Les premiers comtes de Paris sous les Carolingiens

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Les premiers comtes de Paris
sous les Carolingiens
Le titre de comte, l’un des plus anciens et des
plus élevés de la hiérarchie nobiliaire européenne vient
de « comes », mot latin signifiant compagnon. Le
comte accompagne le roi dans ses fonctions.
Ce titre évolue en fonction des époques. Le
comté de Paris a été fondé par Charlemagne. Le premier comte fut cependant Griffon, fils de Charles
Martel, qui apparaît comme comte mérovingien. A
partir de Robert de France, dit Robert le Fort, défenseur de la ville de Paris contre les Normands, le
titre devient héréditaire.
Sous le règne de Charlemagne, les comtes administrent un ou plusieurs « pagi », subdivisions territoriales qui correspondent à nos cantons d’aujourd’hui. Le comté est à la base du système administratif. Le comte assume le pouvoir dans les domaines
militaire, civil, financier et judiciaire et ses fonctions
sont transmissibles. Le « pagus » d’où dérive le mot
« pays » évolue peu-à-peu vers un comté autonome,
le titulaire du poste s’attribuant, en même temps
que le titre et la fonction, le territoire sur lequel il
exerce son autorité.
Notre ancêtre Gérard 1er de Paris est le premier comte de Paris carolingien, auteur de la maison
des Gérardides (voir notre parenté à partir de notre sosa
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Gérard 1er de Paris et Rotrude d’Austrasie
Mariés vers 750

