une analyse approfondie des risques pourront conduire à
une réduction des risques excessifs et comment la surveillance pourra être étendue à des
domaines jusqu'ici non réglementés. Des discussions correspondantes sont actuellement
menées, notamment en ce qui concerne les agences de notation. Les fonds en instruments du
marché monétaire qui proposent des opérations similaires à celles des banques pourraient être
soumis à la surveillance prudentielle et bénéficier d'un accès aux facilités des banques centrales.
Les risques systémiques d'autres institutions (par ex. les hedge fonds et les sociétés de private
equity) pourraient également être recensés de manière adéquate par une autorité de surveillance
nationale.
L'application de Bâle II reste une priorité importante, comme en atteste l'exigence relative au
renforcement de la base de fonds propres des banques, qui vise à réduire le poids des éléments
procycliques dans le calcul de ces fonds. De plus, au regard des nouveaux enseignements
acquis, il convient d'adapter la qualité et l'efficacité de la gestion des liquidités des
établissements financiers. Les efforts en la matière devront, là aussi, porter davantage sur
l'ensemble du système financier, car la crise actuelle a clairement mis en évidence des
faiblesses dans le marché interbancaire et dans celui des prêts pour les banques.
Les structures de compensation et la gestion des risques des établissements surveillés doivent
elles aussi être remaniées afin notamment de prévenir la reprise de risques excessifs et de tenir
compte des intérêts à long terme des actionnaires.
26
Place financière suisse: situation et perspectives
Sur le plan international, l'adaptation des dispositions régissant la présentation des comptes est
également à l'étude. Une obligation plus vaste de présentation des comptes et une amélioration
des règles de consolidation pour les véhicules hors bilan devraient accroître la transparence. Il
faut élaborer des directives plus réalistes sur le traitement des instruments peu liquides et
s'efforcer de constituer des provisions adéquates pour les défaillances de crédit attendues.
Conséquences directes des expériences faites ces deux dernières années: les standards des
agences de notation devraient être révisés et le développement des CDS cotés en bourse et des
plates-formes électroniques pour les contrats sur CDS sera encouragé.
Les principales initiatives réglementaires pertinentes pour le secteur financier helvétique sont
présentées ci-après:
•
Renforcement de la base de capital: le Comité de Bâle examine actuellement une
modification des exigences de fonds propres afin de créer des coussins de sécurité. Un ratio
d'endettement, c'est-à-dire un indicateur non basé sur le risque pour les fonds propres,
devrait être introduit en complément – et non en remplacement – de ces exigences
pondérées en fonction des risques. Il est déjà en vigueur aux Etats-Unis et au Canada et
concernera désormais également les grandes banques suisses. Le groupe de travail
compétent propose une définition relativement étroite des fonds propres. En revanche, la
somme du bilan, qui se base sur les chiffres figurant dans la présentation des comptes,
devrait être mesurée en tenant compte des opérations hors bilan et des titrisations, le but
étant de fixer un cadre réglementaire plus strict que celui qui s'applique actuellement aux
grandes banques suisses. Le calibrage du ratio proprement dit sera toutefois déterminant.
Dans le domaine des assurances, les travaux de l'AICA sur la garantie de la solvabilité
porteront davantage à l'avenir sur les défis découlant des structures de groupe.
•
Meilleure gestion des liquidités: l'évaluation erronée des risques de liquidités est l'un des
principaux défauts mis en évidence par la crise dans la gestion des risques des banques. Le
Comité de Bâle travaille notamment à l'élaboration de directives sur la gestion des
liquidités. Plusieurs instances nationales préparent des mesures basées notamment sur des
tests de résistance rigoureux, l'objectif étant que les entités disposent localement, à court
terme, de liquidités suffisantes lorsque la maison-mère étrangère, par exemple, rencontre
des difficultés.
•
Systèmes de rémunération axés sur les objectifs à long terme de l'entreprise: plusieurs
recommandations internationales (G20, FSF, UE, OCDE) visent à réformer les systèmes de
rémunération existants, qui ont contribué partiellement à la crise. Un groupe de travail du
FSF a élaboré des principes en la matière.
•
Renforcement de la protection des déposants: différents cas, dont ceux de Kaupthing Bank
en Islande et de Northern Rock en Grande-Bretagne, ont montré l'importance d'un système
de protection des déposants efficace et crédible tant pour protéger les petits épargnants que
pour préserver la confiance dans le système financier. Plusieurs pays, dont la Suisse, ont
alors décidé d'augmenter la somme assurée par déposant et la capacité globale du système.
Sur le plan international, une commission rattachée au groupe de travail du Comité de Bâle
dirigé conjointement par la FINMA et la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC)
américaine a élaboré les principes fondamentaux d'un système efficace de protection des
déposants (Core Principles for Effective Deposit Insurance Systems). 22
•
Echange transfrontalier d'informations entre les autorités de surveillance: les initiatives
visant à améliorer l'échange d'informations, qui avaient été lancées avant la crise,
bénéficient désormais d'une priorité accrue. On citera notamment les Multilateral
22
Ces principes ont été publiés en mars 2009 en vue d'une consultation.
27
Place financière suisse: situation et perspectives
Memoranda of Understanding de l'OICV et de l'AICA. Les pays qui ne respectent pas les
principes internationaux relatifs à l'échange d'informations entre autorités font face à une
pression croissante.
•
Intensification de la coopération internationale entre les autorités de surveillance: les
activités internationales des établissements financiers nécessitent une collaboration étroite
des autorités de surveillance. C'est pourquoi le FSF avait demandé, pour les plus grands
établissements financiers internationaux, la création d'instances de contrôle, composées de
représentants des principales autorités de surveillance des pays d'origine et d'accueil. La
coordination et l'échange d'informations doivent être intensifiés au sein de ces instances en
vue d'une surveillance constante. Celles-ci avaient déjà été créées par le prédécesseur de la
FINMA pour les établissements internationaux domiciliés en Suisse (UBS, CS, Swiss Re,
ZFS). Elles ont fait leurs preuves et ont été reconduites par la FINMA. L'AICA examine
elle aussi activement cette thématique.
•
Gestion internationale des crises: suite à la crise, les banques centrales, les autorités de
surveillance et les gouvernements ont dû prendre rapidement des mesures de sauvetage pour
prévenir une aggravation de la situation. Ces mesures, décidées au niveau national, étaient
peu coordonnées entre elles et se sont révélées insuffisantes pour combattre la crise. Un
groupe de travail du comité de Bâle, qui est dirigé conjointement par la FINMA et la FDIC,
a émis des recommandations pour améliorer ces mesures sur le plan national ainsi que leur
coordination au niveau international. Au sein de l'AICA, l'Executive Committee et la
Financial Stability Task Force, notamment, se sont penchés sur des sujets similaires.
•
Renforcement de la surveillance macroprudentielle: la crise a montré que la surveillance
microprudentielle de certains établissements devait être complétée par une surveillance
macroprudentielle de la stabilité du système. Au niveau mondial, ce rôle devrait être assumé
par le FMI, en collaboration avec le FSB.
•
Extension de la réglementation: partout dans le monde, des initiatives voient le jour afin
d'étendre la réglementation à des acteurs du marché qui n'y étaient pas encore soumis. Elles
portent notamment sur l'introduction d'un système de surveillance des agences de notation
(UE) ainsi que sur l'extension des dispositions aux participants du «secteur bancaire
parallèle», tels que les hedge fonds, les sociétés de private equity, les fonds multicédants,
etc. (OICV, UE, Etats-Unis).
•
Réduction des effets procycliques de la réglementation 23 : le Comité de Bâle et les autorités
de surveillance nationales sont en train d'adapter l'accord de Bâle II afin d'atténuer les
tendances procycliques de la réglementation. Des exigences de fonds propres plus élevées
devraient s'appliquer en particulier aux positions du portefeuille de négoce des banques.
•
Consolidation des infrastructures du marché: plusieurs initiatives (G20, FSF, CRMPG III)
préconisent également la création de contreparties centrales (Central Counterparty, CCP)
pour les dérivés de crédit. Aux Etats-Unis, une plate-forme correspondante se charge déjà
du clearing des contrats sur CDS. En Europe, Eurex souhaite proposer des services de
clearing sur CDS à partir du deuxième trimestre.
•
Présentation des comptes: l'objectif est d'améliorer la présentation des comptes basée sur la
juste valeur et d'arriver, à moyen terme, à une harmonisation des standards en la matière.
23
La réglementation en vigueur conduit, en cas de conditions favorables sur les marchés, à une augmentation de
positions générant par la suite des amortissements lorsque les conditions des marchés se détérioraient. Ces
amortissement peuvent requérir un renforcement de la capitalisation, aggravant davantage les difficultés du secteur
financier.
28
Place financière suisse: situation et perspectives
•
Meilleure intégrité du marché: l'OICV élabore, entre autres, des principes uniformisant les
obligations de contrôle et d'information relatives aux ventes à découvert. Les autorités
nationales ont mis en place différentes réglementations – dans la mesure où celles-ci
n'existaient pas encore 24 – pour contrecarrer les effets déstabilisateurs de ces ventes.
•
Transparence accrue: les incertitudes quant à l'ampleur et à la répartition des risques au
sein du système ont accentué la crise. C'est pourquoi des instances internationales (Comité
de Bâle, OICV) planchent sur une extension des obligations d'information.
•
Coordination des stratégies de désengagement: (cf. ch. 4.3.6.).
4.2.
Perspectives en matière de réglementation et de surveillance en Suisse
Les multiples initiatives lancées au niveau international susciteront également un durcissement
des réglementations nationales. Ceci est d’autant plus vrai que de nombreux Etats se sont
engagés dans des intermédiaires financiers pour soutenir les marchés. Sur les plans national et
international, la crise constitue l’occasion de promouvoir des projets existants ou de lancer de
nouvelles initiatives en matière de réglementation. Il en va ainsi des objectifs de réglementation
antérieurs à la crise qui n’entretiennent pas nécessairement de rapport direct avec elle.
D’aucuns demandent par exemple la régulation des hedge funds et des capitaux investissement,
deux domaines qui ne sont pourtant pas considérés comme ayant directement provoqué la crise.
Par ailleurs, des initiatives ont été lancées pour renforcer la collaboration en matière fiscale. A
cet égard, il s’agit d’étayer solidement les projets proposés, tout en veillant à ne pas affecter
inutilement la compétitivité ni la capacité d’innovation de la place financière au moment de la
mise en œuvre. Les expériences acquises avec la crise mettent clairement en lumière les limites
de la coopération internationale et de la convergence des réglementations: tandis que les
groupes financiers internationaux sont dirigés au niveau mondial, les autorités nationales
tendent à prendre des mesures à portée domestique, voire protectionniste, en temps de crise afin
de préserver les intérêts nationaux. Pour y faire face, les institutions de surveillance pourraient
étendre leur collaboration sur un plan international. Ceci ne doit toutefois pas empêcher
l'élaboration de mesures nationales, afin d'augmenter la résistance du système financier (par ex.
grâce à l’introduction d’un ratio d’endettement).
