Paludisme de la femme enceinte :
identification d’un gène impliqué dans la fixation
du parasite au placenta
En Afrique, le paludisme entraîne chez la femme
enceinte des complications de grossesse, à l’origi-
ne d’une surmortalité chez la mère et l’enfant.
Plasmodium falciparum, son agent pathogène,
colonise le placenta en y favorisant l’ancrage des
globules rouges qu’il infecte. Ce phénomène
implique l’interaction d’une protéine parasitaire
située à la surface des hématies avec une molécule
placentaire. Cette dernière, la "chondroïtine sulfate
A" (CSA), a été identifiée en l’an 2000 par une équi-
pe de l’IRD. À la suite de travaux récents, les cher-
cheurs montrent que le gène parasitaire var2csa coderait pour une protéine
située à la surface du globule rouge, celle-ci interagissant ensuite avec la CSA.
Menés en collaboration avec des chercheurs de Copenhague (Danemark) et de
Guediawaye (Sénégal), ces travaux pourraient ouvrir la voie à un vaccin anti-
paludique pour les femmes enceintes.
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IRD - Marie Guillaume, coordinatrice et rédactrice
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Fiche nº 228
Août 2005
Le paludisme est transmis par le parasite
Plasmodium falciparum, inoculé lors d’une
piqûre de moustique anophèle. Une fois
introduit dans le sang, il mature d’abord dans le
foie, puis se multiplie dans les globules rouges
(hématies). Afin d’échapper au système immu-
nitaire, P. falciparum soustrait la cellule à la
circulation sanguine en la fixant à la paroi
interne des vaisseaux sanguins. Le globule ne
peut alors plus être acheminé vers la rate, l’un
des principaux organes immunitaires, dont l’un
des rôles est de détruire les cellules anormales.
Cet ancrage, dit phénomène de cytoadhérence,
a lieu grâce à la présence à la surface des
hématies de protéines parasitaires, codées par
les gènes var de P. falciparum. Ces molécules
s’arriment à des récepteurs présents sur les
parois du vaisseau.
Chez la femme enceinte impaludée, le
placenta contient aussi une grande quantité de
globules rouges parasités. Cette infection
perturbe les échanges entre la mère et le fœtus,
entraînant ainsi une diminution du poids de l’en-
fant à la naissance. Dans les zones d’Afrique où
le paludisme est endémique, la maladie serait
responsable de 30 % des cas de faible poids
observés chez le nouveau-né. Au total, ce sont
3 à 5 % des décès de nourrissons africains qui
peuvent être imputés à P. falciparum. Le para-
site représente également un danger pour la
femme enceinte, chez qui il est la cause de 2 à
15 % des anémies maternelles.
La fixation du globule rouge infecté au
placenta intervient selon le même mécanisme
que dans les vaisseaux sanguins : d’une part
une protéine parasitaire présente à la surface
du globule infecté, de l’autre une molécule
servant de point d’ancrage sur les cellules
placentaires. Cette dernière a été caractérisée
en l’an 2000 par une équipe de l’IRD (Faculté de
Pharmacie, Paris) (1). Il s’agit de la "chondroïtine
sulfate A" (CSA), une protéine présente sur les
cellules tapissant le placenta, les syncytiotro-
phoblastes. La protéine parasitaire, établissant
un pont entre la CSA et la surface de l’hématie
infectée, n’était cependant pas identifiée. La
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Le paludisme chez la femme enceinte.
©IRD/Michel Cot
même équipe de l’IRD, en collaboration avec des cher-
cheurs de Copenhague (Danemark) et de
Guediawaye (Sénégal) (2), vient de découvrir que le
parasite porte un gène particulier, nommé var2csa, qui
code très probablement pour cette protéine-clé.
Les chercheurs ont isolé des globules rouges infectés
à partir de trois sources différentes : le placenta et les
vaisseaux sanguins de femmes enceintes ou non. Les
trois échantillons ont été déposés sur des boîtes de
culture, dont le fond avait été préalablement tapissé
avec la protéine CSA. Seuls les échantillons provenant
de femmes enceintes sont restés attachés au fond des
boîtes, montrant ainsi que les hématies de ces
patientes possèdent à leur surface une molécule inter-
agissant avec la CSA.
