ANNEXE 3 IMPACT ÉTUDES DE CAS RAPPORT D’AUTO-ÉVALUATION 2008-2012 DÉPARTEMENT ENVIRONNEMENT ET AGRONOMIE Membre fondateur de Annexe 3 Evaluation de l’impact de la recherche par la méthode ASIRPA Sept cas d’étude Mise en place d’une politique publique de réduction des usages de pesticides : le plan Ecophyto Outil d’évaluation de l’impact du changement climatique sur l’agriculture en France Méta-cas – Impact des recherches de l’INRA sur la fertilisation minérale en France Création de la start-up Naskéo Environnement sur les technologies de méthanisation de l’INRA Gestion de la pollution d’origine agricole en Bretagne Système d’information sur les sols de France Changement climatique : élaboration de méthodes d’inventaires des émissions agricoles de N2O ASIRPA Socio-economic analysis of the diversity of Impacts of Public Research for Agriculture Mise en place d’une politique publique de réduction des usages de pesticides : le plan Ecophyto 25 mars 2014 Christian Gary pour le groupe Ecophyto R&D Nathalie Munier-Jolain Fanny Pellissier Laurence Colinet Ariane Gaunand 3 Résumé En 2008, le gouvernement français adopte une politique publique de réduction des usages des pesticides, le plan Ecophyto 2018. Il s’appuie pour cela sur des références techniques produites par l’étude Ecophyto R&D réalisée par l’Inra en 2007-2008, qui indiquent des marges de manœuvre possibles dans différentes filières de production végétale. Ces références sont issues en particulier de données produites par des dispositifs expérimentaux de longue durée gérés par l’Inra. L’axe 2 du plan Ecophyto 2018, visant à généraliser les systèmes agricoles permettant de réduire l'utilisation des pesticides, repose sur la mise en place d’une plateforme d'expérimentation, de démonstration et d’acquisition de références proposée par l’étude Ecophyto R&D. Contexte Le recours aux pesticides a des conséquences environnementales et sanitaires préoccupantes et différentes politiques publiques ont été élaborées pour le réduire. Au niveau européen, la directive cadre sur l’eau (2000) a pour objectif d’obtenir en 2015 un bon état chimique et écologique des masses d'eau afin de garantir une gestion soutenable de cette ressource. De manière plus spécifique, le « paquet pesticides », adopté en juin 2011, enjoint chaque pays membre de mettre en place un plan d’action national visant à réduire le risque et l’utilisation des pesticides. Par ailleurs, la Politique Agricole Commune évolue vers une plus forte conditionnalité des aides à l’agriculture pour la mise en place de mesures agri-environnementales. En France, la déclinaison de ces directives est passée par le Plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides (PIRPP, 2006-2009) puis, après les engagements pris par le gouvernement en 2007 dans le cadre du Grenelle de l’environnement, par le plan Ecophyto 2018. Pour la mise en place de ces politiques publiques, les pouvoirs publics se sont appuyés à différentes reprises sur des groupes d’experts et sur des références scientifiques et techniques issus en particulier de l’Inra. Les principaux jalons qui ont marqué l’élaboration du plan Ecophyto 2018 sont les suivants : • 2004-2006 : l’expertise collective Pesticides est commanditée par les ministères de l’agriculture et de l’environnement, et confiée à l’Inra et au CEMAGREF en vue d’alimenter le contenu du PIRPP ; cette expertise conclut que la réduction de l’usage de pesticides est possible avec une politique volontariste ambitieuse ; • 2007 : le Grenelle de l’Environnement donne lieu à un ensemble de rencontres politiques visant à prendre des décisions à long terme en matière d’environnement et de développement durable, et notamment à diviser par deux, si possible, l’utilisation de pesticides d’ici à 2018 ; • 2007 : l’étude Ecophyto R&D est commanditée à l’Inra par les ministères de l’agriculture et de l’environnement ; elle vise à évaluer les marges de manœuvre en matière de réduction du recours aux pesticides dans différentes filières végétales et à proposer un dispositif de production de références et d’accompagnement de l’agriculture française ; • 2008 : le ministre de l’agriculture M. Barnier demande une déclinaison pour l’agriculture des engagements pris dans le cadre du Grenelle de l’environnement ; pour cela est créé le Comité opérationnel d’experts « Ecophyto 2018 » (COMOP) présidé par Guy Paillotin et qui remet son rapport en mai 2008 ; • 2008 : le ministre de l’agriculture M. Barnier présente en septembre 2008 le plan Ecophyto 2018 qui prévoit les dispositions pour mettre en œuvre les engagements du Grenelle, et en particulier la réduction de 50 % de l’usage de pesticides d’ici 2018, « si possible » ; • 2009 : en janvier, les résultats de l’étude Ecophyto R&D font l’objet d’une présentation publique ; • 2013 : le plan Ecophyto 2018 est rebaptisé plan Ecophyto. 4 Inputs et configuration productive La contribution de l’Inra à l’élaboration et à la mise en place du plan Ecophyto 2018 s’est appuyée sur un ensemble de travaux de recherche et de dispositifs issus en particulier du département EA. Des connaissances scientifiques Le département EA a développé un ensemble de compétences scientifiques et techniques dans différents domaines en lien avec l’usage des pesticides : - analyse des transferts et des impacts environnementaux des pesticides dans les eaux et dans les sols (UMR LISAH Montpellier, UMR EGC Grignon) ; - évaluation des impacts environnementaux des systèmes de culture (UMR LAE Nancy-Colmar, UMR SAS Rennes) ; - effets sur la dynamique des bioagresseurs des systèmes de culture et de leur distribution dans les paysages (UMR Agronomie Grignon, UR PSH Avignon, UMR Agroécologie Dijon) ; - évaluation des impacts des complexes de bioagresseurs sur les dégâts et dommages sur les récoltes (UMR Agir, Toulouse) ; - conception de systèmes de culture à bas niveaux d’intrants, en particulier phytosanitaires (UMR Agronomie Grignon, UMR System Montpellier). Les connaissances issues de ces travaux ont été intégrées dans l’expertise scientifique collective Pesticides qui a permis de conclure que la réduction de l’usage de pesticides est possible avec une politique volontariste et ambitieuse (Aubertot et al, 2005). L’identification de cette marge de manœuvre a servi de point de départ à l’étude Ecophyto R&D. Des dispositifs expérimentaux innovants Des dispositifs expérimentaux de longue durée ont été mis en place dès les années 1990 dans différentes unités expérimentales de l’Inra pour concevoir et évaluer des systèmes de culture en rupture du point de vue de la protection des cultures : - Grandes cultures : dispositif de La Cage à Versailles, comportant depuis 1998 des modalités de protection intégrée et d’agriculture biologique, dispositif de Dijon-Epoisses, comportant depuis 2000 des systèmes de cultures avec réduction d’usage des herbicides, dispositif de Toulouse-Auzeville évaluant depuis 1995 des systèmes de culture à bas niveaux d’intrants (département EA), - Arboriculture : dispositif de Gotheron évaluant depuis 2005 des systèmes de culture à bas niveau d’intrants phytosanitaires (département SPE). Sur ces dispositifs ont été produites des références techniques et économiques qui ont été mobilisées, dans le cadre de l’étude Ecophyto R&D, pour la construction de scénarios de rupture (itinéraires techniques et successions culturales) et leur évaluation agronomique et économique (performances productives, environnementales et économiques). Des références technico-économiques ont également été mobilisées à partir de dispositifs en partenariat, comme le Réseau Mixte de Technologie (RMT) « Systèmes de culture innovants » qui associe depuis 2007 des équipes de l’Inra, des instituts techniques et des chambres d’agriculture. Ce RMT a en particulier pour objectifs de mettre en place un réseau de compétences, de proposer des démarches opérationnelles pour la conception et l’évaluation des systèmes innovants, et d’organiser un réseau d’expérimentations multilocal et pluriannuel pour tester les plus prometteurs. Des outils d’évaluation L’évaluation de scénarios de réduction d’usage des pesticides s’est appuyée sur le savoir-faire du département EA en matière de construction d’indicateurs agri-environnementaux et d’analyse multicritère : - l'indicateur I-Phy, diffusé depuis 2000 par l’UMR LAE Nancy-Colmar, détermine l’impact environnemental de programmes de protection des grandes cultures, de la vigne et des arbres fruitiers ; - l’outil d’analyse multicritère MASC, développé à partir de 2005 par les UMR Agronomie Grignon, Agir Toulouse Colmar et LAE Nancy-Colmar et l’UAR Eco-Innov, permet une évaluation de la durabilité de systèmes de culture, à travers leurs performances environnementales, économiques et sociales. Certains de ces indicateurs ont été mobilisés pour évaluer les scénarios de réduction du recours aux pesticides dans le cadre de l’étude Ecophyto R&D. L’analyse multicritère (MASC) est utilisée pour 5 l’évaluation des performances des systèmes de culture dans les réseaux Dephy, mis en place dans le cadre du plan Ecophyto 2018. L’étude Ecophyto R&D L’étude Ecophyto R&D de l’Inra, engagée en 2007 à la demande des ministères de l’agriculture et du développement durable, portait sur la faisabilité de la réduction d’usage des pesticides pour donner une suite opérationnelle en agriculture aux engagements du Grenelle de l’environnement, en tenant compte du diagnostic posé par l’expertise collective Pesticides (2005). Les objectifs étaient : • la production de scénarios nationaux de réduction d’usage, renseignés par des indicateurs agronomiques et environnementaux, et une analyse des stratégies des acteurs concernés par les changements de pratiques, pour éclairer la possibilité de mise en œuvre de l’objectif de 50% de réduction ; • la conception d’un dispositif de production, gestion et diffusion de références expérimentales sur les systèmes de cultures économes en pesticides favorisant leur adoption par les agriculteurs, sur la base de l’inventaire des dispositifs existants. A la différence d'une expertise scientifique, cette étude a exploité, au-delà des publications académiques, l'ensemble des références accessibles, articles de revues techniques, comptes rendus d'essais, rapports, et les a complétés si besoin à dires d'experts qualifiés. L'Inra a conduit la réalisation technique de l’étude, en mobilisant environ 80 experts, issus de l'Institut, de l'enseignement supérieur, des organismes de développement agricole, et des services techniques des ministères. Les experts, choisis pour leur compétence personnelle, ont travaillé dans des groupes animés par des scientifiques de l’Inra. Huit groupes ont été constitués : "Méthodes", "Productions" ("Grandes cultures", "Cultures légumières", "Vigne" et "Arboriculture fruitière"), "Scénarios", "Jeux d’acteurs" et "Réseau". Enfin, un Comité d'orientation a rassemblé les représentants des différentes catégories de porteurs d'enjeux : organisations professionnelles, acteurs du développement agricole, associations, collectivités territoriales, État. Research outputs Les sorties du rapport Ecophyto R&D remis en 2010 sont : • la production de scénarios pour quatre grandes filières (grandes cultures, viticulture, horticulture, arboriculture) en considérant au niveau des régions, puis sur l’ensemble du territoire métropolitain quatre niveau de rupture (de type « conventionnel », « raisonné », « intégré », « bio ») ; • la proposition d’une organisation coordonnée d’une part de l’acquisition des références technicoéconomiques sur les systèmes économes en pesticides et d’autre part de la gestion de l’information sur ces références. Cette proposition articule des dispositifs d’expérimentation en stations et en fermes et de bases de données. L’étude Ecophyto R&D, grâce au processus interactif entre les acteurs, permet à la fois de fournir un éclairage pour les décideurs publics et les porteurs d’enjeux sur les scénarios plausibles de réduction d’utilisation de pesticides, et de proposer des leviers d’action possibles pour l’ensemble des acteurs. Une des conclusions principale est qu’une baisse de l’ordre du tiers de l’utilisation de pesticides par rapport à 2006 serait atteignable avec des changements significatifs de pratiques, mais sans bouleversement majeur des systèmes de production, et avec des effets sur les niveaux de production variables selon les secteurs de production et les niveaux de prix. Une réduction de moitié de l’utilisation des pesticides supposerait une nouvelle conception de systèmes de production, avec des effets significatifs sur le niveau de production et les marges ; elle supposerait également des modifications au niveau des filières et des marchés, et des changements profonds s’inscrivant dans la durée. Par exemple en grandes culture, cet objectif supposerait d’allonger les rotations et donc d’introduire de nouvelles cultures dans l’assolement : le développement de ces cultures de diversification, qui sont à l’heure actuelle mal valorisées, nécessiterait une adaptation des filières. Malgré des limites et contraintes bien identifiées, cette étude fournit une première analyse de la faisabilité d’une stratégie nationale de réduction de l’usage de pesticides, en éclairant les relations entre utilisation de pesticides, volume de production et marges, en identifiant des leviers permettant de favoriser les changements de pratiques et en proposant d’ores et déjà un schéma d’acquisition et de diffusion de références techniques sur des systèmes économes en pesticides. Ainsi, en complément d’actions réglementaires, l’action publique pourrait contribuer à dépasser les freins à l’adoption de nouvelles pratiques 6 en offrant une visibilité à long terme de la faisabilité de ces changements, facilitant les anticipations stratégiques des acteurs. Sont disponibles sur le site internet de l'INRA decisions/Etudes/Toutes-les-actualites/Ecophyto-R-D) : • • • (http://institut.inra.fr/Missions/Eclairer-les- la synthèse du rapport d’étude : Butault J.P., Dedryver C.A., Gary C., Guichard L., Jacquet F., Meynard J.M., Nicot P., Pitrat M., Reau R., Sauphanor B., Savini I., Volay T., 2010. Ecophyto R&D. Quelles voies pour réduire l'usage des pesticides ? (90 p.) ; le résumé (8 pages) ; le rapport complet de l'étude Ecophyto R&D (9 tomes) : - Tome I : Méthodologie générale, 76 pages, PDF (473 kO) : Écophyto R&D - tome I Tome II : Analyse comparative de différents systèmes en grandes cultures, 218 pages, PDF (2,84 MO) : Écophyto R&D - tome II Tome III : Analyse comparative de différents systèmes en viticulture, 84 pages, PDF (1,33 MO) : Écophyto R&D - tome III Tome IV : Analyse comparative de différents systèmes en arboriculture fruitière, 68 pages, PDF (599 kO) : Écophyto R&D - tome IV Tome V : Analyse comparative de différents systèmes en cultures légumières, 118 pages, PDF (906 kO) : Écophyto R&D - tome V Tome VI : Analyse ex ante de scénarios de rupture dans l'utilisation des pesticides, 90 pages, PDF (1,08 MO) : Écophyto R&D - tome VI Tome VII : Analyse des jeux d'acteurs, 74 pages, PDF (962 kO) : Écophyto R&D - tome VII Tome VIII : Inventaire des dispositifs d'acquisition de références existants, 138 pages, PDF (1,19 MO) : Écophyto R&D - tome VIII Tome IX : Conception d'un réseau d'acquisition de références et d'un réseau d'information, 100 pages, PDF (1,23 MO) : Écophyto R&D - tome IX Des outils Ecophyto consécutifs à cette étude Guide STEPHY (2008) : Guide pratique pour la conception de systèmes de culture plus économes en produits phytosanitaires - Application aux systèmes de polyculture (agriculture.gouv.fr/guide-ecophytograndes-cultures). Ce guide, co-rédigé par des ingénieurs de l’Inra, est largement fondé sur les travaux de l’Inra et du RMT SdCi sur la reconfiguration des systèmes. Guide CEPViti (2011) : Guide pour la co-conception de systèmes viticoles économes en produits phytosanitaires (http://agriculture.gouv.fr/ecophyto-guide-cepviti). Ce guide a été conçu et rédigé par des ingénieurs Inra, avec des partenaires déjà impliqués dans le groupe « Vigne » de l’étude Ecophyto R&D. Infloweb : informations et conseils sur adventices (htttp://grandes-cultures.ecophytopic.fr/gc/surveillance/guides/infloweb-une-mined%E2%80%99informations-et-de-conseils-sur-plus-de-40-adventices) Des publications Les résultats scientifiques mobilisés pour la réalisation de ces produits ont eux-mêmes fait l’objet de publications. On peut citer en particulier les publications et ouvrages suivants : Debaeke, P., Munier-Jolain, N., Bertrand, M., Guichard, L., Nolot, J. M., Faloya, V., Saulas, P. (2009). Iterative design and evaluation of rule-based cropping systems: methodology and case studies. A review. Agronomy for Sustainable Development, 29 (1), 73-86. DOI : DOI:10.1051/agro:2008050 Reau R., Doré T. (editeurs), 2008. Systèmes de culture innovants et durables : Quelles méthodes pour les mettre au point et les évaluer ? Transversales. Dijon, FRA : Educagri Editions. Sadok, W., Angevin, F., Bergez, J.-E., Bockstaller, C., Colomb, B., Guichard, L., Reau, R., Doré, T. (2008). Ex ante assessment of the sustainability of alternative cropping systems: implications for using multi-criteria decision-aid methods. A review. Agronomy for Sustainable Development, 28 (1), 163-174. DOI : 10.1051/agro:2007043 7 Chronologie Caption : 8 Flux de connaissances et intermédiaires Les services des ministères de l’agriculture et de l’écologie. La première diffusion des résultats de l’étude Ecophyto R&D s’est faite quasi en temps réel auprès des premiers utilisateurs (commanditaires des ministères), du fait du télescopage de l’agenda de production de l’étude, d’une part avec celui du Comité opérationnel d’experts sur les déclinaison des engagements du Grenelle Environnement en agriculture (COMOP), et d’autre part avec celui de la préparation au sein du ministère de l’agriculture du plan de mise en œuvre de ces engagements (plan Ecophyto 2018). De ce fait, les commanditaires se sont appropriés les résultats de l’étude au fur et à mesure de leur élaboration lors des restitutions intermédiaires, en particulier pour la construction du réseau de Démonstration, Expérimentation et Production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires (DEPHY), action majeure de l’axe 2 du plan Ecophyto 2018. Les ONG. D’autres acteurs impliqués dans le Grenelle de l’Environnement et dans le suivi des politiques publiques qui en sont issues se sont également appuyés sur l’étude Ecophyto R&D pour établir leurs positions et leurs contributions. Les associations de défense de l’environnement (France Nature Environnement, Alliance pour la planète) ont tout d’abord utilisé l’expertise collective « Pesticides » de 2005 pour élaborer leur argumentation dans les réunions du Grenelle de l’environnement en 2007. Des documents disponibles en ligne indiquent que le rapport Ecophyto R&D leur a ensuite permis de consolider leurs positions et revendications 1 . Il est probable que les ONG impliquées dans le COMOP Ecophyto aient bénéficié des réunions ou rapports intermédiaires qui ont pu paraitre en parallèle du COMOP. Le site web du ministère de l’agriculture. Le rapport Ecophyto R&D et les guides pratiques d’accompagnement au changement vers la réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires (Guides STEPHY et CEPViti, Infloweb) développés en parallèle de l’étude Ecophyto R&D ont été immédiatement mis en ligne sur les pages Ecophyto du site du ministère de l’agriculture. Les guides pratiques sont à la disposition des professionnels dans la Médiathèqu’Ecophyto (http://agriculture.gouv.fr/Mediathequ-Ecophyto,1735) et le portail EcophytoPIC. Ils sont régulièrement promus dans la communication du ministère (http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/131209_DP_Ecophyto_CNOS_2013-BD_cle48fb18.pdf). La CAN (Cellule Animation Nationale du réseau DEPHY) est un comité pluri-institutionnel regroupant des experts de l’ACTA, de la FNCIVAM, d’instituts techniques, des chambres d’agriculture, d’InVivo et de l’Inra. La CAN (cellule animation nationale Ecophyto 2018), pilote la mise en œuvre du plan d’action du ministère avec la mise en œuvre du réseau DEPHY : • identification des outils utiles à la conception et à l’évaluation de SCEP (systèmes de cultures économes et performants) et déploiement dans le réseau FERME, • formation des ingénieurs réseaux et territoriaux en charge du suivi d’un groupe de 8 à 15 exploitations d’une petite entité géographique dans le réseau FERME. La CAN met en œuvre les propositions de l’étude Ecophyto R&D avec l’appui des ingénieurs territoriaux chargés de l’accompagnement méthodologique des ingénieurs réseaux (en charge du suivi des groupes d’agriculteurs). Ces ingénieurs appartiennent à des organismes de développement comme les chambres d’agriculture, des CIVAM, des CETA, des coopératives, du négoce, etc. L’ACTA assure le pilotage du réseau EXPE. Le RMT Systèmes de culture innovants concerne la mise au point de systèmes de culture innovants répondant aux enjeux du développement durable, dans les exploitations avec cultures assolées ou en polyculture-élevage. En particulier il assure : • l’accompagnement de chercheurs, conseillers, enseignants et agriculteurs vers le développement d’un réseau de compétences ; • le développement de démarches opérationnelles de conception de systèmes de culture innovants, répondant aux enjeux locaux et globaux du développement durable, et d’évaluation par rapport aux systèmes actuels en vue d’identifier les plus prometteurs. 1 http://www.mdrgf.org/pdf/080909_PLAN_ ECOPHYTO_2018_DEFINITIF.pdf 9 La diffusion du contenu a été réalisée essentiellement par les ministères. Cependant l’insertion importante des chercheurs et ingénieurs ayant réalisé l’étude dans les sphères R&D a été et est toujours un élément facilitant la prise en compte de ces connaissances pour la mise en œuvre de changements de pratiques. Impacts 1 Impact sur la décision publique Dans un premier temps, le rapport intermédiaire Ecophyto R&D (avril 2008) a alimenté le rapport remis en mai 2008 par le Comité opérationnel d’experts « Ecophyto 2018 » présidé par Guy Paillotin (COMOP) et chargé de faire des propositions de déclinaison du Grenelle de l’Environnement pour l’agriculture (Paillotin, 2008). Ces propositions ont été largement reprises dans le plan Ecophyto 2018 annoncé en septembre 2008 par le ministre Michel Barnier (Ministère de l’agriculture et de la pêche, 2008), plan qui vise à réduire de 50% dans les 10 ans si possible l’utilisation de pesticides. Impact sur la définition et la mise en œuvre d’une politique publique sur la réduction des pesticides Un plan national de démonstration de la faisabilité de la réduction de l’usage de pesticides par le changement des pratiques Répondant à un des neuf objectifs (axe 2) du plan Ecophyto 2018, à savoir diffuser les pratiques et systèmes agricoles économes en produits phytosanitaires, la pierre angulaire de la mise en œuvre du plan ministériel est la mise en place d'un réseau dédié à l’acquisition de références, de démonstration et d’expérimentation sur les systèmes de culture économes en produits phytosanitaires, appelé réseau DEPHY. Ce réseau reprend exactement la proposition d’organisation coordonnée du dispositif d’acquisition de références de l’étude Ecophyto R&D ; il se structure en deux parties : • • un réseau d'expérimentation et de démonstration dans lequel il s'agit de démontrer qu'il est possible de réduire l'utilisation de produits phytosanitaires par le changement des pratiques et de produire des références sur les systèmes économes en produits phytosanitaires. Ce réseau comporte en particulier : - des expérimentations proprement dites, en stations expérimentales ou sites ateliers (module "EXPE") destinées à expérimenter des systèmes de culture « en rupture ». 41 projets sont financés dans le cadre de l’action DEPHY du plan Ecophyto, correspondant à 1701 sites expérimentaux, dont 9 projets sont portés par l’Inra en impliquant ses unités expérimentales ; - un réseau de démonstration et de référence composé de groupes d’exploitations ("FERME"). Dans une démarche volontaire, les agriculteurs dirigeant 1980 exploitations agricoles se sont engagés à mettre en œuvre un système de culture économe, participant ainsi au défi collectif de réduction de l'utilisation de pesticides. Les filières grandes cultures, arboriculture, viticulture, cultures légumières, horticulture et cultures tropicales sont représentées, réparties sur tout le territoire. un système d'information associé, comprenant en particulier la base de données dédiée à la collecte et la gestion des références expérimentales ("BASE", devenue Agrosyst), développé et porté par l’Inra, en particulier le département EA. Cette base, stockant les données de suivi des systèmes mis en place dans le réseau DEPHY, va permettre de produire des références sur les systèmes économes en pesticides, et d’identifier le stratégies agronomiques permettant de les réaliser. La mise en œuvre du réseau DEPHY est sous la responsabilité de la DGPAAT (Direction Générale des Politiques Agricole, Agroalimentaire et des Territoires du ministère de l’agriculture). Une définition régionalisée des objectifs de mise en œuvre du plan Ecophyto Les scénarios et les références régionales de recours aux pesticides élaborés dans le rapport Ecophyto R&D ont été utilisés par les préfets pour définir les objectifs régionaux pour la mise en œuvre du plan Ecophyto 2018. Par exemple, la déclinaison régionale du plan Ecophyto 2018 en Languedoc-Roussillon (Draaf LanguedocRoussillon, 2010) mentionne l’étude Ecophyto R&D non seulement en introduction2 , mais également dans les 2 « L’étude Ecophyto R&D… a récemment étudié la possibilité technique de réduire le recours aux produits phytosanitaires, en estimant également les impacts en terme de rendements et de marges brutes qui en découleraient… » 10 fiches-actions « Mettre en place des réseaux FERME (et EXPE) » 3 et « Élaborer le volet RechercheExpérimentation-Démonstration-Formation » 4 . Impact sur les changements de pratiques mises en œuvre dans le dispositif Le réseau DEPHY FERME n’étant mis en place que depuis 2010-2011, il est encore difficile de mettre en évidence de vraies trajectoires de changements de pratiques. Cependant on peut déjà identifier des systèmes de culture économes en pesticides et performants, présentant des niveaux d’IFT (Indice de Fréquence de Traitements) très inférieurs aux pratiques habituelles pour chaque filière dans la région concernée (environ 200 systèmes de cultures, soit environ 10% des systèmes du réseau DEPHY-FERME). Par exemple dans la filière grandes cultures /polyculture-élevage, et dans la filière viticole, respectivement 20 % et 15 % des systèmes du réseau DEPHY FERME présentent des IFT inférieurs à 50% de la référence régionale. Pour la filière grandes cultures et polyculture élevage, une première analyse des projets de changements de pratiques sur lesquels s’engagent les agriculteurs du réseau, indique qu’ils prévoient de mobiliser le plus souvent des combinaisons de 5 à 6 leviers en moyenne, avec des leviers à l’échelle de la campagne (désherbage mécanique, choix variétal, réduction des doses et amélioration de l'efficacité des traitements, ...) mais aussi des leviers imposant des modifications plus profondes des systèmes de culture, avec l'allongement et la diversification des rotations dans 46 % des situations. Ces projets d’adaptation de pratiques s’inspirent largement des reconceptions de systèmes testés sur les sites expérimentaux de l’Inra. Le réseau DEPHY va donc permettre d’identifier dans quelles situations de production la diversification des rotations et les autres leviers de gestion des bioagresseurs permettent de réduire le niveau de dépendance aux pesticides sans affecter la performance économique des systèmes agricoles. Il permettra également d’identifier les situations de production pour lesquelles la diversification des cultures semble plus difficile, notamment en lien avec l’absence de filière permettant de valoriser localement des cultures de diversification. Dans le réseau DEPHY-FERME, l’accompagnement à la mise en œuvre du changement de pratiques s’organise par : - - La formalisation du projet de système de culture, puis sa mise en œuvre, qui repose largement sur l'utilisation par les ingénieurs réseau des outils d’accompagnement au changement de pratiques disponibles sur le portail EcophytoPIC du ministère de l’agriculture (outils STEPHY, CepVITI, Infloweb, …). Cette utilisation est accompagnée par des formations organisées par la CAN (cellule