En avril 2008, le FSF, auprès duquel la Suisse était représentée par la Banque nationale, a
publié un rapport sur le renforcement de la capacité de résistance des marchés et des
institutions. Ce document préconisait une prise en compte des enseignements de la crise des
subprimes. Il proposait un catalogue de 67 recommandations à l’attention des autorités
nationales compétentes et des autres protagonistes. L’ancienne CFB a examiné ces
recommandations. Cinq axes principaux de mesures s’en dégagent, qui devront être mis en
œuvre sans délai: augmentation des fonds propres des grandes banques, surveillance des
liquidités au sein de celles-ci, systèmes de rémunération en fonction du risque, et coopération et
gestion internationales des crises. Remplaçant la CFB, la FINMA est en train d’analyser en
profondeur lesdites recommandations ou a déjà engagé des mesures en relation avec les points
précités.
Des réflexions sont en cours à divers niveaux, mais n’ont encore abouti à aucune proposition
concrète. Dans la perspective des évolutions internationales, il est étudié en particulier la
possibilité de soumettre les acteurs non réglementés du marché à une surveillance efficace
orientée sur les risques. A cet égard, il s’agit de déterminer le degré de convergence nécessaire
24
Cf. communiqué de la CFB de septembre 2008
29
Place financière suisse: situation et perspectives
entre la réglementation nationale et les initiatives internationales afin de satisfaire aux critères
internationaux – pour autant que cela soit jugé opportun. De plus, il convient de tenir compte
des effets de la forme de surveillance choisie sur la concurrence. Il pourrait s'agir par ex. d'une
surveillance étatique, ou d’autres formes de surveillance, telles qu’une procédure
d’enregistrement couplée à des prescriptions sur la transparence.
Dans les domaines cités ci-après, les travaux sont déjà bien avancés dans notre pays.
4.2.1. Exigences en matière de fonds propres et gestion des liquidités
En 2008 déjà, une collaboration étroite entre la CFB et la BNS permettait d’aboutir à un projet
de durcissement des prescriptions en matière de fonds propres. Suite à cette collaboration, la
CFB adoptait, le 20 novembre 2008, des décisions touchant les deux grandes banques, et qui
visaient à introduire un ratio d'endettement tout en augmentant le niveau d’exigences en matière
de fonds propres en fonction des risques.
Au travers des exigences en matière de fonds propres, on cherche également à atténuer la
procyclicité du régime de Bâle II. En période de croissance, un coussin de liquidités doit être
constitué, pour être utilisé en période de crise.
Par ailleurs, la crise a mis en lumière que la réglementation de la gestion des liquidités était tout
aussi importante que celle des fonds propres. Un groupe de travail commun à la BNS et à la
FINMA travaille actuellement à la définition de nouvelles prescriptions en matière de liquidité
pour les grandes banques. Selon le nouveau régime, dont l’introduction est prévue pour 2010,
les banques devront prouver, au moyen de scénarios de résistance, que leur structure
commerciale leur permet de résister à une profonde crise des liquidités. D’une part, des actifs
suffisamment liquides devront permettre de compenser à court terme les éventuelles sorties de
fonds; d’autre part, les ventes et mises en gage d’actifs requises ne devront pas nuire à la
solvabilité de la banque. Les hypothèses et modèles sous-jacents utilisés par les établissements
seront soumis à l’approbation de la FINMA.
4.2.2. Systèmes de rémunération
Les autorités de surveillance, ainsi que l’opinion publique ont rapidement évoqué toutes sortes
de mesures en vue de systèmes de rémunération tenant compte des risques. La FINMA prévoit
de publier une circulaire à ce sujet à l’automne 2009. Cette circulaire ne se limitera pas aux
banques, mais s’appliquera également aux entreprises d’assurance, aux directions de fonds et
aux négociants en valeurs mobilières. Le projet de réglementation de la FINMA est coordonné
au niveau international. Les futurs standards minimaux envisagés reposent sur les
recommandations du FSF. Ils les préciseront, voire les dépasseront dans certains domaines.
A l’avenir, la politique de rémunération ne devra offrir aucune incitation à une prise de risques
inappropriés. L’excès de risque devra se répercuter sur la rémunération des collaborateurs
concernés. Tous devront être encouragés à tenir systématiquement compte des risques induits
par leur comportement.
La FINMA exige que les systèmes de rémunération soient correctement appliqués dans tous les
secteurs pertinents d’une entreprise. Pour ce faire, elle édictera des prescriptions en matière de
bonne gouvernance et de procédures de contrôle, qui permettront une application intégrale et
ciblée, dans toute l’organisation, des réglementations concernant les rémunérations. Dans le
cadre du processus de réglementation, la FINMA a lancé une procédure d’audition publique en
publiant le projet de circulaire assorti du rapport en juin 2009. La FINMA publiera la circulaire
30
Place financière suisse: situation et perspectives
au deuxième semestre 2009, au terme de l’audition et de l’analyse des avis qui lui seront
parvenus.
4.2.3. Dispositions régissant l’établissement des comptes
Avec la crise des marchés financiers, les dispositions régissant l’établissement des comptes ont
fait davantage parler d’elles. Les normes les plus évoquées à ce titre étaient les International
Financial Reporting Standards (IFRS) et les US Generally Accepted Accounting Principles (US
GAAP), deux ensembles de règles internationales également utilisables en Suisse pour la
consolidation des comptes annuels.
Les deux organes de régulation concernés, l’International Accounting Standards Board (IASB)
pour les IFRS, et le Financial Accounting Standards Board (FASB) pour les US GAAP, ont été
invités à réviser leurs normes et à promouvoir plus activement l’harmonisation de celles-ci.
Dans un premier temps, il s'agit de traiter deux sujets devenus déterminants à cause de la crise:
l’évaluation des instruments financiers à leur juste valeur, et la consolidation des sociétés à but
spécial (special purpose entities, SPE).
La FINMA suit l'évolution de ce dossier et veille à ce qu’il tienne compte des questions de
surveillance. En raison de la disparité des objectifs poursuivis, il se peut en effet que la
présentation des comptes n’évolue pas nécessairement dans le sens des besoins du droit de
surveillance. Dès lors, il est essentiel d’élaborer des positions correspondantes au niveau du
droit de surveillance, principalement par le biais d’une collaboration internationale.
4.2.4. Système global et établissements individuels
La crise que nous traversons est le résultat d'un malheureux concours de facteurs macroéconomiques et de facteurs spécifiques aux marchés financiers. Dès lors, la FINMA accordera
un poids plus important à l’analyse de ces interactions et étendra sa surveillance aux aspects
systémiques dans leur ensemble. Elle ne se contentera donc pas de surveiller des établissements
individuels, mais examinera des secteurs entiers quant à leur stabilité systémique. Elle élargira
son approche des entreprises pour réaliser une surveillance dite «macroprudentielle» au niveau
international. Ce faisant, elle comblera la lacune qui existe entre les évaluations macroéconomiques, entre autres celles de la BNS, et le profil de risque des différents établissements.
La FINMA doit pour cela élargir ses compétences en matière d'analyse économique et
approfondir sa collaboration en particulier avec la BNS, les organismes internationaux et les
autorités de surveillance d'autres pays afin de déceler les risques suffisamment tôt.
Dans la mesure où la base légale (LFINMA et loi sur la Banque nationale) ne change pas, la
coopération actuelle entre la FINMA et la BNS (cf. chapitre 2.4) ne devrait pas connaître de
modifications radicales. L’échange d’informations sur les risques systémiques n’en devra pas
moins être intensifié. La concertation des constats respectifs, leur étude critique et l’apport de
compléments devra garantir l’identification la plus rapide possible de tels risques à l’avenir. Les
deux instances disposent chacune de leurs propres instruments destinés à pallier de manière
appropriée les faiblesses du système global.
Il s'agira de compléter le dispositif actuel de surveillance en développant la capacité à analyser
les risques qui s'étendent au-delà des établissements individuels et en améliorant l’efficacité de
la surveillance dans le cadre d’une approche basée sur les risques. Par ailleurs, il sera nécessaire
d'intensifier l’interaction avec les établissements surveillés à tous les niveaux, d'effectuer des
contrôles sur place et de tenir compte de données externes et des évolutions extraordinaires
susceptibles d’affecter des modèles commerciaux pourtant performants en apparence. Enfin,
31
Place financière suisse: situation et perspectives
dans le cadre de son activité de surveillance, la FINMA fera procéder à un nombre croissant de
tests de résistance.
4.2.5. Protection des déposants
Après l'entrée en vigueur le 20 décembre 2008 de la révision urgente de la législation qui est
limitée au 31 décembre 2010 la discussion sur des mesures supplémentaires se poursuit. Pour
l'instant, le financement de ce système intervient a posteriori, c’est-à-dire qu’il n’est fourni
qu’en cas d’insolvabilité d’un établissement. Cette pratique, avantageuse au niveau des coûts,
présente plusieurs inconvénients: les fonds ne sont pas immédiatement disponibles et
l’obligation faites aux banques de verser leur contribution après coup exerce un effet
procyclique. Le système n’est pas non plus en mesure garantir l’intégralité des dépôts ouverts
auprès des grandes banques et ses limites ne sauraient être étendues à volonté, au risque de voir
le sauvetage d’une banque en difficulté fragiliser les autres banques. Enfin, dans son
aménagement actuel, le système ne tient pas compte des risques, ce qui crée de fausses
incitations, en particulier en matière de prise de risque de la part des banques et des clients. Par
ailleurs, il est important de ne pas entraver l'activité des banques par des obligations excessives.
Une protection des déposants trop généreuse pourrait alors entraîner des désavantages envers
des compétiteurs étrangers.
Pour toutes ces raisons, un groupe de travail composé de représentants de l’AFF, de la FINMA
et de la BNS a entrepris un réexamen fondamental de la protection des déposants et formulé des
propositions d'élaboration, sur mandat du DFF. Il a également étudié quelles modifications
urgentes de 2008 devaient intégrer le droit permanent. Les résultats du travail de ce groupe
constitueront la base du projet qui devrait vraisemblablement être mis en consultation par le
Conseil fédéral à l’automne 2009. Les propositions du groupe de travail visent à combler les
lacunes du système actuel. Le nouveau concept se fonde sur le système existant afin de le
remplacer à terme, de manière à éviter un choc financier insupportable.
4.3.
Place financière et concurrence internationale
4.3.1. Atouts de la Suisse dans le contexte de la concurrence internationale
L’environnement fiscal, réglementaire et économique général est un facteur-clé du secteur
financier. L’Etat peut influencer cet environnement par le biais de la législation d’une part, et
de sa politique à long terme en matière de marchés financiers d’autre part. La surveillance et la
réglementation de ces derniers revêtent donc une importance majeure, au même titre que
l’aménagement de la fiscalité. La crise financière et économique actuelle provoque des
bouleversements dont l’impact sur la concurrence internationale demeure difficilement
mesurable à l’heure actuelle.
