Le Hip-hop comme moteur de communication

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Université catholique de Louvain
Faculté des sciences économiques, sociales,
politique et de communication
Cas de la Zulu Nation Belgian Chapter
Travail présenté par
KASONGO Dioso Priscilla
THOMACHOT Cécile
Dans le cadre du cours
de Communication Interculturelle
Professeur : M. Alain Reyniers
Suivi : Audrey Crucifix
1
Année académique 2011 – 2012
I.
INTRODUCTION
I.1.
Problématique
La culture au sens large est l’ensemble des aspects intellectuels et artistiques d’une
civilisation. Elle comprend aussi l’ensemble des formes acquises de comportement et valeurs
dans les sociétés humaines. L’interculturalité est une mise en relation entre les différentes
cultures. Dans le cadre de notre étude sur la Zulu Nation Belgian Chapter, nous retrouvons
les aspects évoqués ci-dessus.
Nous abordons l’interculturalité sous l’aspect artistique, notamment au travers du hip-hop.
Celui-ci est devenu une culture à part entière. Pour les adeptes du mouvement, la culture hiphop est passée d’un art pluridisciplinaire (danse, musique et dessin) à une façon de vivre
voire à un art de vivre. Le hip-hop est né aux Etats-Unis et s’est peu à peu développé aux
quatre coins du monde. On peut dire qu’il représente un modèle d’interculturalité car il existe
grâce à la rencontre de différentes cultures et d’arts.
L’intérêt de notre recherche est donc de déterminer comment s’établit la communication
interculturelle au sein de la Zulu Nation Belgian Chapter, un mouvement dont les membres
viennent de tout horizon, sans distinction de sexe, religion, ou de couleur de peau.
En nous focalisant sur le hip-hop, nous tenterons de comprendre comment cet art est devenu
un moyen de communication entre les cultures. Comment expliquer que des gens de tout
bord, grâce à la culture hip-hop, réussissent à se comprendre et à cohabiter. Comment leur
culture d’origine influence-t-elle leur art ? Comment le hip-hop les a changés ? Que leur
apporte le hip-hop en tant que culture ? Quelles sont les représentations de ‘l’autre’ que
véhicule le hip-hop ? Comment arrive-t-il à communiquer avec l’autre au travers de ce
langage corporel/ figures artistiques ? Est-ce qu’adhérer à la culture hip-hop les a permis de
s’ouvrir aux autres et à leur culture ? Les participants et organisateurs ont-ils déjà rencontré
des barrières culturelles? Si oui, comment gèrent-ils ces tensions?
I.2.
Question de départ et hypothèse
Dans ce travail, il sera question de savoir comment le hip-hop, à travers la danse, le chant ou
le D-jing est devenu un mécanisme de communication interculturelle, permettant à des
personnes d’origines différentes de se réunir et de se comprendre et même de cohabiter. En
fin de compte, nous tenterons de vérifier l’affirmation selon laquelle la culture hip-hop est audessus de tout et qu’au-delà des différences, elle permet de rassembler ; qu’elle permet
réellement de dépasser le niveau du ‘vivre ensemble’ pour arriver à un réel ‘dialogue’ entre
cultures différentes. Et si oui, comment les protagonistes y arrivent-ils ?
En effet, nous pensons que le hip-hop permet réellement de dépasser les barrières culturelles.
Il est au-dessus de toute forme d’incompréhension interculturelle, un art de vivre ensemble.
La culture hip-hop s’enrichit de différentes cultures et permet à ses adeptes de s’ouvrir aux
autres. Et dans la Zulu nation, les membres se considèrent davantage par le biais du hip-hop
que par leur culture. Leur référence culturelle, c’est avant tout le hip-hop.
2
II.
Méthodologie
II.1.
Présentation des méthodes
Pour cette étude, nous avons opté pour des entretiens de type semi-directif avec les
organisateurs et les participants. Nous pensons que l’entretien revêt des processus
fondamentaux de communication et d’interaction humaine. Des rapports sociaux s’y jouent.
De plus, l’enquêté a la possibilité d’aller en profondeur dans le sujet. Ce qui offre à
l’enquêteur un large éventail d’éléments pertinents.
En plus de l’entretien, nous optons aussi pour une observation directe de séances, trainings
et autres moments susceptibles d’être pertinents pour l’étude tels la préparation des Battles.
Nous croyons que cette méthode est importante parce qu’il est un moyen de résister aux
constructions discursives des interviewés en permettant de s’assurer de la réalité des pratiques
évoquées en entretien. Et pourquoi pas la prise en compte de paramètres inconnus jusqu’ici,
voire même insoupçonnés.
II.2.
Préparation du terrain
Pour préparer notre étude, nous avons commencé par prendre contact avec l’un des
organisateurs (et fondateur) de la Zulu Nation ‘Belgian Chapter’, Philippe FourmarierGarfinkels. Nous avons eu un long échange au cours duquel nous avons pu lui exposer notre
sujet et nos attentes en termes de coopération.
L’échange a été très fructueux, car il nous a permis de ‘prendre la température’ en ce qui
concerne les relations interculturelles au sein de l’organisation. Un des premiers constats a été
le fait que les conflits ou regroupements à caractère culturel, s’ils existent, ne sont pas
vraiment pris en compte dans l’organisation.
Nous avons également pu réduire notre champ de recherche en fonction des possibilités
d’interaction avec les acteurs et des spécificités de leurs échanges. C’est le cas de la notion de
‘culture’. Ce thème ambigu, l’est davantage pour notre étude. En effet, lors des événements
Zulu Nation, divers types de cultures différentes se côtoient : les cultures nationales, celles
liées au lieu d’habitation, les cultures religieuses, linguistiques, etc. Nous travaillons donc sur
la précision du type de culture à aborder, tout en rendant compte le mieux possible de la
complexité culturelle du ‘lieu’.
Ensuite, sur recommandation de Philippe, nous avons assisté le 31 Mars 2012 aux 20 ans de
Namur Break Sensation (alias NBS), un des groupes namurois pionnier de la culture hip hop
belge. Cet évènement nous a permis d’observer les modes d’interaction entre participants
durant un évènement de hip-hop.
Enfin, nous avons élaboré la feuille d’entretien. Nous avons procédé en choisissant les
grandes questions de notre recherche, et nous les avons converties en paliers. Nous avons
formulés plusieurs questions par palier, pour donner un vocabulaire étendu à l’enquêteur. Les
feuilles d’entretien sont disponibles en annexe.
II.3.
Terrain
La feuille d’entretien a été appliquée aux organisateurs de façon assez éparse. Il n’a pas été
aisé de les rencontrer; ils ont des emplois du temps très peu souples. Chacun a été abordé
selon ses disponibilités.
