Extraits de presse Télérama Sortir « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » À croire que la joyeuse troupe de l'Agence de voyages imaginaires a fait de ce célèbre alexandrin une maxime pour réussir à monter et à adapter Le Cid de Corneille avec une telle liberté. C'est au cours d'un périple de plusieurs mois à travers l'Espagne et le Maroc, que le spectacle prend forme, se nourrissant des rencontres et des influences culturelles et musicales des pays parcourus. Le résultat est tout simplement une performance euphorisante : fidèle au texte (Rodrigue et Chimène se débattent toujours entre amour, contraintes et devoir), le spectacle relève à la fois de la tragédie et du burlesque (narrateur Alonzo et son taxi, Chimène et sa caravane...). Un univers théâtral à découvrir sans tarder. Françoise Sabatier-Morel La Provence 02/02/2013 On a l’impression d’avoir vu un vrai rêve de gamin remuant, et l’on a de nouveaux 10 ans. La troupe de saltimbanques généreux reprend le classique de Corneille à sa façon, foraine et fantasmagorique. Sur le plateau du théâtre, une piste de chapiteau recréée fait tourner leur monde fantaisiste, ça roule et fait « pouêt », ça ferraille et s’adore. Car la soirée est une fête avec sa galerie de personnages ultra-colorisés et de répliques que l’on connaît par cœur. L’Agence de Voyages Imaginaires livre une version pleine d’ardeur et de poésie. Gwenola Gabellec L'Humanité 20/03/2013 Populaire au meilleur sens du terme… Toute la force et toute la singularité de la mise en scène de Philippe Car reposent sur sa savante et fine façon d’exciter tout à la fois, les neurones et les zygomatiques du spectateur. Il règne sur scène une atmosphère de fête foraine. Un manège haut en couleurs où, du cirque au music-hall, en passant par le théâtre d’ombre, sur fond de musique et de chants endiablés, nous entendons les enjeux dramatiques du texte. Le verbe et la note se marient allègrement grâce aux comédiens qui se révèlent d’excellents musiciens. Nous ne pouvons que jubiler, lorsque le jeu et la joie presque enfantine au service d’une pensée exigeante fustigent allègrement les travers quasiment puérils des caprices soi-disant nobles du pouvoir et de l’ordre. Guy Flattot Le Petit Bulletin n°749 - 20 mars 2014 Point haïssable «Molière, Feydeau… C’est vraiment s’enfermer dans des limites restreintes et, à mon avis, un peu périmées». Laissons au metteur en scène exigeant (et passionnant) qu’est Claude Régy la parenté de cette analyse, mais affirmons tout de même que nous sommes, dans une certaine mesure, d’accord avec lui. Notamment lorsqu’il s’étonne que l’on monte toujours les mêmes auteurs classiques, toujours de la même façon. Ces «limites restreintes», Philippe Car (ex-Cartoun Sardines, maintenant à la tête de l’Agence de Voyages Imaginaires) les dynamite avec talent depuis de nombreuses années. Molière, Shakespeare et aujourd’hui Corneille : les plus grands sont tombés entre ses mains, pour des spectacles inventifs, généreux et surtout très drôles. C’est le cas du Cid, qu’il transpose dans une sorte de fête foraine, en ne lésinant pas sur les moyens - les décors et accessoires sont parfaits - et avec un souci constant de clarifier l’intrigue et d’en extraire les enjeux principaux, via notamment une réflexion sur l’honneur, au centre de la pièce – en gros, Rodrigue doit tuer le père de sa future femme car il a offensé le sien. Sur le plateau, ça bondit dans tous les sens, ça s’étripe avec passion et ça chante aussi, le tout avec seulement cinq comédiens. Une relecture joyeuse et très cinématographique, à la manière, par exemple, de ce qu’a pu faire un Tarantino avec le western - une référence assumée par la compagnie. Si l’ensemble souffre par moments de quelques longueurs, il emporte l’adhésion au bout du compte, avec panache. N'en déplaise à Claude Régy ? Aurélien Martinez La Revue Marseillaise du Théâtre/Les News 11 février 2013 Du théâtre, du vrai ! Présenté au Gymnase puis en tournée, ‘El Cid’ a suscité le soir de la première une vive émotion dans le cœur du public, conquis par la dernière création d’une troupe de théâtre ô combien justement autobaptisée l’agence de voyages imaginaires, l’applaudissant à tout rompre. La compagnie s’est ici attaquée à adapter “le Cid” de Corneille en ne conservant du texte originel que l’essentiel: Philippe Car et son acolyte, Yves Fravéga, ont resserré l‘action autour des amours menacées de Rodrigue et Chimène, faisant disparaitre le personnage de l’infante, un des sujets de discorde dans “la querelle du Cid” suscitée par Mairet et Scudéry. (…) Ces coupes, loin de nuire à la qualité de l’œuvre, offre au spectateur un récit légèrement épuré, plus axé sur les mouvements du cœur des deux héros et le cruel dilemme de Rodrigue et de Chimène, hésitant entre leur devoir filial et leur sentiment. Et c’est à cet endroit précis que se trouve l’intérêt de l’œuvre dont nous vous faisons un bref rappel ici. ‘Don Diégo et le comte de Gomès ont décidé d’unir leurs enfants Rodrigue et Chimène, qui s’aiment. Mais le comte, jaloux de se voir préférer le vieux don Diégo pour le poste de précepteur du prince, offense ce