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L’ESSENTIEL DU COURS
Accumulation du capital, organisation du travail et croissance économique 7
L’ESSENTIEL DU COURS
Accumulation du capital, organisation du travail et croissance économique
mieux répondre à la demande des consommateurs.
Le progrès technique, sous ses différentes formes, est
donc un puissant facteur de croissance.
La croissance dépend, ainsi, des choix des entre-
prises dans le domaine de l'investissement et de
la recherche et développement, mais également
des décisions des pouvoirs publics en matière
d’infrastructures, de soutien à l’innovation et à la
formation de main-d’œuvre.
Les limites de la croissance
La poursuite effrénée de la croissance engendre,
pour la population, des effets pervers qui amènent
à s’interroger sur les bénéfices d’un niveau de vie
toujours plus élevé. Ainsi, le stress au travail, l’insa-
tisfaction entretenue et permanente, la dégradation
de la santé liée à l’abondance (« la malbouffe »)
constituent des formes « d’aliénation douce » qui
remettent en cause l’intérêt de cette quête.
Par ailleurs, depuis plusieurs décennies émergent
des interrogations sur les effets pervers à long
terme de nos modèles de croissance. En effet, la
croissance est une évolution purement quanti-
tative qui détruit des ressources primaires non
renouvelables et qui a des répercussions parfois
irréversibles sur l’environnement. Quand les émis-
sions de CO2 mettent en danger la qualité de l’air,
quand la pollution des eaux souterraines entraîne
des inquiétudes pour la santé humaine, la prise en
compte des effets des activités économiques sur
l’environnement devient urgente.
Ces préoccupations, désormais largement parta-
gées, ont conduit les organisations internationales
et les gouvernements à promouvoir la notion de
développement durable.
L’approche en termes de développement durable
est une façon de prendre en compte ces phé-
nomènes négatifs en essayant de les éliminer
progressivement. Il s'agit d'une conception du
développement respectueuse de l’environnement
à long terme.
Enfin, le regard critique s’est porté depuis quelques
années sur la nature des indicateurs de croissance :
le PIB (et le PIB par habitant) sont, avant tout, des
indicateurs exclusivement économiques qui ne ren-
dent pas compte du mode de vie de la population,
de ses conditions de travail, de santé et d’éducation,
de ses qualifications ou de sa protection sociale…
d’où la nécessité d’utiliser d’autres indicateurs : le
plus médiatisé est aujourd’hui l’IDH (indice de dé-
veloppement humain) qui intègre des dimensions
plus larges que la seule performance économique,
notamment l’espérance de vie à la naissance et le
niveau d’éducation.
Les analyses théoriques
de la croissance :
des divergences de points de vue
Le débat sur les origines de la richesse et sur son
accroissement a débuté avec Adam Smith, à la fin
du xviiie siècle. Le père de l’école classique a insisté
sur le travail comme source de la croissance éco-
nomique, et notamment sur les effets positifs de
la division du travail. Cependant, d’autres auteurs
classiques, comme David Ricardo, ont mis l'accent
sur les bienfaits d’une division internationale
du travail permettant, par la spécialisation des
économies, d’augmenter la productivité du travail
et la production globale.
D’autres auteurs encore, notamment les néoclas-
siques, valorisant le rôle des quantités de facteurs
de production (travail et capital) dans la production
des richesses. L’école autrichienne, à la fin du
xixe siècle, donne en particulier une grande impor-
tance à l’accumulation du capital.
Fondée sur la valeur du travail, la théorie marxiste
voit, dans l’expansion de l’économie capitaliste, le
résultat d’un détournement de la valeur créée par
le travail au profit des détenteurs du capital. Cette
spoliation de la force de travail par le capital doit,
selon Karl Marx, conduire à terme à l’asphyxie de
l’expansion capitaliste.