d’animation nationale Ecophyto) pour l’ensemble des ingénieurs réseaux. La formation des ingénieurs animateurs de groupes de fermes par des visites de dispositifs expérimentaux : par exemple, pour les grandes cultures, environ 25% des 113 ingénieurs réseaux accompagnés des groupes d’agriculteurs dont ils assurent le suivi, ont visité l’essai d’Epoisses de l’Inra dédié aux systèmes de culture réduisant l’usage d’herbicides. Ainsi environ 250 des 1200 agriculteurs du réseau FERME Grandes cultures ont eu connaissance de la conception de systèmes de culture à faible usage d’herbicide de l’Inra. De nombreux acteurs du réseau DEPHY sont impliqués dans le RMT Systèmes de culture innovants, qui a contribué à constituer une communauté d’agronomes des systèmes de culture partageant une culture commune sur les moyens agronomiques disponibles pour réduire la dépendance de l’agriculture aux pesticides, ainsi que sur l’évaluation des pratiques. La durabilité des systèmes de culture mis en place dans le réseau FERME (les systèmes doivent être économes mais aussi performants) a été évaluée sur la première promotion du réseau FERME mise en place dans la suite de l’étude Ecophyto R&D (phase test en 2010), en particulier sur les systèmes identifiés comme économes en pesticides et économiquement performants (36 SCEP), en utilisant l’outil d’évaluation multicritère MASC. Ces évaluations montrent que le faible usage de pesticides est en général associé à de très bonnes performances environnementales : un faible risque de pollution des eaux par les résidus de pesticides, mais aussi une bonne efficience énergétique, de faibles risques de pollution des eaux par les nitrates, de pollution de l’air. Ces évaluations montrent que le faible recours aux pesticides n’est pas incompatible avec de bons indicateurs de performance économique. Il existe une grande diversité de situations pour lesquelles il n’y a pas d’impact économique négatif associé au faible usage de pesticides: dans certains cas les IFT bas sont atteint sans affecter 3 « L’étude Ecophyto R&D a proposé la mise en place d’un double réseau d’exploitations : un réseau de fermes pilotes…, un réseau de stations expérimentales… Le comité de pilotage de Ecophyto a repris ces propositions… » 4 « L’étude Ecophyto R&D a souligné, au-delà des attentes à l’égard de la recherche et de la R&D pour des connaissances et références sur des systèmes innovants, la nécessité d’agir sur l’ensemble du système socio-technique. » 11 la productivité ; dans d’autres cas la réduction de productivité ou la moindre valorisation économique des cultures de diversification est compensée par des économies de charges, notamment en produits phytosanitaires et en engrais. En revanche, ces systèmes peuvent être associés à une certaine complexité de mise en œuvre liée à la diversité des cultures et des intervenions techniques spécifiques mobilisées dans les stratégies de gestion des bioagresseurs. Une nouvelle campagne d’analyse de la durabilité par l’outil MASC appliqué à l’ensemble des 2000 fermes doit être conduite en 2014 et 2015. Ce sont les ingénieurs réseaux qui sont formés à l’utilisation de MASC et assurent l’évaluation de la durabilité des SCEP qu’ils pilotent. Dans le réseau EXPE sur les différentes filières, il s'agit d'acquérir des références sur des dispositifs expérimentaux mettant en œuvre des systèmes de culture en forte rupture, c’est-à-dire avec un objectif de réduction de pesticides de 50 à 100%. Un quart des projets retenus sont portés par l’Inra, chaque projet étant le plus souvent multi-site. Les autres projets sont portés par des instituts techniques, des chambres d’agricultures, quelques coopératives et écoles d’enseignement supérieur. Les systèmes de culture testés dans les projets portés par d’autres structures bénéficient dans leur mise en œuvre des connaissances et de l'expérience acquise à travers les expérimentations système à l'Inra. Impact sur l’utilisation de produits phytosanitaires Depuis sa mise en place en 2010, on observe globalement une diminution de l’IFT dans le réseau FERME, diminution de l’IFT (toutes filières confondues) de 18% en 2011 et 7% en 2012 (année climatique très défavorable à la réduction de l’usage de pesticides) par rapport à l’IFT initial à la mise en place des changements de pratiques, alors que cet IFT initial était représentatif de l’usage de pesticides dans les régions agricoles représentées dans le réseau DEPHY. Cependant, pour l’ensemble de l’agriculture française, on ne constate encore aucune réduction des indicateurs d’usage de pesticides (nombre de doses ou masse de substances actives vendues) entre 2008 et 2012 (MAAFDGAL, 2013). Par conséquent, le réseau FERME fait bien la démonstration de la faisabilité de systèmes agricoles à faible usage de pesticides, sans toutefois que l’objectif de réduction de 50 % soit atteint pour le réseau dans son ensemble. Cette démonstration prend deux formes : i) l’existence de systèmes utilisant moins de 50 % de pesticides de la référence régionale, et ii) la réduction significative de l’usage de pesticides de certains agriculteurs DEPHY depuis leur entrée dans le dispositif. Cependant l’expérience de ces groupes pilotes est loin d’avoir encore diffusé significativement dans l’ensemble de l’agriculture française. Impacts 2 La production de références sur les systèmes ECOPHYTO A partir de 2014, le réseau DEPHY va pouvoir bénéficier du système d’information Agrosyst, développé spécifiquement par l’Inra : ce système va permettre aux ingénieurs-réseau de décrire les systèmes de culture en termes d’itinéraires techniques, d’éléments décisionnels, d’environnement socio-technique, pédoclimatique, paysagers, de décrire l’état biologique des parcelles suivies, d’évaluer des performances. L’analyse de la base de données compilée dans Agrosyst permettra de produire des références sur les systèmes économes en pesticides, de montrer quelles stratégies agronomiques permettent de concilier la faible dépendance aux produits phytosanitaires avec une bonne performance économique, et d’identifier les domaines de validité de ces stratégies vertueuses (i.e. les situations de production dans lesquelles elles sont multi-performantes). Ces références ECOPHYTO seront des supports de communication qui doivent permettre d’entraîner chaque agriculteur français dans un projet de réduction d’usage de pesticides. Impact potentiel attendu : diffusion et généralisation des changements de pratiques dans l’ensemble des filières agricoles. Les modifications profondes des systèmes de culture du réseau DEPHY, si elles sont généralisées, se traduiront par des modifications profondes du paysage agricole français et la réduction de l’usage de pesticides. 12 Références Entretiens réalisés : • • • Contact avec la personne du ministère de l’agriculture ayant assuré le suivi de l’étude Ecophyto R&D, Andréas Seiler 5 - 5 décembre 2013, durée 1h contact avec la personne ayant assuré le lancement de l’étude Ecophyto R&D au ministère de l’agriculture puis son suivi au ministère du développement durable, Emilie Pleyber 6 - 16 décembre 2013, durée 1h Entretien avec des personnes ayant participé au Grenelle de l’environnement et/ou à sa mise en œuvre dans le plan Ecophyto 2018 Entretien avec une militante bénévole à France Nature Environnement – 15 mai 2013 ; durée : 2h40 Entretien avec un retraité et ancien conseiller technique de FNE – 29 mai 2013 ; durée : 1h30 Entretien avec une chargée de mission de Générations Futures – 20 juin 2013 ; durée 1h25 Sources : • • • • • Aubertot J.N., J.M. Barbier, A. Carpentier, J.J. Gril, L. Guichard, P. Lucas, S. Savary, I. Savini, M. Voltz (éditeurs), 2005. Pesticides, agriculture et environnement. Réduire l'utilisation des pesticides et limiter leurs impacts environnementaux. Rapport d'Expertise scientifique collective, INRA et Cemagref (France). Paillotin G., 2008. Rapport final du Président du Comité opérationnel « Ecophyto 2018 », 28 pages + 15 annexes (http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Paillotin_.pdf) MAAF, 2008. Plan Ecophyto 2018 de réduction des usages des pesticides 2008-2018, 21 pages (http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/PLAN_ECOPHYTO_2018-2-2.pdf) Draaf Languedoc-Roussillon, 2010. Déclinaison régionale du plan Ecophyto 2018 en LanguedocRoussillon. Diagnostic et plan d’actions 2010, 42 pages (http://draaf.languedocroussillon.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/plan_regional_ecophyto_lr2010-07-08_cle08a1c5-1.pdf) MAAF-DGAL, 2013. Note de suivi 2013. Tendances du recours aux produits phytosanitaires de 2008 à 2012, 30 pages http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/131206_Note_de_suivi_2013_version_finale_cle0a6f11.pdf Site Web : http://agriculture.gouv.fr/Focus-sur-les-fermes-DEPHY Citation de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt : « Les fermes DEPHY sont au cœur du modèle agricole que je veux promouvoir, un modèle plus respectueux de l’environnement, plus en phase avec les attentes de la société. Pour que le respect de l’environnement devienne une opportunité et un accélérateur de croissance, il est indispensable de créer des dynamiques collectives entre agriculteurs et entre exploitations ». Communiqué de presse du ministère de l’agriculture, juin 2013. « Jusqu’en juin les fermes Ecophyto ouvrent leurs portes aux médias. ». http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/CP_Fermes_DEPHY_mai-juin2013_cle82c811.pdf 5 à l’époque au Bureau des sols et de l'eau, Sous-direction de la biomasse et de l'environnement, Direction générale des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires, Ministère de l'agriculture et de la pêche 6 à l’époque au Bureau des ressources naturelles et de l'agriculture, Sous-direction de la protection et de la gestion des ressources en eau et minérales, Direction de l'eau et de la biodiversité, MEEDM- DGALN 13 Impact pathway 14 Vecteur d’impact 15 ASIRPA Socio-economic analysis of the diversity of Impacts of Public Research for Agriculture Outil d’évaluation de l’impact du changement climatique sur l’agriculture en France 26 mars 2014 Patrick Bertuzzi pour l’US Agroclim Nathalie Munier-Jolain Ariane Gaunand Laurence Colinet 16 Résumé Le programme ANR CLIMATOR (2007-2010) a fourni un premier référentiel national sur l’impact du changement climatique sur l’agriculture française en rassemblant un corpus de résultats issus de simulation par des modèles appropriés sous différents scénarios climatiques futurs. La valorisation des résultats de CLIMATOR a été prise en charge par divers acteurs travaillant au contact de la filière agricole dans des actions qui favorisent la prise de conscience des impacts du changement climatique et permettent l’évaluation de stratégies. La diffusion des résultats revêt une dimension géographique nationale. Les résultats produits ont surtout été très bien valorisés dans le cadre des systèmes annuels de grandes cultures pour lesquels ce projet constituait le premier cas générique et concret d’études de ces systèmes. Contexte Contexte environnemental : Depuis le début de l’ère industrielle (1870), jusqu’à nos jours, on constate une augmentation de la température à la surface de la terre de 0,8 +/- 0,2 °C avec une tendance à l’accélération liée aux augmentations des émissions vers l’atmosphère de gaz à effet de serre, résultat de l’activité humaine notamment agricole (4ieme rapport du GIEC, 2007). Le maintien de ces émissions a pour conséquence un accroissement de température estimé de +1.6 à 6 °C à la fin du 21ieme siècle de la température du globe selon les hypothèses de différents scénarios de développement socio-économique de la planète. Contexte agricole et alimentaire mondial : 2006 - début de la prospective Agrimonde : la dépendance de la production agricole au climat donc au réchauffement climatique amène à se poser les questions de sécurité alimentaire en lien avec le changement climatique. Quels impacts du changement climatique sur les possibilités de pertes ou de gain de rendement des productions agricoles et de la forêt ? Contexte politique à l’échelle nationale de la France : 2001 : Création de l’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique 2004 : Mise en place du premier plan climat français ayant un volet agriculture dont les priorités portent sur la réduction des gaz à effet de serres (GES) 2007 : Grenelle de l’Environnement 2009 : Loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement Article 31, chapitre III concernant l’Agriculture 2011 : Plan national d’adaptation au changement climatique 2011-2015 Les connaissances mobilisées Des connaissances acquises sur le fonctionnement des plantes et des milieux Les équipes du département Environnement et Agronomie, issu de la fusion en 1998 de trois départements de tailles: « Agronomie », « Science du sol », et « Bioclimatologie », ont acquis des connaissances qui décryptent le fonctionnement du champ cultivé : 1- à l’échelle de la plante, individuelle ou en peuplement, des travaux ont visé à expliciter et modéliser comment les plantes perçoivent les différentes contraintes environnementales, biotiques et abiotiques, quelles sont les réponses adaptatives mises en jeu, et quelles peuvent être les conséquences de ces réponses sur la dynamique d’élaboration des produits agricoles récoltés et sur leur qualité. 2- Dans le compartiment sol, des travaux ont visé à décrire les compartiments abritant des éléments essentiels à la nutrition des plantes, à quantifier les flux d’éléments ou de matière entre compartiments, et à en déduire des techniques culturales et agro-industrielles susceptibles d’assurer la maîtrise de la nutrition des couverts végétaux tout en limitant les externalités négatives ; 3- Des connaissances et méthodologies sur les transferts et les états à l’échelle locale, indispensables pour 17 l’écophysiologie, l’écologie du sol et les cycles biogéochimiques ont été acquises. Ces travaux ont permis la mise au point de méthodes physiques pour l’étude du fonctionnement des plantes et des peuplements en relation avec le milieu. Les connaissances relevant de différentes communautés disciplinaires (bioclimatologie, agronomie, écophysiologie, science du sol) ont été agrégées dans la mise au point d’un premier modèle de culture dès le début des années 1990 et puis dans le modèle STICS. Pilotage de la politique scientifique de l’Inra sur le changement climatique 2002 : Création de la Mission Changement Climatique et Effet de Serre (MICCES) La MICCES pilote et coordonne les recherches de l'INRA sur les interactions entre climat, fonctionnement et dynamique des agro-écosystèmes continentaux en lien avec le changement climatique. 2006 : Création de l’unité Agroclim au sein du département EA de l’INRA En 2006, le département EA a souhaité identifier dans son dispositif une structure ad hoc sur la question de l’impact du changement climatique sur l’agriculture en créant l’unité Agroclim. La thématique du changement climatique est au cœur des préoccupations de l’unité. La mission principale d’Agroclim est de valoriser les données acquises, ou répertoriées, pour effectuer des études d’impact du changement climatique sur les agrosystèmes. Elle regroupe aussi, en son sein, le groupe qui est à l’origine de la création du modèle STICS et qui a la charge du suivi de son évolution. 2006 : Dépôt et acceptation du projet CLIMATOR dans le cadre de l’appel d’offre ANR Programme Vulnérabilité Climat Milieu Le projet CLIMATOR a été porté par Nadine Brisson†, directrice de l’unité Agroclim. L’objectif du projet était de fournir un premier référentiel prospectif et national sur l’impact du changement climatique sur l’agriculture française et la forêt en rassemblant un corpus de résultats agronomiques issus de simulation par des modèles appropriés par rapport à la mise en œuvre, à l’échelle de la France, à l’horizon 20202050 et 2070-2100, des scénarios climatiques issus des travaux du GIEC. Pendant trois ans, dix-sept équipes de sept instituts et organismes ont travaillé ensemble sur le projet CLIMATOR associant ainsi des disciplines variées : - climatologie : CERFACS et CNRM de Météo-France, - agronomie et écophysiologie des agrosystèmes cultivés annuels et pérennes : 7 unités du département EA (US AGROCLIM, UMR EGC, UR P3F, US UR APC, UMR EGFV, UMR EMMAH, UMR LEPSE), - bioclimatologie, science du sol : 2 unités du département EA (US INFOSOL, UR EPHYSE), - agronomie et écophysiologie des systèmes forestiers et prairiaux : 2 unités du département EFPA (UR EEF, UREP), - biostatistique : 1 unité du département MIA (UR BIOSP) - enseignement supérieur agronomique : SUPAGRO, AGROPARISTECH - institut technique et de développement agricole : Institut du Végétal et Chambre Régionale Agriculture Poitou-Charentes. Développement et mobilisation d’outils pour la mise en œuvre du projet CLIMATOR Au sein de l’Inra, valorisation des outils de modélisation et de modèle de culture STICS en particulier : La prévision des impacts futurs implique le recours à des simulations par des modèles éprouvés dont la fonction est de décrire l’évolution des agro-écosystèmes dans l’environnement climatique changeant. A ce titre CLIMATOR a valorisé un panel de modèles (production, bilan hydrique, maladie, etc.) mis au point par l’INRA (modèles STICS, CERES, SUNFLO, PASIM, BILJOU, GRAECO, etc.). Il faut noter la place centrale et particulière du modèle de culture STICS, comme modèle de référence pour les simulations de grandes cultures, qui fédère autour de son utilisation une communauté large d’agronomes du département EA et d’autres organismes, y compris étrangers (groupe STICS). Dans la continuité des travaux de CLIMATOR, le modèle STICS est actuellement l’outil principal de production de données simulées de la communauté française dans les 18 initiatives internationales AgMIP (http://www.agmip.org/) et JPI-MACSUR (http://www.macsur.eu/) en lien avec l’impact du changement climatique sur l’agriculture. Au sein de l’INRA, valorisation des données acquises sur le réseau agroclimatique national de l’INRA : La démarche retenue dans CLIMATOR repose sur un nombre limité de sites représentatifs des principaux agropédoclimats de France, à travers différentes formes de gestion et d’occupation du sol (grandes cultures, viticulture, prairie, forêt…). Ces sites représentatifs ont été sélectionnés sur le réseau agroclimatique national de l’Inra, capable de répondre au cahier des charges imposant l’existence d’au moins 30 années de données climatiques pour la période de référence 1971-2000. Le réseau agroclimatique national est géré par l’unité de service Agroclim d’Avignon qui dépend du département Environnement et Agronomie. Apport des partenaires climatologues (CERFACS et CNRM de Météo-France) : Afin de disposer au sein de CLIMATOR de projections climatiques à échelle fine sur la France, le modèle atmosphérique ARPÈGE a été utilisé pour réaliser des simulations de l’évolution du climat. Afin de pouvoir utiliser ces projections pour les scénarios futurs utilisés dans CLIMATOR, une méthode de régionalisation a été mise en œuvre à échelle fine (8 kilomètres) sur la France métropolitaine. Il s’agit d’un apport méthodologique indispensable de Météo-France. L’application de ces différentes approches a permis de générer un ensemble de projections climatiques à échelle fine sur la France de 1950 à 2100, en suivant le scénario d’émission A1B (scénario GIEC, AR4). Ces projections servent de données d’entrée sur les climats futurs pour le panel de modèles utilisés. Activités dans le champ de l’analyse des impacts sur le changement climatique : Dans le cadre des travaux soutenus par la MICCES, la thématique de l’impact du changement climatique sur les productions agricoles (sauf cas de la prairie et de la forêt) a été un parent pauvre. CLIMATOR de ce point de vue a corrigé le tir en ouvrant le champ de l’étude des impacts vers cette thématique. Les sorties opérationnelles 2010 : Livre Vert CLIMATOR : Changement climatique, agriculture et forêt en France : simulations d'impacts sur les principales espèces. N. Brisson, F Levrault, Eds. ADEME Editions. 334 pages. La première édition du Livre Vert a été tirée à 2000 exemplaires. Ce livre, édité par l’ADEME, regroupe l’essentiel des résultats du projet de recherche CLIMATOR. Les chapitres du Livre Vert (chapitres thématiques et régionaux) constituent le support principal de la valorisation des recherches. Les chapitres ont été rédigés de manière à rendre accessible à un public large (Administrations, agriculteurs, collectivités, entreprises, monde de la Recherche) les effets attendus du changement climatique sur les productions végétales. Il a été envoyé à toutes les chambres d’agriculture départementales et régionales de France. Les principales conclusions des travaux du Livre Vert concernent : un constat généralisé de l’avancement des cycles phénologiques dans tous les agrosystèmes étudiés avec un effet variable selon le positionnement calendaire de la culture : effet moins prononcé pour les cultures annuelles d’hiver (blé, colza), plus prononcé pour les cultures annuelles de printemps (maïs, tournesol) et les cultures pérennes (vigne), un raccourcissement sensible de la phase d’élaboration du rendement pour les cultures annuelles de printemps et un risque de télescopage de cette phase avec des périodes de fortes chaleur pouvant provoquer un risque accru d’échaudage, une réduction du confort hydrique des cultures consécutif à une diminution et un changement calendaire de la pluviométrie. La situation la plus préoccupante est sans doute celle de la culture de maïs irrigué dans le grand Sud-Ouest de la France, un accroissement du risque de stress hydrique, automnale pour les semis d’hiver, printanier et estival pour les semis de printemps et les cultures annuelles, une augmentation de la variabilité interannuelle des rendements des cultures et une démonstration de la contribution du changement climatique sur la stagnation des rendements (Brisson et al, 2010). 19 Les travaux rapportés dans le Livre vert CLIMATOR identifient des tendances d’effets du changement climatique dont il convient de tenir compte pour adapter les systèmes agricoles. A l’échelle de la France, le niveau de production agricole devrait pouvoir se maintenir avec une adaptation nécessaire de la répartition géographique des principales cultures (exemple remontée vers le Nord de la France des cultures de maïs et de tournesol). Le Livre Vert a été réédité à 2000 exemplaires en 2012. 2010 : Système d’information WEB CLIMATOR L'objectif du système d'information CLIMATOR est de i) stocker les résultats de simulation d'une façon suffisamment souple pour qu'ils soient aisément consultables et réutilisables et ii) d'en proposer des extractions appropriées (approche multi-sites, multi-systèmes et multi-modèles du projet) utilisables dans le cadre de nouveaux projets de recherches. Dans la continuité du programme ANR CLIMATOR, le système d’information est actuellement valorisé dans le cadre de l’ANR ORACLE (coordination LSCE, Saclay, et participation d’unités du département EA). ORACLE vise à fournir des évaluations spatialement explicites des changements futurs en termes de fonctionnement des agro-écosystèmes, et d'usage des terres, en France à haute résolution (8x8 km2 ) et en Europe à moyenne résolution (50x50 km2 ). Ces évaluations s'appuient sur l'élaboration de données et d'outils permettant d'étudier les liens entre changement climatique, changement d'usage des terres et changement des politiques publiques. Un ensemble d'indicateurs dont les évolutions induites par le climat sont analysées. Ceci permet d'évaluer, les risques de rupture de systèmes spécifiques, allant de la disparation d'un usage actuel des terres à l'apparition d'autres usages. 20 Chronologie Legend : 21 La diffusion et ses médiateurs Les acteurs de cette valorisation sont des participants de CLIMATOR qui interviennent à la fois comme formateurs dans des opérations de diffusion ou d’experts dans divers comités nationaux ou régionaux. Sur les 31 personnes ayant contribué au Livre Vert, 25 sont chercheurs ou enseignants-chercheurs de l’Inra. Les autres acteurs concernés du projet sont des ingénieurs Arvalis, du CERFACS, la Chambre Régionale d’Agriculture de Poitou-Charentes et l’ADEME. L’ADEME, l’APCA (Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture) et l’ONERC (Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique) ont été des vecteurs importants de la diffusion des résultats du Livre Vert, notamment à travers l’organisation d’actions d’information et de sensibilisation. Les instituts techniques et les ministères concernés (Agriculture et Ecologie), dans leur mission d’interface entre la recherche et la profession agricole, ont pour objectif de susciter une dynamique dans la réflexion des acteurs sur la thématique du changement climatique (cf. Plan Climat). Le premier objectif est de recenser l’ensemble des répercussions observées sur les différentes filières de production. Cet état des lieux permet d’une part de témoigner de l’effet du climat mais également de mettre en exergue les différentes actions entreprises ou à entreprendre pour s’adapter à l’évolution du climat. Il s’agit d’actions qui mobilisent les résultats produits par la recherche dans le débat public, dans la percolation des idées, la prise de conscience des impacts et l’évaluation de stratégies. Les résultats de CLIMATOR ont contribué à cette analyse. La diffusion du Livre Vert et la présentation des sorties de CLIMATOR ont été des éléments de sensibilisation et d’identification de leviers d’action au niveau de la profession agricole, largement utilisés dans des actions de sensibilisation et de formation auprès d’un public agricole. Les impacts de premier niveau La valorisation des résultats de CLIMATOR possède la double caractéristique d’être conduite : vers un public large d’acteurs en nombre et en origine, tous concernés par les questions du lien entre changement climatique et agriculture (agriculteurs, instances représentatives, collectivités territoriales, instituts techniques, etc.), dans des actions de sensibilisation aux risques induits et de contribution à l’inventaire d’impacts régionaux. La dimension géographique de l’impact peut être qualifiée de nationale mais l’homogénéité spatiale de la valorisation est difficilement caractérisable. 1- La formulation d’une politique nationale d’adaptation Prospective AFClim du Ministère de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt – Centre d’Etudes et de Prospective en partenariat avec l’APCA : « Agriculture, forêt, climat : vers des stratégies d’adaptation » http://agriculture.gouv.fr/AFClim-Agriculture-foret-climat La prospective AFClim a été un élément de construction d’une politique publique sur l’adaptation de l’agriculture au changement climatique jusqu’à présent inexistante. L’objectif de cette prospective était de disposer d’éléments quantitatifs et qualitatifs sur la perception du changement climatique par les agriculteurs en France et l’identification des leviers d’action possibles. Cette prospective a permis de : synthétiser les connaissances concernant les effets du changement climatique sur l’agriculture et la forêt en France ; sensibiliser l’ensemble des acteurs concernés dans les secteurs agricoles et forestiers ; faire le point sur les connaissances qu’ont les agriculteurs et les forestiers des changements climatiques en cours et à venir, ainsi que sur les actions d’adaptation déjà mises en œuvre ; dresser un panorama des stratégies d’adaptation possibles, discuter des conditions de leur mise en œuvre et formuler des recommandations pour l’action publique. Ce travail s’est essentiellement appuyé sur des exemples concrets : 14 études de cas à l’échelle d’exploitations agricoles et de propriétés forestières ont permis d’appréhender localement les effets du changement climatique, d’apprécier les atouts et les faiblesses des systèmes pour y faire face, mais aussi d’imaginer des solutions d’adaptation réalistes. Celles-ci ont ensuite été confrontées à quatre grands scenarios de contextes socio22 économiques afin de mettre en lumière, au-delà du particulier et du local, les principaux facteurs qui pèseront sur les choix individuels et collectifs à venir. Les travaux compilés dans le Livre vert CLIMATOR ont permis de modéliser les impacts du changement climatique en France sur différentes cultures et à différents horizons temporels pour la construction de ces 14 études de cas et sont ainsi cités plus d’une soixantaine de fois dans le texte de la prospective. 