L’un des candidats pour ce rôle est une protéine
codée par le gène parasitaire var2csa : des travaux
antérieurs ont mis en évidence sa capacité à se lier à
la CSA in vitro. Or, les résultats de l’équipe renforcent
cette hypothèse. En effet, seuls les globules rouges de
la femme enceinte, qu’ils proviennent des vaisseaux
sanguins ou du placenta, font preuve d’une forte
expression du gène. Chez la femme non-enceinte
infectée, le gène, bien que présent, reste quasi-inactif.
L’expression de var2csa semble donc n’intervenir que
durant la grossesse.
Cependant, même parmi les échantillons provenant
des femmes enceintes, les chercheurs ont décelé des
nuances dans l’attachement des globules rouges à la
CSA. Ce phénomène, reflétant la variabilité génétique
intrinsèque au vivant, pourrait être dû à des différences
d’expression de var2csa. En effet, les échantillons
adhérant le mieux au fond des boîtes sont aussi ceux
dont le gène est le plus actif. L’attachement du globule
rouge infecté à la protéine CSA dépendrait donc de
l’expression du gène.
D’après des tests sérologiques, seules les femmes
enceintes possèdent des anticorps dirigés contre la
protéine codée par le gène. Les chercheurs émettent
l’hypothèse que la molécule, exposée à la surface du
globule et donc accessible au système immunitaire,
pourrait être reconnue par celui-ci, déclenchant alors la
synthèse d’anticorps spécifiques. Ceux-ci, qui inhibent
la cytoadhérence des parasites à la CSAin vitro, pour-
raient procurer une protection contre le parasite. En
effet, seules les femmes enceintes pour la première
fois (primigestes) sont vulnérables au parasite. Cette
exposition au parasite exprimant var2csa les rendrait
résistantes à la maladie lors de grossesses ultérieures.
La découverte du rôle de var2csa dans la colonisa-
tion placentaire par P. falciparum pourrait constituer
une étape décisive dans l’élaboration d’un vaccin anti-
paludique pour femmes enceintes. Les chercheurs
envisagent pour cela d’identifier la partie du gène
impliquée dans la fixation à la protéine CSA. Une telle
avancée permettrait d’inhiber l’interaction des deux
molécules, empêchant de fait les globules infectés de
coloniser le placenta.
______________________
(1) Un exposé de ces travaux peut être consulté à l’adresse suivante :
http://www.ird.fr/fr/actualites/fiches/2000/fiche107.htm
(2) L’équipe danoise travaille au Centre for Medical Parasitology
(Department of Medical Microbiology and Immunology, Université
de Copenhague, Panum Institute, Danemark), l’équipe sénéga-
laise au Centre de Santé Roi Baudouin (Guediawaye, Sénégal).
Rédaction – IRD : Romain Loury
Pour en savoir plus
CONTACTS :
Philippe DELORON – UR010 "Santé de la mère et de l’enfant en milieu tropical : épidémiologie génétique et périna-
tale", Université Paris V, Faculté de Pharmacie, Laboratoire de Parasitologie, 4 Av. de l’Observatoire, 75270 Paris Cedex
6, France.
Tél. : +33 (0)1 53 73 96 22, Fax : +33 (0)1 53 73 96 17
IRD Communication :
Romain Loury (rédacteur-coordinateur), tél. : 01 48 03 76 07, courriel : [email protected]
Hélène Deval (relations presse), Tél. : 01 48 03 75 19, Courriel : [email protected]
RÉFÉRENCES :
N.G. Tuikue Ndam, A. Salanti, G. Bertin, M. Dahlbäck, N. Fievet, L. Turner, A. Gaye, T. Theander & P. Deloron, 2005 – High level
of var2csa transcription by Plasmodium falciparum isolated from the placenta, Journal of Infectious Diseases, vol.192, pp. 331-335.
B. Maubert, N. Fievet, G. Tami, C. Boudin & P. Deloron, 2000 – Cytoadherence of Plasmodium falciparum-infected erythrocytes in
the human placenta, Parasite Immunology, vol.22, pp. 191-199.
ILLUSTRATIONS :
Contacter Indigo Base, Banque d’images de l’IRD, Claire Lissalde ou Danièle Cavanna,Tél. : 01 48 03 78 99,
Pour consulter ces illustrations : www.ird.fr/fr/actualites/fiches/2005/fiche228.htm
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