3
En ce qui concerne les participants, nous avons profité d’un évènement organisé par la Zulu
Nation ‘Belgian Chapter’ pour les rencontrer. C’était la Red Bull BC One Belgium Cypher à
Anvers le 1er Mai 2012.1
Là encore, l’application de la feuille d’entretien n’a pas été évidente. Lorsque les participants
sont arrivés sur le lieu de l’évènement, leur première préoccupation était de s’échauffer, de
prendre contact avec la salle et la piste de dance. Or, ce rituel était important pour eux, et
nous ne voulions pas les déranger. Mais avec l’aide des organisateurs, nous avons pu en
interroger quelques-uns. Au moment où la Battle a commencé, nous ne pouvions plus les
interroger. Nous nous sommes arrêtés là.
Enfin, s’agissant des références, il nous a été difficile de trouver de la documentation
‘classique’ sur la culture hip-hop ; le sujet n’est pas très exploité. La plupart de nos
ressources ont été recueillies en ligne.
III.
Cadre théorique
Pour réaliser l’analyse, nous avons considéré trois approches théoriques : la vision de
l’étranger à travers les arts de la culture hip-hop (A. Milon), les éléments à prendre en compte
dans les relations entre cultures différentes (Hall) ainsi que les fondements et obstacles de la
communication interculturelle (Bo Shan). Ces éléments ont été choisis en fonction de leur
pertinence par rapport à notre sujet. À ce niveau, ils éclairent la compréhension. Par la suite,
ils interviendront dans l’analyse.
III.1.
L’étranger
Dans son livre ‘L’étranger dans la ville’, Alain Milon évoque les rapports de la société
française avec les nouveaux arts issus de la culture hip-hop, notamment le rap et le graff
mural.
Il constate que le rappeur se contente de mettre en lumière des revendications sociales sans
proclamer son appartenance à un quelconque mouvement politique. L’important pour lui
n’est pas le sens du message mais « le fait de dire qu’on est là et qu’on existe »2. De plus, il
n’attend pas de réponse politique.
Parlant de la danse, il affirme que « les gestes sont universels… »3, C’est un autre langage, un
méta langage, un nouveau langage dont il faut trouver la grammaire.
Dans l’ensemble, Milon envisage ces arts émergeants comme de nouvelles formes
d’expression redéfinissant l’architecture de la ville. Des arts qui sont nés du rejet social et qui
le récoltent en retour. Des arts qu’il serait utile de questionner davantage, pour trouver un
contrat de cohabitation viable au sein de la ville.
1
Cet évènement consiste en une battle de break-dance (b-boying). Les ‘cypher’ sont les compétitions de base,
dans les pays ; Les gagnants participent aux ‘qualifiers’ qui sont régionales ; ensuite, la finale (‘finals’) est
organisée. Des informations complémentaires sont disponibles sur le site de Red Bull BC one :
http://www.redbullbcone.com/battles/red-bull-bc-one-cypher-belgium-2012
2
MILON, Alain, L’étranger dans la ville. Du Rap au Graff mural, PUF, Paris, 1999, p 80
3
MILON, Alain, Op cit, p 84
4
III.2.
Les composantes d’une culture
Edward T. Hall et Mildred R. Hall nous ont offert dans leur ouvrage ‘Guide du comportement
dans les affaires internationales’ cinq coordonnées de lecture des relations interculturelles4 :
III.2.1.
Le contexte
Il explique ce qui relève de l’information. Pour réagir, on a besoin d’information. Dans
certaines cultures, l’information se trouve dans le contexte et dans d’autres, elle se situe dans
la relation, dans le cadre même de l’interaction.
Il y a des sociétés à contexte fort/élevé (communication avec forte référence au
contexte) dans lesquelles il n’y a pas besoin de donner d’ordre particulier dans l’interaction,
on délivre uniquement un complément d’informations.
Une culture à faible contexte (communication avec faible référence au contexte) est celle
dans laquelle on a besoin d’une grande quantité d’informations pour communiquer, il est
donc essentiel d’expliquer dans l’interaction même ce qu’on doit faire (comment, etc.).
III.2.2.
La place réservé au temps : polychronie – monochronie
Chaque société organise de manière particulière son rapport au temps dans sa gestion des
activités quotidiennes. Dans les cultures monochromes, il y a une seule manière de voir le
temps dans l’interaction ; les sociétés polychromes quant à elles, acceptent et encouragent de
croiser des temporalités différentes.
III.2.3.
Proxémique culturelle
En ce qui concerne la spatialité, Hall y voit un espace multi sensoriel. Ainsi, dans les rapports
avec des groupes culturels différents, on tiendra compte de l’espace olfactif, l’espace visuel,
l’espace tactile, l’espace auditif, etc.
III.2.4.
Les chaînes d’action
Il s’agit ici de l’idée selon laquelle, dans les cultures, certaines choses élémentaires sont
acceptables dans la mesure où ces phénomènes se passent en déroulant des actions qui sont
rituelles. Et pour chaque rituel, il y a des règles à respecter. Ainsi, chaque culture a sa
discipline dans les gestes et faits quotidiens. Ce sont surtout les cultures monochromes qui
sont les plus affectées lorsque les chaînes d’actions sont perturbées.
III.2.5.
Les valeurs
Les valeurs sont des éléments essentiels dans l’organisation de l’interaction dans les sociétés.
À partir des valeurs, on peut tracer des portraits de sociétés, et se rendre compte des
difficultés des rencontres interculturelles. Le modèle d’orientation des valeurs part de valeurs
dans 4 dimensions et repère 3types d’attitudes différentes (profils culturels). Par rapport au
domaine de la pensée, de la destinée (rapport être humain-nature), du temps et le rapport à
l’espace, on distingue : de sociétés où la pensée est orientée vers l’action (tendance des
sociétés occidentales) ; des sociétés de la pensée en devenir (introspection et protection
individuelle) ; et des sociétés où la pensée promeut la stabilité (prédilection du passé et de
l’espace communautaire).
4
Voir HALL, T.Edward, Guide du comportement dans les affaires internationales. Allemagne, Etats-Unis,
France, Seuil, Paris, 1990, p 21-66.
5
III.3.
Obstacles à la communication interculturelle
Dans son article « La communication interculturelle : ses fondements, les obstacles à son
développement », Bob Shan parle de la difficulté de définir sa propre culture tant que nous ne
sommes pas rentrés en contact avec une autre culture. « Bien que nous ayons l’appartenance
culturelle, nous ne pourrons pas réaliser de manière évidente la cognition du groupe culturel
auquel nous appartenons. Par exemple, il est difficile pour un Chinois d’expliquer clairement
ce qu’est la culture chinoise, et il en va de même pour un Américain. Nous ne sommes pas en
mesure de confirmer nos propres caractéristiques dans un cadre de repérage culturel jusqu’à
ce que nous rencontrions et contactions un individu provenant d’une autre culture ».
Il est pour lui normal que la communication interculturelle entraîne aussi le conflit, la
concurrence, la tension et la nervosité car cela fait partie des relations humaines. Il évoque
aussi le fait que la culture dans laquelle nous avons évolué influe sur notre perception de
l'autre positivement ou négativement et peut expliquer les incompréhensions et appréhensions
que nous avons vis-à-vis de l'autre. Ces appréhensions se traduisent le plus souvent en
préjugés, discriminations et stéréotypes.