En août 2003, le DFF publiait des «Lignes directrices régissant la politique à l’égard de la place
financière». Il y formulait pour la première fois une politique globale et active en faveur de la
place financière suisse. Ce document visait à assurer la compétitivité internationale, de garantir
le bon fonctionnement, l’efficacité, et la stabilité de la place financière suisse, ainsi que de
préserver l’intégrité de celle-ci. Afin d’améliorer le plus possible l’efficacité de la
réglementation des marchés financiers dans la perspective de la concurrence internationale, le
DFF a publié, à l’automne 2005, des «Lignes directrices applicables à la réglementation des
32
Place financière suisse: situation et perspectives
marchés financiers». Celles-ci servent encore de guide pour une conception optimale de la
réglementation des marchés. 25
Les perturbations actuelles tendent à aviver la concurrence internationale entre centres
financiers. La place financière Suisse fait face à de multiples évolutions politiques et
réglementaires. La reprise des directives de l’OCDE relatives à l’assistance administrative et à
l’entraide judiciaire en matière fiscale nécessite l'adaptation de modèles commerciaux actuels
dans le domaine de la gestion de fortune. Le dialogue mené avec l’UE concernant l’imposition
des sociétés holding, des sociétés mixtes et des sociétés d’administration 26 se poursuit. De plus,
le processus de réglementation subit toujours plus l’influence des évolutions internationales, qui
rétrécissent la marge de manœuvre nationale. En plus de redimensionner le secteur financier
d’une manière généralisée au niveau mondial, la crise financière que nous traversons pourrait
aussi fortement modifier la compétitivité des différents centres financiers. Ces mutations sont à
double tranchant pour la Suisse en tant que place financière internationale, car elles sont
porteuses non seulement de risques, mais aussi d’opportunités.
La compétence et les liens internationaux de la place financière suisse, assortis d'un contexte
réglementaire qui demeure favorable dans le domaine de la gestion de fortune, constituent des
atouts par rapport aux autres places financières. Au vu de la tendance actuelle au durcissement
des réglementations, de tels avantages peuvent avoir deux effets sur la Suisse. D’un côté, la
pression exercée sur notre pays pour qu’il s’aligne sur les normes internationales pourrait
s’alourdir, ce qui le pénaliserait par rapport aux places financières dont le gouvernement
échapperait à cette pression. Il perdrait ainsi des avantages concurrentiels et verrait sa position
dans la gestion de fortune remise en question. D’un autre côté, il pourrait se distinguer dans un
environnement réglementaire remodelé. La Suisse poursuit en effet ses efforts de coopération
avec les organismes internationaux et d’adoption d’une nouvelle réglementation. Elle entend de
la sorte exploiter la marge de manœuvre restante et consolider ses avantages concurrentiels
relatifs. Cet objectif suppose toutefois le renforcement préalable de la stabilité du système
financier à long terme.
La Suisse bénéficie d’un contexte général favorable. Le niveau de formation élevé et un capital
humain intéressant y contribuent notamment. Cet état de fait s’explique, entre autres, par des
hautes écoles axées sur la technique et l’économie qui encouragent l’innovation, mais aussi par
la diversité linguistique. La place financière profite également de cette situation dans la mesure
où elle dispose d’un vivier de talents bien formés. En outre, les accords de libre circulation des
personnes conclus avec l'UE représentent un potentiel supplémentaire pour le recrutement de
travailleurs qualifiés, ce qui représente un avantage général pour la place économique suisse.
L’infrastructure suisse est globalement excellente, spécialement dans le domaine des transports.
Sa grande accessibilité internationale contribue à sa forte compétitivité. La performance de son
infrastructure de communication (réseaux de fibres optiques) s’avérera certainement
déterminante ces prochaines années.
L’intervention étatique sur les marchés financiers est restée relativement limitée à ce jour
comparé avec d'autres Etats de l'OCDE. Une politique financière et budgétaire axée sur la
durabilité, la stabilité de la monnaie et du contexte politique renforcent également la place
financière suisse. Tous ces facteurs devraient permettre à notre pays de retrouver une position
25
26
Les deux publications sont disponibles à l'adresse: http://www.efd.admin.ch/dokumentation/grundlagenpapiere
L’imposition différenciée des sociétés selon leur forme juridique est en principe du ressort des cantons.
33
Place financière suisse: situation et perspectives
concurrentielle privilégiée au moment de la reprise conjoncturelle, à condition toutefois qu’il
sache tirer les enseignements de la crise actuelle.
4.3.2. Accès aux marchés
Les prestataires suisses de services financiers dépendent de l’ouverture des marchés étrangers.
Les tendances protectionnistes, en particulier dans le secteur financier, pourraient favoriser la
fermeture progressive de certains marchés aux intervenants étrangers.
La crise financière a mis un frein aux flux transfrontaliers de capitaux. Non seulement les
banques ont réduit leurs positions risquées dans des engagements étrangers, désireuses de
liquider le risque de leur bilan, mais certains Etats cherchent aussi à durcir le régime applicable
aux marchés financiers. Dans les faits, il faut entre autres s’attendre à une limitation des
prestations internationales. Les efforts de réglementation servent non seulement à stabiliser le
système financier, mais aussi parfois à retenir un maximum de substance fiscale à l’intérieur du
pays. Parfois, des mesures sont prises pour entraver l’accès des établissements étrangers aux
marchés domestiques. Enfin, les incertitudes quant au futur profil de la réglementation poussent
à la hausse les coûts et les risques des transactions transfrontières.
Avant la crise, les prestataires de services financiers étaient déjà confrontés à des obstacles
quant à l'accessibilité de marchés étrangers. Ces obstacles semblent s'être accrus récemment ou
menacent de l'être. Les libéralisations en cours dans le cadre de l'Organisation mondiale du
commerce (OMC) ne garantissent pas un accès complet aux marchés de certains partenaires
commerciaux importants, comme par exemple l'UE. Il n'existe pas d'accord entre la Suisse et
l'UE qui permettrait une offre transfrontalière sans entrave de services financiers vers le marché
intérieur, ou une liberté d'établissement allant au-delà de l'accord sur les assurances de l'année
1989. Dans des domaines non-harmonisés, les membres de l'UE sont en outre libres de dresser
des obstacles envers des Etats tiers, comme la Suisse.
Dans le passé la suisse était disposée à accepter un certain nombre d'obstacles à un accès aux
marchés de l'UE afin de bénéficier d'une réglementation propre, favorisant la position
concurrentielle du secteur financier. Compte tenu de l'élargissement réglementaire actuel et du
danger d'un accroissement des obstacles envers l'accès aux marchés, cette question devrait à
nouveau être évaluée dans le cadre des relations avec l'UE.
Une diminution du trafic de capitaux entre les pays de l’OCDE et avec les marchés émergents
saperait les efforts déployés jusqu’ici et mettrait à mal l'économie de tous les pays concernés,
dont la Suisse. Avec son économie hautement dépendante des relations commerciales
internationales, notre pays est fortement exposé aux dangers du protectionnisme. Pour les
contrer, il s’efforce d’éliminer les obstacles spécifiques d’accès aux différents secteurs et aux
différents partenaires commerciaux. Dans les organismes multilatéraux, la Suisse s’engage
contre la discrimination des opérateurs étrangers.
4.3.3. Contexte fiscal
Un environnement fiscal favorable aux entreprises constitue un gage essentiel de croissance et
d’emploi. Une particularité du système financier helvétique est parfois considérée comme un
inconvénient: le droit de timbre fédéral. L’imposition de chaque transaction financière peut
entraver l'émission et le négoce de produits financiers. Or la stratégie d’une place financière
doit tenir compte de l’aspect de la fiscalité et empêcher que les conditions offertes ne soient
moins attrayantes que dans les pays concurrents.
34
Place financière suisse: situation et perspectives
Dans l’optique d’une consolidation de la position de la Suisse au sein de la concurrence fiscale
internationale, le Conseil fédéral a entamé un troisième volet dans la réforme de l’imposition
des entreprises. Les travaux sont en cours et le projet correspondant devrait être mis en
consultation à l’automne 2009. Les réformes fiscales engagées dans de nombreux autres pays
risquent de faire perdre du terrain à la Suisse. Les analyses du groupe de travail qui soustendent l’orientation du troisième volet de réforme soulignent que la Suisse demeure
compétitive au niveau de l’imposition des bénéfices des entreprises, même si certaines taxes,
dont le droit d’émission, enrayent la croissance. Dès lors, le nouveau train de mesures devrait
proposer, dans la loi sur l’harmonisation des impôts directs, la suppression du droit d’émission
sur les fonds propres et les fonds de tiers, l’exonération de l’impôt anticipé et du droit de timbre
sur les transactions internes aux groupes, ainsi que la suppression facultative de l’impôt
cantonal sur le capital. Par ailleurs, les statuts fiscaux cantonaux devront être modifiés (sociétés
mixtes, de holding et d’administration) de manière à traiter sur un pied d’égalité les bénéfices
réalisés par les sociétés suisses et les sociétés étrangères. Ces mesures étaieront la position de la
Suisse en tant que place fiscale et garantiront sa reconnaissance internationale. Avec
l’adaptation prévue des statuts fiscaux, le Conseil fédéral répond également à certaines requêtes
de l’UE, qui avait introduit ce thème dans le cadre de la controverse fiscale.
4.3.4. Assistance administrative et entraide judiciaire
Lancés pour enrayer la crise par de nombreux pays, les programmes de sauvetage et de relance
conjoncturelle alourdissent la dette de l’Etat déjà existante. Ceci suscite le désir politique de
recourir à de nouvelles sources de financement et de combler les failles dans l’imposition des
revenus de la fortune des ressortissants des différents pays concernés. Le rôle de la coopération
fiscale internationale a ainsi gagné en importance. Le Conseil fédéral a décidé par conséquent
de reprendre le standard relatif à l’assistance administrative en matière fiscale énoncé à l’art. 26
du Modèle de convention de l’OCDE, et de retirer la réserve qu’il avait formulée à l’encontre
de cette disposition.
La politique d’assistance administrative en matière fiscale décidée par le Conseil fédéral devra
être mise en œuvre par le biais d’une révision des conventions de double imposition (CDI) en
vigueur et de la conclusion de nouveaux accords. Engagé en avril 2009, ce processus devra être
mené à bien rapidement 27 . Les négociations avec les différents Etats seront en principe menées
dans l’ordre suivant:
1. membres de l’OCDE,
2. Etats avec lesquels des contreparties peuvent être négociées dans d’autres domaines de
la convention déterminants pour l’économie suisse 28 , ou avec lesquels il existe de
bonnes chances de conclure rapidement les négociations.