2Le diagnostic régional : vers la mise en place de mesures d’adaptation au changement climatique La mise en place d’observatoires régionaux du changement climatique dans plusieurs régions : Les observatoires mis en place par certaines régions, l’état et l’ADEME ont pour mission de poursuivre l’effort de pédagogie sur les impacts et les adaptations agricoles au changement climatique. Ils visent à s’ancrer au mieux dans la réalité agricole des territoires et à comprendre quelles tendances en matière de changement climatique et d’effets sur l’agriculture seront observées dans les différentes conditions pédo-climatiques. Initiés en Poitou-Charentes, ces observatoires utilisent et valorisent les résultats produits par CLIMATOR pour décrire l’impact du changement climatique dans leur contexte propre (climat et culture), valorisant ainsi conjointement l’approche par culture et par région proposée dans le Livre Vert. Ces observatoires sont le premier élément d’analyse nécessaire pour la mise en œuvre de stratégies d’adaptation régionalisées, s’appuyant sur la connaissance de la forte variabilité des impacts du changement climatique, plus pertinente que l’analyse de l’évolution moyenne de l’impact. La réalisation de synthèses régionales de l’impact du changement climatique publiées sous forme d’ouvrages Les travaux de CLIMATOR servent de support et sont illustrés dans la production d’atlas régionaux commandités par les Conseils Régionaux. Deux exemples : Changement climatique dans l’Ouest. Evaluation, impacts et perception. Ouvrage publié sous la direction de Philippe Mérot, Vincent Dubreuil, Daniel Delahaye et Philipe Desnos. 2013. Edition Presse Universitaire de Rennes. Les impacts du changement climatique en Aquitaine. Ouvrage publié sous la direction de Hervé Le Treut. 2013. LGPA-Editions 3La percolation de la connaissance de l’impact du changement climatique sur l’agriculture L’appropriation au sein des filières agricoles Grâce au Livre Vert et au WEB CLIMATOR, les principales filières végétales agricoles françaises disposent, à ce jour, des éléments d’évaluation de l’impact et d’un inventaire des axes d’adaptation à privilégier. Selon les filières agricoles, le degré d’imprégnation varie. Les filières des plantes pérennes (notamment sylviculture et viticulture) les plus sensibilisées du fait de la nécessité d’une plus grande anticipation des conditions de leur adaptation, avaient initié une démarche de modélisation des impacts avant le programme CLIMATOR et bénéficiaient ainsi d’une antériorité de résultats acquise. Cette remarque concerne aussi la filière fruitière qui n’était pas prise en compte comme cas d’étude dans CLIMATOR. En revanche, les résultats produits par CLIMATOR ont été particulièrement bien valorisés pour les grandes cultures annuelles pour lesquelles le programme constituait le premier cas générique et concret d’études. A la suite de la diffusion du livre Vert, des actions soutenues d’informations et de sensibilisation des effets du changement climatique sur la production agricole auprès des acteurs de la sphère agricole ont été conduites le plus souvent sous la responsabilité de l’APCA avec l’ADEME et en liaison avec les chambres d’Agriculture : Diffusion de la première édition du livre vert CLIMATOR puis de la seconde édition dans toutes les chambres régionales et départementales d’Agriculture de France (2010-2012). Formation-Action comprendre les enjeux du changement climatique auprès des agriculteurs. Adaptation démarche AVEC®. Action d’information et de sensibilisation autour des résultats de CLIMATOR (environ 7 interventions par an) auprès de structures très diverses : Chambre Régionale d’Agriculture, chambre départementale 23 d’Agriculture, école d’ingénieurs, collectivités territoriales, agences de l’eau, instituts techniques céréales, fruits, viticulture et forêt. 4- La médiatisation des connaissances La présentation plénière des résultats de CLIMATOR dans le cadre d’un colloque organisé en juin 2010 a fait l’objet d’une médiatisation importante. Le recensement des retombées dans la presse totalise 34 références : Médias Nationaux Généraliste Médias Régionaux Généraliste Médias Nationaux Spécialisés Environnement Médias Nationaux Spécialisés Agriculture Médias Régionaux Spécialisés Agriculture Médias Nationaux Scientifique 9 1 6 13 4 1 26% 3% 18% 38% 12% 3% Depuis 2011, comme fait remarquable, il faut mentionner une contribution directe à la préparation d’un « Grand Format » du journal télévisé de 20 heures de France 2 (mai 2011) sur la problématique « Changement climatique et Agriculture ». Les sollicitations médiatiques sont régulières et souvent en phase avec des situations climatiques de crise (exemple : Sécheresse printanière 2011). Du point de vue quantitatif, cela représente un total de 5 à 6 sollicitations par an, en moyenne. Quelle généralisation des impacts ? La mise en place d’observatoires régionaux du changement climatique L’APCA promeut la création d’observatoires régionaux dans d’autres régions françaises avec le soutien de l’ADEME sur la base de la méthodologie proposée dans le cadre de l’observatoire Poitou-Charentes. Quelques exemples d’observatoires en régions : Rhône-Alpes http://www.rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/orecc-observatoire-regional-des-r954.html Aquitaine http://www.orecca.fr/ Une « culture de l'adaptation » qui reste à construire Parmi les leviers à retenir pour l'adaptation de l'agriculture et de la forêt au changement climatique, la prospective AFClim a mis trois en lumière trois axes prioritaires : Adapter les interventions agricoles et sylvicoles pour faire face au stress hydrique (décalage des périodes de pâturage, adaptation des interventions sylvicoles, stratégie d'esquive en grandes cultures...) ; Se tourner vers des cultures ou des essences mieux adaptées aux conditions climatiques futures ; Refondre l'ensemble du système de production pour les productions végétales, ce qui pose la question de l'accompagnement par la recherche, les politiques publiques et les acteurs du développement agricole et forestier. Le passage à l'acte concret en termes de stratégies d’adaptation avec articulation des politiques publiques reste, à ce jour, un enjeu majeur qui ne s’est pas encore concrétisé. Si la création d’observatoires régionaux du changement climatique est un indicateur positif de la prise de conscience de l’importance de la mise en place de stratégies d’adaptation fondées sur une connaissance des effets régionalisés, la percolation effective dans la sphère agricole reste diffuse et très difficilement évaluable. Il faut néanmoins noter la nomination récente à l’APCA d’un responsable chargé de l’animation autour de la question du changement climatique, en la personne de Frédéric Levrault, acteur important de CLIMATOR notamment dans la rédaction et la diffusion du Livre vert CLIMATOR. La visibilité des travaux de CLIMATOR peut laisser espérer une prise en compte dans l’élaboration des politiques européennes. En effet, en 2011, CLIMATOR est mentionné comme une action de référence nationale sur le portail CLIMATE-ADAPT de l’Union Européenne (http://climate-adapt.eea.europa.eu/countries/france) 24 Chemin d’impact 25 Vecteur d’impact Impact dimension Importance Arguments Politique 3/5 Prise de conscience de l’impact du changement climatique sur l’agriculture. Base pour l’élaboration d’une politique publique et première actions de mise en œuvre. La mise en place de la prospective nationale AfCLIM qui valorise les résultats de CLIMATOR : - conclut sur l’importance majeure de la question pour lesquels des efforts soutenus se sensibilisation sont encore nécessaires, - identifie les principaux leviers de l’adaptation, - souligne le problème crucial de la gestion future de la ressource en eau. Une forte médiatisation des résultats de recherche auprès du grand public a modifié les positions de certains acteurs des filières agricoles dans le débat sur les stratégies d’adaptation au changement climatique. Les solutions apportées sont particulièrement novatrices pour les grandes cultures et la connaissance scientifique peut influencer les termes d’un débat à fort enjeu. L’implication de la recherche est durable. 26 Références Organismes cités : ADEME : Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie http://www2.ademe.fr/ ANR : Agence Nationale de le Recherche http://www.agence-nationale-recherche.fr/ APCA : Association Permanente des Chambres d’Agriculture http://www.chambres-agriculture.fr/ ONERC : Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Impacts-et-adaptation-ONERC-.html Liste des contacts pris Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie- ONERC : contact Bertand Reysset, Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire, Centre d’études et de prospective (valorisation AFclim) : contact Elsa Delcombel, ADEME : contact Audrey Trevisiol, Assemblée Permanentes des Chambres d’Agriculture (APCA), contact Philippe Touchais Chambre Régionale Poitou Charente : contact Frédéric Levrault, Institut Français de la Vigne et du Vin : contact Thierry Coulon, Arvalis Institut du végétal : contact David Gouache, Réseau Action Climat : contact Cyrielle Den Harting. Références 2010 - Livre vert du projet Climator 2007-2010. Changement climatique, agriculture et forêt en France : simulations d'impacts sur les principales espèces. Nadine Brisson et Frédéric Levrault (Coordinateurs). ADEME Editions http://www.inra.fr/Chercheurs-etudiants/Agroecologie/Toutes-les-actualites/Livre-vert-du-projetClimator 2010 – Brisson N, Gate P, Gouache D, Charmet G, Oury F X and Huard F. Why are wheat yields stagnating in Europe? A comprehensive data analysis for France. Field Crops Research. 10/2010; 119(1):201. DOI:10.1016/j.fcr.2010.07.012 2012-ORACLE : Recommandations pour une démarche d'observation en région sur le changement climatique et l'agriculture http://www2.ademe.fr/servlet/getDoc?cid=96&m=3&id=87990&p1=02&p2=0401&ref=17597 2013 - Agriculture Forêt Climat : vers des stratégies d’adaptation http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/CEP_Prospective_agriculture_foret_climat_cle0f7d9d-1.pdf 2013 - Changement climatique dans l'Ouest. Evaluation, impacts, perceptions. Philippe Merot, Vincent Dubreuil, Daniel Delahaye et Philippe Desnos Coordinateurs). http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=3096 2013 - Les impacts du changement climatique en Aquitaine. Hervé Le Treut (Coordinateur). Presses Universitaires de Bordeaux (PUB). http://aquitaine.fr/actualites/les-impacts-du-changement-climatique-en-aquitaine.html 27 ASIRPA Socio-economic analysis of the diversity of Impacts of Public Research for Agriculture Méta-cas – Impact des recherches de l’INRA sur la fertilisation minérale en France Avril 2014 Pierre-Benoit Joly Sylvain Pellerin Sylvie Recous 28 Contexte Introduction L’utilisation d’engrais d’origine minérale a été l’un des piliers de la modernisation agricole depuis la seconde guerre mondiale et elle a conditionné la forte augmentation des rendements agricoles. Néanmoins, la fertilisation pèse fortement sur l’économie des exploitations céréalières puisqu’elle représente actuellement 15% des charges totales. En outre elle contribue à la pollution des eaux de surface, à l’émission de gaz à effets de serre (les émissions de N2 O, fortement liées à l'usage des engrais N, représentent 50% des émissions de gaz à effet de serre d'origine agricole), et à la consommation d’énergie (il faut l’équivalent d’1 litre de pétrole pour produire 1 kg d’azote). Concernant spécifiquement le phosphore, une grande partie des ressources géologiques non renouvelables a été consommée en quelques dizaines d’années. Le « pic » mondial d’utilisation est prévu en 2035. Au-delà, compte tenu qu’il n’existe aucun produit de substitution, la satisfaction des besoins agricoles (qui consomme plus de 90 % du phosphore extrait des gisements) sera de plus en plus difficile, techniquement et économiquement. Cependant l’évolution française de la consommation d’engrais permet d’observer des changements de comportement des agriculteurs (Graphique 1): baisse brutale de la consommation d’engrais P et K depuis le début des années 1970, baisse de la consommation d’engrais azotés depuis le début des années 1990, mais nettement moins marquée que pour P et K. Source : UNIFA Graphique 1. L’utilisation d’engrais minéraux en France depuis la fin du XIX° siècle L’objet de cette note est de (i) prendre la mesure de l’évolution de la fertilisation minérale en France et (ii) analyser la contribution des travaux de recherche de l’INRA à ces changements. L’évolution de la fertilisation minérale en France et ses impacts économiques et environnementaux En France, depuis 1988/89, les quantités d’engrais de synthèse utilisées ont baissé de 18%, 66% et 73% respectivement pour l’azote, le phosphore et la potasse. Dans le même temps, la surface fertilisable baissait d’un peu moins de 10% mais la production végétale totale augmentait de 30%. Cette réduction signifie donc une augmentation très significative de l’efficacité de la dose d’engrais, liée à une amélioration des pratiques de fertilisation ainsi qu’à la génétique et l’amélioration des plantes. Pour les 24 dernières années, le cumul des économies réalisées du fait de la réduction de l’utilisation d’engrais sont respectivement (en €, valeur 2013) : - 4 133 millions € pour l’azote 3 088 millions € pour le phosphore 13 119 millions € pour la potasse 29 Cet effet économique est amplifié en prenant en compte dans le calcul l’amélioration de l’efficacité de la fertilisation c’est à dire en tenant compte de l’augmentation de la production végétale. Les effets économiques sont alors respectivement (en €, valeur 2013) : - 8 509 millions € pour l’azote 3 453 millions € pour le phosphore 14 200 millions € pour la potasse On peut aussi estimer les effets environnementaux (sans prise en compte de l’effet efficacité) : En France, les émissions de protoxyde d’azote (N2 O) sont calculées précisément depuis 1990. En 2009, elles s’élevaient à 205kt (hors UTCF 7 ), avec pour principal émetteur l’agriculture et la sylviculture qui représentaient 84% de ces émissions en France métropolitaine, principalement lié aux apports azotés sur les sols cultivés avec l’épandage des fertilisants minéraux et d’origine animale. L’industrie manufacturière (principalement production d’engrais, et traitements des déchets dont l’eau) représentait 10.1% des émissions totales (hors UTCF). Sur la période 1990-2009, les émissions ont baissé de 32.8% (-98 kt) dont -67kt lié à l’amélioration du secteur de l’industrie manufacturière (amélioration des procédés de fabrication d’acide nitrique notamment) et -33 kt lié à la réduction des quantités d’engrais azotés et la réduction des volumes de déjection à épandre 8 . En utilisant les tonnages d’engrais azotés économisés sur les 24 dernières années (voir ci-dessus), et les atténuations unitaires (directes et indirectes) proposées par l’expertise GES de l’INRA, on estime alors la réduction totale des GES, exprimées en équivalent CO2 à 53 752 ktCO2 e (équivalent CO2 ). La qualité des eaux souterraines (principale source d’eau potable sur le territoire français) peut refléter, en ce qui concerne la concentration en nitrate, les effets de la réduction de l’usage des fertilisants minéraux. Néanmoins les phénomènes de transfert des nitrates vers les eaux souterraines sont complexes et varient selon la profondeur des nappes et la nature des sols. Avec cette inertie, le temps de renouvellement de l’eau des nappes dépasse fréquemment les 10 ans. En conséquence, les nitrates mesurés aujourd’hui dans la plupart des nappes proviennent en grande partie d’épandage et de rejets anciens. Selon l’indice national d’évolution des teneurs en nitrates 9 , les concentrations en nitrates augmentent dans les nappes de métropole, entre 1996 et 2004, puis se stabilisent (Graphique 2). Graphique 2. Evolution de la qualité des eaux depuis 1996 Les fluctuations annuelles sont liées à la pluviométrie, avec des concentrations plus faibles les années sèches, comme en 2005. Ainsi il n’est actuellement pas encore possible d’observer un impact positif de la diminution progressive de la fertilisation azotée minérale sur les teneurs en nitrate actuelles des eaux souterraines métropolitaines Analyse de la contribution de l’Inra 7 UTCF : Utilisation des Terres, leur Changement et la Forêt CITEPA (2011) Emissions dans l’air en France métropolitaine – effet de serre. 10-13 9 M inistère de l’Ecologie et du développement durable (2013): Évolution des nitrates dans les eaux souterraines. Observations et statistiques, 24 M ai 2013 8 30 Il faut distinguer d’un côté la fertilisation N et de l’autre P et K, compte tenu de l’histoire des recherches et des modalités de la contribution de l’INRA. Cependant ces deux cas ont en communs deux éléments très importants : - Une origine commune de recherche pluridisciplinaire dès les années 60 La fertilisation est l’un des domaines de l’agronomie où le système de recherche-développement a produit et agrégé des connaissances qui ont permis l’élaboration d’outils de diagnostic et d’aide à la décision utilisés à grande échelle. Ainsi, le raisonnement de la fertilisation a profondément évolué dès les années 1960, en particulier avec la formalisation de l’expertise agronomique et l’introduction d’un raisonnement algorithmique. En France, le premier logiciel d’interprétation d’analyses de terre, « Laona », est conçu à la Station Agronomique de l’Aisne en 1969 par un binôme de chercheurs de l’INRA agronome et biométricien. Va s’ensuivre une série d’outils d’aide à la décision pour la fertilisation N/P/K Une très large part des recherches qui ont contribué à l’évolution des pratiques de fertilisation ont été conduites au sein des départements d’agronomie et de science du sol, qui ont été fusionnés en 1998 dans le département Environnement et Agronomie. - Un partenariat de transfert très structuré Ces outils ont été élaborés à partir des connaissances produites par la recherche et leur déploiement a été largement accompagné par les organismes de développement (instituts techniques, chambres d’agriculture) et les organismes économiques (laboratoires d’analyse, coopératives). Ces partenaires ont contribué à la mise au point les versions opérationnelles de ces outils, à les adapter aux conditions locales, à les paramétrer et à former leurs utilisateurs. La coordination des différents acteurs intervenant dans le champ de la fertilisation a été faite par deux structures qui jouent un rôle complémentaire : le COMIFER, Comité Français d’Etude et Développement de la Fertilisation Raisonnée, créé en 1980. Cette association regroupe les Administrations publiques, la Recherche, l’Enseignement, les Organisations Professionnelles Agricoles (Instituts techniques, Chambres d’Agriculture) et les industriels de la fertilisation et les structures de distribution. Son objectif est de « mettre à la disposition de l’agriculteur le moyen de gérer de façon rationnelle et économe, la fertilité de son sol » (allocution de Jean Marrou, INRA, premier Président du COMIFER). Son premier « Forum » a eu lieu à Paris en janvier 1982. Dans son discours d’ouverture, Edith Cresson, Ministre en charge de l’Agriculture, rappela la nécessité « d’accroître la productivité agricole », sans être « en contradiction avec un objectif de qualité des produits et de l’environnement ». le GIS « Fertilisation Raisonnée », créé en 2005. Le GIS vise à coordonner les recherches sur la fertilisation et il était centré, à sa création, sur trois projets : RégiFert®, AzoFert® et AzoSystem10 . En 2007, suite à la mise en place des « Réseaux Mixtes Technologiques » (RMT) par le ministère de l’agriculture, le GIS a été transformé en RMT Fertilisation & Environnement. Le RMT fédère actuellement 33 partenaires de la recherche, du développement et de la formation agricole. Ses membres mènent des activités conjointes visant à améliorer la connaissance et la gestion des cycles biogéochimiques des éléments minéraux en agriculture et les outils de raisonnement de la fertilisation en agriculture. Evolution de la fertilisation P et K Historique des connaissances scientifiques mobilisées sur P et K L’acquisition de connaissance sur la biodisponibilité du P Dans une première phase, des années 1960 aux années 1980, la recherche de l’INRA s’est focalisée sur les méthodes de caractérisation de la biodisponibilité du phosphore dans les sols et sur l’élaboration de référentiels associés par l’analyse de courbes de réponse 11 . Ces travaux se sont fondés sur de nombreux essais réalisés dans des conditions agronomiques très diverses (Toulouse, Clermont-Ferrand, Châteauroux, Quimper, Versailles,…) et pour différentes cultures, visant ainsi à prendre en compte les effets des rotations et les effets climatiques. Ces travaux ont abouti à la mise au point d’un premier outil de diagnostic et de 10 Devenu en 2010 l’outil Syst’N® 11 Il faut aussi noter que l’INRA a aussi joué un rôle essentiel pour la normalisation des engrais. Orsini, de la station de Laon, va assurer le secrétariat du Bureau d’Homologation des M atières Fertilisantes pendant de longues années, de 1986 à 1998. (Julien 2012). 31 prescription largement utilisés, la méthode CERES (Rémy et Marin-Laflèche, 1974) 12 . Ce logiciel fut alors utilisé pour déterminer les préconisations de fertilisation de nombreux acteurs, notamment la Société Commerciale des Potasses d’Alsace (SCPA) qui était alors le principal producteur de potasse. L’INRA a produit des connaissances fondamentales concernant la compréhension de l’absorption du phosphore par les plantes en associant des travaux d’agronomie générale, de physiologie végétale, de sciences du sol… et en utilisant différentes techniques d’analyse permettant notamment de tracer le phosphore grâce aux méthodes isotopiques (32 P). Les travaux principalement conduits en partenariat avec le CEA ont alors joué un rôle de premier plan au niveau international et constituent le socle de nouvelles approches. La multiplication des dispositifs de longue durée Le travail entrepris par l’INRA autour de la mise en place d’essais de fertilisation de longue durée a été relayé par la SCPA et surtout par les Lycées Agricoles, ce qui a permis à la fin des années 1980 de disposer de 90 essais de longue durée. La synthèse des connaissances pour la construction d’une nouvelle approche de la fertilisation En 1984, la Commission Nationale Agronomique, créée par le ministère de l’agriculture dans le prolongement des Etats généraux du développement agricole, est chargée du pilotage de la « Relance Agronomique ». Elle lance le projet LIAT « Logiciel d’Interprétation d’Analyses de Terres ». L’objectif était de concevoir un outil d’aide à la décision capable d’interpréter les analyses de terre d’exploitations de grandes cultures ou d’élevage et de produire des outils régionalisés en s’appuyant sur le réseau des comités régionaux de fertilisation. L’INRA réalise alors un travail considérable de synthèse des travaux de ses différentes équipes de recherche spécialisées en fertilisation P et K et plus généralement des essais de fertilisation de longue durée. Cette synthèse, conduite par les Unités d’Agronomie de Laon, de Toulouse, de Bordeaux, en collaboration avec le Laboratoire Départemental Agronomique du Département de l’Aisne (LDAR) a été publiée en 1988 13 . La synthèse des données et les nouvelles connaissances fondamentales a permis de concevoir une nouvelle approche pour la fertilisation de P et K. Cette approche introduit plusieurs changements afin de pallier les limites de l’approche traditionnelle : notion d’exigence des espèces, légitimation de l’impasse 14 , abandon de la notion de fumure de correction. L'objectif devient davantage de satisfaire les besoins de la culture plutôt que d'atteindre un niveau de teneur du sol jugé souhaitable. Un ingénieur du département EA est chargé de ce travail de synthèse réalisé en collaboration avec un réseau d’utilisateurs, notamment avec des ingénieurs de l’ITCF (devenu Arvalis-Institut du Végétal) et de la Chambre Régionale d’Agriculture de Bretagne. Le document qui présente la nouvelle approche de façon simplifiée, repris dans la revue Perspectives Agricoles 15 , constitue la base des nouvelles préconisations du COMIFER publiées pour la première fois en 1993. 16 Deux outils opérationnels au service de la diffusion de cette nouvelle approche 12 Rémy J-C., M arin Laflèche A., 1974. - L’analyse de terre : réalisation d’un programme d’interprétation automatique. Ann. Agron., 25 (4), pp 607-632. 13 GACHON L., 1988. Phosphore et potassium dans les relations sol-plante: conséquences sur la fertilisation, INRA éditions. Voir notamment la partie "enseignements fournis par des essais de longue durée...". Certains fondements des évolutions futures du mode de raisonnement, qui va conduire à des réductions de doses, apparaissent par ex p 377, p 381. Voir aussi : M OREL et al., 1992. La fertilisation phosphatée raisonnée de la culture du blé. Agronomie 12, 565-579. Cet article montre sur l'exemple du blé comment le traitement des données d'essais de longue durée permet d'établir des seuils et de faire des préconisations de fumure sans risque de perte de rendement. 14 Possibilité de réaliser une impasse de fertilisation, c’est à dire de ne pas fertiliser lorsque le sol est correctement pourvu. 15 Laurent F., Colomb B., Plet P. 1993. Questions nouvelles, nouvelles normes. Perspectives Agricoles n°181 – 28-32. 16 COM IFER, 1993. Aide au diagnostic et à la prescription de la fertilisation phosphatée et potassique des grandes cultures. 28 pages. COM IFER, 1995. Aide au diagnostic et à la prescription de la fertilisation phosphatée et potassique des grandes cultures (1995), 28p. 32 En 1998, le LIAT devenu opérationnel est diffusé sous le nom de RégiFert®. 17 Le logiciel RégiFert® donne des possibilités de paramétrage très étendues 18 , ce qui permet d’adapter son usage à des conditions très diverses. Il est utilisé par des Laboratoires d’Analyse disposant de compétences agronomiques spécialisées ou par certaines coopératives comme Champagne Céréales qui ont des services agronomiques spécialisés. La grille COMIFER constitue une version simplifiée de RégiFert®. Cette grille simplifiée est destinée aux conseillers de proximité, dans les coopératives ou dans les Chambres d’Agriculture. Des versions logicielles de cette grille ont été développées : intégration dans le logiciel commercial « Clé de Sol » et dans le service en ligne Plani-LIS d’ARVALIS. Chronologie sur la fertilisation P&K 17 DENOROY P., DUBRULLE P., VILETTE C., COLOM B B., FAYET G., SCHOESER M ., M ARIN-LAFLECHE A., PELLERIN F., PELLERIN S., BOIFFIN J., 2004. REGIFERT, Interpréter les résultats des analyses de terre. Coll. Techniques et Pratiques, INRA éditions, Paris, 132p. 18 En outre, le logiciel Régifert prend en compte un spectre plus large d’éléments nutritifs : P, K, M g et différents oligo-éléments (B, Zn, Cu, M n). 