La communication entre individus culturellement différents est selon lui efficace dès lors
qu'elle produit une culture homogène en matière de connaissance, d'attitude et de
comportement, qui s'ajoute à la culture d'origine.
Il parle aussi de sa foi en sa propre culture comme un facteur limitant parfois la
communication interculturelle mais qui peut être bénéfique dans la transmission de valeurs à
l'autre. De plus nous nous valorisons le plus souvent en mettant en avant le groupe culturel
auquel nous appartenons. De ce fait, nous évaluons l'autre de par son appartenance à un
groupe culturel et non de par son individualité. Nous perdons ainsi une certaine faculté à nous
percevoir en tant qu'individu à l'intérieur de notre propre culture et à nous examiner
personnellement.
IV.
Définition des concepts opératoires
IV.1.
Hip-Hop
Le Hip-hop est un mouvement socioculturel contestataire apparu aux États-Unis dans les
années 1980. Ses principales manifestations sont des graffs, des tags, des styles de danse
(smurf) et de musique (rap).
Aujourd’hui, le hip-hop est bien plus qu’un simple mouvement, c’est une manière de vivre,
une culture. Apparu à la fin des années 1970, le terme hip-hop désigne alors plusieurs
disciplines : le rap, la danse (break dance/ B-Boyin’ ou smurf), l’art du maniement des
platines (DJ) et le graffiti. Les pionniers de l’ancienne école du rap (« old school ») ont tenté
de maintenir cette culture, mais en vain. Elle a commencé à s’étendre avec le graffiti et les
écoles de danse. Mais c’est bien le rap qui est la principale composante du mouvement. En
effet, les rappeurs restent les représentants de la culture hip-hop à travers le monde.
Le hip-hop, c'est réellement un mode de vie. Tous ceux qui ont suivi le rap, qui se disent être
« dans le mouv' » (expression française) font en quelque sorte allégeance aux modèles de
référence (des rappeurs américains en général).
6
Les codes vestimentaires sont un signe de reconnaissance essentiel dans le hip-hop : Blouson
large doublé, bonnet ou casquette, pantalon bouffant tombant sur les chevilles, imposantes
chaussures de sport (de marque), avec ou sans lacets.
Terme générique englobant une culture de rue, le hip-hop n'est donc pas un simple genre
musical, mais bien un univers à part entière.
Derrière les différentes disciplines Hip-hop, il existe un état d’esprit et une histoire qui sont
souvent méconnus par le publique ou par les médias.
Il existe également certaines organisations qui tentent de diffuser le vrai message de cette
culture Hip-Hop et luttent afin d’effacer les préjugés hélas souvent diffusés dans la presse et
via différentes sources d’informations. C’est le cas de la Zulu Nation.
IV.2.
L’Universal Zulu Nation
L’Universal Zulu Nation est l’une des nombreuses organisations qui existent au sein du
mouvement Hip-Hop. Elle se bat pour une certaine unité à l’intérieur du mouvement ainsi
que la diffusion de la véritable signification de la culture Hip-Hop.
Fondée en 1973, l’organisation a commencé à prendre de l’ampleur dans l'année 1975 aux
Etats-Unis (Bronx – NY), avec un jeune étudiant du lycée Adlai E. Stevenson, un ‘Nubian
man’ (homme Noir) nommé Afrika Bambaataa. Dans le cadre d’un projet appelé le Bronx
River Center, il a fait d’un quartier sud est du Bronx (New York City) le quartier général de
la Zulu Nation. À partir de ce moment-là, il a organisé la Zulu Nation durant 16 ans. Avec
l’expérience d’Afrika Bambaataa durant 23 ans, son empire qui fut basé au Bronx River
Center s’est agrandi dans le monde entier. Durant ces nombreuses années, l’Universal Zulu
Nation est restée une base fondatrice de la culture Hip-Hop.
Devenue aujourd’hui internationale, l’organisation tente de diffuser le plus d’informations
possibles ainsi que transformer l’énergie négative pouvant être véhiculée par les jeunes en
énergie positive, tout en utilisant les différentes formes d’art telles que la danse, le Graffiti, le
Rap, le DJ’ing ou encore la connaissance et l’éducation.
L’Universal Zulu Nation a des centaines de ‘chapter’ à travers le monde, dont les membres
croient en la liberté, la justice, l’égalité, la connaissance, la sagesse et la compréhension. Ses
membres viennent de beaucoup de races, de cultures, de nationalités, de religions et de pays
différents.
IV.3.
Création de la Zulu Nation Belgian Chapter
Le « Chapter » Belge de la Zulu Nation existe depuis plus de 10 ans et organise des meetings,
des soirées, des événements (Hip-Hop meeting, Hors-circuit, Lez-Arts Hip-Hop, Battle of
MC’s, concerts, …). Il édite également un fanzine et est à l’écoute de tous ceux qui
aimeraient en savoir plus sur la culture Hip-Hop. De nombreux artistes belges font partie de
l’organisation et tentent dès lors le mieux possible de transmettre ces messages lors de leurs
prestations ou productions artistiques au plus large public possible.
Afrika Bambaataa, fondateur de l’Universal Zulu Nation, parrain de la culture Hip-Hop et
père de l’Electro-Funk fit sa première visite en Belgique dans un cadre artistique en 1988 au
Beau Bruxel (Place de l’Yser – Bruxelles). Il revînt en Belgique lors d’un festival Hip-Hop à
Bruxelles en 1991, accompagné de certains membres de la Zulu Nation Américaine. C’est
précisément lors de ce passage dans notre pays que Bambaataa a pu discuter avec certains
7
membres de la communauté Hip-Hop de Belgique et donna son aval pour la constitution d’un
Chapter de la Zulu Nation en Belgique.
C’est ainsi que Defi J, Shuck, Naf, Phil’One’, Papis (RIP) et d’autres personnes
concrétisèrent le vœu commun de mettre sur pied la structure complète d’un Chapter Zulu en
Belgique. L’idée de base était en réalité la diffusion d’une idée d’unité au sein du mouvement
mais la demande de ce dernier fut surtout la mise sur pieds de soirées, de Festivals et d’aide
aux artistes.
Ainsi, depuis 1994 l’organisation se bat autour de différents événements et s’occupe de
superviser les différents ‘Chapter’ en Europe et représente le ‘Belgian Chapter’ auprès du
‘World Council’ à New York.
Pour la Zulu Nation Belgian Chapter, « Le seul moyen de s’élever en tant que personne est
d’oublier les différences et de prendre soin de ses familles, de ses amis et de supporter le
système pour trouver des solutions aux différents problèmes avant que quelqu’un vienne dire
ce qu’il faudrait faire. »
Le hip-hop dans la Zulu Nation ‘Belgian Chapter’
L’organisation a choisi de se développer à travers La culture Hip Hop. Le Rap est la seule
partie de cette culture qui est vraiment commercialisée, à tel point que les artistes ne
contrôlent plus leur propre musique. La Zulu Nation se veut comme moyen
d’épanouissement personnel pour tous les membres. Au-delà des DJ’S, des MC’S, des
danseurs et des artistes graffitistes, qui sont davantage représentés, chaque personne qui
possède un talent devrait faire partie de l’organisation : Les écrivains, les avocats, les
professeurs, les orateurs, les producteurs, les photographes, les businessmen et women, etc.