Dans ce contexte, il convient de relever également la décision du Conseil fédéral de s’en tenir à
l’accord bilatéral sur la fiscalité de l’épargne même après sa décision de reprendre le standard
27
Pour le Conseil fédéral, la future politique d’assistance administrative en matière fiscale doit respecter les
critères suivants:
− échange d’informations accordé uniquement sur demande (pas d’échange automatique);
− assistance administrative limitée au cas par cas (pas de chasse systématique aux renseignements);
− restriction aux impôts tombant sous le coup de la convention;
− interdiction de la rétroactivité;
− principe de subsidiarité et de réciprocité;
− préservation des possibilités de recours des personnes concernées.
28
Des exigences spécifiques à chaque pays doivent compléter les différentes négociations sur les CDI. Il s’agit
d’exploiter le potentiel d’amélioration auquel la Suisse n’avait pas accès jusqu’à présent à cause de l’assistance
administrative restreinte qu’elle offrait.
35
Place financière suisse: situation et perspectives
de l’OCDE. Car l’assistance administrative sur demande, telle que définie par le standard de
l’OCDE, ne saurait remplacer la retenue d’impôt convenue dans le cadre de l’accord bilatéral.
Selon les règles de l’OCDE, l’assistance administrative sur demande est en effet un instrument
adéquat pour combattre la soustraction des revenus provenant d’une activité lucrative et des
bénéfices réalisés par les entreprises. Par contre, la retenue d’impôt est une mesure plus efficace
pour garantir l’imposition des revenus des capitaux et en particulier des intérêts (en cas de
soustraction d’impôt, on parle ici de «deuxième infraction»). A fin 2008, la Suisse
communiquait déjà à l’UE qu'elle était en principe prête à engager des discussions techniques
en vue de modifier l’accord sur la fiscalité de l’épargne. Si la Suisse reste aujourd'hui ouverte à
ces discussions, le fait qu'elle soit disposée à reprendre le standard de l'OCDE relatif à
l’assistance administrative a créé une nouvelle situation, qui devra être prise en considération
en cas de modification de l’accord. En revanche, pour le Conseil fédéral, l’échange automatique
d’informations n’entre pas en ligne de compte.
4.3.5. Infrastructure des marchés financiers
L’infrastructure des marchés financiers se compose essentiellement de plates-formes d’échange
(bourses), lesquelles comprennent des mécanismes de décompte et de règlement, des systèmes
centralisés de traitement des paiements (p. ex. Swift et SEPA 29 ), ainsi que des réseaux de
données et de communication. En ce qui concerne ces derniers, Londres poursuit par exemple
une stratégie ciblée.
L’infrastructure des marchés financiers appartient majoritairement à des opérateurs privés. En
tant que propriétaires de réseaux de données et propriétaires d’immeubles, les deux grandes
banques assument donc un rôle de premier ordre.
En Suisse, la structure du négoce et du traitement des ordres boursiers a été remaniée pour
laisser la place à une organisation verticale. Début 2008, le SIX Group naissait de la fusion de
SWX Group (Bourse), du SIS Group (prestations en matière de titres) et du Telekurs Group
(information financière). L’entreprise d’infrastructure offre des services aux opérateurs
nationaux et internationaux de la place financière suisse. Ses compétences embrassent aussi
bien le négoce de titres, les prestations sur titres, les informations financières et le service des
paiements. La société est détenue par quelque 160 actionnaires nationaux et étrangers qui
recourent également à son infrastructure. Début 2008, le négoce de la plate-forme virt-x (pour
les blue chips suisses) était également intégré à SWX Europe et ainsi rapatrié depuis Londres
vers la Suisse.
Un dialogue noué avec le SIX Group devra permettre de déterminer les défis à venir liés à
l’infrastructure des marchés financiers, ainsi qu’aux actions à engager pour les maîtriser. Toute
évolution de la réglementation desdits marchés est susceptible d’accentuer ou d’amoindrir le
rôle de l’infrastructure. Par exemple, lorsque les critères de surveillance boursière diffèrent
d’un Etat à l’autre, l'entreprise d'infrastructure joue un rôle plus important que lorsque les
critères de surveillance sont harmonisés.
4.3.6. Distorsions de concurrence et stratégies de désengagement
Les Etats ont pris différentes mesures de lutte contre la crise et sont intervenus dans le
fonctionnement du marché. Des bilans bancaires ont été assainis grâce au transfert d’actifs
29
SEPA (Single Euro Payments Area): espace unique de paiement en euro qui devrait être achevé d’ici à 2010. Le
SEPA est né d’une collaboration entre des banques et des associations de banques de toute l’Europe, y compris de
la Suisse. Depuis le 28 janvier 2008, il est possible de réaliser des virements SEPA dans toute l’Europe de manière
totalement automatique et standardisée, ce qui simplifie le virement électronique des paiements dans la zone euro.
36
Place financière suisse: situation et perspectives
illiquides à des sociétés à but spécial. Certains Etats ont pris part aux fonds propres de banques
en difficulté afin de consolider la base de capital de ces dernières. Des garanties étatiques pour
des emprunts bancaires ou des crédits ont été octroyées à des entreprises d’autres secteurs.
Après avoir épuisé l'arsenal d'instruments classiques, les banques centrales ont recouru à des
mesures non conventionnelles, telles l’acquisition d’obligations de débiteurs privés, afin de
fournir suffisamment de liquidités à l’économie et de réduire les primes de risque sur les
emprunts à long terme.
Toutes ces mesures étatiques faussent la concurrence à différents degrés, non seulement entre
concurrents sur un plan national, mais aussi au niveau international. Premièrement, elles
pénalisent les entreprises qui ne jouissent d’aucune garantie étatique, soit parce qu’elles ont leur
siège à l’étranger, soit parce qu’elles n’ont sollicité aucune aide. Les emprunts des banques
suisses notamment ne bénéficient d’aucune garantie à ce jour. Deuxièmement, l’intervention de
l’Etat peut servir à poursuivre des objectifs politiques au travers de l’influence exercée sur la
politique commerciale de l’entreprise concernée. Contrairement à une garantie d’Etat, un
gouvernement pourrait entre autres exiger l’assouplissement des critères d’octroi de crédits aux
entreprises du secteur de l'industrie. Le cas échéant, il y aurait un risque de voir les capitaux
mal affectés, c’est-à-dire octroyés par exemple à des entreprises qui assurent certes un grand
nombre d’emplois ou constituent un symbole national, mais dont les chances de survie sont
maigres. L’octroi prudent des crédits fait toutefois partie intégrante d’une gestion responsable.
Les garanties étatiques, et parfois les efforts visant à garder des liquidités, peuvent également
biaiser l’évaluation des risques, notamment lorsqu’ils maintiennent artificiellement à un bas
niveau le prix des crédits. Dans un tel cas, le prix de l’emprunt
– l’intérêt – peut refléter le risque de l’Etat garant, et non celui de l'émetteur. L’intervention de
l’Etat soulève pour finir la question de l'aléa moral: les garanties gouvernementales implicites
sont susceptibles d’atténuer le sens des responsabilités auprès des entreprises concernées.
Une fois que la crise aura été surmontée, se posera encore le problème du désengagement de
l’Etat. Les stratégies en la matière dépendent du type d’intervention. Elles doivent être
coordonnées au niveau international de façon à prévenir toute distorsion supplémentaire lors de
leur mise en œuvre. Les banques centrales, elles, sont confrontées au défi de réduire au bon
moment les importants volumes de liquidités injectés. Elles doivent en effet prévenir l’inflation
en veillant à ne pas nuire à l’essor conjoncturel recherché. A cet égard, elles devront aussi tenir
compte des répercussions possibles sur les taux de change. Même au niveau national, le retrait
de l’Etat du secteur financier pose un problème de coordination dans la mesure où la fin
unilatérale du soutien étatique risque de pénaliser les acteurs financiers du pays concerné.
Partant, la Suisse a prié le FMI d’élaborer des stratégies pour un désengagement coordonné à
moyen terme de l’Etat du secteur financier.
La Confédération souhaitait pour sa part mettre un terme à sa participation dans l’UBS aussitôt
que les circonstances le permettraient. En août 2009, la Confédération s'est entièrement
désengagée de l'emprunt à conversion obligatoire 30 . En ce qui concerne l’engagement de la
Banque nationale, le transfert des actifs illiquides de l’UBS au fonds de stabilité de la BNS est
achevé. Il n’existe ainsi plus aucun engagement ou promesse d’engagement de la Banque
nationale en faveur de l’UBS. Le fonds de stabilité doit être constitué sur une période maximale
de douze ans, au moyen de paiements d’intérêts, d’amortissements et de ventes d’actifs. Cet
horizon éloigné doit garantir une liquidation ordonnée des actifs afin de maximiser leur valeur
et minimiser les effets secondaires sur les marchés financiers.
30
Cf. ch. 3.3.1.
37
Place financière suisse: situation et perspectives
5.
Perspectives : chances et risques du secteur financier
Les pages ci-après présentent les principaux défis et problèmes auxquels fait face le secteur
financier. Elles esquissent les bases de l’amélioration des conditions-cadres et les critères pour
l’élaboration d’une stratégie. La Confédération ne dispose ni de la compétence politique, ni des
informations nécessaires sur l’offre et la demande des marchés pour pouvoir élaborer des
prévisions détaillées sur la croissance des différents secteurs, et ce d’autant moins que
l’évolution de la situation demeure particulièrement incertaine et permet uniquement d’émettre
des conjectures.
5.1.
Comparaison entre centres financiers internationaux
La crise a déstabilisé l’ensemble des places financières mondiales. Les stratégies engagées
avant la crise ont été révisées à la lumière des événements récents. L’évolution future dépendra
des changements apportés à l’architecture financière mondiale, mais aussi de la situation
initiale respective des différents centres financiers. Les points suivants décrivent brièvement les
principales caractéristiques des principales places financières.
5.1.1. Généralités
Les places financières se distinguent entre elles par l’origine de la création de valeur, à savoir
l’étranger ou le pays lui-même. Les centres tels que Tokyo, Paris ou Francfort sont en premier
lieu tournés vers leur marché national. New York est à la fois le centre financier d’un très grand
marché intérieur, et la plaque-tournante d’activités internationales. Il en va de même de
Londres, qui est particulièrement tourné vers l’international, tout en servant le marché
britannique. Les places de Singapour ou Hong Kong réalisent la majeure partie de leurs affaires
avec l’étranger, même si cette dernière en particulier assume également la fonction de centre
financier pour le reste de la Chine.
La Suisse se caractérise par une orientation internationale et par la prépondérance des certaines
activités spécialisées, telles que la gestion de fortune privée, le négoce de matières premières, la
domiciliation de véhicules financiers pour hedge funds (fonds de fonds) et la réassurance. En
comparaison internationale, la place suisse se singularise également par une forte concentration
du marché. Sur le terrain des activités internationales, le marché est en effet détenu
majoritairement par les deux grandes banques. Les domaines dans lesquels la Suisse est active
sont en perpétuelle mutation dans le contexte de la concurrence internationale. Ainsi, les
marchés de l’or, des changes et des Eurobonds étaient autrefois fortement représentés en
Suisse. A l’inverse, le négoce des matières premières et la domiciliation de fonds de fonds ont
connu un essor considérable dans notre pays ces dernières années.
