La Revue Marseillaise du Théâtre/Les News
11 février 2013
Du théâtre, du vrai !
Présenté au Gymnase puis en tournée, ‘El Cid’ a suscité le soir de la première une vive
émotion dans le cœur du public, conquis par la dernière création d’une troupe de théâtre
ô combien justement autobaptisée l’agence de voyages imaginaires, l’applaudissant à
tout rompre.
La compagnie s’est ici attaquée à adapter “le Cid” de Corneille en ne conservant du texte
originel que l’essentiel: Philippe Car et son acolyte, Yves Fravéga, ont resserré l‘action
autour des amours menacées de Rodrigue et Chimène, faisant disparaitre le personnage
de l’infante, un des sujets de discorde dans “la querelle du Cid” suscitée par Mairet et
Scudéry. (…)
Ces coupes, loin de nuire à la qualité de l’œuvre, offre au spectateur un récit légèrement
épuré, plus axé sur les mouvements du cœur des deux héros et le cruel dilemme de
Rodrigue et de Chimène, hésitant entre leur devoir filial et leur sentiment. Et c’est à cet
endroit précis que se trouve l’intérêt de l’œuvre dont nous vous faisons un bref rappel ici.
‘Don Diégo et le comte de Gomès ont décidé d’unir leurs enfants Rodrigue et Chimène,
qui s’aiment. Mais le comte, jaloux de se voir préférer le vieux don Diégo pour le poste de
précepteur du prince, offense ce dernier en lui donnant un soufflet. Don Diégo, affaibli
par l’âge et trop vieux pour se venger par lui-même, remet sa vengeance entre les mains
de son fils Rodrigue qui, déchiré entre son amour et son devoir, finit par écouter la voix
du sang et tue le père de Chimène en duel. Chimène essaie de renier son amour et le
cache au roi, à qui elle demande la tête de Rodrigue. Mais l’attaque du royaume par les
Maures donne à Rodrigue l’occasion de prouver sa valeur et lui vaut le surnom Del Cid. Il
obtient ainsi le pardon du roi. Plus que jamais amoureuse de Rodrigue, Chimène reste sur
sa position et obtient du roi un duel entre Sancho, qui l’aime aussi, et Rodrigue. Elle
promet d’épouser le vainqueur. Rodrigue victorieux reçoit du roi la main de Chimène : le
mariage sera célébré l’année suivante.
Afin de ne pas perdre le public dans les aléas de cette aventure épique, l’agence de
voyages imaginaires a convoqué 5 personnages fictifs, les Alonzos, vêtus d’un fez
marocain et armés de leur instrument (accordéon, trompette, guitare et autres cuivres).
Ces derniers, en maîtres de cérémonie, nous accueillent en chœur et en fanfare sur la
scène du Gymnase, avant de résumer à l’adresse du public, chacun à leur tour, en fin de
chaque acte, l’action de la pièce, à la façon du coryphée (le chef de choreutes) dans les
tragédies grecques. C’est l’occasion de nous questionner sur le notion de justice,
rappelant ici un autre objet de “la querelle du Cid”, la question de la moralité de l’oeuvre.
La vengeance de Rodrigue est-elle juste? Ne pouvait-il agir autrement? Comme le dirait
Pirandello, ‘à chacun sa vérité’. Ces interventions sont judicieuses et éclairent l’action
sous un angle plus philosophique, offrant au spectateur des respirations entre deux
batailles ou joutes verbales entre les protagonistes, lui laissant le temps de se
questionner. Ce procédé permet aussi de lier les actes entre eux et surtout, de pallier aux