Bref, toute personne qui comprend que la création d’un travail qui satisfait les besoins des
membres et des différentes communautés constitue la clé de leur survie.
V.
ANALYSE
Notre corpus est composé de quatre organisateurs d’évènements Zulu Nation et de quatre
participants à un évènement, le Red Bull BC One Belgium Cypher5. Ce qui nous fait un total
de 8 personnes interviewées. Les interviews ont duré de 30 minutes à une heure, selon la
quantité d’informations apportées.
Pour analyser les réponses de nos interviewés, nous avons choisi de procéder par
catégorisation. Les différents paliers de la feuille d’entretien ont été convertis en catégories
de réponses, en fonction de ce que nous voulions savoir.
Ainsi, pour les organisateurs, nous avons 9 paliers :








5
Parcours
Connaissance des origines culturelles
Références culturelles actuelles
Différences culturelles et hip-hop
Relations interculturelles et ambiance de travail
Relations, chocs culturels et conflits
Type de culture valorisé
Apport de l’expérience Zulu Nation
Cf. Méthodologie pour plus d’explications
8

Multicuturalité et révision des stéréotypes
Pour les participants, nous en avons 8 :








Parcours
Connaissance des origines culturelles
Influence de la culture d’origine dans l’art
Différences culturelles et hip-hop
Relations, chocs culturels et conflits
Type de culture valorisée
Apport de l’expérience Zulu Nation
Multiculturalité et révision des stéréotypes
Une catégorie ‘ajouts’ est mise pour chaque groupe d’interviewés, pour les réponses à la
question ‘Avez-vous quelque chose à ajouter ?’.
Nous procèderons en trois temps : nous commencerons par présenter le profil des
interviewés, ensuite nous présenterons les réponses aux questions en rapport avec les
différentes catégories, enfin nous présenterons l’interprétation des résultats.
9
V.1.
Profil général des interviewés
V.1.1. Organisateurs
Nom complet
Philippe
FourmarierGarfinkels
Jonathan Troussart
Nom d’artiste
Phil’
Âge
40
Nationalité
Belge
Profession
employé
Lieu d’habitation
Bruxelles /
Ganshoren
35
Culture d’origine
Belge/
Lettonienne /
Juive
Wallon/Namurois
Teijhi
Belge
Namur
40
24
Congo (Kinshasa)
Congo (Kinshasa)
Congo (Kinshasa)
Belge
Vendeur chez
Décathlon
Artiste (statut)
Etudiant en
marketing
Patrick Mongombe
Lubamba Darby
Darby
Bruxelles / Laeken
Dilbeek
V.1.2. Participants
Nom complet
Nom de scène
Groupe
Âge
Nationalité
Profession
belge
étudiant
Française
26
Culture
d’origine
Congo
(Kinshasa) /
Polynésie
Franco Anglaise
Arabe
Tupea
Tiromana
T-Rock
Funky Belgian
20
Samuel Revell
Sambo
Team Shmetta
25
Danseur à plein
temps
gestionnaire
Khalid el
Abbouti
Inconnu*
Chuky
Hoochen
-
Funky Belgian
-
Vietnamien
Belge
belge
Danseur à plein
temps
Lieu
d’habitation
Bruxelles
Anvers
Bruxelles
centre
Bruxelles
*Dans l’ambiance surchargée de l’événement Red Bull du 1er Mai, il y a une confusion dans les noms des interviewés et ce n’est qu’après coup que nous
avons réalisé qu’un nom nous manquait, d’où l’appellation « Inconnu ».
10
V.2.
Catégorisation : Réponses aux questions en fonction des paliers6
V.2.1. Organisateurs
Paliers/organisateurs
Parcours
Phil’
Études classiques. Supérieures.
Boulot.
Teijhi
Parcours scolaire classique.
Plusieurs jobs de différentes
sortes. Arrivée à la Zulu
Nation en 2000, sur
recommandation d’un ami.
Connaissance des
origines culturelles
Beaucoup de l’histoire
personnelle a été effacée
notamment par la fuite,
mouvements. Recherches
personnelles. Élevé dans une
culture laïque et ouverte. (pas
de voie obligatoire à vivre)
Racines :
Autriche/Allemagne, pays
du Nord. Élevé dans une
culture belge, catholique
classique (mais pas croyant)
6
Voir annexe 3. Feuilles d’entretien.
11
Darby
Parcours scolaire
classique. Étudiant en
marketing. Arrivée
dans la Zulu Nation en
2002. il était en
secondaire avec celui
qui est devenu le
champion de break
danse de Belgique
Pas recherches
particulières. Origines :
Équateur/ Congo.
Élevé dans une culture
congolaise sévère,
mais assez libre à la
fois.
Arrivé en Belgique à 7
ans. Choc culturel.
Patrick
Études en
électromécanique. Vague
hip-hop. Danseur au départ.
Bonne connaissance des
origines, village, territoire et
province des grands parents
bien que n’ayant jamais été
là.
Élevé dans une culture
européenne. École. Culture
un peu africaine à la maison.
Références culturelles Culture belge avec un amour
actuelles
pour la culture et la religion
juive et une passion pour les
cultures et religions autres. La
culture hip-hop et les
expériences personnelles ont
permis d’avoir un spectre plus
grand d’abord de la culture
personnelle.
Pluriculturel. ‘Caméléon’,
autant avec les gens que
dans la musique.
Bouddhisme
Différences
culturelles et hip-hop
Hip-hop, culture à part entière
qui accueille plusieurs cultures
différentes. Dans la Zulu
Nation, conseil, utiliser la
culture pour aller plus loin
dans la culture de l’art. Ne pas
effacer les différences, mais
enrichir le hip-hop de ces
diversités.
Les différences culturelles
s’effacent au profit de l’art.
le hip-hop rassemble. On
n’oublie pas les origines
mais on apprend à travailler
en équipes. Apport de tous.
Relations
interculturelles et
ambiance de travail
‘qui se ressemble s’assemble’.
Choix artistiques influencés par
l’origine culturelle. On préfère
certains artistes parce qu’on se
retrouve en eux, qu’on se
ressemble, qu’on se connaît,
Regroupement par rapport
aux disponibilités et projets
annexes sur lesquels on
travaille, pas par rapport à
la culture. Origines diverses.
Rapport au-delà des
12
Mais intégration facile
et expérience positive.
Mélange de son
éducation parentale,
l'éducation scolaire et
les expériences du
quotidien= «culture du
moi» mais aussi grande
importance de la
culture familiale
congolaise. (très grand
respect pour ses
parents)
Plus de frontières dans
le hip-hop.