dernier en lui donnant un soufflet. Don Diégo, affaibli par l’âge et trop vieux pour se venger par lui-même, remet sa vengeance entre les mains de son fils Rodrigue qui, déchiré entre son amour et son devoir, finit par écouter la voix du sang et tue le père de Chimène en duel. Chimène essaie de renier son amour et le cache au roi, à qui elle demande la tête de Rodrigue. Mais l’attaque du royaume par les Maures donne à Rodrigue l’occasion de prouver sa valeur et lui vaut le surnom Del Cid. Il obtient ainsi le pardon du roi. Plus que jamais amoureuse de Rodrigue, Chimène reste sur sa position et obtient du roi un duel entre Sancho, qui l’aime aussi, et Rodrigue. Elle promet d’épouser le vainqueur. Rodrigue victorieux reçoit du roi la main de Chimène : le mariage sera célébré l’année suivante. Afin de ne pas perdre le public dans les aléas de cette aventure épique, l’agence de voyages imaginaires a convoqué 5 personnages fictifs, les Alonzos, vêtus d’un fez marocain et armés de leur instrument (accordéon, trompette, guitare et autres cuivres). Ces derniers, en maîtres de cérémonie, nous accueillent en chœur et en fanfare sur la scène du Gymnase, avant de résumer à l’adresse du public, chacun à leur tour, en fin de chaque acte, l’action de la pièce, à la façon du coryphée (le chef de choreutes) dans les tragédies grecques. C’est l’occasion de nous questionner sur le notion de justice, rappelant ici un autre objet de “la querelle du Cid”, la question de la moralité de l’oeuvre. La vengeance de Rodrigue est-elle juste? Ne pouvait-il agir autrement? Comme le dirait Pirandello, ‘à chacun sa vérité’. Ces interventions sont judicieuses et éclairent l’action sous un angle plus philosophique, offrant au spectateur des respirations entre deux batailles ou joutes verbales entre les protagonistes, lui laissant le temps de se questionner. Ce procédé permet aussi de lier les actes entre eux et surtout, de pallier aux coupes faites dans le texte originel. La dramaturgie ici développée est fluide et bien agencée, au service des trois unités de temps (l’action se déroule en 24h, avec un décompte des heures par les Alonzos), d’action (les amours de nos deux héros) et de lieu (l’action se passe à Séville). La scénographie (dont les éléments sont entièrement fabriqués par les techniciens de la compagnie) est un rappel du voyage effectué par les artistes lors de leur travail de création : la place publique est symbolisée par un cercle autour duquel tournent une caravane (symbole de la maison de Chimène); un château (le palais du roi) et une voiture (le cheval de Rodrigue). Selon le lieu de l’action, le placement des éléments du décor en est modifié: lors de la scène du soufflet, le château du Roi se situe côté cours, face public, la voiture avec Don Diégo en milieu de scène et la caravane, coté jardin, en fond de scène. La scénographie ingénieuse et mobile situe à chaque acte le lieu de l’action. Le mouvement circulaire de ses éléments, bercé par une musique enlevée et joyeuse de cirque, confère du rythme au récit. La mise en scène cinématographique de Philippe Car avec ses photographies (à chaque fin d’acte), ses plans séquences (la scène du combat entre Rodrigue et le père de Chimène en ombre chinoise en fond de scène pendant que sur l’avant scène, Elvira tente de convaincre Chimène de s’abandonner à Rodrigue), ses travelings (lorsque Chimène fuit à reculons devant Sancho lui déclarant sa flamme en chanson) est finement ciselée. Chaque mouvement, déplacement et geste des comédiens est précis, réglé comme du papier à musique, et les artistes, qui interprètent les Alonzos et leur personnage, jouent et chantent à la fois, font preuve de talent même s’il leur a manqué un peu de temps de répétitions pour travailler plus leur jeu théâtral. Derrière une apparente simplicité, se cache un travail théâtral précis et complexe qui fait appel à tous les éléments entrant en jeu dans une création et ce, sans effets non théâtraux. La musique qui reprend des standards espagnols (“quizas”, “un año de amor”) est exécutée en live et la compagnie ne fait ni appel à de la vidéo projection ni à des effets spéciaux couteux: tous les effets sont créés avec des bouts de ficelle (ex. la scène où Chimène découvre son père mort au pied d’une flaque de sang symbolisée par un grand tissus rouge). C’est assez rare aujourd’hui de la part d’une compagnie subventionnée qu’il semble important de le préciser car nous assistons avec El Cid à une véritable pièce de théâtre populaire, avec ses artifices théâtraux, mais sans effets superfétatoires, comme c’est hélas souvent le cas dans les créations largement aidées par les tutelles. Avec son esthétique aux couleurs vives (la voiture jaune fluo); ses costumes kitsch (à noter la perruque fuchsia de Rodrigue et son costume rayé noir/fuchsia), son choix d’un jeu burlesque pour Valérie, Philippe et les autres (à noter l’interprétation tordante de Vincent dans le rôle du Roi lorsqu’il s’énerve et en perd sa perruque), el Cid nous emporte dans l’univers onirique, farfelu et drôle de l’agence de Voyages imaginaires. Nul ne doute que la pièce se bonifiera avec le temps…. (…)