Revue AH n°188 octobre 2005
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et devront varier de manière constante et vivante. En chrétienté, ce n’est plus la
norme dans une compréhension univoque qui mérite le respect, mais la Parole
toujours neuve et parfois inattendue que, dans la marche avec le Christ,
nous adresse l’Esprit Saint. Nous pressentons à ce point de notre itinéraire
combien la question devient grave : considérons-nous la Bible, voire les écrits du
Magistère, dans la sphère de l’épanouissement et du bonheur des personnes et
des groupes comme des règles à transmettre, à imposer, à intégrer comme
indiscutablement normatives dans leur expression, ou bien considérons-nous
que la vie à la suite de Jésus est une activité créatrice, en recherche de
nouvelles incarnations pour dire aujourd’hui les exigences de toujours mais qui
se ramènent toutes à ceci : est-ce que dans les choix élus par ma conscience
j’humanise le plus possible l’homme – moi et les autres -, je christianise le mieux
possible le croyant – moi et mes communautés de foi -, j’engendre, au maximum
de mon discernement et de mes capacités, du vivant ? Il n’est pas de notion plus
éthique, et donc plus évangélique, que cette perspective : avoir la vie, donner de
la vie en abondance, en faisant le choix à travers les conflits les plus complexes
de ce que Dieu lui-même propose à l’homme ; «
Vois, je mets aujourd’hui devant
toi la vie et le
bonheur
… » (Dt 30, 15).
De l’application de recettes à une liberté responsable
Après avoir tenté d’esquisser le nouveau cadre éthique dans lequel doit
désormais s’exercer la conscience, il reste à considérer la difficulté majeure :
comment peut-on, dans la complexité des valeurs en cause, discerner avec
justesse, décider sans remords, et surtout mettre en œuvre courageusement
l’option choisie ? L’éthique sen effet ne permet pas de rêver, elle contraint à
faire et ce, nous l’avons dit, sans les sécurités – abusives mais reposantes pour
l’esprit – que nous offraient il y a peu de temps encore les recettes qui privaient
trop de consciences inquiètes de leur liberté singulière.
Permanence de la loi de Dieu vécue en Eglise
La première conversion, s’imposant comme base d’une éthique responsable, est
double.
D’abord tenir que la loi reçue de Dieu, ses commandements (interdits et
impératifs) demeurent des normes fondatrices ayant prix en tout temps et tout
lieu comme principes de l’idéal humain, comme le plus parfait universel à
rejoindre autant qu’il est possible. Mais l’idéal rêvé ne trouve pas son
incarnation intégrale dans le réel. Il est cet horizon vers lequel doivent se
porter le regard et le désir dans l’humilité de ne pouvoir l’atteindre. Du moins
doit-il toujours être pris en compte par une conscience qui se prétend éclairée,
lucide, en vérité face à elle-même. La vie, l’amour, la mort qui sont les enjeux
quotidiens de la pastorale de la santé et où la dignité humaine est profondément
engagée, obligent le croyant au regard qui est celui de son propre Créateur. Ce
que nous soulignons d’ailleurs ici des préceptes bibliques au sens strict vaut
également pour toute l’Ecriture. Ce lieu premier d’une morale qui se veut
théologique, et donc chrétiennement éthique, ne peut être ignoré et doit même
faire l’objet d’une réflexion, d’une méditation, d’une intériorisation exigeante. A
cela, il est tout aussi essentiel d’ajouter que cette parole de Dieu adressée à
l’homme passe aussi par la lecture qu’en fait l’Eglise, communauté vivant de
cette parole, qui y fonde sa foi et y trouve son épanouissement et sa joie. En
somme, on ne peut oublier – en chrétienté catholique – que le message biblique
pour être vécu amoureusement et donc « justement », a deux sources. Le Père