Constitution des
groupes selon des
‘critères’. Les diversités
enrichissent le
mouvement. Exemple,
le smurf, mouvement
indien introduit dans le
break dance depuis
quelques années.
Pas d’expérience
pareille dans le travail.
A pris le bon côté de chaque
culture. (Belge/congolaise)
Parcours personnel.
Fréquentation de la
communauté congolaise. En
grandissant, éloignement
naturel. Dans le hip-hop,
bonne entente, conflits
aussi, comme partout.
Aucune expérience dans ce
cadre. Ce n’est pas culturel.
Relations, chocs
culturels et conflits
ou qu’il répond à ce qu’on
recherche artistiquement.
Entre organisateurs, c’est plus
une question d’affinités, pas
culturel. Affinité de travail
Tendance de réunion des
jeunes, par rapport au
quartier, la culture et la
langue. Beaucoup moins dans
la nouvelle génération. Dans le
rap, c’est plus évident. Être
pro, n’est pas forcément être
anti. Conflits : Ça arrive
davantage dans les concours.
Utilisation de la culture comme
excuse, prétexte à sa moindre
performance. Conflits
linguistiques (textes). Culture
religieuse. Nationalité. Mise en
avant de la culture dans le
cadre des compétitions.
Sectarisme présent dès le
début du hip-hop. Hiphop=révolution culturelle.
Valorisation culturelle
artistique des ghettos.
Expérience personnelle de
conflit culturel, plus par écrit
(les mots et le langage).
Gestion/résolution : c’est plus
cultures et origines.
Ça arrive. Le cadre culturel
personnel favorise ou pas
les interactions culturelles.
Culture utilisée comme
prétexte. Il s’agit plus
d’incompréhension.
Médias. Amélioration avec
le temps. Anecdote de la
nourriture ‘hallal’ (catering).
Gestion/Résolution : les
plus ‘mâtures’ aident les
plus jeunes (terrain
d’entente)
Regroupement des groupes
par rapport à la proximité
géographique.
Regroupements culturels
(texte, etc.) mais ouverture
avec le temps.
13
expérience personnelle
de racisme. Les gens
ont peur de ce qu’ils
ne connaissent pas.
Rester soi-même et ne
pas céder à la haine.
Facteur ‘générationnel’
dans les conflits. Il
intervient peu.
Aucune expérience. Bien
que vu chez d’autres
personnes. C’est inévitable.
Le nombre influe sur
l’imposition de sa culture
aux autres.
Gestion : les conflits ne
manquent pas, mais ce n’est
pas culturel, c’est davantage
des conflits de personnes,
de jalousies, etc.
Type de culture
valorisé
Apport de
l’expérience Zulu
Nation
Multicuturalité et
révision des
stéréotypes
Ajouts
une excuse, ensuite le conflit
devient le conflit banal dans le
cadre d’une compétition.
Intervention d’un organisateur
en particulier si connaissance
(affinités, pas culture). Base du
conflit : autre que culturelle.
1Hop-Hop – 2Famille – 3Belge
Discipline. organisation
d'évènements. connaissance
d'autres personnes du monde
entier. Voyages. découverte
d'autres cultures.
apprentissage d'autres
langues. contacts...
Non, puisque élevé dans une
culture bruxelloise laïque (et
ouverte)
Il faut travailler avec les
diversités. Ce n’est peut-être
pas évident, mais il faut faire
avec. c’est une réalité, parfois
innocente, mais bien réelle.
1Famille - 2Hip-Hop –
3Belge - 4Scout
1Famille – 2Hip-Hop –
3Belge
Amener la petite pierre à
l’édifice de l’unité dans le
mouvement Zulu nation.
Rencontres. Voyages.
Gain de temps en
termes
d’apprentissage de la
vie. Maturité.
Toutes les cultures ont
apporté quelque chose,
pour former aujourd’hui un
tout.
Révision des visions,
stéréotypes.
Importance de la
connaissance dans les
rapports avec autrui.
On est tous
différents mais
égaux
-
14
Classement difficile. Il arrive
à se sentir bien dans toutes
les cultures. Mélange.
Valorise quand même la
culture hip-hop.
Son parcours artistique
résume le pourquoi de son
action dans la Zulu Nation.
Beaucoup de participation
dans des groupes hip-hop.
Mettre les gens à l’aise. La
fête. La paix. L’union.
Ça n’a rien changé, parce
que cette conception était
déjà présente dans
l’éducation, dans la vie.
Rencontres. Retrouvailles.
Poser les questions aux
bonnes personnes. Y en a
qui sont là juste pour se
faire un nom. Tous les
mouvements évoluent. Rien
n’est statique. Il faut
accepter l’évolution du
mouvement hip-hop. Dans
la musique, personne n’a
rien inventé, mais pour le
savoir, il faut écouter des
vieux titres.
V.2.2. Participants
Paliers/Participants
T-Rock
Sambo
Chuky
Inconnu
Parcours
Parcours scolaire
classique. Étudiant
en comptabilité. Il
est entré dans le
hip-hop via un ami
de sa sœur
Le Hip-Hop a toujours fait partie de
sa vie. A vu une Battle
(vidéoclip/médias), a fait des cours
de danses, plus recherches.
Volonté de représenter l’équipe
flamande de danse. Réaction des
parents : plus ou moins négative,
ensuite imposition du choix.
Parcours scolaire
classique.
Gestionnaire dans le
magasin Foot Locker
et artiste. Il est arrivé
dans le hip-hop car
ses cousins évolués
déjà dans ce milieu.
Secondaire en informatique. A fait
des études en audio-visuel. Pense à
reprendre ses études plus tard. A
commencé la danse seul. A vu des
danseurs, les dynamics dans la
gare, et a aimé. Connaissait déjà
les membres du groupe avant.
Bonne affinité. A commencé à
danser dans une gare. Réaction des
parents : très mauvaise, a caché au
début. Aujourd’hui bonne
acceptation.
Connaissance des
origines culturelles
Sujet tabou. Mère
polynésienne et
père congolais.
Né en Angleterre. A vécu à Paris.
Origines : Franco-anglaises. Welsh
(Gallois. Pays de Galles).
Il connaît bien ses
racines marocaines
car il adore l'histoire
Retourne souvent dans son pays
d’origine, mais ça ne l’inspire pas
pour la danse. A grandi dans la
15
Élevé dans une
famille d'accueil
belge.
Connaissance approximative,
concerne plus les valeurs. Est fier
de ses origines. Élevé dans un
environnement multiculturel, dû
aux déplacements. Aurait une
préférence pour la culture
anglaise.
et pour lui c'est
primordial de savoir
d'où on vient pour
pouvoir avancer.
culture vietnamienne.
Influence de la
culture d’origine
dans l’art
Il s'inspire de
mouvements
polynésiens et de
pas de danse
congolais dans ces
prestations
C’est naturel, ça se voit dans le
style. Ça à avoir avec le corps.
Évolution naturelle. Dans la vie de
tous les jours, valorise un mix des
racines, des expériences et du vécu
quotidien.
Sa culture d'origine
influence
énormément son art.