Bégon de Paris et Alpaïs
Mariés vers 806

Suzanne de Paris et Vulfard d’Angoulême
Mariés vers 828

Vulgrin 1er d’Angoulême et Roselinde de Septimanie
Mariés vers 860

Guillaume 1er de Périgord et Régilinde de Rouergue
Mariés vers 892

Bernard d’Angoulême et Berthe
Mariés vers 916

Emma de Périgord et Boson 1er de La Marche
Mariés vers 945

Audebert de La Marche et Adalmode de Limoges
Mariés vers 990

Bernard 1er de La Marche et Amélie de Razés
Mariés vers 1019

Almodis de La Marche et Pons Guillaume de Toulouse
Mariés en 1040
Almodis de La Marche, page suivante).
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Almodis de La Marche a fait l’objet d’un chapitre page 64.
Gérard 1er de Paris n’est pas connu pour des
faits très marquants. Son nom figure à différentes
époques, en tant que juge, dans des plaids tenus par
le roi Pépin le Bref. Ainsi le trouve-t-on à Saint-Denis
en 747, pour une restitution de biens, puis à Verberie
dans l’Oise, en 752, dans une assemblée régionale de
comtes. Il est également désigné dans un diplôme de
pépin le 8 juillet 753, pour un champ de foire accordé
à Saint-Denis.
Il faut noter que l’ensemble des documents carolingiens publiés ou répertoriés, que ce soit des actes pontificaux, royaux ou impériaux, s’insère dans
une série qui commence avec le diplôme de Pépin le
Bref en 753 pour se terminer avec le diplôme d’Othon
II, empereur du Saint-Empire, en 780.
Ces diplômes nous renseignent sur les affaires
ou jugements traités à cette époque. Gérard 1er est
encore présent lors d’un jugement rendu à Compiègne le 23 octobre 759, au sujet des droits de tonlieu
que Pépin exigeait des marchands qui se rendaient à
la foire de Saint-Denis. Le tonlieu est un impôt prélevé sur l’étalage des marchandises sur les marchés,
mais aussi un prélèvement effectué lors du passage
d’un fleuve ou aux portes des villes.
Gérard 1er est encore cité dans le diplôme du 13
août 762 accordant la protection royale à l’abbaye
de Prüm. Cette abbaye avait été édifiée à Eifel en
Allemagne, sur des terres offertes par Bertrade,
grand-mère de l’épouse de Pépin-le-Bref, Bertrade de
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Laon, dite Berthe-aux-grands-pieds.
Nous retrouvons Gérard 1er en 775, dans un jugement de la cour entre l’évêque de Paris et l’abbé
de Saint-Denis. Ils se disputaient l’église de Plaisir qui
fut finalement adjugé à Saint-Denis.
Mais le 27 mars 779, un diplôme de Charlemagne
accorde à Saint-Germain-des-Prés le tonlieu autrefois
perçu par Gérard 1er à Villeneuve-Saint-Georges qui
dépendait de cette abbaye, ce qui sous-entend que
Gérard 1er devait être mort.
En effet, le nécrologe (registre sur lequel on inscrit le nom des morts) de Saint-Germain-des-Prés indique le 26 avril pour date de la mort de Gérard 1er
qui aurait été inhumé le 26 avril 776 à Saint-Germain
-des-Prés.
Il est intéressant, à ce stade de notre histoire,
de s’attarder un instant sur ce qu’était Paris à cette époque.
Clovis installe sa résidence à Paris autour de
l’an 500. Lorsqu’il se convertit au christianisme, sous
l’impulsion de son épouse Clotilde, il fait édifier en
502, sur la montagne Sainte Geneviève, une église dédiée à saint Pierre. Clovis et son épouse y seront inhumés, respectivement en 511 et 546. La dépouille de
sainte Geneviève, protectrice de Paris, y sera enterrée en 512. Une abbaye attenante à l’église est construite à la même époque. Elle abrite aujourd’hui le
lycée Henri IV. L’église qui menaçait ruine fut démolie en 1807 pour percer la rue Clovis. Le clocher, seul,
subsiste, appelé tour Clovis, situé dans l’enceinte du
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lycée Henri IV.
Sous la dynastie mérovingienne, Paris voit se développer des édifices religieux, notamment l’abbaye
de Saint-Germain-des-Prés où fut inhumé saint Germain en 576. Cette abbaye qui se distingue des deux
autres Saint-Germain-Le-Vieux construite par Chilpéric au VIe siècle et Saint-Germain-L'auxerrois qui
existe toujours, consacrée à saint Germain, évêque
d’Auxerre, devient bientôt la plus riche de France. Un
autre édifice subsiste encore aujourd’hui, la chapelle
de Saint-Julien-le-Pauvre, dépendant de l’Hôtel-Dieu,
où logeait l’évêque Grégoire de Tours, vers 580.
Sous la dynastie carolingienne, Paris perd de son
importance, les rois y résidant peu. Alcuin, conseiller
de Charlemagne, l’homme le plus savant de son
temps, y développe cependant un mouvement intellectuel. Il fonde l’Académie palatine où il défend l’idée
d’une identité européenne s’appuyant sur la civilisation antique. Les abbayes deviennent des centres
culturels pour les ecclésiastiques.
Cependant, au IXe siècle, Paris doit subir les assauts normands. Charles le gros finit pas payer leur
retraite. A sa mort, en 888, Eudes de France, fils de
Robert le Fort, est élu roi. Paris qui est le c œur d’une région comprise entre Seine et Loire, regroupe ses
habitants dans quelques habitations, au cœur de la
Cité, autour de deux rues principales reliant le petitpont au grand-pont dans un axe nord-sud et la cathédrale Saint-Etienne au Palais, dans un axe estouest. L’axe nord-sud qui correspond aujourd’hui à
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la rue Saint Jacques, dans le prolongement du petitpont, a gardé son tracé initial. La cathédrale SaintEtienne faisait partie d’un ensemble épiscopal comprenant plusieurs églises et un baptistère. Elle fut