33 Les impacts : faits observables concernant la contribution de l’INRA dans le chemin d’impact La contribution de l’INRA se manifeste de plusieurs façons complémentaires : La production de connaissances fondamentales sur la biodisponibilité et sur l’absorption de P et K. Ces connaissances sont publiées dans des revues scientifiques nationales et internationales. Elles ont été le fondement de la production de connaissances actionnables ; La production de connaissances actionnables. Elles sont diverses et résident dans plusieurs éléments essentiels : (i) la production de valeurs de référence concernant différentes situations pédoclimatiques et différentes espèces, résultant d’essais de longue durée (réalisés par l’INRA et par d’autres acteurs) ; (ii) la synthèse analytique de ces essais qui permet de concevoir des règles de décision pour la fertilisation, fondées sur des valeurs seuil (en collaboration avec les instituts techniques et certains laboratoires d’analyse); (iii) la conception du logiciel Régifert® d’aide à la décision pour la fertilisation de différents éléments nutritifs P, K, Mg et différents oligo-éléments, adaptable aux différentes situations régionale (iv) la conception d’une version simplifiée de ces règles de décision diffusée par le COMIFER. Ces productions se traduisent donc par des sorties opérationnelles très diverses : articles scientifiques, articles dans des revues de vulgarisation, bases de données, guide de fertilisation, logiciel. Ces sorties opérationnelles n’ont pas fait l’objet de protection par brevet ; l’INRA joue également un rôle essentiel dans la coordination des acteurs : participation active aux activités du COMIFER, animation scientifique du GIS puis du RMT Fertilisation et Environnement. L’impact effectif des recherches de l’INRA en termes de pratique de fertilisation se réalise au travers des deux outils complémentaires : la méthode COMIFER, méthode simplifiée, qui vise les conseillers de proximité. Elle est adoptée par le COMIFER comme la méthode de référence pour la fertilisation pour P et K. La méthode est intégrée dans différents logiciels diffusés par des entreprises ou par des instituts techniques (Arvalis) ; le logiciel Régifert®, utilisé par les laboratoires d’analyse de sols et par certaines grandes coopératives. On estime que jusqu’à 20% des analyses de terre ont été interprétées en utilisant ce logiciel. La complémentarité des deux instruments a assuré une très large diffusion à la nouvelle approche de la fertilisation P/K. Variables selon les situations, les préconisations de RégiFert® sont en général 2 fois moins élevées que celles du logiciel de la génération précédente –CERES 19 . La méthode COMIFER et RégiFert® ont in fine vulgarisé chez les techniciens, puis chez les agriculteurs, un nouveau mode de raisonnement de la fertilisation davantage fondé sur les besoins de la culture, et légitimant l'impasse lorsque le sol est bien pourvu. Ce mouvement a accompagné des changements de comportement des agriculteurs qui s’expliquent par des raisons économiques. Alors que les agriculteurs français ont très fortement augmenté les quantités de P et K par hectare après la seconde guerre mondiale, la tendance s’inverse au début des années 1970 du fait de la crise du pétrole et des matières premières. La désintensification raisonnée conduite depuis 40 ans pour le phosphore et le potassium a permis de réduire considérablement les quantités utilisées sans perte de rendement, pour atteindre aujourd’hui des apports de l’ordre de 10-15 kg de P/ha, compensant à peu près les exportations (si on ajoute les apports organiques). Si l’on compare la France à d’autres pays, il apparaît aujourd’hui que la plupart des pays convergent vers ce niveau de compensation des exportations. La France présente cependant la plus forte diminution. En effet la France est le pays qui a connu, dans les années 1970-1980, le niveau d’intensification le plus élevé, ce qui s’explique au moins en partie par un effet de structure 20 . Compte tenu de l’histoire des usages et des structures, il y avait donc une situation spécifique française à accompagner pour la modification des pratiques de fertilisation. Les nouvelles préconisations, qui allaient dans le sens de ce qu’attendaient les 19 Pellerin F., Pellerin S., Vilette C., Boiffin J., 2000. Evolution du raisonnement de la fertilisation phosphatée des grandes cultures. Etude par simulation de l’évolution des préconisations de fumure sur un échantillon test représentatif des sols et des successions de culture du Nord du Bassin Parisien. Etude et Gestion des Sols 7, 53-71. 20 Le niveau moyen de fertilisation d’un pays dépend de la distribution des cultures. Par exemple, des pays à forte proportion de prairies permanentes ou cultures conduites de façon extensive (Etats-Unis et à l’Espagne) auront un niveau moyen de fertilisation moins élevé. En toute rigueur, une comparaison internationale devrait prendre en compte ces effets de structure. 34 agriculteurs – mais pas nécessairement les producteurs et distributeurs d’engrais-, ont permis de sécuriser ces baisses de fertilisation par des outils de gestion des impasses et de réduction des doses. De ce point de vue, la contribution de l’INRA, et du département EA en particulier, s’est avérée essentielle. Graphique 3 : Fertilisation en phosphore d’origine minérale (en P2O5/ha) dans 5 pays européens et aux USA 80 France 70 kg P2O5 ha-1 60 UK 50 Italy 40 Spain 30 20 The Netherlands 10 0 1940 USA 1960 1980 Année 2000 Chemin d’impact de la fertilisation P&K 35 2020 Evolution de la fertilisation azotée Historique des connaissances scientifiques mobilisées sur l’azote L’INRA s’intéresse à cette thématique depuis sa création en étudiant la dynamique de l’azote dans le sol et dans la plante ainsi que ses effets sur la production agricole. Jean Hébert, directeur de la Station Agronomique de l’Aisne (Laon) invente la méthode du bilan azoté en 1959 21 . Cette méthode ne s’est pas imposée facilement 22 mais elle reste encore aujourd’hui fondamentale pour raisonner la fertilisation azotée. Les recherches sur l’azote ont été conduites dans différentes stations (notamment Chalons sur Marne, Laon, Lusignan, Quimper) et se sont concentrées progressivement sur deux sites principaux : Les recherches de l’unité d’agronomie de Laon qui s’intéressent essentiellement à la dynamique de l’azote dans le sol progressent beaucoup dans les années 1970/80 avec l’adoption des méthodes isotopiques (15 N) qui permet de suivre les dynamiques de transformation et migration de l’azote de l’engrais dans le sol et dans la plante et ainsi d’affiner l’étude des cinétiques de minéralisation et d’absorption et de comprendre les déterminants de l’utilisation de l’azote de l’engrais par les couverts. L’accent est mis notamment sur la dynamique de l’organisation microbienne de l’azote, qui nécessite de coupler les cycles de l’azote et du carbone pour mieux en comprendre les déterminismes. les recherches de l’unité d’agronomie de Grignon abordent la fertilisation à partir de l’analyse de l’élaboration du rendement et de la qualité des produits, et donc des besoins en azote de la culture. Ces recherchent utilisent les méthodes d’écophysiologie, en particulier les travaux conduits à l’unité d’agronomie de Lusignan, et s’intéressent au fonctionnement de la plante carencée et aux déterminants de la qualité des produits récoltés. Ces recherches conduisent à formuler de nouveaux concepts qui enrichissent considérablement les méthodes de calcul prévisionnel de la fertilisation azotée (dont la méthode du bilan) : la dynamique de minéralisation de l’azote dans le sol : l’introduction du concept de jours normalisés (JN) 23 permet d’adopter une démarche prévisionnelle dynamique pour la minéralisation de différentes sources d’azote (humus, résidus de culture, produits organiques) en tenant compte au champ (ou au laboratoire) des variations climatiques (température et humidité du sol). Les JN sont définis comme les jours où la température moyenne est égale à une température de référence (15°C le plus souvent) et l’humidité de référence est celle de la capacité au champ. Cette approche sera intégrée rapidement dans des outils de calcul (Lixim, 1999 ; Azofert 2004) ce qui contribuera à sa diffusion large ; l’état nutritionnel azoté d’une culture, défini par l’indice de nutrition azotée (INN) par rapport à une teneur en azote de référence. Développé à partir des travaux initiaux de Lusignan sur cultures fourragères 24 , ce concept sera progressivement étendu aux grandes cultures (blé, maïs, pommes de terre, etc… ). L’INN permet de déterminer, en cours de cycle de végétation, l’état carencé ou non carencé en azote d’un peuplement végétal. L’adoption de ce concept génèrera alors toute une série de travaux plus appliqués, visant à mettre au point des indicateurs « plante » de cet état nutritionnel qui permettent de mieux gérer la fertilisation azotée en cours de culture. En 1996, face à une qualité moyenne des blés français très médiocre, qui de surcroît diminuait depuis plus de 10 ans, l’INRA a contribué, avec ses partenaires, à proposer des méthodes permettant de favoriser une teneur en protéines plus élevée, tout en réduisant les risques de pertes d’azote vers l’environnement. Les travaux de l’INRA sur les faibles coefficients d’utilisation de l’azote de l’engrais (estimés par les CAU et CRU) en début de cycle et en sortie hiver 25 , ainsi que ceux concernant les tolérances possibles de carences azotées temporaires précoces, menés dans les années 1980-1990 ont conduit à recommander un retard significatif des 21 Hebert J., 1959. La fumure azotée, Bulletin de l’AFES, pp 232-257 Voir sur ce point JL Julien (2014, p.98 s.) qui considère que la pertinence et de l’opérationnalité de la méthode du bilan ne seront acceptées qu’une quarantaine d’années après sa formulation, lors du colloque sur la fertilisation raisonnée organisé en 1987 à l’Académie d’Agriculture avec le COM IFER. 23 Andren O., Paustian K., 1987. Barley straw decomposition in the field. A comparison of models. Ecology 68, 1190-2000. 24 Lemaire G, Salette J. 1981 The variation of nitrogen-content during the growth of grasses – A dilution equation. Comptes-Rendus de l’Académie des Sciences, 292, 14, 875-878. 25 M ACHET J.M ., PIERRE D., RECOUS S., REM Y J.C., 1987. Signification du coefficient réel d'utilisation et conséquences pour la fertilisation azotée des cultures. Comptes-rendus de l'Académie d'Agriculture de France 73, 3, 39-55 22 36 premiers apports d’azote vers des dates plus tardives, accroissant ainsi l’efficience d’utilisation de l’engrais. C’est notamment à partir cette période que s’est considérablement développée la pratique du 3ème apport d’azote sur blé, qui vise essentiellement à accroître la teneur en protéine des grains. D’une manière plus générale, la meilleure connaissance de la dynamique des besoins des cultures et de « l’offre en azote » du sol via la minéralisation des différentes sources de matières organiques, a contribué à la démarche d’ajustement des apports (quantitativement et temporellement) au plus près des besoins en azote des cultures. L’utilisation des relations trouvées par Limaux et al. (1999) 26 entre vitesse de croissance d’un peuplement de blé au moment des apports et coefficient d’utilisation de l’engrais dans les outils d’aide à la décision (OAD) en est l’illustration. L’INRA a contribué aussi à l’évolution des pratiques de fertilisation azotée par la conception d’OAD, souvent en partenariat avec les instituts techniques. Les principaux OAD sont les suivants : outils de raisonnement basés sur le bilan azoté prévisionnel : - Azobil créé en 1990 sur la base d’une méthode de bilan azoté statique et paramétré pour 26 cultures annuelles (pour la version de 1990); - Azodyn (fin des années 1990) : prévision des performances (rendement, pertes N, teneur en Protéines) du blé et du colza pour différentes stratégies de fractionnement de la fertilisation azotée. Ce logiciel est utilisable en agriculture conventionnelle et biologique ; - AzoFert (2003) : repose sur une approche dynamique des processus de minéralisation de l’azote des différents « termes » du bilan, en utilisant les jours normalisés (JN), ce qui permet de tenir compte du climat (passé et à venir) de la parcelle. Il réalise le calcul prévisionnel du bilan pour une cinquantaine de cultures annuelles pour lesquelles les besoins en azote totaux ont été paramétrés. outils de pilotage en cours du cycle végétatif qui permettent d’ajuster la stratégie de fertilisation en fonction des conditions climatiques de la campagne et de leurs incidences sur la croissance des plantes et la disponibilité du sol : - Jubil (1993) qui complète le bilan prévisionnel par le dosage de la teneur en nitrate du jus de base de tige pour estimer le niveau d’alimentation de la plante et détecter les carences azotées; - Témoins double-densité (TDD) (2001) dont le principe est d’accroître, en semant une double densité sur une toute petite zone de la parcelle, les besoins précoces du peuplement, et donc de détecter par observation visuelle du couvert la date d’entrée en carence de cette zone, indicatrice d’une entrée en carence proche du reste de la parcelle. - Télédétection par données satellitaires du statut azoté des couverts par mesures de réflectance Dans les années 2000, les compétences en agronomie de l’unité INRA de Laon sont complétées avec l’arrivée d’une chercheuse spécialisée en télédétection. Les données satellitaires permettent, moyennant un calage au sol, d’estimer l’indice foliaire, la biomasse aérienne et l’état nutritionnel azoté. Couplées aux études réalisées à Grignon sur la nutrition des plantes, ces recherches ont contribué à la production de l’outil de pilotage des cultures FarmStar, conçu par Arvalis et par le CETIOM (utilisé en 2013 sur plus de 600 000 ha, sur blé, orge et colza). En 2012, en collaboration avec les instituts techniques, l’INRA a créé l’UMT CAPTE (Capteurs et télédétection pour la caractérisation de l’état et du fonctionnement des cultures) afin de développer ce type d’approches à la fois sur le plan scientifique et sur le plan technologique. 26 LIM AUX F., RECOUS S., M EYNARD J-M ., GUCKERT A., 1999. Relationship between rate of crop growth at date of fertiliserN application and fate of fertiliser-N applied to winter wheat. Plant and Soil 214, 49-59. 37 Chronologie sur la fertilisation azotée Les impacts : faits observables concernant la contribution de l’INRA dans le chemin d’impact La contribution de l’INRA peut être tout d’abord analysée en suivant les trajectoires des deux concepts évoqués précédemment (JN et INN). Dans le tableau 1 ci-dessous, nous distinguons 5 étapes, des premières publications scientifiques à l’utilisation banalisée : première publication où le concept est proposé : dans le cas de l’INN, il s’agit de chercheurs de l’INRA, dans le cas des JN, d’une publication de deux chercheurs étrangers (suédois et américains) dont le concept est alors utilisé dans le cadre d’une thèse réalisée à l’Inra ; recherches conduites par l’INRA qui visent à appliquer le concept pour différentes cultures et dans différentes situations (les références sont données à titre indicatif ; elles sont beaucoup plus nombreuses en réalité) ; en complément de ces recherches applicatives, les chercheurs et ingénieurs impliqués ont conçu des outils d’aide à la décision, de façon à faire la preuve de l’utilité des concepts proposés et à fournir des outils utilisables par les agriculteurs ou par le conseil technique (cf. tableau et paragraphe précédent) l’intégration de ces concepts dans les guides COMIFER constitue un marqueur essentiel de succès car ce comité publie les méthodes de référence ; la référence à ces concepts dans des articles de vulgarisation (la revue Perspectives Agricoles a été choisie car elle couvre toute la période, elle est éditée sous l’égide des instituts techniques et elle a réalisé régulièrement des dossiers de référence sur la fertilisation). Tableau 1. Trajectoire des concepts sur la fertilisation azotée, des premières publications à l’utilisation banalisée 1ère publication INN Lemaire, Salette (1981) CR Académie des Sciences JN Andren, Paustian (1987), Ecology Utilisation dans des recherches de l’INRA Intégration dans des OAD INRA Référence Guide COMIFER Gonzales-Montaner (1987) Thèse, Justes et al. (1994) Annals of Botany, Jeuffroy, Recous (1999) Eur J of Agronomy, Jeuffroy, Bouchard (1999) Crop Science (…) Darwis (1993) Thèse, Mary, Recous et al. (1996) Plant and Soil (…) Brisson et al. 1998 (ST ICS), LIXIM 1999 ; Recous et al., 1999 ; Beaudoin et al., 2005 JUBIL, 1993 T DD*, 2001 AZODYN, 2004 1996 AZOFERT , 2003 2011 (AZOBIL, AZOFERT ) 2013 (AZOFERT ) *TDD= Témoins Double Densité Source : S. Recous, document de travail accessible sur le site http://www6.inra.fr/asirpa 38 Référence dans Perspectives Agricoles 1987, 1992, 1994, 1996 (Jubil), 1996 (Jubil), 1998, 2000 (PROBLE), 2001 (T DD), 2003 (TDD), 2006 (T DD), 2011 2004 (LIXIM), 2006 (AZOFERT ) Au-delà de ces deux exemples, la littérature technique permet d’établir l’influence cruciale des travaux de l’INRA. La plupart des références citées dans les documents techniques (par exemple : Rapport Corpen 1992, Brochures COMIFER 2011 et 2013, Dossiers fertilisation de Perspectives Agricoles) correspondent à des recherches menées par l’INRA. Ainsi, l’INRA joue un rôle essentiel à différentes étapes du chemin d’impact : la production de connaissances fondamentales concernant à la fois la plante et le sol (dynamiques de minéralisation de l’azote et caractérisation des besoins et de la nutrition des plantes). Ces recherches utilisent souvent des techniques avancées (marquage isotopique, modélisation, …) ; l’approfondissement de ces connaissances dans des situations pédoclimatiques différentes et pour les principales cultures concernées. Compte tenu des principales implantations de l’INRA sur la thématique de la fertilisation azotée, les principales espèces travaillées sont le blé et le colza (très peu le maïs par exemple). Ces recherches sont souvent faites en collaboration avec des instituts techniques. Les thèses cofinancées sont l’un des vecteurs importants ; sur la trentaine de thèses touchant à la fertilisation réalisées à l’INRA depuis 1985, 17 ont été réalisées en collaboration, essentiellement avec des instituts techniques (principalement Arvalis) 27 ; incorporation de ces connaissances dans des outils techniques : les différentes générations d’outils d’aide à la décision; animation des instances de coordination des recherches sur la fertilisation: COMIFER, GIS et RMT Fertilisation et Environnement. La forte relation de l’Unité d’Agronomie de Grignon avec les activités d’enseignement a été essentielle pour la diffusion des nouveaux concepts et des nouvelles approches. Concernant l’utilisation des OAD, pour Azofert® par exemple, on estime que le taux d’utilisation est de 80% pour la betterave et de 10% pour le blé tendre. 28 Mais la diffusion des approches et concepts est bien plus importante que celle des outils. Ceci est visible par la fréquence des citations d’AZOFERT, à partir du milieu des années 2000, dans les ouvrages (brochures du COMIFER, guide de la Fertilisation Raisonnée) et articles de la presse agricole. AZOFERT® est très souvent cité pour son approche dynamique (ex : minéralisation des produits résiduaires organiques –PRO- en fonction de jours normalisés) mais aussi pour sa généricité (références quantitatives pour une large gamme de cultures, de produits résiduaires organiques, etc. ). La production d’OAD joue un rôle de preuve de concept et peut s’avérer déterminante pour la reprise de ces concepts par les instituts techniques dans leurs propres OAD. Ainsi Arvalis –Institut du Végétal, reprend dans l’outil Ferti-Web, un certain nombre des concepts développés par l’Inra, tout en y apportant sa propre expertise: dynamisation de l’offre du sol (Azofert, Lixim) en utilisant des vitesses de minéralisation potentielles des différentes sources et les jours normalisés) ; dynamisation des besoins en azote des cultures (Azodyn) en utilisant les connaissances des besoins en N à satisfaire à la floraison du blé, estimation du recouvrement de l’engrais (CAU) en utilisant les relations entre dates d’apport-vitesses de croissances des peuplements et pertes d’engrais. Les OAD tels que Farmstar et N-testeur, utilisent les relations entre INN et transmittance. Quels sont les changements des pratiques ? La fertilisation azotée n’est pas gérée par les agriculteurs comme celle de P et K. En effet, en matière de fertilisation azotée, tout manque pénalise immédiatement les rendements alors que le phosphore et la potasse stockés dans le sol peuvent avoir un effet tampon. Les agriculteurs ont donc une forte aversion contre les risques de carence azotée qui explique une résistance à l’adoption des préconisations des agronomes 29 . Néanmoins, un rapport récent du Conseil Général de l’Agriculture et du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable 30 montre que l’on observe, depuis 1990, une baisse de l’utilisation de l’azote 27 Cf. document de travail de S. Recous sur le site ASIRPA Cf. étude ASIRPA sur Azofert (http://www6.inra.fr/asirpa). 29 Cerf, M ., M eynard, J.M . (2006). « Les outils de pilotage des cultures : diversité de leurs usages et enseignements pour leur conception », Natures Sciences Sociétés, Vol. 14, 19-29. 30 Balny, P., Delcour, D., Guillet, M . Rathouis, P., Roussel, F. (2013). Plan d’action relatif à une meilleure utilisation de l’azote en agriculture, Paris : M inistère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, M inistère de l’Agriculture, de l’AgroAlimentaire et de la Forêt. 28 39 en même temps qu’une poursuite de l’augmentation des productions végétales (céréales + colza) (Graphique 4). Graphique 4 : Evolution de la livraison d’engrais azoté et de la production de céréales. Cette baisse s’explique par l’adoption par les agriculteurs de pratiques de fertilisation raisonnées qui permettent d’adapter les apports aux situations locales et aux rendements attendus et de les rectifier en cours de campagne 31 : à partir des années 2000, les apports déterminés selon une dose « habituelle » empirique (notamment sans calcul prévisionnel basé sur un objectif de rendement et/ou un reliquat d’azote minéral et bien sûr sans outil de pilotage) représentent seulement 8 % des surfaces fertilisées contre 43 % en 1994 ; le fractionnement des apports d’azote est généralisé pour le blé : près de 71 % des surfaces en blé tendre bénéficient en 2006 d’au moins trois apports d’azote minéral dans la saison (contre seulement 26% des surfaces en 1994). Cela témoigne de l’adoption des préconisations auxquelles l’INRA a fortement contribué avec ses partenaires du développement. In fine, d’après l’Union des Industries de la Fertilisation (UNIFA), l’effet combiné de l’augmentation de la production et de la baisse de l’utilisation d’azote, se traduit pour la culture du blé par un stock fin de campagne en diminution de 50% entre 1988/89 et 2012/2013, passant de 42kg/ha, à moins de 20 kg/ha. 32 Ainsi, l’effet combiné des changements de contexte économique et politique et des possibilités d’innovation liées aux connaissances et aux instruments de l’INRA a permis un changement des pratiques qui va bien audelà de l’usage des instruments de l’INRA. Quels impacts sur les politiques publiques ? Dans le cadre du contentieux entre la France et la Communauté européenne sur l’application de la directive nitrate, se traduisant par la mise en place des groupes régionaux d’expertise nitrate (GREN) à partir de 2011, l’INRA et ses partenaires (au sein du RMT Fertilisation & Environnement et du COMIFER) prennent l’initiative en 2011 de mobiliser l’expertise scientifique et technique sur la fertilisation azotée et d’assurer un appui technique aux Ministères de l’Agriculture et de l’Environnement sur ce dossier. Il s’agit notamment d’accélérer la mise en cohérence et la mise à disposition, à l’échelle nationale, de données, références, voire 31 Agreste Primeur, n°291, octobre 2012. D’après les données de l’UNIFA et UNIFA (2012). Eléments des bilans soufre et azote et indicateurs d’efficacité de l’azote minéral sur blé tendre, http://www.unifa.fr/le-marche-en-chiffres/la-fertilisation-en-france.html. 32 40 règles de décision, pour les déclinaisons régionales de la méthode du bilan33 et de proposer une méthodologie d’évaluation des OAD pour la fertilisation azotée. L’INRA, avec J-M Machet, S. Recous et J. Boiffin, participe à la conception et à la réalisation de cet appui. Une vingtaine de scientifiques de l’INRA participent aussi en tant qu’experts dans les GREN de leur région, sur la quasi-totalité des 20 régions concernées. A partir des années 2010, l’INRA répond aussi aux sollicitations des pouvoirs publics, par la réalisation de nombreuses expertises et études commanditées par les ministères et des agences telle que l’ADEME sur des thématiques en lien très étroit avec la gestion de la fertilisation des cultures, les possibilités de réduire les intrants minéraux et de minimiser les impacts environnementaux de sa gestion, notamment : (i) Connaissances sur les flux d'azote et flux associés dans les élevages (2012) ; (ii) Gestion de l’interculture au moyen de Cultures Intermédiaires " (2012), (iii) Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? (2013) ; (iv) Les Impacts agronomiques, environnementaux et socioéconomiques de la valorisation des matières fertilisantes d'origine résiduaire sur les sols à usages agricole ou forestier (2014) Chemin d’impact de la fertilisation azotée 33 M éthode de référence choisie par la France pour le calcul prévisionnel de la fertilisation azotée 41 ASIRPA Socio-economic Analysis of the Impacts of Public Research in Agriculture Création de la start-up Naskéo Environnement sur les technologies de méthanisation de l’INRA Executive Summary 10 janvier 2013 Ariane Gaunand Stéphane Lemarié 42 Contexte Ce cas porte sur des technologies de traitement des déchets organiques (effluents et déchets solides). Les acteurs économiques investissent dans ces technologies soit pour répondre à des obligations réglementaires (dépollution des effluents), soit pour valoriser l'énergie contenue dans ces déchets (méthanisation des déchets solides). Les déchets organiques ne sont pas nécessairement traités par méthanisation. Différentes options existent comme la valorisation directe (ex : marc de raisin employé comme support de culture des pleurotes), les traitements thermiques (incinération, gazéification..), physico-chimiques (stations d’épurations - STEP) ou biologiques (compostage et STEP). La méthanisation est une technologie basée sur la dégradation par des micro-organismes de la matière organique de déchets liquides (effluents) ou solides. Elle produit un digestat utilisable comme amendement agricole et du biogaz. Le biogaz, composé d’environ 60% de méthane et 40% de dioxyde de carbone est transformable en énergie renouvelable (électricité, chaleur, carburant…) : 1m3 de biogaz produit 1,5 à 2,5 kWh d’électricité. On distingue quatre grands types d’unités de méthanisation : la méthanisation des effluents industriels, la méthanisation agricole, la méthanisation territoriale et la méthanisation des boues de stations d’épuration urbaines. Il existe un panel de technologies de méthanisation adaptées au substrat : différentes technologies sont employées en fonction du taux de matières sèches (MS) des déchets ou de matières en suspension (MES) et de la régularité de la qualité des substrats apportés dans le digesteur. Ces technologies peuvent être regroupées en trois grands types: - les procédés à cultures bactériennes libres dans le méthaniseur pour les effluents et déchets solides (dont le procédé « infiniment mélangé », très répandu), - les procédés à cultures bactériennes fixées sur des supports pour les effluents (dont l’UASB), - les technologies adaptées aux déchets solides chargés tels que les procédés piston et les procédés discontinus. Ces nombreuses technologies de traitements sont validées et largement disponibles. Les technologies développées par le Laboratoire de Biotechnologies de l’Environnement (LBE, INRA) sont des innovations incrémentales dans ce panel de technologies : elles sont optimisées et adaptées à des cibles précises. Les procédés Provéo et Ergénium ont été inventés au LBE. Le procédé Provéo est équipé de supports qui flottent dans l’effluent et auxquels sont fixés les micro-organismes. Le procédé Ergénium, technologie à cultures libres proche de l’infiniment mélangé, est amélioré d’une étape préliminaire d’acidification et suivi d’un système de recirculation des digestats centrifugés. Ergénium permet de traiter des mélanges de déchets solides : c’est un procédé de codigestion. Situation concurrentielle L’UASB, technologie hollandaise concurrente de la technologie Provéo de l’INRA, est employé sur 77,5% des installations de méthanisation des effluents industriels dans le monde. La technologie générique de l’infiniment mélangé, concurrente d’Ergénium, est la plus répandue pour le traitement des déchets solides mais elle est déclinée sous de nombreuses adaptations. Les innovations du secteur de la méthanisation sont rarement brevetées car elles reposent sur des procédés, par essence facilement copiables. La concurrence entre industriels repose donc sur le savoir-faire et la réputation de l’entreprise, d’autant plus qu’il n’existe aucune validation technologique officielle et que des technologies peu fiables sont de fait commercialisées. Au-delà du choix d’une technologie de méthanisation, l’installation d’une unité requiert l’adaptation de l’équipement aux contraintes spatiales du client, à la régularité de son substrat, à son éventuel besoin de prétraitement, à son choix de la solution pour la valorisation du digestat ou du biogaz. Chaque unité de méthanisation est donc un assemblage technologique original. Les acteurs économiques français de la méthanisation sont d’ailleurs des petits bureaux d’études dont la valeur ajoutée provient majoritairement du savoir-faire et des compétences en termes d’étude de faisabilité, de suivi des travaux, d’adaptation et de combinaisons de technologies appropriées… Les grands industriels de l’environnement (Sita, Veolia…) sont plus actifs dans l’exploitation que dans la construction d’installations ou 43 dans l’ingénierie-études. Les entrepreneurs français réalisent encore peu d’économies d’échelles et les installations françaises demeurent chères en comparaison des installations allemandes (d’autant que le génie civil français est plus cher). Contexte politique et légal Des contraintes réglementaires mais aussi des opportunités récentes cadrent le développement du secteur de la méthanisation en France. L'arrêté du 2 février 1998 fixe des normes de rejet d’effluents organiques au réseau urbain ou au milieu naturel. La méthanisation est une solution de dépollution performante car elle permet de réduire la charge polluante des eaux usées. La directive européenne de 1999 et l’article du Grenelle 2 relatifs à la gestion des déchets biodégradables ont par ailleurs imposé une réduction progressive du taux de déchets organiques mis en décharge et contraint les producteurs de biodéchets à les valoriser par méthanisation ou compostage. Le facteur déclencheur de l’essor de la méthanisation en France est l’arrêté du 10 juillet 2006 par lequel l’Etat oblige EDF à racheter l’électricité cogénérée à partir de biogaz. La tarification de rachat attractive, réévaluée par l’état en 2011, fait du traitement des déchets une option économiquement rentable. Enfin, l’injection du biogaz dans le réseau national de gaz naturel, faisant l’objet d’un avis favorable par l’AFSSET en octobre 2008, a par ailleurs contribué à ouvrir de nouveaux débouchés au biogaz. Inputs et situation productive Le Laboratoire des Biotechnologies de l’Environnement de Narbonne est une unité propre de recherche spécialisée dans le traitement de l’eau par voie aérobie (boues activées, procédé SBR) et le traitement des déchets par méthanisation. Le LBE a développé une halle technologique équipée de pilotes et modèles des principales technologies de traitement des déchets solides existantes. Le LBE a mis en place une stratégie de transfert technologique originale, alliant plusieurs leviers: des cellules industrielles hébergées, une unité de transfert propre au laboratoire, une collaboration étroite avec INRA Transfert Environnement, un pôle de compétitivité dans les locaux de l’INRA (le Parc Méditerranéen de l’Innovation). Le LBE détient 6 brevets et 11 savoir-faire exploités par des partenaires nationaux avec des contrats de licences exclusives. L’objectif initial des travaux du LBE à l’origine de la création de Naskéo était l’amélioration des technologies de dépollution des effluents (notamment en vue de la réduction des coûts de traitement). Néanmoins ce marché étant de petite taille, la start-up Naskéo et le LBE se sont réorientés vers une nouvelle problématique : l’optimisation de la production de biogaz par méthanisation de déchets solides. A la suite de leur projet d’ingénieur, des étudiants de l’école Centrale de Paris ont identifié une opportunité de création d’entreprise pour le traitement d’effluents et se sont rapprochés du LBE. Le LBE leur a concédé une licence exclusive sur savoir-faire pour le procédé Provéo de méthanisation d’effluents. Les chercheurs du LBE avaient développé seuls le procédé Provéo depuis 1996 et l’ont livré mature à Naskéo en 2004. Naskéo est depuis hébergé dans la halle du LBE. La seconde technologie valorisée par Naskéo, Ergénium, a été codéveloppée avec le LBE. Un faible nombre d’acteurs a été initialement impliqué dans la création de Naskéo à travers le développement des technologies de méthanisation Provéo et Ergénium. L’ADEME et différents concours (ministère de la recherche, ANVAR…) ont contribués au financement initial des activités de Naskéo. Naskéo et le LBE ont également noué un partenariat avec le Kumaguru College of Technology en Inde dans l’objectif d’optimiser les performances du procédé Provéo, avec une aide financière du CEFIPRA (Centre franco-indien pour la promotion de la recherche avancée). 