La crise financière et économique actuelle malmène tous les centres financiers de la planète et
engendre des incertitudes quant à l’évolution future. Londres et New York sont plus fortement
frappés que les autres par la crise. En Asie et dans les centres orientés vers leur marché
national, les conséquences consistent pour l’heure en une chute des marges et une pression sur
les coûts. A ce jour, l’impact sur la gestion de fortune privée et le secteur de l’assurance est
relativement limité.
5.1.2. New York
New York représente de loin le plus grand marché financier du monde, en termes de
capitalisation boursière, comme en termes de nombre et de diversité des titres cotés. Cette place
tire en outre profit du statut de monnaie de réserve mondiale dont jouit le dollar américain. Si
celui-ci devait davantage partager sa prééminence avec d’autres monnaies, la pression sur New
38
Place financière suisse: situation et perspectives
York s’accentuerait. Cette place, et les Etats-Unis en général, constituent le principal pôle pour
la réassurance. D’autres branches d’assurance y sont également bien représentées, à la faveur
d’un grand marché national.
La taille de New York en tant que centre financier lui offre sans aucun doute un avantage
considérable. La quantité et la variété de main d’œuvre qualifiée permet des synergies et attire à
son tour une nouvelle main d’œuvre. La diversité culturelle est aussi un atout non négligeable.
Par ailleurs, New York est la seule grande place financière sur le continent américain et dans
les fuseaux horaires correspondants. Une concentration locale qui lie de nombreux opérateurs
au site géographique de New York. Comparé à la taille de l’économie, le secteur financier
occupe une position moins importante qu’en Suisse notamment, ce qui rend les interventions
étatiques plus supportables, mais risque aussi d’accentuer la problématique de l'aléa moral,
parce que la probabilité d’interventions étatiques est plus élevée. Les engagements
considérables consentis par l’Etat (Citibank, AIG, Bank of America) se heurtent à la question
des stratégies de retrait viables.
De nos jours, diverses institutions assurent la surveillance financière à New York (Réserve
fédérale, FDIC, SEC, etc.). A cela s’ajoutent des législateurs actifs au niveau fédéral et à celui
des Etats. Avant la crise, le rapport Bloomberg-Schumer avançait déjà des pistes de réflexion
sur le renforcement des avantages concurrentiels. Il proposait entre autres une approche
davantage basée sur les principes en relation avec la mise en œuvre de Sarbanes Oxley, de
même que la reconnaissance des normes comptables IFRS. Depuis peu, des discussions sont
menées concernant l’adoption par la Banque centrale (Fed) d’une surveillance
macroprudentielle.
Le secteur financier new yorkais accuse actuellement une chute notable du nombre d’emplois.
D’un autre côté, des places de travail se créent au sein de nouvelles entreprises plus petites, ou
d’entreprises étrangères souhaitant s’implanter à New York.
5.1.3. Londres
La taille de Londres, avec la présence qui s’ensuit de capital humain qualifié, représente un
avantage d’implantation majeur pour ce centre financier. La concurrence avec d’autres centres
financiers amène à se demander comment se présenteront à l’avenir les parts de marché dans
des domaines d’activité spécialisés, ceux notamment qui se caractérisent par une certaine
mobilité. Une législation avantageuse rend également Londres très attrayante dans le domaine
de la gestion de fortune privée.
A l’heure actuelle, un nombre considérable d’emplois disparaissent à Londres dans le secteur
financier. Comme à New York, il en résulte une disponibilité accrue de main-d’œuvre pour les
plus petites entreprises plutôt actives sur des marchés de niche. A titre d’exemple, près de 20 %
de la fortune des hedge funds est gérée à partir de Londres (le reste l’étant en majeure partie
depuis New York), et Londres fait office de plaque tournante des capitaux d'investissement.
La place financière réagit généralement aux nouveaux défis avec rapidité et flexibilité. Ainsi, le
rapport Turner a pris les devants dans le domaine de la régulation, ce qui a permis d’ouvrir le
débat sur les préoccupations de la place financière londonienne. Bien des propositions du
rapport Turner prévoient une rupture d’avec le modèle antérieur de régulation basé sur des
principes. Ce rapport demande par ex. un taux de capitalisation explicite et élevé, qui devraient
notamment dépendre de la situation conjoncturelle, une réglementation des structures de
compensation des collaborateurs ou une réglementation pour une liquidation ordonnée d’une
banque en dépôt de bilan. De même, le rapport Wigley de 2008, présentant des propositions
39
Place financière suisse: situation et perspectives
visant à renforcer l’attrait de la place londonienne, prévoit de renforcer la régulation, à côté de
mesures visant à consolider durablement l’infrastructure des marchés financiers (p. ex. réseaux
de données et de communication) ou à améliorer le régime d’imposition. Le rapport Turner a
également éveillé des craintes quant aux prescriptions de capital minimum, susceptibles de
valoir à Londres un handicap compétitif.
5.1.4. Autres centres financiers
Parmi les autres centres financiers, Singapour en particulier – et dans une moindre mesure
Hong Kong – présentent des similitudes avec la Suisse. Singapour s’est notamment fait une
spécialité du financement d’exportations et de transactions commerciales. De même, la gestion
de fortune transfrontière (offshore) s’y est développée par croissance naturelle, mais aussi à la
faveur d’un contexte réglementaire propice. A l’heure actuelle, il ne semble toutefois pas y
avoir de transferts de fonds massifs de Suisse en direction de Singapour. Par leur vocation
internationale, Singapour et Hong Kong partagent les mêmes intérêts dans le cadre des efforts
internationaux de réglementation. Singapour vise en outre à renforcer son importance de centre
financier régional en Asie. D’où notamment les efforts déployés pour développer les activités
de réassurance dans cette ville-Etat.
Il se peut toutefois que sous l’effet d’initiatives globales sur le terrain de la réglementation, les
activités transfrontalières ralentissent. De telles mesures cherchent par exemple à prévenir la
fuite d’un substrat fiscal potentiel.
Les centres financiers d’Europe continentale sont susceptibles quant à eux de profiter de
l’importance accrue de l’euro en tant que réserve monétaire.
L’évolution future dans les centres financiers internationaux revêt une importance particulière
pour les perspectives de la place financière suisse.
5.2.
Opportunités et risques pour la place financière suisse
5.2.1. Défis généraux
Des mesures étatiques ambitieuses ont été mises en place dans le monde entier, afin de
combattre les conséquences de la crise financière et économique actuelle. Or les mesures de
politique monétaire visant à maintenir la liquidité des marchés financiers impliquent une
extension considérable de la masse monétaire. Il faudra donc retirer les liquidités injectées dès
que les conditions s’y prêteront, au risque de créer une inflation préjudiciable pour les biens de
consommation ou les biens patrimoniaux. Les mesures de politique budgétaire adoptées à
beaucoup d’endroits pour stabiliser la conjoncture impliquent un creusement – massif parfois –
de l’endettement des collectivités publiques. Les économies nationales et les budgets étatiques
en subiront durablement les conséquences, plus douloureuses encore si les taux d’intérêt
devaient renchérir sur les marchés des capitaux. Dans le cas de la Suisse, il convient de
mentionner la souscription par la Confédération d’un emprunt à conversion obligatoire de
l’UBS visant à renforcer la base de fonds propres de cette grande banque, lié à un prêt de la
BNS au fonds de stabilisation destiné à la reprise des actifs illiquides de l’UBS. A cela
s’ajoutent les trois phases des mesures de stabilisation prises par la Confédération en faveur de
la conjoncture, ainsi que plusieurs initiatives cantonales. Par ailleurs, des amortissements
massifs sur les actifs du fonds de stabilisation ne manqueraient pas d’affecter la distribution des
bénéfices de la BNS à la Confédération et aux cantons. Une telle situation restreindrait la marge
de manœuvre budgétaire en Suisse, déjà mise à mal par la crise de l’économie réelle. En
revanche, la politique budgétaire, y compris les trois phases des mesures de stabilisation,
40
Place financière suisse: situation et perspectives
respecte les exigences du frein à l’endettement et n’a pas suscité jusqu’ici d’augmentation
structurelle de l’endettement.
Le cours déprimé des actions, la perte générale d’appétit pour le risque sur les marchés
financiers ainsi que la présence accrue d’obligations d’Etat risquent de se répercuter sur les
choix en matière de placements financiers. Les premiers concernés seraient les investisseurs
institutionnels, telles les caisses de pensions ou les assurances, ainsi que les banques qui
privilégient des placements sûrs pour leurs réserves de liquidités. Les investisseurs seraient
ainsi toujours plus dépendants des perspectives sur les marchés des obligations. Or une
diminution en termes réels des rendements enregistrés pourrait entrainer des conséquences
directes sur les prestations de rentes que les institutions de prévoyance seraient à même de
verser à l’avenir.
Les tendances protectionnistes croissantes dans le négoce mondial des biens et services – ce
constat vaut en particulier pour les services financiers – posent problème. L’expérience des
années trente a montré qu’une politique de fermeture des marchés aurait un coût
macroéconomique majeur en termes d’emploi et de croissance économique. Il est donc
réjouissant que le G20 se soit clairement opposé à tout cloisonnement des marchés.
D’autres défis en perspective proviennent de l’engagement étatique accru, en bien des endroits,
dans le secteur financier. Cette prise d’influence des Etats faisait suite à un besoin aigu
d’intervention politique afin d’éviter des conséquences graves. Or à long terme, cet engagement
pourrait inciter les acteurs du secteur financier à considérer comme un fait acquis l’existence
d’une garantie d’Etat. D’où le risque que les banques bénéficiant d’une telle garantie implicite
ne soient incitées à prendre des risques excessifs. Cet élément est dûment pris en compte dans
les efforts de réglementation actuels, ce qui souligne encore l’importance institutionnelle de ce
défi croissant. L’engagement étatique pourrait en particulier amener des Etats à exercer, pour
des motifs politiques, une influence sur l’activité des banques aidées. La fonction de
transmission et d’allocation du secteur financier en pâtirait, par exemple si l’octroi des crédits
cessait de reposer sur une stratégie d’affaires orientée à long terme.
Comme toute crise, la situation actuelle ne comporte pas seulement des risques, mais également
de nouvelles opportunités. La Suisse dispose de certains atouts en sa faveur dans la concurrence
internationale. Ainsi, la vague actuelle de réglementation est susceptible d’aboutir, sur certaines
places financières, à une surréglementation. En outre, comme déjà signalé, les mesures
adoptées dans le monde entier pour soutenir la conjoncture et le système financier impliquent
des coûts qui pourraient s’avérer très élevés dans des cas d’espèce. Les pressions liées à la
conjoncture sur le marché suisse et le durcissement de la concurrence entre les places
financières à vocation mondiale représentent certes autant d’entraves dans la plupart des
secteurs d’activité. Néanmoins, une concrétisation équilibrée des efforts internationaux de
réglementation ainsi qu’une politique budgétaire et monétaire durable dans le pays sont
susceptibles d’avoir une influence bénéfique sur les conditions-cadres en Suisse –
comparativement à d’autres places économiques.