Il y inclut par
exemple des
mouvements de
danse orientale
La culture n’influence pas l’art.
Mélange de plusieurs choses.
Apprentissage au fur et à mesure
des évènements (+corrections)
Différences
culturelles et hiphop
Découverte
d'autres
mouvements de
danse. Les
différentes cultures
enrichissent le hiphop
Quand on se réunit, les différences
sont manifestes. Hip-Hop, culture
du futur = il n’y a pas de racisme.
C'est une question
de personnalité
Oui mais il y a toujours des petites
tensions, et commentaires, des
propos entre néerlandophones francophones.
Conflit d'ordre
artistique
Si il y a des conflits, c’est
personnel, ça n’a rien avoir avec
les origines culturelles. Gestion :
Conflit d'ordre
artistique et manque
de respect
Tout le monde n’est pas comme ça.
Entente. Ce n’est pas forcément la
culture. « On se supporte comme
Relations, chocs
culturels et conflits
16
par la danse
notamment entre
flamands et
bruxellois (ils ne se
disent même pas
bonjour)
on peu, on s’accepte comme on
est ».
Type de culture
valorisée
Culture belge
1Familiale – 2Hip-Hop –
3Belge/Anglaise
Culture familiale et
héritage religieux
1Hip-Hop pour la danse, 1Famille
dans la vie. Le reste vient après
Apport de
l’expérience Zulu
Nation
Approche
multiculturelle et
intérêt pour
comprendre l'autre
Compétitions professionnelles.
Ramener l’art de la rue à un
environnement professionnel.
Aspect familial et
ouverture d'esprit
Évènements, bonne ambiance
(motivation)
Multiculturalité et
révision des
stéréotypes
Appréhension
envers la culture
arabe. Il a appris à
la connaître
Oui. Mais a toujours eu l’esprit
ouvert. Respect des cultures
différentes.
Déjà très ouvert
grâce à sa culture
d'origine. Il n'a pas
eu besoin de revoir
des stéréotypes
Nouveaux amis et connaissances
inattendues
Ajouts
-
La culture Hip-Hop c’est la culture
du futur
17
-
_
V.3.
Interprétation des résultats et analyse
De façon générale, on constate une non prise en compte de la variable culturelle dans les
relations. On sait qu’elle est là et qu’elle peut poser problème, mais on n’en tient pas compte.
Par ailleurs, d’autres types que la culture nationale sont mentionnés : culture religieuse,
linguistique, d’habitation, etc. Les problèmes culturels sont d’autant plus complexes qu’ils
peuvent toucher des entités culturelles différentes, mais aussi des cultures à l’intérieur de la
même culture. Certains ont évoqués des problèmes culturels au sein de leurs cultures (Chuky
pour la culture musulmane).
Pourtant, tous ont fait l’expérience de loin ou de près du rejet dû à la culture. Leur origine
peut interférer dans la relation avec l'autre mais en dehors du hip-hop. Dans ces cas-là, peu y
prêtent attention. Ils passent outre les insultes verbales. Du moins, aucun des interviewés n’a
évoqué de batailles, etc. dans ce sens.
Que ce soit chez les organisateurs ou les participants, on constate peu de conflits, sinon aucun
à caractère culturel. Les vrais conflits sont ailleurs, ce sont des conflits artistiques ou liés à la
personnalité. Quelques-uns ont déploré le manque de respect de certains concurrents qui
oublient les règles de politesse. Les conflits semblent se développer de façon plus marquée
entre flamands et bruxellois (dire bonjour, se saluer avant de danser, se resaluer à la fin de la
Battle). Il y a aussi des clash d'ordre artistique, une personne qui n'accepte pas que la figure
de l'autre soit mieux reçue que la sienne, des pas jugés non originaux...etc.
La culture est ainsi prise comme ‘prétexte’ (le mot a été repris plus d’une fois, ce qui prouve
son importance). Chez les participants, c’est en situation de compétition que l’argument
culturel est activé. C’est plus une excuse lorsque l’on manque en performance, ou un dernier
recours quand on est à court d’arguments. Il en est de même, pour les regroupements. C’est
davantage une question de personnes, d’individus, d’affinités ou même d’objectifs de travail.
La langue et la religion sont les moyens les plus employés à cette fin. Le rap par exemple
semble être plus utilisé pour renforcer les différences culturelles, notamment à travers les
mots. La plupart de nos interviewés ont souligné l’importance des mots, les mots qui
blessent, qui sont manipulés dans cette intention. Le rap utiliserait donc sa seule arme, la
parole, pour accroître les divergences culturelles.
L’ambiance générale entre les organisateurs et les participants est ‘familiale’. Les relations ne
sont pas hiérarchiques, basées sur l’autorité. Il y a plutôt une entente et une coopération entre
eux, dans le respect et la bonne humeur. Les fondateurs de l’Universal Zulu Nation comme
Africa Bambataa sont appelés ‘pères’ par exemple. De plus, la culture familiale est l’une des
cultures qui est le plus favorisée, à côté du hip-hop. Les concernés se réclament de la culture
hip-hop comme tous les hommes s’estiment être citoyens du monde, mais chacun reste
attaché à sa terre, sa culture première.
Pour rejoindre le mouvement, chacun a profité des conseils ou recommandation d’un ami ou
d’un membre de la famille. Cela amplifie le caractère ‘familial’ des relations. Arriver dans le
18
hip-hop, c’est d’abord une question de passion. La plupart des interviewés sont passionnés de
break danse et de hip-hop depuis qu'ils sont tout petits. Et depuis qu’ils sont ‘tombés dedans’,
ils ne décrochent plus. C'est une passion mais ils ne veulent pas forcément en faire leur
métier. Tous les participants interrogés ont eu un parcours scolaires classique. Certains
pensent à reprendre leurs études dans l’avenir, mais seul T-Rock espère pouvoir en vivre un
jour.
La culture d'origine est importante mais est parfois un sujet tabou notamment pour T-rock, né
au Congo mais élevé dans une famille d'accueil en Belgique. La culture dont il se sent la plus
proche est la culture belge. Elle lui a beaucoup apporté, un certain recul sur soi et une
ouverture d'esprit. Pour Chuky, la culture d'origine marocaine est essentielle. Il se ressource
une fois par an au Maroc. Il connaît ses racines par cœur et ne pourrait pas évoluer
quotidiennement s'il les ignorait. Pour lui, sa culture marocaine, qu'il qualifie de « villageoise
pauvre » lui a permis d'être courageux, modeste et très ouvert.
Tous les participants savent d’où ils viennent et ils le valorisent. Certains beaucoup moins
que d’autres. Pour la plupart, ils valorisent le vécu comme philosophie de vie. Les
expériences vécues au jour le jour les aident à grandir. Ça leur permet de faire le pont entre
leurs racines, leurs origines et les expériences du quotidien. Cependant, dans leurs danses,
l’origine culturelle est mise en avant. Ils effectuent des pas, des mouvements qui viennent de
leur culture pour enrichir et améliorer leur art. C'est une question d'expression personnelle
voire personnalisée.