44 Chronologie • La renommée du LBE sur le traitement des déchets est issue de la spécialisation ancienne du laboratoire sur ce thème (1975). • Le procédé Provéo était mature depuis la fin des années 90 mais aucun partenaire ne s’était manifesté pour le valoriser avant Naskéo en 2004. • Ce n’est qu’à partir des années 90 que la méthanisation se développe en Allemagne et le contexte devient favorable en France à partir du milieu des années 2000. Outputs Les outputs des recherches menées par l’INRA dans cette étude de cas sont la création de Naskéo et les différentes technologies développées par la start-up. La start-up Naskéo a été créée en 2005 avec un premier contrat d’installation d’unité de traitement Provéo pour un industriel pharmaceutique. Mais le marché de la méthanisation des effluents n’est pas dynamique car il s’agit d’un marché de niche. En effet 90% des effluents sont traités de manière aérobie dans des STEP et par conséquent Provéo n’est donc installé qu’en remplacement d’unités aérobies obsolètes. La demande de traitement des effluents a diminué car la majorité des industriels sont équipés de station de traitement tandis que celle de la méthanisation des déchets solides a explosé, dans le contexte national favorable décrit plus haut. Naskéo a alors diversifié ses partenaires et réorienté son offre technologique. En 2007, le LBE a déposé le brevet Ergénium sur une technologie de méthanisation des déchets solides et concédé à Naskéo la licence exclusive. Ergénium est un procédé de méthanisation des déchets solides en deux étapes : une acidification et centrifugation des déchets puis une méthanisation pour le traitement des acides gras volatiles produits dans le premier réacteur et recirculation des digestats vers le réacteur d’acidification. Le procédé Ergénium est un procédé de codigestion : il est particulièrement adapté à la méthanisation de mélanges de déchets agricoles, organiques et animaux parce qu’il est composé d’une étape de recirculation des déchets plus difficilement méthanisables. Ergénium permet ainsi d’optimiser la production de méthane par unité de déchets entrants. Naskéo a également développé une expertise de la technologie de méthanisation infiniment mélangée grâce à un partenariat noué avec l’entreprise allemande BiogazKontor en 2007. Les technologies infiniment mélangé et Ergénium sont régulièrement combinées dans les installations de méthanisation de Naskéo, de sorte qu’il est difficile de comptabiliser le nombre d’unités installées par Naskéo relevant du procédé Ergénium. La première unité de méthanisation Ergénium a été installée en 2009 en Ile-de-France. Enfin, dans une seconde phase du développement de la start-up Naskéo, celle-ci a été insérée auprès du LBE dans la communauté scientifique française. Naskéo est devenu un partenaire industriel (aux côtés de gros industriels de l’environnement comme GDF-Suez par exemple) dans les consortiums de recherche des projets Symbiose, Winseafuel et Salinalgue, qui sont en passe de produire de nouvelles innovations. 45 Diffusion-médiateurs Divers mécanismes et acteurs ont contribué à la circulation et la diffusion des outputs vers la sphère des utilisateurs. L’ADEME, par exemple, conseille et oriente les clients de méthanisation (industriels, fermes, collectivités…) vers des technologies fiables, et participe en amont à la validation informelle de ces technologies. L’INRA de Nouzilly contribue à la promotion des technologies de Naskéo puisqu’il a commandé une installation Ergénium à Naskéo : il s’agit à la fois d’un client supplémentaire de la start-up issu de sa connivence avec le LBE, mais surtout d’une unité pilote opportune pour le suivi des mesures, le rétro-apprentissage et l’optimisation de la technologie. Les deux brevets valorisés par Naskéo sont aussi un intermédiaire important à la diffusion des technologies du LBE. En effet Naskéo a négocié avec l’INRA une licence exclusive sur le procédé Provéo et co-déposé le brevet Ergénium. Pourtant (i) dans le secteur de la méthanisation, les procédés sont rarement brevetés mais plutôt protégés par savoir-faire ; (ii) le procédé Provéo, sollicité en 2005 par Naskéo, n’est plus utilisé depuis 2008 ; (iii) la licence exclusive de Naskéo sur le procédé Ergénium est encore peu utilisée par Naskéo (l’INRA n’a pas encore perçu de redevances sur ce procédé). Nous faisons donc l’hypothèse que la start-up tire de la licence Provéo et du brevet Ergénium d’autres bénéfices que le simple accès privilégié aux technologies protégées. Le brevet Ergénium co-déposé avec l’INRA contribue à la renommée de Naskéo (particulièrement dans un secteur où les technologies ne sont pas officiellement validées et où la performance des technologies est très variable). La possession de deux licences et d’un brevet signale aux potentiels collaborateurs de Naskéo que la start-up est innovante. Ces deux premiers effets ont permis à Naskéo de lever des fonds qui ont pérennisés la start-up. La protection par brevet des innovations de Naskéo a aussi pu faciliter la coopération scientifique en réduisant les risques de partenariat et en formalisant la collaboration : l’intégration de consortiums de recherche et le partenariat avec BiogazKontor ont probablement été encouragés par cette protection intellectuelle formalisée. Impacts Impact économique Naskéo et l’INRA contribuent au développement de la filière biogaz française La filière biogaz a connu un développement récent important en France. En 2005, 450 emplois étaient directement dédiés au biogaz, contre 1035 en 2010. L’INRA, à travers la mise au point de technologies et le soutien à la création de la start-up Naskéo, a contribué à l’émergence de la filière biogaz française. Naskéo est un nouvel acteur du secteur et enrichit l’offre des solutions de méthanisation. Provéo traite plus de matières polluantes par unité de temps que les technologies concurrentes et Ergénium produirait jusqu’à 10 à 20% d’énergie en plus par rapport aux procédés classiques de méthanisation des déchets solides sur les projets supérieurs à 50 kWél. En 2011, 2 unités Provéo sont installées en France sur les 80 unités de méthanisation d’effluents industriels, et 2 unités Ergénium sur les 57 unités de méthanisation agricole et territoriale. Par ailleurs l’INRA prolonge l’ADEME dans son rôle de validation des technologies offertes sur le marché à travers la caution scientifique qui lui est internationalement accordée. Impact économique du développement de Naskéo La création et la pérennisation de Naskéo ainsi que l’augmentation de son investissement en R&D ont permis la création de 40 emplois qualifiés au début de 2014. Naskéo a un chiffre d’affaires de 8,5 M€ en 2012 et 9 M€ en 2013(quasi-exclusivement sur ses activités liées au traitement des déchets solides). En 2013, Naskéo réalisait près de 10% des ventes françaises d’installations de méthanisation (en terme de puissance électrique installée). Impact économique chez les utilisateurs de l’installation d’un méthaniseur Nous manquons de recul sur les installations de Naskéo et de la filière en général pour calculer le taux de retour sur investissement d’une unité de méthanisation mais des données sur l’unité Ergénium en cours de construction à l’INRA de Nouzilly devraient prochainement être disponibles et une étude de cas pourrait être pertinente. Le calcul du retour sur investissement d’une unité tient compte (i) du coût de l’investissement initial 46 et du coût de fonctionnement de l’unité d’une part, (ii) et des revenus liés aux subventions publiques à l’investissement, à la vente de l’énergie, à la valorisation du digestat et aux éventuelles taxes évitées pour non respect des normes de dépollution d’autre part. A la date où les coûts et les recettes annuelles s’équilibrent, l’installation est rentabilisée. Le retour sur investissement est estimé à 7 à 10 ans par naskéo. L’impact économique réside également dans le développement potentiel d’un agri-business pour les agriculteurs qui valoriseraient leurs déchets et revendraient le biométhane ou l’énergie. Impact environnemental La méthanisation confère de nombreux avantages environnementaux. La valorisation de l’énergie contenue dans les déchets organiques permet la production d’énergie renouvelable. Un traitement par cogénération par exemple produit 30-35% d’électricité et 55-60% de chaleur. En 2011 Naskéo traite plus de 200 000 t/an de déchets en France, générant plus de 5 MWèl renouvelables par an. Le méthane est un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant pour réchauffer l’atmosphère que le dioxyde de carbone. La méthanisation de déchets organiques permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre par rapport à une autre solution de gestion des déchets comme la mise en décharge. La réduction des déchets organiques mis en décharge, la production d’énergie renouvelable en substitut d’énergie fossile et l’épandage du digestat de méthanisation comme amendement organique renouvelable au lieu d’engrais minéraux fossiles participent à la réduction des émissions de gaz à effets de serre. La diminution de la charge polluante des effluents industriels par méthanisation est favorable au développement de la biodiversité dans les cours d’eau. Globalement, la méthanisation est une alternative supplémentaire et écologique de traitement de déchets. Son développement réduit la quantité de déchets organiques à traiter par d’autres filières moins écologiques. Contribution de l'INRA au succès La création et le développement de Naskéo ont été des succès grâce à des contributions spécifiques de l’INRA. Sur un marché peu investi par les principaux industriels de l’environnement, l’INRA a mis la technologie Provéo, innovante et mûre, à disposition d’une équipe jeune et dynamique. Par la suite, la performance de la technologie Ergenium pour le traitement des déchets solides développée au LBE a concourut à la diversification réussie de Naskéo. Le dispositif d’hébergement industriel dans la halle technologique développé par le LBE est un atout majeur pour les partenaires qui ont accès à un équipement complet et sont encadrés par des scientifiques et techniciens compétents. L’INRA a également offert à Naskéo un accès privilégié et exclusif à de la propriété intellectuelle robuste et adaptée. INRA Transfert envisage de signer un accord cadre avec Naskéo pour simplifier la gestion de la propriété intellectuelle entre les deux parties. Par ailleurs la politique d’exclusivité de licence pratiquée par le LBE favorise la pérennité des relations industrielles. Enfin, l’INRA a ouvert à Naskéo un réseau de partenaires scientifiques qui a donné lieu à trois accords de consortium et la commande d’un méthaniseur par l’INRA de Nouzilly, intéressée par la recherche sur l’amélioration industrielle de l’installation. 47 Impact Pathway • Ce chemin d’impact illustre bien l’intérêt de la notion de contribution aux impacts: il n’est pas possible de dissocier les impacts liés au partenariat de Naskéo avec le LBE de ceux liés à son partenariat avec BiogazKontor. • La licence Provéo et le brevet Ergénium ont joué différents rôles: caution scientifique de Naskéo, signal de compétences vers l’extérieur (notamment aux actionnaires : possibilité de levées de fonds, protection de la PI pour des partenariats ultérieurs). • L’INRA a aussi été une porte d’entrée pour Naskéo dans des consortiums de recherche. • L’INRA a appuyé la start-up grâce à plusieurs moyens: le transfert de technologie et d’expertise ; l’adaptation de la PI (dépôt de brevet pour faciliter la levée de fonds plutôt que le simple secret comme il est courant de le faire dans ce secteur) 48 Vecteur d’impact Sources des données Cette étude de cas est fondée sur un travail bibliographique réalisé par les auteurs ainsi que des entretiens semi-directifs conduits avec les acteurs de l’innovation : responsables scientifiques du laboratoire de biotechnologie de l’environnement de l’INRA, responsable du domaine Méthanisation de l’ADEME, chargé de valorisation d’INRA Transfert et d’INRA Transfert Environnement et gérant de la start-up Naskéo. 49 ASIRPA Socio-economic analysis of the diversity of Impacts of Public Research for Agriculture Gestion de la pollution d’origine agricole en Bretagne 26 mars 2014 Patrick Durand pour UMR SAS Rennes Nathalie Munier-Jolain Laurence Colinet Ariane Gaunand 50 Du fait du haut niveau de pollution des eaux par le nitrate en Bretagne, l’Inra, sur la base de modèles agrohydrologiques, a permis de définir et mettre en œuvre un certain nombre de politiques afin de réduire les nitrates et respecter la directive européenne OU d’évaluer des plans de résorption des algues vertes. Contexte Contexte environnemental et sanitaire Les années 70 voient la concentration en nitrate des eaux des rivières augmenter dans la plupart des rivières des régions agricoles des pays développés. Les premières marées vertes importantes se développent sur les plages bretonnes. Au début des années 80, le lien avec le développement de l’agriculture est établi scientifiquement (en France : Rapport Hénin, 1980). Cette augmentation de concentration et l’augmentation de la fréquence et de l’ampleur des marées vertes se poursuit jusqu’au début des années 2000 en Bretagne. En 2009, un cheval meurt dans la Baie de Saint Michel en Grève après avoir marché dans des algues en putréfaction. Son cavalier échappe de peu à la mort, et, rétrospectivement, ce phénomène est mis en cause dans d’autres accidents ayant eu lieu sur le littoral. Ce qui n’était qu’une nuisance pour les riverains et les touristes devient un problème sanitaire et, de fait, un problème politique et médiatique de dimension nationale. Contexte politique et réglementaire 1992 : la Directive Nitrates donne un seuil de 50mg/L de nitrates au delà duquel l’eau est impropre à la consommation et force à l’adoption de bonnes pratiques. 1993 : l’association écologiste Eaux et Rivières de Bretagne saisit la commission européenne sur l’existence d’environ 50 captages hors norme 50mg/L ce qui conduit à un avertissement de la commission à la France. Malgré les premières actions, l’augmentation de [NO3-] se poursuit. Les plans d’action sont exclusivement fondés sur la gestion de l’excédent des effluents et à partir de 1998 sont mises en œuvre les premières actions visant des changements de pratiques. 2002-2003 : un rapport de la cour des Comptes et du Conseil Economique et Social de Bretagne indique que les plans d’actions mis en place coûtent cher et ne sont pas efficaces. 2007 la commission européenne pose un ultimatum à la France pour la mise en œuvre d’un plan d’action énergique et d’une évaluation scientifique ex ante du plan proposé sous peine d’amende et de pénalités. Printemps 2013 : la France est à nouveau condamnée par la cour de justice de l’UE, cette fois sur l’application de la Directive Nitrates sur toute la France, et l’Etat est condamné par le tribunal administratif sur la question des algues vertes. Contexte scientifique Dès le début des années 70 : travaux de recherche dans les pays Anglo-Saxons notant l’augmentation des concentrations en nitrate des eaux de rivières dans des régions agricoles. Début des années 80 : travaux de recherches notamment américains établissant le rôle des structures paysagères (zones humides) sur les transferts de nitrates. Début 2000 : émergence du concept de cascade de l’azote (Nitrogen Cascade) décrivant les impacts environnementaux multiples du doublement des flux de fixation d’azote atmosphérique, essentiellement dû à l’activité agricole. 51 Inputs et configuration de production 1991 : le programme CORMORAN (financement AIP Eau Inra) d’étude pédologique et hydrologique de la qualité des eaux à l’échelle d’un bassin versant, bassin du Naizin, devenu depuis ORE AGRHYS, site du SOERE « Réseau des Bassins Versants », a permis des investissements dans l’instrumentation d’un bassin versant en dispositif d’observation. Grâce à l’acquisition de données sur les pratiques agricoles et la qualité des eaux de manière détaillée dans le paysage et sur plusieurs années, il est devenu possible d’identifier les processus les plus importants, et notamment de montrer que les eaux des rivières ne proviennent pas directement des parcelles agricoles, mais sont un mélange de circulations d’eau complexes, incluant des nappes réservoir situées dans la roche dans lesquelles les temps de résidence de l’eau sont de plusieurs années. En conséquence : il n’y a donc pas de lien direct entre les pratiques agricoles d’une année donnée et la qualité de l’eau mesurée la même année, il existe un effet des éléments structurant le paysage et de leur agencement à l’échelle du bassin versant sur les transferts de nitrate à la rivière. Ainsi la qualité de l’eau intègre l’histoire des pratiques agricoles à une échelle territoriale sur plusieurs années, mais de manière atténuée du fait de l’épuration naturelle qui dépend des structures du paysage. L’UMR SAS de l’Inra, spécialisée en hydrologie, a été l’acteur principal de ce programme. Le CEMAGREF, partenaire de CORMORAN, est le premier à avoir instrumenté le site de Naizin, et est un collaborateur régulier jusqu’au début des années 2000 sur cette thématique. L’UMR SAS a ensuite demandé et obtenu la labellisation de ce site comme ORE (AGRHYS), et en assure la gestion et la coordination (responsable de la continuité du suivi et de la mise à disposition des données, relation avec les agriculteurs, coordination des recherches…). Le CNRS Géosciences a contribué à l’acquisition de données sur l’ORE AGRHYS (datation des eaux, compréhension du fonctionnement biogéochimique des zones humides). Le CNRS LETG-COSTEL a contribué à la spatialisation des pratiques agricoles et structure des paysages grâce à des données de télédétection. 1998- 2000 : sur la base de ses connaissances en hydrologie et des données spatialisées acquises sur AGRHYS, l’UMR SAS entreprend le développement du modèle TNT2, soutenu par le financement de l’AIP ECOSPACE Inra. Ce travail de modélisation intègre : i) la répartition spatiale des pratiques, structures du paysages, ii) les processus et iii) les temps de réponse. Les résultats obtenus sur l’ORE Agrhys ont servi à concevoir le modèle TNT2 (sélection et hiérarchie des processus intégrés au modèle), à le paramétrer et à le tester en vérifiant que le modèle était capable de simuler des comportements proches de la réalité. 2007 : la question de l’eutrophisation est intégrée dans les problématiques scientifiques, ce qui nécessite d’aborder des situations beaucoup plus contraignantes en termes de qualité des eaux du fait du développement des algues vertes pour des concentrations deNO3- supérieures à 10 mg/L. Il est donc impératif d’imaginer des modifications des activités agricoles, voire des changements de systèmes de production, qui n’étaient pas forcément nécessaires tant que l’objectif était celui de la Directive Nitrates (50 mg/L). 2008 : le projet ANR ACASSYA a donné lieu au développement du modèle CASIMOD’N résultant du couplage sous la plateforme RECORD des modèles TNT2 et MELODIE (modèle de système d’élevage), ce qui a permis l’intégration de la composante système d’élevage avec le département PHASE de l’Inra. Il s’agit d’un projet collaboratif en partenariat avec la Communauté de Communes de Lannion-Trégor et les agriculteurs pour l’aménagement des bassins versants de la Lieue de Grève. 52 Sorties des recherches Des modèles pour le diagnostic et la simulation des effets des changements de pratiques ou de systèmes (licence GPL V3) Le modèle TNT2 (Licence GPL) a été transformé d’un outil de recherche applicable à des petits bassins versants nécessitant le renseignement de données journalières sur les pratiques, à un modèle de prévision fondé sur une spatialisation réaliste des pratiques et des systèmes agricoles. Cela a nécessité le test de cohérence des sous modèles, et l’intégration de connaissances expertes, de données de télédétection …, développés spécifiquement dans le cadre de l’expertise pour l’évaluation ex post ou ex ante des plans d’action. Le modèle CASIMOD’N (licence GPL) permet de simuler non seulement les changements de pratiques mais aussi des changements importants des systèmes d’exploitation : simulation des itinéraires techniques, des plans d’assolement et d’épandage. Il est donc particulièrement adapté à la problématique « algues vertes » requérant des diminutions drastiques des teneurs en nitrates, mais aussi à l’étude d’autres scénarios « de rupture » tels que l’abandon des quotas laitiers, la céréalisation des régions d’élevage… Ces modèles sont utilisés pour le diagnostic des effets des changements de pratiques et de systèmes sur la qualité des eaux et pour des préconisations de méthodes (identification des leviers, conception d’indicateurs, …) qui sont utilisables pour la mise en œuvre de solutions opérationnelles par les acteurs. Des outils de transfert pour la conception et la réalisation de plan d’action Territ’eau est un outil web d’aide à la décision permettant le diagnostic territorial des pollutions diffuses et de préconisation d’aménagement du territoire (éléments de vulgarisation, outil en ligne de méthodes, partage d’expérience), construit à partir des connaissances et de l’expertise acquises par l’UMR SAS, mais aussi certains techniciens de Chambres d’Agriculture. La conception et l’utilisation de l’outil Territ’eau ont été réalisées dans le cadre d’un projet avec le Conseil Régional de Bretagne (Agrotransfert Bretagne). Des documents de vulgarisation associés à des évènements de socialisation forte des connaissances Ouvrage « Qualité de l’eau en milieu rural : Savoir et pratiques dans les bassins versant » Coord. P. Merot, ed INRA Update, 2006 Publications scientifiques majeures V Beaujouan, P Durand, L Ruiz 2001 Modelling the effect of the spatial distribution of agricultural practices on nitrogen fluxes in rural catchments Ecological Modelling 137 (1), 93-105 (110 citations) J Molénat, P Durand, C Gascuel-Odoux, P Davy, G Gruau 2002 Mechanisms of nitrate transfer from soil to stream in an agricultural watershed of French Brittany Water, Air, and Soil Pollution 133 (1-4), 161-183 (70 citations) P Moreau, L Ruiz, F Mabon, T Raimbault, P Durand, L Delaby, S Devienne, F Vertès 2012 Reconciling technical, economic and environmental efficiency of farming systems in vulnerable areas Agriculture, Ecosystems & Environment 147, 89-99 (11 citations) 53 Chronologie Caption : 54 Flux de connaissances et intermédiaires L’Inra Les chercheurs s’impliquent fortement sur toute la chaine de la production de connaissances à la réalisation des actions dont l’impact se traduit au travers de : • • • L’utilisation par les chercheurs eux-mêmes, à la demande des acteurs et des décideurs, des modèles TNT2 et CASIMOD’N pour l’analyse des effets de modifications de pratique ex ante ou ex post, dans le cadre de contrats de recherche à des fins opérationnelles. La co-construction avec les acteurs locaux de solutions génériques et simples à mettre en œuvre dans les plans d’actions, dans des projets de recherche action. Des actions d’information et de formation de la sphère du développement agricole breton et des animateurs de bassins versants sur la compréhension scientifique du lien entre changement de pratiques et qualité des eaux. En moyenne, les chercheurs concernés ont participé de 1998 à 2005 à deux sessions de formation par an, organisées par la chambre régionale d’agriculture et le programme Bretagne Eau Pure en particulier, et sont intervenus plusieurs fois par an dans les réunions d’informations des programmes d’actions successifs dans les bassins versants. Les chercheurs ont assuré cette activité d’expertise et de formation/information directement en relation avec les commanditaires et les acteurs. Dans certaines expertises d’autres partenaires de la recherche ont pu intervenir (ex BRGM). Ils ont aussi participé à la réalisation de nombreux documents et outils de synthèse tels que le recueil de fiches scientifiques et techniques du CSEB (Conseil Scientifique de l’Environnement de Bretagne) et le site « Portail de l’information environnementale en Bretagne » du Groupement d’Intérêt Public Environnement Bretagne. Le Conseil Régional de Bretagne : CRAB Au fur et à mesure du développement de Territ’eau, l’outil a fait l’objet d’actions de formation et d’information et d’utilisation-test en situation. Cette action de formation et d’aide à l’utilisation est assurée par le CRAB (via Agrotransfert Bretagne au début du projet). Les principaux destinataires sont : les ingénieurs de syndicats de bassin, de communautés de communes, de SAGE, de Chambres d’Agriculture, de bureaux d’études…, et de manière générale tous types d’acteurs ayant à établir des plans d’amélioration de la qualité de l’eau. Le centre de ressources et d’expertise scientifique sur l’eau en Bretagne (CRESEB) Créée en 2010 à l’initiative des chercheurs (notamment de l’INRA) et de la région Bretagne, cette structure a pour but de faciliter et organiser le partage de connaissances entre les scientifiques et les acteurs de la gestion intégrée de l’eau et des bassins versants. Elle recueille les questions et les besoins des acteurs et organise la médiation des réponses de chercheurs (formations, documents de vulgarisation…). Elle suscite et accompagne des ateliers de réflexions entre chercheurs et acteurs. Depuis peu, elle aide à la construction de projets de recherche sur des thématiques proposées par les acteurs. Scheme 2012 : Création d’une start-up SCHEME (http://www.scheme-rd.fr/): cette entreprise de recherchedéveloppement propose une expertise en modélisation et environnement s’appuyant sur les modèles produits par l’UMR SAS Rennes en particulier TNT2 (Accord de Licence non exclusive en cours). Les clients devraient être les agences de l’eau, les services de l’état et les collectivités territoriales en charge de l’aménagement des bassins versants. Les méthodes et outils étant désormais au point, cette structure, créée avec le soutien des chercheurs, prend leur relais pour répondre aux demandes d’expertise et participe à l’amélioration de l’ « utilisabilité » des modèles. 