2. La stagnation séculaire

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La stagnation séculaire
Ralentissement de la croissance et des gains de
productivité depuis les années 80 + faiblesse de
la reprise après crise de 2008→ Retour du
thème de la stagnation séculaire;
Première formulation du concept en 1939 par Alvin
Hansen:
Division par 2 de la croissance démographique et
ralentissement des gains de productivité étaient
invoqués pour expliquer cette prévision.
I. Les craintes d’une stagnation
séculaire
I.
Les évolutions de la croissance et de
la productivité.
Constats préoccupants car:
Croissance du PIB par tête tend vers 0 à
long terme si le progrès technique ne
génère pas des gains de productivité
(travaux théoriques de R.Solow sur la
croissance économique dans les années
50).
II. Les explications de la stagnation
séculaire
Les analyses mettent en avant des facteurs liés à l’offre et
à la demande.
►Les analyses de Gordon en termes d’épuisement du
progrès technique.
-Innovations 1° révolution industrielle => Gains de
productivité pendant 1 siècle;
-Innovations 2° révolution industrielle => Gains de
productivité pendant 80 ans;
- Innovations 3° révolution industrielle => Gains de
productivité pendant 8 ans (1996-2004).
Les gains de productivité potentiels des NTIC auraient déjà
été tirés.
A l’inverse de la révolution des NTIC, les innovations des
deux premières révolutions industrielles ont été
multidimensionnelles (innovations en grappes).
Elles ont irrigué l’ensemble des économies du côté de
l’offre et de la demande;
Les innovations des NTIC ont certes permis l’émergence
de l’informatique et des robots dans la production mais
l’essentiel est aujourd’hui destiné à la communication et
aux divertissements. L’impact sur la productivité est
limitée.
Les deux premières révolutions industrielles ont cueilli les
fruits les plus faciles à récolter et aujourd’hui rien ne
nous permet de penser que nous sommes face à un
potentiel de progrès futurs aux effets d’entraînement
aussi importants.
Ces perspectives sont inquiétantes dans la mesure où
l’économie américaine devra affronter les écueils
suivants:
- Écueil démographique: Vieillissement de la population,
les retraités ne sont pas remplacés;
- Mauvaise qualité de l’enseignement secondaire: % des
jeunes possédant un diplôme secondaire passé de 10 à
80% entre 1970 et 1990, depuis il a baissé à 74%
Coûts très élevés de l’enseignement supérieur =>
Ralentissement de l’investissement en capital humain =>
ralentissement des gains de productivité
- La hausse des inégalités inégalités équivalentes à
celles du début du siècle. Pèsent sur la consommation et
les investissements en capital humain.
- Augmentation des contraintes environnementales qui
pèseront sur les coûts;
- Les administrations publiques endettées: crainte d’une
hausse future de la fiscalité défavorable à la demande et
à l’investissement.
Au final, ralentissement de l’innovation + six
« vents contraires » => le taux de
croissance annuel moyen de ces
prochaines décennies pour les 99 % des
ménages américains les moins aisés
s’établira, à 0,2 % soit le rythme
tendanciel des siècles qui ont précédé la
première révolution industrielle.
► L’analyse de Lawrence Summers en termes
d’insuffisance de la demande.
Analyse d’inspiration keynésienne.
Il y aurait un excès d’épargne par rapport aux
investissements que les entreprises veulent réaliser.
Selon les libéraux cela doit déboucher sur une baisse des
taux d’intérêt qui doit déclencher une hausse de
l’investissement.
Or si les taux sont effectivement faibles, l’investissement
ne repart pas.
L’explication principale vient de l’accroissement des
inégalités.
La croissance profite aux détenteurs des revenus
les plus élevés.
Or leur propension à consommer les hausses de
revenus est plus faible aux pour les classes
moyennes et populaires.
L’épargne augmente mais comme la demande ne
progresse pas suffisamment les entreprises
n’investissent pas.
Sans changement radical dans la répartition des
revenus ou dans la politique économique,
l’économie s’enfonce dans un cercle vicieux.
Les analyses de D.Cohen
Lors des deux premières révolutions industrielles, les
enchaînements étaient les suivants:
Innovations
Gains de
productivité
croissance
Créations
d’emplois
Avec les NTIC la séquence devient la suivante
Innovations
Destruction
d’emplois
Fragilisation
des
catégories
populaires
Ralentissement
de la demande
Les effets pervers de la financiarisation de
l’économie
Analyse qui permet d’expliquer les origines des
ralentissements des gains de productivité et de la
demande
Captation d’une part +
importante du capital humain +
hausses des inégalités
Exigences de
rentabilité du
capital
Absorption
d’une part +
importante
de la valeur
ajoutée
Baisse des
gains de
productivité
Investissements
pénalisés
Globalisation financière
II. Les critiques du scénario de
stagnation séculaire
Critiques focalisées surtout sur les analyses du
ralentissement du progrès technique de Gordon.