De façon générale, les activités réalisées à l’étranger avec les marchés émergents offrent
également des perspectives de croissance durable. Au vu des flux de capitaux à l’échelle
internationale, c’est particulièrement vrai dans le domaine de la gestion de fortune. Les petites
entreprises spécialisées notamment dans la gestion de fortune ou dans le financement des
jeunes entreprises devraient également bénéficier d’un potentiel de croissance, à condition de se
doter de modèles d’affaires clairs et de miser sur la transparence.
41
Place financière suisse: situation et perspectives
Des restructurations sont également en cours dans les assurances. A la différence du secteur
bancaire, la branche offre encore, notamment aux grandes entreprises à forte capitalisation et
disposant de liquidités suffisantes, des opportunités d’expansion dans de nouveaux champs
d’activité, afin d’étoffer leur palette de produits ou de tirer parti de rendements d’échelle
croissants.
5.2.2. Gestion de fortune
Les autorités fiscales de divers pays ont récemment intensifié leurs pressions sur la gestion de
fortune privée transfrontière, sous l’effet de la crise économique et financière. A cela s’ajoutent
des tendances isolationnistes croissantes. Les adaptations effectuées dans le domaine de
l'assistance administrative et de l'entraide judiciaire auront des conséquences pour la gestion de
fortune privée en Suisse. Il faut se garder toutefois de surestimer l’impact négatif du
changement de pratique que représentent les nouveaux accords de double imposition.
Indépendamment de cet aspect, la Suisse possède des avantages bien réels dans le domaine de
la gestion de fortune. Cela se voit clairement, par exemple, aux parts de marché élevées que
détient la place financière suisse dans le domaine de la gestion institutionnelle.
Indépendamment de la crise du crédit, l’UBS en particulier a dû répondre, dans le segment de la
clientèle privée, de négligences aux Etats-Unis qui ont contribué aux fortes pressions subies par
le secret bancaire suisse au cours des derniers mois. La réputation de cette banque et de la place
financière en général a donc été ternie. A présent, la situation de la banque semble toutefois
s’améliorer graduellement. Ce résultat est en partie dû à l’arrangement conclu entre la Suisse et
les Etats-Unis en août 2009. Cet accord prévoit que les Etats-Unis renoncent à une requête
d'exécution introduite dans le cadre d’une procédure civile, visant à obtenir l’identité de 52 000
titulaires de comptes auprès de l’UBS. En contrepartie, la Suisse s’engage à traiter dans un
délai d'un an une demande d'assistance administrative, qui porte sur quelque 4450 comptes.
Une modification de l’assistance administrative et de l'entraide judiciaire ne signifie pas la
suppression du secret bancaire. Conformément au vœu de la population, une protection
adéquate de la sphère privée demeure prioritaire. Le secret bancaire protège d’ailleurs la sphère
privée, mais non les délits. La retenue dans l’utilisation des données des clients reste ainsi de
mise. En outre, la volonté affichée de n’admettre ni effet rétroactif, ni échanges automatiques
d’information, devrait avoir un effet positif sur la sécurité du droit. De façon générale, la
gestion de fortune helvétique fait preuve, entre autres compétences, d’un réel sens de l’écoute
des besoins du client. A cela s’ajoute le rôle des avantages généraux de la place suisse.
A l’avenir, les prestataires dans le secteur de la gestion de fortune privée devront veiller à faire
clairement ressortir les avantages qu’ils ont à offrir. L’évolution de la situation représente certes
un défi pour la politique commerciale des banques concernées. Mais les perspectives de succès
dans ce domaine sont réelles. La situation actuelle serait également propice pour souligner la
mise en œuvre exemplaire des normes internationales dans le domaine du blanchiment d’argent
ou de la criminalité financière, ainsi que pour renforcer l’image d’une place financière propre.
De son côté, la Confédération pourra soutenir le secteur financier en continuant à améliorer,
dans la mesure du possible, les conditions-cadres.
Autre enjeu de taille, les réglementations à tendance protectionniste sont en hausse à l’échelle
mondiale. Les institutions actives dans la gestion de fortune privée doivent donc s’attendre à
subir des pertes, notamment celles ne possédant pas d’établissement dans les pays en question.
Cette situation concerne avant tout les petites banques, les fonds de placement, les assurances et
les gestionnaires de fortune privés actifs sur le marché européen. Depuis un certain temps déjà,
les grandes banques ont systématiquement renforcé leur présence locale (onshore) dans les pays
42
Place financière suisse: situation et perspectives
d’origine de leur clientèle. La mise au point de modèles d’affaires onshore réduit a priori la
pertinence d’aspects strictement fiscaux au sein de la branche.
5.3.
Importance des grandes entreprises pour l’économie nationale
Le secteur financier est marqué par la forte concentration du marché entre les deux grandes
banques. La présence de ces entreprises a des effets bénéfiques pour l’ensemble de l’économie.
En effet, il en résulte des interactions fortes et le plus souvent positives entre la place financière
et la place industrielle. Or l’importance systémique des grandes banques ou d’autres entreprises
a aussi son revers. Comme l’a montré le cas de Swissair, la faillite imminente d’une grande
entreprise est entourée de nombreuses incertitudes quant à ses retombées économiques. En
outre, les conséquences financières d’une intervention étatique risquent de fortement réduire la
marge de manœuvre budgétaire de l’Etat.
Les interventions étatiques dans le secteur financier ont un impact sur les structures d’incitation
des institutions concernées. En particulier, des risques excessifs auront tendance à être pris, si
une faillite est considérée comme impossible dans la pratique. D’où un réel défi politique, dans
le cas des banques qui revêtent une importance systémique ou d’autres entreprises concernées
par un problème d’aléa moral comparable. Cette problématique résultant des garanties d’Etat
implicites ou explicites peut entraîner des dysfonctionnements des mécanismes du marché et
accroître le risque financier supporté par l’Etat.
Compte tenu de l’importance de ce sujet, le Conseil fédéral a proposé en novembre 2008
d’accepter la motion «Prévenir les risques démesurés pour l’économie suisse» du groupe UDC
(08.3649). Cette motion charge le Conseil fédéral d’instituer une commission d’experts qui
expose, dans un rapport, les conséquences que la faillite de grandes entreprises suisses pourrait
avoir pour l’économie de notre pays. Elle montrera en outre comment les risques économiques
pourraient être minimisés dans le cadre, d’une part, d’une réorganisation des banques (le cas
échéant des assurances) et, d’autre part, d’une restructuration des risques dans la conduite des
affaires.
La FINMA a également entrepris, conjointement avec la Banque nationale, un projet visant à
déterminer les possibilités offertes par le droit de la surveillance pour optimiser la situation en
matière de risque des grandes entreprises ayant une importance systémique, notamment en
réduisant la complexité due à la diversité de ces entreprises et à leurs structures internes. Ces
travaux seront dûment coordonnés avec les résultats de la commission d’experts.
Les travaux dans ce domaine devront préalablement clarifier le concept d’importance
systémique ainsi qu’analyser les coûts liés à l’effondrement d’institutions relevant d’une telle
importance potentiellement systémique. A ces coûts, le rapport devra également opposer les
bénéfices que ces entreprises peuvent apporter à l’économie suisse. Pour cela il s’agira de
prendre en compte les effets de réseau et les rendements d’échelle qui découlent de la taille
d’une entreprise. Il faudra aussi tenir compte des coûts qui découlent d’une nouvelle
réglementation, afin de les comparer à leur bénéfice potentiel.
Les solutions proposées comprendront tout d’abord les possibilités en matière de prévention
d’une prise de risques excessifs, par exemple par le biais d’une réglementation ou surveillance
adaptée. En outre, il faudra étudier les possibilités pour réaliser une procédure de liquidation
ordonnée d’une entreprise en faillite. Une telle procédure aura pour objectif de minimiser les
coûts macroéconomiques, et pourrait inclure une concertation sur un plan international.
43
Place financière suisse: situation et perspectives
6.
Perspectives
6.1.
Tendances pour le secteur financier et l’économie en général
La crise financière et économique est loin d’être terminée. Le processus de désendettement
(deleveraging) n’est pas fini, l’emploi continue de décroître et la baisse des prix immobiliers
aux Etats-Unis s’est poursuivie au premier semestre 2009. Il est donc trop tôt pour tirer un
bilan. En effet, la conjoncture mondiale aura elle aussi un impact déterminant sur la profondeur
et la durée de la récession, ainsi que sur le moment de la reprise en Suisse, pays fortement
tributaire de ses exportations. La récession planétaire touchera – plus ou moins fortement –
toutes les branches économiques. Or l’assombrissement des perspectives va de pair avec une
érosion de la confiance des investisseurs et des consommateurs concernant leurs futurs revenus.
Autrement dit, la crise de l’économie réelle se répercute à son tour sur le secteur financier.
L’évolution de la crise montre clairement qu’il faut s’attendre à des adaptations structurelles
dans le secteur financier en particulier, même si l’on ne peut encore mesurer toutes les
conséquences de la crise. Une récession prolongée aboutirait toutefois à une augmentation du
nombre de crédits en souffrance et renforcerait par contrecoup les pressions subies par le
secteur financier. La récession laisse également prévoir un ralentissement de la marche des
affaires dans le secteur des assurances. D’un autre côté, il convient de remarquer que le
redimensionnement actuel du secteur financier fait suite à de longues années d’essor. Cette
correction intervient donc à un niveau historiquement élevé.
Dans son rapport d’avril 2009 sur la stabilité financière dans le monde 31 , le FMI estime que les
banques et les autres entreprises devront procéder à des amortissements d’un montant total de
2800 milliards de dollars sur leurs avoir aux Etats-Unis. Cette somme porte sur la période allant
de l’éclatement de la crise à l’année 2010. Si l’on y ajoute les besoins d’amortissement des
avoirs provenant d’Europe et du Japon, on aboutit à une somme de 4100 milliards de dollars.
Deux tiers de ce montant concernent des banques. Le FMI estime qu’un tiers seulement de ces
amortissements ont été effectués en 2007 et 2008. Autrement dit, le plus gros reste à faire en
2009 et en 2010. Les banques américaines ont déjà procédé à la moitié environ des
amortissements jugés nécessaires. Par contre, la part des amortissements à venir dans les
banques européennes est nettement plus élevée. Les banques continueront donc
vraisemblablement à réduire leur bilan pendant un certain temps encore.
Les amortissements opérés se traduisent, tout comme la réduction visée du taux d’endettement,
par un besoin en capital supplémentaire. Ce capital peut être généré soit par des bénéfices, soit
par un apport de capital frais.