55 Impacts 1 L’Inra mobilisé pour améliorer la qualité des eaux en Bretagne Suite à l’observation de la Cour des Comptes et du Conseil Economique de Bretagne, une étude commanditée par le Conseil Régional de Bretagne a été réalisée par l’INRA avec le modèle TNT2 pour faire une évaluation ex post des programmes « Bretagne Eau Pure » dont les coûts ont été supérieurs à 200M€, à quoi se rajoute un financement de 140M€ du Programme de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole dans le cadre du CPER, soit un coût pour les politiques publiques dépassant 340M€. Les conclusions montrent que les mesures prises seront relativement efficaces à long terme (inversion de la tendance croissante des teneurs en nitrate), mais trop limitées, compte tenu de l’inertie hydrologique et biogéochimique, pour un retour à court-moyen terme à des eaux conformes à la réglementation. Cette étude a fait l’objet d’une large diffusion sous forme de conférences et de formations pour les animateurs de bassins versants, le grand public... Elle a contribué à rendre plus pertinente l’interprétation des fluctuations annuelles de concentrations par les gestionnaires et les autorités et à mieux faire comprendre les raisons de l’efficacité plus ou moins bonne des plans d’action. (Rapport d’étude : Evaluation du programme BEP2. Durand et al., 2006). Suite à l’ultimatum de 2007 de la commission européenne l’INRA et le BRGM ont été chargés par le Secrétariat général aux affaires européennes de l’évaluation ex ante du plan d’action proposé par la France (Rapport d’expertise cosigné INRA-BRGM). Le modèle TNT2 a à nouveau été mobilisé pour produire le rapport scientifique du contentieux (Rapport de synthèse : Etude sur les bassins versants en contentieux « nitrates eaux brutes ». Durand et al., 2007). La réalisation de cette étude (et malgré ses conclusions assez défavorables au plan proposé) a concouru à la levée de la menace de sanctions (28 M€ d’amendes et 100000€ d’astreinte par jour et par captage non conforme, soit pour 9 captages non conformes une amende annuelle de plus de 200 M€). De plus, l’interaction forte avec les services préfectoraux dans un contexte très tendu a permis à ceux-ci de prendre conscience de l’intérêt de ce type d’étude et, là aussi, de mieux comprendre les processus en jeu. De ce fait, ces mêmes services ont confié à l’INRA une étude de trois ans sur l’évaluation ex ante des plans d’actions territoriaux du plan de lutte contre les algues vertes, conjointement avec les partenaires du GP5 (Etat, région, départements, AELB). Le résultat de cette étude n’est pas encore diffusé. Dans la continuité de sa contribution à l’évaluation de plans d’action régionaux et nationaux pour des organismes publics par simulation spatialisée de l’effet des changements de pratiques, l’Inra a contribué à la mise en œuvre de nouveaux plans fondés sur un diagnostic spatialisé, contrairement à ce qui s’était fait dans les programmes Bretagne Eau Pure. Ainsi, dans le cadre de diverses actions (protection de captages, Plan de lutte contre les marées vertes…), l’outil web d’aide à la décision Territ’eau a été utilisé par les acteurs ayant à établir des plans d’action d’amélioration de la qualité de l’eau (ingénieurs de syndicats de bassin, de communautés de communes, de SAGE, de Chambres d’Agriculture, de bureaux d’études). Pour chaque territoire, ont été établis un diagnostic puis des fiches actions : 31 000 consultations du site web en sept ans (environ 500 par mois), application de l’ensemble de la démarche à huit bassins versants et une aire de captage, application généralisée à toute la Bretagne de certains outils (exemple : délimitation des zones humides, évaluation des pertes nitriques par rotations-types). L’impact de cet outil consiste en l’adoption d’une méthode de travail qui se généralise progressivement (du diagnostic spatialisé à la conception d’actions adaptées aux contextes locaux) et dans la proposition d’outils pour accompagner la démarche. La conception des actions reste du ressort des utilisateurs. Ainsi, il permet de s’écarter de la vision qui prévalait dans les programmes Bretagnes Eau Pure initiaux, centrés sur la résorption des excédents structurels, notamment par traitement des effluents et raisonnement de la fertilisation organique et minérale par culture, pour aller vers une vision plus systémique et spatialisée intégrant tous les éléments du paysage, les caractéristiques et l’environnement des parcelles, et l’ensemble des systèmes de cultures associés ou non aux élevages. L’Inra mobilisé pour lutter contre le développement des algues vertes A la suite de la mort du cheval dans la baie de Saint Michel en Grève, le gouvernement décide de mettre en place un plan d’action. Une note confidentielle du préfet des Côtes d’Armor (mais diffusée dans la presse Le Télégramme, 21 octobre 2009), sur la base du rapport scientifique du contentieux et des premiers résultats de simulations par le modèle TNT2 sur le bassin d’alimentation de cette baie, indique que les Mesures AgriEnvironnementales (MAE) standard ne vont pas suffire pour atteindre la cible de concentration en nitrates inférieure à 10mg/L, au-dessus de laquelle les algues vertes se développent. Les commissaires gouvernementaux en charge du rapport préparant l’élaboration du plan d’action auditionnent les chercheurs de l’Inra. Ceux-ci 56 insistent pour que le plan d’action intègre les recommandations i) d’action à l’échelle du bassin versant, ii) d’intégration d’objectifs et de suivis sur des séquences pluriannuelles, iii) de mesures favorisant l’augmentation de la capacité tampon des paysages et iv) de mesures favorisant des changements systémiques de l’activité agricole, adaptés à chaque contexte territorial, tels que le retour à l’herbe pour les élevages bovins, la diversification et l’allongement des rotations, l’augmentation du lien au sol des élevages de monogastriques. Ces recommandations inspirent largement la partie « prévention » du rapport des commissaires sur le Plan de Lutte National contre les Algues Vertes (PLAV, 2010), plan qui concerne 10% du territoire agricole breton, pour un coût du volet agricole d’environ 16M€. Un conseil scientifique, composé à environ 50% de chercheurs Inra, est chargé d’évaluer la mise en place des actions territoriales. Le règlement de la question des marées vertes constitue un enjeu économique important. En effet, en 2013, le tribunal administratif de Rennes a ordonné à l’État de verser un peu plus de 7M€ au département des Côtes-d’Armor, en indemnisation des frais de nettoyage des plages polluées par les algues vertes. La décision du tribunal chiffre à un peu plus de 5,1M€ l’aide financière apportée aux communes pour le ramassage et le traitement des algues vertes entre 1975 et 2009, un peu plus de 1,5M€ les études et le suivi des marées vertes et près de 390 000 euros les actions préventives en direction des bassins versants. De manière opérationnelle, dans le cadre du projet collaboratif ACASSYA, le modèle Casimod’N, a été appliqué au bassin versant de la Lieue de Grève, lieu emblématique de la pollution par les algues vertes (13500 habitants, 200 exploitations agricoles, …). Avant cette action, les plans d’actions successifs sur ce bassin avaient permis une certaine optimisation des systèmes agricoles présents, mais la diminution des pertes nitriques en résultant était insuffisante. Ce projet s’est fixé le but de co-construire un projet territorial à très basses fuites d’azote, d’accompagner la mise en place des changements de systèmes proposés dans 9 exploitations pilotes, et de tester par modélisation l’impact d’une généralisation de ces changements à tout le périmètre. De nouveaux indicateurs de pilotage des changements, plus simples, plus facilement contrôlables et mieux compris des agriculteurs, ont été définis. Dans ce territoire à dominante laitière, cela a conduit à préconiser des changements dans le sens d’une augmentation de la surface en herbe, d’une diminution des performances par vache, en essayant de préserver la production laitière globale. In fine contribution à la réduction de la concentration de nitrates dans les eaux bretonnes En France comme dans les autres pays occidentaux la norme fixe un seuil de précaution maximale de nitrate admissible dans l'eau potable de 50 mg/litre. En cas de dépassement de la norme, les autorités sanitaires assurent l'information des populations. Les concentrations moyennes en nitrate dans les cours d’eau bretons ont augmenté depuis la fin des années 1960 jusqu’à un maximum de 51 mg/l en 1993. Elles ont stagné ensuite jusqu’au début des années 2000, pour décroître ensuite régulièrement (38mg/l en 2012). C’est la région de France où la décroissance a été la plus précoce et la plus forte. Ainsi le nombre de captages non conformes à la norme (<50mg/L) a été fortement réduit : 45 en 1992, 29 en 2001, 4 en 2013. Ce résultat a été obtenu pour partie par la fermeture de captages non conformes, l’ouverture de nouveaux captages et la restauration de la qualité des eaux. Cette diminution a potentiellement un impact économique important puisque le coût d’élimination des nitrates des milieux aquatiques serait supérieur à 70 euros par kilogramme de nitrate. Dans ces résultats très favorables à l’environnement, la contribution de l’Inra ne se limite pas aux travaux sur les interactions entre agriculture et milieu naturel par une approche intégrative et spatialisée des territoires ruraux. En particulier tous les travaux sur la gestion de la fertilité (cf cas Fertilisation) ont aussi contribué à cet impact très positif sur la qualité de l’eau, via notamment leur traduction réglementaire dans le cadre des Programmes de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole successifs, et l’accompagnement de l’application de cette réglementation par tous les acteurs du développement et de la gestion de l’eau. Cependant les travaux scientifiques sur la qualité des eaux à l’échelle des bassins versants ont incontestablement permis de montrer l’importance de la prise en compte de la dimension spatialisée et de la dimension temporelle. La mobilisation d’outils de modélisation est alors devenue incontournable pour évaluer les effets des plans d’actions. Plus généralement la mobilisation des chercheurs au travers de l’utilisation d’outils de simulation et leur activité d’expertise au plus près des acteurs a permis une prise de conscience et une diffusion du savoir dans la sphère de l’accompagnement agricole qui est un moteur important de l’évolution positive des indicateurs de pollution (colloques/ouvrages de socialisation des savoirs). 57 Impacts 2 Initialement centrée sur la qualité des eaux en Bretagne, on observe depuis 2010 une extension du domaine géographique de l’utilisation des outils produits pour l’évaluation et la conception d’actions visant à améliorer et préserver la qualité des eaux. Dans ce domaine l’implication de l’Inra dépasse le périmètre scientifique de l’UMR SAS : participation active de l’Inra aux GREN (groupes régionaux d’expertise nitrates), opérations captages Grenelle, convention avec l’ONEMA (fiches actions sur la conception de méthodes d’évaluation des pressions azotées et phosphorées sur les masses d’eau françaises, extension géographique de l’utilisation d’outils de délimitations de zones humides, d’estimation de la connectivité hydraulique des parcelles, etc.) Le phénomène d’eutrophisation littorale (marées vertes et développement de phytoplancton indésirable) ne concerne pas seulement la Bretagne mais tend à se généraliser sur le littoral ouest européen : on peut estimer que les méthodes et les mesures mises au point et préconisées ici pourront pour partie être transposées après adaptation au contexte local. Par ailleurs, l’outil Territ’eau fait l’objet de tests d’utilisation hors Bretagne réalisés par le CRAB et accompagnés par l’Inra, dans le cadre dit de « captages Grenelle » qui correspondent à des projets territoriaux pour la protection d’aires d’alimentation de captages d’eau potable (Lorraine, Poitou Charente). Au-delà de la problématique de la pollution des eaux et de l’eutrophisation littorale, la gestion de l’azote en Bretagne questionne la durabilité du système actuel, dépendant d’importation massive de protéines d’origine extra européenne, rejetant une grande partie de l’azote importé sous forme de nitrate, ammoniaque et N20 dangereux pour l’environnement, pour finalement dégager des marges économiques ne permettant pas une rémunération suffisante des producteurs et des transformateurs primaires (cf fermetures d’abattoirs en 2013). L’ensemble de l’engagement des chercheurs de l’Inra travaillant sur les relations agriculture et environnement en Bretagne contribue à la redéfinition de ce projet régional. 58 Impact pathway 59 Vecteur d’impact Dimension d’impact présente Importance Arguments Economique 4/5 Evitement de pénalités (28 M€ + 100000 € d’astreintes par jour et par captage non conforme). Coût du traitement des eaux : 70 €/Kg de nitrate et potentiellement 5/5 Si réduction des algues vertes, économie sur le nettoyage des côtes : coût estimé de 5,1 M€ entre 1975 et 2009. 4/5 Contribution à l’élaboration et la mise en œuvre de politiques locales et nationales. Proposition par la France auprès de la commission de plans d’action pour réduire les pollutions nitriques d’origine agricole+ mise en œuvre. Politique Impact potentiellement majeur si les plans d’actions conduisent à une évolution de l’agriculture bretonne vers des modèles plus soutenables (changement de pratiques et de systèmes) Forte mobilisation dans le débat public: Apport de connaissances scientifiques originales, largement diffusées dans la sphère scientifique, professionnelle et dans le grand public Percolation des idées forte et durable au sein de la sphère professionnelle sur le sujet des algues vertes. L’enjeu de la politique est relativement élevé: la politique de réduction des nitrates est régionale et ciblée (bien que gérée nationalement), mais l’eutrophisation marine est une problématique mondiale. Les enjeux économiques et sanitaires sont forts et l’émotion collective autour du cheval en Grève a instauré un climat de défiance généralisé à l’égard de l’agriculture bretonne. Environnemental 3/5 Réduction de la concentration en nitrate dans les eaux bretonnes de plus de 25 % en 2012 par rapport à la fin des années 60. Sanitaire Potentiellement 3/5 Passage en dessous du seuil de 50 mg/L dans l’eau potable au delà duquel les autorités sanitaires doivent informer la population Si réduction de marées vertes, fort impact sanitaire 60 Références Rapports d’expertise produit par l’UMR SAS Durand, P., Ferchaud, F., Goetschel, F., Martin, C., Corgne, S., 2006. Evaluation du programme BEP2. Rapport d’étude INRA Rennes, 120p. + annexes. Durand, P., Mougin, B., Ferchaud, F., Allier, D., Moreau, P., Putot, E., Baudhuin, P., Seguin, J.J., Raimbault, T., Schroetter, J.M., Gibbon, C., Blanchin, R., Perez-Escobar, A.,2007., Etude sur les bassins versants en contentieux « nitrates eaux brutes », Rapport de synthèse final INRA-BRGM, 112 p. + annexes 46 p. Rapport sur les algues vertes par le CGAER-CGED (Conseils Généraux au gouvernement dans les domaines de l’agriculture et de l’environnement) Dalmas D., Frey V., Quévremont P., Moreau R., 2010. Élaboration d’un plan de lutte contre les algues vertes. Rapport n° 2022 du CGAAER-CGEDD. Chevassus-au-Louis B., Femenias A., Andral B., Bouvier M., 2012. Bilan des connaissances scientifiques sur les causes de prolifération de macroalgues vertes. Application à la situation de la Bretagne et propositions. Rapport n° 11128 du CGAAER-CGEDD. Bommelaer O., Devaux J., 2011. Coûts des principales pollutions agricoles de l’eau. Eudes et documents n°52. http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ED52-2.pdf Données et synthèses sur l’évolution des concentrations en nitrates en France http://www.eaufrance.fr et www.observatoire-eau-bretagne.fr (pour les données et synthèses sur l’évolution des concentrations en nitrates en France) Communiqués dans la presse Eau potable: la Commission se félicite de la conformité de la France avec la réglementation de l'UE en ce qui concerne la pollution par les nitrates en Bretagne. Communiqué de Presse Commission Européenne IP/10/831 24/06/2010 Fargeas, J.L., 2009. Le phénomène des marées vertes dans les Côtes d’Armor, note et rapport (Mise en ligne par le Télégramme (http://www.letelegramme.fr) Quelques exemples d’articles dans la presse « grand public » La lutte contre les algues vertes reste engagée. La Croix, 20/08/2013 De l’herbe contre les algues vertes. Le Paysan Breton, 21/06/2013 Algues vertes : la science étudie les élevages, Ouest France, 15/06/2013 Algues vertes. La science au chevet de la Lieue de Grève Le Télégramme, 19/06/2013 En Bretagne , des fermes pilotes contre les algues vertes La Croix, 25/04/2012 Algues vertes : les grandes oubliées de la campagne Ouest France, 2/04/2012 Comment lutter contre les algues vertes ? Le Figaro, 19/01/2012 Algues vertes : France 3 revient sur "L'enfer des Bretons" France Soir, 20/02/2012 Algues vertes : les recettes de l’Inra pour réduire les nitrates Ouest France - 25 juin 2010 Algues vertes : L’Inra sur la brèche, Ouest France, 19-20 sept 2009. 61 ASIRPA Socio-economic analysis of the diversity of Impacts of Public Research for Agriculture Système d’information sur les sols de France 26 mars 2014 Dominique Arrouays, Marion Bardy, Nicolas Saby for the Infosol Unit Nathalie Munier-Jolain Ariane Gaunand Laurence Colinet 62 Créé en 2001 par le GIS Sol en réponse au besoin d’inventaire et de surveillance des sols, l’unité Infosol a eu pour mission de constituer et de gérer un système d'information sur les sols de France concernant leur distribution spatiale, leurs propriétés et leur évolution. En partenariat avec le GIS Sol, l’unité InfoSol est un interlocuteur direct d’utilisateurs très divers de données sur les sols, tant pour l’éclairage de politiques, que pour l’aménagement du territoire ou la gestion des ressources. Contexte Fin des années 1980 : apparition des systèmes d’informations géographiques. La carte devient une base de données spatiales. Début des années 1990 : prise de conscience « environnementale », concomitante avec le protocole de Kyoto (1990), les crises sur la gestion de l’eau, la problématique sur l’épandage de boues d’origine urbaines sur les sols agricoles, la préoccupation sur l’érosion des sols et l’entrainement dans les eaux superficielles, les interrogations sur le maintien de la fertilité des sols. 1997 : Rapport Bornand sur l’état des données Sol et l’évaluation de leur coût. 80% de ces données sont perdues ou pas mobilisables. Il existe en France une forte activité de cartographie mais pas de surveillance des sols : le constat est fait d’un dispositif vieillissant non adapté aux nouveaux enjeux. 1996-1999 : des travaux du centre thématique sur les sols de l’Agence Européenne de l’Environnement dressent l’état des lieux des systèmes de cartographie et de surveillance des sols en Europe (coordination Inra). 1998-1999 : les Ministères en charge de l’agriculture et de l’environnement, l’Ademe, l’Ifen (aujourd’hui SOeS) et l’Inra, préoccupés par le retard pris par la France dans les programmes d’inventaire et de surveillance des sols, proposent un programme pour développer les systèmes d’information sur les sols de France. 2001 : création du Groupement d'Intérêt Scientifique Sol (GIS Sol). 2002 : communication de la Commission européenne « Vers une stratégie thématique pour la protection des sols » [COM 2002, 179], lancement de groupes de travail thématiques. 2004 : rapports de groupes de travail sur les sols mis en place par la Commission Européenne (nombreux INRA impliqués) qui conduit à la proposition d’indicateurs à surveiller. 2006 : proposition d’une stratégie thématique en faveur de la protection des sols [COM 2006, 231] incluant une proposition de directive cadre pour la protection des sols [COM 2006, 232] (votée par le parlement mais ajournée par le conseil en 2007). Cette proposition, bien qu’ajournée, a provoqué une vague d’appel d’offres de l’UE dans le cadre de divers FP qui a mobilisé les recherches et l’expertise de l’Inra à l’échelle européenne. Il s’agit également du premier document reconnaissant les fonctions des sols, qui a orienté un certain nombre de recherches et d’acquisitions de données. 2010-2013 : réforme de la PAC qui se traduit par l’évolution des zonages pour l’attribution de subventions 63 Les connaissances mobilisées L’existant avant la création d’InfoSol : des données nombreuses mais dispersées Historiquement, l’Inra avait une mission de cartographie des sols au 1/100.000ème dont l’exhaustivité sur le territoire français était impossible à atteindre compte tenu du rythme d’avancement des travaux. 1968 : création du Service d’Etude des Sols et de la Carte Pédologique de France à l’Inra (SESCPF). Fin des années 80 –début 90 : mise en place à l’Inra (SESCPF), en lien avec le Ministère en charge de l’agriculture, d’un programme d’inventaire sur les caractéristiques pérennes des sols. Ce programme oriente les activités d’inventaire vers trois priorités : une cartographie exhaustive au 1/250.000ème, des secteurs de référence pour l’action et les recommandations, des bases de données géoréférencées. 1987 : première collecte et synthèse d’analyses de terre en Bretagne issue de la collaboration entre l’unité de recherche « Sol Agro et hydrosystèmes Spatialisation » (Inra EA), l’école d’agronomie de Rennes et la chambre d’agriculture d’Ille et Vilaine. La démonstration est faite qu’à partir d’un recueil des analyses de terre réalisées en Bretagne, il est possible de quantifier à l’échelle régionale la variabilité inter et intra-communale des propriétés de l’horizon de surface des sols cultivés. Une infrastructure de coordination de gestion de la collecte : InfoSol 2001 : création du GIS Sol et d’InfoSol. L'objectif du GIS Sol est de constituer et de gérer un système d'information sur les sols de France, par rapport à leur distribution spatiale, leurs propriétés et l'évolution de leurs qualités. Ce système d'information sur les sols devra répondre à une échéance réaliste aux besoins régionaux et nationaux, dans le contexte européen. De manière concomitante, l’unité de service Inra EA InfoSol est créée. Cette unité est en charge de la mise en œuvre des programmes du GIS Sol, en particulier des quatre programmes prioritaires d’acquisition de données : • Inventaire de la qualité des sols IGCS (programme « Inventaire, Gestion et Conservation des Sols ») = poursuite de la mission de cartographie, la priorité étant le développement d’une base au 1/250000ème). Ces activités d’inventaire sont assurées en partenariat avec des acteurs régionaux responsables de la mise en œuvre locale des cartographies. • Réseau de surveillance de la qualité des sols de France (RMQS) dédié à la surveillance des sols en particulier la matière organique et le carbone, et les contaminations (1ère campagne 2001-2009). La définition du maillage pour le réseau de surveillance (maille de 16 x 16 Km) a mobilisé l’étude réalisée par l’Inra sur la cartographie et la surveillance des sols en Europe. • Base de Données d’Analyses de Terres (BDAT) = capitalisation des analyses réalisées par les laboratoires d’analyses de sols à la demande des agriculteurs pour la gestion de la fertilité de leurs parcelles. • Base de Données des Eléments Traces Métalliques (BDETM) = capitalisation des analyses réalisées de façon réglementaire dans le cadre de la réalisation des plans d’épandage. Infosol coordonne ainsi 40 partenaires communs à RMQS et IGCS (dont des bureaux d’études, des chambres d’agriculture, des associations, des unités de recherche d’école d’agronomie) auxquels s’ajoutent une trentaine de laboratoires participant au programme BDAT. La création de l’unité InfoSol en 2001 a constitué un investissement considérable pour le département, avec la reconfiguration du dispositif comprenant environ 10 personnes et le recrutement d’environ 10 personnes sur la période 2001-2012. Les partenaires du GIS Sol ont financé ces programmes à hauteur de 22 M€ sur la période 2005-2011. Un Système d’Information (SI) Sol centralisant toutes les données existantes Depuis 1979, l’Inra en collaboration avec l’IRAT, s'est doté d'un système standardisé pour la description des sols et de méthodes d'analyses de laboratoire. Ce système appelé « Système de Transfert de l'Information Pédologique et Agronomique (STIPA) » est un système ouvert destiné à la description de données ponctuelles. En 1988 on observe une explosion de l’utilisation des systèmes d’information géographiques. En 1990, STIPA est fusionné avec le système de description des unités cartographiques de sols pour constituer la base de données DONESOL, dotée en 2006 d’une interface utilisateur internet DONESOLWEB. 64 Le suivi analytique du dispositif RMQS L’unité de service LAS (Inra EA) assure en totalité l’analyse chimique des sols du réseau RMQS, ainsi que tous les développements méthodologiques sur le dosage des contaminants organiques. La plateforme Genosol (UMR Agroécologie Dijon, Inra EA), centre de ressources biologiques, de conservation et d’analyse des ressources génétiques des communautés microbiennes du sol, assure l’analyse de la diversité microbiologique des sols. Les sorties opérationnelles Un système d’information centralisé garantissant la centralisation et la pérennité des données Le SI national sur les sols est un guichet unique d’accès aux données qui comprend : 1/ Une structure d’accueil des données : le SI est alimenté avec de nombreuses données actualisées de divers types, issues des inventaires et suivis des sols • DONESOL rassemblant les données IGCS (échelles emboîtées du 1/250000ème au 1/10000 ème) et du RMQS (environ 2200 sites intégrant de très nombreux paramètres), • BDGSF (base France entière au 1/1000000 ème, 350 unités cartographiques et 917 unités typologiques de sol, paramètres essentiellement pérennes, issus d’expertise ou de règles de pédo-transfert), • BDAT (20 millions d’analyses, essentiellement agronomiques, renseignées par leurs communes d’origine, et datées de 1990 à nos jours), • BDETM (70 000 analyses ponctuelles géoréférencées des teneurs en éléments traces métalliques de l’horizon de surface), • BD Studer (base de données au 1/50 000 de la région Centre décrivant10 paramètres synthétiques). 