HISTOIRE DE LA GAULE
TOME IV
LA CONQUÊTE ROMAINE ET LES PREMIÈRES INVASIONS
GERMANIQUES
CAMILLE JULLIAN
PARIS. - 1909
CHAPITRE I. — LES ROMAINS DÉTRUISENT L’EMPIRE ARVERNE.
I. Situation de l’Empire arverne dans le monde. — II. Des causes de l’intervention
romaine. — III. — Les deux campagnes de Provence. — IV. La grande guerre contre
Allobroges et Arvernes. — V. La création de la province de Gaule. — VI. Dislocation
de l’Empire gaulois. — VII. Le déclin de la civilisation gauloise. — VIII. La ruine
commence pour Marseille.
CHAPITRE II. — LES CIMBRES ET LES TEUTONS.
I. Le danger germanique. — II. Formation des peuplades germaniques. — III. Les
Cimbres et les Teutons. — IV. Les Cimbres fugitifs dans l’Europe centrale. — V. Rome
affaiblit les États celtiques. — VI. La victoire des Cimbres à Noréia. — VII. Le monde
barbare en mouvement vers le sud. — VIII. Campagnes contre les Helvètes et les
Volques. — IX. La bataille d’Orange. — X. La dévastation de l’Occident. — XI. Marius
en Provence. — XII. La bataille d’Aix. — XIII. Conséquences de la bataille pour la
Gaule. — XIV. La bataille de Verceil. — XV. Conséquences de la guerre pour
l’histoire de Rome.
CHAPITRE III. — SERTORIUS ET POMPÉE.
I. Condition légale de la Province. — II. Le gouvernement de la Gaule au temps de
Marius et de Sylla. — III. Sertorius. — IV. Le passage de Pompée en Gaule. — V. Le
gouvernement de Fontéius en Gaule. — VI. La politique de Pompée en Occident. —
VII. Les dernières résistances des Allobroges. — VIII. Hellénisme et latinité dans la
Province romaine.
CHAPITRE IV. — CELTILL L’ARVERNE.
I. Celtill restaure l’Empire arverne. — II. L’empire belge des Suessions et la
thalassocratie vénète. — III. Ruine des empires de Celtill et des Suessions. — IV. Les
temps de l’anarchie. — V. Progrès de l’influence latine. — VI. Approche des Daces
et des Suèves.
CHAPITRE V. — ARIOVISTE ET CÉSAR.
I. Burbista et Arioviste. — II. Arioviste au service des Séquanes. — III. La Gaule
vaincue par Arioviste. — IV. — Le complot national. — V. Diviciac à Rome ; la
politique du sénat. — VI. Jules César. — VII. Nécessité de l’intervention romaine.
CHAPITRE VI. — LA CAMPAGNE CONTRE LES HELVÈTES.
I. L’armée de César. — II. Rôle de la Narbonnaise pendant la conquête. — III. César
arrive à Genève. — IV. Les Helvètes écartés de la Province. — V. La frontière franchie
par César. — VI. Entente de César avec les Éduens. — VII. La poursuite des Helvètes
et la ruine de Dumnorix. — VIII. La défaite des Helvètes. — IX. Conséquences de
cette défaite.
CHAPITRE VII. — LA CAMPAGNE CONTRE ARIOVISTE.
I. La Gaule appelle César contre Arioviste. — II. La marche de l’armée vers le nord.
III. L’entrevue de César et d’Arioviste. — IV. La défaite d’Arioviste. — V.
Conséquences de cette bataille.
CHAPITRE VIII. — CONQUÊTE DE LA BELGIQUE.
I. Mainmise de César sur la Celtique. — II. Assemblée des Belges et entente de César
avec les Rèmes. — III. Combats sur l’Aisne. — IV. Soumission de la Belgique au sud
des Ardennes. — V. Bataille de la Sambre.VI. Conquête des Ardennes ; la
forteresse des Aduatiques. — VII. Expédition de Crassus en Armorique. — VIII.
L’annexion apparente de toute la Gaule.
CHAPITRE IX. — CAMPAGNES PRÈS DES FRONTIÈRES.