Joseph Schumpeter se démarque en insistant sur
le rôle fondamental de l’innovation comme moteur
du progrès économique. Le progrès technique est à
la fois à l’origine des crises qui secouent de manière
cyclique le système économique, et des phases de
prospérité qui, sur le long terme, sont génératrices
de croissance.
L’analyse de John Maynard Keynes, forgée pendant
la grande crise des années 1930, soutient que la
croissance ne peut perdurer que si les structures
économiques sont encadrées via une régulation par
la puissance publique. Cette analyse ouvre la voie
à la longue période d’intervention de l’État entamée
après 1945.
DEUX ARTICLES DU Monde
À CONSULTER
• Le développement durable, nouvelle
rhétorique universelle p. 10
(Marie-Françoise Bechtel, 19 mai 2011)
• Tim Jackson : « Notre modèle actuel
de croissance crée des dommages
irréversibles sur l’environnement » p. 11
(Propos recueillis par Hervé Kempf,
4 janvier 2011)
REPÈRES
Les grandes figures de l’ana-
lyse de la croissance.
Adam Smith (1723-1790)
Fondateur de l’école classique,
il développe, dans son livre La
Richesse des nations (1776), la
« théorie de la main invisible »,
plaidoyer pour l’autorégulation
de l’économie par les méca-
nismes du marché.
David Ricardo (1772-1823)
Auteur de la théorie des avan-
tages comparatifs, il plaide pour
le libre-échange dont, selon lui,
tous les pays tirent profit, y com-
pris les pays « en retard ».
Eugen von Böhm-Bawerk
(1851-1914)
Membre de l’école autrichienne,
il insiste sur l’intérêt du « détour
de production » que constitue
l’usage d’une plus grande quan-
tité de capital, donnant plus d’ef-
ficacité au travail humain.
Karl Marx (1818-1883)
S’appuyant sur les bases de la
théorie classique, il s’en écarte en
dénonçant les contradictions du
capitalisme, miné par le conflit
de classes engendré par l’ex-
ploitation du prolétariat par les
détenteurs du capital. Le premier
tome de son œuvre majeure, Le
Capital, est publié en 1867.
John Maynard Keynes
(1883-1946)
Pendant la crise des années
1930, il révolutionne les modes
de pensée en appelant à la régu-
lation et au soutien de l’activité
économique par l’intervention
volontariste de l’État. Son livre
majeur, La Théorie générale, pa-
raît en 1936.
Joseph Schumpeter
(1883-1950)
Parfois qualifié d’« hétérodoxe », il
met la figure emblématique de l’en-
trepreneur capitaliste comme force
d’impulsion économique au centre
de son analyse et considère les crises
comme des phases inévitables de
régénération des structures.
Définir la croissance
On peut définir la croissance comme l’augmentation
soutenue, pendant une période longue, de la pro-
duction d’un pays. C’est-à-dire la création de biens et
de services habituellement échangés sur un marché
et/ ou obtenus à l’aide de facteurs de production
s’échangeant sur un marché.
L’augmentation de la richesse créée n’est un témoi-
gnage de croissance que si elle résulte d’un change-
ment dans les conditions de production, et non d’un
événement extérieur ponctuel. Il faut donc que le
mouvement ascendant soit durable et non aléatoire.
La croissance économique se mesure par le taux de
croissance du produit intérieur brut (PIB). Ce dernier
est la somme des valeurs ajoutées réalisées en un an
par les agents économiques résidant dans un pays.
Dans le PIB, on comptabilise également la valeur
des services rendus par les administrations en les
évaluant à leurs coûts de fonctionnement.
Les origines de la croissance
La croissance étant l’augmentation de la produc-
tion, il faut, pour en trouver les origines, se tourner
vers ce qui est nécessaire pour produire : le travail
et le capital. On parle de croissance extensive
lorsqu’elle est obtenue principalement par l’aug-
mentation des facteurs mis en œuvre. Ainsi, si la
population active occupée s’accroît, la croissance
peut en être favorisée. De même, un accroissement
du stock de capital (investissement) utilisé peut
être générateur de croissance. En revanche, la
croissance intensive découle d’une utilisation plus
efficace du travail ou du capital. Ce modèle de crois-
sance suppose une amélioration de la qualification
de la main-d’œuvre et des progrès organisationnels
et/ ou une amélioration de l’efficacité du capital.