En effet, les analyses alternatives mettent en
avant des mécanismes qui pourraient être
aisément corrigés via certaines réformes
institutionnelles (notamment celles qui viseraient
à mieux encadrer la finance) ou réorientation
des politiques économiques (remise en cause
des politiques de rigueur comme nous aurons
l’occasion de l’exposer plus loin).
Le ralentissement du progrès technique est un
mythe
Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee nous ne serions à
l’aube d’une révolution technologique extraordinaire, aux
effets très importants sur la dynamique de l’innovation ,
car la révolution digitale nous permet de démultiplier de
plus en plus vite notre capital intellectuel qui est le nerf
de l’innovation le plus sensible.
On peut également évoquer l’apparition de nouveaux
matériaux aux propriétés mécaniques très intéressantes.
La capacité d’innovation deviendrait donc exponentielle au
cours du temps, et il en sera ainsi également des effets
de cette nouvelle révolution industrielle sur tout le
système économique et la société.
Un problème de mesure selon P.AGHION
Au niveau microéconomique les gains potentiels permis
par les NTIC sont réels.
Pourquoi ne constate-t-on pas de gains au niveau
macroéconomique?
La productivité est mesurée grâce aux données de la
comptabilité nationale
Productivité du travail = Somme des valeurs ajoutées/
Nombre d’heures de travail
Si les entreprises ne fonctionnent pas à l’optimum de leurs
capacités de production, la productivité réelle est
inférieure à la productivité maximale potentielle.
Ces problèmes de mesure sont amplifiés par le
phénomène de destruction créatrice: de nouveaux
produits remplacent les anciens sans que l’amélioration
qualitative soit traduite dans les prix et ce d’autant plus
qu’il y a une forte concurrence sur les marchés des
produits.
En résumé selon Aghion et d’autres, le potentiel de
croissance de la productivité et de la production permis
par le progrès technique est bien là mais les structures
économiques actuelles et les politiques menées ne sont
pas adaptées pour en tirer tous les bienfaits.
On ne sait pas par ailleurs mesurer l’accroissement de la
productivité potentielle.
Le creusement des inégalités consécutif au
progrès technique est bien réel mais il est
temporaire.
Les innovateurs disposent d’un capital humain très élevé et
ils sont finalement peu nombreux. Lorsque leurs
innovations s’imposent sur le marché, ils sont finalement
assez peu nombreux à profiter. Il est donc normal que
l’on observe une hausse des inégalités. Loin d’être un
symptôme de stagnation à long terme c’est au contraire
la conséquence du progrès technique intense.
A long terme, les processus concurrentiels érodent les
rentes de situation (ou rentes de monopoles) des
innovateurs. Des politiques plus favorables à la
croissance économique sont susceptibles d’accélérer le
processus pour que les effets du progrès technique
profitent réellement au plus grand nombre.
Conclusion
Ce débat est salutaire.
L’hypothèse d’un ralentissement durable du
progrès technique est excessive mais il est
indéniable que les effets d’entraînements de la
3° révolution industrielle sont pour l’instant
décevants. En particulier, on peut relever que
l’efficacité énergétique dans la production
stagne depuis les années 60.
Or il est indubitable qu’il coutera de plus en plus
pour accéder aux réserves d’hydrocarbure au
cours du siècle à venir.
Les conséquences sont claires : des efforts
intenses de recherche et développement doivent
être entrepris, principalement en Europe où le
retard accumulé depuis le début des années
2000 est inquiétant. Les stimulations du marché
ne suffiront pas pour obtenir des résultats
tangibles.
Les progrès nécessaires nécessitent des
investissements qui ne seront rentables qu’à
très long terme, horizon incompatible avec les
contraintes de rentabilisation du capital privé.
Les politiques publiques doivent en
conséquences être plus dynamiques dans
ce domaine : adoption de politiques
fiscales plus incitatives (principalement en
France où le CIR est totalement inepte et
bien entendu inefficace), subventions
publiques importantes, ce qui suppose de
s’affranchir du dictat de l’équilibre des
finances publiques.
Les potentialités du progrès technique se
transforment en bien être accru sous certaines
conditions qui mettent en jeu tous les ressorts
de la régulation économique et sociale :
- La finance internationale doit être maîtrisée pour
fonctionner réellement au profit de l’économie
réelle. Tout doit être fait pour encourager les
investissements à long terme au détriment des
flux de capitaux spéculatifs à court terme. A côté
des politiques fiscales incitatives, sans doute
faudra-t-il prévoir de taxer davantage les
capitaux spéculatifs à court terme. Un sujet
sensible et sans doute un des plus difficiles à
traiter est incontestablement celui des paradis
fiscaux qui limitent la capacité d’intervention et
d’investissement des états.
- Les effets délétères du progrès technique sur
l’emploi à court terme ne peuvent être ignorés.
Ils laissent sur le « carreau » des franges
entières de la population. Des progrès sont
indispensables dans le sens d’une sécurisation
des parcours des individus : investissements en
formation initiale et continue, maintiens des
allocations chômage, accompagnement en
profondeur des individus en reclassement. Là
aussi, s’il n’est pas interdit de rechercher le
meilleur rapport qualité/prix la volonté de faire
des économies ne doit pas primer.
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