I. Erreurs et rêves de César. — II. L’affaire du Valais. — III. Soulèvements partiels en
Gaule. — IV. Préparatifs de César : l’armée divisée en cinq corps. — V. Campagne
navale contre les Vénètes. — VI. Campagne de Sabinus en Normandie. — VII.
Conquête de l’Aquitaine par le jeune Crassus. — VIII. César en Flandre. — IX. Premier
essai d’organisation de la Gaule.
CHAPITRE X. — CAMPAGNES DE GERMANIE ET DE BRETAGNE.
I. Motifs des guerres de Germanie et de Bretagne. — II. Le massacre des Usipètes et
Tenctères. — III. Passage du Rhin. — IV. Débarquement en Bretagne. — V. Préparatifs
de la conquête de la Bretagne. — VI. Hésitations et retards de César. — VII. La
grande expédition de Bretagne. — VIII. Échec des grands desseins de César.
CHAPITRE XI. —AMBIORIX FT LA RÉVOLTE GÉNÉRALE.
I. Causes de l’échec des précédentes révoltes. — II. Le complot de 54 : Ambiorix. —
III. Début de l’insurrection : le rôle des druides. — IV. La victoire d’Ambiorix et le
massacre des légats. — V. Le siège du camp de Quintus Cicéron. — VI. La
délivrance de Quintus Cicéron. — VII. Échec du soulèvement général. — VIII. Les
représailles. — IX. Le second passage du Rhin. — X. La chasse à Ambiorix. — XI.
César revient en Italie. — XII. La conjuration générale.
CHAPITRE XII. — VERCINGÈTORIX : LA VICTOIRE.
I. L’organisation de la révolte. — II. Adversaires et auxiliaires de Vercingétorix. — III.
Le premier plan de Vercingétorix. — IV. Les opérations du retour de César. — V. De
Sens à la frontière biturige. — VI. La nouvelle tactique gauloise. — VII. Le siège de
Bourges : les opérations autour des camps. — VIII. Le siège de Bourges : les
opérations devant la ville. — IX. Le lendemain du siège ; progrès de Vercingétorix. —
X. Embarras et nouveaux plans de César. — XI. La campagne de Labienus autour
de Paris. — XII. Le siège de Gergovie : fautes et mécomptes de César. — XIII. César
repoussé de Gergovie. — XIV. César s’apprête à quitter la Gaule. — XV.
Vercingétorix, chef de toute la Gaule.
CHAPITRE XIII. — VERCINGÉTORIX : LA DÉFAITE.
I. Mécontentement des Éduens.II. Plan de campagne de Vercingétorix. — III. La
rencontre décidée par Vercingétorix. — IV. La défaite de la cavalerie gauloise. — V.
La retraite sur Alésia.VI. Travaux de César devant Alésia. — VII. La préparation de
l’année de secours. — VIII. L’attente à Alésia. — IX. Les deux premiers combats. — X.
La dernière bataille d’Alésia. — XI. Vercingétorix se rend à César.
CHAPITRE XIV. — LES DERNIÈRES RÉSISTANCES.
I. Résultats pour César de la guerre de Vercingétorix. — II. Soumission de la Gaule
centrale. — III. Plan des nouveaux conjurés. — IV. Campagnes contre les Carnutes
et les Belges. — V. Campagnes de l’Ouest. — VI. La résistance d’Uxellodunum. — VII.
La soumission de Comm.
CHAPITRE XV. — LA CHUTE DE MARSEILLE.
I. État de la Gaule. — II. La Gaule réduite en province. — III. César quitte la Gaule.
IV. Marseille résiste à César. — V. Les débuts du siège. — VI. La première victoire
navale de Brutus. — VII. La seconde défaite navale des Marseillais. — VIII. Les
opérations du côté de la terre. — IX. Marseille se rend à César.
CHAPITRE I. — LES ROMAINS DÉTRUISENT L’EMPIRE ARVERNE1.
