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Les transactions économiques nécessitent une infrastructure de transport particulière
permettant de relier l’offre et la demande de biens et de services. Le bon fonctionnement
d’une économie implique un niveau de trafic de marchandises et de personnes permettant la
réalisation de ces différentes transactions (Orus, 1997 ; Fritsch, 1995). Toute croissance
économique a donc besoin de trafic et sans trafic il n’y a pas d’échanges sur le marché des
biens et des services. Ces différentes liaisons entre trafic et croissance peuvent être
modélisées et traitées de point de vue économétrique. L’analyse implique l’utilisation de
séries longues appelées «séries temporelles» nécessitant un traitement économétrique
particulier. L’analyse de la coïntégration, par exemple, a pour avantage l’identification de la
véritable relation entre deux variables en recherchant d’abord l’existence éventuelle d’un
vecteur d’intégration et en éliminant ensuite son effet (Engle et Granger, 1983 et 1987).
La mesure la plus judicieuse des bénéfices induits par les infrastructures de transport ne
réside pas dans l’évaluation de la part de la production ou de la productivité imputable aux
dépenses correspondantes (Garcia Milà et al., 1996). D’abord parce que ces infrastructures ne
constituent qu’une partie d’un stock de capital beaucoup plus vaste et englobant de nombreux
biens privés (comme le parc automobile). Ensuite parce qu’une grande partie de leurs effets
transite par les gains de temps induits par la construction et l’amélioration des réseaux. Ces
gains de temps résultent à la fois d’une décongestion du réseau traditionnel, de
l’accroissement des vitesses moyennes sur les nouvelles infrastructures, ou encore des progrès
techniques liés généralement au secteur des transports (Lafourcade, 1999).
Partant de là, nous proposons d’étudier la relation entre les transports et la croissance
économique et démographique en Tunisie depuis les années 1960. Notre ambition est aussi de
nous inscrire dans une approche cliométrique permettant d’accéder à une certaine historicité
de trafic en Tunisie « …il s’agit désormais d’établir les conditions d’un troc efficace qui
permettrait la fusion entre l’histoire et l’économie »3. Cette approche cliométrique permet la
combinaison de certaines variables de natures différentes et apporte ainsi une série
d’éclairages et une nouvelle interprétation économique de quarante ans d’histoire de l’activité
économique et de trafic de marchandises et de voyageurs en Tunisie.
Dans un premier temps, nous présentons les sources statistiques des données utilisées et
les différentes variables caractérisant la sphère économique, celle des transports et celle de la
population. Dans un second temps, nous formulons le modèle empirique sujet d’étude en
respectant les étapes théoriques nécessaire. Enfin, dans un troisième temps nous apportons
quelques interprétations sur la dynamique du système de transport tunisien et son lien à la
croissance économique et démographique. Nos interprétations partent d’une étude de la
causalité, des résultats des chocs effectués sur les variables (fonctions de réponse
impulsionnelles) et d’une décomposition de la variance. Comment les transports influencent-
ils la croissance économique et démographique ? Le trafic est-t-il sensible aux mutations
structurelles de l’économie ? Peut-on parler d’un effet de retour de la croissance économique
et démographique sur les politiques des transports ? Si ces effets existent, quels sont les
mécanismes régulateurs de cette « boucle rétroactive » s’exerçant entre les investissements
dans le domaine de transport, le trafic des personnes et des marchandises et la croissance
économique et démographique ?
3Diebolt C., 2001, « Présentation de l’Association Française de Cliométrie » p. 1 et Diebolt C., 2005, « La
Cliométrie se rebiffe ». Le lecteur intéressé trouvera tous les détails sur le site web de l’AFC :
http://www.cliometrie.org.