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INTRODUCTION
La temporalité est l'un des thèmes les plus étudiés chez le philosophe allemand Edmund
Husserl (1859 – 1938), mais aussi l’un des plus complexes à investiguer. Son analyse requiert un
plongeon dans les niveaux les plus profonds du processus de constitution. Cette dernière est au
cœur de la phénoménologie husserlienne, car elle dévoile la relation entre l’homme et les choses,
entre la conscience et le monde, de telle façon que son analyse n’est pas seulement une
investigation parmi d’autres. Ainsi, Husserl décrit le temps comme le plus important de tous les
problèmes phénoménologiques, mais aussi le plus difficile. Et, pourtant, on en connait peu sur ce
sujet. Ce n’est pas étonnant donc que Husserl commence les Vorlesungen zur Phänomenologie des
inneren Zeitbewußtseins (Leçons pour une Phénoménologie de la Conscience Intime du Temps) en citant la très
célèbre phrase d’Augustin : « Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ;
si je veux répondre à cette demande, je l’ignore »
. D’après Husserl, « naturellement, nous savons
tous ce qu’est le temps, c'est la chose la plus familière de toutes »
, cependant, le temps demeure
dans l’histoire de la philosophie comme un ‘ancien fardeau’ (uraltes Kreuz).
Ce thème n’est pas d’une extrême complexité seulement pour les chercheurs, mais aussi
pour Husserl lui-même. Dans sa recherche, le philosophe a souvent fait face à des apories, des
questions insolubles et même des problèmes de régression à l’infini. Ses écrits sur la temporalité
consistent surtout en des notes et des lignes fragmentaires d'analyses, de sorte que le fait que la
clarification phénoménologique soit une tâche infinie devient évident dans son investigation sur
la conscience de temps. Cela peut être remarqué par l’analyse de deux de ses trois grandes œuvres
sur ce thème
, à savoir les Vorlesungen zur Phänomenologie des inneren Zeitbewußtseins (Leçons pour une
Phénoménologie de la Conscience Intime du Temps) et les Bernauer Manuskripte über das Zeitbewusstsein
(Manuscrits de Bernau sur la conscience du temps). Les écrits les plus connus de la théorie husserlienne
du temps se trouvent dans les « Leçons pour une Phénoménologie de la Conscience Intime du Temps ». Cette
œuvre présente des cours donnés par Husserl à Göttingen durant l’hiver de 1904/1905, mais elle
a été publiée par Martin Heidegger seulement en 1928. Le texte publié en 1928 cependant n’est
pas identique aux cours de 1904/1905. Il est le résultat d’une édition extensive et intensive
réalisée par Husserl lui-même en septembre 1917. A cette époque, lors de sa visite à Husserl à
Bernau, Edith Stein, son assistant, a amené au philosophe des anciens textes centrés sur les
SAINT AUGUSTIN. Les Confessions, Livre 11, chapitres 14, XIV
HUSSERL, Edmund. Vorlesungen zur Phänomenologie des inneren Zeitbewusstseins. Tübingen: Max Niemeyer Verlag,
2000, Einleitung, p. 2 [HUA X-1, p. 368]
La troisième œuvre est les C-Manuskripte (C-Manuscrits). Elle réunit des écrits de Husserl sur la temporalité de 1929 à
1934. Puisque notre thème ici est la relation entre temps et individuation, nous allons nous restreindre seulement aux
deux premières œuvres, où ce sujet est plus profondément développé.