Pour déterminer ce besoin et obtenir ainsi la transparence requise, les autorités américaines ont
soumis à un test de résistance 19 de leurs banques. Leurs bilans ont été testés à l’aide de divers
scénarios concernant l’évolution économique et le taux d’endettement cible. Les résultats
publiés le 7 mai 2009 montrent un besoin de capital supplémentaire de 599 milliards de dollars
au total. Et si l’on prend en compte les bénéfices et les mesures supplémentaires adoptées par
les banques, il reste au bout du compte un besoin net de 74,6 milliards de dollars. Ce test de
résistance américain se fonde toutefois sur un besoin d’amortissement qualifié entre-temps
31
Fonds monétaire international (FMI). Avril 2009. «Global Financial Stability Report».
44
Place financière suisse: situation et perspectives
d’optimiste. Des tests de résistance comparables n’ont pas été publiés jusqu’ici pour les
banques européennes. Le FMI estime cependant que les banques européennes n’ont pu générer
que 40 % du capital supplémentaire requis. Mesurées à la même aune, les banques américaines
en auraient déjà levé les deux tiers. A propos des grandes banques suisses, on constate que leur
capitalisation est supérieure à la moyenne internationale et que le cas échéant, les
amortissements supplémentaires à effectuer seraient comparativement moindres.
L’évolution économique à venir et ses conséquences pour le secteur financier dépendront de la
gravité de la récession et des réactions au niveau politique. Partant d’un scénario optimiste,
l’économie se relève rapidement et des mesures protectionnistes ne sont adoptées que de façon
ponctuelle. La reprise de la croissance met fin au processus de désendettement du secteur
bancaire, tandis que les marchés financiers reprennent des couleurs. De même, les mesures de
soutien conjoncturel portent leurs fruits et les prix des matières premières n’enregistrent qu’une
légère hausse. Or dans un tel cas, les déséquilibres macroéconomiques antérieurs à la crise
persisteraient, aggravés dans certains pays par la très forte augmentation de la dette publique.
Ce nouvel endettement et la charge d’intérêts qu’il représente sont préoccupants. Car ils
réduiront à l’avenir la marge de manœuvre de la politique budgétaire. A cela s’ajoute que
l’évolution démographique pèsera lourdement sur les budgets des collectivités publiques.
Partant de l’hypothèse d’un scénario plus pessimiste, une récession de longue durée permettrait
certes de corriger graduellement les déséquilibres. Or plus une récession s’avère sévère, plus la
probabilité d’interventions protectionnistes accrues dans les flux commerciaux et financiers
mondiaux augmente, aggravant au passage l’ampleur de la récession. En pareil cas,
l’interventionnisme étatique dans le secteur financier risque d’être plus marqué – les
gouvernements exerçant, en tant que propriétaires, une influence directe et systématique sur le
processus d’octroi de crédit.
La crise financière actuelle n’est pas un simple creux conjoncturel. Elle est exceptionnelle par
son ampleur comme par son évolution, et pourrait déboucher sur un redimensionnement
mondial des activités du secteur financier. Toutes les places financières importantes de la
planète sont malmenées et leur réglementation est sujette à des modifications, au même titre
que leur positionnement dans la concurrence internationale. On ignore encore à quoi aboutira ce
processus de restructuration. Mais tout indique que provisoirement, les rendements dans le
secteur financier resteront sous pression. Il n’est pas possible à l’heure actuelle de dire dans
quelle mesure les sources de recettes manquantes pourront être compensées à l’avenir, soit
directement dans les secteurs d’activité concernés, soit par le développement de nouveaux
secteurs d’activité.
De premiers signaux indiquent une reprise graduelle dans le secteur financier ainsi que dans
l’économie réelle, même si tout risque de nouvelle détérioration ne peut être exclu.
6.2.
Elaboration d’une stratégie, en dialogue avec l’économie privée
Au niveau international, des efforts sont en cours pour coordonner la réglementation, afin de
mieux maîtriser les risques et de prévenir autant que possible de futures crises. Il s’agit de
garder à l’esprit que les places financières sont en concurrence entre elles. Les mesures
protectionnistes visant à protéger l’économie locale ne sont en principe pas souhaitables. L’Etat
doit veiller à ce que les conditions-cadres comme le régime de surveillance, l’environnement
fiscal ou les infrastructures permettent aux prestataires suisses de services financiers de
s’imposer face à la concurrence internationale, sans négliger pour autant la protection des
créanciers, des investisseurs ainsi que du système. En revanche, ce n’est pas le rôle des
45
Place financière suisse: situation et perspectives
collectivités publiques de mener une politique industrielle et d’intervenir dans les activités de
l’économie privée. Dès que les circonstances s’y prêteront, l’Etat doit se défaire de ses
participations dans des entreprises privées. D’où la nécessité d’une stratégie de désengagement
adéquate.
Il incombe au secteur privé de se repositionner suite au bouleversement subi par le monde
financier, afin d’occuper les créneaux porteurs. Le secteur financier joue un rôle majeur pour
toute l’économie, pour les grandes entreprises aux ramifications internationales comme pour les
PME. Par conséquent, l’Etat et le secteur privé doivent collaborer et mener un dialogue
permanent sur la meilleure façon d’exploiter les chances créées par la réorientation des marchés
financiers mondiaux ainsi que de gérer les risques systémiques latents. Il s’agira de réfléchir à
la manière de concevoir notamment la surveillance des grandes banques. Le problème de l’aléa
moral doit être résolu. Le système de prévoyance est lui aussi durablement touché par la crise.
Outre les pertes subies, les changements de pondération opérés dans la politique de placement
peuvent comporter des risques financiers. Une fois la crise actuelle surmontée, des risques
inédits sont à prévoir.
L’heure est à la redéfinition des conditions qui prévaudront à l’avenir pour la place financière
suisse. Il importe de définir des stratégies claires, ce qui nécessite la collaboration des autorités
et du secteur privé. Ainsi, l’Etat est responsable de l’aménagement des conditions-cadres,
tandis que l’économie privée veillera à la bonne orientation des affaires par rapport à la
concurrence internationale. Le présent rapport se veut un point de départ pour l’élaboration de
telles stratégies.
C’est sous l’égide de l’Association suisse des banquiers (ASB) qu’a été élaboré en septembre
2007 un «Masterplan pour la place financière suisse» (ci-dessous «Masterplan»), en vue de
faire accéder d’ici 2015 la place financière helvétique au trio de tête des places financières
internationales. Un important train de mesures a été proposé à cette fin. En novembre 2007, lors
d’une rencontre entre la Confédération et les responsables des associations du secteur financier,
il a été convenu d’approfondir le dialogue en vue de définir une stratégie transsectorielle pour
la place financière suisse. L’objectif commun est d’élaborer des propositions en étroite
coopération, en gardant à l’esprit les changements survenus depuis 2007, afin d’améliorer
durablement les conditions-cadres et, partant, la compétitivité internationale du secteur
financier suisse.
Le «Comité de pilotage Dialogue place financière (CODIFI)», qui est composé de représentants
du DFF, de la BNS, de la FINMA et du secteur financier, a été institué à cette fin. Ce comité a
pour mission de coordonner et de piloter les travaux opérationnels au sein de ce projet. Le
CODIFI est notamment chargé d’examiner de près certaines propositions du Masterplan
esquissées par le secteur financier, ainsi que d’autres thèmes, avant de formuler les bases de
décision nécessaires à l’attention du «Comité stratégique Dialogue place financière (comité
stratégique)». Sur la base de ces résultats, le comité stratégique identifiera les mesures
concrètes à prendre et mettra en œuvre les étapes de réalisation nécessaires.
A sa séance du 2 septembre 2008, le CODIFI a adopté à l’intention du comité stratégique
diverses mesures et un nouveau programme destiné à promouvoir la place financière suisse. A
la mi-septembre 2008, la crise des marchés financiers s’est toutefois durcie et a laissé des traces
durables, en Suisse également. D’une part, la crise a retardé les travaux du CODIFI, d’autre
part le contexte a changé pour la place financière suisse.
46
Place financière suisse: situation et perspectives
Dans ces conditions, le contexte auquel se réfère la stratégie de croissance du Masterplan, axé
sur le renforcement et le développement de la compétitivité internationale, n’est plus
d’actualité. La crise financière, ainsi que les autres problématiques auxquelles la Suisse doit
faire face (soit d’abord le débat sur le secret bancaire suisse, le dialogue fiscal entre la Suisse et
l’UE, ainsi que les difficultés américaines de l’UBS), obligent à une analyse fondamentale de
l’avenir de la place financière suisse.
En 2009, un nouveau groupe de travail mixte a été constitué dans le cadre du CODIFI, le
«groupe de travail Stratégie». Ce groupe de travail a pour mandat de collecter les éléments
constitutifs d’une future stratégie pour la place financière. Il devra autant que possible
confronter entre eux les principaux axes stratégiques de développement envisageables pour la
place financière. Ce comité soutient et accompagne les travaux en cours de la Confédération. Il
est placé sous la conduite du directeur de l'AFF et composé de représentants des autorités et du
système financier. Du côté des autorités, on y trouve la BNS, la FINMA, l’AFC et l’AFF. Le
secteur financier est représenté par l’ASB, l’Association suisse d’assurances, l’Association
suisse des fonds de placement et le groupe SIX.
Les conclusions de ce dialogue permettront aux autorités de formuler une stratégie optimale
pour améliorer les conditions-cadres, ainsi que de définir pour le secteur privé des stratégies
relatives à l’évolution de chaque domaine d’activité.
6.3.
Mesures nécessaires
Les perspectives pour la place financière dépendront dans une très large mesure des tendances
protectionnistes et des garanties d’accès aux marchés internationaux accordées aux entreprises
suisses. La question des effets de l’engagement – tant explicite qu’implicite – de l’Etat en
faveur d’entreprises systémiques, puis de son désengagement, s’avère également primordiale. A
la lumière de ces défis fondamentaux, les chantiers législatifs porteront dans différents
domaines. En résumé, une future stratégie devra inclure les points suivants: dans le domaine de
la réglementation et de la surveillance des marchés financiers, la priorité est de mieux gérer les
risques systémiques et d’assurer la protection adéquate des déposants et des investisseurs. En
même temps, il s’agit de combler les lacunes du système de réglementation et d’améliorer la
détection précoce des risques. Quant à l’objectif d’améliorer les conditions fiscales, il figure
dans la troisième réforme de l’imposition des entreprises. Il s’agit concrètement de réformes du
droit de timbre et de l’impôt anticipé, ainsi que d’adaptations concernant le statut fiscal accordé
par les cantons. Les futures conditions-cadres seront également influencées par les adaptations
apportées à l'assistance administrative et à l'entraide judiciaire en matière fiscale. Il s’agira par
ailleurs d’améliorer l’accès aux marchés étrangers, de garantir une infrastructure efficace des
marchés financiers ainsi que de poursuivre la coopération internationale et de préserver la
bonne réputation de la place financière suisse. La suite des travaux devra aussi s’orienter sur
une analyse détaillée des forces et des faiblesses de la place financière suisse et de ses
principales concurrentes étrangères.