I. — SITUATION DE L’EMPIRE ARVERNE DANS LE MONDE.
Au milieu du second siècle avant notre ère, le peuple des Arvernes avait réussi à
faire de toute la Gaule un seul État. Sa domination atteignait les limites
naturelles de la contrée : elle touchait aux Pyrénées et aux Alpes, à l’Océan, au
Rhin et à la Méditerranée. Les peuplades qui lui obéissaient n’étaient pas
groupées uniquement par la force. Elles avaient une origine et des traditions
communes ; elles adoraient des dieux semblables et parlaient une seule langue.
D’étroites relations de commerce et d’amitié les réunissaient. On sentait chez
toutes la même confiance en leur race, le même orgueil du nom d’alliance. La
nation qui leur commandait était la plus riche et la plus forte ; sa situation
centrale faisait d’elle le lien naturel de toutes les régions de son vaste empire. La
Gaule présentait les conditions nécessaires pour vivre d’une vie originale et forte,
et pour créer une patrie durable.
Par malheur, de nombreuses causes de faiblesse pouvaient enrayer la croissance
de cette grande nation, et mettre en péril son existence même. Dans les régions
naturelles de la France, il s’était formé des peuplades distinctes, ayant leurs
intérêts et leurs caractères propres : chacune se querellait avec ses voisines, et
toutes, sans doute, jalousaient la peuplade souveraine. A l’intérieur de ces petits
États, le cours régulier de la vie publique était troublé par les menées des
grands. Ardents, inquiets, batailleurs, d’humeur changeante et d’un incurable
amour-propre, les Celtes et les Belges s’accommodaient mal de ce régime
d’unité, qui suppose une entente continue, des sacrifices réciproques, la pratique
monotone des travaux de la paix. Des rancunes de peuples et des ambitions de
chefs s’agitaient sans cesse à l’intérieur de l’Empire arverne. — D’autres périls le
menaçaient à ses frontières.
Au nord, il touchait aux Barbares de la Germanie. Les causes qui avaient jadis
entraîné les Celtes et les Belges vers ce côté du Rhin étaient de celles qui durent
toujours : le désir d’un ciel plus gai et de terres plus riches2, une population trop
nombreuse3, l’habitude de demander à la guerre les moyens de vivre1, les
1 De Catel, Mémoires de l’hist. du Languedoc, 1633, p. 432 et suiv. ; Bouche, La
Chorographie de Provence, I, 1664, p. 407 et suiv. ; Devic et Vaissette, Hist. gén. de
Languedoc, n. éd., I, 1872, p. 71 et suiv. ; [des Ours de Mandajors], Hist. crit. de la
Gaule Narbonnaise, 1733, p. 87 et suiv. ; de Fortia d’Urban, Antiquités... de Vaucluse, I,
1808, p. 241 et suiv. ; Amédée Thierry, I, p. 550 et suiv. ; Fischer, Rœmische Zeittafeln,
1846, p. 146 et suiv. ; Zumpt, Studia Romana, 1859, p. 15 et suiv. (de Gallia
Romanorum provincia) ; Mommsen, Rœmische Geschichte, II (Ire éd., 1855), p. 159-164
; Herzog, Galliæ Narbonensis... historia, 1864, p. 43 et suiv. ; Vogel, De Romanorum in
Gallia Transalpina gestis ante... Cæsarem, Friedland, 1873 (insignifiant) ; Desjardins,
Géographie, II, 1878, p. 270 et suiv. ; Neumann, Geschichte Roms, I, 1881, p. 277 et
suiv. ; de Witte, Bull.... des Ant. de Fr., 1882, p. 342-3, 348 ; G. Ritter, Untersuchunger
zu dem Allobrogischen Krieg, Hof, 1885 (progr.) ; Lebègue, Fastes de la Narbonnaise
(Hist. gén. de Languedoc, n. éd., XV, 1893), p. 5 et suiv. ; Klebs dans l’Encyclopädie
Wissowa, III, 1897, c. 546-8 ; Münzer, ibid., V, 1903, c. 1322-4 ; (Bullock) Hall, The
Romans on the Riviera, 1898, p. 81 et suiv.
2 César, De b. G., I, 31, 11 ; Tacite, Hist., IV, 73.
3 Plutarque, Marius, 11.
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