démolie pour la construction de la cathédrale actuelle
Notre-Dame dans les années 1160. Le Palais, à l’emplacement actuel de notre Palais de justice, se situe
à l’ouest de la muraille gallo-romaine qui protège la
ville depuis le quatrième siècle. Cette enceinte fut
édifiée dans l’urgence des invasions barbares, à partir des pierres des arènes de Lutèce. Ce palais qui
fut longtemps le seul dans la cité est à l’origine une
forteresse en bois bâtie à la pointe occidentale de
l’île de la cité. Puis la ville se développe sur la rive
gauche, réduisant l’île de la cité à une fonction politique et religieuse. Le Palais fut occupé par les Mérovingiens ; si les Carolingiens le boudent, c’est là
que s’installent les Comtes de Paris évoqués dans ce
chapitre puis, plus tard, les Capétiens. Une chapelle
royale y était installée, sans doute à l’emplacement
de la Sainte-Chapelle aujourd’hui.
Si la vie administrative et publique s’organise
dans le Palais avec tous les attributs du pouvoir, le
peuple s’installe sur la rive gauche, sur le versant
sud de la montagne sainte Geneviève. Les premières
maisons en torchis, au sol de terre battue ont vite
laissé place à des constructions de maçonnerie plus
élaborées, à partir de pierre et de plâtre. Des fouilles récentes ont mis à jour des pièces d’habitation
fonctionnelles, avec des fresques murales reprenant
les thèmes décoratifs de la peinture de Lutèce...
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Cependant qu’à chaque extrémité de la l’île de
la cité, la Seine arrose des terrains vagues où paissent des animaux.
La rive droite, couverte de bois et très
peu habitée, abrite une chapelle « Notre-Dame-desBois » où les fidèles vont vénérer Sainte-Opportune.
Cette rive droite se développera à partir du onzième
siècle pour devenir la nouvelle ville, tandis que la rive
gauche gardera son caractère essentiellement universitaire.
A la mort de Gérard 1er, Etienne son fils aîné lui
succède. A la mort de ce dernier, son frère Bégon,
notre ancêtre, prend la charge de comte de Paris.
Ainsi, Bégon était-il comte de Paris le 23 avril 789,
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date à laquelle Charlemagne qui le qualifie de
« comes nomine Bego, noster dilectus » ce qui signifie
« Le comte Bégon, notre chéri » lui octroie un manse
à Bry-sur-Marne pour l’offrir au monastère des Fossés-sur-Marne. Ce manse qui est une parcelle agricole, permet à celui qui le possède de recevoir des
avantages de la part de ceux qui le cultivent.
Bégon se montre un personnage loyal que Charlemagne va choisir comme homme de confiance, dans
l’entourage de son fils Louis, lorsque celui-ci prend
possession de ses états d’Aquitaine. Une profonde
amitié lie Louis et Bégon, d’autant plus que Bégon va
épouser Alpaïs, fille de Louis Le Pieux. Alpaïs faisait
partie du voyage en Aquitaine, en même temps que
Bégon et cette intimité naissante fut propice à l’affection réciproque entre les jeunes-gens.
Bégon est toujours présent auprès de Louis le
Pieux, lorsque celui-ci décide, à l’appel de Guillaume
De Gellone, d’en finir avec les Sarrazins (voir chapitre
Les Guillelmides page 73). Bégon, envoyé en mission, dirige
l’action des hommes campés devant Barcelone, prépare l’assaut qui sera donné la nuit contre le camp des
Maures et gagne le combat, libérant ainsi les soldats
immobilisés depuis longtemps en ce lieu. C’est Bégon
lui-même qui rapporte la bonne nouvelle à Charlemagne lequel va louer ses mérites et le combler de cadeaux lui et ses enfants.
A la cour d’Aquitaine où il réside, Bégon est investi du rôle de grand chambrier auprès de Louis le
Pieux, chargé de veiller sur les finances et objets
précieux, sur le trésor alors conservé dans la cham230
bre du roi. Ce titre deviendra celui de chambellan,
A la mort de Charlemagne, en 814, Bégon est le
premier à venir consoler Louis le Pieux et à l’encourager à organiser sa nouvelle vie. Bégon et tous les
fidèles qui entouraient Louis en Aquitaine, reviennent
avec lui à Paris pour administrer les Etats de Charlemagne.
Bégon, de retour à Paris, est à nouveau investi
du comté de Paris, comme le signale un diplôme de
Louis qui parle de « l’illustre comte Bégon et de ses
successeurs ». Il est également investi du comté de
Reims où il est chargé de surveiller les travaux de
dégagement d’une porte romaine dont la majestueuse
hauteur du cintre avait été rabaissée par une maçonnerie. Ces travaux furent à l’origine de la mort
de Bégon qui se heurta fortement la tête en voulant
franchir cette porte. Peu de temps après, alors que
les démolisseurs avaient commencé le travail, Bégon
poursuivant son voyage vers le diocèse de Laon, perd
connaissance, est frappé d’aliénation mentale et
meurt le 28 octobre 816,
Son frère qui lui succède, et les comtes de Paris
qui suivront ne sont plus nos ancêtres.
Notre ancêtre, sa fille Suzanne, épouse de Vulfard D’Angoulême, va donner naissance à Vulgrin 1er
D’Angoulême qui épousera Roselinde de Septimanie,
petite-fille de Guillaume De Gellone, par son fils Bernard De Septimanie (voir chapitre les Guillelmides page 73).
Bégon est inhumé, comme son père, à SaintGermain-des-Prés.
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