Nos interviewés se considèrent culturellement comme des ‘caméléons’ ; c’est un mélange
assez homogène entre les expériences passées et quotidiennes, la culture familiale et
scolaires, etc. Il est intéressant de voir qu’en dépit des intolérances mondiales en termes de
culture, plusieurs cultures même diamétralement opposées peuvent cohabiter dans une même
personne. Chacun amène un peu de soi, de sa culture dans le hip-hop, mais les différences ne
s’effacent pas. « On se supporte comme on peu, on s’accepte comme on est ».
Le sectarisme est à la fois une caractéristique du mouvement, et en même temps un obstacle à
dépasser. En effet, il « …existait déjà au départ de la fondation de cette culture dans les
années 70 (..), cette culture est née principalement de deux groupes défavorisés principaux
qui étaient les latinos et les noirs américains. Déjà il y avait cette idée de sectarisme, de
rejet, de recherche de soi-même, de richesse de sa propre culture, etc. Le hip-hop est quand
même né d’une sorte de révolution culturelle personnelle, pour essayer de montrer au reste
du monde que si on habite dans le ghetto, on habite dans les quartiers qui sont peut-être plus
‘défavorisés’ que d’autres, on a quand même une richesse culturelle artistique » (Phil)
Dans la Zulu Nation, on a vraiment l’opportunité de revoir sa conception des autres cultures,
religions, etc. notamment par les diverses rencontres. Néanmoins, une volonté de comprendre
l’autre doit être activée pour arriver à cette compréhension.
L’expérience Zulu Nation est une expérience interculturelle par excellence, de l’interculturel
à l’état pur. Elle amène réellement sur les sentiers de la communication entre cultures
différentes. Et le hip-hop, à travers toutes ses manifestations en offre un cadre idéal. Les
19
organisateurs aussi bien que les participants y voient l’occasion de voyager, d’apprendre, de
faire de nouvelles rencontres et de se mesurer aux autres par le biais des compétitions
(participants). On acquiert avec le temps une plus grande ouverture d'esprit et l'envie de
comprendre l'autre et ses différences, donc de réviser ses jugements. De temps à autres, les
différences sont oubliées, mais personne n’oublie jamais vraiment longtemps d’où il vient.
Chacun arrive avec la volonté d’affirmer son appartenance à une culture particulière. Par la
suite, cette culture devient un moyen d’entrer en relation avec l’autre, et de le comprendre, un
moyen d’approcher l’homme à l’intérieur de la culture. Une culture d’ouverture culturelle : «
La base du mouvement, c'est l'ouverture culturelle au monde entier pour faire quelque chose
de la diversité culturelle. La volonté du mouvement est de casser les barrières, aller plus loin
que les préjugés ». (Phil). En effet, le but de la Zulu Nation est d’ouvrir la culture Hip-Hop à
toutes les cultures et tous les continents sur base d’une diversité culturelle. L’ouverture
culturelle est également fonction de la maturité et des expériences personnelles. Si pour
communiquer avec les autres il faut les connaître, l’organisation offre un cadre privilégié de
rencontre par l’art et permet ainsi d’accroître la connaissance des autres, et donc la
communication, moyennant un effort et une volonté minimum.
20
VI.
Conclusion
L'hypothèse de départ était que le hip-hop permet de réellement dépasser les barrières
culturelles c'est-à-dire qu'il est au-dessus de tout et représente un art de vivre ensemble.
Nous avons pu constater lors de nos observations et entretiens que le hip-hop est l'une des
principales références culturelles des personnes interrogés dans le cadre de la Zulu Nation
Belgian Chapter. Cette culture hip-hop cohabite avec la culture familiale. Cette dernière
permet de garder un pied bien ancré dans ses origines. Les interviewés valorisent le fait de
bien connaître leurs racines pour pouvoir évoluer.
Au travers du hip-hop, les membres de la Zulu Nation mettent en avant leurs diversités
culturelles et s'enrichissent les uns les autres. Les diversités culturelles ne s'effacent donc pas
au profit de l'art comme nous l'avions avancé dans l'introduction. Au contraire, elles servent
comme une valorisation de l'expression personnelle. Il a été évoqué à maintes reprises que les
mouvements dont les participants s'inspiraient venaient de leur culture d'origine mais aussi de
la culture hip-hop. Celle-ci se renouvelle grâce à la créativité, l'originalité et l'authenticité des
mouvements produits par les break danseurs.
On peut en déduire que dans le cadre de la Zulu Nation, le hip-hop est devenu un mécanisme
de communication interculturelle, permettant à des personnes d’origines différentes de
cohabiter dans une bonne ambiance souvent qualifiée de familiale. La volonté de comprendre
l'autre et de vaincre la peur de l'étranger a plusieurs fois été rappelée. Grâce à l'expérience
Zulu Nation, outre la possibilité de faire des voyages, les personnes interrogées ont fait de
nouvelles rencontres qui leur ont permis de revoir certains préjugés vis-à-vis de l'autre. En
particulier au niveau des différences religieuses (juif/musulman et chrétien/musulman).
En fin de compte, la communication interculturelle au sein de la Zulu Nation est
fondamentale même si les membres s'y considèrent plus par le biais soit du travail, soit de la
compétition. Or la culture est présente de façon inconsciente et involontaire dans les relations
qu'ils entretiennent les uns les autres tant au niveau des participants que des organisateurs.
Nous avons pu le vérifier concernant la formation des groupes de travail et des équipes de
danse.
Nous pouvons dire finalement, qu'évoluer dans le hip-hop implique d'être dans un réel
dialogue avec l'autre et sa culture. Le hip-hop est autant un partage de connaissances
artistiques (les différentes figures de danse dans notre cas) que d'éléments culturels (d'où
vient l'autre ou de quoi est-il fait).
21
22
Annexe 1. Feuilles d’entretien
I.
Organisateurs
1. Identité :
o Âge
o Sexe
o Profession
o background (parcours)
o lieu de naissance
o culture d’origine
o nationalité
o lieu d’habitation
2. Quelles sont vos origines ? Savez-vous d’où viennent vos ancêtres ? Comment
définiriez-vous votre culture ?
Dans quelle(s) culture(s) vous avez été élevé ?
De quelle culture vous sentez-vous le plus proche ?
3. Les différences culturelles s'effacent-elles au profit de l'art ? Comment la diversité
culturelle enrichit le hip-hop ?
4. Choc culturel, conflit, incompréhension.
Avez-vous déjà eu un choc culturel lors d’événements (Battle, concert…) ?
Avez-vous déjà été dans une situation où la culture de l’autre ou la vôtre interférait dans
la relation communicationnelle ?
Avez-vous déjà été confrontés à des incompréhensions (culturelles) concernant des
comportements, vocabulaire, réaction de l’autre ?
Lorsque des conflits éclatent (entre organisateurs ou avec des participants), est-ce que le
facteur ‘culture’ est déterminant ? Comment les conflits sont-ils gérés ? Comment sontils résolus ? Le ‘culturel’ intervient-il ?