2/ Une structure qui permet l’extraction et la diffusion de l’information brute ou agrégée à laquelle s’ajoute un système d’information statistique. Au sein de chaque programme de cartographie hébergé dans le système d’information centralisé, on distingue quatre types d'informations qui s'organisent de façon similaire quelles que soient les échelles d'étude et de restitution des données : • les données géographiquement localisées (relevés sur le terrain et analyses complémentaires) ; • les données cartographiques : estimations statistiques ou par expertise correspondant à une généralisation spatiale des données ponctuelles ; • les bases de connaissances contenant des règles ou des fonctions permettant de passer des données disponibles à des données souvent absentes du fait du coût élevé des mesures, obtenues à partir de modèles statistiques, de références bibliographiques et de connaissances d'experts ; • les métadonnées décrivant les données contenues dans la base. Ce système d’information, développé et porté par Infosol, garantit la centralisation et la capitalisation pérenne de toutes les données sur les sols de France dont la qualité est contrôlée pour les acquisitions réalisées et standardisée pour les acquisitions en cours. Il accueille des bases de données anciennes ainsi que de nouvelles bases de données originales, pour l’ensemble du territoire national. L'Unité de Service Infosol s’appuie sur de nombreux partenaires régionaux qui mettent en œuvre les programmes du Gis Sol dans leurs territoires (bureaux d’études, chambres d’agriculture, associations, unités de recherche d’école d’agronomie) qui sont impliqués dans la collecte des données (RMQS, IGCS, BDAT). Infosol a également contribué au succès du système d’information centralisé en développant des technologies et méthodes adaptés, comme par exemple la stratégie d’échantillonnage nationale et intra-placette pour le RMQS, ou le cahier des charges du programme IGCS. D’autres équipes du département EA ont contribué à des développements méthodologiques : extractions d’ADN et séquencages à haut débit (UMR MSE Dijon) ; mise au point de techniques de mesure des polluants organiques persistants (US LAS Arras). Rapport sur l’état des sols de France : après dix ans de travaux, le Gis Sol dresse le premier bilan scientifiquement quantifié de l’état des sols de France métropolitaine et d’Outre-mer. Ce rapport fournit aux citoyens et à tous les acteurs de l’environnement les clés pour comprendre les fonctions des sols, les services qu’ils rendent et les pressions qu’ils subissent. Il établit un diagnostic de leur état chimique, biologique et physique. Il en souligne les points positifs et met en évidence les principales inquiétudes. 65 Au delà de son action sur la coordination nationale des programmes RMQS, BDAT, BDETM, l’unité InfoSol a assuré pour ce rapport la spatialisation des données ainsi que la coordination de la rédaction du rapport et la rédaction d’un ensemble de chapitres. Le conservatoire des sols Le conservatoire des sols constitue une banque de conservation de près de 30 000 échantillons de provenances diverses (RMQS, IGCS…) représentant 32,5 tonnes de terre, mise à disposition des partenaires du GIS Sol. Ce conservatoire permet de revenir sur des analyses avec de nouvelles méthodes, ou bien de répondre à de nouvelles problématiques portant par exemple sur de nouveaux contaminants jusqu’à présent non analysés. Il sert également de contrôle des dérives analytiques éventuelles. Les ressources génétiques microbiennes du RMQS sont conservées par la plateforme Genosol (www2.dijon.inra.fr/plateforme_genosol/) Publications scientifiques majeures Saby NPA, Thioulouse J, Jolivet CC, Ratié C, Boulonne L, Bispo A, Arrouays D. 2009. Multivariate analysis of the spatial patterns of 8 trace elements using the French Soil Monitoring Network data. Sci. Tot. Env. 407, 56445652. Martin MP, Wattenbach M, Smith P, Meersmans J, Jolivet CC, Boulonne L, Arrouays D. 2011. Soil organic carbon stocks distribution in France. Biogeosciences, 8: 1053-1065. Morvan X.P.P. Saby N.P.A. Arrouays D. Le Bas C. Jones R.J.A. Verheijen F.G.A. Bellamy P.H. Stephens M. Kibblewhite M.G. 2008. Soil monitoring in Europe: a review of existing systems and requirements for harmonisation. Sci. Tot. Env., 391, 1-12. Chronologie Légende : 66 La diffusion et ses médiateurs L’unité de Service InfoSol, porteur des bases de données, est un interlocuteur direct des utilisateurs de données sol, assurant : 1la gestion et la maintenance de la base de données et l’organisation de l’acquisition des données, 2le service pour l’accès aux données. InfoSol organise l’exploitation des informations, dans le respect des règles de la déontologie. L’unité assure le libre accès à certaines données statistiques non géoréférencées, et l’accès sur demande à des données géoréférencées, ponctuelles, surfaciques. Infosol fournit également des données « traitées » (ex cartes, synthèses statistiques) dans le cadre de partenariats souvent assis sur des conventions. 3la diffusion et à la valorisation de données en articulant les bases de connaissances sur les sols avec les outils d'exploitation thématique produits par les recherches de l'Institut. Dans les nombreux projets pour lesquels l’unité est sollicitée, elle assure le développement de méthodes d’analyse spatiales, de géostatistiques, de données agrégées … Le GIS Sol regroupe le Ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche, le Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de la Mer, l'Institut National de la Recherche Agronomique (Inra), l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (Ademe), l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et l'Institut National de l’Information Géographique et Forestière (IGN). Il assure des actions de communication générales autour des différentes actions (site Web, rapport sur l’état des sols de France, …) et la visibilité des produits du GIS auprès des utilisateurs. Compte tenu du nombre extrêmement important de sollicitations allant du simple accès aux données à la demande de produits synthétiques très diverse, il est impossible d’établir une liste exhaustive des intermédiaires ayant contribué à la transformation et à la diffusion de la connaissance. A la lumière des exemples présentés par la suite on peut identifier comme intermédiaires principaux : • Des chambres d’agricultures (e.g. CDA 36) • Des bureaux d’études (e.g. ARAA) • Des Établissements Publics à caractère Industriel et Commercial placés sous la tutelle de ministères (e.g. ADEME, INERIS) • Des ministères Les impacts de premier niveau Le rapport sur la qualité des sols de France a constitué une étape importante dans la sensibilisation sur la nécessité de prendre en compte les sols dans les décisions publiques. En cela un relai important dans la presse a permis une diffusion très large des principaux résultats et ainsi une prise de conscience à tous les niveaux de la société de l’importance des sols : dans le mois qui a suivi la parution de ce rapport, 25 articles ont été publiés dans la presse nationale, 21 dans la presse régionale, 19 dans la presse web. Ce bilan souligne le besoin d’une politique de gestion durable des sols. Au-delà du diagnostic national, l’amélioration et le maintien de la qualité des sols nécessitent des réponses plus locales par les acteurs concernés pour une gestion des sols garantissant le maintien de leur multifonctionnalité. Dans la continuité du rapport, un groupe interministériel sur la stratégie de protection des sols conduit actuellement une réflexion sur la cohérence des législations sur les sols. La position de guichet central sur les sols amène l’unité Infosol à recevoir entre 1,5 et 2 demandes par jour ouvré, soit environ plus de 400 demandes par an. Bien que ces demandes proviennent majoritairement du secteur public, les demandeurs sont très diversifiés, avec une part importante de bureau d’études pour lesquels les données sol sont un support d’activité. 67 Type de demandeur en % Bureau d’étude 23,1 Organisme public 21,3 Organisme de recherche 20,8 Universités et étudiants 11,4 Organisation professionnelle 9,6 Association professionnelle 3,4 Autres citoyens 2,9 Instituts Techniques 2,7 Journalistes 2,3 Association publique 1,4 Exploitants agricoles 0,6 Autres 0,5 Type de demande Cartes pédologiques et base de données Aide à la mise en place de programme Produis de communication Métadonnées Autres (données interprétées,…) en % 59,8 17,7 8,8 1,7 12 Parmi les accès sur demande, les demandes sont elles aussi très diverses : si 60 % portent sur de la fourniture de données ou de demande de licence de mise à disposition de données, près de 20 % portent sur de l’aide à la mise en place de programme mobilisant les données du SI Sol. Compte tenu de la diversité et du nombre des demandes, ne sont détaillées ici que quelques illustrations des différentes dimensions d’impact que l’on peut identifier. Les cas ici présentés sont exclusivement des cas où l’unité Infosol, au-delà de la simple mise à disposition de données, a fourni des données « traitées » faisant l’objet d’un partenariat. Impact politique : éclairage de nombreuses politiques sectorielles Impact sur la mise en œuvre de politiques agricoles : établir des zonages en vue de la prise en compte plus systématique du sol Révision de la délimitation des zones défavorisées simples : les zones défavorisées sont des territoires affectés de handicaps économiques, agricoles, physiques et démographiques spécifiques, dans lesquels il est nécessaire de soutenir l'activité agricole par l'octroi d'aides adaptées. Les zones défavorisées définies en premier lieu par la directive européenne du 28 avril 1975, puis par les règlements de développement rural successifs se déclinent en 3 types de zones défavorisées : les zones de montagne, les zones défavorisées simples et les zones affectées de handicaps spécifiques. Les zones défavorisées simples (ZDS) étaient jusque-là délimitées selon des critères socio-économiques fixés par un arrêté de 1976. Dans le cadre d'un rapport datant du 27 juin 2003, la Cour des comptes européenne a critiqué la grande variété d'indicateurs retenus par les Etats-Membres (EM) pour déterminer les ZDS et souligne notamment que l'éventail d'indicateurs utilisé est largement dicté par des priorités nationales, d'où les risques de disparité de traitement entre les EM. Ce rapport a conduit la Commission à proposer une révision des ZDS dès 2005. Sa mise en œuvre sera effective dans le cadre de la nouvelle programmation de développement rural 2014-2020. La réforme consiste en l'utilisation d'une nouvelle méthode harmonisée au sein des EM et objective pour la délimitation du zonage. Huit critères biophysiques (dont cinq relatifs au sol) sont définis de façon uniforme pour l'ensemble des EM, auxquels s'ajoutent des critères liés aux systèmes de production (critères relatifs aux investissements et à la performance économique) qui conduisent à 68 exclure les secteurs où le handicap naturel a été surmonté. Le Ministère en charge de l’agriculture s’est appuyé sur le SI Sol depuis 2009 pour la renégociation des critères puis l'établissement du nouveau zonage. Dans une 1ère phase, des tests sur les données BDGSF et IGCS ont fourni au Ministère en charge de l’agriculture des éléments de négociation avec la Commission européenne. Depuis 2011, InfoSol applique ces critères sur les Référentiels Régionaux Pédologiques (RRP) de l’IGCS de façon à établir le nouveau zonage pour la France, selon une méthodologie proposée par l’Inra et validée par la Commission européenne. Ce nouveau zonage prendra effet en 2018. A l’heure actuelle, les zones défavorisées hors montagne représentent 30,8% de la SAU. 110 millions d’€ sont attribués annuellement aux agriculteurs français de ces zones (http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/5-ZAD_Synthese_decembre_PDRN_Zones-Def.pdf). Les états membres qui ne pourront pas fournir un zonage devront appliquer une dégressivité des aides à leurs agriculteurs, se montant à 20% la 1ère année (soit 22 millions d'euros) pour atteindre 80% la 3ème année et 100% la 4ème (soit 110 millions d'euros). Impact sur les politiques environnementales de préservation des ressources : préserver et gérer les ressources en eau, biodiversité, sol. Révision de l’arrêté sur la délimitation des Zones Humides (2008) : la délimitation des zones humides, nécessaire dans le cadre de l’élaboration des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE), est réalisée sur la base de la mobilisation de l’IGCS. Alors que jusqu’à présent cette délimitation était réalisée à dire d’expert, il est apparu indispensable d’objectiver les critères de délimitation par l’intégration du critère sol dans les critères pris en compte pour la révision de la délimitation des zones humides. Le travail, toujours en cours, aboutira à une approche cohérente sur la France entière, et améliorera ainsi l’éclairage des politiques publiques, rompant avec la situation précédente où les inventaires étaient produits suivant une diversité de méthodologies locales. Une cartographie des zones humides potentielles à la demande du ministère en charge de l’environnement a été réalisée et propose une nouvelle délimitation fondée qui servira ensuite de base à l’élaboration des SAGE (schémas d’aménagement et de gestion des eaux). Classification des bassins versants alsaciens en fonction de leur sensibilité aux produits phytosanitaires : en 2002, afin d’optimiser la mise en place l’application de la directive cadre sur l’eau, la préfecture d’Alsace a initié un travail de « Classification des bassins versants vis-à-vis du risque de pollution par les produits phytosanitaires ». La nappe alluviale rhénane d’Alsace s’étend sur 1/3 du territoire alsacien et stocke un volume d’eau de l’ordre de 35 milliards de m3. Située à une faible profondeur et par endroits peu protégée par des terrains superficiels perméables, elle est particulièrement vulnérable aux pollutions diffuses. Sa recharge est assurée pour 80 % par l’infiltration du Rhin et de ses affluents et pour 20 % par les eaux de pluie percolant à travers les sols. L’étude a fourni une classification des différents territoires alsaciens en fonction de leur sensibilité aux produits phytosanitaires. Elle a notamment été utilisée dans la définition des zones d’action prioritaires du SAGE Ill-nappe-Rhin (schéma d’aménagement et de gestion des eaux). La cartographie produite constitue une aide à la décision pour la mise en place d’actions dans les zones sensibles, ainsi qu’une aide pour le choix de secteurs prioritaires pour le renforcement du réseau de surveillance de la qualité des eaux superficielles et souterraines vis-à-vis des produits phytosanitaires. Zonage d’habitats pour la mise en place de mesures de préservation de la biodiversité : la connaissance des milieux naturels et des caractéristiques des sols a permis la réalisation d’un zonage des habitats favorables d’espèces rares ou à forte image patrimoniale comme le Grand Hamster d’Alsace, le Pélobate brun ou le Lapin de Garenne. Par exemple, un plan national d’action du Pélobate brun a été lancé par le MEEDDM en 2008. Dans sa déclinaison régionale, la Chambre d’Agriculture de l’Indre a mené une étude de potentialités et de localisation des sites d’habitats du Pélobate brun (Pelobates fuscus) sur le territoire du Parc Naturel Régional de la Brenne. A partir de la base de données au 1/50.000ème, une classification portant sur des critères pédologiques associés à des critères biologiques a permis d’identifier environ 170 sites potentiellement favorables en Brenne et d’orienter des mesures de restauration ou d’initiation des habitats à mettre en place sur les sites favorables. Gestion des risques d’érosion : au niveau européen, l’érosion a été identifiée comme l’une des huit menaces à prendre en compte dans la stratégie thématique pour la protection des sols en Europe. En France, un décret d’application (14 mai 2007) prévoit des mesures de lutte contre l’érosion des sols et la nécessité de « réaliser un zonage des risques d’érosion » sous la responsabilité des préfets. La mise en place au niveau local de ce décret nécessite une connaissance approfondie des phénomènes érosifs et leur spatialisation pour accompagner les prises de décision des gestionnaires de l’environnement. Par exemple les régions Languedoc-Roussillon et Alsace ont initiés des programmes de cartographie des risques érosifs (par ex 15 % de la surface alsacienne 69 présente un risque modéré à fort) à partir des référentiels régionaux pédologiques de l’IGCS. L’identification des zones sensibles donne lieu à la mise en place d’une gestion collective des bassins versants érosifs impliquant à la fois agriculteurs et collectivités locales sous la responsabilité des chambres d’agricultures. Une cartographie de la sensibilité potentielle à l’érosion des terres sous forme agrégée par commune a aussi été établie permettant à chacun de disposer du risque érosif sur son territoire à mettre en relation avec le risque potentiel de coulée boueuse établie par bassin versant. Pour la Région Languedoc-Roussillon, une cartographie saisonnière des risques a été proposée du fait de la variabilité annuelle importante du risque érosif sous climat méditerranéen. Impact sur les politiques d’aménagement du territoire : évaluer les aptitudes des sols aux différents usages Dans le cadre de partenariat avec des collectivités territoriales en charge de l’aménagement du territoire, les données sol du système d’information de la base de données au 1/50.000ème sont mobilisées 1) pour la délimitation des zones pour l’urbanisation, mais aussi 2) pour l’identification des zones agricoles à haut potentiel qu’il faut chercher à préserver de l’urbanisation. Les données « sol » sont mobilisées dans le cadre de l’élaboration des documents d’urbanismes de grandes agglomérations (Toulon, Nantes) et de départements. Ainsi jusqu’aux années 2000, les données « sol » n’étaient pas mobilisées dans l’élaboration des documents d’urbanisme du département de l’Indre. Elles le sont aujourd’hui de façon à évaluer en particulier les potentialités agronomiques de sols et sont déployées sur environ ¼ du département à ce stade pour l’élaboration des Schémas de Cohérence Territoriale. Impact sur la politique de gestion des risques sanitaires Mise en application des outils de caractérisation des inégalités environnementales : Conformément aux engagements du Grenelle de l’environnement et à la loi de santé publique du 9 août 2004, le gouvernement a élaboré un deuxième Plan National Santé Environnement (PNSE2), outil central de la politique de lutte contre les pathologies dues à l’environnement. Une des priorités de ce plan est d’identifier et gérer les zones géographiques pour lesquelles on observe une surexposition à des substances toxiques. La prise en compte de la thématique des inégalités dans les politiques publiques suppose de caractériser les phénomènes dans leur ensemble à partir de données existantes à l’échelle des territoires, croisant l’expologie (ensemble des méthodes et des techniques permettant d'évaluer les incidences sanitaires d'un risque environnemental sur une population donnée) et des données spatialisées environnementales (sol, air, eau), comportementales et populationnelles. Par exemple sur la base des données collectées dans le RMQS, grâce à la construction d’indicateurs spatialisés de l’exposition, la dose journalière d’exposition de cadmium a été établie pour les différents départements français. Ainsi des atlas régionaux des concentrations environnementales, expositions et risques pour quatre ETM (Eléments Traces Métalliques) ont été publiés. Ces documents contribuent à l’établissement des plans régionaux de prévention des risques. Impact Environnemental : gestion durable des ressources Calcul de la recharge de la nappe phréatique de Beauce sur la base des données de réserve utile La nappe de Beauce est la réserve d'eau potable la plus étendue en Europe, avec une surface de près de 9 000 km2 . Ses réserves sont estimées à près de 20 milliards de mètres cubes. Par ailleurs avec plus de 340000 ha, la superficie irrigable en Beauce est une des plus importante de France. Face à la pression croissante des prélèvements d'eau dans la nappe de Beauce, les régions Centre et Ile-de-France ont mis en place un groupe de travail interbassins chargé de mettre en œuvre un programme visant à établir une gestion globale et cohérente de la ressource en eau de la nappe de Beauce. L'étude de la recharge de la nappe implique une bonne prise en compte de la participation du sol en tant que réservoir d'eau. L'estimation de la réserve utile obtenue à partir des données spatialisées de l’IGCS (référentiels régionaux pédologiques) a permis de calculer en tout point du territoire la quantité d'eau qui contribue chaque année à la recharge de la nappe. Cette estimation est une donnée objective utilisée comme élément de négociation pour l’attribution des quotas d’irrigation par les préfectures. Zonage d’un site pollué : mise en place d’un outil permettant la détection d’analyses anomaliques pouvant indiquer une contamination ponctuelle des sols La politique de gestion des sites pollués, orphelins ou non, et des zones sensibles est confiée par le ministère en charge de l’environnement à l’ADEME. A titre d’exemple, 20 à 40 sites à responsable défaillant (responsable reste non identifié (disparition) ou insolvable) sont pris en charge par l’ADEME. Les données « sol » représentent dans ce contexte un maillon essentiel de leur diagnostic en fournissant un référentiel. Ainsi, en 70 mobilisant les données du RMQS et de la BDET, InfoSol fournit pour chaque site concerné une valeur seuil de contamination au-delà de laquelle on peut estimer qu’il y a eu une contamination ponctuelle. Les données fournies permettent non seulement de détecter la contamination, mais aussi de cerner son périmètre d’extension. La délimitation de ce périmètre oriente les modalités de gestion à mettre en œuvre. Même si la neutralité de l’ADEME est rarement remise en cause, adosser une réponse à un outil fondé sur des références nationales objectives rend la position du gestionnaire plus confortable. Ce type de données est utilisé par l’ADEME, mais aussi par des bureaux d’études pour la réhabilitation de sites pollués. Impact territorial De la même manière que pour la mise en œuvre de politiques territoriales, l’évaluation de l’aptitude des sols aux différents usages peut être mobilisée dans des projets d’aménagement du territoire. Ainsi pour le contournement de l’agglomération Lyonnaise par la ligne TGV Paris-Turin, des cartes présentant des informations géotechniques ont été fournies pour la réalisation du tracé de manière à minimiser l’impact sur les zones agricoles à haut potentiel. Impact économique A la demande de l’UNIFA (Union des Industries de la fertilisation) une analyse de besoins en amendement calcaire a été réalisée à partir de données de la BDAT : des quantités d’amendement calcaire qu’il faudrait épandre pour atteindre des références agronomiques (élever le pH des sols agricoles à une certaine valeur) ont été calculées sur tous les sols de France. Ces données, combinées à la connaissance des quantités commercialisées peuvent permettre de mettre en place une activité de géomarketing ciblant les zones déficitaires en calcaire. Quelle généralisation des impacts De manière générale la mise à disposition d’un SI Sol devrait permettre de renforcer la prise en compte du sols dans les politiques nationales et internationales (FAO, GIEC), mais aussi dans les actions d’aménagement du territoire et de gestion durable des ressources. 71 Chemin d’impact 72 Vecteur d’impact Dimension d’impact présente Importance Arguments Economique Avéré mais difficilement quantifiable 23 % des demandes de données proviennent de bureaux d’étude. Les données du SI Sol national constituent donc un support d’activité pour ces entreprises à vocation commerciale Environnemental 3/5 L’utilisation des données sols par de multiples partenaires concourt à des politiques et des mesures de préservation des ressources, en particulier dans des déclinaisons régionales de plans d’action (nappes phréatiques, érosion, biodiversité, …) Sanitaire 3/5 Les données du SI Sol sont mobilisés dans des problématiques de santé publique qui impactent l’aménagement du territoire (exposition, sites pollués) Territorial-Social 3/5 Les données sols sont utilisées par les collectivités territoriales et les bureaux d’étude pour fonder sur des données objectives la mise en œuvre d’opérations d’aménagement du territoire Politique 4/5 Mobilisation modérée dans le débat public: forte médiatisation mais absence de débat public Très forte utilisation dans la politique publique: la solution originale et novatrice apportée par l’INRA est utilisée pour la prise de décision et la mise en œuvre de politiques très diverses sur l’ensemble du territoire français à des échelles variées. Les enjeux des politiques de gestion des sols sont variés et cruciaux incluant des enjeux patrimoniaux: Politiques agricoles et allocations fondées sur des zonages : révision des allocations PAC pour les ZDS, révision de l’arrêté sur la délimitation des ZH ; cartographies régionales des risques (érosion, phytosanitaires, contamination) et de la gestion des ressources (sol, eau, biodiversité) ; aménagement du territoire (SCOT, implantation d’infrastructures) ; plans régionaux de santé ; géomarketing 73 Références Site web GIS Sol : présentation, outils, exemples d’utilisation de la base IGCS. http://www.gissol.fr ZDS : Ministère en charge de l’agriculture – Pierre Schwartz (sous-directeur du développement rural et du cheval - [email protected]) et Sybille Slattery (chargée de mission - [email protected]). Message de Pierre Schwartz du 28/11/2013 reconnaissant le rôle déterminant de l’Inra. Chambre d’agriculture de l’Indre (Pelobate Brun, mise en place des SCOT) – Contact : Joel Moulin ([email protected]) Chambre d’agriculture du Loiret ([email protected]) (Nappe de Beauce) – Contact Bernard Verbeque Julien Caudeville http://www.developpement-durable.gouv.fr/PNSE2-2009-2013.html Site web ADEME : Sites pollués et sol : www2.ademe.fr/ Site web INERIS : Inégalités ([email protected]) environnementales. www.ineris.fr – Contact Contacts : Chambre d’agriculture de l’Indre – Joël Moulin ([email protected]) Contact : - CDA Loiret ([email protected]) Contacts : Ademe – Franck Marot ([email protected]), Bureaux d’étude Problématiques environnementales en Alsace : Contact (1er contact ARAA) : ARAA - Joëlle Sauter ([email protected]) et Paul van Dijk ([email protected]) et DDT –Eric Schoenhoffer ([email protected]) Association pour la relance agronomique (Alsace) : prblématique environnementales en lien avec le sol. http://www.araa-agronomie.org. Contact - Joëlle Sauter ([email protected]) 74 ASIRPA Socio-economic analysis of the diversity of Impacts of Public Research for Agriculture Changement climatique : élaboration de méthodes d’inventaires des émissions agricoles de N2O 2 avril 2014 Pierre Cellier – UMR EGC Grignon Nathalie Munier-Jolain Ariane Gaunand Laurence Colinet 75 Résumé Pour justifier de leur respect des engagements pris, les pays doivent établir annuellement des inventaires d’émission de N2 O pour la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC). Pour concrétiser son engagement dans la lutte contre le changement climatique, la France s’est engagée dans la mise au point et la validation d’une méthode de niveau 2 à la demande des ministères en charge de l’agriculture et de l’environnement. Ce projet s’est largement fondé sur les travaux menés par l’Inra en termes de connaissances des processus et des déterminants des émissions et d’acquisition de données expérimentales rassemblées dans une base de données constituée par l’Inra et ses partenaires. Cette méthode sera présentée à la CCNUCC à la fin 2014. Contexte Contexte environnemental Depuis le début de l’ère industrielle (1870), la température à la surface de la terre a augmenté de 0,8 ±0,2°C avec une tendance à l’accélération depuis la fin du 20e siècle. Cette augmentation est attribuée à l’augmentation des émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) (GIEC, 1997, 2007, 2013). Malgré les engagements internationaux, les émissions de GES continuent à augmenter avec pour conséquence un accroissement de température estimé à la fin du 21ème siècle de 1,8 à 4°C par rapport à 1980-1998. A l’échelle planétaire l’agriculture contribue pour 13,5% de ces émissions (GIEC 2007), et 21 % pour la France, hors changement d’usage des sols (Inventaire 2013 CITEPA). La moitié des émissions de GES de l’agriculture en France est imputable au protoxyde d’azote (N2 O), l’agriculture étant responsable de plus de 80% des émissions de N2 O françaises. Cependant l’incertitude sur les émissions de N2 O est très forte, du fait de méthodes actuelles d’estimation qui ne prennent pas ou mal en compte l’influence de déterminants majeurs tels que les sols, le climat et les pratiques agricoles autres que la quantité de fertilisants. Contexte politique A l’échelle internationale : 1988 : création du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, ou IPCC en anglais) à la demande du G7 1992 : sommet de Rio : adoption par plus de 150 états de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (CCNUCC) 1998 : protocole de Kyoto. L’ONU fixe un objectif de réduction de 5,2 % en moyenne des émissions de GES en 2008-2012 par rapport à 1990 avec des objectifs variables selon les pays (stabilisation pour la France) les rencontres annuelles des Conférences des parties à la convention Climat donnent une forte visibilité à la problématique des émissions de GES. Récemment, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) a publié un rapport soulignant l’importance de mieux maitriser les émissions de N2 O (novembre 2013). Au niveau européen, l’objectif fixé en 2007 par l’UE est plus ambitieux, avec une réduction de 20% des émissions d’ici 2020 par rapport à 1990. L’objectif assigné à la France est de -14% par rapport à 2005. En France dès 2004, le volet agriculture du plan climat a pour objectif de diminuer les émissions des N2 O en agriculture. Le Grenelle de l’Environnement (2008) fixe un objectif de réduction des émissions de GES, par rapport à 1990, de 22% d’ici 2020 (réduction par 4 d’ici 2050). Le secteur agricole principal émetteur de N2 O doit donc contribuer significativement à l’effort national par des mesures visant à réduire les émissions de N2 O. Il s’avère toutefois compliqué de faire reconnaitre des efforts nationaux (voir section suivante). Contexte de rapportage national des émissions de GES 1961 : création du CITEPA (Centre Interprofessionnel Technique d’Etude de la Pollution Atmosphérique) dans le but de promouvoir des études et des recherches afin d'améliorer la connaissance des différents problèmes de 76 pollution atmosphérique. Il est désormais mandaté par le ministère en charge de l’environnement pour réaliser et actualiser tous les ans les inventaires d’émission soumis à la CCNUCC. 