CHAPITRE I. — LES ROMAINS DÉTRUISENT L’EMPIRE ARVERNE1.
I. — SITUATION DE L’EMPIRE ARVERNE DANS LE MONDE.
Au milieu du second siècle avant notre ère, le peuple des Arvernes avait réussi à
faire de toute la Gaule un seul État. Sa domination atteignait les limites
naturelles de la contrée : elle touchait aux Pyrénées et aux Alpes, à l’Océan, au
Rhin et à la Méditerranée. Les peuplades qui lui obéissaient n’étaient pas
groupées uniquement par la force. Elles avaient une origine et des traditions
communes ; elles adoraient des dieux semblables et parlaient une seule langue.
D’étroites relations de commerce et d’amitié les réunissaient. On sentait chez
toutes la même confiance en leur race, le même orgueil du nom d’alliance. La
nation qui leur commandait était la plus riche et la plus forte ; sa situation
centrale faisait d’elle le lien naturel de toutes les régions de son vaste empire. La
Gaule présentait les conditions nécessaires pour vivre d’une vie originale et forte,
et pour créer une patrie durable.
Par malheur, de nombreuses causes de faiblesse pouvaient enrayer la croissance
de cette grande nation, et mettre en péril son existence même. Dans les régions
naturelles de la France, il s’était formé des peuplades distinctes, ayant leurs
intérêts et leurs caractères propres : chacune se querellait avec ses voisines, et
toutes, sans doute, jalousaient la peuplade souveraine. A l’intérieur de ces petits
États, le cours régulier de la vie publique était troublé par les menées des
grands. Ardents, inquiets, batailleurs, d’humeur changeante et d’un incurable
amour-propre, les Celtes et les Belges s’accommodaient mal de ce régime
d’unité, qui suppose une entente continue, des sacrifices réciproques, la pratique
monotone des travaux de la paix. Des rancunes de peuples et des ambitions de
chefs s’agitaient sans cesse à l’intérieur de l’Empire arverne. — D’autres périls le
menaçaient à ses frontières.
Au nord, il touchait aux Barbares de la Germanie. Les causes qui avaient jadis
entraîné les Celtes et les Belges vers ce côté du Rhin étaient de celles qui durent
toujours : le désir d’un ciel plus gai et de terres plus riches2, une population trop
nombreuse3, l’habitude de demander à la guerre les moyens de vivre1, les
1 De Catel, Mémoires de l’hist. du Languedoc, 1633, p. 432 et suiv. ; Bouche, La
Chorographie de Provence, I, 1664, p. 407 et suiv. ; Devic et Vaissette, Hist. gén. de
Languedoc, n. éd., I, 1872, p. 71 et suiv. ; [des Ours de Mandajors], Hist. crit. de la
Gaule Narbonnaise, 1733, p. 87 et suiv. ; de Fortia d’Urban, Antiquités... de Vaucluse, I,
1808, p. 241 et suiv. ; Amédée Thierry, I, p. 550 et suiv. ; Fischer, Rœmische Zeittafeln,
1846, p. 146 et suiv. ; Zumpt, Studia Romana, 1859, p. 15 et suiv. (de Gallia
Romanorum provincia) ; Mommsen, Rœmische Geschichte, II (Ire éd., 1855), p. 159-164
; Herzog, Galliæ Narbonensis... historia, 1864, p. 43 et suiv. ; Vogel, De Romanorum in
Gallia Transalpina gestis ante... Cæsarem, Friedland, 1873 (insignifiant) ; Desjardins,
Géographie, II, 1878, p. 270 et suiv. ; Neumann, Geschichte Roms, I, 1881, p. 277 et
suiv. ; de Witte, Bull.... des Ant. de Fr., 1882, p. 342-3, 348 ; G. Ritter, Untersuchunger
zu dem Allobrogischen Krieg, Hof, 1885 (progr.) ; Lebègue, Fastes de la Narbonnaise
(Hist. gén. de Languedoc, n. éd., XV, 1893), p. 5 et suiv. ; Klebs dans l’Encyclopädie
Wissowa, III, 1897, c. 546-8 ; Münzer, ibid., V, 1903, c. 1322-4 ; (Bullock) Hall, The
Romans on the Riviera, 1898, p. 81 et suiv.
2 César, De b. G., I, 31, 11 ; Tacite, Hist., IV, 73.
3 Plutarque, Marius, 11.