5. Quelle est l’ambiance de travail dans l’organisation, du point de vue de la culture. Est-ce
que des groupes (d’amis ou autres) sont constitués en fonction du facteur culturel ?
6. Comment voyez-vous les relations entre les groupes de participants ? Constatez-vous des
affinités ou conflits en rapport avec la culture ?
7. Comment classeriez-vous ces différentes cultures ? quelle importance leur accordezvous?
o Culture belge
o Culture familiale
o Culture hip-hop
o autre (à préciser).
23
8. Qu’est-ce que l’expérience Zulu Nation vous apporte ?
9. Le fait de côtoyer plusieurs cultures vous a-t-il permis de revoir certaines visions des
autres ?
10. Avez –vous quelque chose à ajouter ?
II.
Participants
1. Identité :
o Âge
o Sexe
o Profession
o Groupe
o Nom de scène
o background (parcours)
o Motivation (choix de l’art ou du groupe)
o lieu de naissance
o culture d’origine
o nationalité
o lieu d’habitation
2. Comment êtes-vous arrivés dans le hip-hop ? (par passion, par « embrigadement », par
curiosité) ; Comment s’est constitué votre groupe ? Sur quelle(s) base(s) ? Qu’est-ce qui
fait que vous exerciez ce métier aujourd’hui ? Comment ont réagi vos parents concernant
vos projets d’avenir ?
Depuis combien de temps ?
Régularité/ Fidélité au groupe?
3. Quelles sont vos origines ? Savez-vous d’où viennent vos ancêtres ? Comment
définiriez-vous votre culture ?
Dans quelle(s) culture(s) vous avez été élevé ?
De quelle culture vous sentez-vous le plus proche ?
4. En quoi votre culture d’origine influence-t-elle votre art ? Comment avez-vous intégré la
culture hip-hop ? comment arrivez-vous à faire le lien avec votre culture d’origine ? Quel
impact cela a-t-il sur vous personnellement?
5. Qu’est-ce que vous valorisez davantage, votre passé et vos racines ou bien votre vécu
quotidien ? Des deux, lequel est, selon vous, le plus important ?
24
6. Les différences culturelles s'effacent-elles au profit de l'art ? Comment la diversité
culturelle enrichit le hip-hop ?
7. Choc culturel, conflit, incompréhension.
Avez-vous déjà eu un choc culturel lors d’événements (Battle, concert…) ?
Avez-vous déjà été dans une situation où la culture de l’autre ou la vôtre interférait dans
la relation communicationnelle ?
Avez-vous déjà été confrontés à des incompréhensions (culturelles) concernant des
comportements, vocabulaire, réaction de l’autre ?
Lorsque des conflits éclatent dans le groupe, est-ce que le facteur ‘culture’ est
déterminant ? Comment les conflits sont-ils gérés ? Comment sont-ils résolus ? Le
‘culturel’ intervient-il ?
8. Comment classeriez-vous ces différentes cultures ? quelle importance leur accordezvous?
o Culture belge
o Culture familiale
o Culture hip-hop
o autre (à préciser).
9. Qu’est-ce que l’expérience Zulu Nation vous apporte ?
10. Le fait de côtoyer plusieurs cultures vous a-t-il permis de revoir certaines visions des
autres ?
11. Avez-vous quelque chose à ajouter ?
25
Annexe 2
LESSONS...7
Qui peut être impliqué dans la Zulu Nation ?
Chaque personne qui croit aux différents buts de l’organisation et qui est
capable d’évoluer, tant individuellement que dans un groupe, peut se considérer
comme capable de rentrer dans la Zulu Nation. Nous travaillons également avec
n’importe quelle organisation qui croit en ce que nous faisons. Nous
encourageons également toutes les femmes, les personnes âgées et les jeunes à
se joindre à l’organisation. Le seul moyen de s’élever en tant que personne est
d’oublier les différences et de prendre soin de ses familles, de ses amis et de
supporter le système pour trouver des solutions aux différents problèmes avant
que quelqu’un vienne dire ce qu’il faudrait faire.
D’où vient le nom Zulu Nation ?
La Zulu Nation est une grande tribu d’Afrique du Sud devenue un empire sous le
commandement de SHAKA ZULU, un des plus grand Chefs (leader) Zulu.
Que veut dire le mot Zulu ?
Le mot Zulu veut dire "Le paradis"
Que veut dire le mot Zulu mis en relation avec ‘The Universal Zulu Nation" ?
7
Informations complémentaires disponibles sur le site officiel de la Zulu Nation Belgian Chapter :
http://zulunationbelgianchapter.blogspot.com/p/about-us_11.html
26
Le mot veut dire "Le paradis" et "la force dans le nombre"
Que veut dire le mot AMAZULU pour l’Universal Zulu Nation ?
Le mot AMAZULU veut dire "Les gens du paradis"
27
Annexe 3. Les flyers de La Red Bull BC One Belgium Cypher
28
Annexes 4. Photos de l’évènement Red Bull BC One Belgium
Cypher du 1er Mai 2012
29
30
31
Table des matières
I.
INTRODUCTION ............................................................................................................. 2
I.1.
Problématique.............................................................................................................. 2
I.2.
Question de départ et hypothèse.................................................................................. 2
II.
Méthodologie ..................................................................................................................... 3
II.1.
Présentation des méthodes .......................................................................................... 3
II.2.
Préparation du terrain .................................................................................................. 3
II.3.
Terrain ......................................................................................................................... 3
III.
Cadre théorique ............................................................................................................... 4
III.1.
L’étranger ................................................................................................................ 4
III.2.
Les composantes d’une culture................................................................................ 5
III.2.1.
Le contexte ....................................................................................................... 5
III.2.2.
La place réservé au temps : polychronie – monochronie ................................. 5
III.2.3.
Proxémique culturelle ...................................................................................... 5
III.2.4.
Les chaînes d’action ......................................................................................... 5
III.2.5.
Les valeurs........................................................................................................ 5
III.3.
IV.
Obstacles à la communication interculturelle .......................................................... 6
Définition des concepts opératoires ................................................................................ 6
IV.1.
Hip-Hop ................................................................................................................... 6
IV.2.
L’Universal Zulu Nation ......................................................................................... 7
IV.3.
Création de la Zulu Nation Belgian Chapter ........................................................... 7
Le hip-hop dans la Zulu Nation ‘Belgian Chapter’ ........................................................... 8
V.
ANALYSE ......................................................................................................................... 8
V.1. Profil général des interviewés ................................................................................... 10
V.1.1.
Organisateurs ..................................................................................................... 10
V.1.2.
Participants ......................................................................................................... 10
V.2. Catégorisation : Réponses aux questions en fonction des paliers ............................. 11
V.2.1.
Organisateurs ..................................................................................................... 11
V.2.2.
Participants ......................................................................................................... 15
V.3. Interprétation des résultats et analyse........................................................................ 18
VI.
Conclusion .................................................................................................................... 21
Annexes……………………………………………………………………………....22
32
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