La principale source de croissance réside dans la
hausse de la productivité du travail, c’est-à-dire
de l’efficacité du travail.
La productivité du travail augmente sous l’effet de
trois facteurs :
– l’accumulation du capital productif, c’est-à-dire
l’accroissement du stock de capital utilisé pour la
production. En effet, la production est plus efficace
si elle est accompagnée d’un flux d’investissement
régulier et soutenu qui permette d’intégrer le
progrès technique. Cela se traduit par une aug-
mentation de la valeur du capital utilisé par poste
de travail (coefficient d’intensité capitalistique) ;
– une spécialisation accrue, qui s’est traduite, his-
toriquement par la mise en place d’une division du
travail poussée, d’une organisation de la production
performante et d’une meilleure qualification de la
main-d’œuvre ;
– le progrès technique et l’innovation. Très difficile
à mesurer, le progrès technique peut se définir
comme l’ensemble des innovations entraînant une
transformation ou un bouleversement des modes
de production, de l’organisation du travail, des pro-
duits, des marchés et des structures de l’économie.
Pour l’essentiel, le rythme d’apparition du progrès
technique est largement corrélé à l’intensité des
dépenses de recherche-développement. L’innovation
favorise la croissance car elle permet aux entreprises
de dégager des gains de productivité et d’investir
davantage, de proposer des produits nouveaux et de
MOTS CLÉS
La croissance économique constitue l’objectif principal de
toute politique économique. Agir sur cette croissance sup-
pose de pouvoir la définir avec précision et de cerner ses
sources. Mais cet objectif de croissance comporte également
des limites, notamment écologiques, qui imposent aujourd’hui
d’en redéfinir les bases.
CAPITAL PRODUCTIF
Ensemble des moyens techniques
(machines, outils, moyens de
transport…) mis en œuvre par
une entreprise pour assurer sa
production.
COEFFICIENT D’INTENSITÉ
CAPITALISTIQUE
Quotient de la valeur des équipe-
ments techniques d’une entreprise
rapportée au nombre de salariés
à temps plein. Mesure la valeur
moyenne d’un poste de travail
et augmente en fonction de la
tendance engendrée par l’automa-
tisation, sur une longue période.
DÉVELOPPEMENT DURABLE
Notion théorisée par la commis-
sion Brundtland de l’ONU, en 1987.
Implique de ne pas gaspiller les res-
sources naturelles et de préserver
l’environnement pour que les géné-
rations futures disposent encore des
moyens de satisfaire leurs besoins.
PIB
Produit intérieur brut, principal
agrégat de la Comptabilité natio-
nale. Mesure la valeur de la pro-
duction d’un pays en une année. Se
calcule en additionnant la valeur
ajoutée créée par l’ensemble des
agents économiques résidents
dans un pays. Se décompose en PIB
marchand et PIB non marchand.
POPULATION ACTIVE
Ensemble des actifs occupant un
emploi rémunéré ou cherchant à
en exercer un. Notion qui recouvre
l’offre de travail dont dispose un pays.
PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL
Rapport entre la production réali-
sée et la quantité de travail utilisée.
Peut se calculer « par tête » ou par
heure (productivité horaire).
VALEUR AJOUTÉE
Mesure la contribution propre
d'une entreprise à la création de
richesses. Se calcule en soustrayant
du chiffre d’affaires le total des
consommations intermédiaires
utilisées par l’entreprise, c’est-à-
dire les achats de biens non du-
rables et de services à d’autres
entreprises.
Sources et limites de la croissance
Les embouteillages, les deux facettes de la croissance :
abondance et perte de temps.
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