
1 Selon Bourgain (2004, 141-143,149), le manuscrit le plus ancien contenant ce poème aurait été confectionné
à l’abbaye Saint-Germain-des-Prés aux environs de 1070, « sans doute par le chancelier Gislemar ». L’attribution de ce
poème aurait été fait, d’après le chancelier, par tradition orale ; selon lui, ce poème non daté aurait été l’oeuvre de Remi
de Reims qui l’aurait écrit lors de la consécration de la basilique de Saints-Pierre-et-Paul fondée par Clovis et la reine
Clotilde. Pour la version latine, cf. Bourgain 2004, 144 et Isaïa 2010, 72-73.
2 Nous avons établi les années du règne de Clovis selon le consensus général. Pour les différents points de vue
à ce sujet en ce qui a trait à la date contestée du début du règne, cf. p. 18, note 62.
3 Bourgain 1996, 71.
4 Venance Fortunat, Poèmes IX, 4 : « Dans cette sépulture donc gît Clodobert [...], noble rejeton issu de Clovis,
son arrière-arrière-grand-père [...] » ; IX, 5 : « Dagobert [...], vous périssez, espoir dans l’enfance, noble descendant
d’une race royale, [...], issu de la puissante lignée du valeureux Clovis, rejeton d’une noblesse égale à celle de votre
Introduction
« Riche de biens, puissant par sa vaillance, célèbre par ses triomphes,
c’est le roi Clovis qui a fondé cet établissement, le même qui
au sommet de son pouvoir a brillé d’un grand honneur : il fut patrice.
Rempli d’amour pour Dieu, il a dédaigné de croire en mille divinités,
qui montrent d’horribles monstruosités sous des formes variées.
Bientôt lavé par les eaux et né à nouveau de la fontaine du Christ,
il a arboré sa chevelure parfumée du chrême qui l’avait baigné ;
et il a donné l’exemple, que suit la foule innombrable
du peuple gentil ; et, méprisant l’erreur des ancêtres,
ce peuple va honorer Dieu, son créateur et véritable père.
Bienheureux grâce à ces mérites, Clovis a dépassé les hauts faits de ses
prédécesseurs.
Toujours redoutable dans sa décision, ses places fortes et ses combats,
il fut lui-même bon chef de guerre par ses exhortations, et d’un cœur valeureux
il a au premier rang sur le front, consolidé ses lignes rangées pour la bataille. »1
Si on en juge d’après ce poème attribué à Remi de Reims, Clovis 1er (481-511)2, fondateur
de la première dynastie catholique en territoire gaulois, fut, dès son vivant, reconnu pour sa force
de caractère, ses exploits guerriers et sa dévotion au Dieu des chrétiens qu’il avait fait sien. Au cours
des années qui suivirent sa mort, il passa très rapidement dans la légende ; les auteurs, puisant
abondamment à la source principale du VIe siècle — les Dix livres d’histoire de Grégoire de
Tours — , choisirent, élucidèrent, et réécrivirent l’histoire du roi à partir de ce qu’il y avait de
grandiose dans son règne. Il en résulta une figure aux qualités et aux traits figés dans le temps,
transmise d’un auteur à l’autre avec peu de variantes. La littérature s’était ainsi appliquée à faire de
Clovis « une silhouette extrêmement schématique »3 où furent surtout mises en valeur la foi, la
noblesse et la puissance, toutes trois garantes de la réputation de ses descendants4. Dès lors, cette