Le Conseil fédéral présentera ses conclusions sur la stratégie à adopter pour la place financière
dans ses réponses à des interventions parlementaires comme par ex. le postulat Graber
(09.3209, Stratégie concernant la place financière).
47
Place financière suisse: situation et perspectives
Sources
Association suisse des banquiers, Wealth Management in Switzerland, janvier 2009.
Banque nationale suisse, Financial Stability Report 2009, juin 2009.
Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (Basel Committee for Banking Supervision), Core
Principles for Effective Deposit Insurance Systems, Banque des règlements internationaux, juin
2009.
de Larosière Group on Financial Supervision in the EU, Report, février 2009.
Département fédéral des finances, Chiffres-clés relatifs à la place financière suisse, juin 2009.
Deutsche Bank Research, Global Banking Trends After the Crisis, juin 2009.
Financial Services Authority (UK), The Turner Review, A regulatory response to the global
banking crisis, mars 2009.
Fitch Ratings, Credit Derivatives (CDx) Survey, juillet 2007.
Fonds monétaire international, Global financial stability report, avril 2009.
Group of Twenty (G20), The Global Plan for Recovery and Reform, Final Communiqué, 2 avril
2009.
Group of Twenty (G20), Declaration on Strengthening the Financial System, Annex to the
Global Plan, 2 avril 2009
Message du 5 novembre 2008 concernant un train de mesures destinées à renforcer le système
financier suisse, FF 2008 8027.
Roth, Jean-Pierre, Globale Krise: Wie ist die Schweiz betroffen?, exposé tenu devant le
Schweizerisch-Deutscher Wirtschaftsklub de Francfort, 2 mars 2009.
SECO, Tendances conjoncturelles, hiver 2006/2007, thème spécial: L’importance des activités
financières dans le PIB suisse, janvier 2007.
The Banker (Magazin), The Banker Top 1000 World Banks, juillet 2007.
48
Place financière suisse: situation et perspectives
Glossaire et liste d’abréviations
ABS (asset backed securities): achat d’actifs
provenant généralement de plusieurs prêteurs
et émission d’un papier commercial (ABS).
Le porteur d’un tel titre acquiert un droit à des
flux en capital et en intérêts auprès d’une
structure juridique spécialement créée lors de
la titrisation (special purpose vehicle, SPV).
ARS (auction rate securities): emprunts à long
terme (20 à 30 ans) à taux variable (plafonné).
Le taux d’intérêt est réajusté périodiquement
par voie d’adjudication aux enchères. Les
intervalles entre adjudications varient, des
périodes de 7 ou 28 jours étant typiques.
Blue Chips: actions d’entreprises généralement à
grosse capitalisation, solvables et connues
pour dégager des bénéfices réguliers.
Capital-investissement: (private equity)
financement de sociétés non cotées, le plus
souvent des jeunes entreprises à forte
croissance (start-ups), qui ont besoin de fonds
propres.
CDO (collateralized debt obligation): nom
générique des titres adossés à des actifs (asset
backed securities, ABS), et donc de produits
de crédit structurés.
CDS (credit default swap): dérivé de crédit servant
à transférer à un tiers le risque de futures
pertes de crédit.
CFB (Commission fédérale des banques): ancienne
autorité suisse de surveillance.
CHF: franc suisse.
Clearing/Settlement: compensation centrale de
transactions monétaires (clearing) et de
transferts de patrimoine (settlement) dans le
négoce de titres.
CLS: exploitant d’un système de règlement de
transactions en monnaies étrangères.
CODIFI: Comité de pilotage Dialogue place
financière, dont font partie les autorités et des
représentants du secteur financier.
Conduit: cf. «Fonds multicédant».
Crédits en souffrance: prêts pour lesquels le
débiteur n’est plus en mesure de respecter ses
obligations selon les conditions de paiement
prévues («non-performing loans» ou «crédits
douteux»).
Cross-border transactions: opérations
transfrontalières.
EUR: devise de l’Euroland – la zone euro. A l’heure
actuelle, tous les pays de l’UE sauf le
Royaume Uni, la Suède, le Danemark, la
République tchèque, la Hongrie, la Roumanie,
la Bulgarie et la Pologne.
EUREX: European Exchange, bourse internationale
de produits dérivés. Société créée en 1998 de
la fusion de DTB (Deutsche Terminbörse) et
de SOFFEX (Swiss Options and Financial
Futures Exchange).
Euromarché: marché international sur lequel se
traitent les euro-obligations, obligations à taux
fixe émises simultanément dans plusieurs
pays, et les eurodevises (tel l’eurodollar),
devises placées dans un pays autre que celui
d’origine de la monnaie.
FDIC: Federal Deposit Insurance Corporation.
Agence américaine de garantie des dépôts
bancaire, dotée de compétences de
surveillance et de mise en liquidation.
FINMA: Autorité fédérale de surveillance des
marchés financiers
Fonds multicédant: (conduits) refinancement de
titres (notamment ABS, CDO) et de crédits au
moyen d’une structure juridique créée
spécifiquement (special purpose vehicle) pour
les traiter et émettre des papiers monétaires.
FSAP: Financial Sector Assessment Program.
Programme du FMI et de la Banque mondiale
visant à renforcer la stabilité des marchés
financiers.
FSB: (Financial Stability Board): a pris le relais du
FSF en avril 2009.
FSF: (Financial Stability Forum): Forum de stabilité
financière, ayant pour mission de promouvoir
la stabilité des marchés financiers.
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Place financière suisse: situation et perspectives
G10: (onze pays industrialisés les plus riches) EtatsUnis, Japon, Canada, Allemagne, Royaume
Uni, France, Italie, Pays-Bas, Belgique, Suède
et Suisse.
G20: Etats-Unis, Japon, Chine, Canada, Mexique,
Inde, Corée, Brésil, Australie, Russie,
Turquie, Indonésie, Arabie Saoudite, Afrique
du Sud, Argentine, Allemagne, Royaume Uni,
France, Italie, UE.
GAFI: Groupe d’Action Financière (Financial
Action Task Force, FATF), organisme le plus
important en matière de lutte internationale
contre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme.
Gestion de fortune (wealth management).
Comprend la gestion institutionnelle (par . ex.
caisses de pensions) et la gestion de fortune
privée.
Gestion de fortune transfrontalières (offshore):
gestion d’un patrimoine dont l’ayant-droit ne
réside pas dans le même pays que le gérant de
fortune. La Suisse est le numéro un mondial
de la gestion de fortune offshore, avec une
part du marché proche d’un tiers.
Gestion des risques: enregistrement et évaluation
des risques de crédit, contrôle des réactions
aux risques constatés.
Hedge Funds: véhicules de placement utilisant
diverses stratégies d’investissement définies
individuellement – par. ex. la combinaison de
positions en actions et de ventes à découvert.
Hypothèques subprime: prêts hypothécaires
accordés à une clientèle peu solvable.
IAIS: International Association of Insurance
Supervisors (Association internationale des
contrôleurs d’assurance, AICA). Association
des autorités nationales de surveillance de
l’assurance.
Investment banking: négoce de titres, offre aux
entreprises de solutions lors de levées de
capitaux, de fusions/acquisitions ou d’entrées
en bourse, émission de produits structurés,
etc.
IOSCO (International Organisation of Securities
Commissions): organisation faîtière
internationale des organismes de surveillance
boursière.
Leveraged finance: (financement à effet de levier).
Opération consistant à utiliser, pour financer
l’acquisition d’une entreprise, davantage de
fonds de tiers que ne veut l’usage. D’où un
risque accru et un taux d’intérêt plus élevé.
S’inscrit dans la poursuite d’objectifs à court
terme, comme une reprise.
Marché des capitaux: marché des emprunts d’une
durée supérieure à un an. Sont réputés à long
terme les emprunts émis pour une durée de
cinq ans ou davantage.
Marché monétaire: marché des emprunts (à court
terme) dont l’échéance est inférieure à un an.
Monoliners: voir rehausseurs de crédit.
Obligations à rendement élevé: obligations offrant
un taux d’intérêt très élevé en raison du risque
élevé d’insolvabilité des débiteurs («high
yield bonds»).
Point de base (pb): centième d’un pour-cent.
Prime de risque: rémunération supplémentaire
exigée par les investisseurs pour prendre un
risque. p.ex. prix d’un CDS ou Spread.
Primes de risque de crédit: prix d’un credit default
swap (CDS).
Private Banking: services financiers plus
sophistiqués et personnalisés que dans la
banque de détail, rendus, à une clientèle
généralement fortunée. Comprend le conseil
en placement et la gestion de fortune (wealth
management).
Private Equity: cf. «Capital-investissement»
Recapitalisation: augmentation des fonds propres
d’une entreprise, généralement en cas de souscapitalisation.
Rehausseurs de crédit: établissements spécialisés
dont l’activité consiste à assurer des titres
contre le risque de perte. Aux Etats-Unis, on
parle de monoliners (ou «monoline insurers»).
Retail banking: banque de détail.
SPE / SPV: (special purpose entity / vehicle), Fonds
commun de créances. Instrument de
déconsolidation (par ex. de CDO, ABS) via
des techniques de titrisation; sous forme
par ex. d'un fonds multicédant.
50
Place financière suisse: situation et perspectives
Spread: écart mesuré en taux d’intérêt entre les
conditions qu’obtiendraient pour une même
durée des emprunts comportant un risque
différent («credit spread» ou «yield spreadۛ»).
Facteur déterminant pour la prime de risque.
Indique parfois aussi la différence entre des
emprunts comportant un même risque mais
avec une durée divergente («Maturity
spread»).
Surveillance prudentielle: la réglementation et la
surveillance prudentielles visent à maintenir la
solvabilité individuelle des banques,
négociants en valeurs mobilières, assureurs,
etc.
Taux SWAP: prix auquel s’échangent des titres et /
ou des devises (soit les flux en espèces qui en
découlent). Un swap sur devises implique
par. ex. de payer sur une période définie la
différence d’intérêt (positive ou négative)
entre les deux monnaies troquées.
USD: dollar américain.
Ventes à découvert: (short sales) opération à terme
consistant à vendre un titre que l’on ne
possède pas encore dans l’espoir de se
couvrir. La vente aboutit à une position courte
(short position; contraire: long position).
Wealth-management: voir Private Banking.
SWIFT: Society for Worldwide Interbank Financial
Telecommunications, coopérative exploitant
un réseau international de télécommunications
permettant d’assurer un trafic des paiements
rationnel et rapide.
Taux LIBOR: London Interbank Offered Rate.
Taux d’intérêt pratiqué à Londres entre les
principales banques internationales pour les
dépôts à court terme. Il dépend de la durée du
prêt et de la monnaie de référence.
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