1997 : premier rapport d'inventaire national au format GIEC des émissions de GES (période 1990-1995) Contexte technique et scientifique Les inventaires nationaux sont réalisés selon des nomenclatures et règles de comptabilisation internationales élaborées par le GIEC (méthodologie GIEC, 1996) comprenant trois niveaux : Niveau 1 : émissions calculées sur la base des apports anthropiques d’azote (N) = 0,0125 kg N-N2 O/Kg N apporté ; chiffre ramené à 0,01 dans GIEC (2006), Niveau 2 : facteurs d’émissions régionalisés et prise en compte éventuelle d’autres facteurs que le niveau de fertilisation, Niveau 3 : utilisation de modèles de simulation des émissions de N2 O. Actuellement les émissions françaises (CITEPA 2012) se fondent sur la méthode de niveau 1, comme pour la quasi-totalité des pays. Il est reconnu que cette méthode présente une forte incertitude sur l’évaluation des émissions agricoles et donne peu de moyens d’action pour réduire les émissions rapportées à la CCNUCC : - forte incertitude car les émissions de N2 O sont très sensibles, selon des relations fortement non linéaires, aux conditions de sol, au climat, aux pratiques agricoles et aux interactions complexes entre tous ces facteurs. Il y a donc de fortes variations sur le territoire national ; facteurs d’émission déterminés par le GIEC reposant en grande partie sur des travaux expérimentaux conduits dans les zones septentrionales (Europe du Nord, Amérique du Nord) aux conditions pédoclimatiques et pratiques différentes des conditions françaises ; méthode proposée par le GIEC uniquement fondée sur les apports totaux de N. Ce dernier élément limite la diversité des actions et des techniques qui pourraient être envisagées pour réduire les émissions, car seules sont comptabilisées les mesures de réduction de la fertilisation azotée. Cette méthode ne permet donc pas de moduler le calcul des émissions selon les conditions pédoclimatiques (par exemple distinction Nord et Sud de la France), ni en fonction des pratiques autres que la fertilisation, ce qui freine l’implication des acteurs agricoles dans ces programmes. Au niveau international quelques rares pays, comme le Canada, appliquent une méthode de niveau 2. Des méthodes de niveau 3 ont été appliquées, mais uniquement dans un contexte de programmes de recherche notamment aux Etats-Unis et en Europe. Recherches mobilisées Années 80 : début des travaux sur les émissions de N2 O liés à des recherches centrées sur les processus (ex dénitrification/nitrification) dans les sols en grande culture (Inra Dijon). Années 90 : deux évolutions très sensibles : 1) travaux sur la modélisation à différents niveaux et avec différentes approches (INRA Dijon, Avignon, Grignon) ; 2) émergence forte de la métrologie (en particulier INRA Grignon). Une dynamique collective a été initiée par le projet Ecobilan Colza financé par l’Inra, l’ADEME, le Cetiom et le Ministère de l’environnement, associant plusieurs Unités INRA (Dijon, Chalon (agronomie, cycle de l’N), Laon, Grignon) et le Cetiom. Plusieurs programmes (AgriGES, Gessol, PNCA) soutiennent des projets sur le N2 O impliquant les mêmes UR Inra, qui pilotent des projets avec d’autres partenaires (CNRS, Université) complétant ainsi nos approches par une vision plus centrée d’une part sur la microbiologie et d’autre part sur l’atmosphère. Fin des années 1990 : la Direction de l’INRA commence à prendre en compte le changement climatique dans ses priorités (création de la MICCES = mission changement climatique). Les recherches de l’INRA évoluent de façon significative vers l’évaluation environnementale et la production de références en soutien aux politiques publiques, avec nécessité d’établir des bilans environnementaux, identifiant entre autres le poids du N2 O. Cela implique la réalisation de suivis d’émissions sur des cycles complets et à l’échelle du système de culture, et de bilans de GES (N2 O + CO2 ; dans une moindre mesure CH4 ). 77 Années 2000 : orientation vers le suivi et la modélisation à moyen et long terme. Intégration dans des réseaux nationaux et européens : - Besoins de références pluriannuelles et engagement vers le soutien aux politiques publiques : des suivis à long terme (rotation), mise en place de réseaux avec les dispositifs expérimentaux de l’Inra (ex SOERE ACBB, unités expérimentales, projets Casdar) mais aussi parcelles d’agriculteurs pour aborder la dimension spatiale. - Progressivement mise en place de dispositifs automatisés, mesures en continu (Grignon, Laon/Mons, Lusignan, Boigneville, …). - Besoin d’intégration spatio-temporelle : spatialisation des émissions sur la base de modèles de cultures (CERES-EGC et STICS) couplés avec des bases de données spatiales. - Implication dans des projets et réseaux européens traitant des émissions de N2 O et autres GES (CO2 , CH4 ) où l’Inra (EA et EFPA) est le principal partenaire français. Milieu des années 2000 : besoin de coordination entre Unités Inra et avec les partenaires du développement. Les sites de mesure et les bases de données INRA, d’abord dispersés, ont été mis en commun à la fin des années 2000 et étendus aux partenaires du développement (Cetiom, Arvalis, Unip, ITB, coopératives…) : transfert de compétences + mise en commun de moyens pour élargir le champ d’action, multiplication des réseaux de mesures pour augmenter les références et leur représentativité. 2008 : Création de l’UMT GES-N2 O pour mettre en commun les forces et étendre le spectre d’action. Elle associe le Cetiom, l’Inra et AgroParisTech au travers de des UMR EGC et Agronomie Grignon. L’UMT a été moteur dans le montage du projet NO-GAS et la création de la base de données N2 O-France. 2009 : le projet CASDAR NO-GAS, associant l’UMT avec les principaux instituts techniques grandes cultures (Arvalis, UNIP, ITB), a pour objectif de fiabiliser la connaissance et la prédiction des émissions directes de N2 O par les grandes cultures en France, en fonction des conditions pédoclimatiques et des pratiques culturales. La finalité est d’une part d’améliorer les évaluations et les méthodologies d’inventaire de GES, et d’autre part d’identifier les pratiques et usages du sol qui réduisent les émissions et qui permettront de concevoir des systèmes de culture peu émetteurs. Des références sur les émissions directes de N2 O représentatives de la diversité des conditions pédoclimatiques et culturales de l’agriculture française sont acquises et complétées par des connaissances relatives aux processus d’émission de N2 O dans le but d’améliorer les outils de modélisation déterministe. Deux actions complémentaires ont été conduites : quantifier dans les principaux contextes de grande culture en France, l’intensité des émissions, l’effet de certaines pratiques culturales et le potentiel d’émission des sols agricoles sur le long terme. Ces données sont rassemblées dans une base de données nationale sur les émissions de N2 O, modéliser les émissions. Ce projet a été suivi du projet NO-GAS2 En résumé : un changement de régime depuis 2000 Alors que jusqu’au début des années 2000 les recherches sur le N2 O étaient conduites dans un contexte essentiellement français, l’insertion dans des réseaux et projets européens (GreenGrass, CarboEurope, NitroEurope, GHG-Europe, Icos) a permis à l’Inra de bénéficier du contexte européen (partage de compétences scientifiques en termes de mesure et modélisation ; exigence de mettre les données dans des bases de données publiques) tout en étant, en plus, un acteur important dans ces actions (groupe de travail sur l’identification des données, réalisation de bases de données, sites de mesures reconnus…). Sorties opérationnelles Les sorties du projet NO-GAS permettent d’accéder aux niveaux 2 (coefficients d’émission régionalisés) et 3 (modélisation des émissions) des méthodes d’évaluation des émissions du GIEC et d’établir les bases pour concevoir des systèmes de grande culture peu émetteurs de GES. 78 (1) La base de données expérimentales sur le N2 O pour les grandes cultures et la plateforme analytique (base de données N2O-France) La base de données N2 O-France, initiée par l’Inra suite à des projets européens –NitroEurope- et nationaux, rassemble les données acquises par l’Inra sur ses différents dispositifs depuis le début des années 2000, complétées par les données du projet NO-GAS. Cette base de donnée portée et gérée par l’Inra, et alimentée en continu par les partenaires, sera en accès public à partir de début 2015 pour les chercheurs et les non-chercheurs, pour une utilisation non commerciale (travaux de recherche, production de facteurs d’émissions pour des inventaires, méta-analyses). La majorité des mesures est réalisée par la plateforme analytique commune portée et gérée par l’Inra et créée à l’initiative de l’Inra et d’AgroParisTech. Cofinancée par AgroParisTech, l’Université Paris 6 et les partenaires des instituts et des groupes coopératifs, elle est utilisée pour les projets et réseaux de l’ensemble des partenaires. (2) Identification des principaux déterminants des émissions de N2 O pour les grandes cultures sur la base des connaissances antérieures sur les processus et des données acquises dans le cadre du projet NO-GAS et les projets INRA antérieurs. (3) Production de la méthode d’inventaire de niveau 2 Dans le cadre du projet NO-GAS2, piloté par le CITEPA une méthode d’inventaire des émissions de N2 O par les grandes cultures est produite : A partir de la base de données N2O-France, les facteurs et variables les plus pertinents ont été identifiés en s’assurant qu’ils étaient disponibles dans les bases de données accessibles publiquement (Météo France, InfoSol) afin de pouvoir être utilisés pour l’implémentation de l’inventaire par le CITEPA : apports d’azote (en distinguant l’azote minéral de l’organique et de celui des résidus), pH et teneur en matière organique des sols, température, pluviométrie, culture, travail du sol. plusieurs méthodes statistiques ont été testées pour représenter au mieux les données de la base N2 OFrance, conduisant au choix d’un jeu d’équations prenant en compte un nombre plus ou moins grand de variables explicatives. En l’état, le choix a été fait de ne considérer comme variable d’entrée que les apports d’azote, les caractéristiques des sols (pH, matière organique) et du climat (pluviométrie, température). Les autres pratiques agricoles (culture, travail du sol) sont toutefois conservées dans la base de données, afin de permettre des évolutions ultérieures de l’équation lors de l’acquisition de données supplémentaires, ces variables étant utilisées dans des méthodes de niveau 2 d’autres pays. les équations sélectionnées sont testées pour réaliser un nouvel inventaire d’émissions de N2 O à l’échelle du territoire français et comparées avec l’inventaire précédent, établi à partir de la méthodologie de niveau 1 du GIEC. L’inventaire des émissions de N2 O réalisé avec la méthode de niveau 2 sera soumis intégré à l’inventaire des émissions des autres GES. La démarche d’évolution de la méthodologie d’inventaire est résumée sur le diagramme ci-dessous. La démarche en est actuellement au stade de la validation par les experts nationaux. L’intégration de la nouvelle méthode dans l’inventaire national sera achevée avant la fin de l’année 2014. 79 Organigramme montrant la procédure de validation d’une nouvelle méthode d’inventaire (GIIIE = groupe de concertation et d'information sur les inventaires d’émissions). Le circuit suivi par la méthode de niveau 2 devra suivre toutes les flèches marquées « oui » pour que la méthode soit validée. Aujourd’hui la méthode en est au stade de la validation par les experts nationaux. Elle devrait être intégrée dans l’inventaire à la fin 2014. (4) Publications Les recherches de l’INRA sur les émissions de N2 O agricole ont abouti à un certain nombre publications scientifiques dont, parmi les plus récentes : Gu J., Nicoullaud B., Rochette P., Grossel A., Hénault C., Cellier P., Richard G., 2013. A regional experiment suggests that soil texture is a major control of N2O emissions from tile-drained winter wheat fields during the fertilization period. Soil Biology and Biochemistry, 60, 134–141. doi:10.1016/j.soilbio.2013.01.029 Jeuffroy M.H., Baranger E., Carrouée B., de Chezelles E., Gosme M., Hénault C., Schneider A., Cellier P., 2013. Nitrous oxide emissions from crop rotations including wheat, rapeseed and dry pea. Biogeosciences, 10, 17871797 open access doi:10.5194/bg-10-1787-2013 Viard A., Hénault C., Rochette P., Kuikman P., Flénet F., Cellier P., 2013. Le protoxyde d’azote (N2O), puissant gaz à effet de serre émis par les sols agricoles : méthodes d’inventaire et leviers de réduction. OCL Oléagineux Crops Gras Lipides, 20, 2, 108-118. doi:10.1684/ocl.2013.0501 Schelde K., Cellier P., Bertolini T., Dalgaard T., Weidinger T., Theobald M.R., Olesen J.E., 2012. Spatial and temporal variability of nitrous oxide emissions in a mixed farming landscape of Denmark. Biogeosciences, 9, 8, 2989-3002. doi:10.5194/bg-9-2989-2012 80 Chronologie 81 Diffusion et ses médiateurs Les premiers travaux sur le N2 O depuis les années 1980, renforcés par la création d’un consortium d’équipes Inra lors du projet Ecobilan Colza au milieu des années 90 et divers projets européens depuis les années 2000 (GreenGrass, NitroEurope, GHG-Europe, Icos), a été déterminante. Grâce à l’antériorité de ses recherches sur le N2 O et dans la mise en place de dispositifs multilocaux d’acquisition de références, l’Inra a été moteur dans le processus de création et coordination d’un consortium plus large fédérant les différents acteurs français autour de sa crédibilité scientifique et de sa volonté d’opérer un transfert de compétences (métrologie, modélisation) pour l’engagement vers la proposition d’une méthode de niveau 2. L’UMT GES-N2O crée en 2008 (Cetiom, UMR EGC et Agronomie (Inra-AgroParisTech)) a été le point de départ des relations formalisées entre l’Inra et un institut technique agricole sur le sujet du N2 O. L'UMT fédère ainsi la maîtrise conceptuelle et métrologique des partenaires Inra avec la connaissance de la diversité des conditions naturelles et techniques du Cetiom. Cette interaction est essentielle pour proposer des solutions techniques faiblement émettrices et des méthodes pour estimer les émissions de N2 O fiables dans la diversité des situations agricoles françaises. Ces relations se sont rapidement étendues à d’autres instituts techniques agricoles, d’autres unités du département EA et d’autres partenaires. Dans le cadre de la directive ENR (énergies renouvelables), conduisant à l’utilisation dans l’UE de 10 % d’énergie renouvelable dans le domaine des transports à l’horizon 2020, le Cetiom vise pour la production de biodiesel, à une réduction des émissions de GES de 50 % à partir de 2017. Pour le secteur agricole (cultures et élevage) le CITEPA s’appuie depuis quelques années sur des groupes de travail impliquant l’Inra, les instituts techniques agricoles et des représentants des Ministères (Ecologie, Agriculture) afin de faire remonter auprès de la CCNUCC l’expertise française sur les émissions de polluants et GES, les mécanismes en cause et l’influence des facteurs pédoclimatiques et des pratiques agricoles et d’élevage. La méthode d’inventaire utilisée par le CITEPA est régulièrement contrôlée par un groupe d’experts internationaux. Le CITEPA peut faire évoluer ses méthodes, mais doit les soumettre à l’approbation d’un comité français, puis international. Lors d’un groupe de travail « GT AGRI » organisé par le CITEPA, les Ministères en charge de l’agriculture et de l’environnement ont demandé à l’UMT GES-N2O de travailler sur une méthode de niveau 2, ce qui a donné lieu au montage du projet NO-GAS2 piloté par le CITEPA. Outre le CITEPA, l’Inra, les instituts techniques agricoles (CETIOM, Arvalis, ITB, Unip), les ministères en charge de l’agriculture et de l’environnement, participent au comité de pilotage du projet NO-GAS2. Impacts de premier niveau Fin 2014 la France sera l’un des seuls pays dans le monde à utiliser un inventaire d’émissions de N2 O de niveau 2. Outre le fait qu’une telle démarche renforce fortement la crédibilité de la France au niveau international quant à son engagement dans la lutte contre les émissions de GES, cette méthodologie peut être valorisée directement pour agir en vue de réduire les émissions en ciblant certaines mesures autres que la réduction de la fertilisation azotée et donc réduire les émissions de GES de l’agriculture française. Ces arguments sont particulièrement importants dans la perspective de l’organisation de la Conférence des parties en 2015 par la France. 1- Production d’un inventaire fondé sur une méthode de niveau 2 proposé pour validation à la CCNUCC courant 2014 Le Citepa souligne que « les émissions de N2 O sont célèbres du fait de l’incertitude associée à leur estimation (200%). Cette situation est due à la difficulté d’estimer correctement ces émissions à l’échelle d’un territoire et à la rareté des programmes de recherches de grande ampleur sur cette question. Les lignes directrices internationales du GIEC ne proposent même pas de véritable méthode de niveau 2 tant la littérature internationale est manquante sur ce poste, la méthode de calcul proposée (niveau 1) étant réduite à quelques facteurs d’émission dont la pertinence dans les conditions françaises n’est pas avérée. Cette méthode est néanmoins appliquée dans les inventaires actuels de GES ce qui ne permet pas de refléter de manière fidèle les évolutions de ces émissions dans le temps et génère l’inconvénient majeur de ne pas identifier clairement les pistes d’amélioration possibles. Une méthode de niveau 2 bien construite permettra de diminuer l’incertitude 82 associée aux émissions de N2 O des sols, de répondre ainsi aux recommandations internationales sur l’amélioration des méthodes et d’envisager des réponses adaptées en termes de politiques agricoles. » De son côté, le Ministère de l’Agriculture souligne que « afin de contribuer à l'atteinte des objectifs français de réduction d'émissions de GES (facteur 4 en 2050) et européens (paquet énergie climat), le MAAF a décidé d'affiner sa méthodologie de comptabilisation des émissions agricoles et d'encourager des pratiques agricoles plus sobres en carbone, cohérentes avec le projet agroécologique pour la France. En matière de comptabilisation, plusieurs études ont été lancées par le MAAF visant à évoluer vers des méthodologies mieux adaptées au contexte français et permettant de refléter dans les inventaires les évolutions vers des pratiques agricoles plus sobres en carbone. Après le carbone des sols et le méthane, l'étude NO-GAS2 a permis d'effectuer ce travail pour le protoxyde d'azote. » Ces deux commentaires montrent d’une part l’importance environnementale et politique d’affiner les estimations d’émissions et de réduire leurs incertitudes, d’autre part la nécessité de s’appuyer sur des compétences affirmées en recherche sur ces émissions et leurs interactions avec le sol, le climat et les pratiques ainsi que sur une expertise sur les pratiques agronomiques. L’ensemble de ces compétences était présent à l’INRA et étendu par l’UMT GES-N2O aux acteurs du développement agricole. Outre une diminution de l’incertitude sur les émissions, la méthode de niveau 2 conduit à une diminution des émissions de N2 O d’un facteur 2 grâce à l’utilisation de références obtenues dans les conditions locales de l’agriculture françaises et non plus de valeurs extrapolées d’autres situations. Lors de la mise au point d’une méthode de niveau 2 pour le Canada, les mêmes observations avaient été faites. L’agriculture étant responsable de plus de 80% des émissions de N2O en France, l’application de cette nouvelle méthode va diminuer le poids de l’agriculture dans les émissions de GES à l’échelle du pays et en conséquence de moduler l’effort qu’elle devra consentir pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES d’un facteur 4 par la France. 2- Une méthode permettant de cibler d’autres mesures de réduction que la seule fertilisation azotée L’un des principaux reproches faits à la méthode de niveau 1 du GIEC est que le seul levier pour réduire les émissions de N2 O qui pouvait être pris en compte était une réduction de la fertilisation minérale et organique totale des cultures. Ceci risquait fort d’être antagoniste avec la nécessité d’augmenter la production végétale pour la sécurité alimentaire. Même si certains coefficients demandent encore à être confortés, l’analyse des données de la base de données N2 O-France permet d’identifier : - des différences entre les facteurs liés aux engrais minéraux et aux engrais organiques des effets liés aux cultures l’importance du pH et de la teneur en matière organique du sol l’importance de la température et de la pluviométrie L’éclairage d’un partenaire scientifique canadien ayant mis en œuvre une méthode de niveau 2 permet de conforter la démarche et mettre les deux impacts détaillés ci-dessus en perspective : « Au Canada, nous avions une quantité relativement importante d’études sur les émissions de N2 O par les sols agricoles depuis 1990 et il aurait été difficile de justifier l’utilisation de la méthode de niveau 1. Une autre motivation du Canada à développer une méthode de niveau 2 pour le N2 O était liée à l’inclusion dans notre inventaire de GES des changements de stock de carbone dans les sols agricoles. Cette décision nous obligeait à tenir compte de l’impact des pratiques modifiant la teneur en carbone des sols (semis direct, jachère d’été) sur les émissions de N2 O. Or, ces effets n’étaient pas inclus dans la méthode de niveau 1. Ce qu'il en a retiré : d’abord, le Canada a pu inclure les stocks de carbone des sols à son inventaire, une priorité pour nous. Ensuite, la nouvelle méthodologie a permis une estimation beaucoup plus juste des émissions, la méthode de niveau 2 donnant des estimations beaucoup plus faibles que celle de niveau 1. Il a aussi été montré que l’impact des apports d’azote aux sols variait fortement d’une région à l’autre du pays (facteur 10), permettant de cibler les pratiques d’atténuation dans les régions plus fortement émettrices. » Nos partenaires canadiens confirment donc les arguments précédemment avancé pour la France : la crédibilité pour un pays actif dans ce domaine, une meilleure estimation des émissions, allant vers une réduction substantielle, et l’opportunité qu’elle donne de cibler les actions. Ils soulignent également un autre intérêt, la 83 possibilité de comptabiliser le stockage de carbone dans les sols agricoles dans les inventaires en prenant ne compte ses interactions avec les émissions de N2 O. Impact politique : L’application de la méthode de niveau 2 va donc donner des fondements à l’élaboration de politiques de réduction de N2 O ciblées sur d’autres pratiques que la fertilisation azotée et certaines conditions pédoclimatiques. On peut alors espérer que des mesures ciblées et justifiées favoriseront la réduction des émissions de N2 O. L’expérience de la France pourrait contribuer à pousser d’autres pays européens à élaborer de telles méthodes, voire même à construire une véritable méthode de niveau 2 au niveau du GIEC. Quelle généralisation des impacts ? L’application de la méthode d’inventaire de niveau 2 permet de diminuer l’estimation des émissions de N2 O par l’agriculture. Cependant la hiérarchisation des facteurs influençant les émissions de manière régionalisée va aussi permettre de mieux cibler des mesures de réduction des émissions là où elles seront les plus efficaces (sol acides, climat chaud, risques liés à l’irrigation). Cela devrait aussi permettre d’expliciter l’intérêt ou les limites de la substitution des engrais minéraux par des engrais organiques. Comme le souligne notre partenaire canadien, un pays actif dans le domaine de la recherche sur le N2 O ne peut pas se contenter d’une méthode de niveau 1 (par défaut, sans aucune tentative d’adaptation locale). D’autres pays, notamment européens, disposent de volumes de données semblables à celui de la France, voire des bases de données nationales. L’initiative française, portée par l’Inra, le Cetiom et le CITEPA, s’inscrit donc dans un mouvement général et on peut raisonnablement espérer que les résultats obtenus en France pousseront les autres pays à s’engager dans le même processus, ou à accélérer leurs travaux dans cette direction, en particulier dans les pays proches où les sols, climat et pratiques sont similaires. Les résultats français et canadiens, montrant que les nouvelles estimations sont plus faibles que celles obtenues par la méthode de niveau 1, sont une motivation supplémentaire. 84 Impact pathway 85 Vecteur d’impact Références Références externes CITEPA, 2013. Rapport national d’inventaire pour la France au titre de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques et du Protocole de Kyoto. Edité par le Citepa, Paris. 233 pages + annexes. Accessible à http://www.citepa.org/fr/inventaires-etudes-et-formations/inventaires-desemissions/ccnucc GIEC, 2006. 2006 GIEC Guidelines for National Greenhouse Gas Inventories, Prepared by the National Greenhouse Gas Inventories Programme, Eggleston H.S., Buendia L., Miwa K., Ngara T. and Tanabe K. (eds). Published: IGES, Japan. Accessible à http://www.ipcc-nggip.iges.or.jp/public/2006gl/ Rochette et al., 2008. Estimation of N2 O emissions from agricultural soils in Canada. II. 19902005 inventory. Can. J. Soil Sci., 88, 655-669. Viard et al., 2013. Le protoxyde d’azote (N2O), puissant gaz à effet de serre émis par les sols agricoles : méthodes d’inventaire et leviers de réduction. Oléagineux, Corps gras, Lipides 20:2, 108-118. Martin E., Le Gall C, 2013. Une nouvelle méthode d’estimation des émissions de N2O pour les inventaires nationaux. CITEPA. Séminaire de clôture de l’UMT GES-N2O Entretiens réalisés - Citepa (Etienne Mathias, responsable du pôle Agriculture) Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt (Ludovic Larbodière, Bureau de la stratégie environnementale et du changement climatique) Agriculture et agroalimentaire Canada (Philippe Rochette, chercheur) Sources des données chiffrées Compte-rendu intermédiaire du projet NO-GAS2. Novembre 2013. 28 pages (en français). 86 Département Environnement et Agronomie Centre de Recherche Val de Loire, Site d' Orléans 2163 avenue de la Pomme de Pin CS 40001 Ardon 45075 Orléans cedex 2 - France Tél. : +33(0)2 38 41 81 02 Fax : +33(0)2 38 41 78 69 Mél : [email protected] www.ea.inra.fr