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réduite, mais bien plutôt par le fait qu’ils sont complètement dépourvus de durée.
Cependant, comme le soutient C. Piñon (1997), même si les achèvements ne
peuvent se voir attribuer de durée, certaines bornes sont conceptualisées comme
impliquant l’activité qui précède l’avènement du changement d’état (bornes
droites – le lexème correspondant permet la référence à l’activité précédente
associée), alors que d’autres sont conceptualisées comme le début d’une situation
résultante (bornes gauches – la référence à l’état résultant est alors possible
linguistiquement)2. Les achèvements étant avant tout des bornes, on peut supposer
que certains d’entre eux sont des bornes « pures », excluant toute référence à
l’éventualité qui précède ou qui succède, tandis que d’autres permettent une
lecture en tant que borne droite et/ou borne gauche.
Nous tenterons de démontrer que l’hypothèse mentionnée supra est vérifiée en
français : la classe aspectuelle des achèvements se démarque d’autres classes
aspectuelles par un ensemble de propriétés linguistiques, et il est légitime de
postuler que trois catégories d’achèvements (achèvements purs, achèvements
droits, achèvements gauches) sont repérables dans le domaine verbal (cf. section
1) et dans le domaine nominal (cf. section 2).
Nous nous intéresserons ensuite à la question de l’héritage aspectuel lors du
passage du verbe au nom (cf. sections 3 et 4). Notre travail s’inscrit dans la lignée
du projet « Nomage »3 qui avait pour objectif d’annoter aspectuellement les
nominalisations déverbales repérées automatiquement dans le corpus French
Treebank (A. Abeillé 2003). Dans le cadre de ce projet, les verbes d’origine des
nominalisations étudiées ont reçu une spécification aspectuelle. Nous avons
récupéré, d’une part, la liste des verbes d’achèvements (indépendamment de la
classe aspectuelle des nominalisations correspondantes) et, d’autre part, la liste
des nominalisations d’achèvements (indépendamment de la classe aspectuelle des
verbes de base) de la base de données Nomage4. Nous avons ainsi obtenu un
corpus de 251 paires verbe-nom dans lesquelles le nom et / ou le verbe dénote(nt)
un achèvement5. Nous avons ainsi pu déterminer dans quelle mesure les propriétés
aspectuelles sont héritées par les noms dérivés, et établir différents schémas
d’héritage. Notre étude se concentre sur les propriétés aspectuelles des lexèmes,
dans une perspective de sémantique lexicale ; si les noms étudiés ont été
sélectionnés en raison de leur lien morphologique dérivationnel avec un verbe,
notre analyse n’intègre pas de réflexion morphologique : notre objectif est de
déterminer si verbes et noms dérivés peuvent partager des traits aspectuels, sans
résoudre la question des rôles respectifs de la base et du suffixe, ou encore de la
règle de construction morphologique.